rapport final janicot unesco- le rapport
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Rapport Jannicot 2013TRANSCRIPT
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Rapport au Ministre des Affaires trangres
La France et lUnesco
Daniel JANICOT
21 Octobre 2013
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Prcisment parce que lUnesco est une finalit pratique, laccord des
esprits peut sy faire spontanment, non pas sur une commune pense
pratique, non pas sur une mme conception du monde, de lhomme et de la
connaissance, mais sur laffirmation dun mme ensemble de convictions
dirigeant laction .
Jacques Maritain, dlgu de la France, devant la Confrence gnrale de
1947.
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Lettre de mission de Monsieur Laurent Fabius, Ministre des affaires trangres
28 fvrier 2013
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Liste des personnalits consultes
Monsieur Jean AUDOUZE, Prsident de la Commission Nationale Franaise pour lUnesco (CNFU)
Monsieur Francesco BANDARIN, Sous-Directeur gnral pour la Culture lUnesco
Madame Sonia BAHRI-GAISSET, Chef de section, section de la rforme et des politiques scientifiques, Secteur des Sciences exactes et naturelles,
Unesco
Monsieur Denis BESNAINOU, Expert national dtach auprs de lUnesco, secteur des Sciences humaines et sociales, programme MOST
Madame Anne BISAGNI, Conseillre diplomatique de la Ministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche
Monsieur Jean-Pierre BLACKBURN, Ambassadeur, dlgu permanent du Canada auprs de lUnesco
Madame Batrice BOISSON-SAINT-MARTIN, responsable du Ple Patrimoine mondial, Direction gnrale des patrimoines, ministre de la
Culture et de la Communication
Madame Irina BOKOVA, Directrice Gnrale de lUnesco
Madame Jolle BOURGOIS, ancienne Ambassadrice de France lUnesco
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Madame Lidia BRITO, Directrice de la division des politiques scientifiques et du renforcement des capacits, Secteur Sciences exactes et
naturelles de lUnesco, ancienne ministre de la Recherche du Mozambique
Madame Marianne de BRUNHOFF, Conseillre charge des rythmes scolaires, de l'enseignement artistique, de l'action culturelle, des relations
avec les collectivits territoriales et de la carte scolaire au cabinet de la
Ministre dlgue la Russite ducative, Mme George Pau-Langevin
Monsieur Hubert de CANSON, Conseiller des Affaires trangres, Charg de mission auprs du Secrtaire gnral du Ministre des Affaires trangres
Madame Claire CHASTANIER, Adjointe au sous-directeur des collections, Direction gnrale des Patrimoines ministre de la Culture et de
la Communication
Madame Catherine COLONNA, ancienne Ministre, ancienne Ambassadrice de France lUnesco
Madame Brigitte COUTANT, Directrice de la Dlgation aux affaires institutionnelles, territoriales et internationales de lEtablissement public
Universcience
Madame Anne CROZAT, Sous-Directrice des affaires europennes et internationales, Secrtariat gnral, ministre de la Culture et de la
Communication
Monsieur Jean-Baptiste CUZIN, Chef du Bureau des Affaires internationales et multilatrales, Secrtariat gnral, ministre de la Culture
et de la Communication
Monsieur Yves DAUGE, ancien Snateur, Conseiller spcial auprs du Centre du Patrimoine mondial de lUnesco, Prsident de lAssociation des
biens franais du Patrimoine mondial
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Madame Vronique DAUGE, Chef de lUnit des Etats Arabes, Centre du Patrimoine mondial, Unesco
Monsieur Gilles DELCOURT, Charg de mission, sous-direction des affaires europenne et internationales, Secrtariat gnral, ministre de la
Culture et de la Communication
Monsieur Jacques DUBUCS, Chef du secteur Sciences de lHomme et de la Socit, service Stratgie de la recherche et de linnovation, direction
gnrale pour la recherche et linnovation, ministre de lEnseignement
suprieur et de la Recherche
Madame Stphanie DUPUY-LYON, Sous-directrice de la qualit du cadre de vie, Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, Direction
gnrale de l'amnagement, du logement et de la nature, ministre de
l'cologie, du Dveloppement durable et de lEnergie
Madame Laurence ENGEL, Directrice de Cabinet de la Ministre de la Culture et de la Communication, Mme Aurlie Filippetti
Monsieur Jrme ETIFIER, Charg de mission Patrimoine Mondial, Direction Gnrale de lAmnagement, du Logement et de la Nature,
ministre de lEcologie, du Dveloppement durable et de lEnergie
Monsieur Eric FALT, Sous-Directeur gnral pour les relations extrieures et linformation du public lUnesco
Monsieur Bruno FAVEL, Chef du Dpartement des affaires europennes et internationales de la dlgation gnrale des patrimoines, ministre de la
culture et de la Communication
Monsieur Pierre-Antoine GATIER, Architecte en chef des monuments historiques, Prsident dICOMOS France
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Madame Julie GODIGNON, Coopration audiovisuelle et journalisme, sous-direction de laudiovisuel extrieur et des technologies de
communication, Direction gnrale de la mondialisation, du dveloppement
et des partenariats, ministre des Affaires trangres
Monsieur Jean GUGUINOU, ancien Ambassadeur de France lUnesco
Madame Claudie HAIGNER, ancienne Ministre, prsidente de ltablissement public Universcience
Madame Nada Al HASSAN, Spcialiste du Programme, Coordonnateur de linitiative pour la culture et le dveloppement, Secteur de la Culture de
lUnesco
Madame Marguerite HITIER, Responsable du Ple audiovisuel extrieur de la France, mission des changes culturels et de laudiovisuel extrieur,
direction gnrale de la mondialisation, du dveloppement et des
partenariats, ministre des Affaires Etrangres
Madame Mireille JARDIN, Comit franais du Programme lHomme et la Biosphre, ancienne spcialiste de programme, Secteur des sciences exactes
et naturelles (programme MAB), Unesco
Madame Gretchen KALONJI, Sous-Directrice gnrale pour les Sciences exactes et naturelles de lUnesco
Monsieur Janis KARKLINS, Sous-Directeur gnral pour la Communication et lInformation de lUnesco
Monsieur David KESSLER, Conseiller aux Mdias et la Culture du Prsident de la Rpublique franaise
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Monsieur Chrif KHAZNADAR, Prsident de la Maison des Cultures du Monde, prsident du Comit culture de la Commission nationale franaise
pour lUNESCO
Monsieur Stany KOL, ancien secrtaire de la Confrence Gnrale de lUnesco
Monsieur Georges KUTUKDJIAN, ancien directeur de la Division des sciences humaines, de la philosophie et de lthique des sciences et des
technologies, Secteur des Sciences humaines et sociales de lUnesco, doyen
des mdiateurs de lUnesco
Madame Marie-Christine LABOURDETTE, Directrice des Muses de France, Direction gnrale des patrimoines, ministre de la Culture et de la
Communication
Monsieur Pierre LANAPATS, Inspecteur des Affaires trangres, ministre des Affaires trangres
Monsieur Jean-Paul LEFEVRE, Sous-directeur des changes culturels et de laudiovisuel extrieur, direction de la coopration culturelle,
universitaire et de la recherche, direction gnrale de la mondialisation,
ministre des Affaires trangres
Monsieur Jean-Yves LE SAUX, Directeur adjoint du Bureau de la planification stratgique de lUnesco
Monsieur Vincent LOUIS, Rdacteur au service des affaires francophones, direction des Nations Unies et des organisations internationales, ministre
des Affaires trangres
Monsieur Dov LYNCH, Conseiller au cabinet de la Directrice gnrale de lUnesco
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Monsieur Charles MALINAS, Directeur de cabinet de la ministre dlgue auprs du Ministre des Affaires trangres, charge de la
Francophonie, Mme Yamina Benguigui
Monsieur Pierre MASQUART, Avocat au Barreau de Paris
Madame Chlo MAUREL, Docteur en histoire contemporaine
Monsieur Herv-Adrien METZGER, Conseiller Matre la Cour des Comptes, Directeur de laudit externe de lUnesco
Monsieur Bernard MIYET, ancien ambassadeur, prsident de lAssociation franaise des Nations Unies
Monsieur Jean MUSITELLI, ancien Ambassadeur de France lUnesco
Monsieur Xavier NORTH, Dlgu gnral la langue franaise et aux langues de France, ministre de la Culture et de la Communication
Monsieur Hans DORVILLE, Sous-Directeur gnral pour la planification
stratgique, Bureau de la planification stratgique de lUnesco
Madame Isabelle PALMI, Directrice dICOMOS France
Madame Franoise de PANAFIEU, ancienne ambassadrice de France lUnesco
Madame Maria del PILAR LVAREZ-LASO, Sous-Directrice gnrale pour les Sciences sociales et humaines de lUnesco
Monsieur Jean-Franois PLARD, Conseiller technique du Ministre de lEducation nationale, charg des relations europennes et internationales,
du suivi de l'enseignement l'tranger et des langues rgionales
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Madame France QUEMAREC, responsable du ple coopration patrimoniale et formation, Direction gnrale des Patrimoines, ministre de
la Culture et de la Communication
Monsieur Jacques RAO, Directeur de la Division des relations avec les Etats membres et les Organisations internationales lUnesco
Madame Franoise RIVIRE, ancienne Sous-Directrice gnrale pour la Culture lUnesco
Monsieur Nicolas de RIVIRE, Directeur, Direction des Nations Unies, des organisations internationales des Droits de lHomme et de la
Francophonie, ministre des Affaires trangres
Monsieur Pascal ROGARD, Directeur Gnral de la Socit des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), prsident de la Coalition franaise
pour la diversit culturelle
Monsieur Daniel RONDEAU, ancien Ambassadeur de la France lUnesco
Monsieur Benot de SAINT CHAMAS, cabinet du Prsident-directeur de lEtablissement Public du Muse du Louvre
Monsieur Elias SANBAR, Dlgu permanent de la Palestine lUnesco
Madame Julie SAURET, charge de mission auprs du Sous-Directeur des changes culturels et de laudiovisuel extrieur, direction de la coopration
culturelle, universitaire et de la recherche, direction gnrale de la
mondialisation, ministre des Affaires trangres
Monsieur Pierre SELLAL, Secrtaire gnral du ministre des Affaires trangres
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Madame Catherine SOUYRI-DESROSIER, Politique de rgulation audiovisuelle, mission des changes culturels et de laudiovisuel extrieur,
direction gnrale de la mondialisation, ministre des Affaires trangres
Madame Katrina STNOU, Directrice de la Plateforme intersectorielle pour une culture de la paix et de la non-violence, Bureau de la Planification
stratgique (BSP) de lUnesco
Monsieur Qian TANG, Sous-Directeur gnral pour lducation de lUnesco
Madame Marie-Ange THEOBALD, Spcialiste principale de la planification stratgique, Bureau de planification stratgique de lUnesco
Monsieur Jacques TOUBON, Dlgu de la France pour la fiscalit des biens culturels, ancien Ministre
Monsieur Justin VASSE, Directeur du Centre danalyse, de prvision et de stratgie, ministre des Affaires trangres
Monsieur Gerrit VAN ROSSUM, Chef de service des Affaires francophones, direction des Nations Unies et des organisations
internationales, ministre des Affaires trangres
Madame Danile WOZNY, responsable du ple Patrimoine mondial, direction de la coopration culturelle, universitaire et de la recherche,
direction gnrale de la mondialisation, ministre des Affaires trangres
Madame Rama YADE, ancienne Ambassadrice de la France lUnesco
Minja YANG, Prsidente, Raymond Lemaire International Centre for Conservation, Katholieke Universiteit Leuven, ancienne Directrice adjointe
du Centre du Patrimoine mondial de lUnesco
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Monsieur Alexandre ZIEGLER, Directeur du cabinet du Ministre des Affaires trangres
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Remerciements Pour ltablissement de ce rapport, jai bnfici de laide et du
soutien de David Fajolles, ancien lve de lEcole normale suprieure de la
rue dUlm, jusqu rcemment Chef du Dpartement des tudes, de la
prospective et des statistiques du ministre de la Culture et de la
Communication et aujourdhui charg de mission auprs du Secrtaire
gnral du mme Ministre. Il a exerc mes cts la fonction de
rapporteur. Quil en soit infiniment remerci.
Le Secrtaire gnral du ministre des Affaires trangres, M. Pierre
Sellal, ainsi que M. Nicolas de Rivire, directeur pour les Nations Unies et
les organisations internationales, nous ont accompagns tout au long de
cette mission et nous les en remercions.
Madame Laurence Engel, directrice de cabinet de la Ministre de la
Culture et de la Communication, a galement prt une attention particulire
nos travaux.
Monsieur Gerrit Van Rossum a t notre interlocuteur constant et a
mis notre disposition sa trs grande comprhension des enjeux actuels de
lUnesco. Notre reconnaissance lui est acquise. Au sein de son service,
Monsieur Vincent Louis a apport nos travaux son concours efficace et
constructif : quil en soit remerci galement.
Je voudrais remercier tout spcialement Chlo Maurel, Franoise
Rivire et Stany Kol qui mont beaucoup apport dans le droulement de la
mission, par leur connaissance de lUnesco.
Un remerciement tout particulier pour Pierre Masquart qui a veill la
cohrence du rapport.
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Un mot de reconnaissance lquipe de Pro Cultura qui sest
investie dans cette mission de rflexion et de propositions. Je veux citer
Isabelle Levet, Martine Prault et Marion Le Bec qui nous ont
accompagns, ont prpar les auditions et suivi le manuscrit. Sans elles, la
date de remise du rapport naurait pas pu tre tenue.
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Sommaire
Lettre de mission du Ministre des Affaires trangres, Laurent Fabius, du 28 fvrier 2013
Personnes consultes
Remerciements
Avant-propos
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : La France et lUnesco, une relation privilgie
1.1 La France, un Etat fondateur de lUnesco
A. Un Etat prcurseur B. Un Etat organisateur C. Un Etat modrateur
1.2 La France, le pays du sige de lUnesco
A. Les btiments parisiens B. La langue franaise C. Les transferts financiers
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DEUXIME PARTIE : La prsence de la France au sein de lUnesco
2.1 Le rseau franais de lUnesco
A. Les administrations
B. Les oprateurs publics
C. La Dlgation permanente
D. La Commission Nationale Franaise
2.2 La communaut franaise de lUnesco
A. Le personnel franais de lUnesco
B. Les partenaires franais
C. Les Franais et lUnesco
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TROISIEME PARTIE : Linfluence programmatique de la France
3. 1. Une influence consolider sur les programmes existants
A. La Culture : le secteur dominant de notre influence programmatique
B. LEducation, un secteur sous-investi par la France
C. Les Sciences exactes et naturelles, un secteur gratifiant pour linfluence franaise
D. Communication & Information, un secteur au fort potentiel pour la France
3.2. Quatre opportunits programmatiques saisir
A. Proposer lUnesco une confrence internationale sur limpact du numrique sur la diversit culturelle et le
financement de la cration
B. Simpliquer dans la mise en place du Centre international sur les transformations sociales
C. Clarifier la position de la France sur la lutte contre le trafic illicite face aux revendications de biens culturels
D. Promouvoir la diversit linguistique par une recommandation sur lenseignement des langues
trangres
Vers une plateforme dvaluation nationale des programmes de
lUnesco
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QUATRIEME PARTIE : La France et lUnesco, une relation consolider
4.1 Vingt mesures court et moyen terme
A. Dix propositions pour renforcer la prsence de la France au sein de lUnesco
B. Dix prconisations pour relancer linfluence de la
France au sein de lUnesco
4.2 Trois initiatives moyen et long terme
A. Une initiative politique : vers une refondation de lUnesco
B. Une initiative intellectuelle : vers une plateforme nationale dvaluation des programmes
C. Une initiative institutionnelle : pour un dispositif repens articulant Dlgation permanente et Commission nationale
CONCLUSION
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AVANT-PROPOS
Le 28 fvrier 2013, il ma t demand par Laurent Fabius, ministre
des Affaires trangres dtablir un rapport sur ltat actuel et les
perspectives de dveloppement de la relation entre la France et lUnesco.
Lobjectif est clair : il sagit dvaluer les conditions dans lesquelles cette
relation privilgie pourrait tre approfondie .
Cette valuation a t conduite dans un tat desprit constructif.
Comme nous la demand Monsieur Laurent Fabius au moment de nous
confier cette mission, cette valuation est destine sassurer que la France
exerce ses responsabilits lgard de lUnesco et identifier les conditions
pour quelle les exerce de manire encore plus optimale.
Cette ambition a t rappele Madame Irina Bokova, Directrice
Gnrale de lUnesco, qui nous a reus le 28 juin 2013. Au cours de cet
entretien, le rle historique de la France a t remmor et lengagement de
notre pays au soutien de lOrganisation a t soulign. Des perspectives ont
t ouvertes sur la meilleure faon, pour notre pays, de rpondre aux
attentes de lUnesco. Cet entretien nous a conforts dans la certitude quune
action concerte entre la France et la Directrice Gnrale est lune des cls
du succs pour lUnesco.
Parce que lUnesco est un sujet dtude complexe et difficile, il a t
ncessaire de procder de nombreux entretiens, afin dapprocher au plus
prs la ralit des questions souleves. Ces entretiens ont tous t
enrichissants. Ils lont t dautant plus que tous nos interlocuteurs taient
conscients que lUnesco tait entre dans une priode de son histoire
particulirement difficile.
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Un mandat complexe et difficile.
Il lest dautant plus quil nexiste aucune tude exhaustive sur la
relation de la France et de lUnesco, mme sil existe quelques ouvrages
franais de rfrence sur lhistoire de lOrganisation. Deux ouvrages
universitaires ont trait de notre sujet : celui de Galle Barreau sur La Politique Franaise lUnesco : 1958 1969 (mmoire de matrise sous la direction de R. Franck, 2002, Paris I), et celui dIris J. Bhrle consacr La France et lUnesco de 1945 1958 (mmoire de master sous la direction de
M. Vasse, IEP, 2005-2006). eux deux, ils couvrent la priode 1945-1969.
ces publications, il faut ajouter le livre de Chlo Maurel, publi en 2010
et qui traite de lUnesco pendant les trente premires annes de son
existence. Afin de disposer dlments plus rcents, nous avons demand
Chlo Maurel une note retraant lhistoire de la relation entre la France et
lUnesco et nous avons complt cette demande par un texte que Franoise
Rivire a rdig sur la priode allant de M. MBow jusquau premier
mandat de Mme. Bokova. Franoise Rivire est sans doute la personnalit la
mieux mme de traiter de cette priode, couverte par le dlai de protection
des archives, puisquelle a t notamment Directrice de Cabinet de M.
Matsuura. Que leurs deux auteurs soient remercis pour la qualit de leurs
analyses et leur disponibilit.
Il lest galement par ce que beaucoup de tmoins qui ont fait vivre cette
relation ne sont plus aux affaires ou ont disparu. Il y a donc une question de
conservation de la mmoire de cette histoire privilgie. Heureusement,
nous avons pu dialoguer avec un certain nombre de nos ressortissants, qui
ont servi dans le Secrtariat et qui sont aujourdhui la retraite. Nous leur
exprimons notre reconnaissance, notamment M. Stany Kol, pour les notes
et les tmoignages quils nous ont fait parvenir.
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Il lest enfin, parce que tout ce qui touche lUnesco soulve, de la
part des interlocuteurs, des passions et des polmiques. Cette confusion des
esprits dj dcrite par Albert Cohen pour la SDN est encore vive dans
les organisations internationales. Mais lUnesco y est particulirement
expose : les rumeurs, les indiscrtions, les manuvres y ont lu domicile et
il faut savoir faire la part des choses. Nous avons dailleurs t surpris par la
vivacit de certaines ractions. La personnalit des Directeurs Gnraux
suscite des ractions encore trs vives, parfois bien aprs quils ont quitt
leurs fonctions. Beaucoup de commentaires colportent des rumeurs ou des
informations fausses. Cet tat de fait - dont il ne faut pas salarmer mrite
quelques observations.
Les personnels des Dlgations permanentes, les personnels du
Secrtariat ne disposent que dune information parcellaire ou trs technique
sur les activits de lOrganisation. Il leur est trs difficile de percevoir les
politiques menes dans leur ensemble. La plupart dentre eux ne disposent
pas dune vision globale des activits de lUnesco, privilge rserv au
Directeur Gnral et ses collaborateurs les plus proches. Il y a l une
difficult. Si des efforts ont t faits pour la communication externe
lUnesco, les procdures dinformation internes ne sont ni suffisantes, ni
efficaces. Les secteurs de soutien et de services ne connaissent gure ce que
font les secteurs de programmes et rciproquement, en dpit des efforts
notables raliss rcemment. Cette dfaillance des procdures dinformation
interne rend donc difficile la lecture de ce qui se fait vraiment lUnesco et
de ce que les personnels peroivent et comprennent du jeu institutionnel.
Cest pourquoi nous avons privilgi la formule des entretiens plutt
que le recours aux textes et aux documents.
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Ces entretiens ont ainsi rendue trs vivante la mission. En les
croisant, il a t possible de dgager une vue densemble de ce qui se passait
au sein de lOrganisation, mme si ont survcus de nombreux angles morts.
Nous avons ainsi pu auditionner quelque 80 personnes, choisies avec
discernement. Ces personnalits relvent de gnrations diffrentes,
dhorizons distincts. Elles pratiquent le franais et/ou langlais. Elles sont un
chantillon de la diversit qui caractrise lUnesco. Diverses, elles ont
cependant le sentiment dappartenir a une seule communaut . Il nous a paru
intressant de faire figurer cette liste en ouverture du rapport.
Des auditions cibles et approfondies.
Ces personnalits auditionnes avaient toutes un lien spcifique avec la
France et ont ainsi pu tmoigner de ltat de la relation, privilgie, entre la
France et lUnesco. Ces personnalits se sont rendues disponibles et ont
parl avec franchise.
Ont t auditionns presque tous les Dlgus Permanents franais
qui se sont succds depuis 1990 ainsi que les Dlgus Permanents
dautres Etats, soit dans un cadre officiel, soit de faon officieuse. Certains
ont souhait ne pas tre mentionns.
Le personnel franais du Secrtariat, le personnel concern des
administrations franaises ayant en charge lUnesco au titre de leurs
ministres, des responsables dONG ou dorganismes associs lUnesco,
des personnalits qualifies nous ont apport leurs analyses et leurs
recommandations. Il faut ici mentionner lassistance, dont nous avons
profit, des anciens fonctionnaires de lUnesco.
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Nous sommes conscients de navoir pas pu tre exhaustifs compte
tenu du dlai assign notre mission et nous avons fait des choix. Beaucoup
de demandes dentretien volontaires nous sont parvenues, mesure que
linformation sur lexistence de cette mission se diffusait lintrieur du
Secrtariat. Nous navons pas pu donner satisfaction toutes ces demandes.
* Les personnalits les mieux indiques pour parler de la relation
entre la France et lUnesco taient les Ambassadeurs qui ont exerc les
fonctions de Dlgus Permanents de la France. Ceux-ci ont parl de faon
claire et intressante. Pourtant leurs origines professionnelles, leurs histoires
personnelles taient trs diffrentes les unes des autres. Tous ont t
marqus par leur passage lUnesco. La plupart ont regrett de ne pas y tre
rests plus longtemps. Chacun dentre eux a soulign la grande complexit
du systme Unesco. Enfin, ils ont tous appel ce que de nouvelles
initiatives de la France soient prises dans un contexte proccupant pour
lavenir de lorganisation auprs de laquelle ils ont servi. Quelques
remarques leur sujet : outre la brivet du mandat de certains, la
circonstance de leurs remplacements a t parfois brutale ; les modalits de
leur remplacement ont empch la plupart dentre eux de bnficier dune
transmission de tmoin entre prdcesseur et successeur. Cest la loi des
mutations diplomatiques, mais elle fait perdre chaque nouvelle nomination
un savoir, une exprience, des contacts et des rseaux qui sont difficiles
accumuler lUnesco. Le rle du Dlgu Permanent adjoint en tant
quchelon dadministration permanente qui assure la continuit entre les
Ambassadeurs qui se succdent en devient encore plus crucial.
* Le personnel du Secrtariat nous a paru trs distanci lgard de
notre pays. Certains dentre eux russissent tisser des liens avec des
correspondants franais. Beaucoup dclarent souffrir dun dficit de contact,
de communication, voire se plaignent dun manque de considration de la
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France et des Franais leur gard. Une certaine rsignation gouverne leurs
comportements et ils mesurent leur attachement aux satisfactions quils
obtiennent de la France. Cest sans doute leur sujet quun changement
important dans la relation entre la France et lUnesco peut tre not. Le
personnel de lUnesco a t longtemps un relais privilgi de notre
influence. Une parent desprit et dambition, une sympathie pour un pays
daccueil gnreux et dynamique et bien dautres facteurs ont jou pour
crer une certaine symbiose. Les positions adoptes par la France taient
aussi apprcies par un personnel en provenance de pays en voie de
dveloppement. Toutes ces attitudes favorables la France ne sont plus
aussi fortes et aussi partages quil y a encore une dcennie : a eu lieu un
dcrochage quil faudrait analyser plus en dtail.
* Ce dcrochage lgard de notre pays se ressent tout
particulirement chez les ressortissants franais membres du Secrtariat.
Ceux-ci souffrent dun sentiment de dcouragement et de solitude. Ils se
sentent oublis par nos administrations et par la Dlgation permanente.
Cest un ressenti largement partag. Il y a l sans doute une piste
explorer : la Dlgation permanente pourrait tre plus attentive la situation
de nos fonctionnaires. Certes, il y a le principe dontologique qui sapplique
chaque fonctionnaire international : il doit servir lOrganisation et rester
indpendant de son pays dorigine. Toutefois cette rgle est transgresse par
les ressortissants trangers qui travaillent au sein du Secrtariat. Ceux-ci
aident souvent leurs dlgations un peu perdues dans le ddale complexe de
lUnesco. Il y a galement la solidarit entre les ressortissants autour de
leurs groupes rgionaux. Il ny aura bientt que les Franais pour rester
lcart de leur pays Dune faon plus gnrale encore, il faut quand mme
rappeler ceux qui se lamentent quils jouissent dune situation privilgie
et enviable. Un discours qui les ramne la ralit est, pour certains,
ncessaire et salutaire : ils bnficient de salaires trs confortables,
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disposent dune immunit diplomatique dans lexercice de leurs fonctions,
et jouissent dune quasi exonration fiscale qui, si elle a t discute un
temps, est maintenant confirme et clarifie. En effet, la France a adhr en
1999 la Convention sur les privilges et immunits des institutions
spcialises des Nations Unies, sans rserve dordre fiscal. Tous ces
avantages, auxquels sajoutent des conditions de travail plutt confortables
et un rythme de travail plutt agrable, doivent tre rappels la mmoire
de ceux qui se plaignent sur leur sort. Bien entendu, un grand nombre de nos
ressortissants font honneur la France, travaillant avec enthousiasme et se
dvouant leur tche. Mais ce nest hlas pas la totalit.
* Sagissant des reprsentants des Etats membres, leurs sentiments
envers la France restent partags. Dun ct, ils saluent lattitude de la
France quand elle sexprime devant les organes dirigeants voire les
nombreux organes techniques et consultatifs. Ainsi de lAmbassadeur du
Canada auprs de lUnesco qui dlivre la Dlgation franaise le prix de
lexcellence. Il sera le seul cit dans notre rapport mais un tel compliment
ne pouvait passer inaperu : il nous a signal combien les positions
franaises taient bien prpares comparativement celles dautres Etats
membres et combien la France tenait son rang dans les activits du
Secrtariat. linverse, dautres Dlgus Permanents regrettent un temps
(quils nont pas vcu) o la France tait davantage prsente, voire
omniprsente. Ils montrent du doigt un certain loignement, une certaine
distance quils dplorent. Selon eux, la France aurait chang son attitude
lgard de lUnesco.
La drive bureaucratique, les difficults de gouvernance, la faiblesse
des programmes, labsence de vritables rformes, la baisse de niveau des
spcialistes de programmes, la cration de baronnies fermes et opaques,
toutes critiques entendues ne sont videmment pas imputables la France.
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Elles relvent directement de la responsabilit de tous les Etats qui, dans de
nombreuses occasions, bloquent les rformes, paralysent la Direction
Gnrale et demandent toujours plus de contrles et dvaluations au
dtriment des programmes eux-mmes.
Mais pour beaucoup de Dlgus Permanents, la France a une
responsabilit spcifique, un rle tutlaire qui lui imposent de ragir, de
simpliquer, de dgager des solutions et des moyens. Et ils estiment quelle
nassume pas entirement ses obligations nes et constitutives dune relation
privilgie entre la France et lUnesco.
Le monde a chang depuis lge dor de linfluence franaise qui
sest concrtis avec le mandat de Ren Maheu. De nouveaux Etats sont
apparus, certains devenus de nouvelles puissances politiques et
conomiques. Certains ont dvelopp leurs capacits endognes et nont
plus besoin de lUnesco autant que sous cet ge dor . Ils deviennent
leur tour, pays dexpertise, bailleurs de fonds, modles de dveloppement.
Parce que lUnesco nest plus aussi incontournable, la France garde son
influence mais devient moins indispensable. Cest ce langage de vrit qui
doit nourrir les rapports avec les Dlgations permanentes. Moins de
sentimentalit et plus de ralisme devront sans doute qualifier lavenir des
relations de la France avec lUnesco.
Il faut souligner que la plupart des personnes interroges ont fait
allusion la circonstance que le prcdent Chef de lEtat ntait pas venu
honorer de sa prsence lorganisation internationale. Cette situation, en
effet, ne stait jamais produite. Tous les Chefs dEtat franais successifs se
sont rendus au moins une fois lUnesco, y compris Charles de Gaulle.
Cette distance a rendu trs inconfortable le travail de la Dlgation
permanente, a dstabilis le personnel franais du Secrtariat et a dcourag
les fonctionnaires de lEtat engags dans la relation entre la France et
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lUnesco. Il tait temps de mettre fin une situation indite, interprte de
faon ngative par les Etats membres.
Trois initiatives rcentes sont venues gommer sinon effacer cette
impression ngative :
- La premire est le dplacement, le 5 juin 2013, de Franois Hollande en sa
qualit de Chef de lEtat, au sige de lUnesco, pour y recevoir le prix
Houphout-Boigny pour la paix : initiative apprcie et trs commente.
- La seconde est la prise en charge par la France du dossier culturel malien
grce la gestion nergique de notre Ambassadeur, Daniel Rondeau, salue
par tous, et qui a bnfici du soutien de la Directrice Gnrale et de la
Ministre de la Culture. linitiative du ministre des Affaires trangres,
Irina Bokova a accompagn le Prsident de la Rpublique dans son
dplacement au Mali, la suite de la journe de solidarit organise le 18
fvrier 2013 par lAmbassadeur Daniel Rondeau, dune tribune commune
cosigne par Irina Bokova, Aurlie Filippetti et Bruno Maga, et la mise en
place dun plan daction associant les ministres techniques comptents
pour la sauvegarde du patrimoine et un renforcement de la lutte contre les
pillages et le trafic illicite de biens culturels.
- La troisime enfin, est linitiative de Laurent Fabius de commander le
prsent rapport sur la relation entre la France et lUnesco et qui, par le seul
fait quun processus de consultation ait t engag, reoit un cho favorable
et un soutien important.
Ce bouquet dinitiatives et dautres gestes comme les visites
rendues par les ministres concerns du Gouvernement - ont dj marqu les
esprits et modifi un peu les perceptions diffuses que nous venons de
dcrire, au profit dun sentiment positif lgard dune reprise dinitiative
possible de la part de la France.
-
30
Un contexte exceptionnel et grave.
Il faut enfin rappeler que notre mission de rflexion et de propositions
sest droule dans un contexte trs particulier qui est celui de la crise de
financement de lOrganisation. La suspension par les Etats-Unis et Isral du
paiement de leurs contributions ordinaires au budget de lOrganisation
replonge lUnesco dans des difficults quelle avait connues aprs le retrait
des Etats-Unis en 1984 suivis par la Grande Bretagne en 1985, mme si les
deux situations ne sont pas en tous points comparables. Ce nest certes pas
ce seul contexte budgtaire qui est lorigine de linitiative du Ministre des
Affaires trangres. Mais bien videmment cette initiative ne pouvait tre
dveloppe sans que soient pris en considration les lments de cette
situation. Une rflexion sur la relation France-Unesco tait indispensable.
Elle en devient encore plus lgitime compte tenu de la gravit de la situation
de lagence. Nous avons cependant veill ce que lanalyse ne soit pas
prempte par les seules considrations de gestion, de financement et de
trsorerie. Celles-ci nous ont t amplement dtailles, ainsi que les effets
attendus de la session extraordinaire du Conseil Excutif du 4 juillet 2013.
Une dramatisation est luvre qui trouble latmosphre gnrale, rend
difficile lexercice de lucidit et freine dans leurs lans les responsables de
projets, qui sont paralyss et nosent pas avancer.
Cette dramatisation est en partie justifie.
Toutefois, il faut aussi garder prsente lesprit la capacit de rsilience
de ces grandes organisations internationales. Le retrait des Etats-Unis en
1984 avait eu des consquences financires du mme ordre que celles dont
on parle aujourdhui. Des licenciements importants sont intervenus. Des
annulations de programme ont eu lieu. LUnesco sest adapte plutt bien
que mal. On peut aussi considrer que la crise actuelle que connat lUnesco
-
31
offre loccasion de voir des rformes trop souvent reportes enfin mises en
uvre.
Mais cette prise de recul, aussi ncessaire quelle soit, est difficile
voquer tant les acteurs de lUnesco se laissent submerger par les mauvaises
nouvelles, les annonces catastrophes et les stratgies dvitement, normales
dans ces situations.
*
* *
Nous sommes trs conscients que lexercice que nous avons conduit ne
permet pas, dans un dlai si court, de conduire une analyse exhaustive,
dfinitive et systmatique.
Le rapport qui suit constitue donc une tape qui appelle un
approfondissement et des tudes plus dtailles le cas chant. Ce rapport a
initi une dynamique. Nous avons privilgi un document stratgique,
ouvert vers lavenir, sans langue de bois et mettant laccent sur les vraies
difficults ainsi que les atouts importants dont la France peut disposer
lUnesco. Le rapport contient des clairages et des ouvertures sur ce qui
nous a paru essentiel. Il comprend une vingtaine de propositions, de
prconisations et de recommandations, et trois initiatives qui sont destines
aux autorits politiques franaises qui nous ont demand ce rapport, et dont
lensemble constitue une vision renouvele de la relation stratgique de la
France et de lUnesco.
-
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INTRODUCTION
Oui, il existe une relation particulire entre la France et lUnesco et
cette relation a t longtemps privilgie. Elle sest construite dans le temps
et a connu des tapes positives et des priodes plus difficiles.
Cette relation na pas t linaire. Il y a eu des changements de
rythme : ainsi, pendant le mandat de Ren Maheu, la France a t
omniprsente, hyperactive et crative. linverse, sous le mandat de
Amadou-Mahtar MBow, il semble que la relation de lUnesco avec la
France se soit relche et ait connu une relative priode de latence.
La vie dune organisation internationale est ainsi faite de moments
privilgis et de quotidiens dcevants. La France et lUnesco ont dans
souvent sur le mme rythme, parfois sur des rythmes diffrents.
Ce couple, toutefois, na jamais volu dans lindiffrence. La
relation entre lUnesco et lun de ses Etats fondateurs qui avait accueilli son
sige, est reste un des axes, sinon laxe autour duquel la vie de cette
organisation sest droule et structure.
Il y a dans la relation privilgie entre la France et lUnesco
quelques aspects qui rappellent la relation entre la France et lAllemagne.
Cest la dynamique commune de ces couples qui permet dimpulser le
mouvement de lensemble international pour lUnesco, europen pour la
France et lAllemagne.
Trois remarques doivent tre faites quand on aborde cette dynamique
relationnelle :
-
33
- La premire part du constat selon lequel la relation entre la France et
lUnesco est ne dans un contexte historique trs particulier, celui de
limmdiat aprs-guerre. Les esprits de cette poque taient en droit de tout
imaginer car tout tait envisageable : la paix, la dmocratie, lunit du
monde, la prvalence de la culture, la science source du progrs de
lhumanit et tant dautres rves dune humanit runie enfin dans la paix.
LActe constitutif de lUnesco a t rdig dans cet esprit, dans cet tat
desprit o tous les espoirs semblaient fonds. Lhumanit pouvait
redmarrer en ayant purg ses dmons ; il suffisait dagir sur les esprits,
pour que les esprits soient acquis la paix et la prosprit.
Des intellectuels, des savants et des politiques communiaient dans un
langage et une esprance communs, soulevant lenthousiasme et faisant
lunanimit. Pour illustrer cette charge utopique, rappelons que Lon Blum
demandait lUnesco de gnrer une culture mondiale unique ou bien
dagir sur la condition spirituelle des peuples et des individus . Archibald
McLeish demandait lUnesco dtre la conscience morale de
lhumanit et sous limpulsion des Franais, lide se rpandit que cette
organisation, aux buts si levs, devait tre dirige par une lite : dix
personnalits de premire grandeur selon Clarence E. Beeby, une
poigne de grands hommes selon William B. Benton, un rseau
dhommes suprieurs, collaborant en contact troit avec lorganisation
selon Paulo Estevo de Berredo Carneiro.
Ce rappel permet de mieux mesurer le caractre inou de cette
poque, qui voyait merger une organisation portant un rve, jamais atteint
et partag par tous, dune paix dfinitive, fonde sur lducation, la culture
et la science. La France a t trs implique dans cette mergence dun idal
universel en apportant exprience, ides et personnalits. Plus que tout autre
Etat, elle a port sur les fonts baptismaux, la petite dernire du systme des
Nations Unies. Avec le recul, on peroit mieux combien cette Organisation
-
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tait conue par les Occidentaux, et que lUnesco a t, son origine, une
projection de la vision occidentale du monde. Il y a comme une surprise
voir les Etats associs sa cration tre convaincus de la valeur
universelle de leurs idaux, de leurs convictions et de leurs propositions,
alors que se prparaient de grands soubresauts de lhistoire, ouvrant la porte
lmergence dautres Etats, dautres cultures, dautres nations et
dautres intrts. Une humanit qui ne serait pas unique mais divise,
plurielle et mieux quilibre se prparait prendre lUnesco la place qui
lui tait due.
- La seconde considration dcoule de ce qui vient dtre dit. La
relation entre la France et lUnesco a volu sans jamais tre menace. Cette
relation est privilgie prcisment par ce quelle sest inscrite dans la
longue dure et quelle na jamais t rompue ou interrompue. Cette relation
sest trs vite retrouve plonge dans les fractures de la Guerre Froide, les
bouleversements de la dcolonisation, lmergence du Tiers Monde,
leffondrement du bloc sovitique, la runification de lEurope, les avances
de la dmocratie, les envoles des pays mergents, lampleur de la
mondialisation, du numrique et des rseaux sociaux Et elle a survcu
tous ces chocs historiques.
LUnesco a fait preuve dune rsilience forte et dune trs grande
capacit dadaptation. Elle a survcu des vnements graves qui auraient
pu la voir exploser. Mais il est vrai que si lUnesco a travers ces
bouleversements, elle a t prise en otage de multiples reprises. Qui se
souvient que lUnesco a connu lexprience du retrait, certes provisoire, en
1952, de la Pologne, de la Tchcoslovaquie, et de la Hongrie, en signe de
protestation contre ladmission de la Rpublique Fdrale dAllemagne ?
Elle a connu en 1954 une chasse aux sorcires sous la pression de
ladministration amricaine. Elle na pas su viter les dparts de lAfrique
du Sud en 1955 et du Portugal accus de colonialisme en 1971. Et enfin, au
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1er janvier 1985, les Etats-Unis se sont retirs jusquen 2003, suivis par la
Grande-Bretagne qui avait donn lUnesco son premier Directeur Gnral.
Et aujourdhui, elle est confronte nouveau aux consquences graves de la
dcision des Etats-Unis et dIsral de suspendre le paiement de leurs
contributions ordinaires. Bien videmment cette dernire crise trouvera son
dnouement une plus ou moins longue chance. En dpit de toutes ces
preuves, lUnesco est reste vivante et debout. Mais ce qui frappe cest
que, dans ce flux ininterrompu de mutations et de bouleversements, la
France a conserv sa relation privilgie avec lUnesco. Cela sexplique par
le fait que la France a toujours considr lUnesco comme une organisation politique, symbolique et stratgique.
- Une organisation politique, lUnesco lest par essence. Ne de la politique, elle est en dehors de lONU elle-mme lagence des Nations
Unies la plus politique. Son mandat, son caractre intergouvernemental, ses
personnels et ses programmes sont politiques et non techniques. Cest une
erreur danalyse que de croire que lducation, la culture, la science et la
communication sont des donnes techniques et non politiques. Tous les
jours lactualit le dmontre et en particulier lactualit de lOrganisation.
La rvision des curricula palestiniens, la sauvegarde de Jrusalem, lavenir
de leau, la libert de la presse, par exemple, sont autant des questions
politiques que des questions de programme. La lecture du programme de
lUnesco offre de multiples illustrations de cette dimension de lUnesco
dont la France a toujours t consciente. Tous les Prsidents du Conseil,
puis de la Rpublique lexception dun seul ont t vigilants et
proactifs sagissant de lUnesco. La France a beaucoup aid cette
Organisation surmonter ses preuves et traverser les obstacles. On y
reviendra. Mais citons deux exemples :
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Labandon du NOMIC (Nouvel ordre mondial de linformation et de la communication) fut un chef-duvre de ngociation avec le
groupe des 77. Cest lAmbassadeur de France dalors, agissant avec
le plein soutien du Directeur Gnral de lpoque, Federico Mayor,
qui obtint cet abandon, exig par les Etats-Unis, pour leur retour au
sein de lUnesco. Et cest Franois-Rgis Bastide qui trouva la
compensation que constituera le PIDC, le Programme
international pour le dveloppement de la communication.
La ngociation devant aboutir lapprobation de la Convention de 2005 sur la diversit des expressions culturelles, a t couronne de
succs grce notamment lhabilet et au savoir-faire de deux
Ambassadeurs de France qui se sont succds, Jean Musitelli et Jean
Guguinou. Ce parcours exemplaire a t un modle de compromis
politique et une initiative conventionnelle porter au crdit de notre
pays.
- Une organisation symbolique, cest vident. Ce qui se passe lUnesco va bien au-del des activits que lon y mne. LUnesco est une
place symbolique universelle. Son autorit est immense. Le monde ne
peroit pas ses blocages, sa bureaucratie, ses luttes internes. On peut mme
dire que, lexception du patrimoine mondial, des rserves de biosphre, du
patrimoine immatriel, le monde ne peroit lactivit de lUnesco que de
trs loin, de faon confuse et avec un intrt trs limit. Mais lUnesco est
mondialement connue par ce quelle est un symbole commun, partag par
toute lhumanit. Ainsi, pour ne donner quun exemple : ladministration de
la Palestine a choisi lUnesco pour entrer dans lunivers des Nations Unies
comme un Etat de plein exercice et non plus sous un statut dEtat associ.
En visant lUnesco, les Palestiniens ont privilgi la dimension symbolique
une dimension dont la France sest toujours voulu galement porteuse,
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avec son attachement lesprit des Lumires, la force de la culture,
limportance des Droits de lHomme et aux valeurs dmocratiques. Or cest
prcisment ce corpus de valeurs partages qui donne lUnesco son poids
symbolique. Cette confluence sincarne dans le fait que la France soit lEtat
du sige.
- Une organisation stratgique aux yeux de la France, cela est aussi une vidence. Ne serait-ce que par lusage de notre langue, le franais, une
des six langues officielles de lUnesco et une des deux langues de travail.
LUnesco est une arne essentielle pour y jouer le multilinguisme et donc la
place du franais dans le monde ; ne serait-ce que parce que lUnesco est la
seule organisation importante du systme des Nations Unies avoir Paris
pour sige et linscrire comme place internationale - un moment o la
dynamique de ces places est soumise des pressions trs fortes de nouveaux
Etats.
*
* *
Ainsi, la relation privilgie entre la France et lUnesco est un fait
tabli, une ralit tangible et une situation acquise. Il y avait longtemps que
cette relation navait pas t soumise un examen attentif et une rflexion
prospective. Car si lesprit de ce rapport est dvoquer le pass et le prsent,
il nous a paru essentiel de rflchir au futur de cette relation entre la France
et lUnesco.
LUnesco est une composante de notre politique dinfluence. Elle
permet notre pays de faire parvenir prs de 200 Etats ses messages
politiques et ses ambitions pour lavenir. Le prsent rapport doit tre
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rattach cette vision prospective de la politique trangre de la France.
Cest au fond une dmarche de mme nature que celle qui a conduit le
Prsident de la Rpublique, en 2012, sinterroger sur lavenir de la relation
transatlantique1.
Le prsent rapport rappelle dans une premire partie ce qui est
lorigine de cette relation privilgie : la France a dune part le statut dun
Etat fondateur. Elle est dautre part, le pays du sige de lUnesco. Cette
double qualit a suffi fonder cette relation sur des bases exceptionnelles.
Dans une seconde partie, le rapport analyse comment cette relation
pourrait tre approfondie en termes de prsence institutionnelle de la France
au sein de lUnesco.
Dans une troisime partie, le rapport cherche valuer linfluence de
la France sur les programmes de lUnesco.
Enfin, dans une quatrime partie, sont formuls les lments dune
stratgie franaise pour lUnesco.
1 Hubert Vdrine, Les consquences du retour de la France dans le commandement militaire intgr de lOrganisation du Trait de lAtlantique Nord (OTAN), lavenir de la
relation transatlantique et les perspectives de lEurope de la dfense , novembre 2012.
-
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PREMIERE PARTIE : La France et lUnesco : une relation privilgie
1.1 La France, un Etat fondateur de lUnesco A. Un Etat prcurseur B. Un Etat organisateur C. Un Etat modrateur
1.2 La France, le pays du sige de lUnesco A. Les btiments parisiens B. La langue franaise C. Les transferts financiers
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Aux cts dun petit nombre dEtats fondateurs, la France a jou un
rle dterminant dans la cration puis dans le dveloppement de cette
institution. Des liens troits se sont tisss entre les scientifiques, les
intellectuels franais et les politiques chargs de tracer les contours de
lUnesco.
Notre diplomatie a t conqurante. Nos conceptions culturelles ont
t prises en considration. LUnesco a t en partie faonn par la France.
Et lon peut affirmer quaucune autre agence spcialise du systme des
Nations Unies na connu une telle complicit, une telle proximit avec lEtat
qui devait laccueillir.
Cest cette situation exceptionnelle qui a confr la France un
statut spcifique : celui dun Etat fondateur de lUnesco. Et cest cette
situation qui explique que la France ait t choisie pour accueillir le sige de
la nouvelle organisation.
-
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1.1 La France, un Etat fondateur de lUnesco
LUnesco a t cre Londres, en novembre 1945, par un ensemble
dEtats dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.
Ses statuts furent le rsultat de ngociations difficiles et traduisent un
compromis final dans lequel la France a jou un grand rle. Ne dun
compromis politique, lUnesco a gard, depuis ses origines, cette culture du
compromis qui encore aujourdhui est sa marque de fabrique.
Une personnalit a jou un rle dterminant dans la conduite des
ngociations : Lon Blum, qui a dirig la dlgation franaise Londres.
LUnesco daujourdhui lui doit beaucoup. Et il me paratrait judicieux que
son souvenir soit mieux associ aux origines de lUnesco.
La France aura jou, au sein dun groupe restreint dEtats fondateurs,
un rle trs important dans le processus de cration de lorganisation, en
imprimant sa marque lors des diffrentes tapes qui ont conduit laccord
intergouvernemental. Il faut donc, en prambule aux rflexions qui vont
suivre, mettre en vidence les apports de la France, qui lui sont spcifiques,
pour bien comprendre pourquoi il est fait tat dune relation privilgie
entre la France et lUnesco.
Linfluence franaise sest dabord fait sentir au moment de la
rdaction du Prambule de lActe constitutif de lUnesco. Lon Blum a
contribu cette rdaction de faon dterminante en assignant la future
organisation des missions ambitieuses. Grce lui, lUnesco sest associe
de faon irrversible aux valeurs fondamentales, hrites des Lumires : la
comprhension internationale, la solidarit intellectuelle et morale de
Guillaume Kasperski
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lhumanit, le respect universel de la justice, des droits de lhomme et des
liberts fondamentales.
Demble et ds le stade de la dfinition des principes directeurs de
lUnesco, la France a fait prvaloir des exigences, des valeurs quelle a
proposes lensemble des Etats, au nom de luniversalit.
Lavantage de la France tient dune part, au fait que la culture
franaise toujours t marque par une tendance luniversalit, quil
existe en France une tradition sculaire de gnrosit, de libralit dans lordre de la pense, qui sont bien dans lesprit de la future organisation et dautre part, que toutes les branches, toutes les formes de la civilisation
humaine sy sont toujours dveloppes de pair et en liaison rciproque .
(Lon Blum, Confrence de Londres, 1-16 novembre 1945)
Rtrospectivement on saisit mieux le caractre audacieux de la
dmarche de Lon Blum, de faire prvaloir luniversalit et la libert un
moment de lhistoire mondiale o venait de sachever un conflit dune
violence inoue et o apparaissaient dj les prmices de nouvelles divisions
idologiques qui allaient nouveau dresser les Etats et les peuples les uns
contre les autres.
Ce rle dEtat fondateur de lUnesco a revtu plusieurs aspects
mesure que le projet dune organisation de coopration intellectuelle prenait
forme. La France, il faut le rappeler, avait une exprience passe. Cette
exprience fut mise la disposition des Etats. La France a donc t un
prcurseur.
Londres, la France sest implique dans la direction mme du
processus devant aboutir la cration de lUnesco. Elle joua un rle
dorganisateur efficace et dtermin.
Guillaume Kasperski
Guillaume Kasperski
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Par la suite, lOrganisation connut des difficults dues aux
affrontements idologiques qui se dveloppaient sur la scne internationale.
La France, pendant cette priode joua un rle apprci de modrateur et
Ren Maheu en fut linspirateur.
Ainsi, la stature dEtat fondateur de lUnesco se construisit par
tapes. On peut donc en distinguer au moins trois : un rle prcurseur, un
rle dorganisateur et un rle de modrateur.
A. Un Etat prcurseur
Linfluence franaise a t dautant plus grande quelle reposait sur
une exprience, remontant la priode de lentre-deux-guerres, en matire
de coopration intellectuelle et scientifique et dchanges internationaux. En
effet, ce sont des Franais qui, dans le cadre de la SDN, ont mis en place
trois structures successives qui ont permis de prfigurer la future Unesco :
lOrganisation de Coopration Intellectuelle (OCI), la Commission
Internationale de Coopration Intellectuelle (CICI) et enfin, lInstitut
International de Coopration Intellectuelle (IICI). Lobjectif poursuivi, au
travers de ces structures, tait de favoriser la comprhension internationale,
par le rapprochement entre les intellectuels de diffrents pays, par la
cration dune Socit des esprits , expression forge par Paul Valery.
LInstitut International de Coopration Intellectuelle, prsid par le
franais Franois-Henri Bonnet et dont le Secrtaire gnral tait Emile
Brmond russit par les Entretiens de lInstitut notamment
associer ses travaux les plus grands noms des Arts et des Lettres franais
comme Henri Bergson, Georges Duhamel, Jules Romains, Paul Langevin ou
internationaux comme Albert Einstein, Sigmund Freud, Thomas Mann ou
Bela Bartok.
Guillaume Kasperski
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Lorsquen 1944, le gouvernement provisoire de la Rpublique
Franaise cherche remettre en route lInstitut International de Coopration
Intellectuelle mis en sommeil aprs la capitulation de 1940 la France se
fonda sur lexprience acquise pour exercer une influence lgitime.
B. Un Etat organisateur
Ensuite et pour mieux saisir le rle que la France joua au dmarrage
de lUnesco, il faut rappeler ici quelle ne se contenta pas den dicter les
contours. Elle se saisit, dans la foule, des postes importants de
lOrganisation et elle engagera dans les travaux mmes de lUnesco, ses
intellectuels, ses savants et ses crateurs.
Il parait utile de rappeler la lumire de notre lettre de mission
que la Dlgation franaise, la premire Confrence Gnrale, prside par
Lon Blum, tait compose de Jean Sarrailh (Recteur de lUniversit de
Montpellier), Paul Rivet (Directeur du Muse de lHomme), Pierre Auger
(Directeur de lEnseignement Suprieur), Jean Cassou (Conservateur du
Muse de lHomme), Henri Wallon (Professeur au Collge de France),
auxquels se joignirent notamment Jacques Maritain, Lucien Febvre, Ren
Cassin, Frdric Joliot-Curie, Franois Mauriac, Paul Langevin, et cette liste
est loin dtre exhaustive.
On ne peut qutre impressionn par cet lan franais qui rassemble
les meilleurs esprits de laprs-guerre.
Cette manifestation de force fut rcompense : Jean Piaget deviendra
sous-directeur gnral pour lducation lUnesco, Lucien Febvre et
Charles Moraz lanceront la rdaction de lHistoire du dveloppement
scientifique et culturel de lhumanit, Roger Caillois fondera et dirigera
Diogne, Jean Stoetzel prsidera le Conseil International des Sciences
Guillaume Kasperski
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Sociales. Jacques Rueff dirigera le Conseil International de la Philosophie et
des Sciences Humaines, tandis que Pierre Auger, directeur du dpartement
des sciences de 1948 1959, sera lorigine du CERN.
Autour de lUnesco se mobilisrent beaucoup danciens de lEcole
normale suprieure, ainsi que de grands intellectuels tels que Jean-Paul
Sartre et Andr Malraux.
Cette prise en main, par la France, du Secrtariat de la nouvelle
Organisation marquera dune empreinte durable les programmes de
lUnesco, installera la langue franaise au cur de son fonctionnement et
donnera la France un poids trs lourd dans les dbats internationaux.
Ayant ainsi marqu de son influence intellectuelle le cadre et les
principes de la naissance de lUnesco, ayant se prvaloir de son rle de
prcurseur de la coopration culturelle internationale et ayant fortement
contribu llaboration des premiers programmes et projets de lUnesco, la
France a construit ds lorigine un socle de reconnaissance envers notre
pays qui lui a donn un rle, une influence, une position spcifiques.
Ainsi reconnait-on la France une autorit singulire, et un
magistre moral sur lesquels se sont dveloppes ces relations
privilgies voques par le ministre des Affaires trangres.
Ce capital exclusif a t gr de faon plus ou moins inspire par les
gouvernements successifs de la France.
Deux hommes ont beaucoup contribu prolonger et consolider
lhritage laiss par Lon Blum.
Le premier est le Gnral de Gaulle qui, en dpit de ses rticences
bien connues lgard du multilatralisme et de sa mfiance lgard des
machineries onusiennes, a soutenu avec constance et attention les activits
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de lUnesco. On lui doit la dfinition la plus claire de la doctrine demploi
de lUnesco par la France, fonde sur des intrts mutuels bien compris.
Cette doctrine demploi, quil est utile de rappeler, a t formule
loccasion de sa venue lUnesco pour la Confrence Gnrale de 1966.
Ce qui inspire la France une exceptionnelle sympathie pour vos travaux
et pour vos actes, cest quils ont pour raison dtre de servir lunit
humaine, ce qui rpond essentiellement sa propre vocation. Car, sil est
vrai que la France a de tout temps labour avec patience le champ de
lintelligence et offert la terre ancienne dassez prcieuses rcoltes, sil est
vrai quelle met la disposition du monde une langue adapte par
excellence au caractre universel de la pense, il lest aussi que le but que
vise sa politique et qui nest rien que lunit nationale, europenne et
mondiale est en conformit profonde avec celui que poursuit votre
organisation lchelle de lhumanit .
Par ces quelques phrases certes dates, le Gnral de Gaulle rappelle
que la France et lUnesco poursuivent des objectifs communs et contribuent,
chacune pour sa part spcifique, la construction dun monde uni. Les
principes qui guident cette vision restent valables et servent juste titre de
fondement la relation entre la France et lUnesco. Une autre personnalit
sest inscrite dans cette vision globale et a marqu lUnesco dune empreinte
encore forte aujourdhui. Il sagit de Ren Maheu (1905-1975), ancien lve
de lEcole normale suprieure, pur produit de la mritocratie rpublicaine,
tmoin de la monte du fascisme en Allemagne, dcrit par Jean-Paul Sartre
dans Les Mots comme un corch vif rebelle toute autorit et tout conformisme. Pacifiste, internationaliste, professeur au Maroc pendant la
Guerre puis Londres o il rencontre Julian Huxley, responsable de la
rforme de lenseignement au Maroc et partisan des indpendances, cest lui
qui, devenu Directeur Gnral de lUnesco en 1961 poste quil occupera
jusquen 1974 -, assignera notamment lOrganisation une mission
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dassistance au Tiers-Monde, adossant ainsi la lgitimit de lagence sur un
objectif denvergure globale et aux implications concrtes. Le seul Franais
avoir t la tte de lOrganisation y aura donc jou un rle dcisif dans
son adaptation aux changements du monde contemporain, pendant une
priode charnire de son histoire.
La France, enfin, a jou un rle modrateur dans une organisation
qui est entre trs rapidement dans une phase de maturation tumultueuse.
C. Un Etat modrateur
LUnesco a t le thtre daffrontements trs vifs, et qui perdurent
encore, entre les tenants dune mission intellectuelle de lorganisation et
ceux qui ont voulu quelle soriente vers le terrain de la coopration
technique.
On a du mal aujourdhui saisir lintensit de cette opposition entre
la France et les Etats-Unis, rejoints lune et lautre par de nombreux Etats au
point de voir apparatre deux clans le clan latin (avec notamment
lItalie mais aussi les pays latino-amricains et du Proche-Orient) et le
clan anglo-saxon (Etats-Unis, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-
Zlande, Canada). Le premier dfend la place de la culture, la coopration
intellectuelle, dans la ligne de lIICI ; le second dfend lducation,
linformation des masses.
Laffrontement oppose Jean Thomas, Directeur Gnral Adjoint
pour les affaires culturelles au nom du clan latin et Walter Laves, le
Directeur Gnral Adjoint pour les finances, porte-parole du clan anglo-
saxon.
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Andr Siegfried publiera en mars 1948, en premire page du Figaro,
un article sur la France lUnesco qui fera tat de cette rivalit.
Laudience du clan latin slargira progressivement, au dtriment de
celle du clan anglo-saxon grce laction efficace de franais comme
Jacques Havet, Jean Thomas, Jean-Jacques Mayoux, Robert Schuman,
Georges Bidault.
Cest dans ces combats de lombre que la France va gagner ses
galons dEtat modrateur de lUnesco sous les mandats de Torres Bodet, de
Vittorio Veronese, et bien sr de Ren Maheu qui aura cur de chercher
lapaisement et de trouver des compromis entre les deux clans. Il reste
encore quelque chose de ces affrontements mais la ligne de partage entre
clan latin et clan anglo-saxon seffacera partir des dcolonisations qui
institueront de nouveaux clivages entre les Etats membres.
Maheu saisira en effet le virage de la dcolonisation : ils sera le
premier directeur dune agence des Nations Unies a faire tape dans la
capitale de lAlgrie devenue indpendante.
Maheu poursuivra cette politique malgr les hsitations du
gouvernement franais devant cette monte du tiers-monde. En 1969, Jean
Fernand Laurent exprima ses inquitudes de voir les pays du tiers-monde
orienter de plus en plus laction du Conseil Excutif de lUnesco. Les
positions courageuses et prmonitoires de Ren Maheu lui permettront
dtre rlu sans le soutien de la France.
Sous le mandat du Sngalais Amadou-Mahtar MBow (1974-1987),
la France souffrira de ses hsitations et de ses rserves.
Mais elle jouera encore un rle de modrateur partir de 1990, avec
lappui de Federico Mayor en loccurrence sur le dossier trs sensible du
Nouvel Ordre Mondial de la Communication (NOMIC) qui avait conduit les
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Etats-Unis se retirer de lOrganisation. Cest un Franais, aujourdhui
disparu, Franois-Rgis Bastide, qui a pris linitiative avec le soutien de
Federico Mayor dune ngociation avec le G77 visant obtenir des pays du
Sud labandon de la revendication du NOMIC contre la promesse dun
renforcement des moyens du Programme International de Dveloppement
de la Communication (PIDC), cr au dbut de 1980.
La ngociation fut un succs et il faut souligner quEmmanuel de
Calan, le Dlgu Permanent adjoint franais, y joua un grand rle.
Aujourdhui, la France bnficie de ce titre envi dEtat fondateur de
lUnesco. Notre diplomatie sen est prvalu juste titre. Mais il est vident
que notre influence nest plus la mme aujourdhui qu lpoque de la
fondation de lUnesco, voire de sa maturit.
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1.2. La France, le pays du sige de lUnesco
En se saisissant du sige de lUnesco, la France a ajout son
influence intellectuelle et politique dEtat fondateur, un levier trs important
pour ses intrts propres.
Sans doute, lpoque ou cette dcision tait prise, laffrontement
entre les Etats pour accueillir des organisations internationales ntait pas
aussi intense quil lest actuellement. Dans le jeu de la mondialisation, le
fait pour un Etat daccueillir le sige dorganisations internationales
contribue lui confrer un statut de place internationale et joue en faveur de
son attractivit.
Dans un contexte de comptition entre mtropoles culturelles
mondiales, laccueil dun fleuron du systme des Nations Unies contribue
asseoir le rayonnement de la mtropole qui en est bnficiaire. Cest le cas
de la France et de Paris avec lUnesco.
La localisation dune organisation internationale sur le territoire
dune ville de nombreuses consquences : en termes politiques bien
videmment mais aussi en termes conomiques, financiers, sociaux. Ces
consquences, bien connues, contribuent faire natre un effet de sige .
Et la France bnficie de cet effet de sige. Nous avons dcid de nen
exposer que trois aspects parmi dautres, afin de ne pas alourdir notre texte.
La premire composante de cet effet de sige est lexistence dun
btiment ou dun ensemble de btiments, situs dans un territoire urbain
dtermin et qui ajoute la ville daccueil une architecture, des
quipements, une activit, une animation qui enrichissent une ville et la
rendent plus attractive. Un sige physique, cest ncessairement un projet
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darchitecture prestigieux, un chantier important, des travaux, un
fonctionnement ultrieur et la cl des marchs de maintenance, de
fournitures, de services, dnergies, etc.
Un sige physique dune grande organisation internationale, cest la
certitude quil accueillera des diplomates, des spcialistes de diffrentes
disciplines, des confrenciers, des hommes politiques. Mais ceux-ci
sajouteront des visiteurs, des touristes passionns par larchitecture par
lhistoire ou par la vie internationale.
La seconde composante est de nature linguistique. Notre langue, le
franais, bnficie dun statut particulier au sein de lUnesco. Pour des
raisons pratiques, elle est la langue utilise dans le fonctionnement quotidien
de lorganisation. Elle bnficie du statut de langue de travail. Mais au-del
des activits programmatiques, ce sont toutes les activits de soutien,
dintendance, de gestion qui utilise le franais dans les relations de lUnesco
avec lunivers parisien qui lentoure.
La dernire composante est de nature conomique et financire. La
France contribue au budget de lUnesco. Et elle contribue beaucoup
puisquelle se situe en quatrime position dans lchelle des Etats
contributeurs. Mais elle rcupre bien au-del de sa contribution, par toutes
les dpenses quengendre le sige de lOrganisation. La balance des
transferts lui est favorable.
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A. Les btiments de lUnesco
En obtenant de haute lutte de la Confrence de Londres la dcision
dimplanter le sige de lUnesco Paris, Lon Blum a beaucoup contribu
au renforcement de la relation entre la France et lUnesco. Cette dcision a
engag la France envers lorganisation. Mais au-del des obligations
souscrites, elle a engendr de nombreuses retombes pour notre pays.
partir de septembre 1946, lUnesco sinstalle dans lHtel
Majestic, ancien quartier gnral des autorits militaires allemandes
doccupation, situ avenue Klber dans le 16e arrondissement de Paris. Le
confort est trs relatif : les chambres les plus spacieuses sont attribues aux
secrtaires, qui les partagent plusieurs et rangent les dossiers dans les
penderies, les professionnels de rang moyen se voyant dcerner les salles de
bains dsaffectes, o les baignoires accueillent les documents. Derrire le
papier peint htivement mis en place, le carrelage des murs ne permet de
punaiser aucun planning .
(Htel Majestic, avenue de Kleber, Paris)
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Le fait doccuper un lieu anciennement utilis par lennemi nazi est
quelque peu perturbant pour le personnel de lUnesco. Ainsi, Jaime Torres
Bodet, deuxime DG de lorganisation, voque dans ses mmoires le trouble
quil ressentait en pensant au prcdent occupant de son bureau : lide
que [mon bureau] ait t probablement occup, avant la victoire des Allis,
par quelque adorateur de la croix gamme [...] ne cessait de me gner 2.
LHtel Majestic nest cependant quun sige provisoire pour
lUnesco, qui ambitionne de jouir dun btiment construit spcialement pour
elle. LHtel Majestic, pour sa part, sera repris par le ministre des Affaires
trangres qui sen servira pendant de nombreuses annes comme Centre de
confrences internationales.
La France a pris ses responsabilits cette poque afin doffrir
lUnesco un sige permanent digne de sa stature intellectuelle et
internationale. Tout au long des annes qui suivent son inauguration, des
visites organises sont proposes au grand public ; de nombreux groupes
dcoliers et de lycens sy rendent.
Le nouvel ensemble doit notamment beaucoup Bernard Zehrfuss.
Et cest logiquement que lui revient la reconnaissance internationale pour le
travail accompli. Il recevra dailleurs, et plus tard, des mains de Amadou-
Mahtar MBow, son pe dAcadmicien au sige de lUnesco, le 17
octobre 1984. Linauguration du nouveau sige le 3 novembre 1958 permit
de raffirmer lengagement de la France envers lUnesco. Jean Berthoin,
ministre de lEducation nationale nhsita pas souligner cet engagement :
les tches qui attendent encore lUnesco dans un monde imparfait sont
assurment crasantes. Mais sa part deffort dans le labeur commun, la
2 J. Torres Bodet, Memorias III, op. cit., p. 15 (traduction de lespagnol par Chlo Maurel)
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France continuera de lassumer avec une ardeur qui ne pourra que
saccrotre .
(Sige de lUNESCO, Place de Fontenoy, Paris)
La France sortit gagnante de cette entreprise. Dabord larchitecture
et lingnierie franaises furent encenses et cest toute la profession qui en
bnficia. Ensuite, les retombes conomiques du chantier furent
consquentes et notre pays en profita. Enfin, la France outre sa quote-part
du financement ne cda que lusage du territoire, et non sa proprit. Cette
distinction, qui figure dans le contrat du 25 juin 1954, assure la France la
proprit du terrain qui accueille lUnesco. Il est vrai que lUnesco reut ce
droit dusage quasi gratuitement, puisquelle sacquitte dun loyer
symbolique. Mais il est vrai aussi que la France prta sans intrts le
montant ncessaire la construction et lquipement du sige (2.100.000
francs) remboursable en 30 annuits.
Aussi prestigieux quil ltait, le site de Fontenoy savra trs vite
insuffisant. Il fallut donc chercher un site alternatif puisquil tait impossible
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de construire davantage sur le site existant. Ce fut la cration du site de
Miollis situ dans le 15me arrondissement.
Aussi moderne quil avait t pens, le site de Fontenoy vieillit
rapidement. Le btiment tait notamment mal isol et les matriaux, les
revtements, les services techniques taient uss. Ces dysfonctionnements
avaient aliment beaucoup de protestations et de rclamations de la part du
personnel du Secrtariat et de la part des reprsentants des Etats membres.
Le Comit du sige, cr en 1949 et devenu permanent en 1997, fit
pression sur la France et sur les autres Etats et emporta finalement la
dcision de rnover Fontenoy. Et linstar du rle jou par Bernard
Zehrfuss dans la phase initiale, cette nouvelle tape fut confie un autre
architecte franais, Joseph Belmont, hlas aujourdhui disparu. Reconnu
internationalement, il prconisa une stratgie de rnovation par tapes.
Le projet prsent par Joseph Belmont comprenait deux phases : la
mise en conformit des btiments du site Fontenoy aux normes de scurit
franaises ; la rnovation des espaces de bureau et la valorisation de certains
espaces publics. La premire phase a cot 21,5 millions de dollars (prix en
1999), financs sur le budget rgulier, et a bnfici de contributions
volontaires exceptionnelles de la France (4 millions de dollars) et du Japon
(3,6 millions de dollars). La seconde phase a t finance par un emprunt
dune dure de 17 annes et souscrit hauteur de 79,8 millions de dollars
(valeur de 84 millions de dollars aujourdhui). Un contrat a t cosign entre
la Caisse des Dpts et Consignations et lUnesco, et la France sest porte
garante, prenant en charge lintgralit des frais dintrts soit plus de 20
millions deuros.
Le 25 septembre 2009, linauguration des locaux rnovs du sige
donna lieu une crmonie durant laquelle la France fut reprsente par
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Martin Hirsch, Haut Commissaire aux Solidarits actives contre la pauvret.
Aucun ministre ne daigna se dplacer.
Les quatre btiments du site Miollis appellent galement une
rnovation profonde qui a t estime 92 millions deuros (valeur en
2008).
Le 5 juin 2012, le Comit du Sige a pris acte que la Confrence
Gnrale navait pas donn suite aux propositions du Plan Directeur de
rnovation de lensemble Miollis, compte tenu de la situation financire
globale de lUnesco.
Ces quelques rappels montrent la trs grande implication de la
France dans la construction et la gestion des btiments du sige de lUnesco.
Le Plan Belmont fut bien accueilli et les Etats membres en sont
reconnaissants envers notre pays. La relation privilgie entre la France et
lUnesco sest donc joue aussi sur ce terrain et elle en sort plutt raffermie.
Mais si une tape importante a t franchie, il faut faire preuve de vigilance.
La France doit en effet tre attentive la concurrence des autres
places internationales. La rpartition entre les capitales du monde des sites
des organisations internationales a beaucoup favoris les grands Etats
fondateurs : New York bien sr, Paris grce Lon Blum et son rle
prcurseur dans la coopration intellectuelle, Genve qui avait accueilli la
SDN se sont tailles la part du lion. De nouveaux Etats considrent cette
rpartition injuste et cherchent leur tour attirer des organisations
existantes.
Tout rcemment Copenhague a offert lUnicef dtre loge
gratuitement. Dautres villes viennent frapper la porte avec des offres
allchantes : Vienne, Budapest, Madrid, Abou Dabi, Doha et Soul sont sur
la liste des villes demanderesses.
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Paris et les organisations quelle accueille ne parat pas pour
linstant menace. Mais il est utile de rappeler certains lments, qui tous
justifient que soit porte ce dossier une attention particulire.
Dabord Paris, en tant que ville internationale, naccueille quun petit
nombre de ces institutions. Sagissant des organisations mondiales, Paris
accueille lOCDE, lOrganisation Internationale de la Francophonie,
lOrganisation Mondiale de la Sant Animale et lOrganisation Europenne
et Mditerranenne pour la Protection des Plantes. Et sagissant des
organisations europennes, lInstitut dEtudes de Scurit de lUnion
Europenne et la Confrence Europenne de lAviation Civile.
Cest videmment peu si lon compare Paris et Genve, qui abrite 31
organisations internationales ; et cest donc bien lUnesco qui est ltendard,
et la seule importante organisation de la place parisienne. LUnesco est le
fleuron qui appelle donc attention et probablement davantage dinitiatives.
En effet, le site de Fontenoy est loin dtre un site la hauteur des
exigences en termes dattractivit. Le btiment de Zehrfuss nattire plus
lintrt et la curiosit comme ce fut le cas dans les annes qui ont suivi sa
construction. Le site ne figure plus que rarement sur le parcours touristique
du visiteur tranger. Rappelons dailleurs ce sujet que si les visites du site
restent possibles et gratuites, cest uniquement parce que la Commission
nationale franaise a accrdit une personne comptente et bnvole pour
assurer ce service. Il est vrai que la place de Fontenoy est dans un tat
dabandon relatif. La Directrice Gnrale a saisi le 26 avril 2013 le Maire de
Paris de cette situation alors que la Confrence Gnrale de novembre
prochain va rassembler plus de 5 000 personnes. Elle semble ne pas avoir
reu de rponse ce jour. Lutilisation du hall nobit pas des critres
dexigence et de qualit ; et il manque lUnesco une vraie galerie
dexpositions.
Guillaume Kasperski
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Devant tant de problmes, le choix suivi par les Etats membres de
rnover par tapes le btiment existant est sage et cohrent avec ltat des
finances de lUnesco. Mais lamnagement du quartier dans lequel se situe
lUnesco relve de la comptence des autorits franaises. On manque
Paris dun centre de confrences internationales et lUnesco ne peut pallier
en ltat actuel de ses capacits cette carence. Le site de Fontenoy, saisi dans
son ensemble, pourrait offrir un grand projet. Il faudrait y regrouper
lensemble des personnels du Secrtariat et des Etats membres, dans les
btiments occups par ladministration franaise et difier en sous-sol un
centre de confrences internationales digne de ce nom.
Bien sr de tels projets denvergure exigent temps, moyens et
volont politique. Mais ce plan densemble viserait de nombreux objectifs et
apporterait une nouvelle pierre la place internationale que constitue Paris.
Nous suggrons quune mission exploratoire soit constitue et en
concertation avec la Ville de Paris, et quelle analyse la faisabilit, moyen
terme, dun tel projet.
B. La langue franaise lUnesco
Lusage de la langue franaise au sein de lUnesco est un bon
baromtre de linfluence que lon y exerce. Lon Blum, normalien et
crivain distingu, en tait sans doute persuad mme si lpoque de la
Confrence de Londres, le franais en sa qualit de langue diplomatique par
excellence ne paraissait ni contest, ni menac. Or, le seul fait que le sige
de lOrganisation a t fix Paris, a assur au franais, pendant de longues
annes, une place minente au sein des langues utilises par lUnesco.
Plusieurs lments ont concouru au maintien de cette place
privilgie.
Guillaume Kasperski
Guillaume Kasperski
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Tout dabord, la langue franaise, en vertu des dispositions de
larticle 54 de son rglement intrieur, est une des langues officielles de la
Confrence Gnrale (avec langlais, larabe, le chinois, lespagnol, lhindi,
litalien, le portugais et le russe). En vertu de ses articles 50 et 21 de leurs
rglements intrieurs, le franais est une des six langues de travail de la
Confrence gnrale et du Conseil Excutif. Le Secrtariat de lUnesco a
quant lui deux langues de travail : langlais et le franais.
Ensuite, lensemble des documents officiels destins la Confrence
Gnrale et au Conseil Excutif sont traduits en franais, de mme que les
documents destins aux runions intergouvernementales.
Ajoutons que la quasi-totalit des Directeurs Gnraux qui se sont
succds la tte du Secrtariat de lUnesco parlaient le franais : Julian
Huxley, francophile et francophone installa le franais ds le dbut de son
mandat ; Jaime Torres Bodet, Franais par sa mre, et qui fit du franais la
langue dominante de lUnesco au point de susciter des ractions indignes
des Etats-Unis. Ceux-ci prirent leur revanche avec John Wilkinson Taylor,
qui ne resta que deux ans, et auquel succda un autre amricain, Luther
Evans. Les deux ne maitrisaient pas du tout notre langue et firent aller le
balancier dans le sens oppos. LItalien Vittorino Veronese ne sexprima
quen franais. Ren Maheu fit du franais la langue privilgie. Les trois
Directeurs Gnraux suivants Amadou- Mahtar MBow, Federico Mayor
et Kochiro Matsuura veillrent un certain quilibre.
Par ailleurs, la nouvelle Directrice Gnrale, Irina Bokova, matrise
parfaitement le franais et lutilise au mme titre que langlais. de
multiples reprises elle a encourag le Secrtariat sexprimer dans les deux
langues de travail, mme si ces encouragements se sont espacs depuis
quelque temps.
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Ce bref rappel historique est destin montrer combien la
personnalit, la culture et les qualits linguistiques du Directeur Gnral
constituent lun des leviers essentiels pour garantir lusage du franais au
sein du Secrtariat. La France doit veiller en faire une conditionnalit
absolue lors de llection de tout nouveau Directeur Gnral.
La prsence dun contingent important de fonctionnaires franais au
sein du Secrtariat assure une masse critique pour lutilisation de notre
langue dans le travail quotidien, dans les changes interpersonnels, dans les
runions informelles de travail. On rappellera ici que la prsence franaise
reste importante : 392 agents sont franais, soit 24,1% de leffectif en 2012,
et la France reste surreprsente loin devant les Amricains (59 agents) et
les Britanniques (42 agents).
Sagissant de la traduction, le desk franais dispose de six traducteurs soit le double des desks anglais et arabe. Nanmoins il faut y voir davantage limportance croissante des documents rdigs en anglais
qui doivent tre traduits que la reconnaissance de la place du franais dans
la hirarchie des langues officielles et des langues de travail de lUnesco.
Le fait que lUnesco occupe plusieurs btiments Paris rend
ncessaire lutilisation du franais comme langue contractuelle pour tous les
marchs de fournitures, de conseils, de services, de maintenance qui
intressent les btiments.
Paralllement, lexistence dun groupe francophone puissant, au sein
des Etats membres, est galement