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[0]
RRAAPPPPOORRTT DDEE LL’’ÉÉTTUUDDEE DDEE MMAARRCCHHEE
MMIICCRROOFFIINNAANNCCEE IINNTTEEGGRREEEE PPOOUURR LLEESS JJEEUUNNEESS AAUU SSEENNEEGGAALL
AVRIL 2011
PAULINE GARNIER-CRUSSARD
FREEDOM FROM HUNGER
[1]
TABLE OF CONTENTS
Introduction ...................................................................................................................................................... 2
Contexte de l‟Etude de marché ...................................................................................................................... 2
L‟organisation partenaire ............................................................................................................................... 2
Objectif de l‟Etude de marché ....................................................................................................................... 3
Conception et méthodologie de l’étude de marché ....................................................................................... 4
Localisation des enquêtes .............................................................................................................................. 4
Profil des participants .................................................................................................................................... 6
Méthodologie : discussions thématiques de groupes (DTGs) ........................................................................ 7
Contextualisation des sites et des populations rencontrées .......................................................................... 8
Le concept « Jeunes » .................................................................................................................................... 8
Travail des enfants au Sénégal ....................................................................................................................... 9
Résultats de l’Etude de marché .................................................................................................................... 10
Résultats des discussions thématiques avec les jeunes ............................................................................ 10
Sources de revenu .................................................................................................................................... 10
Usage de l‟argent ..................................................................................................................................... 12
Service financier : l‟emprunt ................................................................................................................... 12
Service financier : l‟épargne .................................................................................................................... 14
Opinion sur l‟EPC .................................................................................................................................... 15
Regroupement actuel des jeunes .............................................................................................................. 15
Soutien de la part de la communauté et défis envisagés .......................................................................... 16
Opportunités de rassemblement des jeunes en groupes d‟épargne .......................................................... 16
Nomination des groupes d‟épargne ......................................................................................................... 18
Montants suggérés de cotisations pour les groupes d‟épargnes de jeunes ............................................... 18
Résultats des discussions thématiques avec les parents/leaders communautaires ............................... 18
Service financier : l‟emprunt ................................................................................................................... 19
Service financier : l‟épargne .................................................................................................................... 21
Opinion sur l‟EPC .................................................................................................................................... 23
Regroupement actuel des jeunes .............................................................................................................. 23
Mise en place d‟un programme tel qu‟Epargner pour le Changement .................................................... 23
Recommendations pour la conception du projet de Microfinance Intégrée pour les jeunes .................. 25
Situation scolaire ...................................................................................................................................... 25
Genre ........................................................................................................................................................ 25
Classe d‟âge ............................................................................................................................................. 26
Services additionnels ............................................................................................................................... 26
Conclusion ...................................................................................................................................................... 27
[2]
Introduction
Contexte de l’Etude de Marché
L‟initiative de Microfinance Intégrée pour les Jeunes vise à développer, tester et documenter des innovations
dans l‟intégration de services financiers avec éducation pour des jeunes sénégalais âgés de 13 à 24 ans.
L‟objectif du projet est d‟améliorer la capacité des jeunes, vivant dans la pauvreté à accéder aux services
financiers et de s‟en servir comme moyen d‟améliorer leurs opportunités économiques futures. En
collaboration avec Tostan au Sénégal -ONG présentée plus en détails par la suite- Freedom from Hunger
vise à proposer des services financiers intégrés à ces jeunes.
Les jeunes ne constituent pas un groupe uniforme de personnes aux besoins desquels une approche standard
serait adaptée. Les différences culturelles, la période de vie, la disponibilité et l‟accès aux ressources locales
sont autant de facteurs qui déterminent les besoins financiers spécifiques de la jeunesse et les manières d‟y
faire face. Afin d‟assurer une éducation financière pertinente selon le lieu et le profil des jeunes, et que son
assimilation et son application soient réussies, Freedom From Hunger et son partenaire Tostan ont collaboré
sur la conception et la mise en œuvre de l‟étude de marché au Sénégal. Cette étude porte une attention
particulière sur les risques et vulnérabilités auxquels est confrontée la jeunesse dans des contextes
spécifiques, assurant ainsi que ces services financiers intégrés soient fournis dans un environnement
sécurisé.
L’organisation partenaire
Tostan est une organisation non gouvernementale, qui signifie “éclosion” en wolof, une langue
majoritairement parlée au Sénégal1. Grâce à ses programmes mis en place depuis 1991, Tostan a directement
touché plus de 160 000 bénéficiaires et l‟a fait indirectement pour plus de deux millions d‟individus. En
outre, Tostan a permis à des milliers de communautés d‟Afrique de l‟Ouest d‟accéder à un programme
d‟éducation mis en place de façon holistique pour une durée de trente mois. Les communautés visées par
Tostan sont situées au Burkina Faso, à Djibouti, en Gambie, en Guinée équatoriale et Guinée Bissau, au
Mali, en Mauritanie, au Sénégal, en Somalie et au Soudan.
Tostan vise une capabilisation2 des communautés africaines fondée sur les droits humains et permise par un
développement durable et une transformation sociale constructive et positive3. Tostan mène cette mission
grâce au Programme de Renforcement de Capacité Communautaire (PRCC). Le but du PRCC est de fournir
aux communautés africaines des compétences et des connaissances afin d‟améliorer durablement leurs
1 Egalement parlée en Gambie et en Mauritanie.
2 Le terme « capabilisation » renvoie à l‟idée anglophone de « empowerment », c‟est-à-dire de responsabilisation,
‟autonomisation et de maîtrise des connaissances. 3Tostan a délibérément adopté l‟approche selon laquelle toute évolution socio-économique et culturelle passe par le
respect des traditions et coutumes dont la réalité est appréhendée de manière positive au lieu d‟être stigmatisée et
combattue abruptement.
[3]
conditions de vie. Développé de façon méthodique depuis quinze ans à travers un processus de consultation
systématique des communautés et de révisions minutieuses, le PRCC est devenu un des programmes de
développement d‟Afrique le plus original et le plus efficient.
Objectif de l’Etude de marché
Comme introduit précédemment, l‟objectif du projet Microfinance Intégrée pour les Jeunes est d‟améliorer
la capacité des jeunes vivant dans la pauvreté, à accéder à des services financiers et à s‟en servir comme
moyen de saisir les opportunités économiques futures qui leur sont ouvertes.
Freedom from Hunger et Tostan ont collaboré pour mener cette étude de marché avec des jeunes sénégalais
dans les régions de Thiès, Mbour et Kaolack dans le but d‟identifier les approches appropriées permettant de
capabiliser4 les jeunes en termes d‟accès, d‟usage de services financiers ainsi que leur appropriation des
fondements d‟une éducation financière.
Ainsi, l‟étude examine de manière qualitative les pressions financières qui se posent aux jeunes et les
stratégies que ces derniers ont pour y faire face. Ce rapport envisage également le rôle des jeunes dans
l'économie des ménages, les options envisageables pour qu‟ils se réunissent en groupes et leurs préférences
pour des services financiers intégrés et de l‟éducation financière.
Le questionnaire de recherche déterminé en concertation par Freedom From Hunger et Tostan, s‟articule
autour des quatre objectifs suivants :
1. Identification des pressions financières auxquelles les jeunes font face ;
2. Identification et analyse leur stratégies financières actuelles ;
3. Identification de l‟autonomie des jeunes dans la prise de décisions et la gestion de l‟argent ;
4. Identification des mécanismes appropriés pour leur fournir des services financiers intégrés.
Pour atteindre ces objectifs, les discussions thématiques de groupes (DTGs) soulevaient les questions
ouvertes suivantes :
Identification des sources d’argent accessibles aux Jeunes : Quelles peuvent être les activités génératrices
de revenu des jeunes ? A quelle fréquence et période de l‟année les jeunes reçoivent-ils de l‟argent provenant
de cette (ces) source(s)? Quel est le montant de cette (ces) source(s) d‟argent à chaque fois? Quel sont les
défis auxquels les jeunes font face en obtenant cette source d‟argent ?
Identification de l’usage de ces ressources financières : Comment est utilisé l‟argent ? Avec quelles
fréquences et périodes les jeunes dépensent-ils cet argent? Quelle est la dépense considérée par les jeunes
4 De même que le terme « capabilisation », le verbe « capabiliser » est le terme français le plus fidèle au terme anglais
« empowerment ».
[4]
comme étant la plus importante et pour quelles raisons ? Quelles peuvent être les dépenses inattendues que
rencontrent les jeunes de la communauté ? Comment ces jeunes parviennent-ils à y faire face? Cette série de
questions a permis d‟examiner quels types de services financiers les jeunes et leurs parents considèrent
comme étant accessibles et également ce qu‟ils savent des services financiers existants.
Identification des services financiers (crédit et épargne) auxquels les jeunes ont accès : Comment est-ce
que les jeunes empruntent et épargnent-ils ? A quelle fréquence les jeunes ont-ils recours à ces services ?
Combien les jeunes empruntent-ils et épargnent-ils à la fois ? Quels sont les avantages et les inconvénients
de chaque type de service ? Quelles sont les préférences des jeunes au regard du contexte socioculturels dans
lequel ils vivent ?
A la suite de la présentation non exhaustive du Programme Epargner pour le Changement, les jeunes et les
parents et/ou leaders communautaires avaient la possibilité de réagir et de poser des questions
d‟approfondissement concernant ce programme. Suite à quoi se déroulait la dernière série de
questions portant sur la possibilité de mettre en place des groupes d‟épargne adaptés aux besoins des jeunes.
Identification des mécanismes appropriés pour fournir des services financiers intégrés. A quelle
activité sociale les jeunes s'adonnent-ils ? Comment les jeunes s'organisent et se regroupent-ils
actuellement ? Pour quelles raisons les jeunes se regroupent ils ? Quelle segmentation serait la plus
appropriée pour de tels groupes d‟épargne : des groupes mixtes ou segmentés selon le genre ? Pour quelles
raisons ? En termes de soutien et d‟accompagnement, quelle pourrait être le rôle de la communauté (leaders
communautaires et parents) pour la mise en place de ces groupes d‟épargne de jeunes? Quel sont les défis
qui pourraient alors advenir lors de la mise en place d‟un programme tel qu‟Epargner pour le Changement ?
Ce questionnaire qualitatif fut mené grâce à l‟usage d‟outils ethnographiques de collecte des données et
notamment l‟usage de discussions thématiques de groupes (DTGs) comme décrit dans la méthodologie.
Conception et méthodologie de l’étude de marché
Localisation des enquêtes
Les sites sélectionnés pour l‟Etude de marché ont été définies selon les zones où Tostan intervient d‟ores-et-
déjà au Sénégal. Afin d‟assurer un échantillonnage varié des populations interrogées, les groupes se
trouvaient dans des villages situés proches de la route goudronnée ou au contraire dans des zones très
reculées. Bien que Tostan ait mis en place des groupes EPC pour adultes dans les zones de Thiès, Mbour et
Kaolack, aucun des six villages visités lors de l‟étude n‟avaient e de promotion du programme avant cette
[5]
étude5. En revanche, le PRCC est en cours et dit se terminer en juillet 2011 (Mboss et Djokoul) ; où le PRCC
est terminé depuis plus de dix ans (Touba Toule et Ndiarno) ou il y a quatre ans (Mboulème et Keur Balla
Lô).
Ainsi les trois équipes de recherche composées d‟agents de Tostan et de FFH se sont rendues dans les
départements de Thies et Mbour situés dans la région de Thiès ainsi que dans le département de Kaolack,
situé dans la région du même nom. Lors du recensement de 2005, la population de Thiès était estimée à 529
261 personnes, celle de Mbour à 513 278 personnes et Kaolack comptait 382 784 personnes6. Plus
précisément les trois équipes ont rendu visite aux membres des communautés de six villages situées dans ces
départements, à savoir : Touba Toule, Ndiarno (Thiès), Mboulème, Keur Balla Lô (Mbour), Mboss et
Djokoul (Kaolack).
L‟étude de marché s‟est déroulée du 31 mars au 3 avril 2011. L‟équipe qui s‟est rendue à Thiès était
constituée de trois membres de Tostan : un facilitateur animant les DTGs en langue vernaculaire wolof, un
preneur de notes dont le wolof est la langue maternelle mais dont les notes descriptives des DTGs étaient
prises en français et enfin un leader de groupe chargé de s‟assurer du bon déroulement des DTGs, du
matériel et du profil des participants souhaité selon la segmentation préétablie (détaillée ci-dessous).
L‟équipe s‟étant rendue à Mbour était constituée de deux membres de Tostan (le facilitateur et le preneur de
notes) ainsi que d‟un conseiller technique de Freedom from Hunger (FFH). Enfin, l‟équipe qui a mené
l‟étude à Kaolack était constituée de cinq membres : le facilitateur, le preneur de notes et un traducteur
travaillant pour Tostan ainsi que de la directrice du programme Microfinance et Jeunes et d‟une consultante
employée pour cette étude, toutes deux employées par FFH. Ces dernières requéraient une traduction en
français pour comprendre le contenu des DTGs systématiquement menées en Wolof.
A la suite de ces quatre jours d‟enquêtes de terrain, les trois équipes ont mené une restitution commune et la
synthétisation des données collectées sur le terrain. Cette restitution s‟est déroulée le 4 avril 2011 dans le
Centre de Capabilisation pour le Développement Durable (CCDD) de Thiès.
Tableau N0.1: Nombres de participants pour chaque groupe de discussion
Département Thiès Mbour Kaolack
Segment/Village
Touba
Toule
Ndiarno Mboulème Keur Balla
Lô
Mboss Djokoul
Jeunes filles 10 10 10 9 8 6 7 7
8 8 10 11
Jeunes garçons 6 10 10 7 6 6 7 7
9 9 10 10
Parents et Leaders
Communautaires
8 6 6 10 9 7 6 6
9 9 11 9
5 Si ce n‟est à travers certaines émissions radio diffusées hebdomadairement sur les ondes locales, les participants
n‟avaient jamais pis connaissance de EPC. 6 Recensement Général de la Population et de l‟Habitat – RGPH – 2007.
[6]
Profil des participants
Les groupes de participants ont été sélectionnés selon deux critères : l‟âge et le sexe. Trois segmentations
furent ainsi établies : des jeunes filles âgés de 13 à 24 ans, des jeunes garçons âgés de 13 à 24 ans et enfin les
parents et/ou leaders communautaires7.
Groupe de jeunes garçons dans le village de Mboss (Kaolack) Groupes de jeunes filles à Djokoul (Kaolak)
Lors de la présentation du programme EPC.
Les participants de chacun des deux groupes de jeunes avaient à se présenter, spécifier leur statut
matrimonial (marié ou non) ainsi que leur situation scolaire (fréquentation d‟une école, d‟un centre de
formation ou aucun des deux). De plus, les
jeunes devaient dessiner un membre typique de
leur communauté, représentant potentiellement
chacun d‟entre eux et qui servirait de cible pour
poser les questions à tous le groupe (« selon
vous, comment cette jeune fille (ou ce jeune
garçon) peut il gagner de l‟argent… ? »)
Ici une jeune fille originaire du village de Ndiarno (Thiès)
en train de dessiner une jeune fille type du village, âgée
entre 13 et 24 ans et auquel les membres du groupe de
discussion donnèrent ensuite un nom.
7 En début de DTG et lors de leur présentation, les parents devaient confirmer l‟âge de leurs enfants, supposé se situer
entre 13 et 24 ans compris. Par « leader communautaire », on comprend le Chef du village, ses conseillers et les
personnes influentes de la communauté. Le mot « parents » recoupe cette terminologie puisque les leaders
communautaires, même si souvent plus âgés, ont également des enfants de cette tranche d‟âge.
[7]
Afin d‟assurer l‟aisance, l‟écoute et la participation de tous les membres des discussions, il était préférable
de séparer les jeunes filles des jeunes garçons afin de s‟assurer que les filles s‟expriment librement en
partageant leurs activités et leurs besoins en faisant fi du regard des garçons dont les priorités et besoins
pouvaient différer. Cette segmentation en termes de genre a été respectée. En revanche, en ce qui concerne
l‟âge, il était délicat pour les équipes de vérifier si les jeunes interrogés avaient effectivement l‟âge qu‟ils
mentionnaient durant leur présentation8.
Concernant les groupes de parents et/ou leaders
communautaires, le pré-requis était d‟avoir des
enfants âgés de 13 à 24 ans. En raison de la
présence dite « dominante » des pères et chefs
villageois qui prenaient systématiquement la parole
lors des entretiens, l‟équipe d‟enquêteurs de
Kaolack a jugé adéquat de ne rencontrer que les
mères lors d‟une discussion thématique de groupe
sur deux afin de s‟assurer que les mères aient voix
au chapitre.
Groupe de parents et leaders communautaires dans le village de Djokoul (Kaolack)
Méthodologie : discussions thématiques de groupes (DTGs)
Durant l‟étude, trois outils ont été utilisés : deux questionnaires menées dans le cadre de discussions
thématiques de groupe avec les jeunes (similaire pour les filles et les garçons) et un questionnaire mené lui
aussi dans le cadre de discussions thématiques de groupes avec les parents.
1. Le premier outil utilisé pour les jeunes portait sur les sources des revenus des jeunes, la nature de l‟usage
de ces revenus, les services financiers auxquels les jeunes ont accès, que ce soit en termes d‟emprunt ou
d‟épargne de façon plus ou moins formelle. Ce questionnaire concernait douze groupes de jeunes files et
garçons dans les trois départements.
2. Le deuxième outil utilisé pour les jeunes (douze autres groupes de jeunes filles et garçons des mêmes
villages) avait trait aux principes du programme EPC que le facilitateur présentait avant de répondre aux
possibles questions. Puis, les jeunes faisaient part de leurs désirs, leurs craintes et la manière dont ils
8 Un élève peut être déclaré plus âgé si cela lui permet de bénéficier d‟un programme quel qu‟il soit, ou au contraire
déclaré comme étant plus jeune s‟il a été en échec scolaire afin d‟être inscrit en classe malgré son retard. Enfin, en
milieu rural, si l‟enfant n‟a pas reçu de certificat de naissance, une mère peut donner un âge approximatif à son enfant.
[8]
percevaient la mise en place de services financiers intégrés correspondant à leurs besoins. L‟équipe de
recherche a trouvé plus judicieux de séparer l‟outil
3. Le troisième outil consacré uniquement aux parents9 reprenait presque la totalité des deux premiers à la
différence que le facilitateur n‟évoquait les sources et usages de l‟argent des enfants, mais traitait des
services financiers accessibles aux jeunes (emprunt et épargne). En effet, l‟équipe de recherche a jugé que
les parents ne seraient sûrement pas en mesure de décrire précisément comment les jeunes gagnent de
l‟argent et le dépensent. A cette différence près, les parents découvraient de la même manière les
modalités du programme EPC (ou les revisitaient pour les parents vivant dans les villages où EPC est déjà
mis en place), posaient des questions d‟éclaircissement et d„approfondissement et évaluaient si un tel
programme serait adéquat pour leurs enfants. C‟était pour eux l‟occasion d‟émettre des réserves s‟ils en
avaient et d‟ajuster le type de rassemblement des jeunes en groupes d‟épargne qui fonctionnerait le mieux
selon eux. Cet outil a été utilisé douze fois, à savoir quatre fois dans chacun des trois départements.
Les DTGs sont une technique de collecte de données qualitatives menées auprès de groupes de six à dix
participants discutant d‟un sujet très spécifique dans le cadre d‟une discussion menée par un facilitateur
(modérateur). Une telle méthode bâtie sur des questions ouvertes et d‟approfondissement, permet à l‟équipe
de recherche de recueillir une grande quantité de données dans une période de temps relativement courte, en
général une à deux heures.
Le facilitateur des DTGs utilisait un guide de discussion et un questionnaire préalablement étudié et dont il
s‟était approprié le contenu afin de modérer de façon spontanée le débat entre participants. De plus, le
facilitateur utilisait des supports visuels tels que des dessins (illustrant les sources de revenu, leurs usages et
les services financiers auxquels accèdent les jeunes), des petits objets (« patate chaude » lors de la
présentation des participants) afin de susciter une participation et une réflexion approfondie dans le cadre
d‟une discussion dynamique des groupes sur ces sujets spécifiques.
Contextualisation des sites et des populations rencontrées
Le concept « Jeunes »
Le concept de jeunes est un concept vaste regroupant des caractéristiques variées. Le terme adolescent est
peu utilisé en Wolof, le terme « enfants » l‟est davantage. Pourtant par exemple à partir du moment où une
jeune fille devient mère, elle n‟est plus considérée comme une enfant mais une adulte même si elle n‟a que
15 ans. En revanche le fait d‟occuper un emploi ne fait pas d‟un enfant un adulte puisque le travail des
enfants est très répandu au Sénégal.
9 Cet outil a été utilisé douze fois, à savoir quatre fois dans chacun des trois départements.
[9]
Ainsi l‟échelle 13-24 permettait de capturer des informations variées de la part de ces jeunes. Ceci étant,
cette tranche d‟âge n‟est en rien immuable
et a été choisi dans le cadre de cette étude
de marché spécifique10
mais ne signifie pas
que des modifications (recul ou avancée de
l‟âge des possibles bénéficiaires) ne
pourraient pas advenir. On reviendra sur la
segmentation des jeunes selon l‟âge dans la
perspective de mise en place d‟un
programme d‟épargne communautaire tel
qu‟Epargner pour le Changement [Voir
Section Recommendations].
Groupe de jeunes garçons/hommes dans le village de Djokoul (Kaolack)
Travail des enfants au Sénégal
Au Sénégal, même si le travail des enfants ressort d‟une longue tradition socio-éducative, car elle était
conçue comme une initiation à une façon de vivre et de travailler, il faut dire que ce phénomène s‟est
développé avec la montée de la pauvreté et dans un contexte d‟éclatement des unités de production
traditionnelles. Dans les zones rurales, les enfants commencent très tôt à participer aux tâches ménagères et
d‟exploitation agricole de la famille, et de vente de produits au marché local.
Au Sénégal, des milliers d‟enfants, mendiants de l'école coranique, briquetiers, petits mécaniciens, petits
cireurs et laveurs de voitures, petites bonnes, casseurs de pierres, éboueurs, occupent une activité aujourd'hui
classée dans la catégorie des pires formes de travail. Ceci entraîne des échecs massifs conduisant à une
déperdition scolaire inquiétante. En effet, de nombreux élèves risquent d‟abandonner avant la cinquième
année du cycle primaire (taux de survie scolaire) et beaucoup d‟élèves redoublent ou abandonnent.
Cependant pour l‟échantillon de jeunes ayant pris part aux DTGs et dans lesquelles Tostan a mis en place
des projets d‟éducation, 70% des jeunes fréquentaient l‟école (64% pour le département de Thiès, 50% à
Mbour et 89% à Kaolack). Ce constat n‟empêche pas que les jeunes puissent cumuler éducation scolaire et
activités génératrices de revenu (même faible).
10
Le terme « Jeunes » autorise une certaine flexibilité dans sa dénomination. Ceci est illustré par un rapport du Réseau
pour l‟Emploi des Jeunes Afrique de l‟Ouest (YEN-WA), en partenariat avec les Nations Unies, la Banque Mondiale et
le Bureau International du Travail définit dans son rapport de 2008 les jeunes comme étant âgés de 15 à 30 ans.
[10]
Résultats de l’Etude de marché
Les résultats de cette étude de marché sont assez concluants quant aux besoins (accès et gestion de services
financiers) exprimés par les jeunes et ressentis par leurs parents. Les jeunes ont différentes sources de
revenu, des besoins (illustrés par leurs dépenses), et accèdent d‟ores-et-déjà à une forme de crédit et
d‟épargne, présentée ci-dessous.
Ce que les jeunes appellent « problèmes financiers » concerne en fait les dépenses imprévues (problème de
santé, décès, accueil impromptu un parent, que l‟on doit honorer et servir, mauvaise récoltes, invasion de
criquets ou encore sècheresse faisant chuter l‟activité de vente et donc les sources de revenu). Il s‟agit
également de dépenses fréquentes ou non (événements sociaux, fêtes religieuses, dépenses scolaires)
considérées comme des problèmes à gérer, alors qu‟il s‟agit souvent de dépenses qui pourraient être
anticipées. Ceci renvoie au besoin exprimé par les jeunes de faire face à l‟avenir en épargnant et de gérer des
projets d‟investissement grâce au crédit. C‟est aussi la raison pour laquelle la présentation préliminaire du
programme Epargner pour le Changement (EPC) a trouvé un écho auprès de jeunes et d‟adultes qui ont un
sens aigu des besoins et des limites des services financiers qui disponibles.
Résultats des discussions thématiques avec les jeunes
SOURCES DE REVENU
D‟après les réponses des jeunes issus des vingt-quatre groupes qui ont participé aux DTGs, les sources de
revenu actuelles sont le petit commerce, les ventes de l’agriculture, le travail domestique ou celui
d’apprenti, les contributions parentales et enfin le revenu des ventes d’élevage. Ces différentes sources de
revenu ne sont pas dépourvues de difficultés.
Les jeunes qui gèrent un petit commerce peuvent subir des pertes, en raison du non écoulement de la
marchandise ou des forts taux de taxation pour l‟emplacement de leur stand. De plus il arrive que les
jeunes soient victimes de vol ou de refus de paiement des clients.
Les défis auxquels font face les jeunes travaillant dans les champs sont les suivants : baisse de la
production et/ou des rendements en raison du manque de main d‟œuvre, de matériel agricole et de la
fertilisation des sols ; divagation des animaux détruisant ainsi les pousses ou encore invasion
d‟insectes (souvent des criquets).
Concernant les jeunes menant des travaux ménagers, les risques sont relatifs au non paiement de la
part de l‟employeur et la pénibilité du travail (épuisement mais aussi mauvais traitements).
Les jeunes qui jouissent du soutien financier de leurs parents déplorent l‟irrégularité de l‟argent reçu
dû à l‟emploi instable occupé de ces derniers. A ceci s‟ajoutent les risques de dépendance et de
paresse induite par cet argent « gratuit ».
[11]
Enfin les jeunes qui font de l‟élevage sont confrontés aux risques de vol de bestiaux ou la perte de
ces derniers en raison de mauvais traitements (manque de connaissance ou de moyen pour un bon
entretien).
Etant donné que la fréquence et le montant de tous ces revenus sont irréguliers, les jeunes ne peuvent
anticiper les aléas de la vie et donc « régler leurs problèmes »
Tableau N0.2: Sources de revenu des jeunes (G=garçons ; F=Filles)
Nature/origine
du revenu
Fréquence Montant d’argent Défis rencontrés Remarques
Petit commerce Quotidien
hebdomadaire
mensuel
500Fcfa/jour
200-1000Fcfa /semaine
10000 Fcfa/mois (G)
5000Fcfa/mois (F)
Non écoulement de la
marchandise
Impayés des clients
Concurrence locale
Les filles
gagnent en
moyenne moins
que les garçons
Agriculture Annuel
(récoltes
après
l‟hivernage,
septembre-
octobre)
100000-200000Fcfa/an
400-500Fcfa/semaine
15000-50000Fcfa /mois
100000Fcfa/trimestre
Invasion de criquets,
divagation animale
Manque/retard des pluies
Manque de matériel et
de main d‟œuvre
Prix et production à la
baisse
-
Travail
domestique ou
d‟apprenti
A tout
moment de
l‟année
10000-20000Fcfa /mois
200-1000Fcfa/jour
Impayés du patron
Accusation de vols
Violences et possibles
abus sexuels
Travail pénible
Plutôt féminin
Travail
d‟apprenti
A tout
moment de
l‟année
100, 200, 500Fcfa/jour
1500-3000Fcfa /semaine
20000-30000Fcfa /mois
Travail instable, pas de
sécurité
Travail pénible
Plutôt masculin
Parents Jour
Semaine
Mois
20000-25000Fcfa par
événement
Indisponibilité et
indisponibilité de
l‟argent
Ne stimule pas assez et
peu
t induire de la paresse
Plutôt féminin
Se produit pour
les fêtes, les
vacances, la
rentrée scolaire
Elevage Annuel
Après la
récolte
15 000-50 000Fcfa/an
Vol, mauvais
entretien/soin des
animaux (épidémies)
Cout d‟entretien (paille,
eau)
Plutôt masculin
[12]
USAGE DE L’ARGENT
Grâce à l‟argent gagné ou reçu, les jeunes essaient de faire face à leurs dépenses sont ils ont établi la priorité
comme suit :
les jeunes considèrent en moyenne l’habillement comme leur principale dépense. Cela inclue le
minimum adéquat pour le respect de la vie en communauté et le respect de soi ainsi que
l‟habillement moins ordinaire pour les grandes occasions (fêtes religieuses notamment, Korité,
Tabaski).
La deuxième plus importante dépense (pour ceux qui sont scolarisés) est celle des fournitures
scolaires (comprenant les grandes dépenses lors de la rentrée scolaire en octobre ainsi que les
rachats plus fréquents et moins coûteux durant l‟année.
Ensuite viennent les dépenses en élevage (achats de bêtes, presqu‟aussi féminin que masculin), les
effets de toilette (plus féminins), la contribution aux besoins familiaux (achat de nourriture, de
médicament ou autre).
Enfin le matériel agricole enfin, fut mentionné aussi bien par les filles que les garçons.
Concernant les dépenses inattendues, les jeunes mentionnent la visite impromptue d‟un parent qu‟il faut
recevoir avec grande générosité11
dans la coutume africaine ; les soins en cas de maladie (accès palustres,
diarrhées, fièvres) et enfin les cérémonies religieuses (baptême, mariage ou décès ; frais scolaires ou achat de
matériel agricole). Pour faire face à ces dépenses inattendues, les jeunes travaillent et épargnent. Si cela ne
suffit pas et que le jeune a en sa possession un animal (chèvre, mouton, poule) il le vend (généralement au
marché) pour gagner de l‟argent. Autrement il emprunte de l‟argent à ses parents, ses amis, auprès du
boutiquier ou du groupe de tontine si le jeune en est membre ou si c‟est le cas de sa mère.
SERVICE FINANCIER : L’EMPRUNT
Les jeunes ont mentionné différentes manières d‟accéder au crédit, à savoir les parents, la tontine, les amis,
le boutiquier et même la banque12
même si cette dernière n‟a pas été citée de façon consensuelle. Cependant,
lorsque les jeunes ont eu à classifier leurs préférences en termes d‟accès au crédit, la hiérarchie suivante a été
adoptée : les parents (5/12), le boutiquier (4/12), les amis (2/12), et enfin la tontine (1/12).
11
Il est très fréquent que l‟animal (chèvre, mouton, poule) ayant été élevé soit tué à l‟occasion de la visite d‟un parent
pour faire honneur au visiteur qui honore l‟hôte de sa présence. 12
Le terme « Banque » utilisé par les communautés peut faire référence à différents termes. Dans la terminologie de
Tostan, les Banques villageoise sont des caisses communautaires mises en place par les Comités de Gestion
Communautaire (CGCs). Ces caisses sont alimentées par des cotisations constituant un fond utilisé par les membres
comme source de crédit rotatif et d‟épargne dont le fonctionnement et les taux d'intérêt sont fixés par les membres dans
un cadre strictement informel. Le Crédit Mutuel du Sénégal qui a pu être mentionné par les participants est une
Institution de Microfinance (IMFs). Les IMFs sont des institutions de proximité reconnues par l'Etat Sénégalais mais
dont les compétences en matière de transaction bancaire comme domiciliation de salaire entres sont limitées.
[13]
Alors que les deux principales sources d‟emprunt (les parents et la boutiquier) sont tout autant préférées par
les jeunes filles que les jeunes garçons, en revanche, l‟ami n‟est cité comme préférence que par les jeunes
garçons et la tontine ne l‟est que par les jeunes filles seulement.
Les raisons de ces préférences sont les suivantes : les jeunes considèrent qu‟emprunter de l‟argent à leur
parent n‟induit ni sanction ni ébruitement ou dénonciation s‟il y a retard ou non paiement. Les parents sont
en fait compréhensifs et discrets et c‟est ce qui rassure les jeunes. L‟attrait du boutiquier est justifié par la
relation intime et discrète instaurée entre le jeune emprunteur et le boutiquier prêteur. Les amis sont quant à
eux garants d‟une certaine qualité de relations dans laquelle la contrainte ne prime pas et la compréhension
mutuelle est assurée. Enfin l‟avantage de la tontine est qu‟il s‟agit d‟une structure sociale pouvant bénéficier
à toutes et tous.
Pourtant chaque service présente aussi des limites dont les jeunes ont bien notion. En effet, ces derniers ont
exprimé une possible certaine gêne quant au fait de demander de l‟argent à leur parent et que le moindre
problème ou retard de remboursement pourrait gâterait la relation filiale. Pour ce qui est du boutiquier, les
jeunes ont mentionné le risque de prendre de mauvaises habitudes d‟emprunt trop systématique. De plus, le
boutiquier pourrait ne pas être disponible au moment ou le jeune a besoin d‟argent, ou encore faire faillite.
Pour ce qui est des amis, malgré la confiance susmentionnée, les jeunes interrogés ont clairement exprimé
qu‟au moindre souci de remboursement, la relation amicale pourrait se détériorer. En outre, un ami à qui on
emprunte peut refuser ou manquer de discrétion, ce qui peut être humiliant. Enfin, la limite d‟une tontine est
que le jeune ne peut accéder à l‟argent lorsqu‟il le souhaite et doit par conséquent attendre son tour. A cela
s‟ajoutent les sanctions relatives aux retards de remboursement qui sont plus strictes qu‟avec un système
totalement informel.
Parents
Boutiquier
Ami(s)
Tontine
Choix d'accès au crédit des Jeunes
5/12
4/12
2/12
1/12
[14]
En plus d‟accéder au crédit, d‟une manière plus ou moins difficile et fréquente, les jeunes sont également
habitués à épargner et ne sont pas trop pauvres pour le faire. Qu‟il s‟agisse d‟argent investi servant en fait
d‟assurance, ou bien d‟argent mis de côté ou confié, les jeunes font preuve d‟imagination pour faire face aux
urgences, même cela n‟est pas totalement satisfaisant. Voyons les méthodes d‟épargne des jeunes.
SERVICE FINANCIER : L’EPARGNE
Les jeunes ont recours à l‟épargne pour soutenir leurs dépenses et faire face aux imprévus. Leur préférence
concernant les systèmes d‟épargne est la suivante : la boîte cachée (6/12), chez les parents (3/12), l’élevage
pour l‟embouche (2/12) et chez le boutiquier (1/12).
Alors que la boîte et l‟élevage sont mentionnés autant par les jeunes filles que par les jeunes garçons, confier
son argent au boutiquier est une tendance plutôt masculine et le faire auprès des parents est plutôt féminin
(étroite relation notamment entre mères et filles). Les raisons de ces préférences sont comme suit : la boîte se
trouve dans un lieu sûr, discret, connu du jeune seulement qui ne place sa confiance qu‟en lui-même. Les
Parents sont une source fiable pour déposer l‟épargne car elle peut rester accessible et peut même aider les
parents s‟ils ont besoin de liquidité. L‟élevage est avantageux puisque il permet de ne pas être tenté de
gaspiller l‟argent gardé sous forme liquide et d‟au contraire l‟investir et le récupérer au moment opportun
grâce à la vente de l‟animal. Les jeunes n‟ont pas mentionné de difficulté particulière à vendre le bétail et
ce, même dans l‟urgence. Le boutiquier assure par sa présence et sa marchandise la restitution de l‟épargne
du jeune lorsque celui-ci en aura besoin. Le besoin peut être « alimentaire » (de première nécessité), familial
Boîte
Parents
Elevage
Boutiquier
6/12
3/12
2/121/12
[15]
(soutien d‟un membre de la famille ou accueil d‟un visiteur) ou encore social (frais induit par une cérémonie
ou adhésion à un groupe 13
).
Cependant, de nouveau ces services financiers présentent leurs limites. La boîte pourtant citée comme le
moyen le plus adapté qu‟ont les jeunes pour épargner, peut être dérobée si une tierce personne s‟en saisit
lorsque le jeune épargnant a le dos tourné. Une boîte souvent confectionnée en bois ne peut pas non plus
empêcher des rats de grignoter les billets ou le feu de tout faire disparaître. Enfin la boîte secrète est
accessible et n‟est pas dissuasive quant à la tentation de retirer l‟argent et de le gaspiller. Bien que les parents
se présentent comme des personnes de confiance, il peut arriver qu‟un parent se trouvant dans le besoin
utilise l‟épargne de son enfant à ses fins propres et ne soit pas en mesure de restituer la somme, considérant
d‟ailleurs que cela participe à l‟effort familial pour les besoins du ménage. Concernant l‟élevage, le risque de
nouveau mentionné est celui des possibles vols nocturnes de bétail, auquel s‟ajoutent les risques d‟épidémies
dues à un manque de moyen et de connaissance pour un suivi médical adéquat. Les risques que présente le
dépôt d‟épargne auprès du boutiquier sont le détournement pur et simple du boutiquier ayant besoin de
liquidité et qui n‟est contraint par aucune preuve écrite de restituer l‟argent. En outre et cela sans nécessaire
malversation, le boutiquier peut faire faillite et fermer son magasin, être victime de vol ou d‟incendie. Enfin
dans une moindre mesure le boutiquier être tout simplement absent de la boutique au moment où le jeune a
besoin de ces fonds et ce, urgemment.
OPINION SUR L’EPC
Les jeunes ont répondu favorablement et ont unanimement accueilli l‟idée selon laquelle un programme tel
qu‟Epargner pour le Changement pourrait être introduit au sein de la communauté. En effet à la suite de la
présentation du programme, les jeunes ont effectivement exprimé leur enthousiasme à l‟idée de bénéficier
d‟un programme leur permettant de gérer leur argent de façon sécurisée et accessible tout en renforçant la
solidarité et l‟union au sein de la communauté. Ainsi selon les jeunes, un tel programme de microfinance
intégrée pourrait leur permettre d‟anticiper l‟avenir avec une gestion adéquate des ressources financières et
la participation au développement de la communauté.
REGROUPEMENT ACTUEL DES JEUNES
Les rencontres religieuses, sportives et culturelles sont le motif principal pour lequel les jeunes se
rassemblent. En outre les jeunes se regroupent régulière pour différents motifs : des discussions portant sur
des problèmes attenant au village afin d‟en trouver de solutions. S‟y ajoutent les séances d‟alphabétisation
mises en pace par Tostan. Enfin des journées d‟assainissement ont également lieu dans certains villages le
13
Les jeunes du village de Mboulème ont une association dont le but est de faire des jumelages avec les jeunes de
Mbour, organiser des séances de luttes (cotisation de 500 Fcfa par mois, 250 Fcfa par semaine. L‟association est dotée
de 42 membres).
[16]
lundi, jour de congé durant l‟hivernage. Le mode de rassemblement des jeunes est sous forme associative et
ce, par tranche d‟âge. L‟objet est de contribuer au développement du village ou de s‟entraider en soulevant
des fonds pour mener à bien les événements religieux ou sociaux.
Dans le cas de la mise en place d‟un programme tel qu‟EPC, la majorité des groupes de jeunes (8/12)
mentionnaient une préférence pour des groupes d‟épargnes mixtes. Le tiers des groupes interrogés
préféraient en revanche une segmentation par genre. La première suggestion est fondée sur l‟idée selon
laquelle ce type de groupes mixtes existe déjà dans les villages et cela ne pose pas de problème et il faut
autant de filles que de garçons dans un rassemblement de jeunes. De plus il est important de montrer
l‟exemple d‟une mixité réussie afin que la ségrégation actuelle ne se reproduise pas si fortement pour les
générations futures. Enfin, une telle ségrégation entre jeunes pourrait impliquer une certaine concurrence
entre les groupes et disperser les efforts au lieu de les mettre en commun.
Au contraire les partisans de la séparation par genre (les groupes interrogés dans le département de Thiès)
ont justifié ce postulat par le fait que des filles ne se sentiraient pas aussi à l‟aise pour s‟exprimer avec des
garçons que si elles n‟étaient qu‟entre elles. En effet le Sénégal obéit à des règles patriarcales dans lesquelles
la femme de se dresse pas devant l‟homme et aura tendance à parler ensuite. La distinction entre groupes de
jeunes garçons et groupes de jeunes filles permettra une stimulation afin que chacun veuille accomplir
davantage.
SOUTIEN DE LA PART DE LA COMMUNAUTE ET DEFIS ENVISAGES
Les jeunes attendent beaucoup du soutien qu‟ils recevront de la part de leurs parents dans a mise en place de
groupes d‟épargne. Cet appui se décline sous trois formes : le soutien moral par des conseils et des idées des
parents ; le soutien financier par une possible assistance financière en cas de besoin (cotisations notamment)
mais aussi l‟accord tacite selon lequel les parents ne seront pas ingérants mais donneront au contraire leur
bénédiction pour la bonne marche du programme.
Malgré ce soutien, des défis pourraient se présenter aux jeunes. Les principales difficultés mentionnées sont
au nombre de quatre : tout d‟abord le non respect du règlement intérieur (cotisations régulières, assiduité et
ponctualité aux réunions, remboursement des prêts dans les temps) mais aussi la possibilité de querelles
entre membres, le manque de motivation qui porterait préjudice à l‟esprit de groupe et enfin la mauvaise
gestion de l‟argent.
OPPORTUNITES DE RASSEMBLEMENT DES JEUNES EN GROUPES D’EPARGNE
Selon les jeunes, des groupes d‟épargne pourraient avoir lieu durant l‟ « hivernage » (il s‟agit de la saison
des pluies qui dure de juin à septembre). En effet qu‟il s‟agisse des jeunes scolarisés qui sont en congés ou
des non scolarisés, les jeunes ont tendance à être présents au village à ce moment-là pour aider leurs parents
dans les champs. Les jeunes qui ne partent pas en vacances, sont par conséquent très occupés mais le lundi
[17]
étant jour de repos, durant lequel la réunion d‟épargne pourrait se dérouler le lundi. Concernant le reste de
l‟année, dit « saison sèche » certains jeunes excluent la possibilité de se retrouver en raison de la
fréquentation de l‟école. En effet, lycéens sont absents du village durant toute la semaine (du lundi au
vendredi) puisqu‟ils résident en ville, souvent chez un parent, et ne rentrent que le week-end. Pour ceux qui
travaillent en ville, il n‟est pas envisageable non plus d‟être présent au village. Au contraire, certains jeunes
précisaient le fait que les écoliers sont de retour après 14 heures tous les jours au village puisque l‟école est
terminée. De plus, les lycéens sont de retour les samedis et dimanches en plus des jours fériés et des
vacances. Ainsi, après une apparente impossibilité pour les jeunes de se réunir en dehors de la saison, ces
derniers ont émis des possibilités de rencontres hebdomadaires. A savoir : le week-end pour les jeunes plus
âgés (fréquentant le lycée) et tous les jours après 14h pour ceux qui sont plus jeunes (les écoliers).
Tableau N0.3: Possibilité de rencontres des jeunes pour des rassemblements de groupes d’épargne
Segment/
Périodes
Saison humide
(hivernage: juin-septembre)
Saison sèche
(période scolaire : septembre-juin
Vacances scolaires
Jeunes filles
scolarisés
Impossibilité de rencontres care
elles aident les parents aux travaux
champêtres
Saison difficile en raison des pluies
Impossibilité de rencontres car
fréquentent l‟école
Possibilité de rencontres le week-
end et tous les après-midis après
14h
Impossibilité de
rencontres car partis en
congés en dehors du
village (souvent chez
un proche)
Jeunes
garçons
scolarisés
Possibilité de rencontres car tous
les jeunes sont au village à ce
moment-là
Impossibilité de rencontres car se
trouvent à l‟école ou ont migré
(exode rural)
Possibilité de rencontres tous les
après-midi après 14h
Possibilité de
rencontres de courte
durée
Jeunes filles
travaillant
Possibilité de rencontres car sont au
village à ce moment-là
Impossibilité de rencontres car
absentes pour travailler en ville
Pas de vacance
Jeunes
garçons
travaillant
Impossibilité de rencontres car
aident aux travaux champêtres des
parents
Possibilité de rencontres au village
tous les lundis (jour chaumé)
Impossibilité de rencontres car
absents pour travailler en ville
Pas de vacance
Remarque : Une remarque mentionnée avait trait au fait que seuls ceux qui ne quittent pas le village,
adhèrent aux groupes d‟épargne et ce, sans distinction d‟âge que ce soit pour les plus ou moins de 15 ans.
Remarque 2 : Après réflexion et apparemment aucune solution, les jeunes (filles et garçons scolarisés)
s‟accordaient sur le fait que tous étaient de retour au village après 14h (pour les écoliers) et au moins chaque
weekend (pour les lycées).
[18]
NOMINATION DES GROUPES D’EPARGNE
Les jeunes émirent des suggestions de noms à donner à leur groupe d‟épargne. Parmi ces suggestions en
wolof retenons les suivantes : « DEGOO » (entente) ; « DIAPPO » (union) ; « DIBALANTE » (Solidarité) ;
« AM DIOM » (vergogne) ; « SOTANTE KHALAT » (partage d‟idées) et « TOSTAN » (éclosion).
Plus précisément, les jeunes de Thiès ont également suggéré : « LIGGEEY NGIR WAAJAL SUNU ËLLËG »
(travailler pour préparer l‟avenir) ; « MBOOTAAYU AND JËF » (Association pour agir ensembles) ; et dans le
même esprit, les jeunes filles en particulier ont mentionné: « MBOOTAAYU JIGEEN ÑIY LIGGEEY»
(Associations de femmes qui travaillent) et enfin « MBOOTAAYU NGIR YRKKUTE XALE YU JIGEEN ÑI»
(Associations pour le développement des jeunes filles).
MONTANTS SUGGERES DE COTISATIONS POUR LES GROUPES D’EPARGNES DE JEUNES
En termes de cotisations hebdomadaires au sein des groupes d‟épargnes, les jeunes ont semblé avoir intégré
et compris la notion d‟épargne régulière et obligatoire une fois qu‟ils décideraient de devenir membres. Ils
ont ainsi majoritairement exprimé que 100Fcfa serait abordable et soutenables, même si l‟éventail de
suggestions s‟étendait en fait de 25Fcfa à 500FCfa par semaine.
Tableau N0.4: Montants d’épargne suggérés par les groupes de jeunes selon la localisation et le genre
Segment Thiès Mbour
Kaolack Remarques
Jeunes filles Entre 200 et
500Fcfa
100Fcfa Entre 75 et 500Fcfa
mais plutôt 25 ou
100Fcfa
la cotisation doit nécessairement
convenir à tous
Jeunes
garçons
Entre 50 et
500Fcfa mais
plutôt 100Fcfa
100Fcfa 25-500Fcfa
mais plutôt 25 ou
50Fcfa
Les jeunes garçons solarisés ne
pourraient pas épargner
davantage sans le soutien de
leurs parents
Remarque : Il n‟était pas pertinent de distinguer dans ce tableau les jeunes scolarisés (filles et garçons) des
non scolarisés travaillant déjà, puisque les réponses variaient surtout en fonction du genre et de la
localisation.
[19]
Résultats des discussions thématiques avec les parents/leaders communautaires
SERVICE FINANCIER : L’EMPRUNT
D‟après les parents de jeunes âgés de 13 à 24 ans, ces derniers ont accès au crédit de quatre différentes
manières : de la part des parents eux-mêmes (5/12), de la tontine (5/12), du boutiquier (1/12) et auprès
de la banque (1/12).
Cet ordre de préférence exprimé par les parents est fondé sur ce qu‟ils ressentent vis-à-vis des besoins de
leurs enfants et la manière dont ces derniers gèrent leurs difficultés financières. Les parents se considèrent en
grande majorité comme étant la source de crédit la plus fréquente de leurs enfants en raison de la discrétion
que cela permet d‟avoir. De plus, prêter de l‟argent à son enfant est considéré pour les parents comme la
possibilité d‟asseoir leur autorité, de conseiller et d‟orienter ces enfants avec une grande indulgence.
La tontine est citée comme la deuxième source de crédit auxquels les enfants ont accès. En accédant au
crédit grâce à la tontine, les jeunes sont dans l‟obligation de rembourser et par conséquent de mener des
activités génératrice de revenu, quelles qu‟elles soient. La tontine est donc bénéfique puisqu‟elle oblige le
jeune à travailler, être dynamique et responsable. Le dernier avantage de la tontine est la proximité.
Concernant le boutiquier, un des atouts est la responsabilisation que cela induit pour les jeunes dans
l‟obligation de rembourser, ce qui permet du reste d‟instaurer un climat de confiance entre créditeur et
débiteur. [Les notions de « dignité » et de « responsabilisation » sont des aspects mentionnés par les jeunes
et encore davantage par les parents lors des DTGs concernant l‟attitude que devraient adopter tout jeune].
Enfin, un boutiquier n‟exige aucun papier justificatif lors de la demande de prêt, ce qui facilite l‟accès au
crédit des jeunes, notamment celui des mineurs.
[20]
Enfin la banque est considérée comme étant plus sûre et les prêts y sont décrits comme étant abordables. [Un
groupe a spécifié que les jeunes mineurs ne sont pas autorisés à emprunter auprès des mutuelles].
Pourtant ces services financiers présentent aussi des limites, ce dont les parents ont bien conscience. Pour
chacune de ces services d‟emprunt, les parents avançaient les mêmes défis, à savoir les risque de non
remboursement qui pourraient détériorer les relations filiales ou entre membres de familles différentes.
L‟oubli, le retard ou l‟impossibilité de payer son crédit sont fréquents et sont préjudiciables dans un village
(de la rupture des relations entre parents et enfants, en passant par l‟interdiction de crédit de la part du
boutiquier, de honte et de haine entre plusieurs familles ou encore le risque d‟emprisonnement si le crédit est
fourni par la banque).
Il est intéressant de comparer la conception que les parents ont des préférences de leurs enfants à ce que ces
derniers préfèrent effectivement.
Graphe N0.1: Préférences d’accès au crédit exprimées par les deux groupes 14
Remarque : Si les parents réalisent parfaitement qu‟ils représentent une source importante de crédit pour
leurs enfants, ils majorent en revanche le recours effectif de leurs enfants aux tontines.
14
Les numéros correspondent à la fréquence selon laquelle les réponses ont été mentionnées. Le total équivaut à 12
pour chaque segmentation (jeunes filles, jeunes garçons et parents/leaders communautaires) qui ont été interrogés. Le
chiffre zéro signifie que la réponse n‟a pas été mentionnée.
0
1
2
3
4
5
6
Parents Tontine Boutiquier Banque Amis
selon les Jeunes
selon les Parents
Préférences d'accès au crédit
[21]
SERVICE FINANCIER : L’EPARGNE
D‟après les parents, les jeunes ont quatre manières d‟épargner leur argent ; les voici dans l‟ordre de
fréquence avec laquelle elles ont été citées. Tout d‟abord les enfants peuvent confier leur argent à leurs
parents (10/12), le cacher dans une boîte (5/12), l‟investir dans l’élevage (4/12), le placer à la banque
(2/12) ou dans le fonds de la tontine (2/12).
L‟avantage pour un enfant de confier son argent à ses parents est la confiance que cela inspire, l‟accessibilité
de ce moment et la possibilité pour les parents de soutenir ou de conseiller leur enfant en cas de problème.
La boîte présente l‟intérêt principal est l‟accessibilité de son argent pour un jeune afin de faire face à
n‟importe quelle dépense prévue ou non. L‟enfant est autonome et gère son argent comme il l‟entend.
L‟investissement dans l‟élevage est considéré comme stratégique puisqu‟il s‟agit de faire fructifier l‟argent
avec du bétail qui grossit grandit et prend de la valeur mais cela permet aussi pour l‟enfant d‟avoir accès à la
liquidité si besoin en n‟ayant qu‟à vendre ses bêtes. Alors que la tontine permet de stimuler l‟activité de
l‟enfant, la banque (citée avec la même fréquence) est considéré comme lieu sûr et garanti et où l‟argent peut
fructifier.
De nouveau ces possibilités d‟épargner présentent des défis. Les parents avouent d‟eux-mêmes qu‟il arrive
qu‟ils utilisent les fonds confiés par leur enfant pour d‟autres fins. Ceci risque pourtant de détériorer la
relation de confiance initialement établie. Outre ce détournement, les parents peuvent également s‟être
absenté au moment où leur enfant réclame l‟argent, ou encore faire un mauvais décompte en raison de
l‟absence de trace écrite. Les inconvénients du système d‟épargne dans une boîte ont trait aux possibles vols
et incendies. De plus l‟avantage de l‟accessibilité de la boîte est aussi un inconvénient puisque le jeune y a
accès lorsqu‟il le souhaite, ce qui ne permet pas d‟accumulation (en plus du fait que l‟argent ne fructifie pas :
« l‟argent dort »).
[22]
Pour ce qui est de la banque, les inconvénients variaient et pouvaient même être contradictoires. En effet,
certains parents mentionnaient le risque que le jeune ne retire pas assez fréquemment son argent qui
deviendrait alors inutile, ou au contraire la possibilité que l‟enfant le retire trop souvent ne permettant pas
que cela fructifie, ou encore que le retrait soit difficile voire impossible en raison de manque de liquidité de
la banque. Enfin la tontine présentait le défaut majeur d‟impliquer des querelles et ne pas être assez
sécurisée.
De même que pour l‟emprunt, on peut comparer les différentes réponses des parents quant à la gestion de
l‟épargne de leurs enfants.
Graphe N02 : Préférences de gestion de l’épargne exprimées par les deux groupes :
On remarque ici que la boîte secrète utilisée par les jeunes pour y déposer leurs économies n‟est pas un
aspect dont les parents ont véritablement conscience. En revanche ils surévaluent le rôle qu‟ils jouent dans la
conservation de l‟épargne de leurs jeunes.
Justement, dans cette gestion de l‟épargne le rôle que les parents pourraient jouer davantage pour soutenir
leurs enfants est selon eux celui de conseiller dans la gestion financière, les projets d‟activités, dans le
respect des normes, à travers une sensibilisation et des efforts pour l‟obtention de papier officiel15
ou pour
l‟ouverture d‟un compte pour leur enfant.
15
Une tontine composée de jeunes peut se mouvoir en association si cette dernière reçoit un récepissé, un groupement
d‟intérêt économique.
0
1
2
3
4
5
6
Parents Tontine Boutiquier Banque Amis
selon les Jeunes
selon les Parents
Préférences de dépôt d'épargne
[23]
OPINION SUR L’EPC
C‟est également à l‟unanimité que les parents ont accueilli la possibilité de mettre en place un programme tel
qu‟Epargner pour le Changement dans leur communauté. Selon eux, EPC est un programme de solidarité et
d‟éducation à la gestion et la « culture » de l‟épargne ainsi que l‟accès au crédit. EPC pourrait permettre aux
jeunes de s‟autonomiser et ainsi d‟être une charge moindre pour leur parent. Les parents ont exprimé leur
espoir et leur confiance en ce programme clair, innovant et adapté aux jeunes, pouvant ainsi permettre un
changement positif vers plus de développement.
REGROUPEMENT ACTUEL DES JEUNES
D‟après leur parent, les jeunes sous formes d‟associations ou « clubs », lors des rencontres sportives (matchs
de football ou séances de luttes) ou religieuses (dahira, Tabaski, Korité, baptêmes) et se réunissent enfin
pour des rencontres d‟entraide et de solidarité et d‟assainissement. La fréquence de ces rencontres est
hebdomadaire même si chaque fête religieuse n‟a lieu qu‟une fois par an (Kankourang n‟a lieu qu‟en
septembre).
Dans le cas de la mise en place d‟un programme tel qu‟EPC, la majorité des groupes de parents (8/12)
mentionnait une préférence pour des groupes d‟épargnes mixtes. Le tiers des groupes interrogés préféraient
en revanche une segmentation par genre. Il s‟agit de la même préférence exprimée que chez les jeunes de
Thiès qui avaient exclu l‟idée de créer des groupements mixtes. La première suggestion est fondée sur l‟idée
selon laquelle la mise en « concurrence » de groupes mixtes pourrait dynamiser l‟ensemble des jeunes,
stimulé par l‟enthousiasme féminin et inciter chaque groupe à unir ses forces pour un développement
durable. En revanche les partisans d‟une différenciation des groupes par genre avançaient l‟argument selon
lequel filles et garçons n‟ont pas les mêmes besoins et ne sauraient par conséquent pas se mettre d‟accord sur
des projets communs. En outre, certains parents mentionnaient le risque de disputes entre filles et garçons,
ou de difficulté pour les garçons à faire face à un mariage ou la grossesse d‟une fille membre du groupe.
MISE EN PLACE D’UN PROGRAMME TEL QU’EPARGNER POUR LE CHANGEMENT
Les parents ont pu aussi fait part de leurs craintes : non respect du règlement intérieur par les membres du
groupe d‟épargne, tels que le non respect de la cotisation, la disparition de la clé, les absences, le partage
prématuré des fonds du groupe. Ces appréhensions ont davantage été partagées dans le département de
Mbour. A Kaolack et Thiès, les parents n‟ont pas exprimé d‟inquiétude particulière étant donné qu‟ils savent
les jeunes solidaires et respectueux des règles qu‟il serait honteux de transgresser. De plus, la mise en place
de groupes d‟épargne réduira certainement l‟exode rural, qui est très contrariant pour les parents. Ces dernier
ont aussi exprimé leurs attentes vis-à-vis de la mise en place d‟un tel programme ont trait au désir de
renforcement de la solidarité et l‟entente entre les jeunes, leur respect des normes. Ceci pourrait conduire au
développement de la communauté, réduire la pauvreté et ainsi l‟exode rural.
[24]
Afin que cela aboutisse, les parents et leaders communautaires devraient soutenir les jeunes de différentes
manières : la sensibilisation et le conseil en vue d‟une gestion financière autonome des jeunes et leur
capabilisation. En outre et de façon plus pratique, les parents s‟engagent à aider financièrement leurs enfants
en cas de difficulté à cotiser ; moralement en évitant de solliciter les jeunes aux moments de réunion de
groupes ; et enfin statutairement en cas de besoin d‟un certificat ou d‟une reconnaissance légale dans le cas
d‟une ouverture de compte.
Selon les parents, un rassemblement des jeunes pourrait être possible durant l‟hivernage saison des pluies qui
dure de juin à septembre). En effet qu‟il s‟agisse des jeunes scolarisés qui sont en vacances ou des non
scolarisés, les jeunes sont à ce moment-là souvent présents dans le village pour aider leurs parents dans les
champs. Les jeunes qui ne partent pas en vacances, sont par conséquent très occupés mais le lundi étant un
jour de congé (et le jour parfois choisi pour les sessions d‟assainissements dans les villages) il pourrait tout à
fait être envisageable que la réunion d‟épargne se déroule le lundi. Les parents jugent qu‟une réunion
hebdomadaire pourrait convenir à tous.
Cependant, l‟hivernage ne dure pas plus de quatre mois environ, ce qui n‟est pas assez long pour un cycle,
même minimal, d‟épargne. En effet, afin de permettre une solide cohésion entre membres, la possibilité de
faire fructifier l‟argent et de gérer des crédits et enfin de mettre en place des modules d‟éducation financière
ou de prévention de santé (si c‟est le cas pour ces jeunes) le cycle d‟un groupe devrait durer au minimum six
mois. Les parents excluent pourtant la saison sèche (le reste de l‟année, d‟octobre à mai) puisque les enfants
scolarisés se rendent à l‟école. Ils sont par conséquent en dehors du village pour ceux qui étudient au Collège
et ne seraient par conséquent indisponibles durant cette période-là.
En termes de services financiers additionnels, les parents interrogés à Mbour n‟ont mentionné que la
possibilité d‟accéder à des Caisses d‟épargne et de crédit dans l‟hypothèse selon laquelle les jeunes ne
pourraient plus contenir une somme trop importante d‟argent dans la caisse et auraient ainsi recours à une
forme de dépôt. En revanche la majorité des parents ont davantage mentionné le désir de capabilisation de
leurs enfants en termes de formation à la gestion financière, la gestion d‟activités génératrices de revenu par
le biais d‟études de faisabilité. Autrement en termes de besoins additionnel, certains parents mentionnèrent la
nécessité d‟avoir des projets d‟embouche et l‟acquisition de moulin à mil et décortiqueuse (à Thiès).
[25]
Recommandations pour la conception du projet de Microfinance Intégrée pour
les Jeunes
Afin de garantir toutes les chances de réussite du programme tel qu‟EPC, il est fondamental d‟assurer une
promotion efficiente auprès d‟une part des leaders communautaires, des parents et des groupes de jeunes
âgés de 13 à 24 ans. L‟affinité entre membres des groupes est primordiale pour permettre cohésion et sincère
solidarité entre membres. Les services financiers d‟épargne et de crédit instaurés par un tel programme
devraient rassurer les jeunes, en étant discret et accessible tels qu‟ils l‟ont mentionné à maintes reprises.
Les défis auxquels les jeunes font actuellement face sont l‟irrégularité de leur revenu et les pressions
financières auxquelles ils sont acculés. Les jeunes qui ne sont pas ou plus scolarisés sont soumis à des
pressions financières moindres puisqu‟ils mènent des activités génératrices de revenu.
Etant donné que les jeunes et leur parent ont fait part d‟un grand enthousiasme à l„idée qu‟un programme
d‟épargne de type Epargner pour le Changement soit mis en place, il n‟y aurait surement pas de difficulté à
trouver de nombreux jeunes prêts à y participer. C‟est pourquoi, il pourrait être envisagé de dissocier les
membres selon différentes catégories.
SITUATION SCOLAIRE
Tous les groupements pourraient rassembler les jeunes selon leur situation scolaire. C‟est-à-dire dissocier les
groupes d‟élèves de ceux qui travaillent d‟ores et déjà. Ceci serait justifié par le fait que ces derniers n‟ont ni
les mêmes disponibilités pour un rassemblement, ni les mêmes préoccupations et besoins et ils n‟ont pas non
plus les mêmes montants et fréquence de rémunération. Ainsi, faire en sorte que les groupes soient plus
homogènes permettrait que les objectifs sociaux et financiers soient en harmonie avec les réelles envies des
jeunes. Ceci dit, il est important de souligner qu‟un programme tel qu‟EPC n‟a pas pour vocation d‟aider les
jeunes à trouver du travail mais bien à soutenir tout un chacun, quelle que soit sa situation. Tous les jeunes
doivent être responsables et responsabilisés. EPC doit s„inscrire dans la continuité des programmes de
développement déjà mis en place et promouvant le maintien des élèves à l‟école, la lutte contre l‟exode rural
massif. C‟est aussi la raison pour laquelle les parents et leaders communautaires doivent être impliqués dans
la mise en place du programme et ce dès la promotion initiale par des assemblés générales.
GENRE
Une dissociation selon le genre n‟a été exprimée que par un tiers des personnes interrogées que ce soit de la
part des parents que des jeunes. Il n‟est par conséquent pas nécessaire d‟imposer une telle ségrégation.
Cependant étant donné que ce désir a été exprimé unanimement dans le département de Thiès, il serait
préférable de séparer les groupes de jeunes garçons des groupes de jeunes filles dans ce département. Les
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code de conduite et contexte socioculturels doivent dicter la mise en place du programme dans chaque
localisation afin que cela réponde véritablement et respectueusement aux besoins des communautés cibles.
CLASSE D’AGE
Une autre distinction pourrait concerner les groupements d‟âge. En effet, il semble adéquat de prendre en
compte les variations de besoins en gestion financière des jeunes selon les périodes de vie. Comme indiqué
au début de ce rapport, la notion de « jeunes » regroupe de nombreuses réalités souvent dictées par le statut
matrimonial. Ainsi il pourrait être intéressant de regrouper des groupes de jeunes âgés de 12 à 15 ans d‟une
part et ceux âgés de 15 à 24 ans d‟autre part, afin que les modules soient adaptés à leurs bénéficiaires. Il ne
s‟agit pourtant que d‟une suggestion qui aura lieu d‟être approfondie et rediscutée. En effet, au-delà d‟une
considération de classe d‟âge uniquement, la situation matrimoniale devrait être prise en compte dans le
choix des groupes. Par exemple, deux jeunes filles de 18 ans pourraient ne pas avoir les mêmes besoins et
attentes selon qu‟elles sont mariées (ou mères) ou pas. Une jeune fille de 18 ans non mariée sans enfant aura
un profil plus proche de celui d‟une autre jeune fille de 16 ans dans la même situation.
SERVICES ADDITIONNELS
Pour ce qui concerne les services complémentaires non financiers, il serait envisageable d‟ajouter des
sessions d‟instruction morale et de soutien en gestion d‟activités génératrices de revenu (maraîchage, élevage
ou petit commerce) grâce à des études de faisabilité ainsi que des micro projets pouvant accompagner les
jeunes à sécuriser leur argent. Concernant les services complémentaires financiers, il pourrait être également
envisagé et ce, dans le respect de la législation récente concernant les Institutions de Microfinance (IMFs) au
Sénégal de mettre en place des partenariats entres groupes EPC et ces IMFs si bien sûr les membres le
décident. Une innovation possible et plus accessible en termes géographique pourrait être la création de
banques villageois gérant ainsi des sommes plus importantes d‟argent cumulé. Il y aurait dans ce cas-là
formation et sensibilisation additionnelles.
De même, des partenariats avec les acteurs locaux impliqués dans le développement tels que Tostan et Nike,
pourraient être approfondis dans le but de soutenir l‟effort commun de façon cohérente. Les Comités de
Gestion Communautaire (CGCs) notamment, mis en place par Tostan, sont des acteurs clefs dans le
renforcement des capacités communautaires par leur implication dans la prise de décision participative et la
confiance que leur vouent les membres de la communauté. C‟est pourquoi, il est impératif de les consulter
pour la mise en place de tout projet et/ou programme.
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Conclusion
Au Sénégal, les jeunes garçons rencontrés sont les pères et gestionnaires des foyers de demain ; les jeunes
filles sont les mères et épouses à venir, constituant ainsi les futurs piliers de la société. Or, en raison de leurs
difficultés financières récurrentes, ces jeunes individus ont peu confiance en eux et en leurs capacités et sont
anxieux pour l‟avenir.
Malgré leur jeune âge, les jeunes filles et garçons parviennent à gagner de l‟argent grâce à des activités telles
que le petit commerce, les ventes de l‟agriculture, le travail domestique ou celui d‟apprenti et la vente
d‟ovins et de volailles. A cela s‟ajoute le soutien financier que reçoivent les jeunes de leur famille. Bien
qu‟ils aient différentes sources d‟argent, les jeunes sont confrontés à des pressions financières qui rendent
leur quotidien irrégulier et précaire. Ces pressions que les jeunes appellent des « problèmes à régler » sont de
différents ordres, prévisibles ou non. Il peut s‟agir de problème de santé ou de décès, l‟accueil impromptu
d‟un parent ou encore de mauvaises récoltes. A ces pressions financières s‟ajoutent quelques dépenses
inévitables telles que celles allouées aux événements sociaux, les fêtes religieuses, et les fournitures
scolaires.
Les stratégies actuelles qu‟ont les jeunes pour gérer ces obstacles, sont le travail supplémentaire et épuisant,
l‟épargne non sécurisée et aléatoire et dans une plus large mesure l‟emprunt coûteux et irrégulier. Les jeunes
savent d‟ores-et-déjà s‟adapter aux situations délicates qui se posent à eux mais cela est très coûteux,
incertain et souvent humiliant. En effet l‟emprunt est tabou et mal vu aussi bien chez les jeunes que chez les
adultes. D‟où le désir constamment répété des jeunes d‟accéder à des services financiers simples, conçu pour
eux et surtout discrets.
Les jeunes sont autonomes dans leurs prises de décisions et dans la gestion de leur argent. Les parents ont
beaucoup d‟influence sur eux, les conseillent et les soutiennent. Ceci étant, si un parent rompt la confiance,
l‟enfant saura se débrouiller tout seul et ne pas être déçu une seconde fois. En outre, même si les réponses
des parents concordent avec celles des jeunes (en termes d‟épargne et d‟accès au crédit), certaines
différences de perception illustrent bien le fait que les enfants ne confient pas tout à leurs parents. Ils sont
astucieux et restent solidaires malgré leurs difficultés.
Malgré cela, le besoin est réel et l‟intérêt est confirmé : la mise en place d‟un programme tel qu‟Epargner
pour le changement, de finance intégrée (non seulement d‟éducation en gestion mais aussi d‟accès à des
services financiers) semble adaptée aux jeunes sénégalais. Cela permettrait à cette génération de mettre
toutes les chances de son côté pour assurer un avenir digne et prometteur dans le respect de la tradition et de
la culture locale. En effet, les jeunes ont exprimé le besoin de se rassembler afin de renforcer leur cohésion
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et solidarité pour un même but d‟autonomie financière et in fine le renforcement du développement
communautaire réduisant ainsi l‟arrêt de la scolarité et l‟exode rural tant déplorés.
Les jeunes désirent accéder au crédit pour mener leurs activités génératrices de revenu mais aussi disposer
d‟un lieu sûr pour placer leur épargne difficilement conservée jusqu‟à présent. La discrétion tant désirée des
jeunes en raison de la honte qu‟ils ressentent en cas de pression financière ne serait plus un point focal
puisque dans un groupe tel qu‟EPC, règnent solidarité, confiance et transparence. Les mécanismes
appropriés pour leur fournir des services financiers intégrés seraient la mise en place dans le village de
groupes d‟épargne hebdomadaires, disons tous les lundis, jour chaumé durant la saison humide, et durant les
weekends durant la saison sèche. Les groupes de jeunes pourraient être mixtes ou séparés selon le genre,
selon une certaine catégorie d‟âge, d‟activité (scolaire ou rémunératrice) ou de situation matrimoniale en
fonction du choix des jeunes, et de l‟accord des parents et leaders communautaires. Ils pourraient épargner
chaque semaine une certaine somme choisie par les jeunes dans leur règlement intérieur, selon leur désir et
surtout leur possibilité. En plus de cette épargne régulière et obligatoire ainsi décidée par les jeunes, ceux-ci
pourraient s‟octroyer des prêts les uns aux autres en justifiant leur projet personnel. L‟éducation financière,
la maîtrise de ces activités financières ferait partie intégrante de ces réunions de groupe dont les modalités
auraient été expliquées avec les parents et leaders communautaires.
En tenant compte des résultats et des recommandations de cette étude de marché et en fondant ce projet sur
une approche participative, une alternative aux défis rencontrés par les jeunes du Sénégal semble aujourd‟hui
se profiler. En effet, celle-ci peut naître de la dynamique de la Microfinance Intégrée acceptée, comprise et
soutenue par les leaders communautaires et conceptualisé et maitrisée par les Jeunes eux-mêmes.
Groupes de jeunes garçons et filles du village de Djokoul
(Khaolack)