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Servir Servir Service JØsuite des RØfugiØs No. 22 Julliet 2001 Le JRS souhaite attirer lattention sur le sort des rØfugiØs qui sont sortis de la sphLre des mØdias. Ils sont des millions à vivre ainsi aux marges de notre monde. DØclaration pour marquer la JournØe Mondiale des RØfugiØs, 20 juin 2001

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1JUILLET 2001

ServirServir

S e r v i c e J é s u i t e d e s R é f u g i é s

N o . 2 2 J u l l i e t 2 0 0 1

Le JRS souhaite attirer l�attention sur le sort des réfugiés qui sont sortis dela sphère des médias. Ils sont des millions à vivre ainsi aux marges de notremonde.

Déclaration pour marquer la Journée Mondiale des Réfugiés, 20 juin 2001

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Vivre aux Le JRS Allemagne s’occupedes immigrants obligés devivre dans la clandestinité.Le JRS s’occupe égalementdes demandeurs d’asile endétention. L’équipe du JRSdécrit les défis auxquels sontconfrontés les réfugiés, lesmigrants et les détenus auservice desquels noussommes.

Ahmed, un Palestinien du Liban, est arrivé en Allemagneen 1998. Il voulait retrouver son frère gravementhandicapé par des blessures de guerre. Le frère

d’Ahmed a un permis de séjour permanent qui l’autorise àvivre en Allemagne, mais ce n’est pas le cas d’Ahmed. Sa de-mande d’asile ayant été rejetée, il doit retourner au Libanoù il vivra dans un camp de réfugiés. Ahmed sait que s’il rentre,il n’aura pas d’avenir. Ahmed a donc décidé de rester en Alle-magne comme clandestin. La décision la plus humaine consis-terait à permettre à Ahmed de demeurer auprès de son frèrepour en prendre soin. Mais la loi allemande ne le permet pas.

Ahmed fait partie du million de “clandestins” qui ont choiside vivre en Allemagne sans permis de résidence. Pourquoides gens choisissent-ils la clandestinité? De nombreux im-migrants sans papiers ont vu leur demande d’asile rejetée.Et pourtant, ils ont peur de rentrer chez eux et prennent lerisque de vivre “clandestinement” en Allemagne. D’autres,en quête d’un meilleur niveau de vie ou de meilleures condi-tions de travail, se débrouillent pour entrer dans l’UnionEuropéenne sans visa car il leur est virtuellement impossi-ble d’en obtenir un. D’autres encore désirent rejoindre unparent déjà installé en Allemagne. Il y a aussi ceux à qui ona promis un travail intéressant et qui, une fois arrivés, setrouvent pris dans des réseaux de prostitution.

Le JRS vient de publier un document intitulé Clandestinsen Allemagne. Cette étude révèle qu’ils adhèrent aux loisde la société, bien que n’ayant pas de permis de résidence,car ils ont peur d’être découverts. Mais tant sur le planpolitique que sur le plan social, ils demeurent un tabou pourla société. La “clandestinité” a longtemps été considéréecomme relevant du contrôle aux frontières et en tant quetelle elle est considérée comme un délit.

Les migrants clandestins sont discrets. Ils vivent des viessans histoires. Toutefois, lorsqu’ils sont frappés par lamaladie ou les épreuves, ils n’ont parfois pas d’autre optionque de se révéler au grand jour. C’est dans ces moments-làqu’ils ont besoin des ONG, comme le JRS. Prenons parexemple Mohammed: il est arrivé en Allemagne dans lesannées 60 et il y a vécu 20 ans sans aucun papier d’identité.Tout récemment il est tombé malade. Heureusement pourlui, un docteur a accepté de l’opérer sans qu’il ait un sou àdébourser. Mais qu’adviendra-t-il de Mohammed s’il retombemalade?

En théorie, toute personne a droit à l’assistance médicaleen cas de maladie et les enfants doivent aller à l’école. Maisce droit ne s’appliquent pas aux migrants clandestins, carune loi stipule: les travailleurs sociaux, les directeursd’établissements scolaires et les juges doivent déclarer auService de l’Immigration toute personne en situationirrégulière. Les migrants clandestins hésitent toujours à fairevaloir leurs droits car cela risque souvent de mettre un termeà leur séjour en Allemagne. Dans le cas d’une rage de dentsou d’une jambe cassée, ils préfèrent se soigner tout seuls.Que vaut un droit que l’on ne peut faire appliquer? En vertude la dignité inhérente à toute personne humaine quels quesoit son statut, ses droits ne peuvent dépendre du seul statut.Il faut abolir cette obligation de dénoncer les clandestins auService de l’Immigration.

Ceux qui aident les migrants sont eux aussi passibles depoursuites judiciaires. L’an dernier, le JRS a fait partie desorganisations qui ont envoyé une pétition au Parlement,demandant que soient soutenus les migrants et ceux qui lesdéfendent. Nous continuons à servir les migrants sans papierset à plaider leur cause.

Sans droits: les migrants clandestins en Allemagne

3JUILLET 2001

franges de la sympathie publiqueUne maison pour beaucoupde nations

La demande d’asile en cas de persécution ne repré-sente pas une transgression de la loi. Entrer dans unpays pour demander l’asile ne saurait non plus être

considéré comme un délit. Et pourtant, les gens qui entrentclandestinement en Allemagne sont mis en prison mêmes’ils expriment leur intention de demander l’asile. Dans cecas la détention n’est pas considérée comme une punitionmais comme un moyen de contrôle pour le Bureau des Mi-grations. Les détenus vivent la détention comme une punitioninjuste.Notre expérience auprès des détenus nous pousse àfaire connaître leur sort au public et le combat politique qu’ilfaut mener si on veut changer le système.

Certains ne passent que quelques jours en Allemagne avantd’être arrêtés. A Berlin, la police opère des contrôles d’iden-tité réguliers et les demandeurs d’asile peuvent être arrêtésavant qu’ils n’aient trouvé le chemin des Services de l’Asile.Parmi les autres détenus, il y a des personnes qui sont enAllemagne depuis des années, avec ou sans papiers, etd’autres qui ont déjà été déportées une fois et qui sont re-venues une seconde fois, voire une troisième.

Une fois arrêté, le détenu ne sait pas quand il sera libéré.“Personne ne peut être heureux ici. Nous ne savons pas dequoi demain sera fait. Lorsqu’un homme a été condamné àun an ou à deux ans de prison, il sait qu’à la fin de ce laps detemps il sera libéré” a déclaré un détenu. “Mais ici nousn’avons aucun espoir, nous ne pouvons pas imaginer ce quinous arrivera demain, parce que nous ne savons pas com-ment fonctionne le système.” La journée du détenu se passeainsi: “regarder la télé, dormir, manger”; sans aucun travailni activité pour passer le temps. “Il y a des jours où je mepromène, je ris, je joue aux cartes, et puis il y a des jours oùje reste allongé sur mon lit comme un philosophe” a déclaréun détenu. “Parfois je ne dors qu’une demi-heure dans lanuit. Je pense trop” a ajouté un autre détenu.

Les membres du JRS se rendent régulièrement dans troiscentres de détention. 550 détenus y vivent en permanence.Étant les seules personnes autorisées à visiter les prisonniersdans leurs cellules, on nous demande de traduire des docu-ments et nous les aidons à faire appel des décisions concer-nant leur demande d’asile ou les décisions administratives.Une fois la paperasse terminée, nous parlons avec les détenusde leurs pensées et de leurs sentiments. Les offices religieuxorganisés par le JRS nous fournissent l’opportunité derencontrer les gens comme des personnes à part entière et

non comme des numéros. C’est un temps où nous noussouvenons que nos vies sont dans les mains de Dieu mêmesi elles apparaissent plus entre les mains des fonctionnairesde l’Immigration et des juges. Nous donnons des cartestéléphoniques aux détenus afin qu’ils puissent contacter leursamis, leurs familles et leurs avocats. “Le premier mois jepassais mon temps à appeler, à appeler l’Afrique, à appelerpartout... car j’avais et j’ai toujours la nostalgie de la liberté”a expliqué un détenu.

En Allemagne, il n’y a pas de camps qui abritent des milliersde réfugiés. Mais nos lois et nos procédures créent de gran-des difficultés pour les réfugiés et les migrants. Cette situa-tion demande des moyens appropriés, c’est ce que tente defaire le JRS en fidélité à sa mission d’accompagner, serviret plaider la cause des réfugiés.

“ Il y a des jours où vous demeurez étendu sur votrelit pour philosopher. Vous pensez, vous pensez...vous pensez à votre petite amie, à vos amis, à votrevie passée. Est-ce une punition, une malédiction?

ALLEMAGNE

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L�éducation du c�urStephen Power SJ

Le père Power a terminéson mandat de directeurdu JRS Afrique de l’Est,après quatre annéesd’un engagement total.Il commente ici lesréalisations dans larégion ainsi que lanécessité de demeurerfidèle à la vision du JRSqui n’est autre quel’engagement au servicedes réfugiés.

Au moment où des membres duJRS quittaient la région, je lesengageais à regarder le positif.

A mon tour je dois essayer de faire demême. L’attitude négative en fait doitêtre revue, dans la mesure où elle estremise en cause par un grand nombrede réfugiés qui gardent une mentalitépositive de ‘survivant’.

Les réalisations sont à chercher dansles projets eux-mêmes. Le travail qui estfait est excellent: éducation en Ougandaet au Sud Soudan; contribution à le ra-dio; école maternelle et travail pastoralen Tanzanie; services sociaux et bour-ses d’études dans le camp de Kakuma,au Kenya; travail en milieu urbain à Ad-dis Abeba, Nairobi et Kampala.

En 1998, nous avons travaillé la visiondu JRS afin de clarifier la mission dupersonnel du JRS dans notre région.Le travail auprès des réfugiés s’enra-cine dans l’Évangile, et il ne pourraits’accomplir en dehors de la vision etde la mission du JRS. Si nous l’oublionsnous sommes réduits à nos seules‘compétences professionnelles’ et ildevient difficile de s’engager au ser-vice des personnes déplacées.

L’histoire des réfugiés est insoutenablesi l’accompagnement des personnes

réfugiées s’arrête aux réalités maté-rielles. Je me souviens d’une femme quitenait un centre d’accueil pour les per-sonnes vivant à la rue à Austin (Texas).Elle disait: “Nous devons apprendre àaimer”. Lorsque je réfléchis à la lumièrede cette vision, je réalise qu’il s’agit biend’éduquer les cœurs. Nous devons conti-tinuer à ressentir dans notre chair l’impactde ces vies bouleversées. Ce qui signifieque nous ne pourrons jamais être unegrande organisation si nous voulonsconserver une proximité avec les gens.

Si je devais exprimer une souffrance,ce serait celle qui me vient à la penséede tous les réfugiés que nous ne pou-vons pas atteindre. Sans parler desquestions politiques qui demanderaientplus d’investigations et de soutien.Nous avons compris la nécessité d’uneanalyse des faits et des situations. Atravers tout ceci, il s’avère que nouspourrions faire bien plus si nousprenions plus de contacts avec d’autresréseaux, et plus particulièrement lesgroupes d’Église, et les organisationsde défense des droits humains.

Où en est-on en ce qui concerne lesdéplacements forcés de populationsdans la région? En ce qui concerne leSud Soudan et la région des GrandsLacs, la situation est chronique. Au

Soudan, la guerre se cristallise de plusen plus autour du pétrole ce qui diminueles chances de la paix. Le rapatriementdes réfugiés burundais dont on parlebeaucoup est sans cesse remis enquestion par des rumeurs concernantla sécurité dans le pays. En Somalie, lenouveau gouvernement a dépassé lestade de la “lune de miel” et personnen’envisage de renaissance miraculeuse.Le conflit entre l’Éthiopie et l’Érythréeest au point mort.

Vues du point de vue économique et so-cial, les perspectives n’ont rien de réjou-issant. Mais nous devons nous souvenirque le pessimisme ne saurait éteindrel’espérance. D’autre part, la vitalité duréseau social est telle que les gens ré-ussiront même dans les endroits où laterre du futur semble bien caillouteuse.

Des réfugiés Burundais, camp de Mtendeli, Tanzanie

5JUILLET 2001

Mon fils, Kandeepan, a été tué lorsde la révolte de Bandarawela. Il

avait 17 ans. Kandeepan a été arrêtéen août pour suspicion d’intelligenceavec les Tigres du LTTE. Il a commencépar passer deux mois dans une celluled’un commissariat local. Je lui rendaisvisite régulièrement, puis soudain il aété transféré à Bandarawela. Il nous aécrit qu’il allait bien. Son seul chagrin,nous a-t-il dit, était d’être loin de nous.

Nous lui avons répondu et nous luiavons dit que nous irions le voir aprèsDiwali (la fête des lumières). J’avaisdécidé d’aller le voir le 25 octobre, maisce jour-là la révolte a éclaté. J’ai faitdes démarches auprès de la commis-sion des droits humains afin de voir Kan-deepan, c’est alors qu’ils m’ont parléde la révolte et de ne pas m’inquiétercar mon fils n’était que blessé. Je mesuis immédiatement rendu au Comité

Le 25 octobre 2000, une foule déchaînée de Singalais a attaqué lecentre de réhabilitation de Bandarawela (Sri Lanka). Les 29 victimes �des Tamouls � avaient entre 14 et 23 ans. Les groupes de défense desdroits humains ont demandé que soit diligentée une enquête impartialeaprès que la police du camp ait été soupçonnée de complicité.

de la Croix Rouge Internationale: ilsm’ont dit que Kandeepan avait étéblessé. Mais à 9h du soir, ils ont ramenéson corps à la maison; il était atroce-ment mutilé, ses mains avaient été cou-pées et il était complètement défiguré.Kandeepan nous avait envoyé unephoto le jour précédent sa mort.

Prakash, un autre de mes fils, a été tuéen 1997. L’armée lui a tiré une balledans l’estomac sans même l’avoir ar-rêté. Il avait 17 ans. A ce moment-lànous étions à Vanni, car nous avionsdû quitter Jaffna. Immédiatement aprèsla mort de Prakash nous avons quittéVanni pour Trincomalee car nous vou-lions sauver nos autres enfants. Nousavions sept enfants, aujourd’hui il nenous en reste plus que cinq, le troisièmeet le quatrième sont morts.

Deux fils ont été tués

Les femmes déplacéesprennent la paroleLes femmes et les enfants constituent plus des trois-quarts des réfugiés

du monde. En mars 2001, le JRS a publié un livre War has changedour life, not our spirit (La guerre a changé notre vie, pas notre esprit).Ce livre regroupe un certain nombre d’histoires écrites par des femmessur les souffrances endurées par des femmes victimes de la guerre etdes déplacements. Elles entendaient ainsi faire connaître leurs histoires,leurs souffrances et leurs espérances. C’est aussi un moyen qui permettraà d’autres femmes de dire en quoi et comment elles ont été touchées parles histoires des femmes réfugiées qu’elles ont rencontrées. Nousespérons que cette collection aidera à la prise de conscience que lesfemmes réfugiées ont une grande force et qu’elles ont besoin d’une aideet d’une protection spécifiques.Pour obtenir une copie de cet ouvrage, prière de s’adresser au BureauInternational du JRS à Rome (voir page 12).

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SRI LANKA

Sivamalar, une femme déplacée vivant àTrincomalee, dans le Sri Lanka oriental

JUILLET 2001

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Kinama au c�ur des combatsJoaquín Ciervide SJ

Au terme de plusieurs années de guerre civile, la violence et les déplacements forcés sont le painquotidien des civils burundais. Une attaque menée récemment dans le district de Kinama, aux portesde la capitale Bujumbura, a déraciné plus de 50.000 personnes. Le père Ciervide décrit la misère desdéplacés et l’aide d’urgence apportée par le JRS.

Le Burundi souffre de la guerrecomme l’Afrique souffre de lamalaria. Les attaques sont spo-

radiques, fréquentes, de courte duréemais très violente. Même si elles nesont pas toutes mortelles, elles con-tribuent à affaiblir le corps.

Les combats ont repris avec les assautsmenés par les rebelles extrémistesHutus: Forces pour la Défense de laDémocratie (FDD) et Forces Natio-nales de Libération (FNL). Ils utilisentla guérilla pour retarder le dialoguemené dans le cadre des pourparlers depaix d’Arusha. Les négociations visentà mettre un terme aux sept années deguerre civile qui ont fait des centainesde milliers de morts et provoqué ledéplacement de plus d’un million depersonnes. Le médiateur, Nelson Man-dela, a tout fait pour que les négo-ciateurs atteignent leur but mais lesattaques menées par les rebelles et lesreprésailles lancées par l’armée majori-tairement Tutsi, d’autre part, continuent.

Une bataille de ce type s’est dérouléeen février et mars de cette année. Noussavions que les rebelles se cachaientdans des plantations de café de Tenga,à une vingtaine de kilomètres de Bu-jumbura. Le 24 février, ils ont attaquéKinama, au nord de la capitale. Ils ontétabli leur quartier général dans laparoisse catholique. Terrifiés par les tirsd’armes automatiques, les habitants ontfui leurs maisons.

La situation à Bujumbura s’est assezrapidement dégradée. Les combats ontfait 50.000 déplacés. 10.000 personnes

ont cherché refuge dans la région deButerere où le JRS travaille auprès despopulations. La région de Buterere aaccueilli 10.000 personnes en quêted’abri. La plupart d’entre elles ont étéaccueillies dans des familles.

Nous étions conscients que nous devionsaider les déplacés qui se trouvaient to-talement désemparés. Ils n’avaient riencar ils n’avaient pu emporter que cequ’ils pouvaient transporter sur leurtête. La faim les tenaillait mais le gou-vernement avait formellement interdittoute distribution de nourriture. Nousavons contourné l’interdiction en distri-buant du riz, des haricots, du sucre etdu sel aux familles dont nous savionsqu’elles accueillaient des réfugiés.

Des centaines de personnes se sontréfugiées dans le centre du JRS. Ilnous était difficile de les encouragercar les autorités avaient interdit l’ou-verture de nouveaux camps, mais ilnous était tout aussi impossible de leschasser. Quatre jours après l’attaquecontre Kinama, une centaine de réfu-giés se trouvaient chez nous. Le lende-main ils étaient 300 et quelques joursplus tard, 800. Les ONG nous ayantdonné des feuilles de plastique et dubois, nous avons pu installer deux abriset creuser des latrines.

Nos trois infirmières du projet sida sesont mobilisées pour aider les déplacés.Délaissant leur champ d’action habituel– les activités tournant autour de laprévention du sida – elles ont mis surpied un dispensaire mobile. Plus de 200personnes – principalement des femmesamenant leurs bébés atteint de diarrhée– se sont présentées à la consultation.Sœur Chantal Gérard, l’assistante dudirecteur de projet, a coordonné l’éva-cuation des civils blessés par balles etdes malades suspectés d’être atteintsdu choléra. Chaque jour il y avait denouveaux cas ce qui a amené SœurChantal à ouvrir une unité où les ma-lades du choléra pouvaient être isolés.

L’activité intense nous a permis d’ou-blier notre peur face aux explosions etaux tirs d’armes automatiques venantde Kinama. Au cours de la nuit du 28février, la peur a empêché les gens dedormir. Nous avons appris plus tard queles assaillants avaient visé le palaisprésidentiel de Kiriri et qu’après avoirfait plus de bruit que de mal, ils s’étaientretirés de Kinama.

Chaque matin, l’organisation OCHAdiscute des stratégies mises en placepour répondre aux besoins des person-nes nouvellement déplacées. Toutefois,l’établissement des listes de distribu-tion s’est avéré une opération difficilecar ce sont plus de 30.000 personnesqui sont concernées.Le 6 mars, le Pro-gramme Alimentaire Mondial a dis-tribué de la nourriture à Buterere. Cefut la seule distribution à cause del’insécurité.

“ Nous savions que nous de-vions aider les déplacés endésarroi. Ils n�avaient que cequ�ils avaient pu emporter surleur tête.

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BURUNDI

7JUILLET 2001

Outre les services d’urgence, le JRSs’occupe des enfants qui ne peuventpas fréquenter l’école à cause duconflit. Deux membres de l’équipeéducative du JRS ont recruté une qua-rantaine de jeunes déplacés qui, à leurtour, ont préparé des listes de 20 en-fants. Le projet était le suivant: lesjeunes s’occuperaient des enfants deuxheures par jour. Des écoles impro-visées ont surgi dans plusieurs ruesmais elles ont dû fermer lorsque lescombats se sont rapprochés.

Deux semaines après la reprise descombats à Kinama, les déplacés ont étépriés de rentrer chez eux. Les res-ponsables du secteur de Buterere ontparcouru les rues avec des haut-par-leurs, enjoignant les gens de rentrer àKinama où le calme était revenu. Laplupart d’entre eux n’ont pas réagi.

Seuls ceux qui avaient une maison àKinama se sont risqués à retournerchez eux pour constater l’état de leursbiens. A leur arrivée, ils ont trouvé ladésolation: plus de 200 cadavreséparpillés çà et là, les murs et les toitsdes maisons complètement éventrés.La quasi-totalité de la toiture de l’églisecatholique avait été détruite.

Ceux qui n’avaient rien à sauver sontrentrés très vite car l’insécurité règneà Kinama. On estime à 700 le nombrede ceux qui sont restés; ce qui veut direque seul un petit nombre a choisi derentrer. La nuit du 17 mars, les soldatsont réveillé les déplacés et ils leur ontordonné de quitter Buterere et de ren-trer chez eux. Les soldats les ont pré-venus: s’ils n’obtempéraient pas, ilsbrûleraient leurs maigres baluchons.Les gens ont obéi sous la menace.

Seule une vieille femme est restée; ellenous a dit qu’elle était trop malade pourentreprendre le voyage. A la fin dumois de mars, l’organisation OCHA adéclaré que 75% des déplacés étaientrentrés chez eux. Nous avons ferméou tout au moins ralenti le programmed’urgence démarré à leur intention etnous avons repris le cours normal denotre vie.

Mais nous n’avons pas pu oublier leshabitants de Kinama, et nous noussommes demandés ce que nous pou-vions faire pour ces victimes de laguerre. Nous avons porté nos effortssur le dispensaire de Kinama qui étaitflambant neuf au moment où a écla-té le conflit. Lorsque les combats ontpris fin, le centre n’était plus qu’unecarcasse vide, tout avait disparu: lemobilier, les lavabos, les ampoulesélectriques et le matériel médical. Unmissile avait fait un gros trou dans lemur, ouvrant la voie aux pillards. Deuxautres projectiles avaient soufflé le toit.Les quatre sœurs de Bene Tereziya quitenaient le centre avaient fui et lamaison qu’elles occupaient dans levoisinage du centre était complètementdétruite.

Le centre reprend vie: le JRS s’occupede trouver du personnel et les mursseront reconstruits par une autre ONG.Dans ce qui reste des bâtiments, SœurChantal donne une moyenne de 200consultations gratuites par jour. Aidéspar le personnel médical qui est auchômage depuis le début des combats,nous aidons les habitants de Kinama àreconstruire leurs vies.

Joaquín Ciervide SJ,Directeur régional duJRS Grands Lacs

Les victimes de la guerre civile au Burundi: plus de 800 personnes ont cherchérefuge dans le centre du JRS. En compagnie de milliers d�autres, ils ont étédéplacés suite aux attaques menées par les rebelles dans la région de Kinama.

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BURUNDI

JUILLET 2001

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�Nous restons assis...�En Europe du Sud-Est, plus d’un demi-million de personnes ne sont toujours pas rentrées chez elles.Ils sont nombreux à avoir passé toutes ces années dans de petits camps de réfugiés où les conditionsde vie sont très dures. Aujourd’hui, ils ont peur de rentrer chez eux, surtout parce qu’ils craignentl’hostilité.

Danielle Vella

Il n’y a rien ici. Il n’y a plus rien enCroatie. Assis dans la cuisine com-munautaire complètement vide d’un

“centre communautaire” en Serbie, unjeune réfugié serbe résume en cestermes son avenir. Jovan vit dans cecentre depuis 1995. A cette époque,un grand nombre de familles ont fui laguerre en Croatie.

Un simple coup d’œil sur l’environ-nement permet de vérifier la véracitédes affirmations de Jovan. Trente-sixréfugiés sont entassés dans une pièced’un bâtiment conçu, à l’origine, pourabriter les ouvriers agricoles travaillantdans des champs tout proches. Lesréfugiés pouvaient à tout moment êtreexpulsés par l’entreprise propriétairedes lieux. Chaque famille occupe unchâlit entouré de couvertures. Leseffets personnels sont entassés sous lelit dans des caisses. Au départ, cebâtiment abritait 82 familles.

Il y a 650 centres communautaires enSerbie et au Monténégro. Vingt-six milleréfugiés, sur un total d’un demi-million,y ont trouvé refuge. Ce sont en majoritédes Serbes de Croatie, de Bosnie et duKosovo. Les conditions de vie varient

d’un centre à l’autre, mais en règlegénérale elles sont terribles: surpopu-lation, commodités inexistantes. Enoctobre 2000, le HCR a réduit l’aidehumanitaire aux réfugiés de Serbie. Lesseuls fonds disponibles étaient destinésaux produits de “première nécessité”,tels que le chauffage et l’alimentation.Le JRS offre des services qui vont despetites réparations aux complémentsalimentaires, dans 52 camps.

Nous avons rencontré Jovan au coursd’une dans un de ces centres. Graveet pondéré, Jovan, lorsqu’il décrit lesconditions de vie des réfugiés et leurdépart précipité de Croatie il y a troisans, parle comme un homme mûr.“Nous avons fui les combats. Des villa-ges entiers ont pris la route. C’était l’ef-fet domino, le mouvement ne s’arrêtaitpas. La première année nous n’avionspas conscience d’être des réfugiés,nous étions sous le choc. Puis nousavons sombré dans la résignation. Nousrestions toute la journée assis àregarder la télévision.”

Le sort des réfugiés reflète le séismequi a balayé la région au cours des dixdernières années. Depuis l’éclatement

de l’ex-Yougoslavie, la région porte lesmarques des guerres de Slovénie,Croatie, Bosnie et Serbie. Plus d’un mil-lion et demi de personnes sont toujoursdéplacées, soit dans leurs propres payssoit dans d’autres pays.

La haine inter-ethnique est profondé-ment enracinée, tant au niveau des ins-titutions qu’au niveau des personnes.C’est elle qui empêche les réfugiés derentrer chez eux. La mémoire de laguerre et des injustices a la vie dure:“Croates et Serbes, nous nous sommesmutuellement fait souffrir.” La réconci-liation est douloureuse et lente. Mêmesi les voies politiques et bureaucrati-ques sont ouvertes, les réfugiés sontinquiets, et bien souvent ils préfèrentun cadre connu même s’il n’est pas fa-cile: un présent et un futur incertain dansun camp sordide qui est devenu leurmaison. La situation est suffisammentsûre pour permettre le retour, mais lapeur des attaques ainsi que les risquesinhérents au retour demeurent danstoutes les têtes. “Même si l’Etat garantitnotre sécurité l’esprit de revanche n’estpas mort” reconnaît Jovan.

Deux réalités témoignent de la guerreet des turbulences qu’ont vécues lespays de l’ex-Yougoslavie: les déplacéset les propriétés dévastées. De nom-breux réfugiés ne peuvent rentrer chezeux car leurs maisons ont été détruites.La non-application des lois concernantla restitution et la réparation des mai-sons des réfugiés est un empêchementau retour. En Croatie, des difficultésdemeurent en dépit des amendementsà la loi sur la reconstruction des pro-priétés endommagées par la guerre.

SERBIE

Roumanie

Bulg

arie

HongrieAutriche

Slovénie

Bosnie etHerzégovine

Italie

Italie

Albanie

Macédoine

Grèce

Croatie

Serbie

MonténégroKosovo

9JUILLET 2001

Dans le camp de transit de Sisak, auxalentours de Zagreb, nous avons ren-contré des Serbes d’un certain âge quiattendaient de pouvoir rentrer dansleurs maisons situées en Croatie. Unefois rentrés de Serbie, ils ont passédeux ans dans le camp. Nombreux sontceux qui attendent que leur maison soitreconstruite ou évacuée si elle a étéoccupée par des réfugiés. Ceux quirentrent ont peur de mourir à Sisak etde ne jamais pouvoir rentrer chez eux.

Et pourtant, en dépit de tous les obsta-cles, les réfugiés rentrent au pays. Onestime à 50.000 le nombre de réfugiésrentrés en Croatie, dont 24.000 pour laseule année 2000. Les plus anciens ontla nostalgie du retour. “Les anciens

veulent rentrer chez nous et y être en-terrés” commente Jovan. Les statisti-ques lui donnent raison: d’après leHCR, plus de 55% des réfugiés rentrésau pays (Croatie) ont plus de 60 ans;comme c’était le cas, mais à 80%, deceux qui sont rentrés avant la fin del’année 1999. Toutefois, les vies desvieux et des jeunes sont liées: les en-fants ont le sentiment qu’ils ne peuventabandonner leurs parents alors que cesderniers représentent souvent un poidspour eux. Le départ pour un pays tiersdevient alors problématique même lors-qu’il est possible. “Je me sens respon-sable de mes parents” explique Jovan.

Certains trouvent une solution dans l’in-tégration locale. En 1997, la Yougoslaviea accepté la naturalisation de réfugiésbosniaques et croates. Certains ontrefusé de peur qu’en abandonnant leurcitoyenneté ils ne puissent plus de-mander de dommages pour les biensperdus et, une fois rentrés à la maison,qu’ils ne puissent plus bénéficier desavantages sociaux. L’intégration asouffert du peu d’aide apportée à ceuxqui voulaient s’installer localement.Ceci étant, en partie, dû à la ruine del’économie serbe. Le Comité Améri-cain pour les Réfugiés a conclu en 1999que la majorité des réfugiés vivant enYougoslavie ne rentreraient pas dansleurs pays d’origine.

Jovan pourrait bien en faire partie.“Lorsque je pense à un éventuel retour,je me dis que je ne connais plus per-sonne. Rentrer au pays sera un trau-matisme de plus. Ici, je suis en paixavec moi-même. Les voisins sont sym-pathiques, nous nous sentons chez nous.J’aimerais rester mais j’aimerais aussique nos conditions de vie s’améliorent.D’autres solutions pourraient s’avérerplus douloureuses.”

L’anxiété liée au retour est palpablechez un grand nombre de réfugiés.C’est un bon indicateur des animositésinter-ethniques qui se cachent souvent

sous les efforts de paix. Mais bien qu’une co-existence pacifique se trouveencore à des années lumière, desmesures témoignent de la volonté desortir du cercle vicieux de la haine. Parle travail accompli en Serbie, le JRS anoué des liens étroits avec des groupesorthodoxes-serbes et gagné la confi-ance des réfugiés serbes. En Croatie,dans le camp de Sisak, les Serbes quirentrent au pays attendent avec impa-tience la visite de l’équipe locale du JRS(composée de Croates).

Le personnel du JRS Croatie a souffertde la guerre, au même titre que leurscollègues de Bosnie, du Kosovo, deSerbie: comme réfugiés, comme sol-

Des Serbes réfugiés deCroatie et de Bosnie

en compagnie dupersonnel du JRS dansun centre en Serbie. LeJRS est à l��uvre dans52 centres en Serbie et

au Monténégro.

Danielle Vella est responsablede l�Information au BureauInternational du JRS

SERBIE

dats, ils ont souffert des blessures, destortures, de l’exécution ou de l’empri-sonnement d’êtres qui leur étaientchers. Aujourd’hui, ils sont au servicede personnes appartenant à des ethniesdifférentes. Lorsqu’on rencontre cesgens, on peut croire que la réconciliationest possible et qu’un temps viendra oùla peur n’empêchera plus les réfugiésde rentrer chez eux.

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La vie au désertDorothy Pilkington SSJ

Le JRS propose des services éducatifs et sociaux aux réfugiés du camp deKakuma. Sœur Pilkington témoigne du travail de réhabilitation et deconseil auprès des personnes marginalisées.

Je vis dans une prisonil n�y a pas de gardepas de libertéet la vie y est dure...Je suis en vieje suis dans une tombeune tombe qui me permet de bouger

Silesi Wordofa,sur la vie dans lecamp de Kakuma

Les réfugiés du camp de Kakuma ontéchappé à leurs ennemis mais ils sesont retrouvés dans le désert semi-

aride du nord-ouest du Kenya. Ils se re-trouvent dans un désert brûlant balayé pardes tempêtes de sable. La végétation selimite à quelques petits buissons d’épines.Pays des scorpions, des araignées et desserpents.

Le camp de Kakuma abrite de nombreuxgroupes ethniques et des gens de tous âges.La plupart d’entre eux viennent du Soudanet de Somalie; d’autres, en moins grandnombre, arrivent du Congo, du Rwanda, duBurundi, d’Éthiopie et d’Érythrée. Tous sontdes survivants de la guerre civile.

En arrivant à Kakuma, les réfugiés éprou-vent un court instant de joie et de soulage-ment: ils pensent en avoir terminé avec lesfusils, les bombardements et les tueries.Mais ils découvrent très vite que leur statutde réfugié les expose à de potentielles vio-lations des droits humains car ils nebénéficient plus de la sécurité que leur pro-cure leur propre gouvernement. Nous nepouvons pas comprendre ce que celasignifie d’être réfugié, d’être obligé de fuirson pays en laissant derrière soi sa familleet ses amis, d’avoir constamment besoind’être protégé, de ne pas jouir de sa liberté,d’attendre du HCR ou des ONG qu’ils vousfournissent le minimum nécessaire à lasurvie.

Kakuma: les services JRSdans ce camp touchentenviron 8.200 réfugiés

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11JUILLET 2001

La plupart des réfugiés souffrent de bles-sures physiques, mentales, sociales et spi-rituelles. Des gens ont été tués sous leursyeux, d’autres sont morts de faim. Pour fuir,certains ont dû abandonner leurs amis etleurs parents trop faibles.Le JRS a démarréun programme d’aide sociale dans le campde Kakuma, à l’intention des réfugiés quisont marginalisés dans leurs proprescommunautés. Ceux avec qui nous travail-lons recherchent un havre de paix.

L’équipe du service social est composéeprincipalement de réfugiés. Le JRS leurpropose une formation de base au cours delaquelle ils apprennent des techniques pourtraiter le stress et l’impact des expériencestraumatisantes, et pour aider les autres àporter un autre regard sur la vie, à trouverle sens et à entrer en profondeur dans leurssouffrances. Les personnes qui font ducounselling participent à des ateliers sur laguérison de la mémoire; le conseiller doitd’abord faire l’expérience du pardon avantde pouvoir aider les autres à faire le chemindu pardon. Après avoir suivi ces formations,les réfugiés les adaptent à leurs proprescultures.

Le travail de deuil fait partie des pro-grammes de counselling. La perte et le deuilsont au cœur de l’expérience du réfugié.Lorsqu’ils sont déracinés, les réfugiésperdent leur patrie, leurs maisons, leursemplois, leurs amis et leurs familles. Uncertain nombre de sessions ont pour thè-mes: le processus de deuil, le choc initial etl’état d’engourdissement qui en résulte, ainsique d’autres étapes du deuil: la réorien-tation, la réactivation et la vie nouvelle.

L’objectif du travail sur le deuil est le sui-vant: aider les gens en phase terminale àdire au revoir à leurs familles, à leurs amiset aux membres de leurs communautés. Lepourcentage de personnes infectées par levirus du sida au sein de la population descamps justifie le programme de counsel-ling. Les services de conseil avant et aprèsle test HIV/SIDA pour les personnessuspectées d’être infectées ont permis lerapprochement de certaines familles en vued’un soutien mutuel.

Dans sa tentative d’être la voix des sans-voix, de s’occuper des réfugiés les plus

vulnérables, le JRS est amené à travailleravec des femmes et des enfants, et parmices derniers, avec des mères célibatairesadolescentes qui ont été rejetées par leursfamilles et par leurs communautés. Nousavons démarré un programme baptisé Moms,qui propose des activités rémunératriceset récréatives. Nous gérons également unrefuge pour les jeunes filles qui ont étéphysiquement et sexuellement maltraitées,car elles n’ont aucun lieu où aller et sontmarginalisées.

Nous assistons également des femmes, desenfants et des hommes qui ont été trauma-tisés ou qui souffrent de maladies mentales,et qui sont rejetés par leurs communautésd’origine. Le Service Social du JRS promeutla dignité humaine, le bien-être, l’autonomiedes réfugiés qui se rendent dans les cen-tres de réhabilitation de jour accueillantquotidiennement une centaine de personnesde tous âges. Certaines d’entre elles ontbesoin de soins médicaux; d’autres béné-ficient d’activités centrées sur l’acceptationde soi.

Les réfugiés qui travaillent avec moi necessent de répéter que la vie est une luttepermanente tout en réaffirmant que la viedoit continuer. La force et la foi des réfugiés,qui vivent l’inconnu, sont des exemplesforts. Tous les membres de l’équipe duService Social n’ont qu’une préoccupation:améliorer la vie de leurs frères et sœurs.Chaque jour, je suis témoin du sens de lapersonne humaine et du respect qui les rendsolidaires de ceux que nous servons.

Après avoir vécu, travaillé et partagé avecle personnel du Service Social du JRS Ka-kuma, je crois que chacun peut être acteurde réconciliation et porteur d’espérance.Travailler à la réconciliation signifie êtrecapable de pardonner alors que noussommes sur le chemin de la paix intérieure,et être un artisan de paix dans la viequotidienne. A travers la mission du JRS etau nom des réfugiés.

Lorsque la guerre a éclaté auSud Soudan, Adut n�était pasavec sa mère. Le frère de samère a pris les enfants. Il étaitdur. Il les faisait lever de bonneheure pour travailler dans leschamps, pour aller chercher del�eau, pour préparer les repas.Les enfants ont dû cesserl�école. La guerre, et plusparticulièrement lesbombardements, les ontcontraints à quitter le Soudanet à partir pour Kakuma. La vied�Adut a changé du jour où samère est partie.

Même chose pour Élisabeth quia dû fuir le Soudan pouréchapper à un mariage forcé.Elle a été prise par les soldatsqui l�ont violée et l�ont laisséeagonisante.

Fatuma, l�aînée de six enfants,vivait avec ses parents enSomalie. Un jour, les soldatssont venus et ils ont tué le père.La mère est partie avec sesenfants pour le Kenya. Aucours du voyage, la mère a étéviolée et tuée. Aujourd�hui,Fatuma qui a 23 ans, s�occupede ses cinq jeunes frères ets�urs.

Mako a 23 ans, elle est mariéeet elle a deux enfants. Lorsquele HCR a annoncé desréductions budgétaires pourtous ses services, elle a dûramasser du bois pour faire sacuisine. Pendant que Makoramassait du bois mort, ungroupe de jeunes gens l�aattaquée et violée. Mais lacommunauté de la jeune fillel�a rejetée au lieu de laconsidérer comme une victimede la violence.S�ur Dorothy Pilkington était

directeur du Service Social du JRSKakuma jusqu�en avril 2001

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KENYA

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Servir est publié par le JesuitRefugee Service, fondé parPedro Arrupe SJ, en 1980.Le JRS, une organisationcatholique internationale,accompagne, sert et plaide lacause des réfugiés et desdéplacés.

Editeur: Lluís Magriñà SJ

Rédacteur: Danielle VellaProduction: Stefano Maero

Servir est disponiblegratuitement en anglais, enespagnol, en italien et enfrançais.

email: [email protected]

adresse: Jesuit Refugee ServiceC.P. 613900195 Roma PratiITALIE

fax: +39 06 687 9283

Dispatches est unepublication bimensuelleenvoyée par email, contenantdes nouvelles du JRS, desréflexions spirituelles, desinformations sur lerecrutement; elle estdisponible gratuitement enanglais, espagnol, italien etfrançais.

email: [email protected]

Photo de couverture:John Kleiderer/JRS

Crédits photos:JRS Allemagne (pages 2 et 3);John Kleiderer/JRS (page 4 enhaut); Mark Raper SJ/JRS (page5 en haut et couverture de Warhas changed our life, not ourspirit); Amaya Valcárcel/JRS(page 5 en bas); OihanaIrigaray/JRS (page 7); JohnDardis SJ/JRS (page 9); MichaelCoyne (page 10); Joaquim daSilva Sarmento SJ (page 12).

Le 20 juin dernier, nous avons célébré, pour la première fois, la JournéeMondiale des Réfugiés. Les Nations Unies ont choisi cette date car ellecoïncide avec le 50ème anniversaire de la création du Haut Commissariat

pour les Réfugiés, l’agence spécialisée dans l’aide aux réfugiés. Le but de cettejournée: rappeler à la communauté internationale les problèmes auxquels sontconfrontés les 50 millions de personnes déplacées dans le monde.

La revue que vous tenez entre vos mains décrit la vie quotidienne des réfugiés endivers points du globe: les Balkans (l’ex-Yougoslavie), deux pays d’Afrique, leBurundi et le Kenya, mais aussi ceux qui, en Allemagne, tentent de se fairereconnaître comme réfugiés. Nous expliquons comment nous accompagnons lesréfugiés, les services que nous leur proposons et la manière dont nous tentons defaire parvenir leurs voix aux oreilles de la communauté internationale.

La question des réfugiés se joue désormais à l’échelle de la planète. La réalitéquotidienne des réfugiés dépend d’un certain nombre de facteurs: le lieu où il vit,la durée de son exil, la situation juridique et l’aide qu’il reçoit. Ces réfugiés sontsouvent oubliés de la communauté internationale et complètement marginalisés.C’est le cas des réfugiés du camp de Kakuma au Kenya qui ne peuvent pasrentrer dans leur pays d’origine. D’autres réfugiés vivent en zone urbaine dansdes conditions très différentes de ceux qui vivent dans les camps et nous devonstrouver les moyens de répondre à leurs besoins. Le nombre de personnesdéplacées a considérablement augmenté, ainsi qu’en témoigne ce qui se passedans un faubourg de Bujumbura, Kinama. Aucune agence internationale n’a reçude mandat pour s’occuper de ces populations. L’accès aux personnes déplacéesn’est pas facile et les conditions de sécurité empêchent bien souvent d’acheminerl’aide à laquelle elles ont droit. A notre avis, les politiques visant à réduirel’immigration clandestine sont dangereuses car elles peuvent représenter unobstacle pour des personnes ayant besoin de la protection de la communautéinternationale pour échapper à la persécution.

La variété des situations de réfugiés demande une augmentation des réponsesalors que l’aide internationale est en régression. Cette situation a un aspectnégatif sur la vie des millions de personnes déplacées qui verront leur rationalimentaire diminuée, les soins médicaux réduits au minimum et les servicessociaux, dont l’éducation, limités à l’éducation primaire, et ceci dans le meilleurdes cas.

Ces lignes sont très dures. Mais derrière les nombres et les analyses, il y a desvisages que nous ne pouvons pas oublier. Les témoignages des femmes qui se

trouvent en page 5 montrent qu’il estencore possible de croire en un mondemeilleur et que le Dieu des Vivants està l’œuvre parmi nous. Les paroles deces femmes sont un appel à continuernotre mission.

Recevez nos sentiments les meilleurs,

Lluís Magriñà SJDirecteur international du JRS

Journée Mondiale des Réfugiés

www.jesref.org