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Santorin Géologie Eric Reiter Préface de Jacques-Marie Bardintzeff

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Santorin Géologie

Eric Reiter

Préface de Jacques-Marie Bardintzeff

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Santorin

Eric Reiter

Préface de Jacques-Marie Bardintzeff

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Table of Contents PRÉFACE 6 INTRODUCTION 7

GÉOGRAPHIE 8 TECTONIQUE 8

PARTIE I: HISTOIRE GÉOLOGIQUE ET VOLCANIQUE 10 LE SOCLE PRÉ-VOLCANIQUE 10 HISTOIRE ÉRUPTIVE 10

PARTIE II : L’ÉRUPTION MINOENNE 18 MORPHOLOGIE DE L’ÎLE DE STRONGHYLE AVANT L’ÉRUPTION MINOENNE 18 SÉISMES PRÉCURSEURS 18 L’ÉRUPTION 18 IMPACTS DE L’ÉRUPTION MINOENNE 21 CHUTES DE CENDRES 21 NUÉES ARDENTES 21 TSUNAMI 21 EFFETS CLIMATIQUES 21 L’ÉRUPTION DE SANTORIN ET LES DESTRUCTIONS EN CRÈTE 22

PARTIE III : PÉTROLOGIE ET GÉOCHIMIE DES LAVES DE SANTORIN 23 PÉTROLOGIE 24 GÉOCHIMIE 24

PARTIE IV : LE VOLCAN KOLOMBO 25 PARTIE V : ACTIVITÉ HYDROTHERMALE 29

CHIMIE DES SOURCES HYDROTHERMALES DE PALEA KAMENI 30 VARIATIONS CHIMIQUES SPATIALES ET TEMPORELLES DES FLUIDES HYDROTHERMAUX 32

LES SÉDIMENTS HYDROTHERMAUX 33 RECHERCHE GÉOTHERMIQUE 34

PARTIE VI: SURVEILLANCE DE SANTORIN 35 SURVEILLANCE DE LA MICRO-SISMICITÉ 36 SURVEILLANCE DU CHAMP GÉOMAGNÉTIQUE 36

PARTIE VII: LE RISQUE VOLCANIQUE À SANTORIN 37 SOURCE 39

ARTICLES SCIENTIFIQUES 40 SITES INTERNET 40

ANNEXE 1 : CARTE GÉOLOGIQUE DE L’ARCHIPEL DE SANTORIN 42 ANNEXE 2 : CARTE VOLCANOLOGIQUE DE PALEA ET NEA KAMENI 38 ANNEXE 3: SCHÉMA STRUCTURAL DE SANTORIN 44

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Préface

Il y a 35 siècles, l’île de Santorin explosait à cause d’une formidable éruption volcanique. 100 km3 de cendres étaient expulsés, soit 500 fois plus que lors de la crise du fameux volcan islandais qui paralysa le ciel européen au printemps 2010 ! Les cendres atteignirent la Crète, la Turquie, l’Égypte... Un tsunami dévasta la Méditerranée orientale. Ce cataclysme fut interprété comme une punition divine et pourrait expliquer certains textes bibliques concernant les « plaies d’Égypte ». Platon en a fait le siège de l’Atlantide, ce continent merveilleux disparu sous les flots. Les fouilles archéologiques d’Akrotiri témoignent en effet de la prodigieuse civilisation minoenne brusquement disparue. Aujourd’hui, il reste un anneau de terre incomplet, entourant une vaste caldeira marine au centre de laquelle deux îles volcaniques ont surgi. La dernière éruption ne remonte qu’à 1950. Le volcan ne dort que d’un œil ! Dans la présente monographie, Éric Reiter a décidé de revisiter cette éruption de référence. Il nous parle des signaux précurseurs, détaille les phases éruptives, présente la géochimie du magma et envisage la prévision des risques futurs. Suivons-le dans sa palpitante enquête géologique, pleine de rebondissements !

Jacques-Marie Bardintzeff Volcanologue, Professeur des Universités

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Introduction

Géographie

Santorin est un groupe d’îles faisant partie de l’archipel des Cyclades situé en Mer Egée entre la Grèce continentale

et la Crète (Fig. 1). Son nom officiel est Thira. Il est constitué de plusieurs îles:

Thera, l’île la plus importante (75,8 km2pour 7000 habitants)

Therasia (9,3 km2 pour 250 habitants)

Aspronisi (0,1 km2, inhabitée)

Palea Kameni (0,5 km2, 1 habitant)

Nea Kameni (3,4 km2, inhabitée)

Figure 1: Cartes de Santorin (source: Decade Volcano)

Ce groupe d’îles forme un volcan actif qui est un maillon de l’arc volcanique égéen.

Si l’on exclut une petite partie située dans le Sud-Est de l’île de Thera, toutes ces îles ont une origine volcanique.

Elles se sont formées lors de plusieurs centaines d’éruptions qui ont eu lieu au cours des 2 derniers millions

d’années, certaines d’entre elles, formant une large caldeira.

Les îlots de Palea Kameni et Nea Kameni se sont formés dans les temps historiques à l’intérieur de la caldeira. Nea

Kameni est la partie volcanique active de l’archipel : sa dernière éruption date de 1950.

Tectonique

L’arc volcanique du Sud de la Mer Egée (auquel appartient Santorin) s’étend sur environ 500 km d’Est en Ouest

pour une largeur de 20 à 40 km. Il comprend une partie de la Grèce continentale, passe par les îles d’Aegina,

Methana, Poros, Milos, Santorin, Kos, Yali, Nisyros pour se terminer à la péninsule de Bodrum en Turquie.

Cet arc est caractérisé par des séismes localisés à des profondeurs entre 150 et 170 km. Ces derniers sont dus à la

subduction de la plaque africaine sous la microplaque égéenne qui est une composante de la plaque eurasiatique.

Cette subduction se fait à une vitesse de 5cm/an. La frontière entre les plaques se situe au Sud de la Crète.

La croute de la Mer Egée est de nature continentale et a une épaisseur comprise entre 20 et 32 km. L’archipel des

Cyclades se trouve donc sur cette croûte continentale qui est très fracturée en raison d’une extension liée à un

bassin d’arrière arc. Les centres volcaniques de l’arc égéen sont alignés sur 5 fractures orientées N60° et

interprétées comme des ruptures majeures qui permettent l’ascension de magmas depuis le manteau.

Les Cyclades forment une zone métamorphique complexe : le Massif Cycladique formé au Trias et durant l’ère

Tertiaire, métamorphisé et fracturé durant l’orogénèse alpine. Ce massif était un ensemble homogène avant le début

de la subduction.

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Figure 2: Schéma structural de l’arc volcanique Egéen (d’après Friedrich, 1994)

Dans l’arc égéen, le volcanisme est apparu il y a plus ou moins 3 millions d’années, sauf dans l’île de Kos où l’âge

de certaines ignimbrites a été estimé à 10 millions d’années.

Le champ volcanique de Santorin comprend Santorin s.s., l’île de Chistiana à 20km au Sud-Ouest et le volcan

immergé de Columbus à 7km au Nord-Est. Cette ensemble est globalement situé sur un horst appelé ride

d’Amorgos. Sur Santorin même, les principales structures tectoniques visibles dans les roches non volcaniques ont

une orientation Nord-Est / Sud-Ouest comme la faille reliant Perissa Beach à Kamari Beach, passant par Profitis

Ilias

La structure tectonique la plus importante est appelée ligne de Kameni. Elle recoupe la caldeira, passant par l’île de

Christiana, la péninsule d’Akrotiri, Palea Kameni et Nea Kameni. La plupart des éruptions connues se sont

produites le long de cette faille. La faille de Columbo, parallèle à celle de Kameni, recoupe, quant à elle, Megalo

Vouno, le maar de la plage de Cape Columbo et le volcan Columbo. Il semble que le magma ait, lors de sa

remontée, emprunté de grandes zones faillées préexistantes.

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Partie I: Histoire géologique et volcanique

Le socle pré-volcanique

Sur l’île de Thera, ce socle non volcanique est visible au

Mont Profitis Ilias, ainsi qu’à Mesa Vouno, Gavrillos, Pirgos,

Monolithos et le long de la caldeira entre Cape Plaka et

Athinios.

Il représente une île présente avant l’activité volcanique

d’une dimension de 9x6 km environ. Il est constitué de

calcaires métamorphisés et schistes datés entre le Trias et

l’ère Tertiaire. Le faciès métamorphique observé est le faciès

des schistes bleus résultant d’une déformation tectonique

entre l’Oligocène et le Miocène.

Il est à noter qu’on a retrouvé à Athinios une intrusion granite

de 9,5 millions d’années. Il s’agit vraisemblablement d’un

pluton lié à la province granitique des Cyclades. Il est à

l’origine du dépôt de certains minerais (talc, chalcopyrite,

magnétite, …).

Figure 3: Le socle pré-volcanique vu depuis les ruines

antiques de Thera

Histoire éruptive

A Santorin, le volcanisme a débuté il y a environ 2 millions d’années par l’extrusion de laves dacitiques dans ce qui

est maintenant la péninsule d’Akrotiri. Cette activité s’est poursuivie par l’émission de différents types de lave et de

produits pyroclastiques (Friedrich, 1994). Cependant, la partie la plus importante de l’histoire volcanique de l’île

s’est déroulée durant les 200 000 dernières années avec plusieurs cycles de construction d’un volcan bouclier

interrompue par de très importants événements explosifs.

Figure 4: Les couches de dépôts volcaniques permettent de reconstituer l'histoire de Santorin

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De manière plus précise, l’évolution volcanique de Santorin peut être divisée en 6 périodes (Druitt and others,

1989. Note: les éruptions pliniennes sont en gras)

Evénement Composition du magna Date

Formation des îles Kameni Dacite De 197 av. JC à 1950

4ème effondrement et formation d’une caldeira

Eruption minoenne Rhyodacite et andésite - 3 600 ans

3ème effondrement et formation d’une caldeira

Eruption de Cape Riva Rhyodacite et andésite - 21 000 ans

Mise en place des laves de Therasia Rhyodacite et andésite

Eruption des andésites d’Oia Andésite

Eruption de Scories Andésite - 40 000 ans

Mise en place des laves de Skaros Basalte et andésite

2ème effondrement et formation d’une caldeira

Eruption de Scories Andésite Entre – 60 et – 40 000 ans

Eruption de Vourvoulos Andésite et dacite

Apparition des cônes de Megalo Vouno et

Kokkino Vouno Andésite Entre – 50 et -70 000 ans

Anneau de tuff d’Aspronisi tuff ring

Eruption de ponce Dacite et andésite - 60 000 ans

Eruption de Cape Thera Andésite

Mise en place des laves de Simandiri Andésite - 172 000 ans (+/-33 000

ans)

1er effondrement et formation d’une caldeira

Eruption de ponce

(Lower Pumice 2 éruptions)

Rhyodacite et andésite - 180 000 ans

Eruption de ponce

(Lower Pumice 1 éruption)

Rhyodacite et andésite 203+-24 ka

3ème éruption de Cape Therma Andésite

Extrusion des rhyodacites de Cape

Alonaki et au Nord Est de Thera Rhyodacite

2ème éruption de Cape Therma Rhyodacite

1ère éruption de Cape Therma Andésite

Andésites de Cape Alai Andésite

Apparition des cônes de cendres de

Balos, Kokkinopetra et Mavrorachidi Basalte et andésite

- 344 000 ans (+/- 25 000

ans)

3ème éruption de Peristeria Basalte et andésite Entre - 308 et – 480 000

ans

2ème éruption de Peristeria (coulées de

lave et dôme) Andésite - 496 000 ans

1èreéruption de Peristeria Andésite - 528 000 ans

Eruptions sous marines à Akrotiri Rhyodacite Entre – 2 000 000 et –

600 000 ans

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Les volcans et cônes de cendres d’Akrotiri (2000-500 ka)

Les roches volcaniques les plus anciennes se trouvent dans la péninsule d’Akrotiri et les îles de Christiania. Ce sont

des laves dacitiques mises en place sous forme de dômes, de coulées et de dépôts pyroclastiques. Elles sont

fortement altérées par l’activité hydrothermale. A l’heure actuelle, ces zones sont toujours visibles : elles forment

les collines de Lumaravi and Archangelos. A partir de fossiles marins retrouvés dans ces tuffs, Seidenkrantz et

Friedrich (1992) ont déterminé un âge de 2 000 000 d’années pour ces éruptions.

A cette période, la péninsule d’Akrotiri était vraisemblablement une île à part entière et n’était pas connectée à la

partie non volcanique.

Les volcans de Peristeria et Thera (530-180 ka)

Entre 530 et 430 000 ans, un grand stratovolcan, appelé Persiteria, s’est formé dans ce qui est maintenant la partie

Nord de la caldeira. Actuellement, des vestiges de ce volcan sont visibles à Megalo Vouno et Mikro Profitis Ilias.

Certains cônes de cendres présents dans la péninsule d’Akrotiri (Red Beach, Mavropetra et Mavrocachidi) sont

probablement des cônes adventifs de ce système.

Dans le même temps, un autre volcan bouclier, appelé Thera, s’est mis en place au centre de l’actuelle caldeira.

Certaines de ces coulées de lave sont visibles à Cape Alai et Cape Alonaki, près de Fira. Ce volcan a unifié les

différents centres volcaniques plus anciens et le massif calcaire en une seule île.

Figure 5: Cône de Red Beach

Premier cycle éruptif (360-180 ka)

Certains auteurs ont reconnu deux cycles éruptifs regroupant les grandes éruptions explosives grâce à une

modification de la chimie des produits émis (de mafique vers siliceux).

Le premier cycle débute avec la première éruption de Cape Therma qui a engendré un épais dépôt de scories. Il se

poursuit avec la deuxième et troisième éruption de Cape Therma et se termine avec les importantes éruptions de

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ponce Pumice 1 and 2 (BU1 and BU2) entre - 180 et -200 000 ans. Tous ces évènements ont probablement eu lieu à

partir de bouches du volcan Thera.

Ce premier cycle se termine par le premier effondrement du volcan, créant la caldeira BU. Des restes de cette

caldeira sont visibles sur la falaise de l’actuelle caldeira en dessous de Fira où une discontinuité sépare les dépôts

de BU2 et les couches sus-jacentes.

Deuxième cycle éruptif (180 ka - 1600 BC) et les laves de la partie septentrionale

Figure 6: Cape Skaros au premier plan

Le second cycle comprend au moins 7 éruptions

importantes. Durant cette même période, plusieurs

importantes coulées de laves ont été mises en place dans

la partie Nord de l’île.

Au moins trois formations de caldeira se sont aussi

produites, détruisant la plus grande partie du volcan

bouclier existant. La première a eu lieu après une

importante éruption de ponce. Il a créé la caldeira de

Skaros qui fût ensuite comblée par les coulées de lave

d’un grand stratovolcan. On trouve encore des traces de

ces coulées à Cape Skaros. Le mur de la caldeira de

Skaros est visible au Nord de Fira.

Cet amoncellement de coulées a ensuite été détruit par

un effondrement qui s’est produit lors des éruptions de

Cape Riva. Finalement, le dernier effondrement s’est

produit lors de l’éruption minoenne et a donné sa forme

générale actuelle à l’île.

Les îles Kameni (197 av. J-C - actuellement)

Les îles Kameni, de nature dacitique, se sont formées après l’éruption minoenne. Leur formation et évolution ont

été documentées par des observations humaines.

C’est l’écrivain Strabo qui le premier a mentionné une activité éruptive dans la caldeira. Ensuite, au moins 8 phases

éruptives se sont succédées.

En 197 av. J-C, se forme une île appelée Hiera à l’intérieur de la caldeira. Puis l’activité reprend en 47, avec

l’apparition d’une nouvelle île qui, avec Hiera forme la base de l’actuelle Palea Kameni. Ces deux premières

éruptions ont sans doute été de type surtseyen.

En 726, une éruption sub-plinienne se produit. Après l’éruption de ponce, une petite coulée se met en place, créant

le lobe de lave noir présent à Agios Nikolaos (la petite baie où se trouve maintenant l’église et les sources chaudes

de Palea Kameni).

En 1457 et 1458, plusieurs rapports font état d’un effondrement partiel de Palea Kameni et/ou de l’apparition d’une

nouvelle île entre Palea Kameni et Thera.

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Figure 7: les îÎes Kameni

Entre 1570 et 1573, une activité surtseyenne crée l’île de Mikri Kameni.

Le 27 septembre 1650, le volcan sous-marin Kolombos entre en éruption. Celle-ci a été précédée par deux années

d’intense activité tectonique. L’éruption débute par une lente et calme extrusion de lave qui est suivie par une

violente explosion qui produit une importante quantité de cendres et de ponces. Le 29 septembre, un tsunami cause

de sérieux dégâts sur les côtes de Santorin ainsi que sur toutes les îles à 150km à la ronde. Les grandes quantités de

SO2 émises tuent une cinquantaine de personnes et environ 1000 têtes de bétail. Un cône pyroclastique émerge de

quelques mètres mais est rapidement érodé. Le sommet de ce dernier se trouve maintenant à 20m de profondeur.

Figure 8: Morphologie des Îles Kameni au début du

XVIIIème siècle (Institute for the Study and

Monitoring of the Santorini Volcano (ISMOSAV))

Entre le 23 mai 1707 et septembre 1711, l’île de

Nea Kameni apparaît. Cette période de forte

activité avait été précédée de plusieurs séismes. Au

départ, deux îles distinctes sont sorties de l’eau.

Elles se sont réunies le 12 juin 1711.

Aucune éruption n’a été reportée entre 1711 et

1866. Les îles de Mikri et Nea Kameni forment

deux baies (les baies de Georgios et Vulkano).

Seules sont signalées des fumerolles dans la baie

Vulkano. On construit un port et des maisons de

vacances sur Nea Kameni.

En janvier 1866, les murs de certaines maisons de Mikri et Nea Kameni ont été endommagés. Dans le même temps,

l’eau de mer s’est mise à bouillir à proximité des îlots et l’activité fumerollienne a augmenté. Le 4 février 1866

débute une nouvelle éruption. Elle se traduit par une activité effusive et une activité explosive. Au cours de cette

éruption, plusieurs évents ont été actifs à tour de rôle. Les faits les plus marquants de cette éruption sont :

Les îles de Mikri Kameni et Nea Kameni ont été réunies

Le 10 mai 1866, une nouvelle île apparaît. Elle fut nommée Maionisi. Elle disparût peu de temps après.

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L’éruption prend fin le 15 octobre 1870.

Les éruptions au XXème siècle

L’éruption de 1925

La première éruption du XXème

siècle débute en 1925. Elle est précédée le 28 juillet de cette même année par une

série de petits séismes qui mettent les habitants en alerte. Dès lors, des géologues grecs, allemands et néerlandais

sont dépêchés sur place.

Figure 9: Les Îles Kameni après l'éruption de 1925 et position du dôme Daphne (Institute for the Study and

Monitoring of the Santorini Volcano (ISMOSAV))

L’éruption débute le 11 août dans la zone de Kokkina Nera (là où se trouvent les sources chaudes actuellement).

Cette activité a engendré l’augmentation de la température de l’eau de mer à Kokkina Nera, la disparition d’une

partie de la côte orientale de Nea Kameni et la formation du dôme Daphne. Plusieurs explosions

phréatomagmatique ont envoyé des cendres à plus de 3 km d’altitude. Quelques jours après le début de l’éruption,

l’activité se déplaça de 200m vers le Sud-Ouest pour former plusieurs nouveaux cratères.

Figure 10: Le dôme Daphne

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En janvier 1926, l’activité marque une pause de 4 mois. L’activité reprend en mai de manière très brève. De mai

1926 et jusqu’en janvier 1928, l’activité s’arrête à nouveau. Cette pause est suivie de 5 explosions dont la dernière

créa le dôme Nautilus. Toutefois, ce dôme n’est maintenant plus visible car il a été recouvert par une coulée lors de

l’éruption suivante.

Les éruptions de 1939-1941

Figure 11: L'éruption de 1939 (Institute for the

Study and Monitoring of the Santorini Volcano

(ISMOSAV))

Une série de phases explosives et de mouvements de terrain

caractérisent cette période.

Au début du mois de mai 1939, l’eau de la baie d’Agios

Georgios sur l’île de Palea Kameni (là où se trouve la petite

église) s’est réchauffée. Le 20 août, une explosion sous-

marine a eu lieu, créant un cratère dans lequel apparaît un

petit dôme baptisé Triton.

Un mois plus tard, l’activité s’est déplacée d’une centaine de

mètres vers le Nord-Est et crée des coulées de lave et un dôme

appelé Ktenas. Ces coulées arrivent en mer (dans la baie

d’Agios Georgios) et recouvrent le dôme Triton. Entre

novembre 1939 et juillet 1940, l’activité continue de se

déplacer vers le Nord-Est, créant le dôme et les coulées

Fouquet.

En juillet 1940, deux nouveaux centres éruptifs apparaissent. Ils génèrent des dômes et des coulées de lave qui

recouvrent les pentes occidentales de Nea Kameni et arrivent à la mer. Peu d’explosions ont été enregistrées durant

cette période. Fin août 1940, deux importantes explosions se produisent au sommet de l’île, créant deux nouveaux

cratères ayant chacun 50m de diamètre. Aucun magma ne s’est épanché de ces cratères. En novembre de la même

année, une nouvelle coulée de lave visqueuse se met en place à partir d’un évent situé à 100m à l’Est de ces

cratères. Cette coulée, appelée Niki, recouvre les pentes Est de l’île et s’est arrêtée juste avant la mer. L’éruption

prend fin en juillet 1941.

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Figure 12: Les Îles Kameni après l'éruption de 1939 (Institute for the Study and Monitoring of the Santorini Volcano

(ISMOSAV))

L’éruption de 1950

Il s’agit de l’éruption volcanique la plus récente en Grèce. Elle fût précédée de séismes à partir d’août 1949. En

particulier, un violent tremblement de terre qui détruisit une partie de l’île se produisit en 1950. Le foyer de ce

séisme a été localisé à une profondeur de 160 km et il pourrait correspondre à un processus de génération de

magma au dessus de la plaque subductée.

Figure 13: Les Îles Kameni après l'éruption de 1950 (Institute for the Study and Monitoring of the Santorini Volcano

(ISMOSAV))

Le 10 janvier 1950, une forte explosion crée un nouveau cratère d’où le magma commence à sortir. Cette activité a

été marquée par plusieurs fortes explosions qui ont propulsé des fragments de roches à plus de 1000m d’altitude.

Les explosions phréatiques et l’épanchement de lave se poursuivent jusqu’au 2 février, créant le dôme Liatsikas.

En outre, le 28 novembre 1978, à environ 500m du Cape Ayios Ioannis Thalassinos (entre Oia et Therasia), une

importante quantité de gaz a soudainement été libérée et a causé une forte agitation de la surface de la mer.

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Partie II : L’éruption minoenne

L’éruption minoenne s’est déclenchée vers 1645 av. J-C, à la fin de l’âge de Bronze. Ce fût l’une des plus

importantes éruptions pliniennes des temps modernes. Trente à quarante kilomètres cubes de magma dacitique ont

été éjectés (Simkin and others, 1981). L’éruption a été suivie par l’effondrement de la chambre magmatique qui

engendra la création de la caldeira actuelle. La colonne plinienne a atteint une altitude de presque 40km (Pyle,

1990). Ses cendres ont été dispersées dans toute la Méditerranée orientale et ont dû avoir un impact sur le climat de

l’ensemble de la planète. Sur l’île de Santorin, les dépôts relatifs à cette éruption ont, par endroits, une épaisseur

supérieure à 75 m. Ils sont constitués de ponces blanches et de cendres.

Ainsi, l’éruption s’est produite sur une île occupée par une civilisation hautement développée. Depuis 1969, les

fouilles proches d’Akrotiri ont amené un éclairage important sur la civilisation de Santorin à l’âge de Bronze.

Morphologie de l’île de Stronghyle avant l’éruption minoenne

Les îles formant l’archipel de Santorin sont les restes d’une île bien plus grande qui s’appelait Stronghyle (« La

Ronde ») en raison de sa forme.

La grande éruption minoenne a été précédée par une longue période d’inactivité volcanique qui a duré au moins

15 000 ans. Durant cette période, Stronghyle atteignait une altitude de près de 600m en son centre. A cet endroit, se

trouvait vraisemblablement un cratère formant une vaste dépression plate couverte de végétation.

Comme Stronghyle était le résultat de la réunion d’une dizaine de centres éruptifs, elle ne présentait pas une forme

de cône idéal.

Des études de terrain ont pu reconstituer au moins partiellement la morphologie de cette île. Une baie existait au

Sud-Ouest de l’île au niveau actuel d’Apronisi. Cette baie avait environ 2km de large et devait servir de port aux

Minoens. Un second port, plus petit et mieux protégé existait à l’Ouest de la ville d’Akrotiri.

Stronghyle était moins étendue que l’actuel archipel. La falaise de Monólithos n’était alors qu’un îlot.

Séismes précurseurs

La plupart des preuves mettant en évidence l’existence de séismes ayant précédé l’éruption sont situées dans

l’ancienne ville d’Akrotiri. Ainsi, les archéologues pensent qu’il y a eu au moins 2 séismes majeurs.

Le premier séisme a eu de sérieux effets sur la ville et a engendré un grand programme de reconstruction. Le

second évènement majeur est, en fait, une suite de séismes moins importants qui ont engendré de petits

changements dans la ville. Les habitants ont vraisemblablement abandonné la ville après cet évènement.

Au vu de l’importance de ces tremblements de terre, certains auteurs pensent qu’ils ont pour origine des

mouvements tectoniques et non l’activité volcanique. Toutefois, dans le début des années 1970, les chercheurs ont

avancé l’hypothèse que ces mouvements tectoniques et le déclenchement de l’éruption étaient liés.

L’éruption

Les premières chutes de tephra (unité BO0)

Certains auteurs décrivent, dans le Sud de Thera, jusqu’à 4 niveaux de fines cendres de couleur jaune, orange-brun

et/ou gris clair. Dans ces strates, les cendres sont accompagnées de fragments lithiques et de ponces de la taille des

lapilli. L’épaisseur de ces couches varie de 1 à 4 cm.

Les volcanologues interprètent ces niveaux comme des retombées de cendres émises par un évent proche de

l’actuelle Nea Kameni. Ils ont été engendrés par une activité phréatique et phréatomagmatique qui a précédé de

quelques mois l’éruption principale. Cette activité a pu servir d’avertissement à la population.

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Première phase majeure de l’éruption: Eruption plinienne et retombées de ponce (unité BO1)

Figure 14: Dispersion des cendres de l’éruption minoenne (d’après Friedrich 1994)

Les cendres de l’éruption minoenne ont été retrouvées dans tout l’Est de la Méditerranée. L’axe de dispersion

montre la direction des vents dominants au moment de l’éruption. (d’après Friedrich 1994).

La première phase de l’éruption se caractérise par une colonne plinienne de 36km de haut à partir de laquelle des

ponces retombent. Ces retombées ont engendré des dépôts dont l’épaisseur varie entre 50cm et près de 6m. Ils

recouvrent la totalité de la surface de l’île telle qu’elle existait avant le début de l’éruption. Toutefois, en raison des

vents dominants, l’épaisseur de ces dépôts est plus importante dans le Sud de l’île. L’épaisseur la plus importante

ainsi que les clastes de ponce les plus gros se trouvent dans les carrières situées au Sud de Fira. Ainsi, on peut

définir la position du cratère ayant émis ces produits : sa position était très probablement à l’Ouest de Fira entre

Cape Katofira et l’actuelle île de Nea Kameni.

Les cendres ont été disperses dans toute la Méditerranée orientale, les particules les plus fines ayant été transportées

à de grandes altitudes. On a retrouvé certaines cendres de Santorin sur d’autres îles grecques et jusqu’en Turquie

(Sigurdsson et al., 1990).

Sur Santorin, les dépôts consistent principalement en des ponces massives avec un faible granoclassement.

Toutefois, dans certaines sections, un granoclassement inverse apparaît, prouvant une augmentation de la violence

de l’éruption dans le temps (Sparks and Wilson, 1990). Plus de 90% des dépôts sont constitués de ponces

rhyodacitiques grossières blanc-rosé, de ponces pauvres en cristaux et de quelques scories grises de nature

andésitique. Moins de 10% sont constitués de fines cendres et de fragments lithiques.

On ne trouve aucun signe d’interaction entre le magma et l’eau. Donc seuls les gaz d’origine magmatique ont été le

moteur de cette phase (Sparks and Wilson, 1990). On peut en déduire que l’évent de cette phase était aérien.

Toutefois, dans la partie haute des dépôts, une couche de très fine cendres apparaît et est interprétée comme un

dépôt lié à une activité phréatomagmatique qui marque la fin de cette phase.

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Deuxième phase majeure: Dépôts de nuées ardentes (unité BO2)

Figure 15: Vue sur la plaine côtière à l’Est de Thera. Cette partie de l’île a été créée

par les dépôts de coulées pyroclastiques issues de l’éruption minoenne

Les dépôts de cette phase sont

constitués de nombreuses

couches blanches de lapilli de

ponce et de cendres avec de

nombreux blocs lithiques de

dimensions métriques. Environ

90% du volume de ces couches

est constitué de fines cendres et

de ponce. Toutefois, de fortes

variations locales peuvent être

observées.

Un contact érosif avec les

dépôts de l’unité BO1, des

stratifications croisées, des

dunes, des anti-dunes, et des

figures d’impact sous les

bombes sont caractéristiques de

cette phase.

Les dépôts de cette phase ont été générés par des coulées pyroclastiques produites par des explosions

phréatomagmatiques. En raison de l’érosion, l’évent de la phase 1 s’est fracturé, permettant à l’eau de mer de

rentrer dans le cratère. Cela produisit de violentes explosions qui pulvérisèrent le magma et éjectèrent des blocs

lithiques selon des trajectoires balistiques.

La structure litée des couches prouvent que les matériaux ont été transportés de manière horizontale à des vitesses

comprises entre 15 et 50 m/s. Les dépôts sont contrôlés par la topographie.

Au début de cette seconde phase, on trouve deux strates de ponces qui ont pour origine des retombées. Elles

montrent qu’il y a eu une période de fluctuation entre les styles éruptifs au début de la phase 2.

Selon les auteurs, l’épaisseur des dépôts de la phase 2 varie considérablement (de 7 à 12 m). Ces différences

peuvent s’expliquer par la transition progressive qui existe entre les dépôts de cette phase et ceux de la phase 3.

Le cratère à l’origine des dépôts de cette seconde phase a une localisation semblable à celui de la phase 1.

Troisième phase majeure: coulées de cendres (unité BO3)

La base de ces dépôts est caractérisée par une couche chaotique que l’on retrouve le long de la falaise. Elle est

constituée de cendres, de ponces et de blocs dont les dimensions peuvent dépasser 10m de diamètre. Cette couche a

40m d’épaisseur le long de la caldeira, 55m dans le Sud de l’île. Cette épaisseur diminue rapidement lorsque l’on

s’éloigne. Elle est absente sur le Mont Profitis Ilias.

Dans la matrice de fines cendres vésiculées, on peut parfois observer des conduits de dégazage. Cela implique

l’existence de 3 composants : des pyroclastes, de l’eau liquide et de la vapeur d’eau (Sparks and Wilson 1990).

Seuls quelques blocs montrent des trajectoires balistiques. La majorité d’entre eux a été transportée par des coulées.

Ces coulées devaient avoir une forte énergie car elles ont pu remonter des pentes de 30° à Micro Profitis et Megalo

Vouno. La température de mise en place de ces coulées devait être de l’ordre de 400°C.

21

L’origine des dépôts de cette phase est controversée :

Des coulées de bouée provenant du démantèlement d’un anneau de tuff qu’auraient généré les coulées

pyroclastiques

Des coulées pyroclastiques. La forte concentration en blocs lithiques est alors interprétée comme le début

de l’effondrement de la caldeira

Un mélange de retombées balistiques (dans le secteur Sud-Ouest de la caldeira), de coulées de boue (sur les

flancs externes de Thera et à Thirassia) et des glissements de terrain (sur les flancs du mont Profitis Ilias).

Quatrième phase majeure de l’éruption unité (BO4)

Les dépôts de la phase 4 diffèrent de ceux la phase précédente par un subtil changement de couleur (du blanc au

crème). Leur gain est aussi plus fin avec des blocs plus petits et des débris de ponces. Toutefois, la proportion de

blocs reste importante (entre 35 et 50%) (Bond and Sparks, 1976). Ces dépôts sont peu épais sur le pourtour de la

caldeira (0,7 à 2 m) mais ils peuvent atteindre 40m d’épaisseur dans la plaine côtière.

Leur origine est controversée. Il pourrait s’agir :

de matériaux de la phase 3 qui ont été remobilisés par des inondations consécutives à l’effondrement de la

caldeira, la pluie, des tsunamis ou encore le vent.

Des dépôts d’ignimbrites

Impacts de l’éruption minoenne

L’éruption minoenne a été un événement explosif qui a eu des conséquences importantes pour les populations de

tout l’Est de la Méditerranée. Les effets principaux ont été des chutes de cendres, des nuées ardentes, des tsunamis

et un refroidissement du climat durant les années qui ont suivi l’éruption.

Chutes de cendres

L’éruption a produit plus de 20km3 de ponces et de cendres qui ont été dispersées par les vents dominants sur une

large partie de la Méditerranée. Une étude de leurs couches a permis de montrer que la plupart de celles-ci ont été

emportées vers l’Est, direction dans laquelle on a pu retrouver une couche de plusieurs centimètres jusqu’à 200km

de Santorin. Durant l’éruption, c’est approximativement, une superficie de 300 000 km2 qui a été plongée dans la

nuit en raison de l’épaisseur du nuage de cendres.

Nuées ardentes

L’étude des dépôts de nuées ardentes a montré que ces dernières s’étaient prolongées en mer. En faisant une

analogie avec les éruptions récentes du Krakatau (Indonésie, 1883) et de Soufriere Hills (Montserrat, éruption en

cours), on peut imaginer qu’une partie de ces nuées a voyagé au-dessus du niveau de la mer sur plusieurs dizaines

de kilomètres et a eu des conséquences pour tout navire croisant dans cette zone.

Tsunami

Les nuées ardentes et l’effondrement du toit de la chambre magmatique ont engendré des tsunamis qui ont atteint

toutes les îles environnantes, y compris la Crête.

Effets climatiques

L’éruption minoenne a libéré au moins 1.8 x 109

kg de dioxyde de soufre dans l’atmosphère. Au contact de l’eau

atmosphérique (nuages), ce dioxyde s’est transformé en acide sulfurique qui a bloqué le rayonnement solaire,

22

refroidissant ainsi la surface terrestre. Cette formation d’acide a généralement lieu entre 6 et 12 mois après

l’éruption.

Des simulations ont montré que l’éruption de Santorin a engendré une baisse de 0,35°C sur l’ensemble de la Terre.

L’éruption de Santorin et les destructions en Crète

Il n’y a pas de preuve formelle que l’éruption de Santorin ait causé des dommages catastrophiques en Crète. Ainsi,

les destructions survenues en Crète en 1450 av. J-C sont très probablement dues à des tremblements de terre

d’origine tectonique.

Certains auteurs ont montré une relation entre l’éruption de Santorin et des destructions sur les côtes de Crète à

Knossos, Mochlos, Pseira, Zakros. Mais ces destructions ne suggèrent pas une grande catastrophe : on n’y trouve

aucun signe d’une interruption catastrophique de la civilisation minoenne. Ainsi, le tsunami engendré par

l’effondrement de Santorin n’a pas dû dépasser 15m sur les côtes de crétoises et si des cendres ont recouvert les

cultures, il n’y a aucun signe de famine.

23

24

Partie III : Pétrologie et géochimie des laves de Santorin La tectonique et l’évolution magmatique de Santorin montrent que les laves sont cogénétiques et dérivées d’une

source composite. Elles montrent des caractéristiques typiques d’un arc intra-océanique bien que l’arc Egéen soit

intracontinental.

Pétrologie

Les laves de Santorin sont de nature basaltique à dacitique, rhyodacitiques et rhyolitique. De manière générale,

elles sont porphyriques, présentant des phénocristaux dans une matrice à grain fin. Les phénocristaux sont des

plagioclases, de l’olivine, des clinopyroxènes et de la magnétite. Les orthopyroxènes deviennent prépondérants

dans les roches plus acides, remplaçant alors l’olivine. L’apatite et l’ilménite sont communément rencontrées en

tant que microlites.

Les premiers phénocristaux à cristalliser sont les plagioclases et l’olivine suivis par les clinopyroxènes et la

magnétite. Ils présentent souvent des textures de déséquilibre telles que zoning ou figures de résorption. Ces

textures particulières rendent parfois difficile la distinction entre phénocristaux et xénolites. Toutefois, la présence

de xénolites est limitée aux anciens basaltes de la péninsule d’Akrotiri et aux premières laves émises après

l’effondrement de la caldeira.

L’olivine présente dans les basaltes et les basaltes andésitiques montre un zonage classique entre Fo85 et Fo53.

Toutefois, les olivines trouvées dans les andésites basaltiques de Skaros peuvent atteindre Fo91. Une telle valeur

n’est pas compatible avec la composition chimique de ces roches. Ainsi, ces olivines sont interprétées comme des

xénocristaux provenant d’un mélange de magmas.

D’autres preuves de mixing sont données par les variations cycliques de composition observées dans certains

cycles éruptifs et par les brusques changements dans la chimie des phénocristaux.

Les basaltes de Santorin ont débuté leur cristallisation à 1150-1200°C, les andésites basaltiques à 1050-1150°C, les

andésites à 950-1050°C sous des pressions lithostatiques de l’ordre de 1 à 2 kbars. Les dacites et les rhyolites ont

cristallisé sous des pressions lithostatiques comparables mais à des températures inférieures.

Géochimie

L’analyse des éléments majeurs et des éléments trace montre que toutes les roches sont issues de magmas qui ont

évolué dans une même chambre magmatique périodiquement alimentée en magma parent. Ainsi, les processus de

mélange de magmas ont joué un rôle dans des chambres magmatiques situées à faible profondeur (profondeurs 3-8

km).

L’analyse des éléments mineurs et des éléments trace montre que la cristallisation fractionnée a été l’autre grand

processus de différenciation des magmas durant leur ascension et/ou dans la chambre magmatique.

Les basaltes riches en aluminium de Santorin ont sans doute pour origine un magma mantellique qui a évolué par

cristallisation fractionnée lors de son ascension dans la lithosphère. Toutefois, certaines données géochimiques

impliquent une source complexe pour ces magmas : il s’agirait plus précisément d’une source mantellique

contaminée par la fusion partielle d’une croûte océanique altérée et subductée.

Considérant la position intracontinentale de Santorin, il est difficile de savoir quelle est la part de contamination des

laves émises par la croûte et les sédiments subductés. Toutefois, certains auteurs ont émis l’hypothèse qu’étant

donné que Santorin occupe le centre de l'arc où la croûte est la plus mince, l'asthénosphère sous-jacente pourrait

être directement impliquée dans la genèse du magma. Cependant, il n’y a pas d’explication au caractère intra-

océanique de Santorin.

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26

Partie IV : Le volcan Kolombo

Au Nord-Est de Santorin, les fonds marins sont composés de petits rifts qui ont été le siège d’un volcanisme récent.

On y trouve dix-neuf cônes volcaniques. Le plus important de tous est le volcan Kolombo avec son cratère de 1,5

km de diamètre.

Kolombo fut découvert en 1650, lorsque l’une de ses éruptions fut suffisamment violente pour être visible depuis la

côte de Santorin. Cette éruption engendra des coulées pyroclastiques qui tuèrent 70 personnes. Elle construisit un

petit cône émergé constitué de ponce blanche. Toutefois, celui-ci fut rapidement détruit par les vagues.

En 2006, une expédition scientifique partit explorer ces volcans. Ainsi l’on sait maintenant que certains cônes se

sont édifiés sur le plancher marin actuel alors que d’autres sont partiellement enterrés, ce qui prouve une longue

période d’activité volcanique. En outre, tous les cônes et dômes se situant au Nord-Est de Kolombo sont recouverts

de sédiments et montrent peu de signes d’une activité volcanique récente. Des analyses géochimiques de roches

prélevées lors de cette expédition ont toutefois mis en évidence une activité hydrothermale de basse température.

En ce qui concerne le volcan Kolombo proprement dit, si le fond de son cratère se trouve environ 500 mètres sous

la surface de la Mer Egée, le point le plus élevée du cône n’est qu’à 10m sous cette surface. Le fond du cratère est

entièrement tapissé de bactéries rouge orangé qui indique la présence d’évents hydrothermaux. De ce point de vue,

la partie la plus active se situe dans la moitié septentrionale du cratère où plusieurs centaines d’évents émettent des

fluides et des gaz pouvant atteindre 224°C. Des dépôts métallifères ont permis la construction de cheminées

atteignant parfois 4m de hauteur. Les minéraux prépondérants dans ces dépôts sont la pyrite, la sphalérite, la

galène, et la barite. On y retrouve aussi des quantités significatives de cuivre et d’argent.

Ces dépôts polymétalliques sulfite/sulfate typiques des environnements de subduction sont apparentés aux dépôts

minéraux de type Koruko, exploités sur terre en diverses régions, (Japon). Les dépôts du Kolombo constituent un

exemple rare de formation actuelle de dépôt de type Koruko et son étude est importante pour la compréhension de

la formation des dépôts de minerais actuellement exploités.

Figure 16: Event hydrothermal dans le cratère du volcan Kolombo (Ocean Explorer - NOAA)

27

28

Partie V : Chambres magmatiques

Parallèlement à la surveillance volcanique, la micro-sismicité a permis de mettre en évidence plusieurs chambres

magmatiques superficielles (environ 5km de profondeur) présentes sous le volcan Kolombo et sous les îles Kameni.

Certains auteurs se basent sur des données géochimiques et pétrologiques pour affirmer que la chambre

magmatique de Santorin est de taille limitée. Elle serait alimentée de manière périodique par un apport de magma

basaltique.

La coexistence de plusieurs petites chambres magmatiques est confirmée tout au long de l’histoire de Santorin par

l’activité pré-caldérique durant laquelle des éruptions synchrones ont été enregistrées en provenance de chambres

magmatiques différentes.

En conclusion, les volcanologues pensent qu’il est plus vraisemblable d’envisager l’existence de plusieurs petites

chambres magmatiques regroupées le long des fractures tectoniques que l’existence d’une grande chambre

magmatique occupant toute la superficie de la zone active.

Figure 17: Coupe schématique de Santorin montrant l'emplacement de la chambre magmatique

(Institute for the Study and Monitoring of the Santorini Volcano (ISMOSAV))

29

30

Partie V : Activité hydrothermale

Les sources chaudes présentes sur l’île principale de l’archipel rappelle que du magma reste stocké sous ce volcan

toujours actif. Il existe 3 sources importantes sur Thera :

Plaka (34oC),

Athermi Christu (56oC) et

Vlihada (32oC).

Sur les jeunes îles de Nea et Palea Kameni, des fumerolles peuvent atteindre 95°C et des sources thermales se

trouvent le long des côtes des 2 îles. Ces sources provoquent un échauffement de l’eau de mer qui prend une

couleur particulière à leur contact en raison de l’émission de métaux à partir de ces sources. En effet, les eaux

chaudes dissolvent du fer lors de leur remontée. Ce fer précipite sous forme d’hydroxyde lorsque les fluides

émergent en mer.

Figure 18: Dépôts fumerolliens sur l’île de Nea Kameni

Figure 19: Aiguilles de soufre sur l’île de Nea Kameni

Toutefois, les dépôts riches en fer se retrouvent sur tout le fond de la caldeira où ils peuvent atteindre 3m

d’épaisseur.

Chimie des sources hydrothermales de Palea Kameni

Les sources thermales de Santorin peuvent être considérées comme étant :

un mélange d’eau de mer chauffée avec des eaux souterraines ou,

un mélange d’eau souterraine chauffée et d’eau de mer, ou

un mélange d’eau de mer et d’eau souterraine chauffées

Dans tous les cas, ces eaux thermales sont en relation avec un système aquifère peu profond.

Les fumerolles de Nea Kameni sont constituées essentiellement d’air atmosphérique et de CO2. D’autres

constituants (CH4, H2, CO) sont présents en proportions variables.

Les gaz de Palea Kameni sont, quant à eux, essentiellement, constitués de CO2 (99,9% vol.). Les teneurs en N2, O2.

CH4 et CO sont présents en très faibles proportions (< 10 ppm vol).

31

Figure 20: Site des sources hydrothermales de Palea Kameni

A la fin des années 1980, un forage a été opéré dans la zone des sources chaudes de Palea Kameni. Ce forage s’est

fait à 40m au Nord-Nord-Est des sources les plus actives et a atteint 201,5m de profondeur.

Les roches rencontrées sont des dacites très perméables des types décrits précédemment. Elles montrent,

principalement dans l'intervalle 7-55 m de profondeur, des altérations hydrothermales.

Figure 21: Données chimiques des sources chaudes de Santorin (d’après Institute for the Study and Monitoring of the

Santorini Volcano (ISMOSAV))

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Les profils de températures montrent que la majorité des courants hydrothermaux sont latéraux. Toutefois, le forage

aurait pu perturber les flux hydrothermaux. Plus on s’enfonce dans le forage et plus les eaux sont riches en dioxyde

de carbone, alcalins, silice, fer, cuivre et zinc. Ainsi, les échantillons d’eau prélevés dans le haut du forage

représentent sans doute un mélange d’eau de mer et de fluides hydrothermaux.

Variations chimiques spatiales et temporelles des fluides hydrothermaux

Des processus de lessivage et de remobilisation des éléments chimiques sont responsables de la formation de

solutions hydrothermales dans les arcs volcaniques. L’arrivée « en surface » de solutions riches en métaux crée des

dépôts riches en sulfures métalliques, aluminosilicates riches en fer, en oxydes de fer et de manganèse.

De nombreuses études de ces systèmes ont été faites à Santorin où l’on distingue trois environnements :

Une zone interne qui correspond à la partie côtière de la baie de Palea Kameni où la profondeur de l’eau ne

dépasse pas 5m. les températures mesurées dans cette zone peuvent atteindre 30°C.

Une zone externe qui correspond, dans la baie de Palea Kameni où eaux dont la profondeur est comprise

entre 5 et 30m. Ici la circulation de l’eau de mer et l’action des vagues sont plus importantes que dans la

zone interne

Le chenal entre les îles de Palea et Nea Kameni où la profondeur de l’eau est supérieure à 30m.

Dans les deux premières zones, les sédiments trouvés sur le plancher de la mer sont des boues fines brunes à

oranges riches en fer alors que ceux trouvés dans le chenal sont des sables volcaniques mélangés à des restes

organiques.

Afin de mesurer les variations chimiques dans le temps et dans l’espace de la composition des fluides

hydrothermaux, les eaux provenant de 6 évents de ces différents environnements ont été prélevées et analysées.

Les analyses chimiques d’échantillons provenant des zones internes et externes montrent des enrichissements

significatifs en fer, manganèse, arsenic, aluminium, silice, baryum, potassium et calcium ainsi qu’une diminution

des concentrations en sodium et uranium par rapport à l’eau de mer. Toutefois, ces concentrations ne sont pas

constantes dans l’espace :

La concentration en fer diminue rapidement à la limite entre la zone interne et la zone externe approchant

alors des concentrations proches de celles trouvées dans l’eau de mer. Plus de la moitié du fer se trouve

sous forme de minéraux tels que la goethite, la sidérite ou la pyrite.

Le manganèse voit sa concentration diminuer beaucoup plus lentement dans l’espace.

La concentration en sodium est liée au pH

Les concentrations en zinc et vanadium sont les plus élevées dans la zone externe

L’arsenic se trouve plus concentré lors que l’on s’éloigne des évents

Ces données supposent un transport continu des métaux des baies de Palea et Nea Kameni vers le reste de la

caldeira. Ainsi les enrichissements en fer et manganèse observés à l’intérieur de la caldeira et autour de l’archipel

peuvent, au moins en partie, être liés à ces sources chaudes.

Des processus microbiologique participent à la formation de ces minéralisations.

Dans les prélèvements effectués à Palea Kameni, la concentration en fer est jusqu’à 3000 fois supérieure à celle

observée dans l’eau de mer. Toutefois, à Nea Kameni, le fer est encore plus concentré. Ces valeurs sont néanmoins

comparables à celles d’autres champs hydrothermaux d’arcs volcaniques. Néanmoins, les concentrations en fer

varient fortement d’une zone à l’autre mais aussi à l’intérieur d’une même zone. Ainsi, dans la zone intérieure, ce

sont les évents proches de la côte Nord de la baie qui sont les plus enrichis en fer.

Les concentrations en fer montrent des variations diurnes (les concentrations sont plus importantes l’après-midi que

le matin) et ont de manière générale tendance à augmenter avec le temps.

Le manganèse est lui aussi fortement enrichi par rapport à l’eau de mer et comme pour le fer, ces concentrations

sont plus fortes à Nea Kameni qu’à Palea Kameni. Toutefois, de manière générale, les concentrations observées ici

sont plus faibles que celles communément rencontrées dans un contexte d’arc volcanique. Pour cet élément, les

concentrations varient aussi entre les évents et les concentrations les plus fortes pour Palea Kameni sont aussi

rencontrées le long de la côte Nord de la baie. Les concentrations varient de manière diurne avec des maxima

observés en milieu de journée.

33

Le zinc est fortement enrichi dans les eaux hydrothermales de Palea Kameni par rapport à l’eau de mer. Les plus

fortes concentrations ont aussi été trouvées le long de la côte septentrionale de la baie. Toutefois, il faut noter que

l’évent ayant les plus fortes concentrations en fer et manganèse est caractérisé par de faibles valeurs pour le zinc.

Les concentrations en zinc montrent des variations diurnes mais aucune corrélation entre ces variations et celles

observées pour le fer et le manganèse n’ont pu être faites.

Le cadnium suit le fer dans ses variations tant géographiques que temporelles dans la baie de Palea Kameni.

Toutefois, les concentrations en cadnium sont plus importantes à Nea Kameni qu’à Palea Kameni.

La formation de telles solutions hydrothermales implique le lessivage des roches par de l’eau de mer dans un

environnement acide et réducteur. Ainsi, l’eau de mer pénètre dans les roches chaudes par des fractures et est

chauffée à leur contact. Elle s’enrichit en H2S (provenant de la réduction de SO4). Cet hydrogène sulfuré est ensuite

transformé en acide sulfurique qui attaque les roches et génère les solutions hydrothermales enrichies en métaux.

Ce processus implique donc que les conditions rencontrées le long de la côte Nord de la baie de Palea Kameni

soient plus favorables au lessivage qu’ailleurs. De telles conditions pourraient s’expliquer par un nombre plus

important de fractures.

Une autre explication possible des fortes concentrations en métaux du côté Nord de la baie de Palea Kameni est que

les solutions hydrothermales se mélangent moins à l’eau de mer à cet endroit. Toutefois, ce degré de mélange est

soumis aux conditions météorologiques. Ainsi, un vent provenant du Nord favorisera de fortes concentrations car la

côte Nord est alors protégée. En outre, la profondeur de la mer au Nord de la baie est moins importante que dans sa

partie méridionale, ce qui peut minimiser aussi les mélanges.

Les variations temporelles des compositions chimiques montrent que :

Le fer, le manganèse et le cadnium ont des comportements similaires.

Le zinc a un comportement à part

Il existe une tendance générale à de plus faibles concentrations dans l’après-midi ; cette tendance est plus

marquée pour le zinc et le cadnium.

Les variations diurnes sont stables dans le temps : les mêmes variations sont observées d’une année sur

l’autre.

En observant les données météorologiques (température, force et orientation du vent) et océanographiques (niveau

marin) des périodes de mesure, on remarque que :

La pression atmosphérique pourrait jouer un rôle sur l’évolution temporelle des concentrations. En effet,

les plus fortes concentrations ont été observées lorsque la pression atmosphérique était la plus élevée.

Inversement, les concentrations les plus faibles ont été enregistrées lors des pressions atmosphériques les

plus basses.

Le niveau marin à l’intérieur de la baie montre lui aussi des variations cycliques comparables aux

variations des concentrations. Ainsi, lorsque le niveau marin est à son maximum, les mouvements de la

mer sont à leur minimum, réduisant ainsi le mélange entre solutions hydrothermales et eau de mer.

En conclusion on peut dire que :

Les solutions hydrothermales de Palea Kameni sont marquées par un enrichissement en fer,

manganèse, zinc et cadnium par rapport à l’eau de mer.

Les concentrations observées en fer, manganèse, zinc et cadnium sont comparables à celles des autres

arcs volcaniques

Les évents de la côte Nord émettent des fluides plus concentrés en fer, manganèse, zinc et cadnium.

Ces concentrations plus importantes sont probablement dues à un moindre mélange à cet endroit

qu’ailleurs dans la baie.

Les concentrations montrent des variations diurnes avec une baisse générale des concentrations dans

l’après-midi correspondant à une baisse de la pression atmosphérique et une baisse du niveau main

Sur le long terme, les concentrations moyennes en fer, manganèse et cadnium sont tendance à

augmenter avec le temps

Les sédiments hydrothermaux

Comme nous venons de le voir, les sources thermales des baies des îles Kameni déposent de grandes quantités de

fer, de silice ainsi que d’autres éléments traces.

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Ces sédiments sont formés de morceaux de lave, de ponces, de silice, de sidérite, d’un gel formé par des

hydroxydes de fer et de sulfates de fer. Ils peuvent être modélisés comme étant un mélange de ponce et de

contributions provenant des solutions hydrothermales.

En outre, les flux de matière montrent que la majeure partie des métaux ne reste pas dans les baies. Ceci est

particulièrement vrai pour le silicium, le baryum et le manganèse qui sont dispersés dans la caldeira et la mer Egée.

Les sources les plus actives induisent des changements de couleur de l'eau de mer du bleu profond de la caldeira à

une teinte vert pâle. La démarcation entre l'eau de mer et les eaux de source est généralement facile à repérer. Dans

la partie la plus profonde de certaines baies des eaux, cette couleur peut même tourner à brun jaunâtre.

L’origine de la baie de Nea Kameni remonte à 1866, quand deux branches plus ou moins parallèles de la coulées

Geogios se sont mises en place. La hauteur dans cette baie a depuis fortement varié et les différentes mesures

montrent une sédimentation rapide.

L’étude des évents hydrothermaux dans le Sud de la baie ont montré un débit de 400 litres d’eau par minute. Ainsi,

si l’on prend en compte la composition chimique de ces eaux, ce sont environ 8 tonnes de silice, 4 tonnes de fer,

400kg de manganèse et 16kg de baryum qui sont déposés par an, ce qui représente approximativement 4 à 5cm de

sédiments qui se déposent dans le fond de la baie (d’une surface de 500m²).

Ainsi, il a été estimé que, durant les 150 dernières années, 350 tonnes de fer et 19 tonnes de manganèse ont été

émis à partir des évents hydrothermaux. En conséquence, ces sources hydrothermales sont à l’origine d’un dépôt de

minerai métallifère qui pourrait avoir une importance économique.

Donc, au vu de la profondeur initiale de la baie, une partie de ces sédiments ne reste pas dans la baie sous l’effet

des vagues.

Recherche géothermique

Des recherches géophysiques, géologiques et thermométriques ont identifié une zone à fort potentiel géothermique

dans le Sud de l’île de Thera (secteur d’Akotiri-Megalochori).

Ces recherches se sont faites grâce à des forages jusqu’à 200m de profondeur. Ces derniers ont permis de dessiner

les isothermes entre 50 et 250m de profondeur. Le gradient géothermique trouvé est de 16°C/10m. La température

du réservoir qui pourrait être utilisé est comprise entre 140 et 180°C. Toutefois, cette ressource n’est, pour le

moment, pas exploitée.

35

36

Partie VI: Surveillance de Santorin

Surveillance de la micro-sismicité

Il est bien connu que l’activité volcanique est étroitement liée à une activité sismique. Un réseau de sismographe a

été installé sur Santorin au milieu des années 1980 afin d’étudier les microséismes. Ce réseau formait globalement

un cercle centré sur les îles Kameni car les scientifiques pensaient que le plus grand nombre de séismes se

produisaient dans cette zone. Cependant, une part non négligeable des enregistrements avaient une source située au

Nord-Est de l’île de Thera. Ces séismes se sont produits à une profondeur d’environ 5km mais ils deviennent plus

superficiels autour du volcan Kolombos. Ils ont permis de mettre en évidence deux chambres magmatiques, l’une

dans la région des îles Kameni et l’autre sous le volcan Kolombos.

Les séismes enregistrés sont caractéristiques d’un édifice volcanique au repos.

Surveillance du champ géomagnétique

L’ascension du magma au sein l’écorce provoque d’infimes variations du champ magnétique terrestre. Ces

variations ont pour origine :

Des phénomènes thermiques (par transfert de chaleur dû à un contact direct entre magma et encaissant, ou

à l’activité fumerollienne et l’apparition de nouvelles fumerolles en surface). Alors la démagnétisation est

due à la différence de température, et/ou,

L’augmentation de la pression engendrée par l’ascension du magma

Afin d’étudier ces variations, 9 stations de mesure ont été installées à Santorin à la fin des années 80.

Entre 1987 et 1988, les mesures effectuées ont permis de mettre en évidence une démagnétisation du Nord de l’île,

liée à une possible augmentation du flux de chaleur. Cette augmentation du flux de chaleur pourrait être corrélée

avec l’existence du Mont Kolombos, le volcan sous-marin situé au Nord-Est de Santorin.

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38

Partie VII: Le risque volcanique à Santorin

Seuls trois volcans de l’arc Egéen sont considérés comme actifs (Kameno Vouno sur l’île de Methana, Nisyros et

Santorin). Toutefois, seul Santorin est considéré comme présentant des risques pour les habitants.

A Santorin, l’activité récente (post-minoenne) est située dans une zone large de 600m pour 4,5km de longueur avec

une direction N65°. Ceci est interprété comme une zone d’extension selon une direction Nord-Nord-Ouest / Sud-

Sud-Est créant des espaces dans lesquels des dykes peuvent se former.

La fréquence des éruptions récentes, leur durée ainsi que les caractéristiques et le volume des laves émises laissent

supposer qu’il existe un équilibre relatif entre la pression qu’exerce le magma sur les murs de la chambre

magmatique et la pression lithostatique. Ainsi, les perturbations de cet équilibre permettent au magma de monter

dans la croûte. Toutefois, ces perturbations sont temporaires et ne modifient pas de manière radicale les contraintes

existantes. Donc, l’équilibre est retrouvé après une courte période d’activité volcanique.

Peu de temps avant le début de l’éruption, une subsidence des côtes de Kameni est systématiquement observée.

Cette dernière se produit à proximité de la future activité volcanique. Ce phénomène serait dû aux contraintes

extensives qui existent dans cette zone. Celles-ci réduisent la pression lithostatique et permettent au magma de

s’insinuer dans les dykes ouverts.

Toutes les éruptions débutent par une extrusion calme (sans explosion) d’un magma visqueux. Donc les couches

supérieures du magma émis sont pauvres en volatiles. Ces volatiles se libèrent très progressivement durant la

montée du magma vers la surface. La forte viscosité du magma peut être attribuée à la fois à sa pauvreté en

volatiles et à sa baisse de température durant l’ascension.

L’activité explosive apparaît après la première phase d’ascension du magma pauvre en volatiles. Toutefois, aucune

interaction eau-magma n’a été observée dans les éruptions post-minoennes. Les seuls rôles joués par les eaux (de

mer ou météoriques) sont :

La création d’un panache blanc issu de l’évaporation de l’eau

Des explosions phréatiques. Ces explosions ont lieu en début d’éruption et créent un cratère dans lequel

apparaît ensuite le nouveau magma.

Ainsi, les différences dans l’intensivité explosive des différentes éruptions de Nea Kameni ne sont pas à chercher

dans une interaction eau-magma plus ou moins importante, ni dans des variations de composition chimique du

magma mais dans le débit du magma lors des éruptions. Par exemple, l’éruption de 1925 a été la plus violente de

toutes les éruptions post-minoennes. C’est aussi pour cette éruption que le débit de lave a été le plus important

(450 000 m3/jour). Ces différences de débit pourraient être expliquées par des forces extensives s’exerçant sur la

portion de croûte sur laquelle reposent les îles Kameni.

L’éruption de 726 présente toutefois quelques particularités : elle s’est déclenchée après une période de repos de

680 ans. En outre, le magma émis était plus acide (68,42%poids SiO2) que les autres produits intra-caldérique.

Ceci explique les phénomènes plus explosifs qui se sont produits lors de cette éruption.

Les produits volcaniques sont divisés en trois groupes :

1. le premier groupe contient les dômes et coulées de lave dacitique ainsi que les produits pyroclastiques qui

d’ordinaire recouvrent les laves dacitiques.

2. le second groupe contient toutes les formations pyroclastiques acides issues d’épisodes explosifs

magmatiques ou phréatomagmatiques.

3. le dernier contient les produits basiques. Ici, deux sous groupes peuvent être distingués :

a. les coulées andésitiques et cônes associés

b. les produits pyroclastiques basiques. Ces produits ont les mêmes caractéristiques destructives que

les produits du second groupe

Les observations ci-dessus permettent de formuler une hypothèse sur l’état actuel de l’activité volcanique de

Santorin et sa probable future évolution. Ainsi, le système est actuellement dans une phase produisant des laves

dacitiques visqueuses. A la fin de cette phase, l’activité volcanique marquera une pause qui sera suivie par une

39

éruption paroxysmale qui déposera des pyroclastes acides (rhyodacitiques à rhyolitiques). Toutefois, il n’y a

actuellement aucune donnée fiable permettant d’estimer la durée de la période de repos.

Dans le cas d’une future éruption catastrophique, la localisation la plus probable de l’évent serait la zone

caldeirique. En conséquence, les murs de la caldeira joueraient un grand rôle dans la distribution des produits

pyroclastiques ainsi que dans la répartition des nuées ardentes. Toutefois, les dépôts issus de cette éruption

couvriraient toute l’île de Santorin. Cependant, la probabilité qu’une telle éruption se produise à court terme est

jugée très faible.

Dans le cas d’une activité effusive intracaldeirique, les risques sont nuls, cette zone étant inhabitée. Toutefois, les

éruptions en elles-mêmes ne sont pas les seuls risques à prendre en compte : les tsunamis engendrés par un séisme

ou une instabilité de flancs pourraient faire de gros dégâts sur les côtes entre Vlyhada et Perissa d’une part, et entre

Kamari et Monolithos d’autre part en raison de la forme des côtes à ces endroits. En outre, les gaz volcaniques

peuvent présenter un danger sur l’ensemble de l’archipel en fonction de la direction des vents dominants lors de

leur émission.

Les zones de risques liées aux gaz, aux retombées de cendres et aux pluies acides couvrent la totalité de l’île de

Thera. La configuration de ces zones est en partie contrôlée par la direction des vents prévalant au moment de

l’éruption. Prenant ce point en considération, les mêmes zones pour une future éruption de Kolombos ont été

définies avec un vent dominant de Nord-Est. Les dangers liés aux gaz sont bien entendu plus importants que ceux

liés aux autres phénomènes. Les gaz de l’éruption de 1650 ont ainsi causé la mort de 50 personnes et de plus de

1000 animaux sur Thera. De ce point de vue, les éruptions intracaldeirique suivantes ont été moins dangereuses,

causant uniquement des problèmes respiratoires et ophtalmologiques aux habitants de Santorin.

Les prévisions possibles Les possibilités de prévoir un évènement soudain tel que l’ouverture d »une faille tectonique qui pourrait engendrer

une éruption catastrophique sont proches de zéro. En effet, un évènement tectonique soudain ne laisse pas

suffisamment de temps pour évaluer des changements dans les différents paramètres surveillés (température et

composition des eaux thermales, microséismes, gravimétrie, …).

Par contre, les chances de prévoir une reprise de l’activité volcanique due à un mouvement de magma sont plus

importantes. Ces mouvements provoqueraient en effet des modifications des paramètres mesurés.

Conclusion Le modèle le plus vraisemblable pour le stockage du magma sous l’île de Santorin semble être celui basé sur la

présence d’une série de petit corps magmatique dans la croûte supérieure. Ces réservoirs sont alignés selon une

direction Est-Nord-Est – Ouest-Sud-Ouest compatible avec les contraintes tectoniques régionales.

L'ascension calme et lente du magma dacitique durant les premiers stades de l'éruption est due à la fuite de

substances volatiles du magma et de sa diminution de température.

L’activité explosive ne commence à apparaître qu’après la première phase d'ascension, lorsque la couche

supérieure du magma pauvre en volatiles est venue à la surface. Les différences dans l'explosivité sont dues à des

variations dans la vitesse d’ascension du magma. Ces variations sont provoquées par des contraintes de traction

plus ou moins élevé.

Le rôle des eaux de mer et météoriques dans l'activité éruptive se limite à provoquer l'activité explosive en créant

des explosions phréatiques.

Le modèle schématique de l'activité pré-minoenne du complexe volcanique de Santorin, dont trois différents cycles

récurrents de l'activité, ne permettent pas la prévision de l'évolution la plus probable de l'activité volcanique

contemporaine en raison des différences entre le comportement de la pré-minoenne et post-minoenne activité.

Compte tenu de tous les scénarios possibles d'évolution volcanique, il est conclu que:

La cessation de l'activité volcanique est improbable. Il est plus probable de s'attendre à des éruptions ayant

les mêmes caractéristiques que ceux de l'activité post-minoenne.

La probabilité de la survenue d'une éruption catastrophique de l'avenir immédiat est très faible.

La probabilité d'une activité volcanique alimentée par des magmas basique est élevée.

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41

Santorini Volcano 20th Century Eruptions

http://www.santonet.gr/santorinivolcano/volcaniceruptions.htm (dernière visite le 4 mai 2010)

Institute for the Study and Monitoring of the Santorini Volcano (ISMOSAV)

http://ismosav.santorini.net (dernière visite le 27 mai 2010)

Thera Expedition :

http://www.uri.edu/endeavor/thera/index.html (dernière visite le 09 juillet 2010)

Ocean Explorer – NOAA

http://oceanexplorer.noaa.gov/explorations/06blacksea/background/plan/media/slideshow/html_slideshow

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http://www.therafoundation.org/articles/volcanology/ (dernière visite le 13 janvier 2012)

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Annexe 1 : carte géologique de l’archipel de Santorin

43

Annexe 2 : Carte volcanologique de Palea et Nea Kameni

44

Annexe 3: Schéma structural de Santorin (d’après Heiken and McCoy 1984)

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Remerciements

Je tiens à remercier particulièrement Jacques-Marie Bardintzeff pour la rédaction de la préface et ses

commentaires et encouragements lors de la rédaction de cet ouvrage.

Toutes les photos ont été faites lors d’un voyage à Santorin réalisé en avril 2010 avec toute ma famille.

Qu’il soit tous remercier pour la patience et le courage dont ils ont fait preuve lors de mes longues

observations volcanologiques et de nos randonnées.

Eric Reiter

Table des figures

Sauf mention contraire dans les légendes, toutes les illustrations et photos sont de Eric Reiter

Figure 1: Cartes de Santorin ........................................................................................................................ 8

Figure 2: Schéma structural de l’arc volcanique Egéen ............................................................................... 9 Figure 3: Le socle pré-volcanique vu depuis les ruines antiques de Thera ................................................ 10

Figure 4: Les couches de dépôts volcaniques permettent de reconstituer l'histoire de Santorin ................ 10 Figure 5: Cône de Red Beach ..................................................................................................................... 12 Figure 6: Cape Skaros au premier plan ....................................................................................................... 13

Figure 7: les îÎes Kameni ............................................................................................................................ 14 Figure 8: Morphologie des Îles Kameni au début du XVIIIème siècle ..................................................... 14

Figure 9: Les Îles Kameni après l'éruption de 1925 et position du dôme Daphne .................................... 15 Figure 10: Le dôme Daphne ....................................................................................................................... 15

Figure 11: L'éruption de 1939 ..................................................................................................................... 16 Figure 12: Les Îles Kameni après l'éruption de 1939 ................................................................................. 17

Figure 13: Les Îles Kameni après l'éruption de 1950 ................................................................................. 17 Figure 14: Dispersion des cendres de l’éruption minoenne ........................................................................ 19 Figure 15: Vue sur la plaine côtière à l’Est de Thera. Cette partie de l’île a été créée par les dépôts de

coulées pyroclastiques issues de l’éruption minoenne................................................................................ 20 Figure 16: Event hydrothermal dans le cratère du volcan Kolombo .......................................................... 26

Figure 17: Coupe schématique de Santorin montrant l'emplacement de la chambre magmatique ............ 28 Figure 18: Dépôts fumerolliens sur l’île de Nea Kameni ........................................................................... 30 Figure 19: Aiguilles de soufre sur l’île de Nea Kameni ............................................................................. 30

Figure 20: Site des sources hydrothermales de Palea Kameni ................................................................... 31

Figure 21: Données chimiques des sources chaudes de Santorin ............................................................... 31

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Éric Reiter a décidé de revisiter cette éruption de référence. Il nous parle des signaux précurseurs, détaille les phases éruptives, présente la géochimie du magma et envisage la prévision des risques futurs. Suivons-le dans sa palpitante enquête géologique, pleine de rebondissements !

Jacques-Marie Bardintzeff