robert linssen amour humain amour divin 1953

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Ram LINSSEN DE L'Amour Humain A L'Amour Divin Editions ETRE LIBRE 1953

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Ram LINSSEN DE L'Amour Humain A L'Amour Divin

Editions ETRE LIBRE 1953 2 Pense Liminaire DesconfrencesMadras-Bnars1947-49,parKrishnamurti,nousnous permettons d'extraire les lignes qui suivent (pp. 170-171) : Onpeutgaliserconomiquement,maismmecettegalisation-lperddesonimportance,tantquesubsistentlesingalitspsychologiques.Celles-cinepeuventpas tre supprimes par des systmes conomiques. Laseule solution, la vraie, la durableest l'amour, l'affection, la bienveillance, la charit, la compassion.Maisl'amourestextrmementdifficilepourceluiquiestprisdanslesactivits inhumaines, dans la concurrence, dans la violence...Messieurs,voscroyancesnepeuventpasremplacerl'amour.Parcequevousne savez pas ce qu'est l'amour, vous vous complaisez dans des thories et des pratiques, vous teslarecherchedesystmesconomiques,sociauxoureligieuxquidissoudrontcette monstrueuse ingalit.Lorsqu'onaime,iln'yanil'intellectuel,nilepcheur,nil'hommed'quit.Etre libre dela sorte est une chose merveilleuse. Seul l'Amour peut donner cette libert, non unecroyance.L'amourn'estpossiblequelorsquetombentlescroyances,lorsqu'onne s'appuiesuraucunsystme,lorsqu'ondevienthumain,lorsqu'onn'estplusmcanis. Combien peu nous aimonsdans notre vie quotidienne ! Vousn'aimeznivosfils,nivosfilles,nivosfemmes,nivosmaris,etparceque vousnelesconnaissezpas,vousnevousconnaissezpasvous-mme.Plusnousnous connaissonsnous-mmesplusnouscomprenonslasignificationdel'amour.L'amourestle facteur le plus extraordinaire de la vie parce qu'il rsout tous nos problmes. Celan'estpasunesimpleassertion;essayezdelaissertombervotreagressivit, voscomptitions,vospoursuites,soyezsimplesetvoustrouverezl'amour.L'homme simpletrouvelapaixdanscequ'ilestlui-mme,etlacomprhensiondecequiest engendrel'amour et le bonheur . J. Krishnamurti. 3 De l'amour humain l'amour Divin (selon les psychologues, les mystiques et les Sages d'Orient) (Notes de confrences non rvises.) INTRODUCTION Malgrnotredsird'aborderuntelsujetentoutesimplicit,nousnousvoyons contraintsdecommencernotreexpospardesconsidrationsquipourrontdonner certains l'impression de spculations mtaphysiques. Nousvousledisonsdoncimmdiatement:nousn'avonspasl'intentionde procder des mtaphysisations de l'amour. Noussouhaitonsaucontrairedonnerunevisionpanoramiqueaussiclaireque possibleduproblmedel'amour,telquedegrandsSagesetdespsychologues l'envisagent, afin d'offrir une perspective totalement diffrente desvoies actuelles, quise trouvent tre sans issue. Lebien-fonddecequisuitnepeuttreapprciqueparceuxquiadoptentune nouvelle faon de vivre. Maispourtrevalable,cetaspectpratiqueetconcretduproblmedoits'inspirer d'unenouvelleoptiquementaleetaffectiveprocdantd'unrenversementTOTALdela plupart des valeurs traditionnelles. Danslapremirepartiedenotreexposnousnousattarderonsquelquepeudans des considrations que certains jugeront trop intellectuelles. La plupart des points de vue que nous partageons au sujet du problme de l'amour sonttellementloignsdeceuxdesOccidentauxmoyensqu'ilnousesttrsdifficile d'aborder cette matire directement comme nous le souhaiterions. Nousemploieronspournousexprimerdesmots,quidansnotreespritpossdent une signification totalement diffrente de celle qu'on leur accorde gnralement. Il sera fait souvent appel aux images que nous suggrent les philosophes d'Orient. Lorsque nous parlons des Sages d'Orient nous ne dsirons nullement crer des quivoques. Cette expression dsigne aussi bien les penseurs de l'Inde antique et moderne, que les bouddhistes du Thibet, de la Chine et du Japon. En ce qui concernele Bouddhisme,nousnous rfrons plus particulirement aux aspectsdpouillsdecettedoctrine,c'est--direceuxd'unetraditionoralesecrtedont nouspossdonsleslments(publispartiellementparA.David-Neel),etceuxduZen, selon D.T. Suzuki d'abord et surtout l'uvre admirable du Dr. Hubert Benoit : La Doctrine Suprme. NousvoqueronsfrquemmentJ.Krishnamurti.Quoiquecederniersoitnaux Indes,ilsedfendd'trelereprsentantd'unefaondevoiretdesentirspcifiquement orientale. Ilse dfend aussi d'tre un philosopheou unmystique. Nouslui donnons en premireapproximationl'tiquettedepsychologueparlefaitquetoutesadoctrineest centresurlaconnaissancedesoi.Sesvuespntrantessurleprocessusdumoi projettent des lumires nouvelles sur les mcanismes mentaux et affectifs. Le texte de Krishnamurti que nous avons reproduit sous forme de pense liminaire nous montre clairement que l'amour vritable n'est pas une exprience inaccessible. Nous 4 souhaitons en convaincre le lecteur la suite des diffrents exemples qui seront donns. L'tatd'amourvritableestl'expriencelafoislaplussimpleetlaplus merveilleusequisoit.Maisparcequenoussommescompliqus,ilestpournoustrs compliqu d'tre simples. Ainsi que l'exprime le Dr. Benoit (La Doctrine Suprme, t. 1, p. 129) : ... on n'est pas assez simple. La perception informelle immdiate de l'existence estlaperceptionlaplussimplequipuissetre.Correctementeffectue,ellepeut tre obtenueaumilieudel'activitextrieurela plusintenseetsanstroublercelle-ci;je n'aipasmedtournerdecequejefais,maismesentirexisteraucentremmedu monde formel de mon activit et dans l'attention que je lui donne ; et page 191 : letravailintrieurconsisteenuneffortdedcontraction,enunnon-agir opposnosagitationsintrieuresrflexes;c'estunesimplicitopposenotre complexit naturelle;et le Zen insiste souvent sur cette simplicit, cette dtente .Nous rappellerons ce sujet la parole de jsus : En vrit, je vous dclare, quiconque ne recevra pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant n'y entrera pas . * ** Nousneperdronspasnotretempsdcrirelesmodalitsetlesvariationsdela psychologie amoureuse chez la femme et chez l'homme. Cela ne constituerait qu'un rabchage de lieux communs.Alorsqu'ilnonaitlemotamouraucoursd'unedesesconfrences,le psychologueindouKrishnamurtidisaitimmdiatementenanglaisThiswordmustbe desinfected . (Ce mot doit tre purifi.) Ainsi que l'exprime Henri Lavedan : l'Amour n'est pas un mot profane ; c'est un mot profan .Ilestmanifestementvidentqueletermeamour,luouentendususcitedans l'espritdelaplupartdesassociationsd'imagessexuellesenrobesdansuncontenu motionnel libidineux. Nous ne voulons pas dire non plus que l'amour sexuel soit totalement incompatible avec l'Etat de Pur amour dont il ne constitue qu'un infime reflet. MaisafindesituerexactementlafaondontKrishnamurtienvisageleproblme del'Amour,ilserancessairedel'examinersousdesanglestrsdiffrentsdeceuxqui nous sont familiers. Faute de procder de cettefaon,nous risquerions chaqueinstant de provoquer des malentendus. PourlesSagesetpsychologuesdel'Indel'AmourvritableestunEtatd'Etre qui n'a rien de commun avec les expriences sensuelles. L'attitude de Krishnamurti est sans quivoque ce sujet : Le dsir de sensation tue l'Amour , nous dit-il. Le dsir de sensation tue l'Amour... L'noncd'unetellepensenousfaitapercevoirclairementl'abmeexistantentre leconceptdel'amourdesgrandesmasses,etlapositiondesSagesoupsychologues avertis. 5 Nousverronsultrieurementquedansl'espritdesSagesd'Orient,commechez Krishnamurti, l'Amour vritable est tout, sauf un concept. Les lignes prcdentes semblent dj contenir des affirmations contradictoires. En effet, nous venons de signaler que l'amour sexuel n'tait pas totalement incompatible avec l'EtatdePuramour.PeuaprsnouscitonslapensedeKrishnamurti:ledsirde sensation tue l'Amour . La contradiction, ici, est plus apparente que relle. L'homme intgr pourrait en effet avoir une vie sexuelle (encore que les exigences decelle-cisoientinfimescomparativementlanorme)sansquecetteviesexuellesoit ncessairementl'expressiond'undsirdesensation.Lesobstaclesl'quilibrespirituel sontcaussparledsirpsychologiquedesensationetlescomplexespassionnelsde l'imagination qu'il engendre (et rciproquement). Ds l'instant o cesse l'activit de ces complexes, la vie sexuelle occupe une place infiniment plus quilibre, mais il n'est pas ncessairement question d'une extinction totale de celle-ci. Elle cesse surtout d'tre une proccupation mentale. Tel est galement le point de vue de Krishnamurti que nous reprendrons en fin de cette tude sommaire. 6 Amour dvotionnel et auto-hypnose Existerait-iluneincompatibilitradicaleetdfinitiveentrel'amourhumainet l'amour divin ? Lorsque nous parlons ici de l'amour humain nous voquons bien entendu le climat psychologique dans lequel se situe la grande norme de l'poque actuelle : amour possessif, possessionphysique,possessionpsychologiqueaveclecortgedeplaisirsetde souffrances qui en rsultent, volupts, jalousies, attachements, etc. Quant dfinir ce que nous entendons par Amour Divin , rien n'est plus ingrat. Les Sages l'enseignent par le silence. Nous pourrons plus facilement dire ce que l'amour divin n'est pas. Paramourdivinnousnevoulonsenaucuncasdsignerl'landvotionnel qu'prouverait le fidle des religions anthropomorphiques, fixant son esprit sur le symbole d'unDieuextrieur,faitl'imagedel'homme,punissantlesuns,rcompensantles autres... Ceslansaffectifsdedvotionpuredoiventtreconsidrsparmiles manifestationslespluslevesdel'amourhumainpersonnel,maispourleSage,ces expriencessesituenttoujoursdansladualitsujet-objet,adorateur-objetdeson culte . L'amour divin n'est ralis que lorsque toute dualit se trouve abolie. Ils'agitd'untatd'intgration,aucoursduquell'adorateursedlivredeslimites psychologiques de sa conscience personnelle. Les Sages et mystiques d'Orient attirent spcialement notre attention sur le danger inhrent aux processus de dvotion dualistes. Danslamesuredeleurferveurlesadorateursd'unsymbolefinissentpar matrialiser leurs yeux l'objet de leur culte. Beaucoup prfreraient se faire brler vifs que de reconnatre leur erreur. Les Sages nous enseignent que nos reprsentations mentales du divin n'ont aucune communemesureavecleDivinLui-mme.Laplupartdesmystiquesd'Occidentne tiennentpascomptedecetteimportantedistinction.Ilssontainsilestmoinsblouisde leurspropresprojectionsmentalesetviventdesannesenvictimesinconscientesd'une auto-hypnose. 7 Amour vritable et motion Ilexistedoncunegammeinfinied'motions,quisesituententrel'amourhumain ordinaire et l'amour divin. Les psychologues indous ont dcrit avec un luxe de dtails toute une hirarchie de rasaousaveursmotionnellescorrespondantauxdiffrentsniveauxvolutifsde l'amour, depuis l'motion amoureuse libidineuse, jusqu' l'amour mystique, en passant par l'amour tendresse , par l'amiti pure, par l'motion esthtique, par la dvotion. DisonstoutdesuitequepourKrishnamurti,ainsiquepourlesmatresdu BouddhismeZenetlesAdvaitistes,l'Amourdivinneseperoitpassouslaformed'une motion. L'nonc d'une telle affirmation provoque en gnral un mouvement de recul ou de surprise chez la plupart. L'amour divin ne peut-il donc tre prouv ? Certainement qu'il peut tre prouv , mais d'une faon telle qu'il est impossible de la dfinir. Dans ce domaine, chaque mot devient un pige. L'AmourvritableestunEtatd'Etreimpensable,incomparable.Ilest, fortiori, rigoureusement impossible de le dfinir dans les termes du langage courant. Les philosophes orientaux sont plus prudents que nous cet endroit. Ils nous disent en effet : Ceux qui le connaissent n'en parlent pas. Ceux qui en parlent, ne le connaissent pas. Voil le comble du paradoxe ! Toutenadmettantqu'unegrandepartdevritsetrouvedanscettepense,nous constatonsquelaplupartdesGrandsSages,telsleBouddha,Jsus,Ramakrishna,le Maharshi,Krishnamurtiontproclamauxfouleslavisionnouvellersultantdeleurs expriences divines. Nous ne pouvons donc dfinir l'Amour vritable. Dfinirl'AmourdivinquivaudraitdfinirleDivinLui-mme.Cesontlde puresimpossibilits,carl'Infinineselaissepascirconscrireparlescadresrigideset limits de nos dfinitions. PourKrishnamurti,leprocessusdel'motionn'estpasdiffrentdeceluidela pense. Les motions, les penses, les plaisirs sont considrs d'un mme point de vue : ce sont les lments essentiels du processus du moi . Ilyal,autantdedistractionsquenouspoursuivonsirrsistiblementpour tenter de recouvrir une pauvret intrieure fondamentale. L'esprit , dit-il (Krishnamurti Ojai 1949, p. 183) ne peut jamais exprimenter; ilnepeutconnatrequedessensations.L'expriencen'alieuquelorsquel'espritcessed'tre l'exprimentateur . L'tat d'amour vritable ne se ralise que par la dissolution du processus du moi . Ilnousfautparvenirunefin,nousditencoreKrishnamurti(Ojai1949,p. 183), ce qui n'implique ni un dsespoir, ni une terreur. Connaissez le fonctionnement de l'esprit; voyez ses rouages, et lorsque vous l'aurez vu dans son ensemble, il parviendra safin,sansquevousayezeuimposercettefin.Alorsseulementserapossiblece 8 renouveau qui est Eternel . Dansunetelleralisationlespensesetlesmotionssontl'objetdeprocessus totalement diffrents de ceux qui se droulent chez l'homme ordinaire non intgr. Chezlaplupart,lapenseetl'motionsontsparesentreellespardescloisons tanches. Dans le cas de l'homme intgr, il y a non seulement quilibre entre les fonctions affectives etmentalesmaisintgration. Nous pourrions dire qu'un telhomme tend plus penserparlecuretsentirparl'esprit.C'estl,l'unedesraisonspourlesquelles Krishnamurti emploie souvent l'expression penser-sentir ou esprit-cur . Laconditiondedsquilibredanslaquellesetrouventnosfacultsaffectiveset mentalesetlemanquedecoordinationexistantentreellesentraneunedissociationde notre structure psychologique. Cettedissociationestresponsabledelafaiblessedontnousfaisonspreuvevis--vis des images mentales qui nous sollicitent. Noussommesplussouventagisquenousagissonsintgralementnous-mmes , disait Bergson. Et commel'exprimeC.G. Jung,nous sommes possds par nosfacults. Nous ne lespossdons pas. L'hommeintgr parl'exprience del'amour vritable possde sesfacults. Il n'est plus possd par elles. Il les utilise en parfaite connaissance de cause. Il est libre d'elles. Cecisignifiequ'unhommeintgrpeutprouvercertainesmotions,certaines penses, mais il est libre de toute auto-identification leur gard. Cetteattituden'entranepasunamoindrissementdesfacultsmaisleurplushaut panouissement. 9 La notion du Pur Amour chez les Indous Certaines images peuvent suggrer par une sorte d'induction, des notions intuitives de ce que pourrait tre l'tat d'Amour vritable de la Ralit Suprme. Retenons cependant que ces notions, aussi subtiles soient-elles, ne restent toujours quedesreprsentationsmentalesquin'ontaucunecommunemesureaveclaRalit qu'elles prtendent exprimer. Deplus,cesimagess'apparententfrquemmentcequelespsychologues modernes dsignent comme archtypes de l'inconscient collectif . Cesarchtypesconstituentdestrainsd'ondesmentalesdousd'unpotentiel nergtiqueconsidrable,capablesd'entranerdepuissantesperturbationssouslaforme de visions et communions spirituelles particulirement exaltantes. Certainsmdecinsetpsychologues,telleDr.Godel(LExprienceLibratrice) comparent l'action des archtypes mentaux celle des enzymes sur le plan biologique. Les premiersjouantlerledecatalyseurdanslaviepsychique,lessecondsdanslavie physique. Notonscependantquesilesenzymesrpondentauxbesoinsnaturelsd'une fonction d'assimilation dontils sontles catalyseurs surle planbiologique,les archtypes mentauxnedoiventpastreconsidrsdefaonrigoureusementidentiquesurleplan spirituel. En effet, si les enzymes sont indispensables sur le plan biologique, les archtypes mentauxpeuventtreaucontraire,depuissantsobstacleslaperceptionduRel.La magiefascinantedeleurrayonnementconfredesexpriencesmineuresuncaractre d'authenticit qui n'est qu'un leurre. L'attachement que nous sommes naturellement enclins donnercertainsarchtypesmentauxconstituel'unedessuprmesrsistancesqui s'opposent notre intgration. Nanmoins, il est possible d'utiliser le potentiel latent d'nergie psychique contenu danslesarchtypesmentauxcommecatalyseurcapabled'aiderdespersonnesnvroses. Certainspsychothrapeutesutilisentdetellesmthodes.D'autresencontestentl'utilit relle et les bienfaits durables. Cesrservestantfaites,ilnefaudradoncpasconfondrelesexpriences engendresparlesclichsmentauxquisuiventavecd'authentiquesperceptionsduRel. Cesdernirespossdentd'ailleursuncaractreparticulierdetranscendance,de transparenceetdeprofondeurquidlivrejamaisleplerindetoutdoute,etdetoute question. * ** LesIndousdsignentlaRalitsuprmedel'Universetdel'hommeparSat-Chit-Ananda.CetermetraduitennotrelangagesignifieEtrePurConscience Pure Flicit Pure . Parceci,lesphilosophesindoussous-entendentquelapureessenceformant l'ultimesubstratdestresetdeschosesestuneUNITEdontnouspourrionsdiscerner, titreprovisoire,troisattributsfondamentaux:Celuidel'EtrePur,celuidelaconscience pure, impersonnelle, infinie dont nos consciences individuelles constituent une caricature, une dgradation ou mieux : une imposture, et finalement l'attribut d'une flicit pure. Telle estl'Unit de profondeur sous-jacente l'infiniemultiplicit des apparences desurface.Encorefaut-ildirequel'numrationdecesattributsestuneconcession 10provisoire que nous commandent les commodits du langage et les imperfections de notre structurementale.Pourtreabsolumentvridiques,lesGrandsSagesindousnienttoute possibilit d'attribution l'Etre Suprme. Au-del du Saguna Brahman (avec attribut), il y a par-dessus tout le Nirguna Brahman (NirGuna : sans attribut). Remarquonsqu'ilseraitaussiabsurded'affirmerquelaRalitSuprmeest Amour, que d'affirmer que la lumire blanche est verte ou rouge. Demmequelalumireblancheconstituelasynthsedetouslescoloris particuliers, en ralisant le pur principe de la brillance, de mme pourrions-nous dire que laRalitSuprmeconstituelasynthseindiviseethomognedecequ'l'chelle humaine dualiste nous concevons d'Elle, comme flicit, comme conscience, comme Etre. Cecinousexpliquepourquoinousdisionsprcdemmentquel'expriencede l'Amour Divin n'est pas une motion. Il serait plus exact de dire quel'Amour divinne s'prouve pas seulement par une motion. L'exprience de l'Amour divin constitue une rvlation intrieure et extrieure lafois,aucoursdelaquellelesaspectsconsciencepure,intelligencepure, flicit pure que nous concevons comme spars en mode dualiste, ne sont qu'une seule etmmeRalit,parfaitementhomogneconstituantnonunengationouun appauvrissement des qualits normalement prouves l'chellehumaine ordinaire,mais au contraire une vritable apothose. De plus en plus nombreux, des psychologues et savants d'Occident, sont amens considrer l'essence profonde de l'univers tant matriel que psychique, sous la forme d'une Pure Conscience la suite des rvlations bouleversantes des sciences actuelles. Prcisons autant que possible ce point de vue. Contrairementcertainesthologiesoccidentalesquitendentadmettrequela pureconscience,lapureintelligenceetlaflicitdemeurentconsubstantiellement l'essence des choses, la plupart des mystiques indous et certains bouddhistes estiment que l'essence des choses et des tres est simplement pure conscience, et pur amour . Ceci rejointla pense del'minent biologiste Julian Huxleyet certainesintuitions de Shakespeare. Julian Huxley crivait dans Man and Reality , p. 197: L'espritestpartieintgrantedecetUnivers.Quelquechosedelanaturedel'esprit doit tre impliqu dans l'essence des choses ; et Shakespeare crivait dans La Tempte : Noussommesfaitsdelammetoffequenossonges,etnotrepetitevie,un somme la parachve . LapureconscienceduRelnedoitcependantplustreconsidrecommeune fonction. Nous citerons ce sujet, le Dr. Roger Godel dans L'exprience libratrice , p. 96 : Surleniveaudelatranscendanceriennesubsistequisoitdelanatured'une fonction; en l'absence de temps et d'espace aucun dynamisme ne peut se dployer, aucun systme de relation s'tablir. La psych s'est rsorbe dans l'axe de la conscience ; et p. 301 : Enprsencedel'amouretdelaconnaissance,nousvoiciauxconfinsdela psych,surleslvresdelafalaisequel'espritnefranchitpas.Pardelbrille,dansle cratre de l'Etre, l'Inconnaissable Source de Conscience, Conscience elle-mme. Nuln'y peut plonger avec uneseule pense du corps. A l'tape suprme, la ralisation efface de l'homme ce qui fut l'apparence de son individualit. Sa vie, sa vrit est au centre, hors du temps et de l'espace, dans la paix inaltrable de l'Amour . 11Ilnousseramaintenantfaciled'admettrequelaflicitsuprmedeSat-Chit-Ananda n'est en aucun point comparable aux divers tats de bonheur humain. Cetteflicitprovientd'untatd'treabsolu,enternelquilibre.Equilibre dynamique et non statique, ce qui nos yeux constitue un paradoxe de plus. Chaque homme, chaque brin d'herbe, chaque poussire, possde dans l'intimit de sa substance, cet ananda en dpit de toutes les apparences positives ou ngatives de surface . Toute l'volution a pour effet d'aboutir la constitution d'tres vivants, dous d'une complexitd'organisationpsycho-physiqueetd'unesouplessepermettantcettenergie des profondeurs de s'exprimer progressivement ici, la surface . L'hommeestsanscessetenaillparledsirparcequ'ilpossdeenlui,ce sommet de flicit pure et d'amour. Cette pure essence, il ne la possde pas seulement en lui d'une faon distincte de son tre profond. Elleestsontreprofond.Ilestentirementtressparelledanslesmandres innombrables de sa structure complexe, tant physiquement que psychiquement. L'appel profond de l'amour et du dsir humains constitue sur le plan du quotidien, lamanifestationd'unepousseintimedontl'nergiepremireestempruntenotre essence spirituelle de flicit pure. End'autrestermes,nouspourrionsconsidrerlesdiffrentesagitations passionnelles de l'homme, comme les dmarches d'une sorte de tentacule oprant ici, dans lemondedesurface,pourcompted'unepuissanceinvisiblesesituantauxultimes profondeurs de l'Etre. La pure flicit des profondeurs tente de retrouver ici, en surface , un pale cho de sa joie, de son quilibre souverain, dans l'exprience des jouissances diverses. Dansl'hommeprimaire,cetterecherchesetraduitparunesoifdejouissances matriellesexclusives:sexualit,gourmandise,jouissancesvariesconstituantauxyeux despsychologuesclairs,autantdetravestissementsdelaflicitouananda primordial. Par sa dlivrance de l'ignorance et par sa pleine connaissance de lui-mme, le Sage s'abreuvedirectementlasourcepremiredetouslesamours,detouslesplaisirs,de toutes les batitudes. La poursuite des chos et des reflets ne l'intresse plus. En ceci rside le secret de sa libert. 12L'amour et l'angoisse de la sparativit L'appelprofonddel'amournersultepasseulementdelaqualitdepureflicit de notre essence. Iltraduitaussil'indfinissablenostalgiequefaitnatrelaconsciencedenotre isolement. Le processus de l'volution est celui d'associations successives. Lamanifestationlapluslmentairedel'amoursetraduitparundsir d'association. Elle rsulte d'une recherche de complmentarit. Ce dsir obscur de parer laconditiondedsquilibreinhrentel'isolement,auxpointsparticuliers,doittre considrcommel'unedespuissancesdominantesprsidantauxtransformationsd'un univers. Cettetentativederetrouverunquilibrerompupourraittreresponsabledu processusd'associationdesatomesentreeuxetdelagravitationparalllementaux processus connus de l'affinit chimique et de la loi d'attraction des masses. Les atomes associs aux atomes forment par leur combinaison les molcules. Les molcules s'associent entre elles et forment les grosses molcules, bases de la matire vivante. Les cellules s'associent entre elles et forment les premiers tres pluricellulaires. Leprocessusd'associations'effectueensuitedanslesrgionsdupsychisme, l'volution actuelle tant beaucoup plus psychique que physique. Lamanifestationdeceprocessusd'associationdansl'homme,nesesituepas seulement au niveau mental, mais surtout au niveau affectif. Ainsiquel'exprimeleDr.Godel:parl'amour,l'treindividueltentede suspendre un instant l'angoisse de la condition spare (p. 217). Mais l'angoisse de la condition spare rsulte de facteurs infiniment plus lointains que ceux pris en considration par la plupart des psychologues. Ellen'estpasseulementlaprisedeconsciencedudivorcequirompt douloureusement la communion primitive de l'enfant et de sa mre. Paralllement ce processus plus spectaculaire et plus apparent, il en est un autre, moins visible parce qu'infiniment plus profond et plus fondamental. C'est la condition d'exil dans laquelle l'homme se trouve vis--vis de l'infinitude de son essence profonde. Tout tre spar est un dracin . Ainsi que l'exprime Carlo Suars (Comdie Psychologique) : le drame c'est qu'ily acontradictionentrel'homme(golimit,prisonnierdutempsetdel'espace)etson essence (illimite, transcendant le temps et l'espace). Parlefaitmmequ'ilestlimit,rigenvaseclos,l'hommevitsousl'emprise d'une peur fondamentale : l'angoisse de la sparativit. Cettepeurfondamentalesetrouveintimementliel'instinctdeconservation formant l'essence mme du processus du moi.Ellesetraduitparuneaviditincessantededeveniretdes'associer,d'accumuler en vue de devenir. C'est la soif de vivre voque par le terme TANHA dans le Bouddhisme. C'est aussil'aviditcontinuelledeDEVENIRquelquechose,opposel'ETRE,selon Krishnamurti. Lefaitquelaplupartsontinconscientsdecettepeur,decetteangoisse,deces aviditsdedevenir,n'estpasuneraisonsuffisantepourrejeterprioricesnotions 13fondamentales. Amour et associations Dans les ultimes profondeurs de son me, l'homme porte d'obscures mmoires, de puissantesnostalgiesquilepoussentirrsistiblementrechercherunquilibre,un complment idal capable de combler une lacune bante comme un gouffre. L'homme s'associera des tres, il s'associera des choses, des idaux. Il adorera toutcequiseprsenteluidanslamatireetpercevantfinalementl'impermanence fondamentale des lments matriels, il poursuivra les crations de l'univers mental. Et les unes aprs les autres, les choses de la matire et celles de l'esprit auxquelles ils'associesontincapablesdecomblerlegouffreinsondabledesonme,vritable tonneau des Danades. Finalement,l'hommeserveillelafaondontonsedlivredescauchemars empreints d'une acuit trop douloureuse. Il dcouvre la force obscure qui prsidait toutes ses tentatives d'association. C'est lemoi,levieilhommedontl'instinctdeconservationsemanifesteparmille avidits, par mille ambitions. Jusqu'cemoment,l'histoired'ununivers,depuisl'atomejusqu'l'homme,en passant par l'amibe, tait une succession d'associations. Maisdansunclairsoudain,l'hommesaisitlarondeinfernaledanslaquelle l'entranent ses associations continuelles. Il cesse de s'associer son milieu, ses ides. L'amouretl'intelligencesedpouillentdetouteslesfaussesidentifications auxquelles procdaient le mental. Pourlapremirefois,depuisqu'ununiversestn,nousassistonslafindu processusd'associationsignedistinctifdel'amourpossessif,pouraccderunrgne nouveau : celui du pur amour libr de toute avidit dans la srnit et la paix infinies de l'Etre. * ** Nousvenonsd'envisagertrssommairementcommentcertainstrespeuvent accder de l'amour humain l'amour divin par la conscience des limitations inhrentes au processus d'association. L'tre ainsi libr ou intgr ne s'associe plus rien. Le dsir des'associer quelque chose ou quelquunne peut natre que dans un tre psychologiquement incomplet.L'hommequiaralisl'tatdePurAmourestpsychologiquementcomplet.Ila dcouvertenlui,laralitprofondedesontre.Cetteralitdpasseinfinimentles limitesdesapersonnalitspare.Devantelle,lemasquedelasparativitdestreset des choses s'effondre. L'Univers entier se transfigure en une indicible lumire. Cecinepeuttreenvisagcommeuneacquisitionintellectuelle.LeSage considre cet Etat d'Etre comme un fait d'exprience intgrale, supra-intellectuelle. Il retrouve ainsi la joie infinie de la pure essence. Chaquesecondeluiapportelarvlationd'unedivineferiequisepoursuiten silencedanslecurdeschoses.IlparticipeauDliceduSouverainBiendontles profondeurs constituent la base cosmique de l'Univers. Eprouvant d'instant en instant, la Pure flicit de l' Ananda telle qu'elle se situe dans sa plus haute demeure, infiniment pure, ternellement incandescente, le Sage n'a plus rechercher les jouissances extrieures que pourraient lui procurer les plaisirs des sens. 14Ces derniers font figure de travestissements et de dgradations du Souverain Bien. Ainsi que l'exprime le pote indou Kanta Gupta (Vers la Lumire) : Il existe une joie devant laquelle toutes les autres joies ne sont que souffrances . Cette Joie est celle que nous accorde la ralisation de l'Amour divin. 15L'amour ne nous appartient pas D'aucuns diront avec raison quenous n'avons pas encore dfinil'amour vritable. Nous avons indiqu pourquoi une telle description est impossible. Avec le Dr. Godel nous dirons : Cet impensable ne se conoit pas... il se vit (LExprience Libratrice, p. 97). Demme,nouspourrionsdisserterlonguementsurlespropritsdusel,sa composition chimique, son systme de cristallisation, etc., etc. Nos efforts seront incapables de donner la plus faible ide de ce que peut tre la saveur sale . Nous devons goter par nous-mmes. L'exprience de l'Etat d'Amour divin pose la mme exigence. Ellen'estnilointaine,niinaccessible.Ilsuffitdes'ouvrirl'amourhumainenle dpouillant progressivement de ses attaches. Maislaplupartd'entrenoussetrouventmalheureusementdansunecondition d'ignorance faussant toute notre optique vis--vis du problme de l'amour. Unmalentendufondamentalprovientdufaitquelorsquenousaimons,nous croyons tort que c'est de nous, essentiellement qu'merge l'lan affectif s'adressant l'tre aim. De nombreux sages indous envisagent le problme sous un angle trs diffrent. Ils nous enseignent que tous nos lans d'amour manent de cet immense ocan deflicit, Sat-Chit-Ananda, essence commune danslaquelleles tres etles choses semeuvent et ont leur tre. Toutes les fois que nous aimons, nous exprimons ici la surface une partie des richesses de cet ocan d'amour qui rside en nous comme en toutes choses. Danscetteperspectiveparticulire,toutlanaffectifquenousprouvonsserait l'occasionopportunequesaisiraitnotretreintrieurquiest toutamour,pours'exprimer dans le monde extrieur. Lespsychologuesindousnousdonnentuneexcellentecomparaisonconcrtisant clairement ce qui prcde ; l'image de la lampe. L'ampoule qui nous claire n'a pas la pleine proprit de l'lectricit qui la traverse etchauffesesfilamentsblanc.L'lectricitquipasseparelleprovientd'une gnratrice se trouvant parfois des distances considrables. Demme,l'Amour,l'Intelligence,laConscience,passentparnousmaisne nous appartiennent pas. Nousimaginanttrelesseulsgnrateursdenotreamour,noustrouvons lgitime de rclamer un prix, une rciprocit notre don. 16Amour et don de soi Cependant, ainsi que l'exprime le Dr. Godel (L'exprience Libratrice, p. 217) :L'amourauthentiquesereconnatunsigneinfaillible:ildonnesansrien attendreenretour.Sonabsoluegratuitleconsacre.Ilpeutveillerdansuninstant,la suprme quitude . L'Amourvraiestpurespontanit,purelibertqueseulspeuventatteindreceux qui font le don intgral du meilleur d'eux-mmes. Cet tat de gratuit n'est pas aussi rare qu'on le suppose gnralement. Nombreux sont les potes qui l'ont prouv au cours d'exaltantes communions avec la nature. Lectdivindel'amourn'estrvlqu'ceuxquisontcapablesd'aimer profondment, sans rien attendre. Detelstatspeuventtreralisspendantl'auditiond'unebellemusique.Une belleauroreoulavisiondusoleilcouchantausommetd'unemontagnepeuventnous saisir dans unemagie soudaine et nous arracher nous-mmes pour nous immerger dans une sorte d'blouissement de lumire intrieure et d'amour. Les grands horizons sont pour noustrssouventuneconcrtisationdel'infini,quidecefaitsetrouveplusnotre mesure.End'autresoccasionslesprofondeursinsondablesducieltoilpeuventfaire surgir un immense appel du fini vers l'infini. Quelques secondes d'un immense amour embrassant l'univers entier dans son lan, suffisent pour transformer unevie.Danscesmoments extraordinaires de plnitude,nous avons recueilli au centre de notre tre, cette ultime confidence du Divin. Signalons cependant queles diffrents tats d'amour prcdemment voqussont incapableseuxseulsdelibrerl'trehumain.Nouspouvonslesprouveraucours d'exaltantes communions, mais quelque chose de notre tre se rserve malgr tout au deldesenvolsdel'motionesthtiqueoumystique.C'estpourquoinousinsisterons davantage sur la ncessit d'un profond amour humain dans lequel la totalit des secteurs de notre moi se trouve engage. Dans un grand amour humain, il n'y a plus de rserves secrtesdumoi,touteslesrsistancesserontbrises.C'estencelamme,et seulement en cela que rside le potentiel de libration intgrale de l'amour humain. 17L'obstacle de l'amour divin imagin L'amour vritable est pure spontanit, pure libert, dsintressement total. C'est l'intellect qui corrompt l'amour en le dgradant sous l'emprise de l'intrt, du calcul, en l'attachant aux formes qui lui servent d'expression, en le rivant aux processus de la sensation, de l'habitude. Ainsi que l'exprime Krishnamurti (Ojai 1949, p. 26) : Nous aimons avec notre intellect, nos curs sont remplis des choses de l'esprit, mais les fabrications de l'esprit ne peuvent videmment pastre de l'amour. On ne peut paspenserl'amour.Onpeutpenserlapersonnequel'onaime,maiscettepense n'est pas l'amour, de sorte que graduellement la pense prend la place de l'amour . Le passage de l'amour humain personnel et possessif l'amour divin ne se ralise niparlerefoulementdesdsirsnipardesmditationssurl'amourdivin.Detelles mditationsn'aboutissentqu'destatsd'autohypnoseformantlesobstacleslesplus srieux l'exprience ultime. Cesobstaclessontsrieuxparcequ'ilssontconstitusparlacristallisationde projectionsmentales.Parunparadoxetonnant,danslamesuredesamaturit psychologiquel'hommetends'attacherplusauxidesqu'auxvaleursmatrielles.Le cultedenosreprsentationsdureldoitnousconduiredesecretsetpnibles arrachements spirituels exigeant une vigilante attention. Ennousattachantplusauxidesqu'auxchosesdelamatirenousdplaons simplement le problme. * ** Ilestutilederappelerquel'tatd'amourvritablen'estniunrsultat,niune sommedemomentsaffectifsantrieurs.Nousnepouvonsleconfectionneroule construire l'aide des lments du moi. L'amour divin n'est pas une somme au sens o Bergson, par exemple, dsignait le prsent comme la somme de tous les moments passs. L'tat d'amour vritable est dans le prsent mais ce Prsent Eternel n'est le rsultat d'aucune accumulation. Il ne s'ajoute pas lui-mmelafaondontleprocessusdumois'agranditd'instanteninstant.L'tat d'amourvritableesttotalementtrangerauxprocessusdecroissancequinoussont familiers.Cesprocessusimpliquentlanotiondetempsdontnotreespritparvient difficilement s'affranchir, parlefait quelemental estlui-mmele crateur de l'illusion du temps en nous. L'amourdivinexisteparlui-mme.Iln'estpasunrsultat.Ilestautogne.Il est tranger nos efforts affectifs et mentaux. On ne s'efforce pas de crer l'amour divin. Ilestspontan.Ons'ouvrel'amourdivin.Ainsiquenousl'avonsditailleurs,toutle problme consiste raliser une transparence intrieure, une simplicit, une disponibilit, une sensibilit suprieure, telles, que l'amour vritable donn, prexistant se rvle pleinement nous dans la dlicatesse infinie de sa nature primordiale, ternelle. 18 Pour aller loin... commenons par ce qui est prs Aceuxquiparlentd'embledel'amourdivin,Krishnamurtidemande,comment pouvez-vous aimer une chose que vous ne connaissez pas ?... Nous voulons aller trop et pour aller loin nous ditle psychologueindou, ilfaut commencer par ce qui est prs .Cequiestprscestl'ensembledenoslimitations,lesmultiples conditionnements rsultant dune ignorance fondamentale : l'ignorance de nous-mmes. Ainsi que l'exprime Krishnamurti (Ojai 1949, p. 246) : Il est important avant que nous Puissions savoir ce qu'est l'amour, de connatre leprocessusdel'esprit,quiestlesigedumoi.Voilpourquoiilestimportantde pntrerdeplusenplusprofondmentdanslaconnaissancedesoi.Ilfautune comprhension extraordinaire de soi-mme et une abngation, un oubli de soi pour qu'il y aitpossibilitd'amour.L'abngationnenatquelorsquetoutleprocessusdumoiest compris, tel qu'il se droule tout le temps, dans nos rapports, au cours de chaque incident. Comprendrecefonctionnementc'estlibrerl'espritdesconstructionsdontils'entoure, qui l'enferment en lui-mme, et alors il y a une possibilit d'amour . Ils'agitdenousvoirtelsquenoussommes,avecleslimitationsdenos attachements, de nos passions, de nos avidits. Cette position raliste est galement suggre par C.G. Jung, nous recommandant de nous voir tels que nous sommes en opposition ce que nous voudrions tre. Krishnamurtinousprendtelsquenoussommes,c'est--direconfus,divissen nous-mmes et rigidement limits par les exigences du processus du moi . Lesvraissagesetlespsychologuesprofondsnepostulentjamaisrienpriori. Telle est galement l'attitude du Bouddhisme Zen, qui nous enseigne que tout est l, qu'il n'yarienfaireausensonousentendonsceterme.Ils'agitseulementdenous veillerlaplnitudedecequenoussommesrellement.Riennenousmanque,nous avonsennoustousleslmentsncessairesauplushautaccomplissementdenotre destine. Mais ces lments se trouvent actuellement dans une disharmoniefonctionnelle nousplongeantdansl'ignorancedesvaleursternellesd'unevieplusriche,plusbelleet plus profonde. En somme, il faut utiliser dans le jeu de la vie, les cartes que nous avons en mains. Cescartessontnosfacultsdepenser,d'aimeretd'agir.Riennesertdetricher.Onne ment pas impunment la vie. L'art de la vie consiste jouer le jeu pleinement sans tre prisonnier des rles que l'onassume,sanss'identifierauxdtails,sansjamaisperdredevuelatotalitde l'ensemble et l'unit sous-jacente de l'Etre qui est le mobile profond de toute l'affaire. L'art de lavie, commele disaitle professeur Masson-Oursel, c'estlefait de vivre pleinement, libr du vouloir vivre. Il est donc possible de jouer le jeu, le Grand Jeu, en tant libre de lui. Mais pour que cettelibert soit ralisableilest ncessaire que s'tablisse ennous un fonctionnement harmonieux des facults affectives et mentales. Or, pour l'instant, cette harmonie fonctionnelle est inexistante. 19Amour et auto-identification Le mental, s'identifiant sa fonction, son rle, engendre l'illusion de l'gosme. L'gosmeestlefacteurdominantdenotreasservissement.Ilconditionnetout instant nos mouvements affectifs et mentaux. Ne nous garons pas en vaines discussions en vue de savoir si cet gosme est une aideouuneentrave.LephilosopheindouSriAurobindoapublicesujetquelques aphorismes clbres dans Aperus et Penses . Il nous fait comprendre que si la raison fut une aide, elle peut devenir une entrave, au mme titre que l'animalit fut une aide mais devient une entrave. L'gosme quifut une aide (encore que ce soit contestable) est en tous cas actuellement pour nous, une entrave. Il nous est difficile d'en dvelopper les raisons ici, d'autant plus que la chose a t faiteailleurs(voir:EtudespsychologiquesdeC.G.JungKrishnamurtiet Krishnamurti et la pense occidentale ). Voyons, pour clarifier le sujet, de quelle faon se manifeste cet gosme. Ilsemanifesteparunetendancequelespsychologuesdsignentsousleterme d'auto-identification. L'intellect,avecsescomplexesmmorielspossdeunegrandepartde responsabilit dans ce processus d'association, ou d'auto-identification. Nousnousidentifionsinconsciemmentnotremaison,nosvtements,notre nom,nosobjets,augroupementdontnousfaisonspartie,l'imagequenousnous sommes faite de nous-mmes. C'est l'intellect qui corrompt l'amour en l'attachant aux formes, en l'identifiant aux processus sensuels. Le passage de l'amour humain l'amour divin n'est ralisable que par la libration des attaches qui rsultent du processus d'auto-identification. End'autrestermes,ungrandamourpeutconduirel'adorateursonultime accomplissement,pourautantqu'ilrsistevictorieusementauxmultiplespreuvesdela dpossession. 20La dpossession de l'amour Ilestenralitplusfaciled'noncercequiprcde,oudelecomprendre intellectuellement,quedeleralisereffectivementdanslamatrialitdesfaitsavecla totalit de son tre.Carpourquel'expriencesoitvalableetrellementlibratrice,ilestncessaire que la totalit du moi se trouve engage dans un profond amour humain. Ceci implique que nous donnons l'tre aim le meilleur de notre me, tous les niveauxdelaconscienceetquesurleplanphysiqueleprolongementnatureldela communion idale des esprits soit ralis. Untelamourrciproqueconnatdegrandesjoies,desmomentsd'exaltante communion, tant surle plan dela chair quesur celui del'esprit....Encore faut-il dire que cescassontplusraresqu'onlesupposegnralement.L'accordtotaldestempraments, des corps et des caractres constitue l'exception. Aussi, ne faut-il pas prendre cet exemple trop la lettre, en dpit de ce qu'il peut avoir d'authentiquement vcu. Retenonsnanmoinsqu'ilestimportantquelatotalitpsychologiquedumoi soitengagedansunamourhumainpourquecelui-cipossdelaplnitudedeson potentiel latent de libration et d'illumination spirituelle. Ilsepeutdonc,qu'aucoursdutemps,l'unoul'autrepartenaired'uncouple n'accorde plus son adorateur la rciprocit affective que ce dernier souhaite. Ilsepeutaussiqu'ilyait,soitabandon,soittrahisondel'treaim.Dans l'hypothsed'unamourhumainprofondettotal,detellescirconstancessontrellement dchirantes sinon dramatiques. 21Les faillites dans l'amour Face au drame, trois attitudes sont possibles. L'amantabandonnvited'affronterlasituationdanslaquelleilsetrouveet recherchel'vasionparn'importequelsmoyens.Soitqu'ilseraisonneettentedese convaincre qu'il est inutile de se morfondre, soit qu'il se dise que l'tre aim n'en vaut pas lapeine,tandisqu'inconsciemmentledchirementdesonmeestimmense.L'vasion peut tre aussi la recherche d'une autre aventure. Il se peut aussi que l'tre ls souffre tel point dans sa chair, dans son esprit, dans son amour propre qu'il reste littralement prostr. Incapable de ragir il se cristallise dans une attitude de rsignation. Parfois, la souffrance reste l, tel point lancinante que ce qui fut amour dgnre en dpit, en amertume, et finalement envritablehaine. Mais disons desuite,aurisquedescandaliserlaplupart,quelesderniresventualitstraduisent gnralement un manque de profondeur dans l'amour. Dansla plupart des cas prcdentsl'amant trahi ou abandonn sort amoindri. Des rflexesd'autodfenseconscientsouinconscientss'installentenluiettendent l'insensibiliser. Parce qu'il n'est pas rest fidle la loi d'amour il attire vers lui-mme une maldiction qui l'crase. Si nous examinons de plus prs les diffrentes ractions numres prcdemment face au drame de la dpossession, notre attention se trouve attire par le fait fondamental : l'tre ls n'a pour ainsi dire pens qu' lui seul. Ainsiquel'exprimaitadmirablementl'crivainfranaisRenFournous accusonslesautresdenousfairesouffrir,maisenralit,c'estnous-mmesquinous faisons souffrir avec les autres . Laraisonfondamentaledelatristefaillitedesamourshumainsprcdemment voqusrsidedanslatropgrandepartd'gosmeetd'auto-identificationquis'est dveloppenotreinsu,etlapauvretenamourrel.N'endduisonspasarbitrairement comme le font tant d'tres dus que l'amour est une maldiction. Une telle affirmation est authentiquement sacrilge. La puissance de maldiction ne doit tre recherche nulle part ailleurs que dans le pouvoir minemment corrupteur de l'gosme et l'absence d'amour. 22La victoire : triomphe de l'amour sur l'homme Faceaudramedeladpossessionuneseuleissues'avrepossible:lafidlit inbranlablel'ternelleloid'amour,quellesquesoientlescirconstances.Cetteissue n'aboutitplusunefaillite,ellen'estplusuneffondrement.Elleestleplusmerveilleux triomphedel'Amoursurl'homme.Unbonheurinfinisanctionnelebien-fonddesa ralisation. Nous venons de parler unlangagetrange :le triomphe del'Amoursurl'homme. Ceci n'implique pas la dshumanisation de l'humain. L'tat de pur amour ne consacre pas la dissolution de l'humain mais constitue au contraire son plus haut panouissement. Pour queseralisepleinementcettesuprmefloraisondel'humainilfautquelefeu purificateurdel'Amourbrlelittralementuneune,lesinnombrablesbarrires engendres par l'gosme. Ainsi que l'exprime Krishnamurti le cercle du moi doit se briser de l'intrieur, le moi ne peut dissoudre le moi .Nouscomprenonsmaintenantl'irremplaableprivilgedeceuxquis'ouvrent l'Amour. Ce n'est pas le moi qui triomphe de ses limites mais l'Amour. Dans l'me qui subit l'envahissement d'un puissant amour il existe un embrasement sacr; irrsistible qui dvore les limitations, les attachements et brise toutes les amarres. Toutamourvritablesemanifesteparledondesoi.Dansledondesoiilya renaissance, recration. Il faut mourir pour renatre, nous disent les Evangiles. Il nous faut mourir nous-mmes pour natre la Plnitude du Pur Amour. La mise en vidence d'un tel processusnous tonne de primeabord. L'instinct de conservation denotre moise rebiffe et tente de nous suggrer qu'il y a l quelque chose qui pche contre les lois de la nature. Bien au contraire. Toute l'histoire de la vie dans les rgnes successifs n'est-elle pas celled'unerecrationperptuelle,d'unedestructioncontinuelledeformes,d'un dpassementincessantdeniveauxacquis.Ledondesoiinhrent toutvritableamour, constitueleprolongementsurleplanhumain,deprocessusnaturelsobservablessurle plan biologique parmi des tres primaires en organisation. Nousciteronsicil'exemplequenousdonneleDr.RogerGodel(LExprience Libratrice, p. 210) : Nedonnonspascettenormeuniverselledel'amour,unsensexclusivement mtaphysique , dit-il. Le plus froid et le moins mystique des biologistes peut nous la dmontrer, sous le microscope, dans la syngamie de deuxconjointsunicellulaires, deux paramcies. Tandis que les deux partenaires accoupls changent entre eux ces noyaux o se concentrent les caractristiquesfondamentalesdeleurpersonne,etpendantqu'uneconfiguration nouvelle prlude de rgnrescence les transforme , chacun d'eux meurt lui-mme. Par del l'individualit double tenue en suspens, demeure seule la loi d'amour ordonnant ledestinbiologique.Dsquelamagiedel'unionsyngamiqueapparaitdanslemonde vivant, Eros impose tous, la mme loi du sacrifice : perdre sa vie pour renatre . Ce qui vient d'tre dit sur le plan biologique se transpose en l'homme sur les plans psychiques et spirituels. Dansledramedeladpossessiondel'amourhumain,c'estuniquementlaqualit de l'amour qui dcidera de la victoire finale. Si cette qualit se trouve ralise dans les conditions requises l'adorateur ls verra soudainements'installerenluiunevisionnouvelledesdonnesinhrentesauproblme qui le torture. 23L'acuit douloureuse du premier choc et les arrachements subtils qu'il dtermine se profilentsurlatoiledefondd'unamourquipersistemalgrtout.Aulendemaindela tempte, ou parfoismmechez certains, au curmme dela criseintrieure, un lan d'Amour merge en lumineux triomphe au milieu des tnbres. L'adorateurcomprendraconfusmentd'abordquel'Amourestplusimportantque les personnes sur lesquelles il s'tait provisoirement fix. Ainsi que l'exprime Krishnamurti (Madras-Bnars, p. 157) : Cequiarrivegnralement,c'estquel'amourestmoinsimportantquela personne. L'objet de notre amour devient important... non l'amour lui-mme ; et p. 159: ...L'amourn'estpasunerecherchedesatisfaction.Iln'existequelorsqu'ilya oubli de soi, complte communion non entre uneou deux personnes mais communion avec le Suprme, et ceci ne peut avoir lieu que lorsque le moi est oubli . Lecontenudecequiprcderevtirafinalementlecaractred'unevidence tendant se matrialiser irrsistiblement. Et dans le cur de l'amant abandonn apparatra un ultime combat au cours duquel s'affronteront deux tendances. D'un ct la somme des rsistances du moi apparaissant sous la forme de mille suggestionsdumental:rapparitiondegriefsprtenduslgitimes,rminiscencesdes souffrancesdelachairetdel'esprit,questionsdeprestige,derputation,etc.Maisd'un autrectcessollicitationsmmoriellesdupassserontrapidementbalayesparune fidlit inbranlable l'ternelle loi d'amour. 24L'amour divin Latotalesoumissionlaloid'amourportel'humainverssonplushaut accomplissement. Dans un sentiment indicible de libert il se surprendra raliser en toute simplicit cequ'ilpensaitprcdemmenttreunmiracle:aimerentantlibredel'objetdeson amour. Pourunteltre,iln'yaplusd'oppositionentrel'amourhumainetl'amourdivin. Chaqueinstantestvcudansl'merveillementsansborned'unecomprhensionnouvelle des tres et des choses qu'illumine une vision d'unit prestigieuse. Unteltatd'amour,librdesespointsd'attaches,affranchideslimitesgostes du moi constitue le plus haut tat de sagesse que l'homme puisse raliser. Ilembrassel'Universentierdanssonlan.Nous dironsmieux:IlESTl'Univers entier. Ill'ESTparunactequin'estpasseulementunactedecommunionmaisunacte d'intgration. IlESTl'Universentier,nonentantquemanifestationextrieuredesonmoi apparent, ce qui serait absurde, mais il l'EST par son essence qui est l'essence de tous les tres, de toutes les choses. Parcettatd'intgration,l'hommeESTlaralitdel'Universextrieuret intrieur, visible et invisible qui dsormais ne sera plus conue comme distincte de lui. Un tel homme n'agit plus, ne pense plus, n'aime plus en-tant-que-distinct . L'homme intgr ne dit plus Je t'aime ou J'aime . Il dira Je suis Amour ou plus exactement l'Amour EST. Certains Sages nous diraient : un tel homme ne dit plus rien ... Ainsi que l'exprime le Dr. Godel (L'Exprience Libratrice, p. 210) :L'Amourexigequesoientdtruitsdansl'ultimeconsommationl'amantet l'aime, tandis que lui seul subsiste sans partenaire dans la puret de sa flamme . C'estunlangagetrssemblablequ'employaitKrishnamurtiaucoursdeses confrences la Sorbonne en 1950. Nous lisons p. 104 : L'amour est une flamme sans fume. La fume est tout ce que nous connaissons sibien:lafumedelajalousie,delacolre,deladpendance,del'attachement,des mots personnels ou impersonnels . Nous n'avons pas la flamme, mais nous connaissons sibientoutcequiconcernelafume.Toutefois,iln'estpossibled'avoirlaflammeque lorsque la fume n'est pas. Cessons donc de nous proccuper de l'amour, de savoir s'il est au del de la pense et de la sensation ; librons nous plutt de la fume, de la fume de la jalousie, de l'envie, de la sparation, du chagrin, de la douleur. Et lorsque la fume ne seraplus,alorsseulementconnatrons-nous,vivrons-nous.Celaquiestla flamme. Etla flamme n'est ni personnelle, ni impersonnelle, ni universelle ni particulire ; elle n'est que flamme . Nousinsistonsunefoisdeplussurlefaitqu'unetelleexpriencen'estpasune crationdel'esprit.Elleneconstituepasunedshumanisationdel'humainmaisau contraire son plus haut panouissement.* ** L'amourhumainlibrdesesattaches,desescalculs,detoutesseslimitations habituelles, ralise une condition de libert, de perfection, de puret qui le rend rellement 25divin. Dans cet tat d'amour,ily a abolition del'adorateur et del'objet de sonculte, en tant qu'entits distinctes. Cettatd'treinexprimableconstitueunesorted'autorvlationdeCEquin'a jamais cess d'tre en nous-mmes. La magie de l'Amour a dvor les limites du moi . Pour Krishnamurti, un tel homme est le divin-mme. Il est le Dieu vivant. Ildemeurejamaisaudeldescendresdumoilimit,dansl'incandescence ternelle d'un amour suprme qui est lucidit et d'une lucidit suprme qui est amour. Mais dans ce domaine chaque mot devient un pige. L'tat de joie ineffable qu'prouve l'tre humain rest inbranlablement fidle la loi du plus haut amour sanctionne le bien-fond de son attitude.Plus aucune contingence physique ou psychologique ne parvient perturber l'tat d'quilibre intrieur transcendantal du vritable amour. Un telhommeest rellementlibre. Il estlibre parce qu'affranchi de toute avidit, de tout dsir. Commentpourrait-ileneffettrouverunintrtquelconquedanslajouissancede quoiquecesoit,s'ilgotechaqueinstant,leSouverainDlicedel'Ananda,qui suggre inlassablement le dsir au cur de tous les tres ? UntelhommeESTchaqueinstant(envertud'uneexprienced'intgration indescriptible), ce que tousles tres et toutesleschoses ont en eux, de plus prcieux, de plus profond, de plus irremplaable. CecinousfaitmieuxcomprendrecequeKrishnamurtientendlorsqu'ilnousdit qu'il n'y a d'autre Dieu que l'homme rendu parfait . Le mouvement de recul qu'prouvent certains, provient seulement du fait qu'il leur est difficile de se faire une ide de ce qu'est un homme rendu parfait. L'hommeparfaitoupurifiestceluidanslequell'illusiondelasoi-conscience et le cortge de servitudes qui en dcoule se trouvent absents. NousreproduisonsiciundestextesclbresduBouddhismeZenrelatifcette exprience dsigne par Satori . Le Zen appelle cela : Retourner chez soi ... Vousvoustes trouv maintenant ; depuis le tout premier commencement, rien nevousavaittdissimul;c'taitvous-mmequifermiezlesyeuxlaralit. (Doctrine Suprme, par le Dr. Hubert Benoit, p. 88.) 26La souffrance est-elle indispensable ? Lelecteurdeslignesprcdentespourraitsupposerqu'iln'estd'autressolutions possibles que celles delasouffrance, pour accder l'amour divin. Del, tomber dans les aberrations du dolorisme , il n'y a qu'un pas. Ou bien l'amour est superficiel et par consquent possessif, attach aux sensations etdanscecas,ilestvidentqueleprocessusdeladpossessionrevtirauncaractre d'autant plus douloureux. Ou bien l'Amour est profond et la qualit mme de sa profondeur constitue la voie d'une dlivrance. L'apprentissagedenotrelibrationspirituellenes'effectuepasseulementdansla souffrance. Nouspouvonsaucoursd'uneascensionenmontagnedcouvrirsoudainementun horizon imprvu qui nous arrache littralement nous-mmes et nous vibrons intensment l'merveillement d'un tat d'amour qui triomphe de nos limites. Cettat recledesrichessesdegratuit,despontanitetd'intensitquipeuvent marquer toute une existence. En fait, le passage de la condition de fini humain celle de l'infini divin se ralise par un veil intrieur d'une qualit particulire. Nous pouvons galement l'prouver dans un grand amour humain. Cetveilintrieurrsulted'uneacuitdeperceptioncapabledebriserlerve de la vie personnelle (ou tat lthargique de la soi-conscience illusoire). Une comparaison pourra nous faire mieux saisir ce qui prcde. PourlesSages,lavieprtenduepositiveetresponsablequemnel'homme moyen est une sorte de rve par rapport l'veil transcendantal de l'Etat Naturel divin. Si nous examinons nos rves, nous remarquons que lorsqu'au cours de ceux-ci une trop grande acuitse trouve ralise, soit danslasouffrance, soit danslajoie,nous nous veillons aussitt. Sinousvivionssousl'emprised'unaffreuxcauchemar,nousnousdisons: heureusement!ce n'tait qu'un rve . Pourles Sagesil existe un rapportidentiqueentrele rve etlaconscience de veille ordinaire d'une part, et la conscience ordinaire et l'tat d'veil transcendantal d'autre part. Etdemmequedurantunrve,cen'estpasseulementladouleuroulajoiequi nousdlivredusommeil,maisunecertaineacuit,demmecen'estpasseulementla souffrance oulajoie quinous dlivrent du rve delasoi-conscience ordinaire,mais une certaine acuit de perception, toute entire prsente au Prsent. 27L'tat d'amour vritable et la vie pratique L'Amour cre lui-mme sa propre discipline , nous dit Krishnamurti. Voil, certes une fois de plus, une affirmation minemment paradoxale. Ilnoussembleindispensabledecommentercette pensedeKrishnamurtiafinde prciserleclimatpsychologiquedel'hommeintgretlafaondontilsecomporte vis--vis des provocations du milieu ambiant. Nous pourrions illustrer ceci par une comparaison. Supposonsuninstantqu'unhommesepromenantdanslavillecroiseunejolie femme dont l'attitude est au surplus nettement provoquante. Trois ractions sont grosso-modo possibles. Dans le premier cas, disons que la vue de cette femme impressionne srieusement notrepromeneuretdclencheenluisoudainementtoutuncomplexementalimaginatif suivi de dsirs. L'homme en question peut tre enchant d'une telle occasion et selaisser aller toutes les possibilits de l'aventure. Danslesecondcas,l'hommeestsoitindiffrent,ouencorevitedeporterses regardssurlajoliefemmeparpeurd'tretent.Telleestl'attitudederefoulement d'ailleurs trs frquente chez de nombreux religieux. Un troisime cas est possible. Supposons uninstant quenotre promeneur se trouve dansl'tat d'amour vritable constituant l'objet central de nos proccupations. A peine la silhouette d'une telle femme tomberait-elle dans son champ visuel qu'un tel homme l'examinerait attentivement, dpouill de toute tendance l'auto-identification. Pourl'hommeintgr,fuirn'estpasrsoudre.Ilregardeleschosesenfacetoutentant libre d'elles. Il est chaqueinstant dans untat d'amour quile rendincapable de donner suite aux sollicitations d'aventures amoureuses extrieures. Asupposermmeuninstantqu'unrsidud'automatismesmentauxdeson anciennepersonnalitpassionnellesubsiste,et quelavuedelajoliefemmedclenche enluiuncomplexementalrotique,cecomplexeeffleurerapeinel'intgritdesa structure psychique. Ilestcomparableuneridelgresedplaantlasurfacedeseauxd'unlac profond. Lessollicitationsmentalesviennentsebriserenluicommelesvaguesd'unemer houleuse se brisent sur un roc. Autrement dit, dans l'tat d'amour vritable, ce n'est pas le moi individuel qui choisit, qui carte ou attire, c'est l'tat d'amour lui-mme qui agit par simple prsence. Cettatd'amoursemanifesteparunvritableenvahissementdel'trepsychiqueentier, envahissement capable de confrer une condition d'quilibre suprieur. L'action de ce flux spirituel peut tre compare celle des principes rgulateurs en biologie. Cette action est en vrit celle du principe rgulateur suprme dont toutes les autres fonctions rgulatrices ne sont que des expressions partielles des niveaux particuliers. Ilsembledoncbienexact,ainsiquel'exprimeKrishnamurtiquel'tatd'Amour vritable cre lui-mme sa propre discipline . Ceciconstituelamanifestationsurleplanspiritueld'uneloignralequi s'appliquetouslesdomainesdel'univers:lesconditionsd'quilibreprofondsontplus difficilement perturbables que les conditions de dsquilibre. L'tat d'amour vritable est une condition d'quilibre particulirement stable. Cette 28conditiond'quilibresematrialisejusqu'l'chellebiologiquedesphnomnesdansla naturehumaine.Ellesemanifesteparunefindenon-recevoirauxperturbations psychiques extrieures. Insistonsunefoisdeplus,quecerefus,n'estpasspcifiquementunrefus,mais plutt un acte de comprhension suprieure et de sublimisation instantane. Acetacte,apparemmentralisparlemoisurleplanextrieur,prsideune inspiration directe du Rel. 29L'avidit et la peur tuent le sens du Divin Nousperdonsdevuelapartd'expressiondivinequereclelabeauthumaine, fminine ou masculine. Tandis que chez l'homme ordinaire la vue d'une femme vritablement belle active souventle ct passionneldescomplexes affectifs etmentaux,l'hommeintgr recueille le message exaltant d'une harmonie divine qui le rapproche de sa source. Il est erron de croire quel'hommeintgr soitinsensible. Il peut, en prsence de lagrcefminineprouveruntatdecontemplationpureol'empreintedudivin apparatra comme la note dominante de l'harmonie des formes. Lorsquenousparlonsicidelabeautfminine,nousn'voquonspasseulement uneharmonieplastiquemaisnouspensonsaussietsurtoutcertainesharmonies intrieures,certainespuissancesdel'me,sanslesquelleslagrceextrieureperdraitla magie de son rayonnement. Pourquoi tant d'hommes ditsspirituels ou religieux sont-ilsincapables de recueillirlesourired'unejoliefemmeenprouvantl'exaltantecommunionressentiepar lespotesdevantlessplendeursd'unebelleauroreoud'unsoleilcouchant?Pourquoi dtournent-ils si purilementleursyeux et ne peuvent-ils pas regarderlafemme en toute simplicit comme ils regarderaient un parterre de roses dans une jolie pelouse ? Nous avons des yeux et nous ne voyons point... Parcequebeaucoupontmalregard,parcequ'ilsonttmalinforms,ilsn'ont pas vu, ils n'ont pas saisi la signification immense de ce qu'en toute simplicit, le Destin a placsurleurroute.Ilsn'ontpasvu,nicomprisparcequ'ilsnevoulaientnivoir,ni comprendre. Ils ne voulaient ni voir, ni comprendre parce qu'ils avaient peur. Ilsn'ont pasvu que depuis desges sansnombre,ils avaient leurct, presque insparabled'eux-mmes,lesymboledel'ternelledivinitvivante,misleurmesure. Maisdanscemiroirmagique,lafoistropsobreettroptentant,l'hommeprend brutalement conscience de son incapacit de jouer proprement le Grand Jeu de la Vie avec les cartes que la Nature lui a laisses dans les mains. Il recherchera alors sur le plan subtil del'imagination,danslejeudesespenses,descraturescomplaisantespouvant compenser ses checs sur le plan naturel des phnomnes. Puissent les hommes religieux ou ceux qui se prtendent tels, comprendre que lafemmen'estpasimpure.CettetendancetrsrpandueenOrientestfausse. L'impuret rside dansnotre mental. Elle rsultedu processus de notre moi, de ses auto-identifications, de ses attachements, de ses refoulements, de ses craintes. Le grand privilge de l'homme intgr rside dans l'tat de libert dans lequel il se trouve l'gard des prtendus piges que nous tendrait la beaut fminine. Il existe un mode de sensibilit suprieure dans lequel nous pouvons tre libres des perceptions qui se ralisent en nous. A partir de l'instant o nous sommes affranchis de la peur et de l'identification, les contacts humains nous rvlent la plnitude de leur richesse. L'affranchissementdelapeurlibredespotentielsconsidrablesdeforces psychiques capables de confrer une intensit nouvelle toutes les perceptions condition de rester libre d'elles.Unsourire,unepoignedemainsos'changentdespolaritsmagntiques gnralement insouponnes, peuvent, sans que nous le recherchions nous apporter souventbienplusdemessagesquetoutautrecontactplusintime,pourautantquenous soyonspleinementrceptifs,totalementdisponibles,tantintrieurement 30qu'extrieurement. Mais dans la mesure o notre esprit veut saisir le charme de ces instants prcieux pour lesfixer, pour lesimmobiliser dansla dure, nous ne conservons plus d'eux queles cendres teintes d'une flamme de Vie infinie qui nous chappe. L'amourvritableestcommeuneroseternelledontlesptalesd'uneblancheur immacule se renouvellent d'instant eninstant. L'envotement divindeson parfum et de sa fracheur n'atteint que les mes libres de la peur et de l'attachement. A peine notre avidit veut-elle s'emparer de cette rose merveilleuse, qu'elle se fane dansnosmainscrispes.Ellenouschappe,afindepoursuivreend'autresmondesde libert et de pure lumire, les rythmes tranges et fascinants de sa recration ternelle. 31Le dtachement affectueux Beaucoupdepersonnesconfondentledtachementetl'indiffrence.Sil'tat d'amourvritablelibrel'hommedel'attachement,cetaffranchissementnedoitjamais tre pris pour de l'indiffrence. Nousavonsunetendancegnralesupposerquel'amourdtachcomporte quelque chose de glacial, de distant. Cette attitude rsulte du dsir que nous avons de nous sentir appartenir l'tre que nouschrissons.Cecinousmontrequelpointnousnoussommesreplissurnous-mmes. L'amourvritableestlibre,maiscettelibertnepeuttreconfondueavecla licence.Endpitdesesprtentions,l'trelicencieuxn'estpasrellementlibre.Unesoif insatiabledesensationsl'emprisonnedansleslimitesd'ungosmequis'affirme progressivement par elles. Nousperdonsdevuequesil'amourhumainpossessifconnatcertainesjoies, l'amour divin en connat d'autres. Etsilespremiressontvanescentes,lessecondessontinfinimentplusdurables. L'abus des premires entrane la dcadence mais la participation aux secondes apporte un enrichissement de tout l'tre. Neperdonscependantpasdevue,quelajoiedel'tatd'amourvritablen'est jamais un but en elle-mme. Elle n'est qu'une consquence d'un tat d'quilibre suprieur. Ellenepeuttreenaucuncasrecherche.Touteconvoitisesecrted'uneexpriencede joiesuprieurenousconduituneformedesensualismesubtildontlavoluptnous empche de vivre l'exprience vritable. Danslamesureonostatsdeconsciences'affranchissentdeslimitesfamilires del'gosme,noustendonsverslaperceptiond'nergiesspirituellesd'unepuissance exceptionnelle. Ce n'est donc que lorsque notre amour sera libr de ses attaches qu'il se rvlera dans la plnitude de sa flicit. Untelamourestlibrdetoutesdistinctions.Ilpeuttrecomparunsoleil illuminant tout ce qui tombe sous ses rayons. Qu'il s'agisse du brin d'herbe, de la fleur, du rocher,del'oiseau,duchiengaleuxoudel'homme,tousreoiventunegaleclart.Par contrasteavecl'blouissementdelumiredel'Amourvritable,l'amourpossessifauquel nous nous accrochons dsesprment, fait figure de petite flamme timide et vacillante. Le cur de l'homme intgr accorde le rayonnement de son amour d'une gale faon ses amis ainsi qu' ceux quise disent sesennemis. Dans une comparaison pleine de posie,Krishnamurti comparel'attitude d'un telhomme celle desfleurs accordant la plnitudedeleurparfumgalementceuxquilesvnrentcommeceuxquiles crasent. L'amour vritable ne doit plus tre une raction personnelle. Librdeslimitationsdel'gosmeildevientuneforcedeviecratricemanant spontanmentduplusprofonddenous-mmesetembellissanttoutesleschosessur lesquelles tombent ses rayons. Le dtachement affectueux n'est donc pas de l'indiffrence. Ce n'est que dans cette suprmelibert quel'amour nous rvlela plnitude de son charme divin. De cecharme divin mane unemagie capable denous transfigurer dans unemerveilleuse recration de nous-mmes dont les chos lointains semblent atteindre l'ultime profondeur des choses et 32des tres de l'Univers entier. Ilfautavoirl'intelligenceetl'audacedebriserlesliensdel'attachementpourse laisser porter l'ultime pointe de l'aile du pur amour. Chacun peut avec ce guide trange, entreprendreunvoyagefantastiqueauximprvisiblestapeslemenantauxprofondeurs insondablesdel'tredontlesrythmesfulgurantsformentlasubstanced'unEternel Prsent. L'nergiespirituelleinhrentel'tatd'amourvritablerecleuncaractre d'intensit de recration et de jaillissement en regard duquel l'amour possessif avec ses limitations, ses attachements, ses habitudes semble ptrifi. * ** Un autre prjug profondment ancr dans la plupart des esprits est celui en vertu duquelnouspensonsquelorsquel'trequinousaime,tmoignesoudainementune affection une tierce personne, cette dernire nous vole quelque chose. Si nous aimons profondment quelqu'un, nous n'enlevons rien l'amour que nous lui donnons en aimant une autre ou plusieurs autres personnes. Dans l'amour vritable, ce n'est pas nous qui dirigeons le rayonnement de cette capacit d'aimer. On demandait Krishnamurti s'il n'y avait pas parmi ses amis certaines personnes qu'il affectionnait particulirement. Il rpondait : Pour moi lAmour est un tat intrieur constant,j'prouvelemmesentimentd'affectionpourtous...c'estunamourquiest toujoursenmoietquejenepuism'empcherderayonnersurtousceuxqui m'approchent. Ne comprenez-vous pas que ce n'est pas moi qui dirige mon Amour vers unepersonne,l'intensifiantici,l'affaiblissantl?L'Amourenmoiexistesimplement comme la couleur de ma peau, le son de ma voix, quoi que je fasse... . Nous perdons de vue un fait essentiel : l'tat d'amour vritable affranchit l'homme intgr du processus du choix. Nous ne choisissons plus tel ou tel objet de notre amour en vertu de mobiles d'intrts ou d'attraction personnels. A partir du moment o nous nous dpassonsnous-mmes,nousaimonsl'objetdenotreamourplusquenous-mmes.Ceci confre au dtachement affectueux un caractre de richesse et de profondeur trs loign de l'indiffrence. Les hommes intgrs que certains de nos amis ainsi que nous-mmes avons pu longuement observer sont des tres dont l'attitude est tout simplicit. De leur prsence se dgageunrayonnementd'amourintenseainsiqu'unepuissancedevieintrieureetune srnit exceptionnelles. Le dtachement dans lequel ils se trouvent par rapport aux liens normaux delavie personnelleneles rend pasinsensibles. De tels tres sont au contraire dousd'unesensibilitparfaite,maisencorefaut-ildirequ'ilssonttotalementlibresdes auto-identifications qu'une telle sensibilit pourrait engendrer chez l'homme ordinaire. 33Sexe et spiritualit L'homme intgr est-il totalement affranchi du dsir sexuel ? Afin de rpondre cette question, plusieurs mises au point sont ncessaires. Disonsimmdiatementquedanslamesureonousralisonsl'tatd'amour vritablenoussommeslibresdetousdsirs.Cettelibrationquisesitued'abordsurle planpsychologiquefinitparsematrialisersurleplanphysique.Ilestvidentqu'un homme intgr est totalement libre de la question sexuelle. L'activit sexuelle pour lui n'est plus un problme. Ceci ne signifie pas ncessairement qu'un tel homme vive une vie compltementchaste.Nousdfinironsexactementcequenouspensonscesujeten invoquantl'appuidenotrepointdevuecertainescitationsdeKrishnamurti.Encette matire, l'opinion du psychologue indou diffre assez de la plupart des mystiques d'Orient. L'tatd'intgrationsemanifesteparuneconvergenceprogressivedetoutesles nergiespsychologiquesverslecerveauetlecur.Cetteconvergenceentraneune sublimation progressive des nergies sexuelles qui subissent de ce fait une diminution de leurs exigences. Le dsir de sensations tue l'amour , nous dit Krishnamurti. Pourquoilarecherchedesensationssexuellesdomine-t-ellelaplupartdesesprits de l'poque actuelle ? A cette question Krishnamurti rpondait : Aprs tout, quand il n'y a pas d'expression cratrice vivante, nous attachons une importanceexagreausexequidevientunproblmeaigu.Laquestionn'estpasde savoir quelle suggestion je pourrais donner, ni de savoir comment dominer la passion, le dsirsexuel,maisdesavoircommentlibrercetteviecratriceetnonpass'attaquer simplementundesesaspectsquiestlesexe.Ensommeils'agitdecomprendrela totalit, la plnitude de la vie. Dansvotretravailvoustesempchsdevousexprimervous-mme fondamentalement, d'une faon cratrice, par les circonstances, par votre condition, donc il vous faut une issue et cetteissue devient le problme sexuel... Vousn'avezaucunepossibilitdevousexprimerrellementvous-mmeetvous donnez une importance anormale des choses qui doivent tre normales .Ce texte indique clairement notre point de vue. Le sexe est devenu pour la plupart unproblmetellementcrasantquenousnepouvonsconcevoirlapossibilitd'unevie sexuelle chez l'homme intgr. Nombreuxsontceuxquiparleraientdetrahisonenapprenantqu'unhommede rputation intgr aurait une vie sexuelle. Nous pourrions poser la question d'une autre faon. L'acte sexuel, est-il un bien ou un mal pour l'homme intgr ? Nous avons dit ailleurs que rien n'est priori bon ou mauvais. Cequidterminelecaractrepositifoungatif,bonoumauvaisd'unechose, dpendnondecettechoseenelle-mme,maisdelafaondontnousl'utilisons.Tout dpend de notre attitude mentale, de notre intention. Ils'agitd'examinerquelssontlesmobilesprofondsquiprsidentl'actesexuel. Sont-ilsfaitdemillecomplexesrotiquesquiencombrentlemental?Sont-ilsla manifestationd'uneintensepassionmotionnelle?Sont-ilsl'expressionirrsistibled'une habitude sensuelle dont l'absence nous torturerait ? Sont-ils la manifestation d'un dsir de puissance,d'unesoifdedomination,d'uneaviditpossessive?L'actesexuelneserait-il 34seulement que le rsultat de tous ces complexes psychologiques ? Dans ce cas,l'hommeintgr se trouverait automatiquement dansl'incapacit deprocrer,parlefaitquesonintgrationlelibredefaondfinitivedetousles mobiles auxquels nous venons de faire allusion. La vritable puret ne rside pas seulement dans l'attitude extrieure d'une chastet parfaite. Lepchdansl'amournesetrouvepasauniveausexuel,maisauniveau mental. Nous employons videmment le terme pch pjorativement. Le pch en amour se trouve prcisment l, o personne ne pense le situer. Le pch en amour rside dans l'attachement. Voil qui scandalisenos concepts demoralit traditionnelle !Mais avant de nous mouvoirdessuitessoi-disantdsastreusesd'unetellefaond'envisagerleschoses, examinons le problme de plus prs. Noussavonsqu'l'chelleamoureuseordinairelaprofondeurd'unsentimentse mesureparl'attachementrciproquedesamants.Maisnousentrevoyonsiciunetape ultrieure rclamant un certain dpassement des niveaux prcdemment acquis. Nous pourrions dire, en reprenant le langage de Sri Aurobindo que l'attachement fut une aide mais que l'attachement est l'entrave. Quesignifieexactementpournous,cetermeattachement.Parluinous dsignonsprcismenttouslescomplexesmentauxd'auto-identification,imagedel'tre aim,projectionsmentalesrotiques,rminiscencesmmoriellesdevoluptspasses dterminantl'appeldesdsirsfuturs,complexesmotionnelslibidineux,dpendanceet dsirdedpendance,complexesd'auto-identificationpossessifs,assouvissementd'un instinct de puissance, etc., etc. Tels sont les lments essentiels du pch dans l'amour. NousnousexcusonsdeciterunefoisdeplusKrishnamurticesujet,maisilse trouve tre notre connaissance en tous cas le seul partager le point de vue que nous dveloppons ici. Nouslisons(Krishnamurti,confrencesMadras-Bnars1947-49p.334et suivantes) : Lachastetn'estpasleproduitdel'esprit,ellen'estpasengendreparla discipline, elle n'est pas un idal atteindre. L'esprit qui s'efforce de devenir chaste, n'est pas chaste... Voyons pourquoi pour la plupart d'entre-nous, le sexe est devenu un problme, et aussicommentilestpossibled'aborderintelligemmentlesexigencessexuellesetdene pas les transformer en problme ? Qu'entendons-nous par sexe ? Est-ce simplement l'acte physique, ou la pense qui excite,stimuleetprolongel'acte?Assurment,lasexualitrelvedel'esprit;etdece fait,elledoitcherchersonaccomplissement,sinonilyafrustration...Nedevenezpas nerveux ; vous voil brusquement tendus, je le vois. Parlons de cela comme s'il s'agissait d'un autre sujet. Plus un problme est complexeplus il exige de clart de pense et plus nous devons l'aborder simplement et directement . La majeure partie de nos avidits sexuelles prend naissance dans l'esprit. Dansl'tatd'amourvritable,ilyacessationdetoutprocessusd'auto-identification, de toute soif de dominer, de toute recherche de sensation. Lasrnitparfaitedumentaldel'hommeintgrl'affranchitparconsquentde tous les problmes poss par le sexe et diminue considrablement le rythme des exigences sexuelles. 35Siunteltreesttotalementdtach,cettelibrationdetoutattachementne pourrait aucunement engendrer une licence quelconque. La licence n'est pas chaste , nous dit Krishnamurti (Madras-Bnars, p. 234), elle conduit la dgradation et la misre . Autrementdit,ilestcertainquedanslamesureounhommeapprochedeson intgration,lesappelsdelaviesexuellediminuentdefaonconsidrable,lasource psychologique qui les dtermine en grande partie tant tarie. Il estmme trs probable qu'aubout d'uncertainnombre d'anneslavie sexuelle s'teigne totalement chez la plupart des tres intgrs . N'existe-t-il pas encette matire un critre envertu duquelnous pourrionssavoir ce qu'il faut et ce qu'il ne faut pas ? Danslamesureol'hommeapprochedesonintgration,ilselibreprcisment de tous les critres. Ne cherchons pas si loin. La solution du problme est bien plus simple et plus proche. Silaralisationdecetteintgrationestpournousvritablementessentielle,nous remarqueronsqu'unetransmutationspontaneetprogressivedesnergiessexuelles s'opre en nous. Notresensibilits'affineconsidrablementetparellenousaccdonsdes perceptionsdeplusenplusleves,deplusenplusprofondesquincessitentunbon quilibre de notre structure physique et nerveuse. Nousconstatonsengnralqu'cetchelonvolutifdenotretre,lesrapports sexuelsconstituentunedpensed'nergiesphysiquesetnerveusesconsidrablesdont l'abusperturberaitimmdiatementnosfacultsdesensibilitetd'attentionsuprieures dont le rle est minemment prcieux. Plusvousprouverezdeplaisirs,plusvousvousmousserez,nousdit Krishnamurti (Madras-Bnars, p. 202). Envisagsouscetangle,leproblmeconsistesimplementveilleraubon quilibre physique et nerveux par une hygine sexuelle de plus en plus svre. Il s'agit en cettematire,d'unprocessusdediscernementpurementindividueldpendantnon seulementd'unenouvelleoptiquespirituellemaisaussidenotreconstitution physiologique propre. 36La Chastet n'est pas un moyen, mais une consquence. Laplupartdescerclesdeculturehumainesuprieureetlescnaclesde perfectionnementspirituelconsidrentlachastetcommemoyenindispensablede libration et d'panouissement. Certes,lasciencenousenseignequelesnergiessexuellesdpensesselonles normes actuelles constituent un gaspillage de forces prcieuses pouvant tre utilises des fins plus utiles. Maisnousconstatonsquedanslapratique,lefaitdepostulerpriorilachastet intgrale, comme moyen indispensable de libration spirituelle, aboutit trs souvent des dsastres. Nous connaissons de nombreuxspiritualistes, d'ailleurs trs sincres, qui se forcent la chastet et n'en ont pas les moyens. Ces tres mnent une vie extrieurement chaste, mais leur esprit est affreusement encombr d'images rotiques, leurs conversations tmoignent d'une proccupation maladive du problme sexuel. Certains sont atteints d'une sortedelogorechronique,bavardsinsatiablesqui,parletruchementdeleur volubilit librent maladroitement les nergies refoules. Enprsencedetelstres,noussentonschezeuxlaflammed'undsirqui transpire littralement travers tous les pores de la peau . Neperdonspasdevuequelaspiritualitvritableestavanttoutoublidesoi-mme,absencedusouci-desoi-mme.Nousconstatonsquechezbeaucoupd'tresnon prpars,ouplusexactementmalinforms,lachastetentranenonseulementune cristallisation du moi mais une exacerbation maladive de celui-ci. Il s'agit l d'authentiques abcs psychologiques gnrateurs de toute une gamme de nvroses. Detelsrefoulementsaboutissentuntatdetensionpsychologiqueetde crispation nerveuse qui ne rsolvent en rien le problme du moi . Ce dernier s'affirme au contraire avec arrogance sous des formes dvies. Nous ne pouvonsenaucuncasconsidrerdetellespersonnescommespirituellesendpitde leur fidlit intgrale la chastet dont elles se rclament. Si la personne est plus psychique que physique , le refoulement sexuel peut donner lieu des phnomnes dits mystiques se manifestant sous la forme de visions, d'auditionspsychiques,d'extasesmineuresquin'ontaucunecommunemesureavec l'extase de l'tat d'amour vritable. L'attitude des Sages d'Orient cet gard, est particulirement svre. Nous blmons l'ivrogne qui s'intoxique par la boisson mais nous sommes enclins respecterlespseudo-religieuxquis'enivrentpsychiquementensubissantlescharmesde leur autohypnose. Legrandmritedel'enseignementdesMatresduBouddhismeZenetdu psychologueindou Krishnamurti rside danslefait d'unemise en garde particulirement lucide et profonde de ces dangers. Poureux,ilya,sous-jacenteauxrecherchesdejouissancesmatriellesou spirituelles,lamme entit, lammeforce pernicieuse :l'avidit du moi.A partir de l'instantonousprenonsprofondmentconscienceduprocessusoprationnelde l'gosmeennous,nousnouslibronsdelui.Cettelibrationnousaffranchitdetousles problmes,nonparcequenousavonscherchlesrsoudresurleursplansparticuliers maisparcequelecrateurdeproblmesquenoussommes,entransformantson 37optique, nous libre de toutes les fausses questions. Il tombe sous le sens, qu'envisag de ce point de vue, les problmes de la chastet ou de la non chastet sont secondaires. L'essentiel rsoudre est plutt le processus du moi dont l'ignorance engendre les innombrables formes d'avidit et parmi elles, l'activit sexuelle. 38 Extases mineures et majeures Certainsmatresduyogaconseillentleurdisciplededirigerlesnergies localisesdanslescentressexuelsversleplexussolaireoulecerveauparunevolont puissante et soutenue. Parl'applicationdeceprocdilestpossibledetransformerl'appeld'un sensualismesexuelverslecentreducuretd'prouverdecefaitunejouissance psychique voisine de la dvotion. Il est vident que ces processus de sublimation n'ont rien de spirituels. Ce ne sont pasdessublimationsauthentiquesmaisdesimplesdiversions.Detelsexercicespeuvent apporterdesextasesmineuresplongeantlesujetdansuneatmosphredevolupt psychique dont l'incommensurabilit avec l'tat d'amour vritable est totale. Lesmatresindousnousenseignentqu'ilexistetroiscatgoriesd'extasesou samadhi : 1)LeSavikalpasamadhi.C'estl'extaseaucoursdelaquellel'adorateur contemple,soitsespropresprojectionsmentales,soitcellesdel'inconscientcollectif. Danslamesuredesaferveur,ledvottendprovoquerlamatrialisationdusymbole ador. Il se peut aussi que la nature mentale de ses proccupations le mette au contact des archtypesdel'inconscientcollectifdontl'interfrenceavecsonproprepsychisme dtermine un afflux puissant d'nergie spirituelle. CetteformedeSamadhiestconsidrecommeinfrieureenraisondeson caractre mental formel et dualiste. 2)LeNirvikalpasamadhi.Voicil'tatdecontemplationpure,oul'medgage de l'emprise des formes plonge perdument dans les abmes insondables du Sans Forme . Dans cette exprience toutes les dualits sont abolies. Les oppositions sujet-objet , adorateur et Symbole ador se sont vanouies pour faire place la plnitude de la Pure Essence.Cetteexpriencedpassantlementalestintraduisibleenmots.Danscettat d'tre,lemystiquesetrouveravilaconscienceduplanphysiqueets'immergedans l'ocan insondable de l'Etre. Tout en accordant plus devaleur cemode extatique qu'au prcdent lesmatres indousnousenseignentquel'exprienceduNirvikalpasamadhin'entranepas automatiquement l'tat de ralisation ou d'intgration. Lamagiedescontactsbatifiquesqu'elleapporteesttellementprestigieusequ'il arrivecertainsdes'ycomplaire.Cettecomplaisanceformel'obstacleultime,leplus subtil, le plus difficile surmonter. 3)LeSahajaSamadhi.Ils'agitldel'Etatd'Amourvritableappell'Etat Naturelparexcellence.Aprss'treabreuvauxultimessourcesdel'Etredes profondeurs,lepsychismerintgrelecorpsmatrieletl'hommeintgrralise l'quilibre entre les deux ples de son tre. D'une part, il est sur le plan physique, vivant l'chelle d'observation matrielle, pleinement attentif aux circonstances du milieu ambiant mais paralllement cette vie de surface,il en est une autre, infiniment plusvaste et profonde, qui sans tre spare de la premire en constitue la fois le support et l'essence intime.L'tatdeSahajaSamadhiestceluiaucoursduquel,paralllementlavie matrielleunevieinfinimentplusprofondes'exprimented'instanteninstantsurleplan spirituel, abolissant toute notion d'opposition entre l'esprit et la matire. L'homme intgr estveilltantsurleplandel'espritquesurceluidelamatire.Cetveilcomporteun 39caractreextatiquequ'aucuntermenepeutdfinir.Ilestuneluciditsuprmequiest Amour. IlestunAmoursuprmequiestlucidit.Unefoisdeplus,danscedomaine, chaquemotestunpige.Disonsquedansunteltatnousnousrvlonsnous-mmes danslaplnitudedecequenoussommes,tantmatriellementquepsychiquementet spirituellement. C'est la prise de conscience parfaitement claire et dfinitive de la divinit cache de notre humanit. Signalonscependantquelaralisationdel'EtatNaturel,ouSahajaSamadhine ncessitepasobligatoirementlepassageparlesdiversesphasesderavissements extatiques inhrentes au Nirvikalpa Samadhi. Cetteralisationapourconditionsinequanonl'liminationdetoute confectionmentale,detoutapriori,detoutsymbole,detoutecroyance,enunmot: silence parfait de l'esprit. Ainsi que l'crit le Dr. Roger Godel dans L'Exprience Libratrice , p. 307 : Les tats de conscience si divers qui ont t dsigns sous le nom de Samadhi et pourvus de multiples qualificatifs selon une hirarchie ascensionnelle se rapportent le plus souvent des expriences conduites sur le plan psychique ;ilssesituentrarement au del ; et leur valeur libratrice, au dire des Jivan-Muktas qui les ont expriments jadis, est des plus contestables. Le samadhi en ses variantes (dites infrieures) offre d'troites ressemblances avec lesextasesdesoccidentaux.L'individuensamadhiestplongdansuntatdetranse cataleptique. Intrieurement il se retranche dans une jouissance spirituelle qui ressemble fort une narcose profonde ; il s'y complat et recherche ardemment nouveau de telles expriences. Ainsi le processus de dissolution de son moisensible peut-il s'en trouver retard. Nombreuxsontlesadeptesduyogaquitombentdanslepigeetydemeurent, croyantavoiratteintdanscettequitudefascinanteellen'estsouventriend'autre qu'une savoureuse vasion le terme de leur sadhana : la dlivrance. Desyoguinsfortavancsdansleurscienceontpusefourvoyerdanscette impasse, et s'y fixer jusqu' ce qu'un Sage les ait clairs. Toutefois,certainsauteursdsignentsouslenomdeSahajaSamadhil'tatde libration.Cetteterminologieconformelatraditionindienneestparfaitement lgitime. * ** Nous pourrions concrtiser davantage le sujet en le formulant diffremment. Les extases mineures, avec ou sans symboles, sont celle auxquelles le chercheur se prpare,s'entrane.Leursdificesspirituelssontentirementconstruitsparl'effortdu mental. Elles ne dpassent jamais les frontires de l'motion et de la pense. En bref, elles s'inscriventrigoureusementdansleprocessusdumoi.Ellesportentl'empreintede l'esprithumainquilesprovoque:empreintedutemps,deladure,deladualit, alternative de scheresse et d'exaltation. Les extases mineures sont un rsultat . L'extasemajeure,outatd'amourvritable(SahajaSamadhi)n'estpaslersultat d'une attente. Elle ne rsulte pas d'une prparation laborieuse. Ellen'estlefruitd'aucuneaviditdel'esprithumain.Cettatneseraliseque lorsquecessenttouteslesaviditsdumoi.Ilsuffitderunircertainesconditionsde rceptivit, de disponibilit l'gard de CE qui EST. Ainsi que l'exprime Krishnamurti : Vous ne pouvez pas choisir la Ralit, c'est la 40Ralit qui doit vous choisir . Lorsque s'tablissent en nous, la transparence intrieure, la dtente, la souplesse, la finesensibilitncessaires,lesrythmesindiciblesdelaRalitdploientennousleurs gerbes tranges de lumire. L'tatdeSahajaSamadhiestuntatprofondmentnaturel.Iln'yalriende miraculeuxnid'impossiblemaisaccomplissementintgral,natureldetoutesles possibilits humaines. Ainsi que l'exprime le Dr. Roger Godel (loc. cit. p. 309) :LeJivan-muktaesttabliaudeldesmanifestationsconfusmentdnommes samadhi.Ilrsidedansl'tatdenature:Sahaja.Decefoyerilprononcedans l'AshtavakraGita:Ceciestvritablementvotreesclavage,quevouspratiquezle Samadhi.Apparemmentlejivan-muktanesesingulariseenrien;parle,agitetse comporteavecsescontemporainsd'unefaonparfaitementnaturelle.Sasagesseest intrieure... Lesextasesmineuresn'chappentpasauxloispendulairesdel'esprit poursuivant son plerinage dans la ronde interminable des opposs. Aux phases d'exaltation succdent des phases de scheresse o l'me du mystique est dchire par la brlante nostalgie des communions antrieures. Parsonintgrationdansl'tatdeSahaja,l'hommeconnatl'quilibre,lasrnit d'unerecrationintenseetsilencieusequedsertentlesalternativesd'exaltations passionnes et de scheresses. 41Extase de la chair extase de l'esprit Lespsychologuesindousnousenseignentquel'acuitdecertainesperceptions sensorielles immobilise temporairement le processus mental. L'intensitdeperceptionquiseralisedurantl'extasesexuelleentraneune immobilisation des agitations familires de l'esprit. Lesagitationsdumentalformantl'alimentessentieldumoiilestnormal qu'une dissolution temporaire des complexes sensoriels de l'ego se ralise paralllement l'extase sexuelle. Dsquecessentlestensionsdumoi,natuneeuphorielafoispsychiqueet nerveuseresponsabledetoutunsecteurdesplaisirssexuels,paralllementauprocessus physiologique. Comme le disait ce propos Krishnamurti (Madras-Bnars, 1947-49, p. 335). Lasexualitestunproblmeparcequ'ilsembleraitquedanscetacteilyait absence totale du moi. A ce moment l, vous tes heureux parce qu'il y a cessation de la conscience desoi, du moi ; et comme vous dsirez retrouver encore cette abngation du moi en laquelle rside un bonheur complet, cet acte devient trs important. Or, pourquoi ai-je ce dsir accru ? Parce que partout ailleurs je suis en conflit... danstousnosrapportsaveclespersonnes,aveclaproprit,aveclesidaux,nous sommes en conflit, en lutte, en dtresse, mais dans un seul acte est la complte cessation de tout cela... donc l'acte sexuel devient suprmement significatif et important. Ainsi le problme n'est pas la sexualit, certainement, mais de savoir comment se librer du moi. S'accrocher auseul exutoiresexuelest videmment un signe de dsquilibre ; et prcisment noussommes tous des dsquilibrs.Nous lesommes parce que nous avons faitdusexelaseulevoied'vasion,etlasocit,laprtendueculturemodernenous aidentlefaire.Vousn'avezqu'voirtouteslespublicits,lescinmas,lesgestes suggestifs, les attitudes. . et p. 340 (loc. cit.) . Un esprit qui cherche son bonheur au moyen du sexe ne peut jamais tre chaste. Bienquevouspuissiez,danscetacte,trouvermomentanmentl'abngationetl'oublide vous-mme, la poursuitemme de ce bonheur est du domaine de l'esprit, etrend l'esprit non chaste. La chastet n'entre en existence que lorsqu'il y a amour. Sans amour, il n'y a pas de chastet, et l'amour n'est pas une chose qui puisse tre cultive ; il n'est d'amour que danslecompletoublidesoi-mme,etpouravoircettebndictiondel'amournous devonstrelibres,grcelacomprhensiondenosrapports.Lorsquel'amourest prsent, l'acte sexuel a une signification toute diffrente . L'attraitdelasexualitneprovientpasseulementdelasuperficialitetdela mcanisation de la vie moderne. Indpendammentdecesfacteursquidonnentauxproblmessexuelsune importance prpondrante, il en existe d'autres plus profonds. Lespsychologuesindousnousenseignentquel'acuitdeperceptiondel'extase sexuelle projette une sorte d'interdit sur l'activit mentale. Maisilscomparentceprocessusd'immobilisationmentaleinfrieurcelui qu'opre l'acuit de perception transcendante du Rel. L'tatd'amourvritablerecleuncaractred'intensitdontlamagiesuspend 42l'activitmentale.Maissil'immobilisationdumentalrsultantdel'extasesexuellen'est qu'phmreetsuperficielle,cellequecommandel'tatd'amourvritableestinfiniment plus durable, plus sereine et plus profonde. Lementalnepeutdominerlemental.Untelprocessusengendredumoinsune immobilit sous tension quinousmettrait dansl'incapacit d'tre rceptifsaux missions des niveaux de conscience suprieurs. C'estl'tatd'amourvritableetnonlemoiquiralisel'immobilisationdela pense.Ceciconfreauprocessussavaleurmtaphysiqueetsoncaractrederalit suprieure. Nanmoins,remarquonsqueleparalllismeexistantentrelesdeuxprocessus rponddelointainesnostalgiesinscritesdanslesprofondeursdel'inconscient.Nous l'avons dit maintes fois ailleurs : Ilyalatendanceirrsistibleretrouvericilasurfaceunplechodu dlice des profondeurs . 43Constance, srnit et puissance de l'Amour Il a t dit dans l'Imitation : L'amour veille sans cesse ; dans le sommeil mme, il ne dort pas . L'Etat d'Amour vritable demeure au del des alternatives de veille et de sommeil. Il est la toile de fond sur laquelle se profilent toutes nos agitations de surface, nos penses, nosmotions,nosjoies,nospeines.Lasourcedel'amourvritablersideauniveaude l'ultimeessencedenotretre.Elleoccupelaplaced'untmoindeprofondeurassistant imperturbablement nos alternatives de plaisirs et de souffrances. Prive de cet amour, l'me est une plante dessche, dpouille de sa sve la plus essentielle. Il faut laisser la plante de notre me plonger ses racines dans le sol fcond du Pur Amour. Il est comme une sve spirituelle prcieuse qui rgnre et transfigure. Ennousouvrantlasrnit,lapuissance,labatitudedupuramournous donnonsnotremeunesant,unquilibre,uneharmonie,unecons