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Hydrology in Mountainous Regions. H - Artificial Reservoirs; Water and Slopes (Proceedings of two Lausanne Svmposia, August 1990). IAHS Publ. no. 194,1990. Répartition géographique, origine et contexte géologique des glissements de terrain latents en Suisse F. NOVERRAZ Centre interdépartemental d'Etude des Terrains Instables (CETI), Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, 1015 Lausanne, Suisse RESUME Un recensement systématique des phénomènes d'instabilité de versants affectant le territoire suisse a été effectué par l'auteur dans le cadre de son activité au sein du CETI à l'EPFL. Les méthodes utilisées sont décrites dans un autre article publié dans le cadre du même symposium 1 . Ce recensement fait apparaître une répartition très inhomogène des zones instables, sans relations directes avec l'ampleur du relief, les unités géographiques et le climat. La densité, les dimensions moyennes et la typolo- gie des zones instables dépendant en revanche étroitement du contexte géologique et de l'histoire géomorphologique récente de la région considérée. L'article proposé résume donc les relations entre grands ensembles géologiques et lithologiques caractéri- sant le territoire suisse, et typologie et importance du développement des zones instables recensées. Il met en évidence l'extraordinaire tendance au glissement de certaines formations rocheuses. Ce travail n'avait pas pour but de parvenir à une conclusion particulière; on peut néanmoins en tirer comme enseignement l'illustration donnée de la relation très étroite qui lie la géologie et les phénomènes d'instabilité, relation qui devrait aider à motiver un peu plus sérieusement les géologues et l'enseignement de la géologie pour ce sujet encore étonnamment mal connu. INTRODUCTION La méthode utilisée pour le recensement des glissements de terrain déclarés et des écroulements rocheux sur lequel se base le présent travail a consisté principalement en une identification sur carte topographique 1:25'000 recourant à l'analyse géomorphologique. Cette méthode a été préalablement utilisée couramment par l'auteur dans le cadre de travaux de recensement sur le terrain, qui ont permis d'en tester et confirmer l'efficacité (DUTI 1985, Noverraz 1985). Tous les glissements connus par les cartes et travaux publiés en Suisse, par les travaux du CETI, ainsi que les cas d'instabilité recensés dans le cadre d'un mandat confié au CETI par l'Office fédéral des mensurations cadastrales pour la REMO (Réforme de la Mensuration officielle), ont été en outre intégrés au présent travail. Précisons que le recensement effectué dans le cadre de la 1 Problèmes de recensement et de cartographie des glissements de terrain, incidence sur l'aménagement du territoire. 437

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Hydrology in Mountainous Regions. H - Artificial Reservoirs; Water and Slopes (Proceedings of two Lausanne Svmposia, August 1990). IAHS Publ. no. 194,1990.

Répartition géographique, origine et contexte géologique des glissements de terrain latents en Suisse

F. NOVERRAZ Centre interdépartemental d'Etude des Terrains Instables (CETI), Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, 1015 Lausanne, Suisse

RESUME Un recensement systématique des phénomènes d'instabilité de versants affectant le territoire suisse a été effectué par l'auteur dans le cadre de son activité au sein du CETI à l'EPFL. Les méthodes utilisées sont décrites dans un autre article publié dans le cadre du même symposium1.

Ce recensement fait apparaître une répartition très inhomogène des zones instables, sans relations directes avec l'ampleur du relief, les unités géographiques et le climat. La densité, les dimensions moyennes et la typolo­gie des zones instables dépendant en revanche étroitement du contexte géologique et de l'histoire géomorphologique récente de la région considérée.

L'article proposé résume donc les relations entre grands ensembles géologiques et lithologiques caractéri­sant le territoire suisse, et typologie et importance du développement des zones instables recensées. Il met en évidence l'extraordinaire tendance au glissement de certaines formations rocheuses.

Ce travail n'avait pas pour but de parvenir à une conclusion particulière; on peut néanmoins en tirer comme enseignement l'illustration donnée de la relation très étroite qui lie la géologie et les phénomènes d'instabilité, relation qui devrait aider à motiver un peu plus sérieusement les géologues et l'enseignement de la géologie pour ce sujet encore étonnamment mal connu.

INTRODUCTION

La méthode utilisée pour le recensement des glissements de terrain déclarés et des écroulements rocheux sur lequel se base le présent travail a consisté principalement en une identification sur carte topographique 1:25'000 recourant à l'analyse géomorphologique. Cette méthode a été préalablement utilisée couramment par l'auteur dans le cadre de travaux de recensement sur le terrain, qui ont permis d'en tester et confirmer l'efficacité (DUTI 1985, Noverraz 1985).

Tous les glissements connus par les cartes et travaux publiés en Suisse, par les travaux du CETI, ainsi que les cas d'instabilité recensés dans le cadre d'un mandat confié au CETI par l'Office fédéral des mensurations cadastrales pour la REMO (Réforme de la Mensuration officielle), ont été en outre intégrés au présent travail. Précisons que le recensement effectué dans le cadre de la

1 Problèmes de recensement et de cartographie des glissements de terrain, incidence sur l'aménagement du territoire.

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REMO a été basé principalement sur le résultat d'une enquête auprès des différents offices cantonaux susceptibles de détenir des informa­tions relatives aux terrains instables (CETI 1985) .

REPARTITION GEOGRAPHIQUE DES INSTABILITES DE VERSANT

Sur l'ensemble du territoire suisse, la répartition des instabilités frappe d'emblée par son hétérogénéité, sans relation aucune avec l'ampleur du relief ou toute autre considération de nature géogra­phique. Certaines régions du pays apparaissent extraordinairement riches en zones instables, celles-ci pouvant couvrir jusqu'à 30 à 40% du territoire sur des secteurs de plusieurs centaines de kilomètres carrés. Ces secteurs sont parfois très bien délimités, et ils corres­pondent souvent à des zones à relief modéré, peu nerveux, voire mou; la raison tient évidemment au contexte géologique.

Parmi les grandes régions les plus riches en instabilités de pente, on peut citer notamment le nord et le centre du canton des Grisons (haute vallée du Rhin et vallées latérales, Prâttigau, figure 1), le Valais central, les Préalpes fribourgeoises et bernoises (fig. 3), la région située entre Interlaken et Lucerne, celle entre Schwytz et la Linth (Lac de Zurich) (fig. 5), et enfin le Jura septentrional. D'une manière générale, la bordure externe ou nord des Alpes est très riche en phénomènes d'instabilité, tant en ce qui concerne les glissements que les écroulements et les éboulements.

D'autres régions apparaissent, au contraire, très pauvres en instabilités de pente, et cela encore une fois indépendamment du relief: ce sont notamment la partie centrale et méridionale du canton du Tessin, les hautes Alpes centrales, le bassin de 1'Inn aux Grisons, certaines parties du plateau molassique, ainsi que le Jura méridional - soit la partie la plus élevée de la chaîne.

RELATIONS CONSTATEES ENTRE LA REPARTITION DES INSTABILITES ET LE CONTEXTE GEOLOGIQUE

Il faut d'abord préciser que l'on entend par contexte géologique la nature du soubassement rocheux, soit le type de formations rocheuses qui le constituent et sa structure tectonique interne. La couverture meuble quaternaire est fréquemment le siège de glissements de terrain, mais dans des proportions insignifiantes relativement au nombre, au volume et à la surface des glissements impliquant le soubassement rocheux. Par ailleurs, on peut admettre que les glisse­ments inventoriés par la méthode utilisée ici sont pratiquement tous des glissements affectant le rocher, de par leurs dimensions.

On peut constater d'une manière très générale que le sud des Alpes suisses est relativement pauvre en phénomènes d'instabilité: c'est le domaine des unités métamorphiques penniques, simplo-tessinoises et austro-alpines. Parmi ces unités, celles qui ont subi un métamor­phisme relativement léger (faciès schistes verts et amphibolique) telles les nappes penniques supérieures, sont les plus riches en phénomènes d'instabilité, généralement hérités du retrait glaciaire (canton du Valais méridional) .

Les massifs centraux granitiques sont presque dépourvus de phéno­mènes d'instabilité autres que des éboulements de taille modérée, et cela malgré les reliefs très accentués et élevés auxquels ils sont liés (Alpes centrales valaisannes, bernoises et uranaises).

La couverture permo-carbonifère, généralement décollée, des nappes penniques et austro-alpines, constituée de roches gréso-phylliteuses

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à métamorphisme léger, peut donner lieu à une très grande abondance de phénomènes de glissements de taille parfois considérable, hérités également des retraits glaciaires wùrmien ou antérieurs. Ces glisse­ments coïncident avec les formations à prédominance phylliteuse (Valais, vallée du Rhin antérieur aux Grisons), tandis que les formations gréso-conglomératiques (faciès Verrucano) sont stables.

La couverture triasique peu épaisse des nappes penniques et austro-alpine de nature phylliteuse, évaporitique (gypse-anhydrite) , calcaro-dolomitique, bréchique (cornieules) est très souvent associée à de grands glissements, à l'origine desquels elle semble même se trouver parfois (Valais). Elle est parfois seule impliquée dans des glissements de taille plus modérée, mais souvent très actifs (Valais central, au sud du Rhône).

Les schistes lustrés crétacés (calcschistes sériciteux) sont à l'origine de très grands glissements dans le canton des Grisons, où ils sont particulièrement développés (Biindnerschiefer). On peut citer le glissement de Heinzenberg près de Coire, qui, avec 45 km2, est le plus grand glissement du pays (Jâckli 1953), lui aussi consécutif au retrait glaciaire, mais toujours actif. Que ce soit dans la région Coire-Splugen-Pràttigau ou dans la basse Engadine (rive gauche de l'Inn), soit les deux principaux domaines qu'occupent les schistes lustrés, les glissements couvrant plusieurs km2 se comptent par dizaines.

Les Flyschs penniques, qui atteignent un grand développement dans la région à l'est de Coire (Flysch du Pràttigau, Grisons, fig. 1 et 2) , donnent lieu à une très grande concentration de glissements de grande taille, généralement liés à l'érosion et au retrait glaciaire (glissement de Conters, 22 km2) . Il en va de même pour le Flysch du Niesen plus à l'ouest. Ces formations alternativement gréso-conglomératiques et schisto-marneuses peuvent former d'importants reliefs relativement stables ou au contraire s'avérer très instables, selon les relations entre la topographie et la tectonique.

Les sédiments ultra-helvétiques, avec lesquels on retrouve les séries triasiques (gypse et cornieules surtout), et surtout les schistes argileux aaléniens et les Flyschs crétacés, sont extra-ordinairement propices aux glissements de terrain. Ces dépôts sont cependant assez éparpillés géographiquement, formant principalement une bande étroite entre le Valais central (glissements de la région Montana-Sierre) et Coire aux Grisons d'une part (glissement géant de Lumnez, 35 km2, fig. 1 et 2), et des domaines plus importants à la bordure nord des Alpes (zones des cols en Suisse romande, Préalpes externes fribourgeoises et bernoises). Dans ces régions, les surfaces en glissement peuvent couvrir jusqu'à 40% du territoire.

Les formations sédimentaires constituant les nappes helvétiques, dans lesquelles sont taillés les hauts reliefs des Alpes septentrio­nales, présentent des relations variables avec les phénomènes d'instabilité, quantitativement et du point de vue de la nature de ceux-ci, entre le sud-ouest de la chaîne et le nord-est. On constate en effet que dans la partie méridionale de la chaîne (nappes de Morcles et des Diablerets, nappe du Wildhorn jusqu'à Interlaken et parautochtone, la stabilité est généralement excellente, grâce à la puissante ossature qu'offrent les calcaires massifs du Malm et, subsidiairement, de l'Urgonien. Cette stabilité tient aussi à un facteur de nature topographique: l'absence de vallée importante transversale à la chaîne. Avec le grand développement à l'affleurement des roches marno-calcaires du Dogger et surtout des schistes argileux de l'Aalénien, dès Lauterbrunnen, apparaissent de très vastes zones de glissement (Grindelwald) (Kienholz 1977).

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FIG. 1 Inventaire des glissements et écroulements rocheux de Suisse (surfaces noires), extrait (Région de Coire, Rhin antérieur; canton des Grisons); voir aussi figure 2.

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FIG. 2 Répartition des principaux ensembles lithologiques (Région de Coire, Rhin antérieur; canton des Grisons).

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LEGENDE FIGURE 2 ET 4 :

Calcaires, dolomies

Roches sédimentaires marno-calcaires

Roches sédimentaires raarno-argileuses

Roches sédimentaires à léger mé­tamorphisme, phyllito-gréseuses schisteuses (p.ex. Permo-Trias)

Schistes lustrés penniques (calaschistes sériciteux)

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La c o u v e r t u r e s é d i m e n t a i r e mésozoïque des m a s s i f s c r i s t a l l i n s cen t r aux , au tochtone , pa rau toch tone , nappe du Doldenhorn. e s t dans l ' e n s e m b l e t r è s s t a b l e , g râce notamment aux p u i s s a n t e s s é r i e s c a l c a i r e s du Malm. E l l e a pour tant é t é l e t h é â t r e , au d e r n i e r r e t r a i t g l a c i a i r e , de deux gigantesques gl issements couche sur couche, l ' u n à son ex t rémi té SW ("éboulement" de Sa lquenen /S ie r re ) , l ' a u t r e près de son ex t rémi té NE ( le cé l èb re "éboulement" de Flims, qu i , avec 11 km3, e s t l e p l u s grand g l i s sement d'Europe) ( f i g . 1 e t 2) . Les s é r i e s t e r t i a i r e s parautochtones sont en revanche t r è s i n s t a b l e s comme tous l e s F l y s c h , e t ont p r o d u i t de t r è s grands g l i s s e m e n t s dans l e Schàchenta l (Altdorf) e t l e canton de G la r i s (région de L in tha l e t d 'Elm).

Dans l a p a r t i e n o r d - e s t de l a chaîne , la nappe de l 'Axen (Lias-Dogger-Malm) se c a r a c t é r i s e par l a présence de t r è s grands g l i s s e ­ments au niveau des roches marno-ca lca i res e t s c h i s t o - a r g i l e u s e s du Dogger e t de l ' A a l é n i e n à nouveau (Braunwald, G l a r i s ) . De t r è s nombreux g l i s s e m e n t s e t éc rou lements rocheux de grande t a i l l e c a r a c t é r i s e n t l e domaine de l a nappe du S â n t i s , c o n s t i t u é e par l e s s é r i e s marno-calca i res e t c a l c a i r e s l i t é e s du Cré tacé .

Les Flvachs t e r t i a i r e s du domaine he lvé t ique et. u l t r a - h e l v é t i q u e c o n s t i t u e n t sans doute , en Suisse , l e s formations r o c h e u s e s . l e s p lus p rop i ce s aux g l i s sements de tous t y p e s , de t o u t e s t a i l l e s , de tous âges e t de t o u t e s o r i g i n e s : des grands g l i s s e m e n t s de r e t r a i t g l a c i a i r e des v a l l é e s a lp ines t e l s ceux du Schàchental e t de G l a r i s , déjà évoqués pour l e s f lyschs parautochtone , aux g l i s sements super­f i c i e l s de la couver ture é l u v i a l e , qui c a r a c t é r i s e n t l e s pentes p lus modérées des Préalpes ex te rnes f r ibourgeoises e t be rno i ses ( f ig . 3 e t 4 ) , ce peut ê t r e ju squ ' à 40-50% du t e r r i t o i r e qui p r é s e n t e un é t a t d ' i n s t a b i l i t é l a t e n t ( I n s t . g é o l . Univ. F r i b o u r g 1976) . C ' e s t probablement dans ces zones que l e pourcentage de g l i s sement s non i d e n t i f i a b l e s par la méthode u t i l i s é e pour l e p résen t recensement e s t l e p lus grand.

La Molasse cha r r i ée ol igocène (Rupélien, Chat t ien , Aquitanien dans l e n o r d - e s t ) , qui borde au nord t o u t e l a chaîne a l p i n e , e s t t r è s p rop ice aux gl issements de par sa na ture a l t e rna t ivement gréseuse e t a r g i l o - m a r n e u s e . On c o n s t a t e cependant q u ' e l l e a donné l i e u à un nombre p l u t ô t l i m i t é de g l i s s e m e n t s ; l a r a i son e s t à chercher dans l e s r e l a t i o n s en t r e l e s contextes s t ruc tu raux e t topographiques (voir c h a p i t r e su ivant ) . De t r è s grandes d e n s i t é s de g l i s s e m e n t s sont cependant obse rvab les dans c e r t a i n e s r é g i o n s , t e l l e s l a c u v e t t e lémanique (région à l ' e s t de Lausanne) (Noverraz & Weidmann 1983, Noverraz 1985) , l e nord du l a c de Thoune e t l a région d 'E in s i ede ln (Schwytz) ( f ig . 5) .

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FIG. 3 Inventaire des glissements et écroulements rocheux de Suisse, extrait (région des Préalpes fribourgeoises et bernoises); voir aussi figure 2.

FIG. 4 Répartition des principaux ensembles lithologiques (région des Préalpes fribourgeoises et bernoises) (légende voir fig. 2)

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La Molasse du Plateau est d'autant plus sensible aux glissements que le rapport marnes/grès est plus élevé d'une part, que l'épaisseur moyenne des bancs de grès et de conglomérats est plus faible d'autre part. La Molasse lacustre de. 1'Aquitanien et surtout la Molasse marine du Burdigalien et de l'Helvétien. riches en puissantes assises gréseuses, confèrent une bonne stabilité aux versants des vallées recoupant le SW du Plateau entre Lausanne et le lac de Sempach. Le processus d'instabilité dominant dans ces versants consiste en écroulements de falaises de volume limité. Dans la partie NE du Plateau, du lac de Sempach au lac de Constance, avec la présence de la Molasse lacustre tortonienne (Miocène supérieur), la stabilité est à nouveau plus précaire, cela d'autant plus que le relief est plus accentué dans cette région. La Molasse marno-gréseuse et congloméra-tique du Tortonien donne lieu aux plus grands glissements recensés sur le Plateau molassique. Le long du pied du Jura et dans le fond des principales vallées synclinales du Jura septentrional, la Molasse lacustre chattienne affleure à nouveau avec des faciès silto-marneux voire exclusivement marneux; cette forte prédominance marneuse explique les phénomènes d'instabilité par glissement systématiques auxquels la Molasse donne naissance dans cette région, et cela même sur des pentes très faibles.

La chaîne du Jura se caractérise, du point de vue des phénomènes d'instabilité, par un accroissement progressif du caractère instable et de la densité de glissements du SW vers le NE. Au SW, le Jura genevois et vaudois se caractérise par une quasi-absence de phéno

0 2 10 Km O

FIG. 5 E x t r a i t de l a c a r t e des g l i s sements de t e r r a i n de la Suisse i n v e n t o r i é s par analyse géomorphologique sur c a r t e s topographiques 1:25:000: région Einsiedeln-Schwytz.

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mènes d'instabilité, bien que l'amplitude des plissements et la hauteur de la chaîne y soient à leur maximum: cette situation tient à la puissante série calcaire du Malm, qui forme la carapace stable et résistante des chaînes anticlinales, ainsi qu'au caractère essentiel­lement calcaire également des séries crétaciques. Avec la diminution progressive de puissance des séries sédimentaires vers le NE, la solidité et la continuité de la carapace du Malm diminue, les vallées anticlinales apparaissent et avec elles les séries plus profondes et plus marneuses de l'Argovien, puis du Dogger et du Lias, et enfin du Trias (argilites du Keuper). La très grande densité de glissements recensée dans le Jura suisse alémanique est due à la présence à l'affleurement des marnes et calcaires marneux de l'Argovien (couches d'Effingen) des marnes oxfordiennes dans le NE, du Bajocien et du Bathonien qui deviennent marneux au NE de Baden, des marnes argi­leuses de l'Aalénien (Opalinustone), des schistes bitumineux et marnes à silex du Toarcien et enfin, dans la région Bâloise, des argilites bigarrées du Keuper (marnes irisées); à ces différents faciès mésozoxques s'ajoute encore la sédimentation molassique chattienne des fonds de vallées dont il a déjà été question.

RELATIONS ENTRE LES INSTABILITES DE VERSANT ET LA TECTONIQUE

Ces relations sont d'importance presque comparable à celles liant les instabilités à la nature géologique des roches. Elles ne se prêtent cependant pas à une analyse à échelle aussi vaste que le territoire suisse, du fait de la variabilité très grande et aléatoire des données tectoniques, variabilité encore accrue par l'interaction entre celles-ci et le contexte topographique pour ce qui est de leurs relations avec la stabilité d'un massif. De ce fait, ces relations relèvent plus de l'étude de détail, cas par cas, que d'une analyse globale autre que théorique.

On peut cependant se livrer à quelques constatations générales concernant les relations entre grandes structures géologiques d'une part, types et ampleur des instabilités occurrentes d'autre part.

La constatation la plus générale et la plus importante - ce n'est pas une surprise - est que les versants conformes (avec couches stra-tigraphiques ou schistosité principale subparallèle à la pente) sont beaucoup plus riches en instabilités que les versants contraires. D'une manière générale les formations rocheuses peu litées, résis­tantes, ou à forte ossature de puissants horizons massifs, sont peu ou non sujettes au glissement sur versants contraires, voire même en cas de pendage neutre (horizontal ou perpendiculaire au versant), mais peuvent donner lieu à de gigantesques glissements sur versants conformes: les exemples abondent et l'on peut citer Flims et Sierre dans la couverture sédimentaire parautochtone des massifs cristal­lins, Val Maggia (Tessin) dans les gneiss penniques, Bettmeralp dans la couverture métamorphique du massif de l'Aar (Steck 198...), les glissements de la vallée du Rhin dans la nappe du Sântis, de très nombreux glissements de moindre ampleur en Molasse, etc.

D'une manière tout aussi générale, on relève que cette différence de stabilité entre versants conformes et contraires va décroissant avec la diminution d'importance, en proportion et dimension, des horizons massifs d'une part, avec l'accroissement du caractère schisteux, argileux ou phylliteux des formations d'autre part. Dans ces formations, les versants contraires peuvent même donner lieu aux glissements les plus profonds et les plus volumineux, avec ou sans relations avec le fauchage des couches (ex.: glissement d'Hérémence-Mayens de Sion, de Loye, de Glis et de Môrel en Valais, du

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445 Répartition géographique, origine et contexte géologique

Gotschnahang à Klosters). Toutefois, même pour les formations très litées ou schisteuses, les glissements et les écroulements alpins les plus notoires et les plus nombreux se sont produits sur des versants conformes ou assimilables (Heinzenberg, Safiental, Lumnez aux Grisons, Goldau, Hergiswil en Suisse centrale, Montana, Produit-Leytron en Valais, tous les grands glissements du Plateau molassique, etc..) .

Les discontinuités liées à la tectonique cassante (chevauchements, décrochements, failles, fractures, diaclases) jouent presque toujours un rôle très important également, mais celui-ci n'apparaît bien sûr que rarement avec le mode de détection utilisé et décrit ici.

ORIGINE DES GLISSEMENTS DE TERRAIN DECLARES EN SUISSE

Une très large proportion des surfaces couvertes par les glissements inventoriés, que l'on peut estimer à plus de 5% du territoire national, est constituée par les vastes glissements et écroulements des versants des grandes vallées alpines; ceux-ci sont le plus souvent situés dans une tranche d'altitude comprise entre 2'000 à 2'300 m et le fond des vallées. Cette localisation montre, si besoin était, que ces phénomènes sont tous des instabilités consécutives aux retraits glaciaires wurmien ou antérieurs. Font principalement exception la plupart des glissements du Jura, les glissements des lunatak (régions préservées de l'englacement des périodes glaciai­res) , la plupart des glissements du Plateau molassique (sauf les grands glissements de la cuvette lémanique), et enfin les nombreux petits glissements liés directement à l'érosion fluviatile.

La particularité marquante des grands glissements de retrait glaciaire est qu'ils se sont produits dans pratiquement tous les types de formations géologiques et de lithologies, à l'exception des granites des massifs centraux; de fait, seul le processus d'érosion très particulier propre à l'érosion glaciaire a pu rendre possible le déclenchement de glissements atteignant de plusieurs kilomètres carrés à plusieurs dizaines de kilomètres carrés dans des formations apparemment peu sujettes au glissement, comme notamment les gneiss du domaine pennique (Valais, Tessin).

TRAVAUX FUTURS

L'inventaire présenté des glissements de terrain en Suisse fait actuellement l'objet d'un travail de représentation à l'échelle du 1:200'0 00 avec l'aide de l'Office Fédéral de Topographie, à Wabern. Une carte de synthèse des grandes unités géologiques citées, regroupées par ensembles de faciès lithologique équivalent lorsque cela se justifiait (extrait sous figure 2 et 4) , fera également l'objet d'un travail de représentation graphique à la même échelle du 1:200'000. Ces documents graphiques seront publiés ultérieurement par les soins du CETI.

REFERENCES

Centre interdépartemental d'Etude des Terrains Instables (CETI) (1985) Mensuration parcellaire et conservation en zones d'instabilité naturelle du terrain (REMO). Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne.

Détection et Utilisation des Terrains Instables (DUTI) (1985) Rapport final du projet d'Ecole. Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne.

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Institut de géologie de l'Université de Fribourg & Alii (1976) Carte préliminaire des glissements de terrain. Direction des Travaux Publics du canton de Fribourg.

Jaeckli, H. (1953) Geologische Eigentumlichkeiten der Geschiebeherde des Bundnerischen Rheingebietes. Wasser- und Energiewirtschaft, 8-3., Zurich.

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