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Retour aux essences conceptuelles de l’immersion :
Apports de l’analogie des environnements virtuels vs réels
Linda Hamdi
Doctorante contractuelle, chargée d'enseignement
Institut d'Administration des Entreprises, Université Toulouse 1 Capitole
CRM (EAC- CNRS 5032) Equipe Marketing
Laurent Maubisson
Attaché temporaire d’enseignement et de recherche
Institut d'Administration des Entreprises, Université Toulouse 1 Capitole
CRM (EAC- CNRS 5032) Equipe Marketing
Les auteurs tiennent à remercier les deux relecteurs anonymes pour la pertinence de leurs remarques et
suggestions.
Retour aux essences conceptuelles de l’immersion :
Apports de l’analogie des environnements virtuels vs réels
Résumé :
Immerger un consommateur dans une expérience de consommation est une préoccupation
centrale du marketing expérientiel. Pourtant, un flou conceptuel persiste sur l’état
d’immersion. Cette étude s’emploie dans un premier temps à mieux appréhender ce concept
en conjuguant les différentes approches de l’immersion ainsi que ses antécédents. Dans un
second temps, une étude qualitative en deux phases a permis de faire une analogie de l’état
d’immersion entre des expériences de jeux-vidéo et de shopping en magasin. Les résultats
montrent que l’immersion d’un consommateur dans ces deux types d’environnements est
constituée des mêmes dimensions mais présente des chemins d’accès différents.
Mots-clés : immersion, flow, environnement expérientiel, expérience de consommation, étude
qualitative.
Back to the conceptual foundations of immersion:
Contributions from the analogy of real vs. virtual environments
Abstract:
Consumer immersion in a consumption experience is a growing concern for experiential
Marketing. However, an ambiguity persists concerning the conceptual foundations of
immersion. First, this study seeks to better understand this concept by comparing different
existing approaches of immersion and its antecedents. Second, a two-step qualitative study
was carried out to establish a comparison of consumer immersion regarding game playing vs.
shopping experiences. The results show that consumer immersion present the same
dimensions but require different ways to access it.
Key-words: immersion, flow, experiential environment, consumption experience, qualitative
study.
1
Retour aux essences conceptuelles de l’immersion :
Apports de l’analogie des environnements virtuels vs réels
Introduction
Les expériences de consommation sont souvent guidées par la recherche de fantaisies,
d’émotions et de plaisir (Holbrook et Hirschman, 1982). Issues d’activités culturelles ou de
divertissements, ces expériences de consommation ont souvent été approchées en recherche
marketing par le concept d’immersion (e.g. Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2008). Ce
dernier apparaît désormais comme une préoccupation centrale en marketing expérientiel
(Carù, 2007), dans le sens où il constitue un élément d’appréciation du vécu personnel et
subjectif du consommateur dans une situation donnée. L’état d’immersion correspond « à un
sentiment de bien-être, de développement et de gratification » (Carù et Cova, 2003), ce qui lui
confère un pouvoir explicatif de la co-création de valeur d’une expérience subjective de
consommation (Filser, 2002). De fait, ce concept d’immersion peut constituer un critère
différentiateur du vécu d’une expérience de consommation : un individu immergé dans un
contexte expérientiel (proposé par une enseigne par exemple) passerait alors un moment
intrinsèquement plus agréable qu’un consommateur non-immergé. Des enseignes telles que
Nature et Découvertes, Niketown, ou encore Nespresso, réalisent des efforts dans le but de
proposer des contextes expérientiels favorables à l’immersion du consommateur dans
l’expérience de marque (Carù et Cova, 2006).
Cependant, malgré le foisonnement de recherches académiques sur l’immersion, un flou sur
les essences constitutives de ce concept subsiste1. L’examen de la littérature marketing sur le
concept d’immersion montre que plusieurs recherches francophones se sont employées à
1 Le concept d’immersion est abordé dans de nombreuses recherches anglo-saxonnes avec une
terminologie fluctuante. flow, téléprésence, absorption cognitive, sont autant de concepts mobilisés
dans des travaux sur ce thème. Il semble important de souligner que ces concepts ont été peu abordés
dans les recherches francophones.
2
identifier la différence entre : le processus et l’état d’immersion (e.g. Carù et Cova, 2003,
2006 ; Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2006, 2008).
L’objet de cette étude portera principalement sur l’état d’immersion pour les raisons suivantes :
- Pour les entreprises proposant des contextes expérientiels, l’enjeu est d’amener le
consommateur à ressentir cet état d’immersion (e.g. Fornerino, Helme-Guizon et
Gotteland, 2008).
- Cet aspect de l’immersion a fait l’objet de plusieurs recherches empiriques, exploratoires ou
confirmatoires, permettant d’identifier diverses dimensions de ce construit (e.g. Novak,
Hoffman et Yung, 2000 ; pour une liste plus détaillée, se référer à l’annexe 1).
- De nombreux contextes expérientiels ont servi de champs d’application (navigation web,
concert, moments de vie, cinéma, au travail…), conduisant ainsi à multiplier et enrichir
les définitions de ce concept.
Cependant, ces différents terrains d’étude ont toujours été considérés de manière isolée. Selon
que l’état d’immersion soit appréhendé dans des environnements virtuels (e.g. internet) ou
réels (e.g. cinéma), les essences conceptuelles de l’immersion présentent des différences qu’il
convient de discuter. Ce travail traitera donc des similitudes/divergences de ces différentes
approches de l’état d’immersion par une analogie entre les environnements virtuels vs réels.
Le premier but de cette étude est donc de vérifier que cet état d’immersion est clairement
défini d’un point de vue théorique (conjuguant ainsi les nombreux champs d’applications
marketing de ce concept). Le second but de ce travail est de participer à l’identification des
facteurs qui contribuent à engendrer cet état d’immersion dans une expérience de
consommation (et identifier en cela les chemins d’accès à l’immersion).
Pour cela, nous présentons dans un premier temps, une revue de la littérature sur l’immersion
dans des contextes expérientiels virtuels et réels. Puis, par le truchement d’une étude
qualitative réalisée dans ces deux types de contextes (expérience de jeux vidéo et expérience
3
de shopping), nous proposons un cadre conceptuel qui permet d’appréhender le concept
d’immersion dans un espace marchand réel.
1. Revue de la littérature
Dans le but d’élargir l’approche conceptuelle de l’immersion d’un individu dans une expérience
de consommation, nous avons volontairement décloisonné la revue de la littérature aux divers
champs d’applications propices à la compréhension de ce phénomène. Par contre, seuls les
travaux2 empiriques sur le processus et l’état d’immersion ainsi que sur le flow ont été mobilisés
dans cette étude (Annexe1). Cette revue de littérature traite, dans un dans un premier temps, des
essences conceptuelles de l’état d’immersion, puis dans un second temps, des chemins d’accès
qui conduisent à une expérience immersive.
1.1 Etat de flow et d’immersion : vers un même cadre conceptuel
« Le terme "flow" est employé pour décrire l’état d’esprit, parfois éprouvé par les personnes
profondément impliquées dans une certaine activité. C’est le cas par exemple lorsqu’un athlète
professionnel joue particulièrement bien et adopte un état d’esprit où rien d’autre que le jeu
n’est important ; il ou elle est totalement immergé(e) dans l’expérience. (…) Les activités qui
mènent à cet état de flow captivent une personne durant une certaine période. Quand on est dans
cet état, le temps peut sembler s’arrêter et rien d’autre que ce que l’on fait ne semble
important ». Novak, Hoffman et Yung (2000).
Dans cette description du flow, il est clairement indiqué qu’une personne dans cet état est
totalement immergée dans l’expérience qu’elle réalise, (1) durant une certaine période, (2)
que le temps peut sembler s’arrêter et que (3) rien d’autre que ce qu’elle fait ne semble
2 Par soucis de concision, seuls les travaux dont l’immersion est l’objet central de la recherche ont
été considérés dans cette étude. Par soucis d’accessibilité, les travaux de Ghani, Supnick et Rooney
(1991), Trevino et Webster (1992) et Webster, Trevino et Ryan (1993) n’ont pas pu être mobilisés
dans ce travail.
4
important. Cela rejoint la définition du flow, ressenti lors d’une navigation sur le web,
proposée par ces mêmes auteurs qui caractérisent cet état comme (4) une perte de conscience
de soi, (5) favorable à une meilleure réceptivité des stimuli et qui (6) constitue un moment
intrinsèquement agréable.
Le concept d’état d’immersion dans un environnement réel, tel qu’il a été traité dans les
recherches francophones, ne correspond pas tout à fait aux définitions précitées. Il s’agit bien
de (1) « brèves séquences » (plutôt qu’un grand plongeon ; Carù et Cova, 2003), pour
lesquelles un consommateur se trouve dans un (3) « état d’activité intense » dans lequel « il a
oublié la réalité extérieure », (4) « a perdu la conscience de ce qu’il est dans le monde réel »,
(5) « au profit d’un soi dans le contexte expérientiel » (Fornerino, Helme-Guizon et
Gotteland, 2008). A partir de ces rapprochements, nous constatons que les définitions
francophones de l’état d’immersion ont fait abstraction des dimensions suivantes :
« distorsion de temps » (2) et du « caractère intrinsèquement agréable » (6).
Seuls Charfi et Volle (2010) identifient « une perte de repères temporels » dans l’état
d’immersion lors de la navigation sur un site web. Comme pour ces auteurs, la perception
d’une distorsion de temps nous paraît être une composante fondamentale de l’état
d’immersion, rejoignant en cela la définition originelle de Csikszentmihalyi (1990).
De même, la majeure partie des travaux sur l’état d’immersion ou sur le flow leur confèrent
une dimension affective : « caractère hédonique » (Csikszentmihalyi, 1990), « bien-être »
(Carù et Cova, 2003), « enjoyment » (Ghani et Deshpande, 1994 ; Huang, 2006),
« émotionnelle » (Charfi et Volle, 2010). Carù (2007), se focalise sur cette dimension
d’enjoyment3 et la caractérise comme une sensation de plaisir intrinsèque qui oscille entre un
simple plaisir ressenti (relatif à la stimulation des sens) et un sentiment de jouissance
(intégrant la notion d’accomplissement de soi). C’est d’ailleurs cette dimension qui permet de
3 Le terme anglais a été préféré car nous n’avons pas trouvé d’équivalent en langue française.
5
distinguer l’état d’immersion de celui de la concentration. Une personne fortement concentrée
sur un objet peut ne pas ressentir de plaisir lié à cet état de concentration (réparer un circuit
électrique sous-tension par exemple). Néanmoins, un fort degré de concentration peut être
considéré comme une composante de l’état d’immersion.
Cette dernière dimension cognitive du construit de l’état d’immersion a également été
mesurée par divers concepts : « concentration » (Csikszentmihalyi, 1990 ; Ghani et
Deshpande, 1994 ; Sénécal, Gharbi et Nantel, 2002 ; Chou et Ting, 2003), « cognitive »
(Fornerino, Helme-Guizon et Gaudemaris, 2005 ; Charfi et Volle, 2010), « cognitive
individuelle » (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2006) ou encore « évasion »,
« déconnexion avec le réel », et « connexion avec l’expérience » (Fornerino, Helme-Guizon et
Gotteland, 2006, 2008). Malgré cette terminologie changeante, cette composante cognitive de
l’état d’immersion du consommateur reste caractérisée par une déconnexion de son
environnement immédiat. C’est ainsi qu’un consommateur fortement immergé dans un
environnement expérientiel (cinéma), « oublie la réalité extérieure, perd la conscience de ce
qu’il est dans le monde réel au profit d’un soi dans le contexte expérientiel » (Fornerino,
Helme-Guizon et Gotteland, 2008). Par exemple, la dimension de « connexion avec
l’expérience » identifiée par ces derniers auteurs fait alors largement écho à celle de la
« téléprésence » mobilisée par Novak, Hoffman et Yung (2000) ; la comparaison des items de
ces dimensions n’en est que plus probante. De même, cette composante est intimement liée à
la sensation d’absorption cognitive (Agarwal et Karahanna, 2000) dans un environnement
médiatisé et/ou thématisé (caractérisé par une sur-stimulation cognitive du consommateur).
Cette exacerbation des sens et de l’imaginaire du consommateur (Carù et Cova, 2006) lui
permet de faire abstraction de son quotidien pendant un moment de l’expérience de
consommation. Ce caractère ponctuel d’immersion nous amène à croire qu’il s’agit davantage
d’une sensation d’immersion dans une expérience que d’un état d’immersion. Un état semble
6
ainsi davantage imperméable aux stimuli environnants alors qu’une sensation résulte de
l’interaction entre un individu et une situation ou un objet. De fait, considérer l’immersion
comme une sensation et non comme un état (caractère plus stable, moins malléable)
permettrait d’enrichir les implications managériales attendues de ce travail, à savoir :
identifier les chemins d’accès à cette sensation d’immersion du consommateur dans une
expérience de consommation.
De cette revue de littérature, émergent des essences conceptuelles de l’état d’immersion que
nous pouvons regrouper dans trois grandes dimensions :
- Dimension cognitive (Evasion de soi, connexion avec l’expérience ; téléprésence) ;
- Distorsion de temps (perte de la notion du temps) ;
- Enjoyment (plaisir intrinsèque immédiat : sentiment de bienêtre).
1.2. Les chemins d’accès à la sensation d’immersion : vers des implications managériales
Si les gestionnaires de marques et d’enseignes ne peuvent effectivement pas proposer des
expériences immersives à proprement dites aux consommateurs, ils peuvent cependant
proposer des contextes expérientiels favorables au développement de cette sensation
d’immersion (Carù et Cova, 2006). Ces auteurs ont montré qu’il était nécessaire de
développer des contextes thématisés, enclavés et sécurisés pour sur-stimuler les cinq sens et
l’imaginaire du consommateur et produire ainsi cette intense activation cognitive, favorable à
l’émergence de la sensation d’immersion. Ils précisent également que d’autres facteurs
peuvent contribuer à cette réalisation : l’utilisation de guides, de référents, de communautés,
de rituels et l’autonomisation du consommateur.
Cette idée d’autonomisation de l’individu renvoie directement à la notion de connaissances et
de compétences qu’un consommateur doit mobiliser pour co-produire son expérience de
consommation. Il s’agit donc de caractéristiques individuelles. « C’est l’environnement dans
lequel on agit, ou interagit, en fonction de nos compétences, de nos moyens, des obstacles,
7
des cadres référentiels et des règles, que nous pouvons percevoir un sentiment de défi ou
apprécier un agréable moment » Csikszentmihalyi (1997). Le consommateur doit donc être en
mesure de pouvoir interagir avec le contexte expérientiel auquel il est exposé, ce qui requiert
un minimum d’implication (connaissances et intérêt) dans l’objet même de l’expérience de
consommation. Pour qu’un consommateur puisse ressentir cette sensation d’immersion, il est
donc nécessaire qu’il dispose à minima de compétences, qu’il puisse mobiliser dans le but de
maximiser l’intensité de ses interactions avec le contexte expérientiel. Ce constat a déjà été
largement vérifié lors d’interactions médiatisées par ordinateur entre un individu et un
environnement virtuel : la dimension « compétences » contribue à la construction de l’état de
flow (e.g. Ghani et Deshpande, 1994). Au-delà de ces caractéristiques individuelles, d’autres
davantage liées à la gestion des contextes expérientiels peuvent être mobilisées pour engager
le consommateur vers une sensation d’immersion.
Peu d’études sur l’immersion dans une expérience en ligne se sont focalisées sur les
caractéristiques des environnements virtuels, bien que Novak, Hoffman et Yung (2000) aient
précisé que l’environnement de contraintes sur internet (« compelling ») apparaisse comme un
véritable avantage compétitif. A notre connaissance, seuls les travaux de Charfi et Volle
(2010) proposent d’étudier la relation entre le décor, la barre de contrôle et la présence
d’agents virtuels sur l’état d’immersion d’un internaute. A l’inverse, les travaux cités
précédemment de Carù et Cova (2006) ont permis d’identifier dans des lieux physiques de
consommation, les caractéristiques des contextes expérientiels favorables à l’émergence de
l’état d’immersion. Ainsi, nous proposons dans notre étude de revisiter les chemins d’accès à
la sensation d’immersion, comparativement dans un environnement virtuel et réel, en
considérant les liens suivants :
Caractéristiques individuelles du
consommateur
Caractéristiques des contextes
expérientiels
Sensation d’immersion
8
Figure 1. Cadre conceptuel des antécédents de la sensation d’immersion
2. Méthodologie
L’objectif de cette recherche est d’étudier l’expérience immersive des individus selon le type
d’environnement : virtuel vs réel. Pour traiter cette problématique, une étude qualitative de type
exploratoire a été menée en deux phases, selon le type d’environnement étudié. La première
phase a été réalisée d’une part, auprès de joueurs expérimentés de jeux vidéo et d’autre part,
auprès d’experts de cette industrie. La seconde phase a consisté à interroger des consommateurs
ayant vécu une expérience de shopping agréable dans un point de vente. Notre démarche
nécessite d’expliquer la procédure mise en œuvre et les justifications sous-jacentes.
2.1. Sélection des deux environnements virtuels et réels
Dans un souci de comparaison, nous nous restreignons volontairement à des situations où
l’expérience d’immersion est de nature hédonique et ce, quelque soit l’environnement.
Concernant le choix de l’environnement virtuel, l’univers des jeux vidéo et plus précisément
les jeux de rôle, a été sélectionné suivant deux critères. En premier lieu, une expérience
ludique a été privilégiée en vue de favoriser l’expérience d’immersion (Csikszentmihalyi,
1990). Ensuite, plusieurs études ont montré que les jeux vidéo présentaient un fort potentiel
immersif (Hawkins, 1995 ; Turkle, 1984) de par leurs caractéristiques (interactivité, évolution
des univers). Dans ces univers, également qualifiés de « synthétiques » (Castronova, 2001),
l’individu participe pleinement à la co-production de son expérience puisqu’il contrôle
souvent des personnages ou « avatars » qu’il peut faire évoluer. L’individu est alors
« conjointement sujet agissant et objet de la transformation » (Hetzel, 2002).
9
S’agissant de l’environnement réel, une expérience de shopping agréable a été choisie. Ce
type d’expérience a été privilégié car il présente un intérêt managérial certain. De plus,
comme dans un environnement virtuel, le consommateur joue un rôle actif dans la co-
production de son expérience de consommation (contrairement au cinéma où il n’est que
spectateur). L’immersion du chaland au point de vente a fait l’objet de peu de recherches en
marketing (Carù et Cova, 2006). Or, certaines enseignes jouent sur les facteurs de
l’atmosphère de leurs magasins pour influer les réactions affectives et comportementales du
consommateur (Lemoine et Plichon, 2000). Les entretiens auprès de chalands permettront
d’explorer l’effet de ces mêmes facteurs sur leur sensation d’immersion.
2.2. Sélection des répondants
Plusieurs critères ont guidé le choix des répondants (Annexe 2). Nous avons dans un premier
temps pris contact avec cinq joueurs de jeux vidéo expérimentés, sélectionnés sur la base de
leur fréquence de jeu et de leur participation à d’importants tournois au niveau national et/ou
européen. En parallèle, quatre managers impliqués à différents niveaux du développement du
jeu vidéo, ont également été interrogés. L’avis d’experts nous permettant d’appréhender la
façon dont les environnements des jeux sont conçus pour améliorer le degré d’immersion du
joueur. Dans un deuxième temps, neuf entretiens ont été réalisés avec des consommateurs ayant
vécu une expérience agréable en magasin. Ces individus ont été sélectionnés en fonction du
type d’expérience vécue en magasin et de leurs caractéristiques individuelles (âge, sexe et
fonction). La taille de l’échantillon a été déterminée suivant le principe de saturation
sémantique préconisé par Glaser et Strauss (1967).
2.3. Recueil et traitement des données
Dix-huit entretiens individuels ont été réalisés avec les individus sélectionnés afin de répondre à
l’objet de cette recherche. Pour se rendre compte de l’expérience vécue (au sens de Thompson,
10
Locander et Pollio, 1989) des consommateurs (5 joueurs et 9 chalands), nous avons privilégié
une approche phénoménologique, uniquement dans la conduite des entretiens. En effet, il a été
demandé à ces personnes de « nous décrire un moment agréable » lors d’une expérience de
jeux-vidéo (pour les joueurs experts) et lors d’une expérience de shopping (pour des
consommateurs lambda). Suivant les recommandations de Bergadaà (2008), les enquêteurs se
sont efforcés de « faire aborder les thèmes potentiellement pertinents à la compréhension de son
expérience sans faire appel à leur connaissance tacite émergente de la revue de littérature ».
Afin d’enrichir cette étude d’un point de vue managérial, nous avons également réalisé quatre
entretiens semi-directifs auprès de professionnels (développeurs, testeurs et responsables
communautés) de l’industrie de jeux vidéo. L’objectif purement exploratoire de ces entretiens
était d’apprécier les pratiques des manageurs de ces environnements à fort contenu expérientiel.
Les entretiens ont été intégralement retranscrits puis analysés par le biais d’une analyse de
contenu. Les grilles d’analyse ont fait l’objet d’un double codage réalisé par les auteurs en vue
d’atténuer le biais de subjectivité inéluctable dans le cadre d’une étude qualitative.
3. Résultats
3.1. Composantes de l’immersion
Les trois composantes de la sensation d’immersion proposées dans le cadre conceptuel sont
effectivement bien identifiées (tableau 1 et annexe 3) : la dimension cognitive, la distorsion de
temps et l’enjoyement.
Concernant la dimension cognitive, celle-ci présente deux facettes : la projection de soi et
l’évasion. Comme précisé dans la revue de littérature, la projection de soi fait écho au concept
de téléprésence dans un environnement virtuel. Dans ce type d’environnement, le
consommateur transpose son soi à l’individu qu’il incarne dans le jeu. Dans un
environnement réel, il se projette dans une expérience future relative à l’objet de
consommation. Quant à la facette évasion, elle correspond davantage au détachement de soi
11
de l’environnement immédiat. Ainsi, le consommateur s’échappe dans un univers imaginaire
qu’il se représente à partir des significations de l’objet de consommation : « en sentant la
bougie, j'étais un peu en haut de la dune à regarder l'océan qui frappe, à sentir l'iode et la
fraîche brise marine sur mes joues » (Alexandra). Ces deux facettes de l’immersion
rejoignent en un sens celles identifiées par Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland (2008).
Notons par ailleurs que Mathwick et Rigdon (2004) avaient déjà expliqué la distinction entre
les dimensions « téléprésence » et « évasion » dans un environnement online.
S’agissant de la dimension distorsion de temps, nous pouvons vérifier dans cette recherche
qu’elle constitue aussi bien une composante de la sensation d’immersion dans un
environnement virtuel que réel. La perte de la notion du temps témoigne bien de
l’engagement total du consommateur dans son expérience de consommation.
Enfin, cette sensation d’immersion est également caractérisée par le sentiment d’un plaisir
intrinsèque instantané, plus communément nommé enjoyment. Il s’agit d’une sensation de
bien-être, de plénitude, ressentie durant le moment où le consommateur est immergé.
Environnement virtuel
Jeux vidéo
Environnement réel
Points de vente
Dimension
cognitive
Projection
de soi
Brice : T’incarnes un personnage donc
tu te mets quand même dans la peau de
quelqu’un, d’un personnage qui peut
exister (…) Tu te mets dans la peau du
personnage comme dans un film…par
exemple l’action où tu vas te prendre
pour un héro, tu vas t’imaginer à sa
place ou un truc comme ça !
Marc : Comment dire, j’ai projeté la
prochaine fois que j’allais jouer avec des
musiciens, même à la maison, avec cet
instrument là. (...) J’ai vraiment imaginé
le moment où j’allais la montrer, la sortir
et même la faire essayer aux copains qui
jouent aussi de la guitare.
Evasion Rémi : Moi, le jeu vidéo je le vis seul, Audrey : J’étais vraiment déconnectée
12
dans mon petit monde, c’est un peu que
je me mets un moment donné dans un
petit monde.
complètement, j’étais partie, je planais un
peu.
Distorsion
de temps
Victor : Et ils sont longs à finir… Je
perds la notion du temps. Des fois, j’ai
l’impression que je ne joue pas
beaucoup alors que…ça fait deux heures
que je joue et pour moi, ça fait une
heure.
Lydia : Non c’est à la sortie du magasin
que j’ai pris conscience de ce gros retard.
Et encore qu’à un moment j’ai repris
conscience du temps mais tu passes d’un
atelier à un autre
Enjoyment
Julien : Il ne faut pas que ce soit
répétitif, il faut que ce soit prenant, que
les actions que tu fais, que tu sentes que
tu prends du plaisir à les faire, tu sens
que ça sert à quelque chose.
Christiane : (…) Je me détache du présent.
juste un laps de temps mais c’est des
moments très-très agréables.
Tableau 1. Les dimensions de la sensation d’immersion
Si la multidimensionnalité de ce construit dans un environnement virtuel est admise par la
plupart des auteurs, ce résultat semble pouvoir s’étendre aux expériences de consommation
dans des environnements réels (expérience de shopping dans un magasin). Les trois
dimensions et le caractère ponctuel de cette sensation d’immersion transparaissent
parfaitement dans le verbatim suivant :
« C’est à la sortie du magasin que j’ai pris conscience de ce gros retard. Et encore qu’à un
moment j’ai repris conscience du temps mais tu passes d’un atelier à un autre c’est... c’est un
moment très très agréable, c’est un moment de bienêtre, c’est un moment où tu t’évades en
fait, tu es dans une autre dimension » (Lydia).
3.2. Les chemins d’accès à la sensation d’immersion : les antécédents
13
Les chemins d’accès à la sensation d’immersion ne sont pas tous identifiés dans ce travail
pour les raisons suivantes : chaque expérience de consommation est subjective et la sensation
d’immersion ne se produit pas systématiquement. Ainsi, il semble difficile d’identifier
l’ensemble des processus d’accès à l’immersion. Ce travail permet toutefois de revenir sur les
antécédents déjà identifiés dans la littérature et d’explorer ceux spécifiques à une expérience
de jeux vidéo et de shopping dans un point de vente.
Concernant les antécédents liés à l’individu dans le contexte des jeux vidéo (Annexe 4), les
résultats rejoignent ceux obtenus lors d’interactions sur le web, à savoir : l’équilibre entre le
défi perçu et les compétences, l’apprentissage, le contrôle perçu, la focalisation de l’attention
et l’implication (relatif à l’importance accordée à l’activité réalisée). Deux autres
caractéristiques individuelles issues de cette recherche semblent également faciliter l’accès à
la sensation d’immersion : le facteur social (qui permet au répondant d’exister au travers de
son statut spécifique à cet environnement expérientiel) et l’individualisme (le sujet est moins
en mesure de se déconnecter de son monde immédiat, de se laisser absorber dans le contexte
expérientiel quand il est accompagné par un tiers).
Concernant les antécédents relatifs à la gestion de l’environnement virtuel proposé dans les
jeux vidéo (Annexe 4), les professionnels et les joueurs de haut-niveaux s’accordent à dire
que le compelling (l’ensemble de règles qui structurent l’environnement) est primordial : à la
fois pour percevoir un environnement "enclavé et thématisé", un univers spécifique ; mais
également pour pouvoir s’approprier cet environnement et évoluer à son rythme (ces
propriétés se rapprochent de celles identifiées par Carù et Cova, 2003, 2006). Quatre autres
composantes de cet environnement virtuel peuvent également être considérées comme des
antécédents de la sensation d’immersion : le caractère dynamique (permettre une constante
évolution au sein de l’environnement expérientiel, autorise le consommateur à vivre une
succession d’expériences subjectives au sein d’un même univers : représentant autant
14
d’occasions de s’immerger) ; le degré de personnalisation (relatif à l’appropriation de
l’environnement) ; la gestion du facteur social (permettant de valoriser le consommateur au
sein de la communauté de cet environnement) ; et l’authenticité perçue (le caractère réaliste
d’un environnement virtuel peut faciliter l’immersion dans celui-ci ; à l’inverse, un répondant
nous a signalé que pour se déconnecter de son quotidien, il préférait jouer à des jeux de type
"arcades", davantage surréalistes par définition).
De la même manière, pour les antécédents de la sensation d’immersion dans un point de
vente, des facteurs propres à l’individu et d’autres liés aux contextes expérientiels doivent être
considérés (tableau 2 et annexe 5).
Environnement réel
Points de ventes
Humeur Christiane : En général j’y vais en bicyclette donc je me détends déjà en y allant.
Focalisation
de l’attention
Marc : (...) Je pouvais vraiment avoir l’environnement qui me permettait
de faire un essai avec toute l’attention nécessaire.
Implication Alexandra : Du coup, comme à chaque fois que j'y vais, je fais tous les
rayons dans les moindres détails.
Apprentissage Marc : Bien sûr, pas par les explications des vendeurs mais par moi-même.
(…) ne serait-ce qu’au son et par la sensation tactile d’avoir l’instrument
dans les mains. De suite, j’ai pensé que pour moi elle était vraiment
adaptée à ce que je voulais en faire.
Ca
ract
éris
tiq
ues
in
div
idu
elle
s
Sensibilité à
l’état
d’immersion
Alexandra : Dans la généralité, ce sont les mêmes types de magasins dans
lesquels je me sens bien : c’est un peu comme si c'était mon magasin tu
vois, mon ambiance, ma déco.
15
Atmosphère
du point de
vente
Audrey : Il y avait de la musique encore et je crois que c’était les huiles
essentielles, il y avait une odeur spéciale et ça m’a permis d’être vraiment
dans un cocon.
Interactions
avec les
produits
Alexandra : Il y a une bougie qui me rend complètement dingue, à chaque
fois que je la sens je me sens en week-end à l'océan !
Cara
ctér
isti
qu
es e
nv
iron
nem
enta
les
Personnel en
contact
Audrey : Je pense que c’est un tout : la qualité du soin, le fait qu’elle m’ait
laissée seule (…). En fait elle est partie, ça m’a permis de me construire
une sorte de cocon et de m’évader.
Tableau 2. Chemins d’accès à la sensation d’immersion dans les environnements réels
Etant producteur de sa propre expérience, le consommateur maîtrise donc en partie le
caractère exceptionnel qu’il souhaite accorder à celle-ci (les enseignes ne proposent que des
contextes expérientiels). Dans ce premier paragraphe, nous traitons donc des caractéristiques
propres au consommateur. Le premier antécédent qui apparaît comme une caractéristique
individuelle est l’humeur du consommateur. Un individu de mauvaise humeur à son domicile
(c’est le cas de Christiane, agacée par les cours de piano de son mari) peut décider de
s’accorder un moment de shopping pour se détendre. Nous constatons qu’à l’arrivée au
magasin, elle est de bonne humeur (c.f. verbatim de Christiane). Un chaland de bonne humeur
peut alors être plus réceptif aux stimuli expérientiels auxquels il est exposé. D’ailleurs, Giraud
(2002) montre un rapprochement entre les concepts d’éveil et d’humeur (mesurés par des
items semblables dans certaines échelles). Un autre antécédent qui semble déterminant pour
accéder à la sensation d’immersion est la focalisation de l’attention. Cette dimension est
introduite par Csikszentmihalyi (1997) et apparaît comme un degré de concentration orienté
sur un objet. En effet, quand une personne focalise son attention sur un objet ou sur une
activité, il lui est plus facile de s’isoler psychologiquement de son environnement immédiat.
16
La focalisation de l’attention du consommateur peut être plus intense si le chaland se sent
impliqué dans la visite du point de vente. Plichon (1999) précise que l’implication, qu’elle
soit durable ou situationnelle, influence les états affectifs de l’individu à l’intérieur du point
de vente. Il en est de même pour la sensation d’immersion. Enfin, rejoignant l’idée de
Csikszentmihalyi (1990) qui postule qu’un individu peut cultiver sa sensibilité à s’immerger
dans des expériences, certains de nos répondants semblent avoir ressenti plus fréquemment
cette sensation que d’autres. Ceux-ci nous ont décrit plusieurs expériences immersives dans
divers magasins et ont employé des termes plus forts (par exemple : Alexandra « en sentant la
bougie, j'étais un peu en haut de la dune à regarder l'océan qui frappe, à sentir l'iode et la
fraiche brise marine sur mes joues... puis j'ai eu un orgasme ! »).
Concernant les contextes expérientiels, les facteurs de l’atmosphère du point de vente sont
retrouvés dans cette étude. La stimulation des sens est favorable à l’immersion du
consommateur dans le point de vente, comme le postulait la littérature. Eveillant le sens
tactile, l’interaction physique avec le produit peut influencer la sensation d’immersion car le
consommateur peut davantage s’approprier le produit, focaliser son attention sur des détails et
s’imaginer en train de l’utiliser. Enfin, comme constaté dans un environnement virtuel, les
répondants ont ressenti cette sensation d’immersion lorsqu’ils étaient seuls, notamment
lorsqu’ils n’étaient pas en interaction avec le personnel en contact. L’action de ces derniers
(ici inscrite dans un courant traditionnel et non post-moderne comme pour une enseigne telle
qu’Abercrombie & Fitch) présente donc un effet négatif (exprimé même lors d’un soin
corporel par une répondante : voir le verbatim d’Audrey) sur la sensation d’immersion.
4. Discussion
Dans cette étude, nous avons revisité le concept d’état d’immersion du consommateur dans
une expérience de consommation en conjuguant divers éclairages théoriques en marketing.
Trois principaux résultats peuvent être discutés. En premier lieu, cette étude nous a permis de
17
revenir sur les essences conceptuelles de ce construit et de proposer, via l’analogie des
environnements virtuels et réels, trois composantes : la dimension cognitive (facettes
projection de soi et évasion), la distorsion de temps et l’enjoyment. Le caractère ponctuel de
ce concept nous amène à croire qu’il s’agit davantage d’une sensation d’immersion plutôt que
d’un état.
En second lieu, cette recherche revient sur les chemins d’accès à cette sensation. Dans un
environnement virtuel (ici les jeux vidéo), les résultats vont dans le sens de ceux issus
d’études anglo-saxonnes sur la navigation web et proposent un approfondissement (purement
exploratoire) des antécédents liés à ces contextes expérientiels.
Pour les environnements réels, le principal apport de cette recherche est de montrer
l’importance des caractéristiques individuelles dans l’accès à la sensation d’immersion d’un
consommateur dans une expérience de shopping. Ce constat est riche d’implications
managériales. Par exemple, un personnel très accueillant à l’entrée d’un magasin peut avoir
une influence (même modérée) sur l’humeur d’un chaland : celui-ci sera alors en meilleure
condition pour vivre intensément son expérience de shopping. De même, l’accessibilité aux
produits doit être optimisée : lorsqu’un chaland dispose du produit dans les mains, son
attention est davantage focalisée sur cet objet, il peut plus facilement s’isoler de son
environnement immédiat et peut alors se projeter dans une situation d’utilisation future du
produit. Concernant les facteurs liés aux points de vente, nous avons pu montrer que l’action
des personnels en contact peut parfois desservir la sensation d’immersion.
En dernier lieu, le succès de l’analogie de la sensation d’immersion entre les environnements
étudiés, nous laisse penser que certaines caractéristiques de l’environnement virtuel
(largement propice à l’immersion) pourraient être transposées dans un environnement réel.
Par exemple, le caractère dynamique identifié dans cette recherche pour un environnement
virtuel peut inspirer certaines enseignes de distribution pour développer les atmosphères de
18
leurs points de vente. Il serait alors intéressant de vérifier pour une enseigne comme Ikéa, si le
fait de proposer davantage d’alternatives sur l’agencement de ses points de ventes (parcours
différents, nouveaux raccourcis, échappatoires) permettrait au chaland de percevoir davantage
de défis et de mobiliser ses compétences en orientation (ou connaissances du magasin) pour
optimiser l’exploration de ce lieu et mieux s’immerger dans l’univers de ce magasin.
Bien entendu cette recherche n’est pas exempte de limites, la principale étant liée à la taille et
à la nature des échantillons. Il serait intéressant de prolonger cette étude à d’autres types
d’environnements (virtuels et réels) afin de vérifier la robustesse des dimensions accordées à
la sensation d’immersion. D’autre part, au vu des enseignes fréquentées par les chalands
interviewés, seuls des magasins d’équipement de la personne ont été considérés dans cette
étude. Ces limites constituent autant de voies de recherches à venir.
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22
Annexe 1 : Panorama des études empiriques réalisées sur l’état d’immersion et de flow
Tableau 1 : Etat d’immersion et de flow identifiés dans des contextes expérientiels réels
Auteurs Contextes
expérientiels Dimensions de l’immersion Antécédents de l’immersion Définitions de l’immersion
Csikszentmihalyi
(1990)
Divers
moments de
vie
Objectifs clairs à atteindre
Interaction
Equilibre entre challenge et
compétences
Concentration
Degré de contrôle
Etat inconscient
Perception du temps
Caractère hédonique (intérêt)
Etat dans lequel un individu est tellement
impliqué dans une activité que rien
d’autre ne lui semble important ;
l’expérience elle-même est si jouissive
que les individus la réalisent pour le pur
plaisir de la vivre, quel que soit le prix à
payer.
Carù et Cova
(2003)
Concerts
Discovery
Sentiment de :
- bien-être
- développement
- gratification
Opérations d’appropriation :
- Nidification
- Exploration
- Marquage
L’immersion est alors présentée comme
un processus d’accès à l’expérience de
flux ou expérience extraordinaire (Hetzel,
2002) ou encore expérience inoubliable
(Pine et Gilmore, 1999).
Carù et Cova
(2006)
Etudes de cas
- Expériences
de marques
Immédiate
Progressive
(fonction du niveau de
compétences et de concentration
du consommateur sur le thème
de l’expérience)
Contextes expérientiels :
- Enclavé
- Sécurisé
- Thématisé
� Sur-stimulation des cinq sens
� Sur-stimulation de l’imaginaire
Facteurs d’aides à l’immersion :
- Guides
- Référents
- Communauté
- Rituels
- Formation
- Autonomisation
L'immersion est le moyen d'accès à un but
particulier, le vécu d'une expérience
subjective, qui, cumulée avec d'autres
expériences subjectives, contribue
notamment à atteindre un objectif global
de construction identitaire continue de
l’individu.
23
Auteurs Contextes
expérientiels Dimensions de l’immersion Antécédents de l’immersion Définitions de l’immersion
Fornerino,
Helme-Guizon et
Gaudemaris
(2005)
Deux concerts
de rock
Affective
Physique
Sociale
Sensorielle/perceptuelle
Cognitive
Etat d’activité intense dans lequel le
consommateur se trouve quand il accède
pleinement à l’expérience. L’activité peut
comporter un ou plusieurs types de
manifestations : cognitive, émotionnelle
(affective), physique, perceptuelle
(sensorielle) et sociale.
Fornerino,
Helme-Guizon et
Gotteland (2006)
Expérience
cinématograp
hique : film
d’horreur
Affective individuelle
Affective collective
Cognitive individuelle
Evasion
L’immersion est un état de concentration
des activités de l’individu autour d’une
unique expérience, accompagnée en
général d’une forte intensité d’activités en
cours. C’est elle qui donne accès à une
véritable expérience de consommation.
Elle se traduit par des réactions variées
(nature et intensité) au cours de
l’expérience.
Fornerino,
Helme-Guizon,
Gotteland (2008)
Expériences
cinématograp
hiques
Connexion avec l’expérience
Déconnexion avec le réel
Considérée comme un état dans cette
recherche. Il s’agit d’« un moment fort
vécu par le consommateur et résultant
d’un processus partiel ou complet
d’appropriation de sa part » (Carù et
Cova, 2006, p. 60). Un consommateur
fortement immergé dans un
environnement expérientiel est alors
impliqué, absorbé et totalement engagé
(Lombard et Ditton, 1997). Il a oublié la
réalité extérieure, a perdu la conscience de
ce qu’il est dans le monde réel au profit
d’un soi dans le contexte expérientiel.
24
Tableau 2 : Etat d’immersion et de flow identifiés dans des contextes expérientiels virtuels
Auteurs Contextes
expérientiels Dimensions de l’immersion Antécédents de l’immersion Définitions de l’immersion
Ghani et
Deshpande
(1994)
Utilisation
d’un
ordinateur au
travail
Concentration
Enjoyment
Contrôle
Challenge Définition de Csikszentmihalyi (1990)
Hoffman et
Novak (1996),
Novak, Hoffman
et Yung (2000)
Navigation
sur le web Flow (unidimensionnel)
Niveau élevé de compétence et de
contrôle
Niveau élevé de challenge et d’éveil
Attention focalisée
Vitesse d’interaction
Téléprésence
Distorsion de temps
Etat ressentit durant la navigation web,
caractérisé par (1) la fluidité des échanges
facilités par l’interaction avec la machine,
(2) intrinsèquement agréable, (3)
accompagné par une perte de conscience de
soi et (4) une meilleur réceptivité (aux
stimuli environnants).
Huang (2006) Navigation
sur le web
Contrôle
Curiosité
Enjoyment
Focalisation de l’attention
Intérêt
Le flow contient à la fois des aspects
affectifs et cognitifs.
Les expériences de flow sont des
expériences optimales et agréables dans
lesquelles un individu « contrôle ses
actions, maîtrise son propre destin… nous
ressentons un sentiment d'euphorie, un
profond sentiment de jouissance ».
(Csikszentmihalyi, 1990)
Mathwick et
Rigdon (2004)
Recherche
d’information
sur le web
Challenge
Compétence
Usage d’internet (expériences
passées)
Contrôle de la décision
Définition de Csikszentmihalyi (1975,
1990) : Etat optimal de motivation
intrinsèque qui résulte de l’équilibre entre
le défi perçu et les compétences de
l’individu, stimulées à hauteur d’un seuil
critique. Les consommateurs immergés
dans un environnement online ont une forte
attention focalisée et l’état d’esprit dans
lequel ils se trouvent est extrêmement
gratifiant.
25
Auteurs Contextes
expérientiels Dimensions de l’immersion Antécédents de l’immersion Définitions de l’immersion
Charfi et Volle
(2010)
Navigation
sur un site
web
Cognitive
Emotionnelle
Sensorielle
Sociale
Décor
Barre de contrôle
Agents virtuels
Etat psychologique intense caractérisé par
l’implication, l’absorption et l’engagement
total, avec une perte de repères temporels.
Dans certains cas, cette expérience
d’immersion conduit à une déconnexion du
monde réel, semblable à la sensation d’être
présent dans l’environnement virtuel.
Sénécal, Gharbi
et Nantel (2002)
Expérience
de shopping
sur le web
Concentration
Contrôle
Challenge
Enjoyment
Définition de Csikszentmihalyi (1975)
Novak, Hoffman
et Duhachek
(2003)
Expérience
de navigation
sur le web
Flow
Objectifs (récréationnels vs
dirigés vers un but)
Compétence
Nouveauté
Importance
Définition de Hoffman et Novak (1996)
Chou et Ting
(2003)
Expérience
de jeux vidéo
sur Internet
Concentration
Enjoyment
Distorsion de temps
Téléprésence
Comportement exploratoire
Un consommateur en état de flow éprouve
un sentiment de bonheur, accompagné d'un
sentiment de confiance et d’un désir
d'exploration. Dans cet état, un
consommateur peut également éprouver
une distorsion dans la perception du temps,
qui se produit souvent en l'absence de
contrainte de temps lors de la conduite
d'une activité spécifique qui apporte un
feed-back positif.
26
Annexe 2 : Description de l’échantillon étudié
(Consommateurs)
Entretiens réalisés pour l’expérience d’immersion dans un
environnement « réel »
Entretiens réalisés pour l’expérience d’immersion dans un
environnement « virtuel»
Prénom Age Fonction Enseigne Sexe Durée
entretien Prénom Age Fonction Jeux Sexe
Durée
entretien
Christiane 64
Retraitée de la
fonction
publique
3 Suisses F 24mn Nizar 26 Etudiant PES
a,
CS M 1h23
Alexandra 27 Conseillère
commerciale
Nature et
Découvertes F 29 mn Brice 28
Ingénieur en
informatique
FIFA,
PES,
CS
M 54 mn
Franck 40 Coach sportif et
chorégraphe
Bijouterie
(indépendante) H 23 mn Rémi 28
Manager de
communauté en
politique
Fallout M 32 mn
Pascal 27
Responsable e-
marketing
rugbyshop
Distributeur
Volkswagen H 30 mn François 29 Graphiste
Tactical
Obs M 34 mn
Lydia 49 Secrétaire de
direction Cultura F 24 mn Victor 15 Collégien
FIFA,
GTAb
M 45 mn
Marc 37 Commercial
itinérant Valley Blues M 20 mn
Gaëlle 36 Nurse H&M F 20 mn
Audrey 21 Etudiante Yves Rocher F 17 mn
Laury 21 Comptable Nature et
Découvertes H 23 mn
a PES (Pro Evolution Soccer) et FIFA (Fédération Internationale de
Football Association) sont des jeux de foot.
b CS (Counter Strike), Fallout, GTA (Grand Theft Auto) et Tactical Obs
sont des jeux de rôle c'est-à-dire que le joueur incarne un personnage.
1
Description de l’échantillon étudié (suite)
(Experts de l’industrie du jeu vidéo)
Experts en jeux vidéo
Répondant Entreprise Marque Durée entretien
Manager
communauté Ubisoft Might&magic et Just dance 1h05
Manager
communauté
Motion
Tween Jeux sur Internet 45 mn
Coordinateur
play test Ubisoft Tous types de jeux Ubisoft 40 mn
Chef de projet
(production) Ubisoft
Jeux vidéo développés par des studios
externes à Ubisoft 57 mn
2
Annexe 3 : Autres verbatim relatifs aux composantes de la sensation d’immersion
Environnement virtuel Jeux vidéo
Environnement réel Points de vente
Dimension cognitive
Projection de soi
Brice : Tu es immergé dans ce
monde là…tu communiques comme
ils communiquent en vrai comme le
GIGN, on n’a pas un langage
comme ça mais ça s’en rapproche.
Julien : des jeux à la première
personne First Person Shooter et du
coup, tu vois juste à travers les yeux
d’un personnage en fait… tu vois
juste comme si c’était toi qui était le
personnage ».
Julien : tu vas essayer de le faire
évoluer le plus possible, c’est
comme dans la vie, tu joues
vraiment un rôle.
Franck : Oui elle m’ouvre le truc et
je me... je me projette. Je me
projette et je visionne bien... oui
c’est son jeu à elle la commerçante
; de te projeter toi. Elle te fait vivre
ce qu’elle va vivre. Ressentir un
petit peu ce que tu vas provoquer.
Pascal : C’est surtout que sur le
moment, on s’est retrouvé tous les
deux seuls dans un véhicule qui
nous appartiendrait plus tard, où
on serait que tous les deux dedans.
Donc on s’est vraiment retrouvé
dans notre petit cocon (...).
Evasion
Victor : Parce qu’on ne rencontre
pas l’ordinateur, on rencontre
d’autres gens dans le monde entier
donc y en a des plus ou moins
entraînés donc…c’est vraiment
bien. C’est comme un peu en vrai
Rémi : C’est assez marquant en fait,
on sort de l’abri antiatomique, on
prend le soleil dans les yeux
Marc : J’ai ressenti une sensation
de bien être, d’être seul au monde.
D’être tout seul avec cette guitare
là et il n’y avait plus rien d’autre
qui comptait (...).
Alexandra : en sentant la bougie,
j'étais un peu en haut de la dune à
regarder l'océan qui frappe, à
sentir l'iode et la fraiche brise
marine sur mes joues...
Distorsion de temps
François : Ah oui ! je passais au
début, au tout début où je jouais
avec trois potes en fait, et on était
chez la mère de mon pote, on avait
trois PCs et genre au début, on
passait des nuits entières à jouer et
d’un coup, t’entends les oiseaux «
ah, merde, il est cinq heures ! »
Marc : Non, c’est passé en cinq
minutes. Le temps je ne l’ai pas vu
passé parce que dans tous les cas je
me sentais bien, l’atmosphère était
sympa, j’étais dans mon univers de
musique où je jouais de la guitare
donc je n’ai pas vu le temps passé
Audrey : je n’avais aucune notion
du temps pendant le soin mais alors
vraiment aucune notion du temps.
Enjoyment
François : Ah oui tout seul pffff ça
me… oui là je finis vite fait, je finis
le jeu à fond j’me dépêche en fait
pour me dire voilà je l’ai fait, je l’ai
fini
Rémi : j’aime bien les jeux où il
faut jouer une trentaine d’heures
pour arriver au bout
Lydia : c’est un moment très très
agréable, c’est un moment de bien
être, c’est un moment où tu t’évades
en fait, tu es dans une autre
dimension
Marc : J’ai ressenti une sensation
de bien être, d’être seul au monde.
D’être tout seul avec cette guitare
là et il n’y avait plus rien d’autre
qui comptait et j’ai vraiment eu du
plaisir.
3
Annexe 4 : Verbatims relatifs aux antécédents de la sensation d’immersion dans un
environnement virtuel
Environnement virtuel Jeux vidéo
Equilibre défi /
compétence
Victor : Au début de chaque match, selon le niveau que
l’on a nous, les objectifs à réaliser sont plus durs que pour
un autre donc c’est en réussissant ces objectifs qu’on peut
évoluer.
Apprentissage François : Dans les jeux vidéo, c’est plus tu y passes du
temps, plus t’as un gros niveau.
Implication
Nizar : Tu as envie d’acheter les meilleurs joueurs et que
ton équipe réussisse et tout ça…En fait, tu es ultra-
impliqué dans ce qui se passe.
Contrôle perçu
Victor : C’est vraiment réaliste parce qu’on peut tout
gérer, on peut gérer les transferts, le budget du club (…)
améliorer son staff, son stade(…) c’est vraiment complet et
c’est ça qui me plaît.
Social
Brice : Quand tu rentres dans ce genre de truc, c’est qu’au
final tu cherches aussi un moyen de te créer une
communauté en dehors de la vie réelle.
Focalisation de
l’attention
Brice : Au moment de lancer l’attaque, il faut être
concentré pour micro-gérer le truc.
Caractéristiques
individuelles
Individualisme
François : Online, je trouve que l’histoire ce n’est pas si
important que ça, vu qu’il y a de vrais gens avec toi qui
jouent. L’immersion ce n’est pas la même quoi…alors que
c’est vrai que quand c’est un jeu solo, là il faut une
histoire, faut se mettre dedans comme dans un film ou
comme dans un livre.
Compelling Jessica : Comme tous les RPG, il y a un gros background,
avec tout un univers.
Caractère
dynamique
Rémi : Suivant ce que l’on dit, l’histoire bascule suivant ce
qu’on dit à plusieurs personnes, y a plusieurs façons de
finir le jeu, on peut devenir méchant, gentil. Pour moi c’est
ça, c’est l’immersion totale.
Personnalisation
Noémie : Donner la possibilité aux joueurs de créer leurs
propres habits au jeu, de créer par exemple leur propre
personnage, de créer leur propre arme, leur propre carte
par exemple pour évoluer dans le jeu.
Gestion du
facteur social
Benoit : Ils se sentent valorisés parce voilà quand leur site
est fait, en général, ils sont dans un annuaire et donc ils
sont quand même bien visibles et bien identifiés par la
communauté.
Caractéristiques
environnementales
Réalisme/
Authenticité
Jessica : Les joueurs vont demander des graphismes de
plus en plus poussés pour approcher de plus en plus du
réalisme.
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Annexe 5 : Autres verbatims relatifs aux antécédents de la sensation d’immersion dans
un environnement réel
Environnement réel Points de ventes
Humeur Pascal : C’était un vendredi soir en fin de semaine,
donc relax de la semaine de boulot.
Focalisation de
l’attention
Laury : La forme du produit et la couleur. Pas le prix
puisque de toute façon, rien n’est cher là-bas. C’est
plus visuel. Il me plaisait plus qu’un autre.
Implication
Christiane : j’ai fais tout le tour des rayons, j’ai pu
regarder tous les produits, j’ai essayé des vêtements
(...).
Apprentissage
Laury : C’est vrai que c’était intriguant et je pouvais
passer des heures devant ça et je me disais « bon,
comment ça marche » et c’est vrai que c’était... et
après j’ai demandé un conseil à un vendeur.
Caractéristiques
individuelles
Sensibilité à
l’état
d’immersion
Christiane : Ça me fait du bien aussi si je n’ai pas le
moral, si quelque chose me tracasse de trop, parce
qu’effectivement c’est un lieu où j’oublie tout
Atmosphère
du point de
vente
Laury : Il y avait des odeurs, de la musique, des
lumières, il y avait tout un ensemble qui faisait que je
me sentais bien dans ce magasin (...).
Interactions
avec les
produits
Lydia : Quoi que tu ouvres comme bouquin, quel que
soit le comportement dans lequel tu es, tu trouves des
choses qui t’attirent.
Caractéristiques
environnementales
Personnel en
contact
Christiane : Voilà. Alors c’est vrai qu’il y a une
ambiance aussi où l’on me fiche la paix. Je pense que
ça c’est primordial aussi.