round table « smart sensors for production optimization

3
CFM | CIM 2019 Round table « Smart sensors for production optimization » L e groupe de travail Creative Metrology initié en 2018 par Cosimi Corleto, président du CFM et DG de Stil SAS et réu- nissant des représentants industriels et académiques, experts dans le domaine de la mesure industrielle, propose dans chaque numéro de Contrôle Essais Mesures de partager son travail de veille sur la métrologie du futur. Dans le cadre du Congrès international de métrologie, une table CREATIVE METROLOGY, UN GROUPE DE TRAVAIL DU COLLÈGE FRANÇAIS DE MÉTROLOGIE © Hurca! / Adobe Stock N°69 NOVEMBRE 2019 5 ronde a réuni le 24 septembre 2019 un groupe d’experts dans le domaine des capteurs intelligents afin d’éta- blir un état de l’art sur ce sujet Cosimi Corleto, DG de Stil SAS et président du Collège français de métrologie Guillaume Avrin, LNE Francesco Ziprani, Marposs Satish Bukkapatnam, University of Texas Eric Cartalas, JRI Wolgang Lübcke, Endress&Hauser Les participants à cette table ronde pilotée par Cosimi Corleto étaient : Guillaume Avrin (LNE), Francesco Ziprani (Marposs), Satish Bukkapatnam (University of Texas), Eric Cartalas (JRI), Wolgang Lübcke (Endress&Hauser). Le choix des intervenants s’est fait dans le but de balayer un vaste un champ d’applications allant du laboratoire de recherche aux différentes industries de production ou de transformation. Enfin l’aspect international a été privilégié de manière à enrichir le débat.

Upload: others

Post on 29-Nov-2021

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

CFM | CIM 2019Round table « Smart sensors forproduction optimization »

Le groupe de travail CreativeMetrology initié en 2018 parCosimi Corleto, président duCFM et DG de Stil SAS et réu-

nissant des représentants industrielset académiques, experts dans le

domaine de la mesure industrielle,propose dans chaque numéro deContrôle Essais Mesures de partagerson travail de veille sur la métrologiedu futur. Dans le cadre du Congrèsinternational de métrologie, une table

CREATIVEMETROLOGY,

UN GROUPEDE TRAVAIL

DU COLLÈGEFRANÇAIS DEMÉTROLOGIE

© Hurca! / Ado

be Stock

N°69 � NOVEMBRE 2019 — 5 —

ronde a réuni le 24 septembre 2019un groupe d’experts dans le domainedes capteurs intelligents afin d’éta-blir un état de l’art sur ce sujet �

Cosimi Corleto, DG de Stil SAS etprésident du Collègefrançais de métrologie

Guillaume Avrin, LNE

Francesco Ziprani,Marposs

Satish Bukkapatnam,University of Texas

Eric Cartalas, JRI

Wolgang Lübcke,Endress&Hauser

Les participants à cette table rondepilotée par Cosimi Corleto étaient :Guillaume Avrin (LNE), FrancescoZiprani (Marposs), SatishBukkapatnam (University of Texas),

Eric Cartalas (JRI), Wolgang Lübcke(Endress&Hauser).Le choix des intervenants s’est faitdans le but de balayer un vaste unchamp d’applications allant du

laboratoire de recherche auxdifférentes industries de productionou de transformation. Enfin l’aspectinternational a été privilégié demanière à enrichir le débat.

DéfinitionPour Satish Bukkapatnam,professeur et chercheur àl’Université du Texas, qui faitréférence aux États-Unis dansle domaine du « smartmanufacturing », un capteurintelligent dispose de 4éléments clés :1. un ou plusieurs élémentssensibles assurant lacaptation d’informationsprovenant d’une ou plusieursgrandeurs physiques.

2. Une électronique detraitement du signal brut etde conversion en un signalnumérique.

3. Un ensemblemicroprocesseur et mémoirecapable d’enrichirl’information en lacorrigeant pour enaugmenter les performances.En fonction des composantset des algorithmes mis enœuvre, on aura une formed’intelligence plus ou moinscomplexe capable de générerdirectement une informationpertinente pour le systèmeassocié exploitant la donnée.

4. Un moyen decommunication permettantde transférer l’informationvers le système associé. Lesystème associé peut êtreaussi bien une machine, unautomate de ligne deproduction, un système desupervision ou même uneplateforme internet decollecte des données.

Dans la pratique, il existe déjàsur le marché une grandevariété de capteurs intelligentsdont les caractéristiques sontparfois très différentes, caradaptées aux besoins desutilisateurs.Ainsi Eric Cartalas expliqueque les capteurs JRI utilisésentre autres pour lemonitoring des températuresse distinguent par leur capacitéà gérer leur propre

consommation énergétique demanière intelligente. Cescapteurs intelligents peuventalors fonctionner de façonautonome pendant 10 ans.

Pour Francesco Ziprani, lescapteurs Marposs, qui sontutilisés au cœur même desprocessus de fabricationindustrielle, se distinguent parune très grande robustesse etune rapidité de traitementpermettant de contrôlerdirectement et de modifier entemps réel les paramètresd’usinage d’une machine.

Pour Wolfgang Lübcke, lescapteurs E&H disposent d’untraitement intelligent del’information pour permettrede mesurer précisément ledébit de fluide dans lesinstallations de processuscontinus (chimie, pétrochimie,traitement d’eau, alimentaire…)ou la nature du fluide doit êtreprise en compte, mais aussi sesconditions de température aumoment du passage dans lescapteurs débit-métriques. W.Lübcke explique que l’un desfacteurs clés de succès descapteurs E&H est leur capacitéde résistance en milieu hostile.

Pour Guillaume Avrin du LNE,les capteurs de visiondeviennent intelligents dès lorsqu’ils sont associés à desprogrammes d’IA capables dereconnaître des défautsautomatiquement. La questionqui se pose alors est de savoirquel type d’intelligence doitêtre mise en œuvre pourobtenir le résultat souhaitésans mettre en œuvre desmachines nécessitant despuissances de calculdisproportionnées. Il précisequ’il est important de définirles contours de l’intelligencedu capteur, car un capteur peutêtre pourvu d’un algorithmepermettant des calculs sans

qu’il s’agisse pour autantd’intelligence.

On ne peut que constater, autravers de ces quelquesexemples, qu’il existe unegrande diversité et différentsniveaux de complexité pour lescapteurs intelligents. Lecapteur intelligent est doncpluriel et s’il existe une base defonctions communes, lesspécifications et les compo -sants peuvent être trèsdifférents d’un modèle à l’autre.À chaque capteur intelligentd’exploiter la forme d’intelli -gence la mieux adaptée à sonusage, pour in fine satisfaire lesexigences de l’utilisateur surun marché et une typologied’application donnée.

InterfaceOn comprend qu’avecl’avènement du numériquel’interface joue un rôledéterminant. Alors qu’en est-ilpour les capteurs intelligents ?Quels sont leurs moyens decommuniquer avec leurenvironnement ?

Pour Wolfgang Lübcke deE&H, il y a un problème destandard de transmission del’information. Nous ne sommespas encore parvenus à définirle standard universel pour lecontrôle de process et il estprobable qu’il faille composerlongtemps avec des systèmeshétérogènes. Des consortiumsexistent pour pousser tel ou telprotocole, mais aucun n’estparvenu à s’imposer. On voitainsi apparaître des capteursintelligents qui utilisent tantôtProfibus, tantôt EtherCat ouplus généralement Ethernet,mais de nombreuses autressolutions existent y compriscelles propriétairesdéveloppées pour optimiser lesperformances d’une certainetypologie de système.Eric Cartalas précise que pour

leur domaine d’application descapteurs JRI, il n’en est rien.En effet, pour les capteursintelligents embarqués (dansdes véhicules frigorifiques parexemple) destinés à suivrel’évolution de la température ;l’essentiel réside dans leurcapacité à gérer leur propreénergie (capteurs autonomes).Ceci oblige à privilégier lesinterfaces de type réseauxTelecom existant (2G, 3G…) oudes réseaux basse consom -mation (Lora, Sigfox…). Lescapteurs intelligents sont alorsdes objets connectés quiutilisent les réseaux sans filpour véhiculer les informa -tions d’un point à un autre surde longues distances. Lesdonnées peuvent alors êtreregroupées (Big Data) ettraitées par des serveurs enmode « cloud computing» enutilisant des logiciels d’intelli -gence artificielle pour enextraire les donnéespertinentes.

Pour Francesco Ziprani, lesenjeux sont tout autres. Eneffet, pour Marposs, sociétéspécialisée sur la conception etla fabrication de moyens demesure destinés aux industriestraditionnelles (automobile,aéronautique, électronique,semi-conducteur…), l’enjeuprincipal est d’apporter à leursclients des gains deproductivité significatifs parl’utilisation de capteursembarqués directement dansles machines de production.Dans ce cas, le facteur cléréside dans la capacité descapteurs à communiquer entemps réel avec la machine ce

— 6 — N°69 � NOVEMBRE 2019

cahier

MÉTR

OLOG

IEAVEC LE COLLÈGE FRANÇAIS

DE MÉTROLOGIE

CREATIVEMETROLOGY,

UN GROUPEDE TRAVAIL

DU COLLÈGEFRANÇAIS DEMÉTROLOGIE

cahier

MÉTR

OLOG

IEAVEC LE COLLÈGE FRANÇAIS

DE MÉTROLOGIE

qui exige un réseau détermi -niste pour une parfaitesynchronisation des opérationsd’usinage et de contrôle. Cetteexigence a amené l’entreprise àdévelopper son propre réseau« Blu » qui permet de relierentre eux les différentscapteurs aux machines. Dansd’autres cas, lorsqu’il s’agit defaire des contrôles non plus aucœur même de la machine,mais en bord de ligne, c’est latechnologie Bluetooth qui estutilisée. Elle équipe parexemple les alésomètres sansfil (capteur de diamètreinterne) qui permettent àl’opérateur d’effectuerl’opération de contrôledirectement à la main et detransférer les donnéesrécoltées vers le système SPCsitué à proximité. F. Zipraniprécise qu’il va aussi falloircompter à l’avenir sur la 5Gdont l’utilisation sembleprometteuse pour desapplications de type IIOT(internet Industriel descapteurs et des machines).

Pour Satish Bukkamatnam, ilest nécessaire de développerune nouvelle génération de «smart sensors » capabled’intégrer plusieurs variablesphysiques (Force, accélération,température, déplacement…)pour mieux modéliser lecomportement des machineset optimiser le processus defabrication. Pour ce faire, ilpropose de fusionnerlocalement les données et d’enextraire directementl’information pertinente. Ceciest possible grâce à l’utilisationde technologiesEdgeComputing qui commencenttout juste à émerger, mais aussià l’utilisation d’algorithmed’intelligence artificielleadapté.

En matière d’interface,permettant de transmettre le

signal d’un point à un autre, onest également confrontés à lagrande multiplicité dessolutions proposées par lesfabricants de capteursintelligents. Tous lesintervenants sont d’accordpour souligner l’aspect sécuritécomme étant un point clé àl’avenir pour le succès dudéploiement des capteursintelligents. En effet, paressence même, ceux-ci sontdestinés à être connectés(souvent directement àinternet) et sont doncpotentiellement vulnérablesainsi que les données qu’ilstraitent et véhiculent.

MétrologieQu’en est-il des aspectsmétrologiques pour lescapteurs intelligents ? En effet,pour des produits dont leniveau de complexité aconsidérablement augmenté,comment résoudre lesproblèmes de calibration,d’étalonnage, de traçabilité ?

Guillaume Avrin explique quela nouvelle génération decapteurs intelligents, enparticulier dans le domaine dela vision, oblige le LNE àproposer des solutionsadaptées capables d’évaluer laperformance des algorithmesd’IA : on parle aujourd’hui de« métrologie de l’IA ».

Dans ce domaine, la Franceoccupe une place de pionnieravec des travaux très avancésdans la capacité à évaluerscientifiquement lesperformances de capteursexploitant l’IA. Cetteproblématique s’étend au-delàdes seuls procédés industriels,car la question se poseégalement dans le domaine desvéhicules autonomes quiembarquent une grandequantité de capteurs et quiexploitent souvent, pour

prendre des décisions, deslogiciels d’IA.

Plusieurs projets européensont vu le jour pour proposer denouveaux référentiels pourl’IA. Dans les dispositifsmédicaux ou encore pourvérifier des systèmesintelligents évolutifs.

Eric Cartalas explique quepour JRI, la question del’étalonnage des capteursintelligents proposés par JRIest déjà prise en compte etmaîtrisée. En effet, il existe unprocessus bien rodé permet -tant à l’utilisateur de capteursde ne renvoyer chez JRI que lapartie sensible du capteur.Cette partie est remplacée parune autre ayant été récemmentcalibrée en usine. Ainsi nonseulement, le coût et le tempsd’intervention sont réduits,mais aussi l’opération s’inscritparfaitement dans unprocessus de traçabilité dumoyen de mesure.

Pour le ProfesseurBukkapatnam, l’heure estvenue de voir apparaître denouveaux procédés decalibration pour des capteursmultiples. On parlera alors demeta-calibration. En particulierdans le cas où l’on souhaitetenir compte des conditionsd’ambiance pour s’affranchirdes dérives en température.Wolfgang Lübcke expliquequ’E&H propose à ces clientsde calibrer directement lescapteurs sur site sans avoir àpasser par le laboratoire. Pourlui, le problème principal ne sepose pas au niveau de la métro -logie, mais bien plus dans lefait qu’on n’est actuellementpas en mesure d’exploiterpleinement toutes les donnéesrécoltées et disponibles. Il y alà un gisement d’informationsdont on pourrait bien mieuxtirer profit. Il faut noter

également que la majorité desinstallations existantes n’estsouvent pas même équipée decapteurs connectés, lescapteurs analogiques occupantencore de nos jours une placeimportante. À tel point quecertaines sociétés se sontspécialisées dans la productiond’électroniques permettant derendre les capteursanalogiques si ce n’est« intelligents » ou moins« connectés ».

ConclusionLa table ronde a permis dedébattre pendant près de deuxheures des différents aspectsdes capteurs intelligents.Chaque interlocuteur aapporté un regard spécifique,car chaque famille de capteurintelligent dispose de caracté -ristique propre à l’usage qui enest fait. Les marchés dedestination de ses capteurssont multiples, mais d’unemanière générale on constateune tendance à l’autonomiedes capteurs (IIOT parexemple). Les capteursintelligents deviennent pluscomplexes et se retrouvent deplus en plus au cœur même desmachines pour permettre desurveiller les processus,contrô ler la qualité, prévoir desopérations de maintenance ouassurer la traçabilité demédicaments ou de produitsfrais tout au long de la chaînedu froid. L’émergence denouvelles et multiplestechnologies ouvre la voie àune nouvelle métrologie, maisaussi à des besoins renforcésen termes de cybersécuritépour assurer à la fois l’intégritéet la qualité des donnéesrecueillies par les capteursintelligents.

Propos recueillis par Cosimi CORLETO,DG de Stil SAS et président du

Collège français de métrologie

N°69 � NOVEMBRE 2019 — 7 —