smart syndrome : à propos d’un cas d’une complication rare après radiothérapie cérébrale...

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Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 295–301 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Cas clinique SMART Syndrome : à propos d’un cas d’une complication rare après radiothérapie cérébrale et revue de la littérature SMART Syndrome: Case report of a rare complication after cerebral radiation therapy P. Truntzer a,, A. Monjour b , C. Gaultier b , G. Ahle b , F. Guillerme c , G. Boutenbat c , B. Stilhart d , P. Salze a , D. Atlani c a Service de radiothérapie, centre Paul-Strauss, 3, rue de la Porte-de-l’Hôpital, 67065 Strasbourg cedex, France b Service de neurologie, hôpital Pasteur-Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68024 Colmar cedex, France c Service de radiothérapie, hôpital Pasteur-Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68024 Colmar cedex, France d Service de neurochirurgie, hôpital Pasteur-Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68024 Colmar cedex, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Rec ¸ u le 9 mars 2012 Rec ¸ u sous la forme révisée le 26 mars 2012 Accepté le 28 mars 2012 Mots clés : SMART syndrome Réversible Effet tardif Radiothérapie Tumeur cérébrale r é s u m é Les auteurs rapportent l’observation d’une femme de 71 ans qui a souffert sept ans après une irradiation cérébrale d’un glioblastome pariéto-occipital gauche d’un stroke-like migraine attacks after radiotherapy syndrome (SMART syndrome), une complication rare, caractérisée par l’apparition de déficits neuro- logiques réversibles dans un contexte de migraine, survenant après une radiothérapie cérébrale. Les examens complémentaires sont le plus souvent normaux en dehors d’une prise de contraste gyriforme non systématisée, transitoire, sur l’IRM. Ce cas clinique permet de faire le point sur la présentation cli- nique, iconographique et évolutive de ce syndrome et de discuter celui-ci à la lumière des données de la littérature. © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: SMART syndrome Reversible late effect Radiation therapy Brain tumour a b s t r a c t The authors report a 71-year-old woman case who developed, 7 years after a cerebral radiation therapy for a parietooccipital glioblastoma, a stroke-like migraine attacks after radiotherapy syndrome (SMART syndrome), a rare complication characterized by reversible neurologic deficits with migraine described after cerebral irradiation. Transient gyriform reversible enhancement is found on MRI during crises. This case report allows discussing the clinical, iconographic presentation and the clinical outcome of this syndrome at the light of the literature publication. © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction L’amélioration des traitements des tumeurs cérébrales a pour résultat une augmentation de la survie globale des patients. L’apparition de nouveaux symptômes neurologiques est souvent annonciatrice d’une récidive tumorale. Lorsque ce diagnostic est écarté, ces symptômes sont souvent imputables aux effets secondaires du traitement initial. Les complications de l’irradiation Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Truntzer). du système nerveux central à long terme les plus redoutées sont la leucoencéphalopathie radique progressive avec déficit cognitif et la radionécrose focale [1,2]. Nous rapportons le cas d’une patiente souffrant sept ans après une radiothérapie cérébrale d’une symp- tomatologie neurologique transitoire et réversible évoquant un stroke-like migraine attacks after radiotherapy syndrome (SMART syndrome) [3]. 2. Cas clinique En 2001, la patiente âgée de 64 ans, droitière, aux antécédents de migraine était adressée pour bilan de crise d’épilepsie partielle. 1278-3218/$ see front matter © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2012.03.009

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Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 295–301

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

as clinique

MART Syndrome : à propos d’un cas d’une complication rare après radiothérapieérébrale et revue de la littérature

MART Syndrome: Case report of a rare complication after cerebral radiation therapy

. Truntzera,∗, A. Monjourb, C. Gaultierb, G. Ahleb, F. Guillermec, G. Boutenbatc, B. Stilhartd, P. Salzea,. Atlanic

Service de radiothérapie, centre Paul-Strauss, 3, rue de la Porte-de-l’Hôpital, 67065 Strasbourg cedex, FranceService de neurologie, hôpital Pasteur-Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68024 Colmar cedex, FranceService de radiothérapie, hôpital Pasteur-Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68024 Colmar cedex, FranceService de neurochirurgie, hôpital Pasteur-Colmar, 39, avenue de la Liberté, 68024 Colmar cedex, France

n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ec u le 9 mars 2012ec u sous la forme révisée

e 26 mars 2012ccepté le 28 mars 2012

ots clés :MART syndromeéversibleffet tardifadiothérapieumeur cérébrale

r é s u m é

Les auteurs rapportent l’observation d’une femme de 71 ans qui a souffert sept ans après une irradiationcérébrale d’un glioblastome pariéto-occipital gauche d’un stroke-like migraine attacks after radiotherapysyndrome (SMART syndrome), une complication rare, caractérisée par l’apparition de déficits neuro-logiques réversibles dans un contexte de migraine, survenant après une radiothérapie cérébrale. Lesexamens complémentaires sont le plus souvent normaux en dehors d’une prise de contraste gyriformenon systématisée, transitoire, sur l’IRM. Ce cas clinique permet de faire le point sur la présentation cli-nique, iconographique et évolutive de ce syndrome et de discuter celui-ci à la lumière des données de lalittérature.

© 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tousdroits réservés.

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a b s t r a c t

The authors report a 71-year-old woman case who developed, 7 years after a cerebral radiation therapy

MART syndromeeversible late effectadiation therapyrain tumour

for a parietooccipital glioblastoma, a stroke-like migraine attacks after radiotherapy syndrome (SMARTsyndrome), a rare complication characterized by reversible neurologic deficits with migraine describedafter cerebral irradiation. Transient gyriform reversible enhancement is found on MRI during crises. Thiscase report allows discussing the clinical, iconographic presentation and the clinical outcome of thissyndrome at the light of the literature publication.

© 2012 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All

. Introduction

L’amélioration des traitements des tumeurs cérébrales a pourésultat une augmentation de la survie globale des patients.’apparition de nouveaux symptômes neurologiques est souvent

nnonciatrice d’une récidive tumorale. Lorsque ce diagnosticst écarté, ces symptômes sont souvent imputables aux effetsecondaires du traitement initial. Les complications de l’irradiation

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Truntzer).

278-3218/$ – see front matter © 2012 Société française de radiothérapie oncologique (Sttp://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2012.03.009

rights reserved.

du système nerveux central à long terme les plus redoutées sont laleucoencéphalopathie radique progressive avec déficit cognitif etla radionécrose focale [1,2]. Nous rapportons le cas d’une patientesouffrant sept ans après une radiothérapie cérébrale d’une symp-tomatologie neurologique transitoire et réversible évoquant unstroke-like migraine attacks after radiotherapy syndrome (SMARTsyndrome) [3].

2. Cas clinique

En 2001, la patiente âgée de 64 ans, droitière, aux antécédentsde migraine était adressée pour bilan de crise d’épilepsie partielle.

FRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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ig. 1. IRM préopératoire (septembre 2001) : séquence T1 injectée mettant en évideur la séquence Flair.reoperative MRI (September 2001) showing a left parietooccipital lesion enhanced aft

’IRM initiale (septembre 2001) retrouvait une formation tumoraleariéto-occipitale gauche volumineuse, de 3 cm de grand axe, avecdème périphérique (Fig. 1). Il était noté un effet de masse, pre-

ant le contraste après injection de gadolinium. En octobre 2001,a patiente avait bénéficié d’une exérèse partielle de la tumeur.’examen anatomopathologique concluait à un glioblastome. De

ovembre 2001 à janvier 2002, la patiente a rec u une irradiationxterne conformationnelle tridimensionnelle selon les recomman-ations du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) : 46 Gy à

Fig. 2. Dosimétrie de l’irrad

Dosimetry of the postope

ne lésion pariéto-occipitale gauche prenant le contraste avec œdème en périphérie

olinium administration.

raison de cinq séances de 2 Gy par semaine dans le premier volumecible prévisionnel (PTV1) correspondant au premier volume cibleanatomoclinique (CTV1, défini par le lit tumoral, l’œdème perilé-sionnel et une marge de 2 cm) et une marge de 3 mm, puis uncomplément de 14 Gy en sept fractions de 2 Gy à raison de cinqséances hebdomadaires pour une dose totale de 60 Gy dans le

second volume cible prévisionnel (PTV2), correspondant au secondvolume cible anatomoclinique (CTV2, lit tumoral avec une margede 2 cm) et une marge de 3 mm. La dose a été prescrite au point

iation postopératoire.

rative irradiation.

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P. Truntzer et al. / Cancer/Radiothérapie 16 (2012) 295–301 297

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ig. 3. IRM (septembre 2002) : séquence T1 après injection de gadolinium, Flair, enu lit opératoire.RI (September 2002): glioblastoma failure in front of operative bed.

e l’International Commission on Radiation Units and Measure-ents (ICRU). Cette irradiation a été réalisée par cinq faisceaux de

5 MV issus d’un accélérateur linéaire (Fig. 2). Concomitamment, laatiente a rec u deux cycles de chimiothérapie par BCNU (carmus-ine). Cette chimiothérapie a été poursuivie après la radiothérapieour un total de cinq cures jusqu’en juillet 2002.

En juillet 2002, l’IRM cérébrale de réévaluation a mis en évidencene formation nodulaire prenant le contraste après injection deadolinium a la partie antérieure de la cavité opératoire en faveur’une reprise évolutive du glioblastome (Fig. 3). Une chimiothéra-ie de seconde ligne par témozolomide a été administrée pour unotal de 24 cures jusqu’en février 2005. En août 2005, la patiente

souffert de céphalées matinales avec des troubles de l’équilibre.’IRM a mis en évidence des prises de contraste ponctiformes auiveau de la cicatrice opératoire, suggérant une reprise évolutiveFig. 4).

Une chimiothérapie de troisième ligne par carboplatine et éto-oside a été débutée pour un total de sept cures jusqu’en mai 2006.

l n’était pas noté d’aggravation de l’imagerie mais une aggravationes troubles de l’équilibre, qui a été attribuée à la neurotoxicité

u carboplatine. Une quatrième ligne par procarbazine et thio-hépa a été administrée sans amélioration clinique ni radiologique,

ais avec une toxicité hématologique leucocytaire et plaquettairee grade 4, conduisant à l’arrêt définitif de la chimiothérapie en

e transversale coronale et frontal montrant une récidive du glioblastome en avant

novembre 2006. Les signes neurologiques séquellaires consistaienten des troubles de l’équilibre et une discrète hémiparésie droite.

En 2008, la patiente a vu se développer des épisodesd’hémiplégie droite avec une aphasie. Ces troubles évoluaientde manière paroxystique dans un contexte de céphalées hémi-crâniennes gauche. Ces épisodes duraient 30 minutes avec unesymptomatologie complètement réversible. De multiples IRM etEEG (électroencéphalogramme) ont été réalisés après les crises etse sont révélés normaux, à l’exception des stigmates chirurgicaux.Malgré une adaptation successive du traitement antiépileptique,la patiente n’a noté d’amélioration des crises ni en termes de fré-quence, ni en termes de symptômes.

En novembre 2010 et mars 2011, la patiente a été hospitaliséepour deux nouveaux épisodes paroxystiques, avec la même symp-tomatologie mais avec une récupération plus lente de l’hémiplégiedroite, obligeant celle-ci à se déplacer en fauteuil roulant. Le bilanbiologique était normal en dehors d’une protéine C-réactive (CRP)légèrement augmentée à 11 mg/L. L’analyse du liquide céphalora-chidien retrouvait une hyperprotéinorachie isolée a 0,67 g/L sansanomalie de l’électrophorèse des protéines. À l’EEG, une nette

asymétrie au dépens de l’hémisphère gauche avec un ralentis-sement diffus était mise en évidence, mais sans signe de crised’épilepsie, ni d’état de mal épileptique. L’IRM réalisée en mars2011, 48 heures après une crise, mettait en évidence des prises
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Fig. 4. IRM (août 2005) : séquence T1 après injection de gadolinium retrouvant une récidive sous forme de lésions punctiforme de la région pariétale gauche présentant unhM ressio

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eédilte

ypersignal.RI (August 2005): left parietal punctiform enhancement suggesting glioblastoma prog

e contraste punctiformes pariéto-rolandique et occipitale gaucheprès injection de gadolinium avec un hypersignal en séquencelair de cette région, sans signes d’évolution ni de taille, et’aspect comparable aux IRM réalisées depuis 2007 (Fig. 5). Laéquence de spectrométrie et les séquences de diffusion étaientormales. Il n’y avait pas de lésion ischémique. Une artériogra-hie cérébrale a été réalisée et a été considérée comme normale.ne tomographie par émission de positons (TEP)-scanographieu (18F)-fluorodésoxyglucose (18FDG) retrouvait un hypométabo-isme discret de la région pariéto-occipitale gauche (Fig. 6), enelation avec les antécédents chirurgicaux.

Une biopsie chirurgicale cortico-souscorticale pariétale gauchet de la dure-mère a été réalisée en mai 2011 : les résultatstaient en faveur d’un remaniement fibreux de la dure-mère et’un remaniement vasculaire avec des foyers de nécrose présumée

schémique sans cellules malignes. À noter que devant l’évolutionente de la maladie chez cette patiente, atypique pour un glioblas-ome, une relecture des lames de la biopsie initiale a été demandéen 2009 et elle confirmait le diagnostic initial. L’évaluation

n.

neuropsychologique n’a pu être faite car la patiente était atteinted’une presbyacousie et d’une baisse de l’acuité visuelle en rapportavec un trou maculaire gauche diagnostiqué en 2009. Le traite-ment a consisté en l’adaptation du traitement antiépileptique avecintroduction de topiramate à la dose de 25 mg/j en substitution del’oxcarbazépine en plus du lévétiracétam, à la dose de 1000 mg deuxfois par jour. La patiente a alors observé une récupération partiellede la symptomatologie.

Devant l’absence d’argument en faveur d’une récidive tumorale,la négativité du bilan étiologique et la symptomatologie neuro-logique évoluant de manière paroxystique avec récupération desdéficits neurologiques chez une patiente aux antécédents de radio-thérapie cérébrale, le diagnostic de SMART syndrome a été retenu.

3. Discussion

En 1995, Schupper et al. ont décrit pour la première foisquatre cas d’enfants souffrant dans les mois qui ont suivi uneirradiation cérébrale, d’épisodes de déficits neurologiques réver-

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Fig. 5. IRM (mars 2011) : séquence T1 après injection de gadolinium en coupe coronale et transversale retrouvant une prise de contraste punctiforme de la région pariéto-oM

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ccipitale gauche avec rehaussement en séquence Flair.RI (March 2011): after a SMART episode showing no new abnormalities.

ibles en moins d’une heure dans un contexte de migraines [4].’irradiation a avait été délivrée dans l’ensemble de l’encéphalevec un complément dans la fosse postérieure portant la dose totaleans ce volume de 54 à 55 Gy. Au décours de ces crises, les explo-ations complémentaires réalisées n’ont pas retrouvé de signe enaveur d’une récidive tumorale, ni d’infection, d’épilepsie ou deascularite. Pour trois de ces enfants, une angiographie cérébraleéalisée au décours des crises s’est révélée normale, mais a déclen-hé un nouvel épisode de migraines déficitaires avec récupérationn quelques heures. Shuper et al. ont conclu à des pseudo-migrainesompliquées comme un effet secondaire de la chimioradiothérapie.

En 2000, Fridenberg et Dockic ont décrit le cas d’une patientee 51 ans, souffrant 21 ans après la radiothérapie d’un lymphome

alin non hodgkinien B de l’os occipital gauche de migraines

ompliquées d’épisodes de confusion, d’une hémianopsie latéraleauche homonyme et d’une crise d’épilepsie généralisée avec récu-ération en six semaines. Les examens complémentaires ont mis en

évidence un ralentissement postérieur droit à l’EEG, sans signe decrise d’épilepsie. L’IRM retrouvait une prise de contraste gyriformedu cortex pariéto-occipitotemporal postérieur droit en séquenceT1 après injection, sans atteinte vasculaire ni signe de récidivetumorale. Cette image n’a pas été retrouvée sur une IRM de contrôlesix mois après l’épisode. Le diagnostic de migralepsy a été retenu [5].

Ce n’est qu’en 2003, que Bartleson et al. ont décrit cette symp-tomatologie qui associe des migraines avec déficit neurologiqueréversible, survenant des années après une irradiation cérébrale,associés à une prise de contraste gyriforme sur l’IRM en séquenceT1 après injection, aussi réversible, en dehors de toute récidivetumorale, cause vasculaire infectieuse ou épilepsie. Ces signes ontalors été considérés comme un effet secondaire tardif de la radio-

thérapie et les auteurs lui ont donné le nom de SMART syndrome[3].

Depuis leur première description en 1995 et jusqu’à ce jour,25 cas s’apparentant à un SMART syndrome ont été décrits dans

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Fig. 6. Tomographie par émission de positons (TEP)-scanographie au (18F)-fl(

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irradiée, qui étaient présentes avant les épisodes de SMART syn-drome, ne correspondant pas aux prises de contrastes gyriformesdécrites dans la littérature, où il était retrouvé un élargissementdes gyri de manière non systématisée. Lors des hospitalisations,

Tableau 1Diagnostics différentiels des troubles neurologiques réversibles avec IRM anormaleselon Bartleson et al. [3].Differential diagnosis of transient spells with MRI abnormalities described by Bartlesonet al. [3].

SMART syndromeMigraine hémiplégique familiale ou sporadiquePRESMELASÉtat de mal épileptiqueMéningoencéphaliteVasculariteCADASILVasculopathie postradique

uorodésoxyglucose (avril 2011) : hypoperfusion pariéto-occipitale gauche.18F)-fluorodeoxyglucose PET CT: left parietooccipital hypoperfusion.

a littérature, chez 20 adultes et cinq enfants [3–13]. Les lésionsraitées étaient intra-axiales chez 22 patients (88 % des cas), dont9 (76 %) étaient atteints d’une lésion tumorale primitive du sys-ème nerveux central et trois (12 %) de métastases cérébrales donte primitif était pulmonaire dans deux cas et cutané (mélanome)our le troisième. Les trois derniers patients (12 %) ont été trai-és pour un sarcome temporal, un lymphome non hodgkinien Be l’os occipital et une leucémie myéloïde chronique. Les typesistologiques des lésions primitives du système nerveux central

etrouvé chez les patients souffrant d’un SMART syndrome étaientariés : cinq (26 %) astrocytomes, trois (15,7 %) médulloblastomes,rois (15,7 %) primitive neuroectodermal tumours (PNET), deux (10 %)

érapie 16 (2012) 295–301

oligodendrogliomes, un épendymome (5,3 %), un oligoastrocytome(5,3 %), un hémangioendothéliome (5,3 %) et trois (15,7 %) lésionspinéales (germinome, pinéalome et pinéaloblastome).

La dose totale délivrée lors de la radiothérapie initiale,lorsqu’elle était rapportée, variait de 15 à 64 Gy, et les doses parfractions de 1,8 à 3 Gy. Les examens complémentaires réaliséscomprenaient :

• une IRM cérébrale dans 100 % des cas, qui retrouvait des lésionsévoquant un SMART syndrome chez 16 d’entre eux (64 %) et étaitnormale pour les dix patients restants (36 %) ;

• un EEG chez 24 patients retrouvant un ralentissement diffus del’hémisphère cérébral à l’ origine de la symptomatologie chez14 patients (53 %), l’examen était normal chez neuf patients (34 %)et retrouvait des signes d’épilepsie chez deux (7 %) ;

• une TEP-scanographie au 18FDG chez quatre patients etune single-photon emission computed tomography (SPECT)-scanographie à l’hexaméthyl-propylène-amine-oxyme (HMPAO)marqué au technétium 99m (99mTc) chez quatre patients : unhypermétabolisme de l’hémisphère cérébral à l’origine de lasymptomatologie était retrouvé pendant les crises chez troispatients, chez les cinq autres, l’examen réalisé après les crisesretrouvait un hypométabolisme des régions incriminées.

En 2006, Black et al. ont proposé quatre critères diagnostiquesdu SMART syndrome [7] :

• antécédent d’irradiation cérébrale sans signe de maladie rési-duelle ou de récidive tumorale ;

• une symptomatologie neurologique prolongée, réversible, attri-buable à une atteinte corticale unilatérale survenant des annéesaprès une radiothérapie cérébrale pouvant inclure : un déficit duchamp visuel (hémianopsie latérale homonyme, quadranopsie),une confusion, une héminégligence, une hémiparésie, une apha-sie, des convulsions, des céphalées accompagnant les crises, desmigraines avec ou sans aura ayant débuté après la radiothérapie ;

• une prise de contraste du gadolinium corticale gyriforme transi-toire diffuse unilatérale épargnant la substance blanche dans unerégion correspondant à un ancien volume irradié ;

• imagerie non attribuable à une autre cause : diagnosticd’élimination (diagnostics différentiels Tableau 1).

Dans le cas présenté, le diagnostic reposait sur trois de ces cri-tères, il y avait des prises de contraste punctiformes dans la zone

SMART : stroke-like migraine attacks after radiotherapy ; PRES : posterior reversibleencephalopathy syndrome ; MELAS : mitochondrial encephalomyopathy lactic acidosisand stroke-like episode ; CADASIL : cerebral autosomial dominant arteriopathy withsubcortical infarcts and leucoencephalopathy.

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P. Truntzer et al. / Cancer/R

e délai entre les symptômes et la réalisation des IRM était de4 à 48 heures : ces lésions ne sont pas constamment retrouvées

ors de chaque évènement, ne sont pas nécessairement visiblesu décours immédiat d’une crise, pouvant n’être visibles queuelques semaines après un évènement et du fait de leur carac-ère réversible peuvent passer inaperc ue [6]. La patiente avait desntécédents de migraines avant sa radiothérapie, mais celles-ci’étaient pas accompagnées de déficit neurologique. Un posterioreversible encephalopathy syndrome (PRES), qui associe céphalées,roubles de la conscience, convulsions et cécité, transitoirement,ans un tableau d’hypertension artérielle, avec à l’IRM des ano-alies bilatérales symétriques, à prédominance postérieure, sous

orme d’hypodensité en séquence T2, également transitoires, peuttre évoqué. En effet, le PRES peut être déclenché par de multiplesauses, dont la chimiothérapie et la radiothérapie : néanmoins,’absence d’hypertension artérielle, l’absence des signes cliniqueslassiquement retrouvés, l’imagerie IRM non concordante, écartente diagnostic. Le délai de survenue et la présentation cliniquee ces épisodes plusieurs années après radiothérapie cérébrale,

’absence d’autre étiologie retrouvée, oriente donc vers le diagnos-ic de SMART syndrome.

La physiopathologie du SMART syndrome n’est pas connue àe jour. L’hypothèse d’une atteinte vasculaire post radiothéra-ie a été proposée mais l’absence d’atteinte des gros vaisseaux

l’angiographie cérébrale semble l’infirmer. Farid et al. ontesté cette hypothèse sous l’angle d’une dysfonction de laéserve cérébrovasculaire secondaire à l’irradiation, en réalisantne SPECT-scanographie au (99mTc)-HMPAO avec administration’acétazolamide au décours d’une crise chez trois patients, avecéalisation d’une IRM cérébrale avant et après l’épisode. La réserveérébrovasculaire est la capacité des artères et artérioles céré-rales à se dilater dans le but de maintenir une pression deerfusion optimale dans les régions présentant une hypoperfusion.ne diminution de la réserve cérébrovasculaire est un facteur de

isque d’ischémie cérébrale. Cette hypothèse a été infirmée devant’absence de modification de la réactivité de la réserve cérébro-asculaire combinée à l’absence de diminution du coefficient deiffusion malgré le prolongement des symptômes, l’absence deiminution de la perfusion cérébrale durant la crise par rapport

la phase inter ictale et la normalité de l’angio-IRM [7].Cette dysfonction neuronale pourrait être à l’origine d’une

tteinte du système trigéminé, entraînant des troubles transi-oires récurrent de l’homéostasie, ou une altération des canauxoniques neuronaux pouvant entraîner une diminution de leureuil d’excitabilité provoquant une spreading depression corticaleomme chez les patients atteints de migraine hémiplégique : il’agit d’une inactivation neuronale transitoire après une premièrehase d’hyperactivité à l’origine de migraines avec aura. Cetteéaction peut être initiée par de multiples évènements corticauxhysiques ou chimiques dont notamment une déplétion en ionsg2+, un excès en ions K+ ou H+ ou en NO dans le milieux extracel-

ulaire, ou une stimulation des récepteurs glutamatergiques. Cettepreading depression corticale est inaugurée par une hyperactivitéeuronale très brève, responsable d’une hyperperfusion locale. Puis

es neurones corticaux deviennent durablement inactifs et inacti-ables avec une diminution modérée sous le seuil ischémique duébit sanguin local. Elle progresse lentement à la surface du cortex

ndépendamment du territoire artériel mais est souvent interrom-ue par un sillon ou une scissure.

Une plus grande sensibilité de la région cérébrale postérieure à’irradiation semble pouvoir être à l’origine de ce syndrome, notam-

ent pour des doses supérieures à 50 Gy sans qu’un seuil de doseinimum n’ait pu être déterminé.

[

érapie 16 (2012) 295–301 301

Le type histologique de la tumeur traitée ne semble pas non plusêtre un facteur discriminant.

À ce jour, aucun traitement n’a montré une efficacité dans laprise en charge de ce syndrome. Les patients ont été pour la pluparttraités par des antiépileptiques, des antiagrégants plaquettaires,une corticothérapie ou une anticoagulation. Aucun de ces traite-ments n’a pu faire la preuve de son efficacité mais le nombre decas décrit reste pour le moment trop restreint pour en tirer desconclusions définitives.

Le SMART syndrome reste un effet secondaire rare survenant àdistance d’une radiothérapie cérébrale chez des patients atteintsde maladie au pronostic souvent défavorable à court terme expli-quant le faible nombre de cas décrit. Il est a noté une caractéristiqueoriginale d’un effet secondaire tardif en radiothérapie qui est soncaractère réversible, contredit toutefois dans le cas de cette patientepar la répétition des épisodes. Une meilleure connaissance duSMART syndrome pourrait permettre une augmentation du nombrede cas diagnostiqués afin de mieux en comprendre son origine etd’optimiser sa prise en charge diagnostique et thérapeutique. Ilreste un diagnostic d’élimination et ne doit être évoqué qu’aprèsnégativité un bilan étiologique exhaustif, comprenant au minimumune imagerie cérébrale par une IRM avec des séquences T1 avec etsans injection de gadolinium, T2, angio-IRM, séquence de diffusionet de spectrométrie au moment des épisodes et à distance, un EEG,un bilan biologique standard, une ponction lombaire. En fonctiondu résultat de ce bilan de débrouillage, une TEP, une artériographiecérébrale pourront être réalisées en complément.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

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