sibylle dubocfrançaises (taaf). terres françaises, inscrites au patrimoine de l’unesco, dont la...
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Sibylle DUBOC
Sculptrice photographe plasticienne
©2019
Sibylle Duboc Née le 12 mars 1995, vit et travaille à Marseille. http://sibylleduboc.com Exposition personnelle : 2019 Archéochronie_Galerie Catherine Bastide Projects, Marseille. Expositions collectives : 2019 Cap’_La Déviation, Estaque, Printemps de l’art contemporain. Je connais des îles lointaines_drooM, Marseille. 2018 COMMETTRE _ Galerie HLM (Hors-Les-Murs), Marseille. 2017 Noëlisation ? _ Espace GT, Mund Art, Marseille. Des choses qui arrivent… _ Mac Arteum, Châteauneuf-le-Rouge. Formation : 2018 _ Master pratique et théorie des arts-plastiques. Sujet : « Archéologie de fossiles contemporains : pour une nouvelle matérialité de l’image photographique », Université ALLSH d’Aix-Marseille. 2016 _ Licence d’arts plastiques, Université ALLSH d’Aix-Marseille.
Élaborées comme des ruines à l’envers, les Fossiles photographiques de Sibylle Duboc font le récit de leur disparition prochaine ou advenue
à l’instant. Que créent-ils ? Une forme de mémoire déviée, fictionnée, inverse, un objet en suspension, une greffe sur l’histoire, un pli en
mouvement, un récit sans temporalité fixe : une archéochronie. L’exposition Archéochronie est une mise en scène de cette mémoire
historique falsifiée, de ce leurre qui simule le temps, en mettant en contact la substance du photographique avec la matérialité
archéologique, qui toutes deux révèlent, que ce soit en ôtant des strates ou en ayant recours au processus chimique. L’Archéochronologue
est à la fois une exploratrice du vécu et une créatrice de la survivance de l’instant, elle fait vaciller la certitude linéaire du déroulement des
événements et par là même révèle, donc, une urgence à poser un regard sur ce qui est en train de disparaître dans un temps au-delà du
temps, créant un lieu à l’orée de l’agir.
Esther Salmona
Géode photographique des îles Kerguelen 1979-2019, émulsion photosensible, mortier, enduit, plâtre, grillage, polystyrène, 2019.
Géode photographique des îles Kerguelen 1979-2019, émulsion photosensible, mortier, enduit, plâtre, grillage, polystyrène, 2019.
<< Ces géodes photographiques semblent appartenir à un même bloc de
béton, brisé en deux. L’intérieur de la « pierre » laisse apparaître une image,
comme un minéral enfermé dans la roche. Si chaque image devrait être le
miroir de l’autre, on remarque que leur forme, leur teinte, leurs contours ne
correspondent plus. En effet, elles sont chacune la vue aérienne d’un même
archipel, mais à quarante ans d’écart : la première est une vue datant de
1979 et la seconde de 2019. Il s’agit des îles Kerguelen, dans l’océan
Antarctique, le plus important archipel des Terres Australes et Antarctiques
Françaises (TAAF). Terres françaises, inscrites au patrimoine de l’Unesco, dont
la biodiversité est d’une immense richesse, on observe pourtant sur la vue de
2019 la disparition presque intégrale de la neige, censée recouvrir l’île tout
l’année. Il ne reste de la neige que sur l’extrémité est de l’archipel,
condamnée à fondre elle aussi d’ici quelques années. Cette géode
photographique est donc constituée de deux morceaux qui ne pourront plus
jamais être réunis, séparées par un écart chronologique marquant une des
conséquences directes de notre ère anthropocène. >>
Vue de l’exposition Archéochronie, galerie Catherine Bastide Projects, 2019.
Empreintes photographiques de champs de palme en Malaisie, tirages argentiques, 2019.
<< Ces empreintes photographiques sont un ensemble d'images de
vues satellites de champs de palme en Malaisie, réduites à l'échelle
d'empreintes digitales. La forêt malaisienne est massivement
déforestée pour la fabrication d’huile de palme, exportée dans le
monde entier. Les plantations se font en terrassement, suivant le relief
topographique de la forêt, dessinant des lignes étrangement
similaires aux empreintes digitales des êtres humains. Réalisés en
chambre noire, ces photogrammes ont été recouverts de sable puis
chaque empreinte a été découverte au pinceau, créant en bordure
de l’image une empreinte noire granuleuse, comme un écho au
travail de l’archéologue ou au grain photographique. Cette série
met en exergue l’analogie formelle entre deux empreintes humaines,
passant de l’échelle réelle à une vue aérienne. Elle constitue ainsi une
sorte de classification naturaliste de l’espèce humaine, comme une
tentative de cerner l'identité de l’Homme moderne. >>
Empreinte photographique de champs de palme en Malaisie,
tirages argentiques, 2019.
Empreintes photographiques de champs de palme en Malaisie, tirages argentiques, 2019. (Détails)
Fossiles photographiques de zones déforestées en forêt amazonienne, béton et émulsion photosensible, 2018.
Fossiles photographiques de zones déforestées en forêt amazonienne, béton et émulsion photosensible, 2018.
<< Apparaissant comme des arbres tranchés, ces sculptures
disposées à-même le sol semblent être le vestige d’une forêt
calcinée. En réalité, chaque pièce se trouve être le résultat d’une
expérience physico-chimique : les noirceurs sont réalisées en
chambre noire, avec la technique du tirage argentique. Les
sculptures sont faites de béton et la forme de chaque arbre
correspond à la vue aérienne d’une zone déforestée en forêt
amazonienne, récupérée sur Google Maps.
Le terme de « fossile » pour désigner ces œuvres induit une valeur
paléontologique, comme s’il s’agissait d’objets naturels dont
l’image gravée sur sa surface témoigne d’une civilisation ou d’un
milieu disparu. Cet archaïsme est pourtant simulé, tous les
éléments qui composent ces sculptures renvoient à notre société
contemporaine : leur matériau est fait de béton, permettant la
construction de zones urbaines ; l’image est révélée grâce à des
produits chimique et provient d’une vue satellite récupérée sur
internet. Elle correspond à un fléau écologique, résultat de
l’emprise de l’homme sur la planète : la déforestation de la forêt
amazonienne. >>
Amazonie française #1,
photographies argentiques, 2018.
Amazonie française #2,
photographies argentiques, 2018.
Amazonie française #3,
photographies argentiques, 2018.
Amazonie française #4,
photographies argentiques, 2018.
Amazonie française #5,
photographies argentiques, 2018.
Amazonie française #6,
photographies argentiques, 2018.
Vue de l’exposition Archéochronie, galerie Catherine Bastide Projects, 2019.
Vue de l’exposition Archéochronie, galerie Catherine Bastide Projects, 2019.
Fossile photographique du Bombyx du murier, béton
et émulsion photosensible, 2019.
Fossile photographique du Bombyx du murier, béton et émulsion photosensible, 2019.
Fossile photographique de la carrière de la carrière de Chuquicamata à Calama au Chili, ciment et émulsion photosensible, 2017.
(Détail) Fossile photographique de la carrière de la carrière de Chuquicamata à Calama au Chili, ciment et émulsion photosensible, 2017.
« Tu ne te rappelles-tu pas ? », performance avec Claire Laheurte. Le 18 mai 2019, Printemps de l’art contemporain, La Déviation, Marseille.
<< Raconter le soleil se coucher…
Depuis la question – Quel temps mettent les images à se former dans le
corps ? L’hypothèse géographico-paysagiste que le vertical se dresse à
partir de l’horizontal (espace inter-horizonel) y a été retrouvée grâce à un
rétroprojecteur et des photographies imprimées sur transparent. Tenter de
saisir la relation entre l’espace d’agir (corps) et certaines opérations
optiques (œil) pour composer et recomposer des images. La performance,
comme le processus de travail, toujours, disparaît. Ces indices témoignent
du voyage dans le temps et de la chasse aux trésors. >>
Claire Laheurte
« Tu ne te rappelles-tu pas ? », performance avec Claire Laheurte. Le 18 mai 2019, Printemps de l’art contemporain, La Déviation, Marseille.
Paysage antique #1, île de Crète, photographies argentiques, 2015.
Paysage antique #2, Péloponnèse, photographies argentiques, 2015.
Paysage antique #3, Mycène-Corinthe, photographies argentiques, 2015.
Paysage antique #4, Samaria-Olympe, photographies argentiques, 2015.
Fossile photographique des carrières de pierre du territoire marseillais, ciment, émulsion photosensible, 2017
Fossile photographique des carrières de pierre du territoire marseillais, ciment, émulsion photosensible, 2017
Reflets de paysages transformés par l’Homme, les Fossiles photographiques sont l’écho des
dommages infligés de toutes parts à l’environnement, autour de l’homme et par lui-même.
Ainsi, ils évoquent les conséquences de notre ère anthropocène dans laquelle les
ressources naturelles puisées quotidiennement viendront immanquablement à disparaître
un jour. Dans cette course technologique dans laquelle notre siècle est plongé, cherchant
à faciliter nos actions, simplifier nos gestes, accélérer nos déplacements, les Fossiles
photographiques dans leur aspect archaïque, brut, aux antipodes des objets industriels et
manufacturés, cherchent à interroger nos gestes, nos consommations, nos modes de vie et
notre rapport au visible.
Afin de créer un trouble dans la réception de leurs images, la surface de ces œuvres
joue de sa porosité, de sa texture bosselée pour déformer la photographie transformant
une représentation topographique en fossile. Il en ressort la formation d’une nouvelle
matérialité où la carte et son support d’impression dialoguent et créent une confusion ; il
semble en effet que le matériau de fabrication se rejoue dans le lieu de provenance de
l’image. L’œuvre se renverse sur elle-même, aboutit à l’image de son milieu d’origine,
révélant l’omniscience du lieu dans l’œuvre. Espace naturel ou espace d’interprétation, le
lieu est multiple et enveloppe la sculpture, mais sa pluralité empêche son identification
exacte ouvrant la voie à l’imagination. Ainsi les Fossiles photographiques, héritiers de la
pensée de Bachelard mais aussi profondément duchampiens, façonnent leur dimension
archéologique sous le regard du visiteur et permettent, grâce à la création d’une nouvelle
matérialité photographique, le surgissement du « fossile contemporain ».
Cairn photographique, ciment et émulsion photosensible, 2017.