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Remise du Prix Humanisme chrétien 2015

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Remise du Prix Humanisme chrétien

2015  

                                                                               

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Remise du Prix Humanisme chrétien 2015

à Jean-Guilhem Xerry

le 6 novembre 2015

à Paris Dominique DUCRET, président de l’AEES, Association d’éducation et d’entraide sociales Au nom de l’Association d’éducation et d’entraide sociales, que j’ai l’honneur de présider, je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes, tout particulièrement aux représentants des Editions du CERF, ainsi qu’au lauréat du Prix Humanisme Chrétien 2015, Jean-Guilhem XERRI, aux membres de sa famille et à ses amis qui ont bien voulu se joindre à nous aujourd’hui. Je relève la présence, autour de moi, des membres du Jury et de plusieurs membres de l’Académie d’éducation et d’études sociales. L’AEES est une association franco-suisse, dont le siège est en Suisse. Créée en 1922, elle a pour but, à la fois, de contribuer à l’étude, à l’enseignement et à la promotion de principes de comportement conformes à la tradition sociale et humaniste chrétienne et de soutenir toute institution, œuvre ou action répondant à ce but. C’est ainsi que l’AEES soutient et finance, en priorité, l’Académie d’éducation et d’études sociales (AES), association française composée de 40 membres, qui a elle pour but « L’étude des questions sociales dans un esprit conforme à la tradition humaniste chrétienne ». En 2003, les deux associations ont décidé de créer le Prix « Humanisme chrétien », lequel s’inscrivait dans la succession du prix de l’AES, lui-même décerné depuis 1992. Ce Prix, d’un montant de 10'000.- euros est destiné à récompenser un ouvrage novateur et formateur, accessible au plus grand nombre et répondant aux valeurs de tradition sociale et d’humanisme chrétien que les deux associations ont pour but de promouvoir. Il récompense un livre rédigé en langue française, un film, un DVD ou un CD. La date de publication ou de diffusion ne peut être antérieure à 5 ans. La nationalité de l’auteur est indifférente. Plusieurs personnes peuvent recevoir le prix. Un comité de 4 personnes (2 suisses et 2 français) sélectionne les ouvrages proposés soit par des membres de l’Association ou de l’Académie, soit par des éditeurs ou des libraires et il soumet sa sélection à un jury composé des 16 membres de l’AEES (8 suisses et 8 français).

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A ce stade, je veux, comme chaque année, remercier chaleureusement les membres du comité de sélection et les féliciter pour leur excellent travail: il s’agit de Bernard Lacan, qui le préside, de Jean-Paul Guitton, de Jacques Neirynck et d’André Kolly. Le Prix Humanisme chrétien n’ayant pas été attribué en 2009 et 2014, il en est, cette année, à sa dixième édition. Nous fêtons donc un anniversaire symbolique et il me plait de souligner une « cuvée » particulièrement remarquable. Plusieurs dizaines d’ouvrages furent soumis au Comité de sélection. Finalement, quatre d’entre eux furent proposés au vote du jury. « A quoi sert un Chrétien » de Jean-Guilhem Xerry fut choisi dès le premier tour de la délibération. Obtinrent des voix Cheyenne Carron pour son DVD « L’Apôtre » et Jean-Claude Escafit pour son ouvrage « A la recherche du père ». Au nom de l’AEES, je félicite chaleureusement Jean-Guilhem Xerry, en soulignant et en me réjouissant de la parfaite adéquation de son ouvrage avec les objectifs et la philosophie du prix Humanisme chrétien. Dans un instant, le professeur Jean-Didier Lecaillon, membre du jury et président de l’AES, prononcera la laudatio de circonstance. Mais, dans un premier temps, il m’appartient de céder la parole à M. Jean-François Colosimo, directeur des Editions du CERF. Jean-François Colosimo, directeur des Editions du Cerf Quel autre mot puis-je avoir que celui de “merci”, de gratitude. Pour un éditeur, voir qu’un auteur – on s’honore de publier un auteur –, mais voir cet auteur honoré par des lecteurs, des lecteurs réunis en cénacle, des lecteurs qui se proposent eux-mêmes de justifier leur choix sur les mêmes critères de vérité et d’engagement qui font l’existence de notre maison – l’humanisme chrétien dont je vous avais parlé, Monsieur le Président – je trouve cela formidable pour nous. C’est un encouragement. Vous nous honorez en honorant cet auteur que nous avons nous aussi voulu honorer. Cet ouvrage essentiel : « À quoi sert un chrétien ? », on va le voir, on va le savoir en lisant Jean-Guilhem Xerry. À quoi sert Jean-Guilhem Xerry ? À être un véritable témoin, je crois, dont on entendra de plus en plus parler. Je crois que votre geste est vraiment précurseur. Encore une fois, merci pour lui. C’est un très beau prix. C’est un prix qui compte. C’est un moment, une étape essentielle dans un parcours. Et puis je dirai : À quoi sert votre belle Académie ? Très justement, à nous dire de continuer grâce à vous.

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Donc merci et gratitude. Gratitude d’être aujourd’hui un éditeur comblé grâce à l’auteur et grâce à vous, éminents lecteurs de notre édition. Jean-Didier Lecaillon, président de l’AES, Académie d’éducation et d’études sociales. 1/ Objet de notre Académie Quelques mots sur l’AES et sur l’AEES qui ont le plaisir de vous réunir aujourd’hui pour la remise du prix HC : la première, bien aidée sur le plan matériel par la seconde, organise des cycles d’études dans l’esprit voulu par ses fondateurs à savoir « contribuer à l’étude de l’enseignement social chrétien dans une perspective d’action ». Notre souci est d’éducation, de formation, d’approfondissement de la DSE dans une démarche d’Evangélisation. 2/ Le prix Humanisme Chrétien Le prix Humanisme Chrétien qui vous est aujourd’hui décerné se veut être, non seulement un accélérateur de visibilité, mais aussi un encouragement, à travers ce label que vous pourrez désormais mettre en avant, à effectuer des travaux dans l’optique qui est la notre. Dans une société européenne et dans un monde animés par tant de turbulences, la tentation est grande en effet pour les chrétiens de se démobiliser ou de multiplier les interventions ponctuelles sur les questions d’actualité urgente pour dénoncer les dérives, porter une voix à contre-courant, faire « gagner » leurs idées, sans toutefois se poser cette belle et importante question : quelle est la mission reçue de notre Baptême ? A quoi sommes-nous appelés ? A quoi servons nous ? Devant l’atonie spirituelle qui caractérise nos sociétés, l’Eglise ne nous appelle-t-elle pas à trouver de nouveaux moyens adéquats pour proposer à nouveau l’Evangile ? Nous avons perçu chez vous, à travers vos propos, toutes ces questions même si vous pourrez nuancer les miens puisque pour vous il s’agit moins d’une nouvelle évangélisation que de trouver les modalités d’une évangélisation contemporaine. Mais quelle que soit la façon de l’exprimer, l’objectif reste bien de faire découvrir au plus grand nombre les réponses pertinentes aux défis d’aujourd’hui. Cette tâche incombe à tout le peuple de Dieu et donc à tous les laïcs : il s’agit de travailler du dedans à la modification du monde, en répondant ainsi à l’appel de Saint JPII que vous nous rappelez fort à propos : « l’heure des laïcs a sonné ! ». Quel magnifique mot d’ordre pour les membres d’une association de laïcs qui souhaite se mettre au service de l’Enseignement Social Chrétien ! L’enjeu est de taille pour tout humaniste, et en particulier pour les chrétiens car, comme vous le dites fort justement à propos du transhumanisme, «l’expression

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formidable de l’intelligence humaine nécessite que l’homme se donne des limites…» (p. 160). Permettez-moi une courte citation pour concrétiser tout cela (pp. 254-55 : «Devant les enjeux… ont à la promouvoir»). 3/ Une démarche que nous nous approprions bien volontiers… Au-delà de ces considérations générales, qui explicitent fondamentalement je l’espère ce que nous voulons retenir de votre contribution, ce qui a plu à notre jury et qui nous vaut aujourd’hui le plaisir de couronner votre livre : «A quoi sert un chrétien ?», c’est d’abord la brutalité ou mieux la simplicité et l’humilité du titre qui nous a frappé ! Nous avons également apprécié que vous ne vous précipitiez pas dans des réponses rapides à cette belle question que vous posez : vous avez pris le soin et le temps de retracer avec beaucoup d’objectivité l’évolution de notre société au cours des 50 dernières années pour fixer calmement le cadre dans lequel s’inscrit l’action des chrétiens aujourd’hui. Et nous pouvons dans ces conditions retenir sans difficulté votre conclusion qui est essentielle : notre société est passée en mode post chrétien et si elle conserve quelques valeurs du christianisme telles que liberté, solidarité, égalité, elle passe à côté de l’essentiel : le Christ. Cette conclusion serait terrible si elle nous conduisait à baisser les bras. Au contraire, vous nous incitez à relever le défi et nous trouvons ainsi, non pas une justification mais au moins un encouragement à l’action que nous souhaitons tellement, en faveur de l’humanisme chrétien évidemment. 4/ Contribution à une définition de l’humanisme chrétien La perspective que vous nous offrez s’inscrit en effet parfaitement dans l’optique de l’humanisme chrétien que vous nous aidez à mieux définir : vous n’imaginez pas les difficultés que nous avons rencontrées pour expliciter cet HC que nous voulions, à travers ce prix, promouvoir ! Grace à vous, nous disposons désormais de références solides pour envisager si ce n’est une définition, au moins des critères précis pour guider nos choix à venir... Ainsi en est-il quand vous nous dites qu’« il n’est pas possible de figer l’humanisme chrétien dans un camp… tant il trouve sa source dans une vision de la personne humaine et non dans une idéologie politique » (pp. 92-93). Je retiendrai aussi bien volontiers, évoquant une fois de plus la mémoire de notre fondateur, ce que vous dites sur l’apport intellectuel humaniste des chrétiens tant cela sied bien à une académie telle que la notre (cf. citation p. 105 : «Cet apport… manifestation»), ce qui n’empêche pas votre juste remarque selon laquelle (c’est p. 187) « si toutes les réalités humaines ne sont pas réductibles à du surnaturel, le spirituel est bien réel dans la vie des hommes » de telle sorte que, toujours en reprenant votre texte, « les chrétiens portent cette mission d’aider leurs contemporains à entrer dans une lecture spirituelle de la vie »… Que pouvons nous souhaiter de plus concret pour notre action ?

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Mais votre contribution dépasse largement le service que vous nous rendez en nous confortant dans l’idée que nous avons eue en créant ce prix, et surtout en nous permettant d’expliciter ce que nous cherchons à promouvoir. C’est pourquoi, pour terminer, je voudrais mentionner plus spécialement quelques-uns de vos apports, chacun justifiant à lui seul votre récompense. 5/ Quelques apports remarquables Par exemple, avec sérénité et sans amertume certes, mais avec beaucoup de clairvoyance, vous montrez combien l’Europe a été atteinte d’une perte de sa mémoire culturelle et spirituelle. Le refus de faire figurer les racines chrétiennes de l’Europe comme apport essentiel et majoritaire dans sa constitution est illustratif d’un grave rétrécissement de son univers spirituel et intellectuel. Vous montrez ainsi comment et combien la société s’est peu à peu enlisée dans l’indifférence, l’ignorance, et parfois l’hostilité au regard desquelles les paroles des chrétiens sont peu audibles. Puis, à la question de savoir comment nos actions, nos attitudes, nos relations peuvent être source d’évangélisation, vous apportez une réponse, remplie de foi et d’humilité, que je cite tellement elle est merveilleusement exprimée : « La reconnaissance à travers un acte de charité de Celui qui donne la vie ne peut être qu’un bénéfice secondaire venant d’un cœur touché en profondeur simultanément par ce geste et par la grâce ». En peu de mots, vous situez ainsi notre action en complémentarité de la grâce, don de Dieu : aimer avant d’évangéliser, accepter d’être un serviteur inutile, consentir au mystère et à la liberté d’une personne dites vous… Il y a dans votre pensée comme un désir profond de promouvoir une Amitié au service du Vrai, ce qui est très fort, très profond et… très nécessaire ! J’incite à ce sujet tous ceux réunis aujourd’hui autour de vous à lire le texte d’Eloi Leclerc que vous nous rappelez pp. 228-29. Vous pouvez ainsi comprendre pourquoi (comment ?), les membres de notre jury se sont sentis, tout au long de votre ouvrage, en pleine phase intellectuelle et spirituelle avec vous. Je saisis cette occasion pour dire que c’est dans la même conscience humaniste que nous conduisons au cours des années les cycles de réflexion de notre Académie dont nous pourrons si vous le souhaitez vous préciser les thèmes qui ont retenu notre attention et dont les Annales sont disponibles... Oui, cher Monsieur, comme vous, nous pensons (en reprenant vos propres termes) que « le monde ira mieux si la volonté de Dieu s’y accomplit davantage ». En définitive, si certains pourraient dire que votre livre rappelle bien des choses que l'on sait déjà, il a le grand mérite de nous faire mieux comprendre que nous ne croyons pas assez en elles. Vous nous rappelez :

-­‐ que c’est la perspective de la vie éternelle qui donne sens à la vie ; -­‐ que le Seigneur ne nous demande pas de convertir les gens mais de les

évangéliser ; -­‐ que la vie intérieure, une rencontre personnelle avec le Christ, sont

nécessaires. Tous ces éléments bien connus auraient pu donner à ce livre un aspect terne. Mais,

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parce qu'ils ont été oubliés par beaucoup, leur présentation renouvelée est la clé d'une renaissance que vous nous offrez. Soyez-en remercié… Réponse de Jean-Guilhem Xerry Tout commencement de discours est difficile et la difficulté de celui-ci n’est pas la moindre. Aussi afin de m’épargner les incertitudes du début, je vais m’appuyer sur la tradition, en désignant ce qui traversera tout ce propos : de la gratitude. Mais est-il en réalité nécessaire qu’une tradition me prescrive ce devoir ? N’y a t-il pas en effet sentiments plus naturels et spontanés en telle circonstance que des remerciements ? Je n’éprouve aucune difficulté à exprimer une profonde reconnaissance tant j’estime que mes mérites sont illusoires et comme je le disais lors de mon entrée dans l’ordre de la légion d’honneur que mes déshonneurs sont légions. La distinction qui nous réunit ce soir n’est qu’une confirmation supplémentaire que rien ne m’est dû et qu’en l’espèce tout est don immérité, don des hommes et don du Ciel, ce dernier passant souvent par les premiers.

Ce n’est pas un sentiment, la gratitude, mais deux qui ont surgi en moi lors de l’annonce de ce prix. Le second fut la surprise. Cet heureux étonnement est certainement lié à mes états de service scolaires où ce qui me distinguait n’a jamais été la qualité de mon bulletin de notes mais mon indiscipline et mon caractère dissipé, suscitant chez mes parents de réelles et aimantes inquiétudes quant à mon avenir…

Ne nous y trompons pas cependant, ce qui est distingué ce soir, ce n’est pas un auteur, mais un livre et pas même un livre mais « l’humanisme chrétien ». En témoignage de ce remerciement, je vous propose d’aller à sa rencontre, tout du moins de nous en approcher à travers deux prismes : sa pertinence et sa transmission.

Sa pertinence d’abord

Ce livre « A quoi sert un chrétien ? » a, comme les précédents, une histoire, son histoire. Il est le fruit d’interpellations régulières, que des non-chrétiens de mon entourage m’ont faites sur l’utilité des chrétiens. Il a vu le jour aussi suite à une demande des évêques de France de participer à leur réflexion sur la place des catholiques dans la société. Enfin, il est une réaction viscérale au déclinisme et pessimisme de beaucoup de chrétiens ou de communautés, ne sachant eux-mêmes pas vraiment répondre à cette question « A quoi servent les chrétiens aujourd’hui ? » Evidemment, rien ne se serait concrétisé si je ne portais pas moi-même cette interrogation. Je me suis alors efforcé d’y apporter une réponse personnelle, libre, à la lumière notamment de mes années d’engagement public et explicite comme chrétien.

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Mon attention est retenue par la réception qui est faite de ce livre. Ses usages apparaissent multiples : support pour de la catéchèse, matière d’étude pour des séminaristes, parcours pour des sessions ou des retraites, lecture de Carême, aide au discernement pour des engagements, … Les demandes de conférence sont elles aussi variées : doctrine sociale, transhumanisme, théorie des genres, écologie humaine, service des plus pauvres, sens du soin, évangélisation, humanisme. Cette palette de thématiques est révélatrice de toute la richesse de la Révélation chrétienne. Car c’est bien elle le sujet de ce livre et que j’ai essayé de rendre accessible pour en montrer l’irremplaçable pertinence.

Nous sommes en train de vivre une mutation de civilisation, un changement d’ère comme l’établissent les philosophes. Et les défis de notre humanité qui accompagnent ce mouvement sont majeurs : la financiarisation du monde, nos modes de consommation, les migrations massives, la place du numérique et des technologies dans nos vies, la reconsidération des relations entre hommes et femmes, la conscience des limites de notre planète et d’un patrimoine écologique commun, les évolutions du rapport au travail, le développement des communautarismes et des radicalisations politiques et religieuses, notamment. A ces grands sujets, correspondent des questions : qu’est-ce qu’un humanisme qui ne soit pas que de l’assistanat, comment ne pas se laisser enfermer par le matérialisme, comment ne pas confondre émotion et compassion, qu’est-ce qui fonde la solidarité entre les peuples et les personnes, faut-il choisir entre don de soi et affirmation de soi, la performance est-elle compatible avec l’altruisme, quelle est la place des personnes considérées comme inutiles dans notre société, comment se situer devant la souffrance, notre existence n’est-elle que biologique. La liste est encore longue de ces questions qui d’un premier abord paraissent théoriques et qui en réalité sont très concrètes pour nos vies. Chacun la complétera à son gré. Mais sur le fond, notre crise majeure n’est ni économique, ni financière, ni écologique, ni sociopolitique, ni géopolitique : c’est une crise spirituelle liée à deux origines : d’abord l’absence radicale – dans les élites et dans les masses – de la vision d’un sublime chez l’homme et ensuite la difficulté à prendre en considération notre intériorité.

La révélation chrétienne n’apporte pas un plan d’action tout fait ni une feuille de route opérationnelle fermée. Au contraire, elle sollicite la créativité, la responsabilité et la liberté de l‘homme en éclairant et nourrissant son intelligence et son cœur à partir de trois axes fondamentaux : des actions, une anthropologie et une espérance : des actions au service des hommes et particulièrement les plus fragiles, une anthropologie qui reconnait que l’humanité est faite de réalités naturelle et surnaturelle profondément unifiées, et une espérance dans la résurrection de la chair.

Pour faire face à tous ces défis, l’humanité doit connaître le sens de l’homme, donc de ses activités, de son essence et de son devenir. Voilà le génie du christianisme : cette vision intégrale de la personne et de la communauté humaine qui aujourd’hui nous fait tellement défaut. Il y a des conceptions de l’Homme matérialistes et utilitaristes qui se développent, avec des conséquences effrayantes. Affirmer que l’homme n’est qu’un paquet de cellules, ou qu’il ne vaut que par son utilité économique ou encore que l’hédonisme suffit à donner un sens à une existence n’amène pas à construire le même monde. Oui, face à ces défis, la révélation chrétienne est singulière et pertinente. Elle dit à l’homme son unité corps et âme, la beauté de sa sexuation, sa finitude et ses limites comme espace laissé pour l’amour, une liberté qui se comprend avec la responsabilité et la solidarité, sa dignité sans conditions. La révélation chrétienne l’appelle à décider sous l’angle du

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Bien commun, elle fait entrer dans une logique de don de soi, elle appelle à se soucier des plus fragiles et à chercher tant que possible les voies du pardon et de la non-violence. Cette vision intégrale de l’Homme reconnait aussi à chacun une réalité biologique et spirituelle, une vocation terrestre et éternelle.

Je ne crois pas à la possibilité de changer l’homme par les simples vertus d’une transformation de l’ordre social ou des progrès de la technologie. L’homme est plus complexe, plus mystérieux finalement, même s’il vient à l’ignorer lui-même. Et le christianisme vient mettre des mots sur ce mystère qu’est l’homme et lui en révéler sa beauté. D’une certaine façon, la révélation chrétienne nous fait croire en l’homme au moment où nous avons tant de raisons de désespérer de lui.

La transmission ensuite

Pertinence d’abord et transmission ensuite, disions-nous en introduction.

Plus on avance dans le christianisme, plus on est confronté au mystère de l’Homme et de Dieu.

La compréhension de la révélation chrétienne est parfois fulgurante comme une évidence qui s’impose de façon instantanée, elle est le plus souvent une expérience spirituelle qui avance par élucidation progressive. Il faut du temps pour que la vérité se découvre, s’explicite, se débarrasse des images et des a priori. Il faut des rencontres, du délai, de l’attente, de l’essai, de l’échec parfois pour saisir combien le christianisme est infiniment plus, radicalement autre que nos représentations courantes …

Ce constat que nul n’est jamais réellement chrétien ou que nous ne le sommes jamais définitivement, nous amène naturellement au second point de notre propos : la nécessité de sa transmission. Si la proposition chrétienne est particulièrement pertinente et salutaire, il convient qu’elle soit connue, transmise, apprise, partagée, expliquée. Quatre réalités m’apparaissent à cet égard particulièrement porteuses. La famille, l’Eglise, ceux au milieu de qui nous vivons et la culture.

La famille est le lieu de transmission par excellence. Par excellence car s’y jouent plus qu’ailleurs deux enjeux structurants : celui de la cohérence entre les paroles et les actes d’une part et celui du don, de ses limites et du pardon d’autre part. Je sais ce que j’ai reçu de et dans ma propre famille, c’est pourquoi mon livre précédent était dédié à mon père, et celui-ci à ma mère et ma marraine ici présentes. Mais une famille, c’est bien plus que des parents et votre présence à tous en témoigne. C’est donc d’abord à vous que vont mes mercis et mon affection.

L’Eglise ensuite, car la transmission chrétienne est affaire de communautés, de témoins et de pasteurs. Et il me revient en ce jour nombre de visages qui auront semé en moi quelque chose du christianisme, qui en auront été de vraies figures ou qui continuent à être des sources. Des prêtres, des laïcs hommes ou femmes, connus ou non du grand public comme Madeleine Delbrel, le père Marie-Eugène, Patrick Giros, le père Tiger, François d’Assise, Antoine de Padoue.

La transmission de la révélation chrétienne est une histoire de rencontres. Et ce sont aussi des proches, des amis, des personnes le plus souvent considérées comme « ordinaires » qui m’aident à mieux saisir, sentir le goût que peut avoir une vie chrétienne. C’est ici la pudeur qui me commande de ne pas les nommer. Je m’associe donc à elles in pectore.

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La culture enfin est un espace de transmission capital. J’entends par culture tous ces lieux qui proposent pour tous du contenu, de la réflexion, qui élèvent l’âme et l’intelligence et essaient de nous rendre tous plus humains. En cette occasion, je remercie tout particulièrement mon éditeur « Le Cerf » pour sa confiance et au-delà pour la qualité de son projet éditorial qui nourrira abondamment tout chercheur d’Absolu. J’exprime enfin ma reconnaissance à l’Association d’éducation et d’entraide sociales et l’Académie d’éducation et d’études sociales pour le travail qu’elles font pour la promotion de l’humanisme chrétien. Leur objet est non seulement sa transmission mais l’étude de sa mise en œuvre pour répondre aux défis d’aujourd’hui. Les travaux menés ces dernières années en témoignent : la pauvreté, l’immigration, la mort, la famille, la nature, la sexualité, l’éducation nationale. Si certains ici présents qui vous parlent écrivent un livre pour tenter de répondre à la question « à quoi sert un chrétien ? », d’autres comme l’AES et l’AEES en sortent chaque année sur le même thème !

Conclusion

On n’entre jamais seul nulle part. Et en recevant ce prix, je rejoins une liste d’auteurs comme Martin Steffens, Emmanuel Faber, Sophie Lutz, Paul Valadier, Marie Balmary. Je songe aussi aux écrivains qui par leurs livres m’ont indiqué et ouvert des chemins. Deux m’accompagnent ce soir, Christian Bobin et Jean Guitton. Chacun à leur façon, ils ont ouverts les yeux de mon âme afin que je puisse y apercevoir la Vie qui veut se donner. « La joie suprême est d’aider un être à vivre » nous dit le poète. Telle doit être la joie de Dieu.

 Hervé   de   Kerdrel,   trésorier   de   l’AES,   remet   à   Jean-­‐Guilhem   Xerry   le   prix  Humanisme  chrétien  2015.  

   

   

 

   

 

   

   

 

 

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