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RAPPORT D’ÉTUDE N° 5 Prospective Afrique de l’Est février 2018

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RAPPORT D’ÉTUDE N° 5

Prospective Afrique de l’Est

février 2018

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

2

Le ministère de la Défense fait régulièrement appel à des études externalisées auprès

d’instituts de recherche privés, selon une approche géographique ou sectorielle, visant

à compléter son expertise interne. Ces relations contractuelles s’inscrivent dans le

développement de la démarche prospective de défense qui, comme le souligne le

dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, « doit pouvoir s’appuyer sur

une réflexion stratégique indépendante, pluridisciplinaire, originale, intégrant la

recherche universitaire comme celle des instituts spécialisés ».

Une grande partie de ces études sont rendues publiques et mises à disposition sur le site

du ministère de la Défense. Dans le cas d’une étude publiée de manière parcellaire, la

Direction générale des relations internationales et de la stratégie peut être contactée

pour plus d’informations.

AVERTISSEMENT : Les propos énoncés dans les études et observatoires ne sauraient

engager la responsabilité de la Direction générale des relations internationales et de la

stratégie ou de l’organisme pilote de l’étude, pas plus qu’ils ne reflètent une prise de

position officielle du ministère de la Défense.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

3

Auteurs

Sébastien ABIS

Sébastien Abis est chercheur associé à l’IRIS et, depuis 2017, directeur du Club DEMETER, un

écosystème associatif du secteur agricole et agro-alimentaire tourné vers la prospective,

l’international et l’innovation. Entre activités de coopération internationale, d’animation de

réseaux d’entreprises et de recherche scientifique, il développe une expertise sur les

dimensions géopolitiques de l’agriculture et la sécurité alimentaire dans le monde et en

France. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles sur ces questions.

Bastien ALEX

Bastien Alex est chercheur à l’IRIS. Il s’intéresse principalement aux impacts géopolitiques et

sécuritaires du dérèglement climatique et aux enjeux énergétiques mondiaux. Il a

notamment dirigé en 2013-2014 une étude portant sur les conséquences du changement

climatique pour le ministère de la Défense. Directeur du programme Climat, énergie et

sécurité de l’IRIS, il signe, dans L’Année stratégique, annuaire géopolitique de l’institut, le

chapitre « Énergie et environnement » depuis 2013. Il est également responsable

pédagogique du diplôme privé d’études fondamentales en Relations internationales au sein d’IRIS Sup’.

Alice BAILLAT

Alice Baillat est chercheuse à l’IRIS. Ses travaux sont essentiellement consacrés aux

conséquences migratoires et sécuritaires des changements climatiques, ainsi qu’aux

négociations internationales sur le climat. Elle est par ailleurs spécialiste du Bangladesh. Elle

enseigne depuis plusieurs années la politique internationale de l’environnement à Sciences

Po Paris et co-anime le séminaire de recherche « Environnement et relations internationales »

du Centre de Recherches internationales (CERI).

Aymeric DEBRUN

Aymeric Debrun est spécialiste des relations internationales et de l’étude des conflits,

notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Il est chargé de projet au CIHEAM dans le cadre

du pilotage du programme d’appui à l’initiative ENPARD Méditerranée (European

neighbourhood programme for agriculture and rural development) dont l’objet est de

renforcer le partenariat entre l’Union européenne et les pays du voisinage dans le domaine

des politiques agricoles et rurales, ainsi que de favoriser un développement équilibré et

durable.

François GEMENNE

Spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement, François Gemenne est

directeur exécutif du programme de recherche interdisciplinaire « Politiques de la Terre » à

Sciences Po (Médialab). Il est par ailleurs chercheur qualifié du FNRS à l’Université de Liège,

où il dirige l’Observatoire Hugo, un centre de recherche consacré aux interactions entre les

migrations et l’environnement. Il enseigne également les politiques d’environnement et les

migrations internationales à Sciences Po Paris et Grenoble, et à l’Université Libre de Bruxelles.

Il est aussi directeur du domaine ‘Développement durable’ aux Presses de Sciences Po.

Les auteurs remercient Pierre Gilbert, assistant de recherche à l’IRIS, pour sa contribution au rapport.

Afin de nourrir la réflexion des auteurs, plusieurs entretiens ont en outre été réalisés avec des personnes

ressources (membres de l’Observatoire, chercheurs, militaires, etc.) dont la liste est fournie dans l’annexe

1.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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Table des matières

Auteurs ....................................................................................................................... 3

Avant-propos ............................................................................................................. 8

Partie 1. Analyse régionale ...................................................................................... 9

I. Des vulnérabilités renforcées par le changement climatique ? ..................................... 9

1. Approvisionnement en eau potable ...................................................................................................... 9

2. Impacts agricoles ..................................................................................................................................... 10

3. Évènements climatiques extrêmes ........................................................................................................ 11

4. Dégradations environnementales et chocs climatiques, des moteurs de la contestation

sociale .................................................................................................................................................................. 11

II. Quelles traductions sécuritaires ? ..................................................................................... 12

1. Sécurité alimentaire, variations climatiques et migrations ................................................................ 12

2. Les parcs naturels africains, instruments de politique nationale ...................................................... 13

3. Le délicat partage des eaux du Nil ....................................................................................................... 15

III. Réponses et défis étatiques ............................................................................................... 17

1. Intégration dans les politiques publiques ............................................................................................. 17

2. Un potentiel énergétique à explorer, mais freiné par les difficultés à coopérer au niveau

régional ................................................................................................................................................................ 19

3. Gestion des catastrophes naturelles : implication des forces de sécurité ..................................... 20

Partie 2. Analyse par pays ...................................................................................... 22

EGYPTE .............................................................................................................................................. 23

1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques ..................................................... 24

a) Un pays extrêmement vulnérable aux effets du changement climatique .......................... 24

b) Un stress hydrique croissant et préoccupant ............................................................................. 27

c) Impacts sur les secteurs agricole et touristique .......................................................................... 29

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques ..................................... 30

a) Engagements internationaux ........................................................................................................ 30

b) Un dispositif conséquent mais un système inopérant et un désintérêt collectif .................. 30

c) La lutte contre l’inondation du delta du Nil ................................................................................ 31

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques ............................ 31

a) Une armée omnipotente politiquement et économiquement .............................................. 31

b) Un rôle peu clair dans la gestion des catastrophes naturelles ................................................ 32

4. Scénarios .................................................................................................................................................... 33

a) Scénario de rupture : réduction du débit du Nil, troubles socio-politiques et expansion

islamiste (scénario +5°c à horizon 2100) .................................................................................................. 33

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

5

b) Scénario tendanciel : accroissement de l’insécurité alimentaire, mouvements sociaux et

tensions avec les voisins du bassin du Nil (scénario +2°c à horizon 2100) ......................................... 34

DJIBOUTI............................................................................................................................................ 36

1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques ..................................................... 37

a) Impacts observés ............................................................................................................................. 37

b) Impacts attendus ............................................................................................................................. 40

c) Dimensions humaines ...................................................................................................................... 40

d) Vulnérabilité des installations militaires ........................................................................................ 41

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques ..................................... 41

a) Une énergie exclusivement fossile ................................................................................................ 42

b) Des projets d’adaptation peu mis en œuvre ............................................................................. 43

c) Un pays peu mobilisé contre le changement climatique ....................................................... 43

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques ............................ 44

4. Scénarios .................................................................................................................................................... 45

a) Scénario tendanciel : un exode rural de plus en plus marqué vers la ville de Djibouti, y

compris en provenance des pays voisins (scénario à +2°C) ............................................................... 45

b) Scénario de rupture : en 2050, les conditions climatiques plongent la capitale de Djibouti

dans l’insécurité et entraînent une autonomisation de la base française (scénario extrême à

+4,5°C) ............................................................................................................................................................ 46

REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ...................................................................................................... 48

1. Exposition du pays aux impacts des changements environnementaux et climatiques ............. 49

a) Un pays dépendant de la pluviométrie ...................................................................................... 49

b) La déforestation, un enjeu environnemental majeur en Centrafrique ................................. 50

c) Des activités illégales responsables de fortes dégradations environnementales ............... 51

2. Incapacité politique face aux risques climatiques et environnementaux pour cause

d’absence d’état centralisé ............................................................................................................................ 53

3. Une armée étrangère à la gestion des risques climatiques et environnementaux ..................... 54

4. Scénarios .................................................................................................................................................... 55

a) Scénario tendanciel : Des pluies diluviennes provoquent des inondations destructrices

dans le sud du pays et coupent les approvisionnements de Bangui ................................................ 55

b) Scénario de rupture : En 2040, les programmes environnementaux onusiens ont fonctionné

en raison d’une pacification relative du pays ........................................................................................ 56

ETHIOPIE ............................................................................................................................................ 59

1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques ..................................................... 60

a) Impacts observés ............................................................................................................................. 61

b) Impacts attendus ............................................................................................................................. 62

c) Dimensions humaines ...................................................................................................................... 63

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques ..................................... 66

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques ............................ 68

4. Scénarios .................................................................................................................................................... 69

a) Scénario tendanciel : aggravation des tensions entre les Borana et les communautés

Somalis ............................................................................................................................................................ 69

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

6

b) Scénario de rupture : en 2030, les milices Al-Sabaab ont pris le contrôle de la région Somali,

et déclarent unilatéralement l’indépendance ...................................................................................... 70

I. SOUDAN ............................................................................................................................... 72

1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques ..................................................... 73

a) Impacts observés ............................................................................................................................. 73

b) Impacts attendus ............................................................................................................................. 75

c) Conséquences humaines .............................................................................................................. 75

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques ..................................... 76

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques ............................ 77

4. Scénarios .................................................................................................................................................... 79

a) Scénario tendanciel : Reprise du conflit au Darfour (horizon 2025) ....................................... 79

b) Scénario de rupture : Conflit avec l’Egypte autour de la gestion des eaux du Nil (horizon

2030) ............................................................................................................................................................ 80

Bibliographie ............................................................................................................ 82

Annexes ................................................................................................................... 88

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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Liste des figures

Fig. 1. Augmentation des températures moyennes dans la région du Nil .......................................... 9

Tableau 1. Part du secteur agricole dans les pays étudiés .................................................................. 10

Fig. 2. Corrélation des conflits locaux avec l’élévation de la température en Afrique de l’Est

(gauche) et au Kenya (droite) .................................................................................................................. 12

Carte 1. Barrages dans le bassin du Nil .................................................................................................... 16

Tableau 2. Résumé des INDC des cinq pays de l’étude ...................................................................... 18

Carte 2 : La concentration des activités égyptiennes dans la vallée et le delta du Nil ................. 25

Carte 3 : Différents scénarios de montée de la Méditerranée et les impacts sur le delta du Nil .. 26

Tableau 3. Impact de la montée des eaux sur le delta du Nil ............................................................ 26

Tableau 4. Différents scénarios d’évolution du débit du Nil bleu (milliards de m3/jour) ................ 27

Carte 4. Partage des eaux et tensions dans le bassin nilotique .......................................................... 28

Fig.3. Impacts économiques du changement climatique sur les principaux secteurs égyptiens 30

Fig. 4. Variation moyenne de la pluviométrie et de la température dans la ville de Djibouti ....... 38

Fig. 5. Évolution de la pluviométrie dans la ville de Djibouti ................................................................. 39

Fig. 6. Évolution de la pluviométrie et des températures dans la ville de Djibouti, 1980-2011 ....... 39

Fig. 7. Engagements de Djibouti dans son INDC .................................................................................... 42

Fig. 8. Répartition géographique des climats d’Éthiopie ...................................................................... 61

Fig. 9. Évolution corrélée des précipitations et du PIB en Ethiopie sur 25 ans, 1982-2007 ............... 63

Fig. 10. IDPs en Éthiopie, octobre 2017 ..................................................................................................... 65

Fig. 11. Comparaison des précipitations moyennes pour la période 1941-1970 (à gauche) et 1971-

2000 (à droite) ............................................................................................................................................... 74

Fig. 12. Un ‘haboob’ avance vers la capitale Khartoum ..................................................................... 75

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

8

Avant-propos

Ce cinquième rapport de l’Observatoire présente les éléments recueillis sur l’Égypte, le Soudan,

l’Éthiopie, Djibouti et la Centrafrique. Il s’organise selon la nouvelle mouture inaugurée par le

RE4, en proposant cinq fiches pays chapotées d’une analyse régionale mettant en valeur les

vulnérabilités et défis transverses, les points communs et différences.

Les cinq fiches proposent, autant que possible des éléments d’appréciation de la vulnérabilité

climatique aux horizons prospectifs, des réflexions sur leur éventuelles traduction en termes

sécuritaires, une analyse succincte des politiques publiques en matière climatique, une

évaluation du rôle des armées et des forces de sécurité civile dans la gestion des catastrophes

naturelles ainsi que des scénarios de crises (tendanciel et de rupture).

Les scénarios dit « de rupture » n’introduisent pas obligatoirement cette dernière à travers un

élément négatif. La rupture peut être le fruit d’une évolution positive qui rompt avec une

situation en contribuant à son amélioration et en ouvrant d’autres perspectives, soulevant alors

d’autres problématiques. Ce choix pourra évidemment être discuté lors de la prochaine

réunion du comité de pilotage du mercredi 7 mars 2018.

Dans ce cinquième rapport, les évaluations de vulnérabilité reposent encore sur les six

composantes déterminées dans les précédents documents et sur une estimation à trois

niveaux (bon, moyen, mauvais) de leur situation. Consciente de la limite de cette approche

qui présente une évaluation médiane, l’équipe de recherche poursuit, comme convenu,

l’objectif de proposer une échelle à six niveaux afin de pouvoir discriminer au mieux les

différents pays. Toutefois, la réflexion n’est pas encore suffisamment aboutie pour le permettre.

La possibilité d’élaborer un graphe présentant en abscisse la préparation des forces armées et

en ordonnée la vulnérabilité des pays est étudiée. Elle pourrait par exemple reposer sur

l’évaluation de critères simples et objectifs tels que :

• L’évaluation de la protection civile : effectifs et budgets (plusieurs tranches)

• L’existence de documents officiels des armées faisant état d’une doctrine

• L’dentification d’une participation des armées à la gestion des catastrophes (amont

et aval, soit prévention, anticipation, gestion, réhabilitation)

• L’évaluation de la prestation/réactivité lors des derniers sinistres de grande ampleur

La principale difficulté concerne l’accès à des sources fiables. La plupart des informations

précises ne peuvent être récoltées que dans le cadre d’entretiens difficiles à obtenir, quand

les personnes ressources sont tout simplement impossible à identifier.

Des entretiens complémentaires sont encore nécessaires dans les prochains mois afin d’affiner

l’appréciation du niveau de préparation des armées et d’en proposer une évaluation

satisfaisante. À ce titre, le sixième rapport (RE6) pourrait fournir l’opportunité d’un travail de

bilan du focus géographique sur l’Afrique (RE3, RE4 et RE5) et d’approfondissement de la

méthodologie d’évaluation mais aussi de sa représentation. Cette option devra être débattue

lors de la réunion du mercredi 7 mars.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

9

Partie 1. Analyse régionale

I. Des vulnérabilités renforcées par le changement climatique ?

1. Approvisionnement en eau potable

• L’eau demeure la question centrale autour du bassin du Nil. L’agriculture,

l’approvisionnement et la production électrique des pays nilotiques y sont presque

exclusivement dépendants. En Égypte, le fleuve assure par exemple 95% de l’eau

consommée annuellement par la population.

• La vallée du Nil est en bonne partie située dans une zone sèche et aride. La pluviométrie

y est en moyenne de 200 mm/an en Égypte et au Soudan, et atteint les 1000 mm/an au

sud-est du Soudan, dans la région des Grands Lacs (Ouganda, Tanzanie, Rwanda,

Burundi) ou dans les montagnes du centre de l’Éthiopie (Amiot, 2013).

• Avec le changement climatique, les températures du bassin du Nil vont augmenter de

1,8°C à 2,9°C d’ici 2050, et jusqu’à 6.4° en 2100 (Nil Bassin Initiative, 2012) (cf fig.1).

• Des études sur le Nil Bleu, qui fournit 80% des eaux du Nil, ont proposé des scénarios divers

allant d’une baisse de 63% de l’apport journalier jusqu’à une hausse de 45% d’ici à la fin

du XXIe siècle. Cette différence de scénario s’explique par l’incertitude de l’évolution des

précipitations dans les pays nilotiques, des impacts sur le débit du Nil, mais aussi des

conséquences de l’augmentation de la température sur le taux d’évaporation.

Néanmoins, la tendance la plus partagée reste celle d’une aridité croissante (Nil Bassin

Initiative, 2012).

Fig. 1. Augmentation des températures moyennes dans la région du Nil

Source : Nil Bassin Initiative, 2012

• Selon un rapport du NeWater Project1, une diminution de 10% de la pluviométrie

correspondrait à une baisse de 25% du niveau du Nil. À titre d’exemple, la période 1980-

1987 fut 10% moins pluvieuse que les années 1993-2000. Résultat : le volume total du lac

Nasser fut de 40% inférieur entre 1980 et 1987 par rapport à la période 1993-2000.

1 http://www.newater.uni-osnabrueck.de/index.php?pid=1011

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

10

• La réduction du débit du Nil pousse l’eau à stagner davantage, ce qui laisse le temps aux

algues et aux bactéries eutrophisantes de se multiplier, surtout dans les Grands Lacs. Le

taux d’oxygène baisse ainsi pour l’ensemble du fleuve, réduisant alors les ressources

halieutiques (Nil Bassin Initiative, 2012).

• Les pays nilotiques sont également très dépendants du fleuve pour la production

d’électricité. Ainsi, la part de l’hydro-électricité est respectivement de 60% pour le

Soudan et 80% pour l’Éthiopie. Elle tombe à 8% pour l’Égypte en raison de sa topographie.

Mais dans ce dernier pays, l’eau du Nil est essentielle pour faire fonctionner les centrales

thermiques.

2. Impacts agricoles

• La région a connu une explosion démographique : en 1959 l’Égypte comptait 25 millions

d’habitants, le Soudan 11 millions et l’Éthiopie 27 millions. En 2016, leur population

respective est de 95 millions, 62 millions (Soudan 40 millions + Sud Soudan 12 millions), et

102 millions. Cette tendance devrait se poursuivre pour atteindre +50% en 2050 en

moyenne dans la zone par rapport à 2015 (Gresh, 2018).

• Les changements climatiques représentent également pour l’agriculture un défi colossal,

car ces pays dépendent des revenus du secteur primaire dans lequel travaille l’essentiel

de la main d’œuvre (cf. tableau 1).

Tableau 1. Part du secteur agricole dans les pays étudiés

Part de la population rurale (%) Part de l’agriculture dans

le PIB (%)

Égypte 57 13,5

Soudan 66 30

Éthiopie 80 42

Djibouti 20 3.2

RCA 62 58

• Des pays comme l’Égypte n’arrivent toujours pas à subvenir à leurs besoins alimentaires et

doivent recourir aux marchés internationaux. L’Égypte est ainsi le 2e importateur mondial

de céréales et achète la paix sociale avec des subventions nationales.

• Les productions agricoles pourraient connaitre des baisses importantes en raison de

températures moyennes plus élevées et de la réduction de l’apport hydrique et de

catastrophes météorologiques plus récurrentes ou plus intenses2. Les pratiques pastorales

(caprins et ovins) sont particulièrement vulnérables, ainsi que les végétaux nécessitants

une irrigation.

• Les cultures et pratiques d’élevage ne pourront pas toutes se maintenir en raison des

évolutions climatiques de la région. Les chèvres sont par exemple des animaux

particulièrement vulnérables aux températures extrêmes, qui affectent leur production de

lait et leur condition physique générale. Elles ont également besoin de pâturages

conséquents, et donc de précipitations régulières.

• La hausse du niveau de la mer est une grande menace pour l’Égypte et Djibouti. La

Méditerranée monte actuellement à une vitesse de 7mm/an (Mccredie Ian, 2017).

D’après une étude de la Banque Mondiale, une montée des eaux de 50 cm dans les 50

2 http://sdwebx.worldbank.org/climateportal/index.cfm?page=country_impacts_agriculture&ThisRegion=Africa

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

11

prochaines années aurait pour conséquences directes en Égypte une perte de 7 à 16%

de la surface agricole utile (Nil Bassin Initiative, 2012).

3. Évènements climatiques extrêmes

• L’alternance d’épisodes de sécheresses et d’inondations affecte à la fois les cultures et les

pâturages : depuis 2013, les inondations ont déplacé plus de 600 000 personnes à l’intérieur

du Soudan (IDMC 2017) où plus de 70% de la population rurale dépend de l’agriculture

de subsistance traditionnelle, qui est particulièrement vulnérable aux impacts du

changement climatique.

• Les inondations restent le risque le plus

important pour la Région, car les saisons

sèches plus longues favorisent le

durcissement des sols et donc le

ruissèlement des eaux de pluie. Les

saisons des pluies seront en moyenne

plus courtes et plus intenses. Les

infrastructures y restent globalement

vulnérables, car précaires.

• Le phénomène El Niño pourrait avoir un

impact sur l’ampleur des pluies dans

l’est de l’Afrique en retardant la saison

humide, et donc en modifiant le cycle

des moissons et le débit du Nil. En 2016,

les conséquences en chaine d’un tel

épisode sur la Somalie et l’Éthiopie ont

poussé beaucoup d’agriculteurs et

d’éleveurs à émigrer (Nil Bassin

Initiative, 2012).

4. Dégradations

environnementales et chocs

climatiques, des moteurs de la contestation sociale

• L’agriculture consomme annuellement 80% de l’eau utilisée en Égypte et au Soudan

(EEAA, 2016). Une hypothèse de réduction de l’apport annuel du Nil serait insoutenable

dans ce contexte étant donné le poids des dépenses alimentaires dans le budget des

populations les plus vulnérables. Le soulèvement égyptien de 2011 est d’ailleurs souvent

expliqué par l’envolée des prix des denrées alimentaires (Pagès-El Karoui , 2011).

• À long terme, les dégradations issues des activités anthropiques et des variations du climat

peuvent détériorer les moyens de subsistance des populations et favoriser certains

phénomènes : exode rural, développement des trafics, essor des groupes armés ou

terroristes. À ce sujet, la question de l’implantation de Daech dans cette région, avec le

retour des combattants consécutivement aux difficultés rencontrées sur les théâtres

moyen-orientaux, reste posée.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

12

En résumé, les pays de la zone d’étude disposent de plusieurs caractéristiques communes :

• Des précipitations déclinantes, amenées à connaitre des variations importantes d’une

année sur l’autre ;

• Une extrême dépendance au Nil (eau, agriculture, hydroélectricité) ;

• Des prélèvements d’eau massivement tournés vers l’agriculture (généralement plus de

80%) qui reste la principale activité économique ;

• Une grande vulnérabilité à la montée du niveau de la mer en Égypte et à Djibouti.

II. Quelles traductions sécuritaires ?

1. Sécurité alimentaire, variations climatiques et migrations

L’accès aux ressources continuera à l’avenir d’être un moteur des migrations dans l’ensemble

de l’Afrique sahélienne, phénomène qu’amplifieront les changements climatiques. Dans cet

espace complexe, l’enchevêtrement de facteurs crée les situations de crise, les migrations en

étant parfois la cause ou la conséquence. Avant les tensions liées aux grands ouvrages

comme les barrages, ce sont ces dynamiques migratoires liées aux ressources et à l’insécurité

alimentaire qui provoquent des tensions voire de la conflictualité, avec, toujours en toile de

fond, les caractéristiques socio-économiques, politiques et ethniques des territoires, autant de

facteurs s’influençant mutuellement.

• La Corne de l’Afrique est sans doute la région du monde où les crises humanitaires, les

dégradations de l’environnement et les violences ethniques sont les plus intrinsèquement

liées les unes aux autres. Au cours des dernières années, la région a été marquée par de

nombreuses crises humanitaires, des tensions politiques et des famines. Bien qu’il soit

difficile de caractériser ces crises comme des ‘crises climatiques’ en tant que telles, le rôle

des dégradations environnementales dans leur déclenchement ne peut pas être ignoré.

• Le cas du Soudan du Sud, même s’il n’est pas traité directement dans ce rapport d’étude,

est le plus emblématique : les conflits en cours dans la région d’Equatoria sont directement

liés à la migration des bergers pastoralistes de Bahar el Gazel, pour cause d’insécurité

alimentaire.

• De la même manière, le conflit du Darfour était aussi lié à la compétition pour des terres et

pâturages, et a été largement instrumentalisé par le gouvernement de Khartoum qui a mis

en place une stratégie d’exacerbation des tensions ethniques.

• Hsiang, Burke et Miguel (2013), dans une étude qui a fait date, avaient ainsi mis en

évidence une importante corrélation historique entre les variations de température et les

épisodes de violence inter-ethnique en Afrique de l’Est. Une élévation de 2°C de la

température moyenne entraînait ainsi une hausse d’environ 80% de la médiane du risque

de conflit. Ce type de corrélation est également observé au niveau national, y compris

pour de faibles variations de température, comme le montre le graphe ci-dessous pour le

Kenya.

Fig. 2. Corrélation des conflits locaux avec l’élévation de la température en Afrique de l’Est (gauche) et

au Kenya (droite)

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

13

Source : Hsiang et al. 2013

• Corrélation ne vaut évidemment pas causalité, et plusieurs facteurs explicatifs doivent être

envisagés pour comprendre ce lien entre variations de la température et conflits en

Afrique de l’Est. Parmi ces facteurs se trouve en premier lieu la très grande dépendance

de la population à l’agriculture de subsistance pour sa sécurité alimentaire, et la très

grande vulnérabilité de cette agriculture au changement climatique. Des tensions

ethniques et des régimes fonciers particuliers, et parfois inéquitables, expliquent

également cette corrélation.

• L’utilisation des ressources environnementales par les déplacés est aussi un facteur de

tensions, qui peuvent à leur tour engendrer de nouveaux déplacements. La coupe des

arbres pour la cuisine dans les camps de réfugiés ou pour la fabrication de briques

destinées à la construction d’abris par exemple, cause de nombreuses tensions entre les

réfugiés et leurs communautés-hôtes. Comme le notent le HCR et la Banque Mondiale

(2015), ‘la présence d’un grand nombre de réfugiés dans la région a considérablement

exacerbé les problèmes environnementaux’.

• En 2017, une famine sévère a à nouveau touché la région, et particulièrement le Soudan

du Sud, le Kenya, la Somalie et l’Éthiopie. En Éthiopie, des conflits entre ethnies pour

l’utilisation des terres à la frontière des régions d’Oromia et de Somali rappellent les

caractéristiques du conflit au Darfour. À la fin de l’année 2017, les agences humanitaires

estimaient ainsi que 16 millions de personnes restaient en état d’insécurité alimentaire

chronique dans la région, et dépendaient de l’aide alimentaire des organisations

internationales.

• Ces crises ont causé dans la région des mouvements de population considérables : le

Soudan du Sud est actuellement le 3ème pays au monde avec le plus grand nombre de

réfugiés, avec 1,4 million de personnes déplacées hors de ses frontières, tandis que

l’Éthiopie et l’Ouganda comptent parmi les principaux pays d’accueil des réfugiés, avec

respectivement 760 000 et 950 000 réfugiés accueillis à l’intérieur de leurs frontières, selon

les données du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

2. Les parcs naturels africains, instruments de politique nationale

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

14

En Afrique, les parcs naturels sont au centre d’enjeux qui dépassent de loin le seul objectif de

conservation des espèces. Alors que le changement climatique et le braconnage intensif

décuplent l’importance des parcs naturels pour la préservation d’écosystèmes menacés, ces

derniers nourrissent aussi des stratégies strictement politiques.

• Seuls 10% des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO sont en Afrique, ce qui reflète aussi

les déséquilibres Nord-Sud. Le Fonds du patrimoine mondial est doté d’un budget de

seulement 2,6 millions de dollars par an (le budget total de l’UNESCO est de 333 millions

de dollars). Selon une fonctionnaire de l’UNESCO qui a souhaité rester anonyme : « Le coût

de la réalisation d’un dossier de candidature pour qu’un site soit classé sur la liste est très

élevé, et il faut une expertise pour monter un dossier or les pays africains en manquent. De

plus, un site classé doit être géré selon un plan de gestion, aux frais du gouvernement.

Parfois, la population d’un pays peut s’opposer à l’inscription d’un site. Car la priorité pour

la population, c’est plutôt d’avoir des hôpitaux, des écoles, des infrastructures. » (Maurel,

2017). Il n’y a donc aucun intérêt financier (à part touristique) dans l’obtention d’un label

UNESCO.

• En Éthiopie, le cas du parc du Simien est symbolique de l’utilisation d’un espace classé à

des fins de politique nationale et de reconnaissance internationale, poussant à des

opérations armées. Inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1978, le site a été ajouté à

la liste du « patrimoine en péril » en 1996 en raison notamment de l'impact lié à la

construction potentielle d'une route le traversant, du « surpâturage », de « l’empiètement

agricole » et du déclin de certaines espèces locales. Pourtant, les scientifiques sont

partagés sur l’incidence réelle des populations locales sur l’environnement. Elles

pratiquent en effet un pastoralisme durable, sans dégâts sur la faune et la flore du parc

(Blanc, 2015). En somme, l’UNESCO a servi de prétexte au déplacement forcé de

population. La dictature de Mengistu a donc montré à l’ONU qu’elle était capable de

défendre une vision occidentale de la nature africaine d’une part, tout en ayant mandat

à chasser par les armes les nombreux opposants politiques qui avaient trouvé refuge au

Simien (Guimont, 2016). Le parc est réintégré en juillet 2017, car le projet de route a été

abandonné.

• Toujours en Éthiopie, la basse vallée de l'Omo, dans le sud-ouest du pays, est une région

isolée riche en ressources naturelles et abritant des tribus aux cultures ancestrales. Avec

son site préhistorique près du lac Turkana, la vallée a été inscrite au patrimoine mondial

de l'UNESCO en 1980. Le parc d’Omo est aujourd’hui menacé par un projet du

gouvernement qui vise d’une part à développer la culture de la canne à sucre sur 245 000

hectares, mais aussi à ériger le plus haut barrage d’Afrique (le Gibe III)3. Ce chantier n’est

pas sans conséquence pour la population locale – dont les méthodes traditionnelles

d’agriculture dépendent des crues de l'Omo – ni pour le lac Turkana, dans le Kenya voisin,

qui pourrait perdre 80% de ses apports en eau (Allemandou, 2012). Un demi-million de

personnes pourraient être affectées le long de la frontière entre les deux pays. En 2014,

l'ONG Human Rights Watch avait accusé le gouvernement de déplacer de force des

centaines de milliers de personnes dans la vallée de l'Omo4. Ces déplacements internes,

couplés d’exactions, peuvent provoquer des rébellions et même pousser à la guérilla. Des

3 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/12/19/l-ethiopie-inaugure-le-barrage-le-plus-haut-d-

afrique_5051108_3212.html 4 https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/l-ethiopie-inaugure-un-barrage-controverse_109073

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

15

groupes peuvent aussi faire alliance avec des organisations armées déjà structurées.

Cette menace fut particulièrement vive en 2016, pendant la révolte des Oromos

protestant contre l’accaparement des terres et qui s’est soldée par une répression brutale

dans la capitale, faisant plus de 140 victimes (Chanda, 2016).

• La réhabilitation du parc national éthiopien de Nech Sar a été entamée en 1994, grâce

notamment aux financements de l'Union européenne. Les 1000 familles guji et kore vivant

dans le parc ont fait l'objet de programmes de déplacement étalés sur 10 ans. En

novembre 2004, plusieurs centaines de maisons de pasteurs ont été brûlées pour les forcer

à quitter le parc, attisant les risques de révoltes (Berisso, 2004). Depuis, le tourisme s’est

massivement développé au détriment des activités pastorales.

• En Centrafrique, les parcs naturels ne sont plus contrôlés par le gouvernement. D’une part,

ils sont vidés de leurs ressources par des groupes armés qui y consomment de la viande

de brousse et organisent la contrebande de l’ivoire pour se financer. De l’autre, les

organisations internationales sont obligées de traiter avec les groupes armés pour protéger

la faune. Cela renforce leur légitimité contre le gouvernement central et leur permet

même parfois de récupérer des fonds et du matériel censés aider à la protection des

parcs, mais pouvant être détournés. Ainsi, malgré l’embargo sur les armes imposé à la

RCA par l’ONU5, le prétexte du parc national peut se révéler un moyen de se procurer des

armes. Certains gardes forestiers du parc Chinko ont par exemple rejoint les groupes

d’autodéfense après l’attaque menée par les FPRC contre la ville de Bakouma

(Esmenjaud & al., 2017, p. 37).

3. Le délicat partage des eaux du Nil

Dans les pays de la région d’étude, la question hydrique pourrait prendre une tournure

conflictuelle dans différents cas de figure.

• L’évolution du débit du Nil et ses conséquences sur l’approvisionnement en eau de

l’Égypte constituent la source d’inquiétude principale. Les tensions pourront apparaître à

la faveur de la pression démographique, des conflits d’usage liés à l’augmentation des

périmètres irrigués et à la construction des barrages hydroélectriques qui auront, en plus

de leur influence sur le débit du fleuve, un impact sur la fertilisation des terres en retenant

les limons charriés habituellement par le courant. Les hypothèses concernant le débit du

Nil sont majoritairement en faveur d’une hausse de la variabilité interannuelle de ce

dernier (voir infra). L’augmentation de la température, les variations de la pluviométrie ou

encore le phénomène El Nino pourraient y contribuer, sous l’influence des changements

climatiques d’origine anthropique (Siam & Eltahir, 2017 ; Digna & al., 2016 ; Swain, 2011).

5 https://afrique.latribune.fr/afrique-centrale/2018-02-02/centrafrique-l-embargo-sur-les-armes-renouvele-pour-1-an-

767082.html

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16

Carte 1. Barrages dans le bassin du Nil

Sources : Agnès Stienne, Le Monde diplomatique

• Fin 2017, le ton s’était durci, l’Égypte et l’Éthiopie qualifiant chacune le barrage de

« question de vie ou de mort »6. La visite d’Haile Mariam Dessalegn en Égypte au mois de

janvier 2018 a permis de rouvrir des canaux de discussion qui s’étaient grippés ces derniers

mois. L’Égypte « ne s’oppose pas au développement de l’Éthiopie. Mais il faut que toutes

les parties prennent en considération le fait que ce fleuve constitue une artère de vie

principale pour un peuple de plus de 100 millions d’habitants », confiait le président Al-Sissi.

« Cette grande rivière ne doit jamais devenir un objet de compétition, de méfiance ou de

conflit », lui répondait M. Dessalegn, affirmant que son pays ne nuira[it] pas aux intérêts de

l’Égypte (May Al-Maghrabi, 2018).

• Le sommet de l’Union Africaine du 26 au 30 janvier 2018 à Addis-Abeba a accueilli à la

marge une réunion tripartite Égypte-Soudan-Éthiopie sur ce sujet. Lors de cette rencontre,

les représentants des trois pays ont demandé à leurs ministres de l’Eau et de l’Energie de

plancher sur un document rassemblant les pistes de solutions aux problèmes suscités par

la construction du barrage. Le premier draft devrait être achevé à la fin février, comme

l’étude d’impact dont les conclusions ne sont pas connues. Les chefs d’États ont

également décidé de se réunir annuellement pour évoquer ces questions, mais aussi de

créer un fonds visant à soutenir un projet de chemin de fer reliant les trois pays7. Si les

travaux ne sont pas encore achevés, le point d’achoppement demeure la durée de

6 http://www.rfi.fr/afrique/20171226-ethiopie-egypte-visite-mae-question-barrage-grande-renaissance 7 https://www.reuters.com/article/us-africanunion-summit-nile/egypt-ethiopia-and-sudan-hope-to-break-nile-dam-

talks-deadlock-in-one-month-idUSKBN1FI1LC

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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remplissage de l’immense retenue du barrage, que l’Égypte voudrait voir s’étaler dans le

temps (12 ans) quand l’Éthiopie souhaiterait au contraire l’accélérer (3, 5 ou 7 ans selon

les sources8) pour que la centrale hydroélectrique soit pleinement opérationnelle9.

• Malgré la reprise des discussions, le fond du dossier n’est toujours pas réglé. Les

négociations techniques sont gelées et la médiation de la Banque mondiale demandée

par le Caire a été refusé par le gouvernement éthiopien. Le Soudan soutient désormais

l’Éthiopie car le pragmatique président El-Béchir a compris que cette dernière avait de

grande chance d’imposer son point de vue, et que cet appui pouvait lui procurer

l’électricité10 et l’eau nécessaire à son développement, agricole notamment, avec l’aide

de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, désireux d’investir dans ce secteur pour

leur sécurité alimentaire11. L’Égypte recherche désormais le soutien du Soudan du Sud et

de l’Érythrée – adversaire régional de l’Éthiopie – où elle pourrait construire une base

militaire12.

• L’année 2018 devrait apporter quelques réponses même si les évolutions restent

difficilement prévisibles. Exemple récent, le Premier ministre éthiopien a brutalement

annoncé sa démission le 15 février 2018 en raison de tensions internes à la coalition du

Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF) au pouvoir depuis 1991

consécutives à la répression qui a suivi les vagues de manifestations de 2015 et 201613.

En tous les cas, le cas du barrage de la renaissance fournit une excellente illustration de

problématique génératrice de tensions découlant largement de décisions humaines mais

pouvant être négativement influencée par les changements climatiques.

III. Réponses et défis étatiques

1. Intégration dans les politiques publiques

Les cinq pays étudiés partagent des problématiques climatiques communes liées à la

compétition pour l’accès aux ressources naturelles (eau, énergie, terres, forêts, etc.) dans un

contexte de forte croissance démographique.

• Tous ont élaborés des politiques climatiques conformes aux exigences de la CCNUCC et

pris position dans les négociations internationales, mais la mise en application de leurs

plans d’action nationaux souffre d’importantes lacunes, et les capacités institutionnelles

nationales restent encore insuffisantes pour faire face efficacement au changement

climatique.

• Par rapport à ses voisins, l’Éthiopie fait toutefois figure de « bon élève » en Afrique de l’Est

proposant des objectifs ambitieux de réduction des émissions de GES en vue de parvenir

à long terme à la neutralité carbone, et disposant d’un système efficace de gestion des

catastrophes naturelles mis en place après la famine de 1973.

8 https://orientxxi.info/magazine/qui-a-perdu-le-nil,2268 9 http://africaexclusive.net/crise-nil-reprise-dialogue-sommet-de-lunion-africaine/ 10 Précisons que l’Éthiopie a également proposé à l’Égypte de bénéficier de l’électricité produite. 11 https://orientxxi.info/magazine/un-barrage-de-la-discorde-sur-le-nil,2108 12 https://www.alaraby.co.uk/english/News/2017/4/29/Egypt-to-build-naval-base-in-Eritreas-Nora-island 13 http://www.jeuneafrique.com/531208/politique/ethiopie-le-premier-ministre-hailemariam-desalegn-demissionne/

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18

• La situation sécuritaire complexe en Centrafrique, au Soudan et en Égypte rend, à des

degrés divers, quasiment impossible la mise en œuvre de politiques concrètes en la

matière et relègue bien souvent les enjeux climatiques et environnementaux au second

plan devant les impératifs de pacification et de stabilisation. Les services de l’État sont

inopérants voire inexistants dans certains cas. À Djibouti, le Comité directeur sur le

changement climatique créé en 2009 ne s’est par exemple jamais réuni quand, en

Centrafrique, malgré la création ancienne des parcs naturels, la protection des ressources

qu’ils abritent est dans l’incapacité de prévenir les actions des bandes armées.

• Sur le plan international, les pays ont tous proposé une contribution nationale (INDC) à

l’effort de réduction dans le cadre de la préparation de la COP21 en 2015. Si chacun

présente des objectifs spécifiques, définis en fonction des priorités et besoins nationaux, ils

adoptent le plus souvent une position commune dans les négociations internationales,

définie par le groupe africain. Leurs efforts sont largement conditionnés aux versements

des aides internationales et aux transferts de technologie, comme prévu par l’Accord de

Paris, qui n’est pas juridiquement contraignant et dans le cadre duquel les pays en

développement n’ont pas d’obligations de réduction des émissions de CO2 à respecter.

Tableau 2. Résumé des INDC des cinq pays de l’étude

Pays

Émissions de

GES (kt éq.

CO2) et % par

rapport au total

mondial

Atténuation

(réduction des

émissions de GES)

Secteurs-clefs pour l’adaptation Besoins en

financements

Égypte 193 238 (2000)

soit 0,52%

Pas de proposition

chiffrée

Préservation des ressources

hydriques (du lac Nasser et du Nil

notamment) ; adaptation du

secteur agricole (développement

de l’irrigation et de cultures plus

résilientes à la hausse des

températures) ; protection des

zones côtières

73,04 milliards

de dollars

Centrafrique 5225 (0,01%) en

2010

Réduction de 5% d’ici

2030 par rapport au

BAU et de 25% d’ici

2050 dans le cadre

d’une mise en œuvre

conditionnelle

Mesures visant à atteindre l’objectif

de maintenir un taux de croissance

annuel des activités agricoles de 6%

et une stabilisation du taux de

l’insécurité alimentaire à 15%.

3,8 milliards de

dollars

Éthiopie 47 745 (1995)

soit 0,13%

Réduction de 64%

d’ici 2030

Mesures centrées sur la réduction

des risques de sécheresses et

d’inondations

150 Md$ (cout

total, montant

demandé non

précisé)

Djibouti 1072 (2000) soit

0%

Réduction de 40%

d’ici 2030 (20%

supplémentaire avec

l’aide internationale)

Réduction de la vulnérabilité aux

sécheresses et à l’élévation du

niveau de la mer ; développement

de l’accès à l’eau ; protection de la

biodiversité ; renforcement de la

résilience des populations rurales

1,6Md$

Soudan 67 840 (2000)

soit 0,18%

Pas de proposition

chiffrée

Agriculture ; gestion des ressources

hydriques ; protection des zones

côtières ; santé

12,88 milliards

de dollars (100%

financements

extérieurs)

• Au niveau régional, les pays d’Afrique de l’Est se sont organisés pour lutter contre les

sècheresses et la désertification à partir des années 1980, notamment via la création de

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

19

l’IGAD (Autorité intergouvernementale sur la sècheresse et le développement) en 1986.

L’organisation s’est dotée en 1989 de deux centres de veille climatique afin de prévenir

les sècheresses (Drought Monitoring Center), l’un à Nairobi et l’autre à Harare. Le centre

de Nairobi a été renommé IGAD Climate Prediction & Applications Centre (ICPAC) en

2003.

• L’organisation regroupe huit pays : Djibouti, l’Éthiopie, l’Érythrée, le Kenya, la Somalie, le

Soudan du Sud, le Soudan et l'Ouganda.

• Consciente des risques liés aux changements climatiques dans la région et des

conséquences en termes migratoires, l’IGAD négocie en ce moment même (un atelier de

consultation s’est ouvert le 20 février 2018) un protocole de libre circulation des personnes,

qui concernera également les éleveurs pratiquant la transhumance (IGAD, 2018).

2. Un potentiel énergétique à explorer, mais freiné par les difficultés à

coopérer au niveau régional

Les niveaux d’électrification en Afrique de l’est, comme dans l’ensemble du continent, restent

parmi les plus faibles au monde, et l’insécurité énergétique de la région risque de croître sous

l’effet combiné des changements climatiques et de la croissance démographique.

• Paradoxalement, l’Afrique de l’Est présente un énorme potentiel, encore non exploité, de

développement des énergies renouvelables (solaires et hydrauliques principalement), et

de coopération régionale.

• C’est le cas par exemple de l’interconnexion électrique, réalisée en 2011, entre l’Éthiopie

et Djibouti, et qui permet au second d’acheter une énergie hydraulique produite par les

barrages éthiopiens, et de réduire sa dépendance aux importations d’hydrocarbures.

L’objectif du projet vise d’une part à améliorer l’accès à l’électricité en Éthiopie et à

Djibouti, à des prix abordables, et d’autre part à favoriser la coopération régionale en

matière d’échanges d’énergie électrique14.

• C’est aussi dans le domaine des énergies renouvelables que se concentre la coopération

Chine-Afrique, à travers notamment la signature d’un MoU entre l’Initiative africaine pour

les énergies renouvelables (IAER) porté par l’Union africaine et l’Alliance sino-africaine de

coopération et d’innovation sur les énergies renouvelables15.

• Ce potentiel de développement pourrait d’autant plus être exploité que les pays de la

région dépendent souvent moins des hydrocarbures qu’en Afrique du Nord (cf RE4) ou au

Sahel (cf RE3), exception faite de Djibouti et de l’Égypte. Ces deux pays adoptent des

positions différentes en la matière : alors que Djibouti semble vouloir investir massivement

dans le développement de la production géothermique pour améliorer sa sécurité

énergétique, remplir ses objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 et passer

à une énergie 100% verte d’ici 202016, l’Égypte continue à subventionner massivement les

14 https://www.afdb.org/fr/projects-and-operations/selected-projects/djibouti-ethiopia-power-interconnection-

hydro-powering-east-africa-116/ 15 https://www.chine-magazine.com/energies-renouvelables-cles-de-relation-afrique-chine/ 16 https://oxfordbusinessgroup.com/news/la-g%C3%A9othermie-au-c%C5%93ur-des-objectifs-de-djibouti-en-

mati%C3%A8re-d%E2%80%99%C3%A9nergies-renouvelables-%C3%A0-l%E2%80%99horizon

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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énergies fossiles, ce qui pénalise l’amélioration de son efficacité énergétique et réduit

l’attractivité des énergies renouvelables pour le secteur privé17.

• L’Éthiopie semble, pour sa part, avoir déjà fait le pari des énergies renouvelables,

exploitant un potentiel hydraulique important grâce à la construction de nombreux

barrages. La production d’électricité éthiopienne repose ainsi déjà à près de 93% sur les

énergies hydrauliques. La construction des barrages éthiopiens (Gibe III, Renaissance,

etc.), si elle s’inscrit dans une démarche de sécurisation des besoins énergétiques

croissants de la population (30% par an), répond aussi à des objectifs stratégiques. Le

Barrage de la Renaissance, notamment, représente d’abord une manne financière pour

le gouvernement éthiopien, puisque les revenus tirés des exportations d’électricité qui

résulteront des nouveaux projets hydrauliques à partir de 2017 sont estimés à 730 millions

d’euros par an18. Il faut toutefois préciser qu’en attendant, ce barrage a exigé un budget

colossal de 4,7 milliards de dollars, exclusivement financé sur les deniers publics du pays

(via notamment une réduction du salaire des fonctionnaires et des contributions

importantes de la diaspora19), les tensions avec l’Égypte, ainsi que l’impact

environnemental du projet, ayant freiné les investisseurs étrangers. Ce barrage doit aussi

clairement être vu comme un instrument de puissance régionale et d’affirmation de la

fierté nationale éthiopienne.

• Malgré ce potentiel, la région, comme le reste du continent africain, reste empêtrée dans

un déficit énergétique important, lié en grande partie aux difficultés à coopérer au niveau

régional. Le secteur énergétique étant hautement stratégique, il suppose une grande

relation de confiance entre les États, ce qui fait encore largement défaut en Afrique de

l’Est20, notamment entre l’Éthiopie et l’Égypte.

De tels défis ne seront pas simples à relever dans un contexte d’instabilité politique et

d’insécurités, le risque étant alors de voir, à moyen terme, se renforcer le cercle vicieux déjà

observable entre dégradations environnementales et climatiques, insécurités croissantes

(alimentaire, énergétique, sanitaire, etc.), instabilité politique et émergence de la violence.

3. Gestion des catastrophes naturelles : implication des forces de sécurité

Globalement, les forces armées participent peu aux différents stades d’élaboration et de

réalisation des politiques de gestion des risques naturels. Les situations nationales présentent

toutefois des écarts notables.

• En Éthiopie, un dispositif de prévention des catastrophes a été développé dès les années

1970, notamment après la famine de 1973. La Relief and Rehabilitation Commission (RRC)

lancée en 1974 (renommée Disaster Prevention and Preparedness Commission en 1995),

en charge de la prévention et du secours a été ensuite renforcée par des systèmes

d’alerte précoce (1976) et une Stratégie nationale de prévention des catastrophes

naturelles (1989). Cette dernière s’accompagne de la création d’un Comité

17

https://www.uneca.org/sites/default/files/PublicationFiles/politique_de_cooperation_regionale_pour_le_developpe

ment_des_er.pdf 18 http://www.legriot.info/11407-ethiopie-le-projet-du-barrage-de-la-grande-renaissance-realise-au-tiers.html 19 Entretien avec Guillaume Blanc. 20 http://www.iris-france.org/104818-linsuffisance-de-la-cooperation-energetique-en-afrique-est-dordre-politique/

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

21

interministériel pour pallier les difficultés de communication, souvent courantes dans la

gestion de ce type de problèmes. L’armée intervient également dans la

gestion/réhabilitation lors des inondations par exemple, où elle est chargée de

l’évacuation et de la distribution de l’aide d’urgence. Toutefois, il semblerait que les

moyens alloués à la gestion des famines soient supérieurs à ceux réservés à celle des

inondations.

• On retrouve une situation totalement opposée en Centrafrique où la protection civile

n’existe pas et où l’armée est en reconstruction suite aux violences débutées en 2013 et

qui continuent de secouer le pays. Les moyens de la plus importante caserne de la ville

de Bangui n’ont été restaurés que tout récemment, en avril 2017, avec le soutien de la

coopération française.

• Certains pays disposent d’organes dédiés à la prévention des risques naturels, dirigés par

des militaires, comme au Soudan où le National Council for Civil Defence (NCCD), créé

en 1991, est présidé par le Lieutenant-Colonel Hashim Husssein Abdul-Magid. Lors d’une

réunion tenue le 12 février 2018, ce dernier a annoncé la création d’un système d’alerte

précoce (SAP) et mis en avant l’engagement du Conseil dans l’élaboration d’un system

stratégique pour réduire les risques du changement climatique. Ce processus serait

entamé depuis 2001, date à laquelle le NCCD aurait commencé à solliciter le PNUE via

des rapports sur le sujet. Néanmoins, un soutien politique plus fort est nécessaire, tout

comme les financements du PNUD et de l’UNESCO (Sudan Vision Daily, 2018).

• À Djibouti, l’armée n’est pas non plus impliquée dans la gestion de ce type de problèmes

malgré des moyens intéressants. La Direction nationale de la protection civile, créé en

2004, dépend du ministère de l’Intérieur. En raison de la taille restreinte du territoire

national, cette direction comporte des centres de secours répartis dans les différents

quartiers de la capitale, comme Balbala, qui abrite, en bordure de l’oued Ambouli le plus

grand bidonville du pays, très vulnérable aux inondations (Said Chiré, 2015). Rappelons

également que les Forces françaises de Djibouti sont intervenues pour secourir la

population de ce quartier lors des inondations de mars 2013.

• En Égypte, l’armée semble plus investie dans son rôle économique que dans la gestion

des risques naturels, notamment depuis la prise de pouvoir du Maréchal Al-Sissi en 2013.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

22

Partie 2. Analyse par pays

Les États de la région sont ainsi soumis à différents types de risques découlant des facteurs

climatiques et environnementaux. Si les variations climatiques peuvent contribuer à l’insécurité,

comment sont-elles surveillées ? Quelles réponses sont apportées ? Avec quelle participation

des forces armées ? À quels défis ces acteurs doivent-ils faire face ?

EGYPTE ....................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

DJIBOUTI..................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE ................................................................. Erreur ! Signet non défini.

ETHIOPIE ..................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

SOUDAN ..................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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I. EGYPTE

Indicateurs clefs

Population : 95 688 681 hab. (2016) / 153 433 000 (estimation 2050) Indice de fécondité : 3,3 enfants/femme Densité : 84 hab./km2

Superficie : 1 001 450 km2 PIB (2016) : 332,7 milliards de $

• Agriculture : 12%

• Industrie : 33%

• Tertiaire : 55%

Couverture du réseau routier : 163 630.7 km (réseau

saturé et dangereux)

Défense Energie et climat

Effectif total (2016) : 438 500 hommes (et

479 000 de réserve), plus grande force

armée parmi les pays arabes /

Personnels pour 1000km2 : 916

Climat : désertique et semi-aride

Électrification du pays : 100% (ONU)

Mix énergétique : hydrocarbures : 91% ; hydroélectricité : 8% ; solaire : 1%

Budget de la Défense (2016) : 4,513

millions de $

Émissions de CO2/hab (2016) : 2,44 tonnes/ha

Engagement français Programmes et politiques: CCA and Natural Disasters Preparedness in the

Coastal Cities of North Africa study; National Strategy for Adaptation to

Climate Change And Disaster Risk Reduction; The Nile Delta adaptation

project to climate change and sea level rise; Egypt’s Vision 2030 (Egypt

Sustainable Development Strategy); EU-UNDP Climate Change Capacity

Building Project; NAMAs Mapping for Sectoral Mitigation Opportunities;

National Strategy Study on Clean Development Mechanisms (NSS-CDM)

Accord de coopération : Commission

militaire armement stratégie franco-

égyptienne (CAMAS). Plus de 70

actions de coopération (formation,

échanges, exercices, équipements,

dialogue stratégique…).

État d’engagement des forces dans le

pays : Aucun homme engagé sur

place.

Gestion des catastrophes naturelles : National Security Council, National

National Committee for Crisis Management and Disaster Risk Reduction

(NCCMDRR); Advisory Committee for Crises/ Disasters Management and

DRR; Information and Decision Support Center (IDSC); Crisis and

emergency management affairs (CEMA) Bases françaises : 0

Nombre de ressortissants français :

6 034 (2017)

Tendances climatiques 2050 : augmentation de la température entre 1,8

et 2,9°C ; baisse des précipitations entre 5 et 10% ; aridification du climat ;

multiplication et intensification des catastrophes naturelles

Résumé

Cinq risques majeurs exposent la stabilité de l’Égypte : le stress hydrique, l’insécurité foncière, la dépendance

alimentaire envers les marchés mondiaux et l’accélération des changements climatiques. S’y ajoutent une

croissance démographique importante et des troubles politiques récurrents. L’accentuation des dérèglements

climatiques s’accompagnera d’une hausse de la probabilité de désordres territoriaux. Les efforts consentis par les

autorités égyptiennes pour lutter contre le changement climatique demeurent pour l’heure insuffisants, la

sécurisation du pays et la remise en ordre économique dominant leur agenda. Les dernières catastrophes naturelles

ayant touché l’Égypte démontrent un manque d’anticipation et d’efficacité des acteurs responsables de la prise

en charge des évènements climatiques.

Atouts : nombreux soutiens internationaux et des organisations internationales ;

certaine stabilité politique nourrie par une peur d’un nouveau chaos ; armée

puissante et bien structurée ; pouvoir d’influence et position géographique

stratégique.

Typologie

Faiblesses : grande vulnérabilité aux changements climatiques ; hyper-

dépendance aux importations alimentaires et aux eaux du Nil ; insécurités et

rébellions dans le Sinaï ; poids de l’armée dans l’économie ; développement

territorial inégal.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques

a) Un pays extrêmement vulnérable aux effets du changement climatique

• La population se concentre dans la vallée du Nil puisque 95% du territoire est désertique

et donc inhabitable (Blanc Pierre et al., 2015). Le fleuve assure 95% de l’eau consommée

annuellement en Égypte (Ramady Hassan R., et al., 2013).

• La population avoisine actuellement les 100 millions d’habitants et pourrait encore croître

de 50% d’ici à 2050 selon les prévisions hautes du département d’études démographiques

des Nations Unies, ce qui accentuerait la demande hydrique, foncière et alimentaire.

L’inondation et la salinisation des plaines fertiles du delta du Nil, tout comme la réduction

des flux nilotiques vers le pays, auraient des conséquences humaines importantes

(insécurité hydrique, migrations).

• L’élévation du niveau de la mer devrait détruire progressivement les zones les plus

vulnérables de la ceinture de sable qui protège le delta (à Damiette et Rosette

notamment) et mettre ainsi en danger ce dernier.

Scénarios

1. Scénario tendanciel : Scénario tendanciel 2030 : accroissement de l’insécurité alimentaire, mouvements sociaux

et tensions avec les voisins du bassin du Nil (trajectoire +2°C à horizon 2100)

Principaux facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité d’occurrence Impacts pour la

France

• Augmentation de la

dépendance du pays aux

importations de denrées

alimentaires

• Mise en place d’une politique

d’austérité augmentant la

paupérisation et l’insécurité

alimentaire

• Crise agricole entraînée par une

baisse des ressources en eau

• Perte de confiance de la

population dans les principaux

acteurs politiques du pays

• Une nouvelle

salve de

réformes

d’austérité

provoque

d’importantes

manifestations

et émeutes

• Forte concernant la

réduction du débit du

Nil et la multiplication

d’émeutes de la faim

• Moyenne à forte

concernant la

déstabilisation totale

de la région du Sinaï

• Déstabilisation

d’un pays clé

dans la lutte

contre le

djihadisme

• Coopération

accrue avec la

Chine dans la

région

• Implication dans

le processus de

transition

politique

2. Scénario de rupture : Scénario de rupture : réduction du débit du Nil, troubles socio-politiques et expansion

islamiste (trajectoire +5°C à horizon 2100)

Principaux facteurs explicatifs Élément déclencheur Probabilité d’occurrence Impacts pour la

France

• Forte dépendance du pays aux

importations de denrées

alimentaires

• Forte dépendance vis-à-vis des

ressources nilotiques

• Accroissement progressif de la

pauvreté dans le pays et de

l’insécurité alimentaire

• Pays profondément divisé

depuis 2011 entre partisans

d’un régime militaire et proches

des Frères Musulmans

• Montée en puissance des

mouvements radicaux dans le

Sinaï

• Fin de la

construction du

Barrage de la

Renaissance,

début de la

phase de

remplissage du

réservoir

• Forte concernant la

réduction du débit du

Nil et la multiplication

de mouvements

sociaux

• Moyenne à faible

concernant la chute

du Sinaï aux mains des

djihadistes et la

création de foyers

insurrectionnels

• Nouvelle vague

migratoire

• Diplomatie

multilatérale à

plusieurs

échelles

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• Les effets directs seront conséquents pour l’agriculture, le tourisme et l’industrie,

concentrés dans cette partie du pays.

Carte 2 : La concentration des activités égyptiennes dans la vallée et le delta du Nil

Source : Blanc Pierre et al., 2015

• La mer Méditerranée monte actuellement à une vitesse de 7mm/an (Mccredie Ian, 2017).

D’après une étude de la Banque Mondiale, une montée des eaux de 50 cm dans les 50

prochaines années pourrait avoir pour conséquences directes (El Hatow Lama) :

▪ L’inondation de 180 000 hectares de terres cultivées (7% de la SAU) ;

▪ Des pertes chiffrées à 35 milliards de dollars ;

▪ La destruction de 200 000 emplois ;

▪ Le déplacement de 2 millions de personnes.

• Un autre scénario, anticipant une hausse d’un mètre du niveau de la mer, évoque des

effets encore plus redoutables (Batisha Ayman F., 2012) : 25% du delta inondé, perte de

450 000 hectares cultivables (16% de la SAU), déplacement de 8 à 9 millions de personnes

et amputation nette de 6% du PIB (Elsharkawy H, 2009).

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

26

Carte 3 : Différents scénarios de montée de la Méditerranée et les impacts sur le delta du Nil

Source: Elsharkawy H. et al., 2009

• Le Coastal Research Institute Egypt a aussi de son côté élaboré un modèle pour mesurer

l’impact de la montée des eaux sur le delta du Nil (cf tableau 1).

Tableau 3. Impact de la montée des eaux sur le delta du Nil

Changements constants

Augmentation de la température (2100) 0,6°c

Montée des eaux (2100) indisponible

Année 2025 2050 2075 2100

Superficie totale affectée (km2) 633,8 691,8 748,4 832,7

Superficie affectée (% du delta du Ni) 2,53 2,57 3,0 3,33

Scénario B1

Augmentation de la température (2100) 1,8°c

Montée des eaux (2100) 0,18-0,38m

Année 2025 2050 2075 2100

Superficie totale affectée (km2) 657,7 752,0 1021,9 1058,8

Superficie affectée (% du delta du Ni) 2,63 3,0 4,1 4,23

Scénario A1F1

Augmentation de la température (2100) 4°c

Montée des eaux (2100) 0,26-0,59m

Année 2025 2050 2075 2100

Superficie totale affectée (km2) 701,0 766,5 2348,0 2938,0

Superficie affectée (% du delta du Ni) 2,8 3,1 9,4 11,75

Source : Elshinnawy Ibrahim Abdelmagid, n.d.

• Le changement climatique va fortement modifier les moyennes de température et de

précipitations dans les prochaines années. Ainsi, d’après une étude du Center for nation

reconstruction and capacity development, les précipitations devraient diminuer de 9,3%

au cours du XXIe siècle et la température devrait augmenter de 3,6°c (Keith Bruce et al.,

2014). La Banque Mondiale, sur son site Climate Change Knowledge Portal, prévoit une

hausse allant de 2 à 3°c d’ici 2050 et une baisse des précipitations de 7 à 9%21.

21

http://sdwebx.worldbank.org/climateportal/index.cfm?page=country_historical_climate&ThisRegion=Africa&ThisCC

ode=EGY

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

27

Tableau 4. Différents scénarios d’évolution du débit du Nil bleu (milliards de m3/jour) (PNUD, 2013)

• Les études sur le Nil Bleu, qui fournit 80%

des eaux du Nil, ont utilisé différentes

modélisations proposant des résultats très divers,

allant d’une baisse de 63% de l’apport journalier

jusqu’à une hausse de 45% d’ici à la fin du XXIe

siècle (cf tableau 2.). Cette diversité s’explique

notamment par l’incertitude de l’évolution des

précipitations dans les pays nilotiques, des impacts

sur le débit du Nil mais aussi des conséquences de

l’augmentation de la température sur le taux

d’évaporation.

• Le gouvernement, dans sa troisième

communication à la Convention-cadre des

Nations unies sur les changements climatiques,

évoque différentes études existantes anticipant

aussi bien une baisse de 70% du débit qu’une

croissance de 25%. Une donnée est certaine, le

bassin du Nil deviendra de plus en plus chaud

accentuant automatiquement l’évaporation mais aussi l’augmentation de la

consommation d’eau.

• Les impacts des changements climatiques sur l’agriculture représentent aussi un défi

colossal. Le secteur continue à peser pour 13,5% du PIB et 55% de la main-d’œuvre

employée de manière directe ou indirecte (EEAA, 2016). Le pays n’est pas en mesure

d’assurer sa couverture alimentaire et doit recourir aux marchés extérieurs (2ème acheteur

mondial de céréales, Blanc Pierre et al., 2015).

• Or la production nationale peut s’affaisser avec des températures plus élevées en

moyenne (entre 1,8°c et 2,9°c d’ici 2050, Climate Change Knowledge Portal), la réduction

de l’apport hydrique et des catastrophes météorologiques (pluies diluviennes, tempêtes

de sable, sécheresses…) plus récurrentes ou plus intenses. Ces importations déterminent

en grande partie la paix sociale dans le pays.

• L’agriculture consomme annuellement 80% de l’eau utilisée en Égypte (EEAA, 2016). Une

hypothèse de réduction de l’apport annuel du Nil serait insoutenable sans évolution des

pratiques agricoles ni adaptation étant donné le poids des dépenses alimentaires dans le

budget des plus vulnérables.

b) Un stress hydrique croissant et préoccupant

• Sans Nil, point d’Égypte : l’intégralité ou presque des territoires égyptiens habités et

développés dépend de ce fleuve.

• Au total, l’Égypte dispose d’un volume annuel de 58 milliards de m3 d’eau douce

mobilisable, mais en consomme près de 77 milliards de m3 (Hassan R. et al., 2013).

• Avec la croissance démographique, la quantité d’eau par habitant diminue chaque

année : de 711 m3/an en 2009, elle pourrait tomber à 550 m3/an en 2030 (Hassan R. et al.,

2013). L’ONU estime que l’Égypte devra faire à une crise absolue en eau d’ici à 2025. Le

pays aurait théoriquement besoin de 20% de ressources hydriques supplémentaires d’ici

au début de la décennie 2020 (Cuningham Erin, 2012).

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• Cette situation alarmante pourrait encore se détériorer sous l’effet de l’impact du

changement climatique qui pourrait entrainer une diminution du débit du Nil.

• De plus, les ressources hydriques de l’Égypte pourraient diminuer aussi sous l’effet de

mutations géopolitiques. En effet, l’hyperdépendance égyptienne au Nil est périlleuse,

l’Égypte se situant en aval du bassin.

• La volonté de certains pays de renégocier le partage des eaux du Nil datant de 1959,

symbolisée notamment par l’accord signé en 2010 entre l’Éthiopie, l’Ouganda, le Rwanda

et la Tanzanie, représente une inconnue stratégique majeure. L’Égypte, grâce au traité de

1959, jouit de 75% du débit nilotique et interdit aux pays en amont de construire des

barrages.

• Les projets développés par en amont du fleuve, notamment le Barrage de la Renaissance

en Éthiopie, représentent un danger potentiel pour l’approvisionnement en eau et en

électricité de l’Égypte. Dans plusieurs déclarations, le Caire s’est dit prêt à utiliser des

moyens militaires afin de faire respecter ses droits sur le Nil.

Carte 4. Partage des eaux et tensions dans le bassin nilotique

Source : Minoui, 2013

• La rencontre en janvier 2018 entre le Président égyptien al-Sissi et le premier ministre

éthiopien Haile Mariam Dessalegn, qui fait suite à l’accord de mars 2015 autorisant la

construction d’un barrage en Éthiopie s’il n’entraîne aucune modification de

l’approvisionnement égyptien, semble démontrer un certain apaisement des relations.

Cependant, cette rencontre n’a pas permis de dépasser de nombreux points de

désaccord (durée de remplissage du barrage par exemple, que l’Égypte souhaite étaler

dans le temps que l’Éthiopie veut l’accélérer).

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

29

c) Impacts sur les secteurs agricole et touristique

• L’impact du changement climatique sur l’agriculture pourrait aussi être important pour les

équilibres sociopolitiques. L’agriculture égyptienne demeure hautement stratégique mais

elle est toutefois handicapée par la raréfaction des ressources hydriques et foncières,

accentuée par les changements climatiques.

• La production nationale ne parvient pas à suivre la croissance de la population. La

nécessité de recourir aux marchés internationaux expose l’Égypte à la volatilité

intrinsèque du cours des matières premières.

• Les épisodes de sécheresse seront plus longs et plus significatifs. La variabilité des

précipitations dans l’espace et le temps constitue une autre tendance appelée à se

renforcer.

• En raison de l’augmentation de la température, de la diminution de l’apport en eau, de

la multiplication d’épisodes météorologiques extrêmes (pluies diluviennes, tempêtes de

sable, sécheresses…) ou encore de la prolifération de maladies animales (fièvre

catarrhale du mouton, fièvre de la vallée du Rift et autres maladies infectieuses

notamment dues à la stagnation d’eau dans le delta et à la multiplication d’insectes) ou

végétales (mildiou, harpophora maydis, Botrytis fabae, rouille brune du blé et autres

maladies fongiques) et d’insectes, la productivité agricole pourrait globalement diminuer

de 15 à 20% comme l’explique Mohammad al-Raey de l’Université d’Alexandrie (National

Public Radio, 2017).

• Du fait de la place prépondérante de l’agriculture dans l’activité économique des

territoires ruraux, cette dynamique aura des effets catastrophiques sur l’emploi et la

viabilité de ces zones. Cela pourrait pousser davantage de migrants de détresse vers les

villes ou l’étranger, face à l’impossibilité de développer une activité stable et pérenne ou

bien même de demeurer dans leurs régions d’origine du fait de l’évolution des conditions

naturelles.

• Le secteur touristique serait par ailleurs aussi fortement touché à cause de la vulnérabilité

des zones touristiques liée à leur implantation géographique. Ainsi, d’après le PNUD, du

fait des conséquences directes (augmentation sévère de la température, destruction de

plages et d’une partie de la barrière de corail, inondation d’une partie du delta, vestiges

antiques menacés, diminution des approvisionnement en eau…) et indirectes

(augmentation de l’insécurité, pollution de l’air…) les revenus touristiques pourraient

diminuer de 19 à 22 milliards de livres égyptiennes (875 millions à un milliard d’euros) d’ici

à 2030 et de 85 à 103 milliards de livres égyptiennes (3,9 à 4,7 milliards d’euros) d’ici à 2060,

ce qui représente près d’1% du PIB égyptien (PNUD, 2013).

• Dans cette même étude, le PNUD a mesuré les impacts potentiels du changement

climatique sur les différents secteurs économiques égyptiens (cf fig. 3.).

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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Fig.3. Impacts économiques du changement climatique sur les principaux secteurs égyptiens

Source : PNUD, 2013

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques

a) Engagements internationaux

• L’Égypte participe aux principaux accords et traités internationaux (signature de la

Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992 et du

protocole de Kyoto en 1999, adoption de l’Accord de Paris en 2015).

• Le gouvernement égyptien s’est parallèlement investi dans les Objectifs de

développement durable repris dans document stratégique (« Vision égyptienne 2030 -

Stratégie de développement durable pour l'Égypte »).

• Enfin, l’Égypte participe aux deux initiatives de l’Union africaine lancées en 2015 :

l'Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI) et l'Initiative africaine

d'adaptation (AAI) pour faire face aux effets du changement climatique.

b) Un dispositif conséquent mais un système inopérant et un désintérêt collectif

• Au niveau national, le gouvernement a mis en application ses engagements

internationaux par le biais de différentes actions (cf annexes 2 à 4).

• Parallèlement, l’Égypte a soumis son plan d’action climat à la Convention-cadre des

Nations Unies sur les changements climatiques.

Engagements de l’Égypte à la COP21

a) Formation des acteurs agricoles, transfert de connaissances, diffusion d'informations et sensibilisation des

citoyens ;

b) Traitement et réutilisation des eaux usées, modernisation des systèmes d’approvisionnement et d’irrigation ;

c) Renforcement du cadre législatif pour la gestion des crises et catastrophes ;

d) Développement des énergies renouvelables, promotion de l’efficacité énergétique et lutte contre le gaspillage ;

e) Mise en place d’un marché national du carbone ;

f) Investissement dans la recherche, l’observation, le contrôle et l’évaluation ;

g) Promotion de la coopération entre les organismes impliqués dans la lutte contre le changement climatique.

=> L’Égypte estime à 73 milliards de dollars l’aide financière nécessaire pour la période 2020-2030.

• Dans l’optique d’un épuisement de ses réserves en pétrole, l’Égypte semble vouloir

développer un parc nucléaire afin de stabiliser les niveaux de rejet de gaz à effet de serre

et répondre à la demande croissance d’énergie.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• L’Égypte mise aussi beaucoup sur le gaz naturel avec les nouveaux gisements offshore en

Méditerranée (Zohr), qui font de l’Égypte le troisième plus gros producteur africain.

• Dans sa CPDN, l’Égypte insiste fortement sur le soutien financier des pays développés, le

rôle du transfert de technologies et de compétences, ainsi que sur le renforcement de

capacités humaines et l’amélioration des systèmes de gestion et de suivi.

• Mais sa CPDN s’avère assez vague sur la ventilation de la somme apportée. Le

gouvernement n’a pas évoqué les projets d’expansion du charbon. Pour l’amélioration

de l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables, le document n’est

pas vraiment précis, aussi bien au niveau du calendrier que des objectifs. Surtout, l’Égypte

semble vouloir se concentrer sur une stratégie d’adaptation et met de côté l’atténuation.

• La multiplication d’actions cache un certain manque d’efficacité dans les politiques mises

en place. La superposition de plans et la prolifération de nouveaux organismes

n’apportent aucune clarification quant au rôle et aux prérogatives de chaque acteur. Ce

flou questionne l’opérationnalité des dispositifs et des stratégies déployées, par ailleurs

dotées de ressources financières limitées et souffrant d’une trop grande centralisation.

• Ce manque d’efficacité dans l’adaptation au changement climatique avait notamment

été illustré par la réponse inadaptée lors des inondations survenues dans le Sinaï en 2010.

La carence des données récoltées et les lacunes des systèmes de surveillance ou de

contrôle empêchent la mise en place de mesures d’adaptation opérantes.

• Ce constat nous amène à questionner son réel engagement politique qui semble

davantage concentré sur le maintien de l’ordre social, la réforme des subventions ainsi

que la lutte contre le terrorisme. De même, la majorité des Égyptiens ne portent pas leur

regard sur ces futures violences climatiques alors que leur vie quotidienne demeure

incertaine.

c) La lutte contre l’inondation du delta du Nil

• Une des problématiques aux répercussions lourdes concerne les menaces d’inondation

pesant sur le delta du Nil.

• Afin de gagner en efficacité dans les politiques mises en œuvre, le gouvernement a lancé

l’Integrated Coastal Zone Management (ICZM) qui prévoit la création d’un cadre

réglementaire, des programmes de renforcement des capacités et l’amélioration de

l’observation des côtes, du diagnostic des zones vulnérables et de la collecte et analyse

de données.

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques

a) Une armée omnipotente politiquement et économiquement

• Première puissance militaire africaine en matière d’effectif, d’après le classement 2017 du

site Global Firepower, l’armée égyptienne joue un rôle politique, social et économique

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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crucial en Égypte, et sa puissance tend à croître depuis l’arrivée au pouvoir du maréchal

Abdel Fattah al-Sissi.

• L’armée a élargi sa mainmise sur la vie politique et économique du pays en plaçant des

hommes fidèles à des ministères clés et en diversifiant encore son activité économique,

qui représente 40% du PIB (Blanc Pierre et al., 2015).

b) Un rôle peu clair dans la gestion des catastrophes naturelles

• Le rôle joué par l’armée dans la gestion des conséquences liées au changement

climatique et des catastrophes naturelles n’est pas clairement spécifié dans l’ensemble

des documents accessibles.

• L’armée est mobilisée lors des évènements de grande ampleur, comme lors des

inondations de 2016 dans le Sinaï afin notamment de fournir des kits d’alimentation

d’urgence et d’assurer le transport des secours. Du personnel militaire spécialisé a aussi

été déployé pour nettoyer les rues, réparer des infrastructures essentielles et rétablir

l'approvisionnement en eau et en électricité.

• Cependant l’armée ne semble pas souhaiter accroître son implication institutionnelle

dans l’anticipation et la gestion climatique. En effet, la création en 2014 du Conseil

national de sécurité composé de « civils » démontre bien la volonté du pouvoir militaire de

séparer les problématiques purement militaires des questions de protection civile et de

sécurité nationale.

• La grande majorité des postes clés en Égypte est occupée par des fidèles de l’armée et

ce constat est d’autant plus marquant concernant les responsables siégeant au sein du

Conseil.

• D’une manière générale, les efforts consentis par le gouvernement sont concentrés dans

l’après-catastrophe et peu d’actions sont entreprises afin de préparer, d’anticiper voire

d’atténuer les possibles crises liées au climat.

• Ceci semble refléter l’absence de « procédure opératoire normalisée ». Le concept de

gestion des catastrophes naturelles est peu développé en Égypte et il ne semble pas

exister de formations adéquates ou même de manuel d'instructions qui puisse informer les

citoyens sur la façon de se comporter dans différentes situations de crise (Abulnour Adham

Hany, 2013).

• En 2000, au niveau civil, le Crisis and Emergency Management Affairs (CEMA) a été mis

en place par le Premier Ministre afin de fournir une structure de commande pour répondre

aux catastrophes naturelles mais aussi développer des stratégies pour renforcer la

protection des populations civiles.

• Parallèlement, la même année, un département dédié à la gestion des crises et

catastrophes a été créé au sein du Centre d’information et d’aide à la décision du Cabinet

des ministres égyptiens (IDSC). Cet organe interministériel sert de groupe de réflexion afin

de conseiller et d’aider à la prise de décision.

Si les prérogatives et fonctions exactes de l’armée dans la gestion des catastrophes demeurent

opaques, la réponse apportée lors des graves épisodes climatiques est l’objet de nombreuses

critiques notamment lors des dernières crises démontrant un manque de préparation et

d’anticipation ce qui est alarmant étant donné la probabilité de la multiplication de ces

évènements.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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4. Scénarios

a) Scénario de rupture : réduction du débit du Nil, troubles socio-politiques et

expansion islamiste (scénario +5°c à horizon 2100)

Contextualisation et hypothèses

• Au cours de la décennie 2020, les tensions dans le bassin du Nil ne cessent de croître

notamment entre l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan. Ces deux derniers multiplient les projets

d’aménagement du Nil Bleu ce qui alimente le discours belliqueux et agressif du Caire.

• La popularité du régime militaire égyptien ne cesse de s’étioler notamment face à

l’incapacité de ce dernier à défendre les intérêts égyptiens au niveau international et à

endiguer la paupérisation de la société.

• Sous la pression démographique et l’augmentation du prix des commodités de base sur

les marchés internationaux, la facture alimentaire ne cesse de croître aggravant la crise

alimentaire égyptienne.

Déroulé des évènements

• En 2024, suite à plusieurs années de négociations infructueuses avec l’Égypte, l’Éthiopie

décide de commencer le remplissage du réservoir de 63 milliards de m3 du « Barrage de

la renaissance », en l’étalant sur cinq années.

• Ceci entraîne une réduction du débit du Nil en Égypte de 25% mettant à mal l’agriculture

déjà fortement touchée par l’impact du changement climatique (réduction des

ressources hydriques entraînée par l’augmentation de la température moyenne de 1°c

depuis 2017 et la croissance de 30% de la variabilité interannuelle des précipitations

rendant instable le débit du Nil).

• Des escarmouches éclatent en 2026. Si la Russie et les États-Unis expriment leur

préoccupation, c’est surtout la Chine qui impose le cessez-le-feu. L’Éthiopie sort grande

gagnante de la situation car la révision hydraulique est bien actée. Addis-Abeba a ainsi

pu profiter des troubles internes survenus en Égypte et une nouvelle vague de

contestations sociales et politiques éclate.

• Le Sinaï, depuis longtemps frondeur, devient de moins en moins contrôlable et les attentats

se multiplient. L’armée égyptienne est pleinement mobilisée sur le maintien de l’ordre

national et sur la lutte contre les forces djihadistes.

• Face à la crise agricole, le pays doit plus que jamais recourir aux importations pour couvrir

ses besoins alimentaires. Le gouvernement égyptien est contraint d’annoncer une

réduction drastique des subventions publiques.

• À peine la décision communiquée, les manifestations populaires s’amplifient dans les

grandes villes du pays. Par ailleurs, la réduction du débit du Nil limite la production

d’électricité au niveau du barrage d’Assouan.

• De multiples forces politiques contestataires émergent. Les Frères musulmans (FM), dix ans

après leur première prise de pouvoir, redeviennent, avec l’armée, les acteurs principaux

du jeu égyptien.

• De nouveaux foyers d’insurrection s’embrasent dans les régions marginalisées de l’Égypte.

Une double-revanche est ainsi en cours : celle des FM, mais aussi celle des zones

marginalisées de l’Égypte.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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Conséquences pour la France

• Après avoir durci dans un premier temps le ton, la France n’a pas d’autre choix que de

changer son fusil d’épaule voyant la progression des groupuscules djihadistes et la

mainmise des islamistes sur les révoltes sociales.

• Après s’être réunie avec les pays membres de l’UE pour proposer une réponse

européenne, Paris se concerte avec les capitales chinoise, russe et américaine, afin de

tenter d’accorder leur position respective.

• Les vagues migratoires vers l’Europe s’accroissent encore depuis le début des troubles en

Égypte, mettant une importante pression sur les gouvernements européens.

Réponses opérationnelles à fournir

• Création d’une task force réunissant les principaux pays de la région et les puissances

occidentales afin de lutter contre la prolifération djihadiste dans le nord de l’Afrique.

• Déploiement de soldats afin de parfaire la formation des troupes égyptiennes dans le

cadre de la lutte contre les mouvements insurrectionnels et la radicalisation des

mouvements sociaux.

• Augmentation de la flotte européenne pour lutter contre les migrations clandestines.

b) Scénario tendanciel : accroissement de l’insécurité alimentaire, mouvements

sociaux et tensions avec les voisins du bassin du Nil (scénario +2°c à horizon

2100)

Contextualisation et hypothèses

• En 2030, l’Égypte, du fait du retard de sa transition démographique et de la réduction de

sa production agricole provoquée par la diminution de ses ressources hydriques, voit sa

dépendance aux cours internationaux des denrées alimentaires empirer.

• Afin de réduire le poids budgétaire des subventions alimentaires et énergétiques, l’Égypte

s’est lancée depuis 2016 dans une réforme profonde du soutien public aux dépenses des

ménages.

• Cette politique d’austérité, conjuguée à une importante inflation des produits de première

nécessité et de l’essence, provoque un regain de paupérisation dans la société.

• Par ailleurs, la réduction du débit du Nil de 10% et la diminution des ressources en eau de

15% (en partie liées aux variations de la pluviométrie en zone amont mais aussi à

l’évaporation causée par l’augmentation de la température moyenne de 0,5°c et à la

baisse des précipitations) entraînent la disparition de nombreuses exploitations agricoles

et un exode rural important.

Déroulé des évènements

• Cette conjonction de facteurs provoque des émeutes et nourrit un puissant sentiment de

frustration au sein de la population. La méfiance envers les décideurs politiques s’avère

totale.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• Le Président est contesté à l’approche de la fin de son quatrième mandat. Dans les rangs

de l’armée, des divisions se font sentir. Les fissures au sein des FM sont tout autant

importantes. La perte de confiance envers les symboles de la Nation semble totale.

• De leur côté, la branche de l’État Islamique au Sinaï poursuit ses attaques contre les

symboles du pouvoir public et les minorités religieuses.

• Une importante partie des tribus du Sinaï décide de s’unir afin de lutter contre le

groupuscule armé et une guerre lancinante se livre sur tout le Nord du territoire.

Conséquences pour la France

• La France est hésitante quant à l’attitude à adopter face à l’évolution du pays. La position

radicale des Américains, consistant à briser à n’importe quel prix la dynamique des FM, ne

convient pas à Paris.

• Pour la France et l’Europe, c’est donc de concert avec la puissance chinoise que les

actions diplomatiques doivent se mettre en place.

• La Chine, soucieuse de ses intérêts africains, va donc déverser des sommes colossales afin

de calmer la rue et d’aider les populations. Pékin investit parallèlement dans le Barrage

de la Renaissance pour favoriser la signature d’un nouvel accord de partage des eaux du

Nil.

• Parallèlement, la France s’implique pour permettre la mise en place d’une transition

démocratique progressive.

Réponses opérationnelles à fournir

• Formation des policiers égyptiens aux opérations anti-émeutes.

• Coopération militaire renforcée entre l’Égypte et la France pour lutter contre les

groupuscules djihadistes dans les régions marginalisées.

• Soutien logistique et financier à la coalition bédouine dans le Sinaï.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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I. DJIBOUTI

Indicateurs clefs

Population : 965 000 (2017), croissance de 2,8% par an

Superficie : 23 200 km2

PIB (2016) : 2,082 milliards USD

Couverture du réseau routier/Infrastructures : Environ 6

000 kms de routes, dont 1226 goudronnées. 97 km de

voies de chemins de fer.

Défense Energie et climat

Effectif total (2016) : 16 000 hommes et 9 000 réservistes Climat : aride désertique

Budget de la Défense (2011) : 40 millions USD

(estimation)

Électrification du pays : La moitié de la population

dispose de l’électricité. (61% en zones urbaines, 14% en

zones rurales). Production (2015) : 405 millions kWh.

Engagement français Mix énergétique : 65% hydro-électrique (importée

d’Ethiopie), 35% énergiesfossiles (hydro-carbures). Projets

importants en énergie géothermique et solaire (objectif

100% en 2020)

État d’engagement des forces françaises dans le pays :

1750 effectifs, regroupées dans le 5ème Régiment

Interarmées d’Outre-mer (RIAOM), un escadron de

chasse, un escadron de transport, des détachements

de l’aviation légère de l’Armée de terre et de

l’aéronautique navale, ainsi que deux chalands de

transport de matériel.

Émissions de CO2/hab (2016) : 0,8 tonnes CO2/hab

Politiques climatiques : réduction de 40% des émissions de

gaz à effet de serre d’ici 2030 (INDC). Plan d’action

national pour l’adaptation (2013)

Gestion des catastrophes naturelles : La Direction

nationale de la protection civile, constituée d’un corps de

sapeurs-pompiers, est chargée par une loi de 2004 de ‘la

lutte contre les catastrophes de toute nature’.

Coopération en matière de défense et de sécurité

intérieure : Ancienne puissance coloniale (jusqu’en

1977), la France a conservé une présence militaire très

importante à Djibouti, régie par un accord de défense

en 2014. Il s’agit du plus gros contingent établi hors de

France.

Institutions : Ministère de l’Habitat de l’Urbanisme, de

l’Environnement et de l’Aménagement du Territoire

(MHUEAT), Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage, de la

Mer chargé des ressources hydrauliques (MAEM-RH),

Agence Djiboutienne pour la Maitrise de l’Énergie

(ADME).

Bases françaises : Le 5ème RIAOM est stationné à

Djibouti, et l’Armée de l’Air occupe la base aérienne

188 ‘Colonel Emile Massart’. Tendances climatiques 2050 : Élévation de la

température de plus de 1°C, baisse accrue des

précipitations, augmentation des sécheresses. Ressortissants français : 4012 (2017)

Résumé Djibouti est confronté à un stress hydrique très important, en raison de sécheresses prolongées et de précipitations

très faibles et très irrégulières. Un exode rural très important est déjà en cours, mais la prise en compte du

changement climatique reste assez faible, tant dans les instances gouvernementales que dans la société civile.

Djibouti accueille un très grand nombre de bases militaires, qui constituent une ressource économique très

importante pour le pays, dont 82% du PIB dépend du secteur tertiaire. L’armée djiboutienne n’est absolument pas

mobilisée dans la gestion des catastrophes naturelles ni dans la sécurité environnementale du pays.

Atouts : Protection civile moderne et efficace, stabilité

politique, soutien d’organismes régionaux, présence

de forces militaires étrangères.

Typologie :

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques

a) Impacts observés

Djibouti est situé dans une région très aride, avec des températures moyennes oscillant entre

24,5°C en janvier et 36,8°C en juillet. Les précipitations sont extrêmement rares toute l’année :

la pluviométrie se situe en-dessous de 10 mm de précipitations de mai à août, et entre 10 et

28 mm d’août à mai.

Faiblesses : Grande dépendance aux énergies

fossiles, faible prise en compte du changement

climatique, faible mobilisation de la société civile,

structures gouvernementales parfois inadaptées

(obsolètes).

Sensibilité

Exposition

Dégradation

Instabilité

Fragilité

Défaillance

Scénarios

1. Scénario tendanciel : Exode rural de plus en plus marqué vers la ville de Djibouti, y compris en

provenance des pays voisins.

Facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence

Conséquences pour la France

- Baisse constante

des précipitations

- Stress hydrique et

insécurité alimentaire

- Importante

sécheresse en

2020-2022, qui

précipite l’exode

rural.

- Migrations du

Yémen et

d’Ethiopie

Quasi certaine. - Déploiement d’unités mobiles

dans la région Afar (nord), en

appui aux forces

gouvernementales

2. Scénario de rupture : En 2050, les conditions climatiques plongent la capitale de Djibouti dans

l’insécurité et entraînent une autonomisation de la base française

Facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence

Conséquences pour la France

- Sécheresse

permanente,

températures

extrêmes.

- Stress hydrique et

insécurité alimentaire

généralisés.

- Graves problèmes

de sécurité à Djibouti

- Rapport

parlementaire

recommande de

limiter les

déplacements

hors de la base

française

Moyenne -‘Bunkérisation’ de la base, de

manière à accroître son

autonomie

- Contacts très limités avec la

population et le gouvernement

de Djibouti

- Relations distantes avec le

gouvernement de Djibouti

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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Fig. 4. Variation moyenne de la pluviométrie et de la température dans la ville de Djibouti

Source : Ozer and Mahamoud 2013.

• La première préoccupation environnementale du pays concerne naturellement le stress

hydrique. Le pays ne comporte aucun fleuve, et toutes ses ressources d’eau douce sont

donc situées dans des nappes phréatiques souterraines. L’eau douce fournie par ces

nappes est évaluée à 30 millions de m3 par an, dont 12 à 13 millions sont absorbés par la

capitale (République de Djibouti 2013). On estime que chaque année, entre 20 et 25%

des réserves d’eau douce sont perdus en raison de fuites dans les canalisations, et

notamment dans les pipelines. L’accès à l’eau potable est particulièrement difficile dans

les régions rurales, où les populations locales doivent souvent parcourir de longues

distances avant de pouvoir accéder à l’eau. Ce stress hydrique sera naturellement

amplifié sous l’effet des changements climatiques.

• Au cours des dernières décennies, Djibouti a souffert d’une baisse considérable des

précipitations : entre 2007 et 2011, la pluviométrie annuelle a chuté de 73% par rapport à

la moyenne observée sur les trente dernières années (1981-2010). Le graphe ci-dessous

montre clairement cette évolution, à partir de 2007. Il situe également cette tendance

récente dans le temps long, ce qui permet d’en saisir son caractère anormal.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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Fig. 5. Évolution de la pluviométrie dans la ville de Djibouti

Source : Ozer and Mahamoud 2013

Les graphiques suivants illustrent cette baisse continue et régulière des précipitations, même si

celles-ci restent instables dans des régions désertiques comme Djibouti. La baisse des

précipitations peut être directement associée à l’augmentation des températures.

Fig. 6. Évolution de la pluviométrie et des températures dans la ville de Djibouti, 1980-2011

Source : Ozer and Mahamoud 2013.

• L’évolution des précipitations s’inscrit dans un cadre plus large de désertification, qui est

directement liée à la variabilité du climat et à la fréquence plus importante de

sécheresses. Le surpâturage, des techniques agricoles inadaptées et la pauvreté dans les

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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régions rurales contribuent à renforcer cette tendance. La désertification induit une baisse

conséquente des ressources disponibles et une dégradation des écosystèmes qui touche

en premier lieu les populations rurales, au travers d’une diminution des terres disponibles

pour l’agriculture, mais aussi des zones possibles de pâturage pour le bétail. Cette double

diminution constitue l’un des facteurs-clés de l’exode rural qui touche le pays.

• La sécheresse qui a touché le pays à partir de 2007 fut parmi les plus dévastatrices : elle a

affecté plus de 50% de la population dans les régions rurales, soit environ 120 000

personnes au total (République de Djibouti, 2011). Cette sécheresse a entraîné des

conséquences en chaîne, notamment une réduction considérable de la disponibilité

d’eau douce dans les nappes phréatiques souterraines et dans les puits traditionnels. La

sécheresse a touché la région entière, au-delà des frontières du pays, ce qui a entraîné

un afflux de réfugiés à Djibouti (UNICEF 2017). Avec moins de 1 000 km2 de terres arables,

Djibouti est très vulnérable à l’insécurité alimentaire, et n’est pas du tout auto-suffisant : la

majorité de la nourriture est importée.

b) Impacts attendus

• La gestion des réserves d’eau douce sera effectivement très contrainte par les

changements climatiques. Les principaux impacts du réchauffement global dans la région

se traduiront par une augmentation du stress hydrique et de la désertification, comme

noté par le GIEC dans son 5ème Rapport d’Evaluation (Niang et al. 2014), et également par

le gouvernement de Djibouti dans sa deuxième communication à la CCNUCC

(République de Djibouti 2013).

• Le Plan d’Action National pour l’Adaptation du pays envisage une baisse des

précipitations de 4.5% à 11% à l’horizon 2050 (Réseau Climat et Développement 2015),

notamment sur le bassin de l’oued Ambouli.

• Le littoral de Djibouti est également très affecté. Les écosystèmes locaux sont soumis à de

nombreuses pressions anthropogéniques comme le tourisme, l’activité du port ou la

pollution. La hausse du niveau des mers, par ailleurs, est préoccupante : dans les

projections pessimistes du gouvernement, jusqu’à 45% de la population et la moitié des

infrastructures seraient touchées d’ici 2050 (République de Djibouti 2013). La base militaire

française ne devra néanmoins pas être affectée.

c) Dimensions humaines

A l’heure actuelle, un très grand nombre de familles a été déplacé par les sécheresses depuis

les zones rurales de Djibouti, d’Éthiopie et de Somalie vers la ville de Djibouti. Cette

augmentation des migrations vers la capitale est corrélée avec les changements climatiques

(UNICEF 2017).

• Cet afflux massif de population s’est traduit, ces dernières années, par l’apparition de

nouveaux quartiers dans la ville, comme celui de Buldhuqo. Ce quartier, qui n’existait pas

du tout il y a quelques années, a commencé à se développer en 2009, avant d’être

démantelé par les autorités à la fin de l’année 2013. Les arrivants les plus récents s’installent

dans le lit asséché du Wadi, qui fut inondé en 2004 et 2009 à la suite de précipitations

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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brèves mais intenses (Ozer et Mahamoud 2013). De nouvelles habitations continuent à

être construites, notamment au Sud et à l’Ouest de la ville, très souvent dans des zones

très exposées aux aléas naturels. Comme le notent Ozer et Mahamoud (2013), un

processus d’urbanisation hors de contrôle soulève des risques de catastrophe en cas de

précipitations intenses. Lors du prochain épisode d’intenses précipitations, l’exposition de

ces populations au risque d’inondation sera maximale, ce qui veut dire que les autorités

doivent faire face à la fois au risque de sécheresse et au risque d’inondation en cas de

précipitations soudaines.

• Depuis 2015, Djibouti fait face à une crise humanitaire déclenchée par la famine et

l’insécurité alimentaire. Plus de 250 000 personnes ont été affectées, particulièrement dans

les zones occupées par les bergers nomades du Dikhil, du Nord-Obock et d’Ali-Sabieh (voir

annexe 5). La ville de Djibouti a accueilli un nombre très important de réfugiés (plus de 25

000), originaires principalement de Somalie et d’Éthiopie, les frontières avec ces pays étant

particulièrement poreuses. La migration pastoraliste en provenance des pays voisins est

très commune durant la saison de lan, de juin à septembre, mais elle induit une pression

additionnelle sur les ressources raréfiées de Djibouti, et peut aggraver encore l’insécurité

alimentaire des populations locales.

• Djibouti est néanmoins connu pour sa tradition d’accueil des réfugiés. En ce moment, le

pays héberge environ 28 000 personnes, originaires principalement d’Éthiopie, de Somalie,

d’Érythrée et du Yémen. La plupart d’entre eux vivent dans l’un des trois camps de réfugiés

de Djibouti, et dépendent de l’aide humanitaire. Beaucoup d’entre eux sont exilés depuis

plus de dix ans.

d) Vulnérabilité des installations militaires

• En raison de sa position stratégique dans le Golfe d’Aden et de la politique volontariste de

son gouvernement, Djibouti accueille de nombreuses bases militaires étrangères :

française, américaine, chinoise, mais également allemande, italienne, japonaise, et

prochainement saoudienne. Ceci fait de Djibouti le pays abritant le plus grand nombre de

bases militaires étrangères, de surcroît sur une superficie assez limitée.

• Ces bases visent généralement avant tout à maintenir une présence militaire stratégique

dans la région, mais également à soutenir la lutte contre le terrorisme et la piraterie dans

la région. Elles sont généralement installées aux alentours de la ville de Djibouti. Les trois

plus importantes sont les bases américaines, française et chinoise.

• La base américaine est située au Camp Lemonnier, un ancien camp de la Légion

étrangère française, situé en bordure de la ville de Djibouti. La France occupe la base

aérienne 188 « Colonel Emile Massart », située dans l’aéroport de Djibouti. Enfin, la Chine

a achevé en 2017 la construction d’une base navale en bordure du port de Djibouti.

• Ces installations militaires, qui représentent une ressource économique essentielle pour

Djibouti, sont également grandes consommatrices d’eau, et contribuent ainsi

considérablement à la pression sur les nappes phréatiques. La base américaine accueille

près de 4000 hommes, la base française 1750 et la base chinoise pourrait à terme accueillir

10 000 hommes. Le stress hydrique constitue un élément important de la vulnérabilité des

bases militaires étrangères, notamment française.

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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De façon générale, la réponse des autorités face au changement climatique reste assez faible

et inadéquate. La mobilisation des autorités comme de la société civile sont insuffisantes, et la

population est peu sensibilisée aux risques climatiques, malgré un exode rural important et la

présence dans le pays de nombreux réfugiés, dont certains ont été poussés à l’exil par des

crises liées au climat.

a) Une énergie exclusivement fossile

• Même si les émissions par habitant restent modestes, la production d’électricité reste très

liée aux énergies fossiles.

• Dans sa Contribution prévue déterminée au niveau national (INDC), Djibouti s’engage

néanmoins inconditionnellement à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre

d’ici 2030, par rapport à un scénario de référence. A la condition de recevoir une aide

internationale, Djibouti s’engage à réduire ses émissions de 20% supplémentaires d’ici

2030, ce qui porterait ses émissions totales à un niveau légèrement inférieur à celui de

2010.

Fig. 7. Engagements de Djibouti dans son INDC

• Cet engagement repose en grande partie sur le développement d’énergies

renouvelables, mais également sur plusieurs projets d’infrastructure communs avec

l’Éthiopie :

o Construction d’une ligne à haute tension entre l’Éthiopie et Djibouti, qui permettra

à Djibouti d’importer de l’électricité produite par des sources renouvelables

notamment l’électricité produite par le barrage de la Renaissance ; construction

également d’une ligne ferroviaire entre Djibouti et Addis-Abeba.

o Installation d’éoliennes onshore à Goubet, d’usines photovoltaïques à Petit Bara,

Ali-Sabieh et Goubet, ainsi que d’une pompe géothermique dans le bassin du lac

Assal.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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o Projets de géothermie sur le territoire djiboutien.

o Amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments.

• Il faut noter que la plupart de ces projets sont financés par des investissements privés ou

extérieurs, et notamment chinois. Djibouti est une étape essentielle sur la nouvelle route

de la soie chinoise, et la Chine vise donc à conforter sa position par des investissements

dans les énergies renouvelables, au-delà de sa base militaire, dont la construction a été

récemment achevée.

• À cela s’ajoutent des mesures conditionnelles telles que la réhabilitation thermique des

bâtiments, la généralisation des ampoules à basse consommation, ou le renouvellement

du parc des réfrigérateurs, climatiseurs ou automobiles. Une usine marémotrice est

également prévue.

b) Des projets d’adaptation peu mis en œuvre

• L’essentiel de la lutte contre le changement climatique à Djibouti se situe néanmoins au

niveau de l’adaptation. Les priorités en la matière sont identifiées dans le document

« Vision 2035 », un instrument de planification à long terme. Elles se déclinent en différentes

stratégies :

o Réduction de la vulnérabilité aux sécheresses ;

o Protection contre l’augmentation du niveau moyen des mers ;

o Développement de l’accès à l’eau ;

o Protection de la biodiversité ;

o Renforcement de la résilience des populations rurales.

• Les principaux projets d’adaptation sont présentés en annexe 6 du rapport.

• Un projet particulièrement intéressant dans une approche de sécurité concerne le

développement de périmètres agropastoraux comme stratégie d’adaptation. De tels

périmètres permettent de diversifier et de renforcer la résilience des communautés agro-

pastorales au travers de trois éléments : un accès garanti sur le long-terme à des ressources

en eau, des zones réservées à l’agro-pastoralisme et un accès à des financements pour

le renforcement de la résilience. De tels mécanismes peuvent réduire le risque de

déplacements comme de conflits pour les ressources.

• La réalisation de ces projets, néanmoins, connaît des fortunes diverses. La plupart d’entre

eux s’inscrivent dans une logique de long terme, mais leur pérennité n’est pas acquise.

Quoiqu’ils visent directement à réduire le stress hydrique et l’insécurité alimentaire,

beaucoup négligent d’impliquer les populations locales dans leur conception, et risquent

donc de souffrir d’un déficit d’appropriation. Cette faible implication des populations

locales dans les stratégies de lutte contre le changement climatique est d’ailleurs un

handicap assez généralisé, comme on le verra dans la section suivante.

c) Un pays peu mobilisé contre le changement climatique

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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• L’administration djiboutienne reste une administration très centralisée, et assez peu

présente en dehors de la capitale, ce qui rend difficile la mise en œuvre concrète et

délocalisée de stratégies d’atténuation et d’adaptation.

• Beaucoup de plans et de stratégies restent insuffisamment mis en œuvre. Ainsi, la

Commission nationale pour le développement durable, mise en place en 2004, ne s’est

jamais réunie ; c’est aussi le cas du Comité directeur sur le changement climatique,

pourtant mis en place dès 2009. Peu d’informations sont disponibles sur l’efficacité des

politiques mises en place, et les sites internet des différentes institutions sont soit vides de

contenu, soit peu actualisés.

• L’administration djiboutienne est peu outillée, peu mobilisée et peu coordonnée dans la

lutte contre le changement climatique. Il en résulte une faible mobilisation des structures

administratives.

• La population est peu conscientisée et peu impliquée dans la lutte contre le changement

climatique. La société civile est réduite et peu mobilisée sur ce sujet. Seules trois

associations sont véritablement actives en matière de lutte contre le changement

climatique : EVA (Écologie du Village Association), DECAN (Découvrir et Aider la Nature),

et l’Association Abeilles de Dougoum.

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques

La gestion des catastrophes naturelles à Djibouti est confiée à la Direction nationale de la

protection civile. Assez logiquement au vu de ce qui précède, l’armée n’est absolument pas

mobilisée dans la lutte contre le changement climatique, ni dans la gestion des catastrophes

naturelles.

• La loi n°58/AN/04/5ème L, datant de 2004, crée officiellement la Direction nationale de la

protection civile. Celle-ci est constituée d’un corps de sapeurs-pompiers placé sous

l'autorité directe du Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation. Elle est structurée de la

manière suivante :

o un service des Ressources Humaines, des Finances et de la Formation ;

o un Service des Études Techniques et de la Prévention ;

o un Service de la Gestion des Catastrophes ;

o un Service matériel et logistique ;

o un Centre de secours principal de la Protection Civile " de la ville de Djibouti ";

o un Centre de secours de la Protection Civile " Section Port " ;

o un centre de secours de la Protection Civile " section Balbala "22;

o un centre de secours de la Protection Civile par région de l’intérieur ;

o un centre de secours secondaire pour chaque poste administratif.

La Direction assure les tâches suivantes :

o L’étude et la réglementation des techniques de sécurité civile.

o L’organisation générale des secours (ORSEC) et la réglementation relative à la

Protection Civile,

22 Les sections ‘Port’ et ‘Balbala’ étant chargées de la protection spécifique de ces deux quartiers de la capitale.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

45

o La lutte contre les catastrophes de toute nature,

o La prévention, les secours des biens et des personnes et la gestion des

catastrophes,

o Le contrôle et l’inspection des matériels de secours spécialisés dans les

établissements publics et privés,

o L’information et la sensibilisation du public,

o La formation de spécialistes et de secouristes des secteurs publics ou privés,

o Les contrôles et visas de conformité des établissements recevant le public.

• L’équipement de la protection civile est moderne et efficace, mais limité. Récemment, le

don de nouveaux camions d’intervention par l’Arabie saoudite a été largement médiatisé

(La Nation, 2017).

• En 2013, le gouvernement a lancé une étude centrée sur l'analyse et le suivi des risques liés

aux désastres naturels, intitulée Plateforme d'Analyse Intégrée des Risques (PAIR-CARAD).

Néanmoins, les résultats de cette étude n’ont toujours pas été communiqués.

• L’armée djiboutienne, de taille modeste, est cependant réputée fonctionnelle et efficace.

L’armée de terre en est, de très loin, la plus grande composante. Au cours des dernières

années, elle a investi dans du matériel lui permettant une mobilité et un déploiement

rapides sur tout le territoire, notamment grâce à de plus petites unités, et à des véhicules

légers plus mobiles. A l’exception de heurts avec l’armée érythréenne il y a une diza ine

d’années et de participation à des opérations internationales, ses missions principales

restent la surveillance des frontières du pays.

• Le type d’organisation de l’armée, ainsi que le matériel utilisé, lui permettraient d’être

particulièrement efficaces dans la prévention et la gestion des ressources naturelles, et le

soutien aux mesures de lutte contre le changement climatique. L’investissement dans des

véhicules légers, facilement déployables sur le territoire, faciliterait particulièrement ces

missions. L’armée y participe notamment pour l’évacuation des personnes lors des

inondations, une tâche pour laquelle elle peut également compter sur le soutien des

forces armées françaises basées à Djibouti, comme lors du sinistre de mars 2013 (AFP,

2013).

4. Scénarios

a) Scénario tendanciel : un exode rural de plus en plus marqué vers la ville de

Djibouti, y compris en provenance des pays voisins (scénario à +2°C)

Contextualisation

• D’ici 2030, les précipitations se réduisent encore, et Djibouti est touché par des épisodes

récurrents de sécheresses aggravées. Les précipitations ne dépassent plus jamais 15 mm

par mois, et tombent régulièrement sous les 5 mm par mois.

• L’exode rural vers la ville de Djibouti s’est encore accru considérablement. Désormais, 90%

de la population du pays vivent dans la capitale.

• Les incursions de groupes armés étrangers, érythréens notamment, se font de plus en plus

fréquentes dans les régions frontalières, désertées.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

46

• Entre 2020 et 2022, une importante sécheresse touche le pays, et précipite l’exode rural

vers la ville de Djibouti.

Déroulé des évènements

• La capitale fait face à un afflux de plus en plus important de populations rurales, et de

nouveaux quartiers se font jour. Mais ces quartiers ne sont pas électrifiés, et ne disposent

pas d’un accès satisfaisant à des services sanitaires, ce qui engendre des troubles

localisés.

• L’opposition politique recrute dans ces nouveaux quartiers, qui sont perçus par le

gouvernement comme des quartiers ‘rebelles’.

• A ces mouvements internes de populations s’ajoute une migration importante en

provenance des pays de la région, en particulier du Yémen et de l’Ethiopie.

• Les migrants éthiopiens s’installent principalement au nord du pays, dans la région Afar.

Des troubles avec les populations locales plongent la région dans l’instabilité.

Conséquences pour la France

• Le pays, jadis réputé pour sa stabilité, est de moins en moins stable, notamment suite à des

troubles réguliers dans certains quartiers nouveaux de la capitale, insalubres et

marginalisés. De nombreux troubles de l’ordre public ont lieu, parfois suscités par

l’opposition politique qui contrôle certains quartiers. Les incursions frontalières se multiplient

au Nord-Obock.

• Le gouvernement de Djibouti sollicite l’aide de la France pour sécuriser la région Afar,

notamment avec des patrouilles militaires et une coopération policière.

Réponse opérationnelle à fournir

• Le gouvernement djiboutien sollicite des fonds d’adaptation pour faire face à l’afflux

d’habitants dans sa capitale et leur permettre l’accès aux services de base.

• A la demande du gouvernement de Djibouti, la France déploie des unités mobiles dans

la région Afar, en appui aux forces gouvernementales, pour pacifier la région.

b) Scénario de rupture : en 2050, les conditions climatiques plongent la capitale

de Djibouti dans l’insécurité et entraînent une autonomisation de la base

française (scénario extrême à +4,5°C)

Contextualisation

• Depuis 2035, Djibouti est en état de sécheresse permanente, qui entraîne un stress hydrique

et une insécurité alimentaire chroniques.

• La totalité de la population du pays habite désormais dans la capitale, le reste du pays et

de la région est totalement déserté.

• La température moyenne dépasse les 35°C toute l’année.

• En 2024, un accord de paix est conclu au Yémen. Les troubles ont également beaucoup

diminué en Somalie, et la région est désormais considérée comme pacifiée.

Déroulé des évènements

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

47

• Djibouti est devenu un pays beaucoup plus instable qu’auparavant, en raison de

fréquentes famines.

• Plusieurs infrastructures du pays sont menacées par les impacts des changements

climatiques ; c’est notamment le cas du port.

• En raison de l’afflux de population dans la capitale et de l’incapacité du pays à répondre

aux besoins vitaux de la population, l’insécurité se développe dans la capitale :

prolifération de bandes armées, émeutes, quartiers rebelles…

• En 2045, un rapport parlementaire sur l’état des forces françaises à l’étranger

recommande de limiter les déplacements des soldats en dehors de la base militaire pour

éviter les problèmes d’insécurité dans la ville, ainsi qu’une plus grande autonomisation

énergétique de la base.

Conséquences pour la France

• La base militaire s’autonomise de plus en plus : des aménagements sont réalisés pour

augmenter l’autonomie de la base en eau et en électricité.

• Les contacts entre le personnel de la base et la population locale sont réduits au strict

nécessaire ; les échanges avec Djibouti sont limités.

• En conséquence, les rapports entre les autorités de Djibouti et la base française

deviennent à la fois plus tendus et plus distants.

Réponses opérationnelles à fournir

• Travaux de ‘bunkérisation’ de la base militaire, pour augmenter son autonomie.

• Approvisionnement accru depuis la France, notamment en nourriture et en matériel.

• Missions occasionnelles de lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Indicateurs clefs

Population (2017) : 5 100 000 hab. / 8 800 000

(est. 2050) Indice de fécondité : 6,2

enfants/femme.

Très faible densité : 7,9 hab./km2

Superficie : 622 984 km2

PIB (2017) : 2,03 milliards $

• Agriculture : 58 %

• Industrie : 12 %

• Tertiaire : 29.8 %

Couverture du réseau routier/Infrastructures :

20 278 km (très mauvais état)

Défense Energie et climat

Effectif total (2017) : 5 825 hommes

Climat : savane sèche, savane humide, tropicale humide

Electrification du pays : 3%

Mix énergétique (2015): hydrocarbures : 44%, hydroélectricité :

56%

Budget de la Défense (2017) : 18,5 millions € Émissions de CO2/hab (2013) : 0,6 tonne/habitant.

Engagement français

Accord de coopération : partenariat d’aide à

la création d’une armée centrafricaine

(encadrement, équipement, etc.)

Programmes et politiques : Programme régional pour

l’environnement de la République Centrafricaine (CARPE, financé

par l’USAID), COMIFAC (Commission des forêts d’Afrique

centrale), Plan Climat COP21 (CPDN).

État d’engagement des forces dans le pays :

350 soldats français restent en Centrafrique

pour appuyer les 12 500 pacificateurs de la

MINUSCA (ONU).

Gestion des catastrophes naturelles : L’Office National de la

Protection Civile dépend du Ministère de l’Intérieur. La création

d’un fonds de catastrophes naturelles (à hauteur de 20 M EUR)

est actuellement à l’étude.

Bases françaises : 0 Tendances climatiques en 2080 :

• Augmentation de température entre 1,5 et 2,75°C

• Augmentation des précipitations de 5%.

• Aridification du climat au nord, accéléré si

déforestation.

• Augmentation de la violence des épisodes pluvieux

Ressortissants français : 802 (2017)

Résumé

Depuis 2013, la République Centrafricaine est un pays dont l’État ne contrôle qu’une petite fraction du territoire,

autour de la capitale. Dans les faits, le reste du pays est aux mains de différents groupes armés.

Dans ce contexte, les dégradations environnementales sont exacerbées et les politiques publiques d’adaptation

sont inexistantes. Les infrastructures sont en voie de délabrement, phénomène accentué par les inondations dont

l’intensité croît avec le changement climatique. Dès lors, un cercle vicieux s’est enclenché, car l’enclavement

croissant des régions centrafricaines entrave l’assistance humanitaire, facilite l’apparition de bandes armées et

empêche l’État d’exercer un contrôle sur l’ensemble du territoire.

Le capital environnemental de la Centrafrique est très important, surtout en termes de biodiversité. Les ressources

des forêts équatoriales du Sud et des savanes du Nord suscitent la convoitise et sont exploitées illégalement, sans

aucun souci de durabilité. Ces exactions menacent non seulement un patrimoine commun de l’humanité, mais

également le climat de toute la région. Atouts : bonne résilience climatique grâce aux forêts et à la

diversité des habitats, faible densité de population, abondance

de ressources minière, forestière et alimentaire, réseau

hydrographique largement réparti sur le territoire,

Typologie :

Faiblesses : fortes amplitudes climatiques, forte pression sur les

ressources, instabilité politique totale, dépendance aux aides

internationales, pouvoir central quasi inexistant hors de Bangui,

quasi-inexistence d’une armée, voisins instables

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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1. Exposition du pays aux impacts des changements environnementaux et

climatiques

a) Un pays dépendant de la pluviométrie

Sensibilité Exposition Dégradation Instabilité Fragilité Défaillance

Scénarios

1. Scénario tendanciel : des pluies diluviennes provoquent des inondations destructrices dans le sud du

pays et plongent Bangui dans le chaos.

Principaux facteurs

explicatifs

Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence ?

Impacts pour la France

- Augmentation de la

violence des épisodes

pluvieux

- Érosion des sols due à la

déforestation

- Absence de gestion

centralisée et

d’infrastructures

- Précipitations

historiques

pendant la

saison des

pluies.

Forte – ce

scénario s’est

déjà produit

dans l’histoire

du pays, et

encore plus

récemment.

Le chaos qui s’installe à Bangui

concentre l’attention des forces

onusiennes, les milices armées en

profitent pour proliférer dans le

reste du pays, l’aide humanitaire

est difficile, la France est tenue

d’apporter la majorité de l’aide,

y compris sécuritaire et sanitaire.

2. Scénario de rupture : les programmes environnementaux onusiens ont fonctionné en raison d’un

succès relatif de la pacification du pays. Ils ont permis le développement d’une bonne résilience

climatique et un recul de l’aridité.

Principaux facteurs

explicatifs

Élément

déclencheur

Probabilité d’occurrence ? Impacts pour la

France

- Unification du pays

après de longues

années de lutte contre

les bandes armées

- Fort soutien de l’ONU,

- Volonté sans faille du

gouvernement

- Élection d’un

gouvernement

d’unité nationale

après la victoire

militaire sur la

plupart des groupes

armés.

Faible, il est difficile

d’envisager une

unification politique au vu

du passé et des divisions

ethnico-religieuses. La

corruption est un autre

facteur limitant pour la

réalisation des projets

environnementaux

- Stabilisation de la

région

- Diminution du

besoin d’implication

militaire et

humanitaire -

Augmentation de

l’activité

économique privée

française dans le

pays.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

50

• Le climat centrafricain est tropical au Sud du pays, avec des pluies abondantes (1780 mm

par an) et une courte saison sèche. Il pleut deux fois moins (860 mm) dans l’extrême Nord,

où l’essentiel des précipitations est concentré pendant la saison des pluies (de décembre

à mars). La saison sèche s’étend d’avril à novembre (FAO, 2005).

• Le climat s’est globalement réchauffé de 0,29°C depuis les années 1960. Avec le

changement climatique, une hausse des températures de +1,5 à + 2,75°C est attendue

d’ici 2080 selon les scénarios (Peach Brown, 2013). Les saisons sèches le seront davantage,

tant en intensité qu’en durée.

• L’augmentation des précipitations est estimée à 5% en 2080, mais elle sera inégalement

répartie (Peach Brown, 2013). Le Nord du pays pourrait connaitre des sècheresses plus

fréquentes. Le sol durci aura plus de mal à absorber les premières précipitations de la

saison des pluies, ce qui va accroitre le ruissellement et donc les inondations.

• Les routes du pays sont en terre, ce qui les rend presque inutilisables en temps de fortes

pluies. Les ponts de fortune sont emportés à chaque crue. À Bangui, plusieurs quartiers

sont restés inaccessibles par véhicule des mois durant, sinon des années après les grandes

crues de 201123. Les pouvoirs publics ne sont pas en capacité de réparer rapidement et

solidement ces infrastructures. Cela pose évidemment des problèmes

d’approvisionnement alimentaire pour la capitale (Ousmane, 2016).

• Le réseau hydrographique centrafricain est principalement constitué de deux bassins très

importants pour toute l’Afrique centrale. L’Oubangui alimente directement le fleuve

Congo au sud, et les cours d’eau du nord alimentent pour partie le lac Tchad. Une saison

sèche plus longue dans les deux tiers nord du pays provoque un tarissement beaucoup

plus rapide des cours d’eau, dont dépendent directement 60% de la population pour ses

besoins élémentaires. La pêche en eau douce est également largement développée. Ce

secteur d’activité est très vulnérable aux variations des volumes d’eau. L’agriculture et

l’arboriculture sont aussi affectées par des sécheresses, comme en témoignent certains

épisodes de pertes de récoltes dans le centre du pays (Dawalbet, 2015).

• L’assèchement des cours d’eau provoque une stagnation accrue, ce qui stimule le

développement des larves de moustique (donc les risques d’épidémies), des algues et

des bactéries rendant l’eau impropre à la consommation.

b) La déforestation, un enjeu environnemental majeur en Centrafrique

23 https://rjdh.org/une-pluie-diluvienne-qui-cree-des-degats-dans-certains-quartiers-de-bangui/

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

51

• La forêt d’Afrique centrale est le deuxième plus grand massif tropical au monde avec 240

millions d’hectares. C’est aussi la région qui connait le plus fort taux de déforestation de la

planète avec une perte annuelle de 3,1 millions d’hectares ces cinq dernières années

(FAO, 2015). Outre des conséquences environnementales classiques, la déforestation

pourrait catalyser la désertification sahélienne en diminuant les retombées d’humidité

issues de l’évapotranspiration des arbres.

• Les forêts centrafricaines couvrent environ 40 millions d’hectares et sont réparties en forêts

denses humides, forêts sèches et savanes

arborées et arbustives.

• Selon la Banque mondiale, 66,3% de la

population centrafricaine vivait en dessous

du seuil de pauvreté en 2008. La

déforestation anarchique est une

conséquence directe de cette donnée

sociale puisque les plus démunis ne peuvent

souvent subsister que grâce aux ressources

naturelles.

• La fabrication de briques cuites par des groupes de jeunes désœuvrés dans la région de

Bangui est un facteur important de déforestation24. La demande de briques est grande

dans la capitale et l’argile est omniprésente. La cuisson se fait au feu de bois en plein air,

elle est donc peu efficace et fortement consommatrice en bois. De plus, les profondes

tranchées creusées pour récupérer l’argile en milieu urbain accumulent de l’humidité et

deviennent des nids à moustiques, favorisant l’accroissement des maladies telles que le

paludisme, la fièvre dengue, le choléra...

• Beaucoup de Centrafricains cuisinent et se chauffent au charbon de bois. Celui-ci est

produit artisanalement avec les arbres les plus proches. Les producteurs de bois et de

charbon ne s’embarrassent pas du renouvellement des forêts et prélèvent la ressource

sans scrupule. Sans autres sources d’énergie disponibles, l’électrification du pays relève

donc aussi du défi environnemental.

• De grands projets agricoles, portés par des firmes privées, se font au détriment de la forêt

primaire. Ainsi, à une centaine de kilomètres de Bangui, 25 000 ha de savane arbustive

vont être rasés pour y développer une plantation industrielle de palmiers à huile25.

• De grandes entreprises exploitent le bois dans les forêts humides du sud. Les grumes

d’essences rares sont largement exploitées26, surtout par des compagnies chinoises27 et

l’État peine à faire respecter les quotas.

c) Des activités illégales responsables de fortes dégradations environnementales

• Le bois et le diamant représentent 90% des exportations centrafricaines en valeur (Banque

Mondiale, 2010). Le sous-sol du pays est en effet très riche - 470 indices miniers différents

(République Centrafricaine, 2013) - et le diamant est présent dans les couches

géologiques supérieures, donc très facilement exploitable. Il n’y a pas de grandes mines

en activité dans le pays, en raison de l’instabilité politique. Dès lors, ce sont surtout les

24 https://rjdh.org/centrafrique-la-fabrication-des-briques-a-kolongo-source-de-degradation-de-lenvironnement/ 25 http://centrafrique-presse.over-blog.com/2017/04/la-centrafrique-relance-sa-production-d-huile-de-palme.html 26 https://rjdh.org/centrafrique-destruction-arbres-decriee-service-de-protection-de-lenvironnement-de-nana-

mambere/ 27 https://rjdh.org/centrafrique-deux-societes-forestieres-disputent-lexploitation-des-tecks-a-sibut/

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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groupes armés qui organisent l’exploitation minière. On dénombre entre 300 000 et 400 000

mineurs illégaux (presque 10% de la population), en grande partie dans la filière

diamantaire qui ferait vivre près d’un million de personnes au total dans le pays (Hugeux ,

2014).

• L’exploitation anarchique des minéraux se fait surtout dans les zones humides, au Sud et

au Centre du pays. Les dégâts sur l’environnement sont considérables : érosion des

sols, détournement des cours d’eau pour approvisionner les camps et les systèmes

d’extraction, etc. De plus, les mineurs chassent et pêchent sans tenir compte des espèces

protégées ni des quotas. La population de chimpanzés dans la région aurait par exemple

diminué de 80 à 98%28. Tous les déchets, y compris toxiques, sont laissés sur place. Les

populations pygmées de la forêt tropicale sont particulièrement victimes des destructions

environnementales et parfois de violences directes. Si la portée de ces phénomènes est

actuellement difficile à évaluer en raison de la situation sécuritaire, l’Angola et la Sierra

Leone ont beaucoup souffert de pratiques similaires et peuvent constituer des précédents

(Tondeur, 2016).

• Le processus de Kimberley29, s’il a permis une amélioration du contrôle de la filière

diamant, souffre néanmoins de nombreuses faiblesses qui limitent son efficacité. Les

trafiquants trouvent encore le moyen d’exfiltrer les pierres, et un grand nombre de

diamants échangés dans le monde semble encore échapper au contrôle, en raison des

problèmes de définition des critères prévus par le processus de Kimberley (Munemo, 2013).

• Les terres arables ne couvrent que 3,1% du territoire. L’élevage et la viande de brousse

constituent donc une source alimentaire très importante, surtout à l’Est du pays.

• L’absence de l’État a conduit à la généralisation du braconnage et à une déstabilisation

majeure des écosystèmes, ce qui porte atteinte au climat. En Centrafrique, la population

d’éléphants est passée de 35 100 individus en 1977 à 68 en 2017. 30 000 éléphants sont

tués en Afrique chaque année (Congo Basin Forest Partnership). Les rhinocéros, les buffles

et les girafes ont également presque disparu du pays (Gevers, 2017). Les impacts de cet

écocide sur le climat régional ne sont pas à sous-estimer. En effet, les grands herbivores

sont essentiels pour lutter contre la désertification (Guy, 2013). D’une part, leurs déjections

fertilisent les sols et propagent des graines. De l’autre, en empêchant l’herbe de pousser

trop haut et de sécher, les animaux préviennent les feux de brousse. Il est tout aussi

important de maintenir un équilibre avec les grands prédateurs, car la présence de ces

derniers pousse les herbivores à se déplacer constamment, ce qui permet aux plantes de

se redévelopper avant qu’elles ne soient broutées jusqu’à la racine. Les grands prédateurs

jouent donc aussi un rôle dans la lutte contre la désertification et pour le climat (William,

2014) , car un sol aride ne stocke pas de carbone, contrairement à un sol végétalisé).

• Selon certaines estimations, le coût total des dégradations environnementales atteint 130

millions de dollars, soit 8% du PIB (Banque Mondiale, 2011).

• Des prospections récentes ont évalué les réserves de pétrole du pays, près de la frontière

avec le Tchad, à 1 milliard de barils (certains experts parlent même de 5 milliards). La Chine

28 http://news.abangui.com/h/61455.html 29 Régime international de certification des diamants bruts établi en 2003 pour prévenir l'entrée sur le marché

international des diamants de conflits dont le commerce finance des mouvements rebelles et leurs activités militaires

visant à déstabiliser des gouvernements légitimement élus.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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projette de les exploiter et déploie ses propres troupes pour sécuriser les zones concernées

(Slm, 2017).

2. Incapacité politique face aux risques climatiques et environnementaux

pour cause d’absence d’état centralisé

« Le constat est clair, la catastrophe se trouve déjà à nos portes. Il nous faut des réponses courageuses

et ambitieuses, à la hauteur des problèmes que nous connaissons aujourd’hui. »30.

Mahamat Kamoun, Ancien premier ministre, 3 décembre 2015, COP21

• Si la Centrafrique dispose de politiques de préservation de ses ressources forestières assez

anciennes, leur application concrète demeure délicate. Tout un ensemble de lois ont été

promulguées dès le début du XXe siècle (Protection de la faune en 1916, création des

premiers parcs nationaux en 1929, etc.). Un code forestier a été adopté dans les années

1960 puis revu en 1990, notamment pour encadrer l’exploitation des forêts qui n’étaient

jusqu’alors pas perçues comme un secteur d’intérêt économique. Cette évolution n’a

néanmoins pas favorisé l’adoption de pratiques plus respectueuses des écosystèmes

(CIFOR, 2012).

• Le Programme d'Action National d'Adaptation (PANA) a été présenté en mai 2008,

mettant l’accent sur l’agroforesterie, la santé, l’énergie et les ressources en eau. Le projet

« Intégration de l’Adaptation aux Changements Climatiques dans le Secteur de

l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire en République Centrafricaine », fer de lance du

PANA peine à démarrer faute de financements.

• A l’occasion de la COP21, la République Centrafricaine a proposé de réduire ses émissions

d’au moins 5 % et 25 % respectivement aux horizons 2030 et 2050 par rapport à ses

émissions de référence BAU et d’augmenter son potentiel de séquestration. En

« bénéficiant de l’appui international », elle ambitionne en 2050 environ 33 gigatonnes

d’équivalent CO2 de moins par rapport aux émissions de référence annuelle. Le volet

adaptation s’articule au travers de 27 objectifs balayant toutes les options de

développements (cadre politique, gestion de la ressource en eau, santé publique,

agroécologie, développement des infrastructures de base et sécurité énergétique). Ils

restent néanmoins tous conditionnés à la stabilisation politique du pays (République

Centrafricaine, 2015).

• Pour atteindre cet objectif de séquestration, la RCA a orienté sa politique climatique autour

de la gestion des forêts (mesure d’atténuation inconditionnelle). La CAFI (Central Africa

Forest Initiative), initiative regroupant six pays, vise la préservation de la forêt du bassin

congolais (256 millions de dollars de budget). C’est au tour de la France de présider ce

projet, auquel la Norvège contribue à hauteur de 200 millions de dollars (CAFI). D’autres

projets sont en cours, comme le CoFCCA (Congo Basin Forests and Climate Change

Adaptation) qui vise la sensibilisation des populations des pays concernés par de la

pédagogie. De plus, l’équipe du Programme régional pour l’environnement de la

30 Centrafrique Press Info. COP21 : Centrafrique, Mahamat Kamoun, la catastrophe se trouve déjà à nos portes. 03

Décembre 2015 http://www.centrafrique-presse.info/site/info-dossier-8636.html

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République Centrafricaine (CARPE) collabore avec le service américain de la pêche et

de la faune sauvage (USFWS) et l’Agence américaine pour le développement

international (USAID) en vue de projets de codéveloppement.

• L’ENERCA, compagnie d’énergie nationale, veut accroitre la capacité de production de

34 à 540 MW d’ici 2030 (16 fois plus qu’aujourd’hui). Dans son plan de financement (3,7

milliards de dollars), l’hydraulique sera porté à 72% du mix énergétique et le solaire à 22%.

Ce projet concerne cependant pour l’instant exclusivement la proche région de Bangui

(Energie Centrafricaine , 2015).

• Au-delà de ces constructions institutionnelles, il n’y a toutefois guère de trace de

réalisations concrètes de ces projets, la situation actuelle reléguant els enjeux

environnementaux au second plan. Le gouvernement centrafricain ne contrôle qu’une

partie réduite du territoire, autour de la capitale. L’État a donc peu de moyens pour établir

une politique environnementale ambitieuse, l’essentiel de ses efforts étant concentrés sur

la gestion de l’urgence. Environ 2 millions de personnes sont en situation d’insécurité

alimentaire. 538 000 personnes sont réfugiées dans les pays voisins et le pays compte 601

000 déplacés internes31.

3. Une armée étrangère à la gestion des risques climatiques et

environnementaux

• En raison du contexte sécuritaire difficile, l’armée gouvernementale centrafricaine, la

FACA, opère dans des zones proches de la capitale et n’est pas en capacité de se soucier

d’autres missions. Rappelons qu’elle compte à ce jour moins de 6 000 hommes (Touchard,

2017), pour un territoire grand comme ceux de la France et de la Belgique réunis.

• Depuis 2014, c’est l’ONU qui coordonne et exécute la plupart des opérations militaires en

RCA à travers la MINUSCA. L’essentiel du contingent est fourni par les pays limitrophes

(Cameroun, Congo, Gabon, RDC, Tchad, Guinée équatoriale). Ces troupes sont

largement occupées à dissuader les velléités de génocide sur la minorité musulmane et

n’ont pas pour mandat de prendre des initiatives contre les groupes armés.

• Les groupes armés contrôlent aujourd’hui les trois quarts du pays. Ils ont créé leur propre

système de taxation qui pèse lourdement sur l’économie centrafricaine. Sur les routes du

pays, on compte 284 barrières dont la moitié est contrôlée par les groupes armés, formant

une véritable économie de guerre32.

• Les gardes des parcs nationaux sont dépassés par les braconniers. Ces derniers se replient

au Soudan et au Tchad, ils sont donc insaisissables. L’armée n’est pas en capacité d’aider

à sécuriser les parcs, car elle est entrainée à opérer contre des groupes armés de

combattants. Des militaires chinois (Larabo, 2016) forment et équipent la nouvelle FACA,

en partenariat avec la Russie. Or ces pays ne sont pas experts en lutte contre le

braconnage, qui nécessite un matériel et une tactique spécifiques (caméra thermiques

HD, drones, véhicules rapides et silencieux, hélicoptères…). Pour l’instant la question ne se

pose pas car les zones de brousse sont majoritairement contrôlées par des groupes

dissidents.

31 https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/republique-centrafricaine/presentation-de-la-republique-

centrafricaine/ 32 https://rjdh.org/centrafrique-les-barrieres-routieres-financent-la-guerre/

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

55

• La protection civile n’existe plus en RCA depuis les évènements de 2013. À Bangui, les

sapeurs-pompiers viennent à peine de récupérer leurs fonctions opérationnelles grâce à

des dons et formations de la coopération française. Le Centre de secours principal de

Bangui vient ainsi d’être réhabilité (avril 2017) après avoir été privé de tous ses moyens

suite aux pillages de 2013. En juillet 2017, une nouvelle rencontre s’est tenue visant le

développement de la protection civile33.

4. Scénarios

a) Scénario tendanciel : Des pluies diluviennes provoquent des inondations

destructrices dans le sud du pays et coupent les approvisionnements de Bangui

Contextualisation et hypothèses

• En 2030, la RCA est toujours en proie à une guerre civile. Devant l’incapacité de l’État à

vaincre les groupes armés, la situation s’est enlisée et les différentes milices se sont ancrées

dans les zones qu’elles contrôlent.

• La force de l’ONU se cantonne à une mission d’interposition défensive en appui des

troupes gouvernementales. Elle dispose de moyens réduits, l’ONU ayant dû intervenir dans

d’autres conflits à travers le monde.

• Les infrastructures n’ont pas été entretenues et se retrouvent dans un état déplorable, les

routes sont devenues presque impraticables.

• La Chine ayant une présence militaire au Nord du pays, elle cherche à profiter de

l’instabilité en renforçant des groupes armés qui lui sont favorables. Son but à terme est de

les pousser à reconquérir le pays et d’y instaurer un gouvernement favorable à Pékin.

Déroulé des évènements

• Après une saison sèche particulièrement longue dans le pays, la terre a durci jusqu’à

former une couche imperméable. Les sols laissés à nu après les déboisements sont

particulièrement touchés par le phénomène, car ils ne sont plus couverts par la

végétation.

• De violents épisodes pluviométriques touchent l’ensemble du pays avec le retour soudain

de la saison des pluies. Cette eau n’est pas absorbée par les sols et gonfle les cours d’eau,

tout en érodant l’argile. Les coulées de boue dévastent les quelques infrastructures

qu’elles rencontrent. Les routes sont particulièrement inondées et les ponts emportés.

• Bangui se retrouve isolée et son ravitaillement devient très difficile.

• La faim s’installe progressivement dans la capitale, rendant les habitants plus vulnérables.

Les mares d’eau croupissent et favorisent la prolifération des moustiques, ce qui

déclenche une épidémie de malaria.

• L’aide humanitaire est insuffisante en raison des difficultés d’acheminement et d’une

disponibilité moindre. En effet la multiplication des conflits et des catastrophes climatiques

a d’une part augmenté la demande, et les crises économiques touchant certains pays

du Nord ont provoqué une diminution des fonds disponibles.

• Les groupes armés ne se sentent plus menacés par les forces gouvernementales et

redoublent d’activité.

• La Chine, dont les capacités de projections ont été largement développées, mène de son

côté une campagne humanitaire. Elle en profite pour élargir directement son emprise sur

certaines régions du pays.

Conséquences pour la France

33 https://cf.ambafrance.org/Le-centre-de-secours-principal-des-sapeurs-pompiers-de-Bangui-a-nouveau

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

56

• La France est tenue responsable de la déliquescence du pays depuis qu’elle est

intervenue contre le coup d’État de la Séléka en 2013. Elle est donc désignée par une

bonne partie de l’opinion publique occidentale pour contribuer en première ligne à

l’intervention d’urgence que le pays nécessite.

• Le pays, coupé du monde, est devenu une base arrière pour tous les groupes illicites de

la région. On compte parmi eux des bandes islamistes menant des attaques au Tchad, au

Soudan et Sud Soudan (pays déjà largement déstabilisés par les groupes djihadistes

cherchant à ouvrir un nouveau front depuis leurs défaites militaires au Moyen-Orient). Ils

attaquent aussi des communautés chrétiennes en RDC et au Cameroun dans le but

d’attiser les représailles envers les minorités musulmanes et ainsi de se positionner comme

les protecteurs de ces dernières.

• Depuis la Centrafrique, les intérêts français dans tout le Sud du Sahel et dans l’Afrique

équatoriale sont menacés. Stabiliser le pays et en maitriser les frontières s’avère donc une

nécessité pour protéger les ressortissants de toute la région.

• Les multiples exactions, ainsi que la destruction des récoltes par ces évènements

climatiques extrêmes augmentent le flux de réfugiés partants vers l’Europe. Ces derniers

traversent des zones dangereuses et sont à la merci des groupes djihadistes.

• La situation sanitaire désastreuse favorise l’apparition de nouvelles épidémies. Le risque

pandémique augmente d’autant que les flux de migrants ont tendance à propager les

agents pathogènes.

• Devant les difficultés de la communauté Internationale, les diasporas des pays d’Afrique

centrale en France sont davantage mobilisées. Cela accroit les risques d’expositions aux

groupes armés, mais aussi à l’importation des épidémies directement sur le territoire

national.

• L’anarchie qui règne dans le pays a favorisé la reprise intensive des activités illégales,

autrefois partiellement encadrées par les contraintes commerciales de la communauté

internationale. Des mafias occidentales et asiatiques saisissent l’opportunité et font

transiter des diamants et de l’ivoire, finançant d’autres activités criminelles y compris en

France.

• Les activités concurrentes de la Chine et de la France font du pays un nouveau point de

tension. L’OTAN d’une part, et l’alliance Pékin-Moscou de l’autre sont en situation de

guerre froide et cherchent à maximiser leur présence dans les pays « périphériques ».

Réponses opérationnelles à fournir

• La France devra fournir un effort humanitaire important, mobilisant du matériel lourd

comme des avions de transport et des hélicoptères pour atteindre les zones enclavées.

• Toutes les précautions sanitaires devront être prises, dont l’acheminement de matériel et

de médecins spécialisés sur place.

• Devant les risques d’accaparement de l’aide humanitaire par des groupes armés, l’armée

française aura la responsabilité d’assurer la sécurité. Cet effort mobilisera un certain

nombre d’hommes, en raison de la taille du pays.

• Les forces onusiennes sont déployées sur place, mais elles n’ont pas mandat pour

intervenir au-delà des zones contrôlées par Bangui. Se pose donc la question pour la

France de sortir en partie du cadre onusien pour mener des raids sur certains groupes

armés.

b) Scénario de rupture : En 2040, les programmes environnementaux onusiens ont

fonctionné en raison d’une pacification relative du pays

Contextualisation et hypothèses

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• Renforcées par les troupes de l’ONU, les troupes gouvernementales ont finalement réussi

à réunifier le pays. Beaucoup de membres de ces groupes ont finalement préféré

coopérer en échange de postes dans l’administration publique.

• La France fut l’un des plus forts contingents onusiens sur le terrain et a hérité d’une base

militaire dans les environs de Bangui.

• Les fonds de l’aide internationale ont permis de lancer des projets d’infrastructures dans

tout le pays, réduisant le chômage et détournant beaucoup de personnes des activités

minières illicites et du braconnage.

• Les grands projets de reboisement, décidés à l’occasion de la COP21 ont été en grande

partie réalisés. Les arbres replantés sont encore jeunes, mais les terrains sont déjà tenus et

l’érosion a beaucoup diminué dans le sud du pays.

• De grandes mines ont vu le jour, exploitées par des consortiums internationaux pour

extraire de l’or et du diamant notamment. Une firme française y exploite également de

l’uranium.

• La Chine a également profité de la stabilité relative du pays pour acheter de grandes

étendues de terres dans le Centre et le Nord du pays, afin d’y cultiver des produits

d’exportation et d’y pratiquer un élevage extensif.

Déroulé des évènements

• Des pluies diluviennes s’abattent sur le pays au sortir d’une saison sèche relativement

longue. Les dégâts sont importants sur les routes du Nord du pays. Dans le Sud, l’Oubangui

est en crue, mais la plupart des infrastructures récentes sont intactes. En effet, l’eau fut

globalement bien absorbée par les sols boisés et les savanes intactes.

• Malgré les efforts réalisés dans la capitale pour drainer les eaux, l’humidité et les mares

(surtout dans les bidonvilles) ont favorisé l’apparition d’une épidémie de choléra.

• Une grande mine d’or est tenue responsable d’un déversement de mercure dans des

cours d’eau de la forêt équatoriale. Face au désastre écologique (mort des poissons) qui

touche les rivières, des tribus pygmées s’en prennent aux installations et des escarmouches

ont lieu avec la milice privée de la compagnie. Le gouvernement centrafricain préfère ne

pas intervenir par peur de se brouiller avec la compagnie minière pour des tribus pygmées

déjà peu appréciées par l’opinion publique. Cependant, l’émoi que suscitent les

exactions perpétrées par la milice dans l’opinion publique occidentale pousse la France

à se faire médiatrice (y compris physiquement) de ce conflit.

Conséquences pour la France

• Même si les frontières centrafricaines sont étendues et difficilement contrôlables, l’armée

française peut compter sur une coopération avec la RCA pour traquer les groupes armés

passant les frontières tchadienne ou soudanaise.

• L’implantation d’une base militaire à Bangui permet d’avoir une capacité opérationnelle

stratégique dans la région.

• Des entreprises françaises ont investi dans les exploitations minières du pays. En effet, la

flambée des prix des métaux dans le monde a attiré nombre de firmes internationales

dans le pays. Le nombre de ressortissants français a fortement augmenté. Si les groupes

armés importants ont été mis hors d’état de nuire, le risque zéro n’existe pas dans le pays,

car quelques mafias sévissent encore, surtout dans les zones frontalières.

• La France se trouve dans une situation de médiation peu commune entre une firme

minière privée et les tribus pygmées. Alors que ces dernières sont bien décidées à

continuer les attaques sur la mine, l’armée française doit repousser/neutraliser toute

offensive sans faire de victimes. Les risques sont d’ordre politique, car chaque bavure

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

58

pourrait être instrumentalisée. Dans le même temps, la non-intervention serait tout aussi

reprochée à la France. Les ONG internationales surveillent étroitement la situation.

Réponses opérationnelles à fournir • Déployer un matériel opérationnel visant à rendre la base de Bangui en capacité de

projeter des hommes dans toute l’Afrique Centrale.

• La France doit acheminer rapidement du matériel médical/vaccins pour enrailler

l’épidémie de choléra. 3 dispensaires sont ouverts dans le pays pour traiter les ressortissants

français en priorité.

• La mission d’interposition entre milice privée et pygmées nécessite une adaptation

opérationnelle qui passe par de nouvelles méthodes de prévention (nécessité de trouver

des traducteurs, des spécialistes de la culture pygmée, négocier des travaux de

dépollution) et de dissuasion (menaces, tir de sommation…).

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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I. ETHIOPIE

Indicateurs clefs

Population : 105 350 020 habitants (2017). Croissance de

2.85% par an. Superficie : 1 104 000 km2

PIB (2016) : 79.74 milliards USD (croissance de 8,3 %)

Couverture du réseau routier/Infrastructures : Environ 110

000 kms de routes, dont 14 354 kms goudronnés. 659 km de

voies ferrées (entre Addis Abeba et Djibouti). 17 aéroports.

Défense Energie et climat

Effectif total (2015) : 182 500 hommes. Climat : tropical de mousson prédominant, mais on

recense six climats différents sur le territoire du pays.

Budget de la Défense (2015) : 330 millions USD. Le budget

militaire de l’Éthiopie est très faible en comparaison de la

taille du pays – seulement 0.8% du PIB. L’Éthiopie est un des

rares pays à avoir baissé ses dépenses militaires au cours

des dernières années.

Électrification du pays : Seuls 24 % de la population ont

accès à l’électricité (2013) : 85 % dans les zones

urbaines, mais 10 % seulement dans les zones rurales.

Production : 10,08 milliards kWh (2015)

Engagement français Émissions de CO2/hab (2013) : 0,11 tonnes CO2/hab

Coopération en matière de défense et de sécurité

intérieure : Une coopération militaire franco-éthiopienne a

été initiée à partir de 2002 : elle comprend un

engagement commun dans les forces de maintien de la

paix (l’Éthiopie est le 4ème contributeur de Casques bleus),

des formations pour l’armée et la police, la visite mutuelle

d’autorités militaires, etc.

Mix énergétique : 79,5% hydro-électrique, 7,5%

énergies fossiles, 13,4% autres énergies renouvelables.

État d’engagement des forces dans le pays : Quelques

troupes françaises sont déployées en Éthiopie, dans le

cadre de cette coopération bilatérale.

Politiques climatiques : Assez ambitieuses, avec un

objectif de 64% de réduction de gaz à effet de serre

d’ici 2030, par rapport au scénario BAU. Plan

d’adaptation complet et opérationnel.

Bases françaises : Non.

Gestion des catastrophes naturelles : Agence

gouvernementale très efficace, mise en place après

la famine de 1973. Considère néanmoins

essentiellement les sécheresses ; l’armée a été

appelée en renfort à plusieurs reprises lors

d’inondations.

Ressortissants français : 1 031 Français inscrits au registre

consulaire (2017)

Institutions : Ministère de l’Environnement, Disaster

Prevention and Preparedness Commission.

Tendances climatiques 2050 : Augmentation des

événements climatiques extrêmes et des

précipitations. Graves perturbations des saisons.

Résumé L’Éthiopie est un pays très vulnérable aux sécheresses et aux famines, et dont une très grande partie de sa

population dépendant exclusivement de l’agriculture ou de l’élevage de subsistance. Le pays est néanmoins très

préparé au changement climatique, avec des plans ambitieux tant pour ce qui concerne l’atténuation que

l’adaptation. L’armée est efficace et bien entraînée, et le système de prévention des catastrophes naturelles est

certainement l’un des plus avancés du continent. Le pays doit néanmoins composer avec de nombreuses tensions

liées à l’accès aux ressources, qui se superposent souvent à des tensions ethniques.

Atouts : Plans climat ambitieux, stratégie de

prévention des catastrophes naturelles très avancée.

Typologie :

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques

Avec 105 millions d’habitants, l’Éthiopie constitue le pays sans accès à la mer le plus peuplé

au monde. Au cours des dix dernières années, sa population a cru de plus d’un tiers : le

recensement de 2007 dénombrait 73 millions d’Ethiopiens. C’est aussi un pays à la topographie

complexe, qui comprend de hauts plateaux montagneux dans ses parties centrale et

septentrionale, qui sont divisées par la diagonale de la Grande Vallée du Rift, et des plaines

dans le Nord-Est et le Sud-Est. Les hauts plateaux sont plus peuplés, et abritent les principales

villes du pays. Le point culminant du pays est le mont Ras Dashan, qui culmine à 4550 mètres,

tandis que le désert du Danakil se situe à 120 mètres sous le niveau de la mer.

Faiblesses : Processus de régionalisation qui a renforcé

les identités locales, tensions ethniques, forte

dépendance à l’agriculture de subsistance.

Sensibilité

Exposition

Dégradation

Instabilité

Fragilité

Défaillance

Scénarios

1. Scénario tendanciel : Conflits entre communautés Borana et Somalis dans la région d’Oromia

Facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence

Conséquences pour la France

- Sédentarisation

croissante de

communautés Somalis

dans la région d’Oromia

- Dégradation des terres

dans la région Somali,

alternance de

sécheresses et

d’inondations

-Croissance

démographique

- Cycle ininterrompu

de sécheresses et

d’inondations

Forte - Évacuation des ressortissants

- Soutien à l’armée éthiopienne

2. Scénario de rupture : Déclaration d’indépendance de la région Somali, contrôlée par Al-Shabaab

Facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence

Conséquences pour la France

- Ressentiment

généralisé dans la

région Somali

- Régionalisation

poussée et faiblesse du

gouvernement régional

- Sécheresses et

inondations régulières

- Des groupes Al-

Shabaab se chargent

régulièrement de

l’assistance aux

populations lors de

catastrophes naturelles

Coup d’état

fomenté par Al-

Shabaab et

déclaration

d’indépendance.

Faible - Évacuation des ressortissants

- Participation à une force de maintien

de la paix.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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De ce fait, on dénombre en Éthiopie cinq climats différents : désertique, semi-désertique,

savane, tropical, et tempéré subalpin.

Fig. 8. Répartition géographique des climats d’Éthiopie

Source : adapté de CIA 1999. CC.

a) Impacts observés

• La pluviométrie du pays est très disparate, de moins de 100 mm/an dans certaines régions

à plus de 2500 mm/an dans d’autres (Simane et al. 2016). La grande majorité du territoire

est dépendante de deux saisons des pluies annuelles : le belg, qui se caractérise par des

précipitations de courte durée, dans la plupart des régions du pays au printemps, et le

kiremt, qui se caractérise par des précipitations de plus longue durée, pendant l’été. Si

l’une des deux saisons est irrégulière, retardée ou inégalement distribuée dans le pays, il

en résulte généralement une baisse globale de la production céréalière (sorgho, maïs,

teff, blé, orge) qui menace la sécurité alimentaire d’une grande partie de la population.

Les précipitations du belg, en particulier, sont essentielles pour la plantation des céréales

comme le maïs et le sorgho, et pour préparer la terre pour la saison du meher, qui est la

principale période de récolte. C’est pendant le meher que 90 à 95% de la production

céréalière du pays est récoltée. Ces dernières années, ces différentes saisons – belg,

kiremt, meher - se sont caractérisées par une irrégularité de plus en plus marquée.

• L’évolution des précipitations observées est parfois très différente de leur perception par

les populations. Meze-Hausken (2004) note par exemple que les habitants du Nord et du

Nord-Est du pays avaient l’impression d’une réduction du volume global de précipitations

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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au cours des vingt-cinq dernières années, sentiment contredit par les relevés

pluviométriques. Selon l’auteur, cette impression était avant tout causée par l’absence de

pluies de printemps (saison de belg) et le raccourcissement de la saison de kiremt.

• Entre 1960 et 2006, la température moyenne a augmenté de 1,3°C, soit environ 0 ,28°C par

décennie (Simane et al. 2016).

• Le changement climatique a également un impact sur la santé des populations. Au cours

des dernières années, on a ainsi constaté une augmentation des maladies infectieuses

(de la malaria notamment) mais aussi de la méningite, en particulier dans le Sud du pays

(Simane et al. 2016).

b) Impacts attendus

• Si l’Éthiopie est connue pour la très grande variabilité de son climat, les événements

extrêmes y seront à l’avenir de plus en plus nombreux, en particulier les sécheresses, les

pics de chaleur et les inondations soudaines. Les projections climatiques suggèrent que

ces événements météorologiques deviendront plus fréquents et moins réguliers dans le

pays (Cooper et al. 2008; Omondi et al. 2014). La fréquence et l’intensité des sécheresses

se sont ainsi accrues au cours des dernières années (Simane et al. 2016).

• Les modèles climatiques suggèrent que le pays devrait connaitre un réchauffement de

0,7°C à 2,3°C d’ici les années 2020 et de 1,4 à 2,9°C d’ici les années 2050 (Conway and

Schipper, 2011)

• Selon certaines estimations, le changement climatique pourrait entraîner d’ici 2050 une

baisse du PIB de plus de 10% (Gashaw et al. 2014).

• Les projections indiquent aussi une augmentation des précipitations sur la plus grande

partie du territoire du pays, ainsi qu’une augmentation progressive de leur intensité, à

l’horizon 2050. Les projections des modèles sont moins certaines pour les évolutions des

précipitations en zones sèches, où se trouvent la majorité des régions pastorales. En

général les projections pour la zone du Nord-Ouest sont souvent contradictoires. La

majorité des modèles indiquent néanmoins peu de changements durant la saison de

karan et des précipitations en baisse durant la saison de dirac. Dans le Sud-Est, on s’attend

à une augmentation des précipitations pendant les saisons de gu et de deyr (Simane et

al. 2016).

• Si la pluviométrie moyenne du pays devrait augmenter, les modèles prévoient aussi une

baisse dans certaines régions, en particulier dans le Nord-Est. Les prévisions des différents

modèles sont néanmoins souvent contradictoires, ce qui ne permet pas de prévoir

l’évolution des précipitations au niveau local avec une grande précision. La comparaison

des travaux développés par Conway et al. (2004), Sileshi et Zeleke, Meze-Hausken (2004),

et Bewkwet et Conway (2007) ne fournit pas de résultats concluants quant à l’évolution

localisée des précipitations, conclusions corroborées par une étude plus récente de

Conway et Schipper (2011).

• Les précipitations sont d’une importance vitale, non seulement pour l’agriculture, mais

également pour la production hydro-électrique, qui est la principale source d’énergie du

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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pays. Conway et Schipper (2011) montrent ainsi la corrélation entre le niveau de

précipitations observé et l’évolution du PIB du pays.

Fig. 9. Évolution corrélée des précipitations et du PIB en Ethiopie sur 25 ans, 1982-2007

Source : Conway et Schipper 2011.

• Le plus gros impact pour les régions sèches se trouvera plutôt dans les pics de chaleur,

dévastateurs pour le bétail et les pâturages. Certains animaux tolèrent très mal les fortes

chaleurs, qui réduisent aussi la quantité et la qualité des pâturages disponibles.

c) Dimensions humaines

Sécurité alimentaire

• Les pastoralistes nomades habitent principalement les zones chaudes et arides de l’Est du

pays, où ils sont exposés aux pluies de gu dans le Sud-Est, et aux pluies de dirac dans le

Nord-Est, entre mars et juin, mais aussi aux pluies de karan dans le Nord-Est (de juillet à

septembre), et de deyr dans le Sud-Est (d’octobre à décembre). Les principaux animaux

d’élevage sont les chameaux, les moutons et les chèvres. Ces dernières sont très

vulnérables aux températures extrêmes, qui ont un impact sur leur production de lait et

leur condition physique générale. Elles ont également besoin de pâturages conséquents,

et donc de précipitations régulières. C’est donc un type d’élevage inadapté aux régions

du Nord-Est et du Sud-Est, qui sont déjà les régions les plus pauvres. Il est vraisemblable que

les éleveurs de chèvres soient la catégorie de la population la plus touchée par les

impacts du changement climatique.

• Les agro-pastoralistes, quant à eux, font pousser essentiellement du sorgho et du maïs, plus

résistants aux variations du climat. Ils habitent principalement dans l’Est du pays, et sont

exposés aux mêmes impacts du changement climatique que les populations pastoralistes.

• Une grande partie de la population éthiopienne souffre d’insécurité alimentaire, et les

populations affectées varient d’une saison à l’autre, selon les périodes de moissons, et

aussi d’une année à l’autre, selon l’impact des sécheresses. Malgré la croissance

économique soutenue et rapide, ainsi que l’amélioration des mesures de protection

sociale, l’Éthiopie demeure l’un des pays les plus pauvres du monde. La croissance de la

population s’est ralentie, et l’urbanisation a été moins rapide que dans les pays voisins.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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Migrations et déplacements de populations

• Les migrations, qu’elles aient lieu à l’intérieur ou au-delà des frontières du pays, sont une

réalité ancienne en Éthiopie, quoique l’exode rural y ait été beaucoup moins marqué que

dans les pays voisins. La migration est particulièrement commune parmi les populations

pastorales du Sud, dont le mouvement saisonnier traverse l’Éthiopie, le Kenya et la

Somalie. Des variations importantes dans les précipitations et les températures vont

perturber durablement les dynamiques migratoires traditionnelles. En Éthiopie, ces

dynamiques, liées à la subsistance des populations rurales, sont particulièrement

complexes, depuis que les programmes de relocalisation et de sédentarisation pratiqués

par le gouvernement depuis la fin des années 1980 et durant les années 1990 ont rendu

les populations plus vulnérables aux famines et aux maladies (Kloos et al. 1990; Pankurst

1992). Ces programmes visaient à sédentariser des populations nomades, et à modifier la

distribution des différentes populations et ethnies sur le territoire, notamment au moyen de

modifications du régime foncier. Si de nombreuses populations sont depuis revenues sur

leurs terres, les conséquences de ces programmes sur le niveau de pauvreté des

populations concernées se font encore ressentir.

• L’épisode El Niño, en 2016, a durement touché la région de Somali. Cette région avait

connu des déplacements de populations au printemps 2015, surtout aux alentours de la

zone de Shebelle. Les cycles de moissons pendant la saison de meher avaient été

profondément perturbés, et beaucoup d’agriculteurs et d’agro-pastoralistes avaient dû

quitter leurs terres à cause de mauvaises récoltes. En octobre 2014 déjà, d’importantes

inondations avaient touché le bassin du fleuve Shebelle. Les zones de Gode et de Kelafo,

particulièrement vulnérables aux inondations, sont aussi des zones qui expérimentent

régulièrement des sécheresses aiguës. Des inondations se produisent désormais au rythme

de deux ou trois fois par an, dans les régions de Shabelle, Ganale, Dawa et Weyb.

• Les déplacements des groupes Somali dans la région d’Oromia sont autant le résultat de

famines déclenchées par la sécheresse que de tensions liées à l’accès aux ressources,

tendance qui s’est considérablement accélérée avec la sécheresse qui a ravagé la

Corne de l’Afrique en 2011.

• En octobre 2017, selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), il y avait en

Éthiopie plus de 1.3 million de déplacées à l’intérieur du pays (IDPs). Comme l’indique la

carte ci-dessous, 51% d’entre eux se trouvent dans la région de Somali, tandis que 40%

sont dans la région d’Oromia. Selon la Displacement Matrix de l’OIM, 38% de ces

déplacements ont été provoqués par la sécheresse.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

65

Fig. 10. IDPs en Éthiopie, octobre 2017

Source: IOM Displacement Tracking Matrix.

• Ces déplacements s’ajoutent aux 800 000 réfugiés hébergés par l’Éthiopie au début de

l’année 2018, ce qui en fait l’un des principaux pays d’accueil dans le monde. Ces réfugiés,

qui sont répartis dans 27 camps à travers le pays, sont principalement originaires d’Érythrée,

de Somalie, du Soudan, du Soudan du Sud et du Yémen. Ces mouvements de populations

sont, pour beaucoup, le produit de crises humanitaires liées à des sécheresses et à des

conflits pour l’accès aux ressources.

Accès aux ressources et tensions ethniques

• Les déplacements de groupes pastoralistes provoquent régulièrement des tensions pour

les ressources. Au cours des dernières années, des incidents ont éclaté à la frontière entre

les régions de Somali et d’Oromia. Ces incidents sont tous liés à l’accès aux ressources, les

groupes Oromo estimant qu’ils sont envahis par des groupes Somali dans la région

d’Oromia. L’Éthiopie est un pays fortement décentralisé, qui a donné une relative

autonomie aux différentes régions du pays : ceci a créé un cadre propice à la

superposition des tensions pour l’accès aux ressources avec des rivalités ethniques. La

politique de régionalisation, entamée en 1991, a exacerbé les sentiments

d’appartenance locale, qui se sont superposés aux règles coutumières des différentes

ethnies pour réguler l’accès à l’eau, à la forêt et aux pâturages. C’est ainsi que dans la

région d’Oromia, l’accès à l’eau, à la terre et à la forêt est régulé par le traditionnel

système de Gada, qui donne aux chefs coutumiers le pouvoir de partager l’usage des

ressources naturelles entre les différentes familles.

• Le plus grave de ces conflits a eu lieu entre les Borana (d’ethnie Oromo) et les Garre

(d’ethnicité Somali), entre 2000 et 2010. Les Borana avaient initialement permis aux Garre

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

66

de s’installer temporairement sur leurs terres, mais ces installations temporaires se sont

rapidement transformées en villages permanents, comme celui de Hudet. Tafere Reda

(2016) note que cela a induit un profond ressentiment chez les Borana, qui ont eu

l’impression que les Garre abusaient de leur générosité. Ils ont ensuite voulu les chasser.

• Les incidents entre communautés se sont aggravés à la fois à cause de la pression sur les

ressources naturelles, mais aussi à cause de la prolifération d’armes légères dans la Corne

de l’Afrique, qui sont souvent utilisées par les pastoralistes pour assurer leur protection

(Mkutu 2001). Une culture de représailles s’est installée, ce qui a conduit à une escalade

de conflits et de ressentiments. Le conflit entre les Borana et les Garre, par exemple, fait

écho au conflit existant avec les Issa, perçus comme des envahisseurs Somalis dans les

territoires Afar de l’Est du pays.

• D’autres facteurs contribuent à la sédentarisation des groupes pastoralistes Somali,

notamment dans la région d’Oromia. Parmi eux, l’instabilité du régime foncier joue un rôle

important : la propriété des terres n’est pas claire si celles-ci ne sont pas occupées. Les

Borana, qui considéraient jadis la terre comme un bien commun, la considèrent désormais

de plus en plus comme une propriété privée (Tafere Reda 2016). La priorité va davantage

à la protection de la propriété qu’à l’accès aux ressources pour tous, ce qui donne lieu à

de nombreuses tensions entre communautés.

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques

• La conscientisation au changement climatique est assez forte dans le pays. Dans son INDC,

remise avant la COP15, l’Éthiopie s’est engagée à limiter ses émissions de gaz à effet de

serre en 2030 à 145 Mt CO2e, ce qui représente une réduction de 64% par rapport à un

scénario ‘business as usual’. Il s’agit d’un objectif ambitieux, qui s’aligne avec la

perspective de long terme de l’Éthiopie, qui est de devenir un pays neutre en carbone. La

mise en œuvre de ces objectifs est néanmoins conditionnée à l’apport de financements

internationaux. Le gouvernement éthiopien chiffre le coût de ce plan à 150 milliards de

dollars US d’ici 2030, mais sans préciser quelle part de financement international est requise

dans ce budget.

• Les actions à déployer pour atteindre cet objectif sont contenues dans la Stratégie pour

une économie verte résiliente au changement climatique (Climate Resilient Green

Economy Strategy, CRGE, 2011). La CGRE comporte à la fois des objectifs en termes

d’atténuation et d’adaptation.

La stratégie d’atténuation s’appuie sur quatre piliers :

o Améliorer les pratiques agricoles et d’élevage pour renforcer la sécurité alimentaire

et les revenus des agriculteurs ;

o Protéger davantage les forêts ;

o Augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays ;

o Moderniser les technologies dans les transports, les bâtiments et la construction.

• Ces actions se doublent d’investissements dans les énergies éolienne et solaire, de manière

à diversifier les sources d’approvisionnement énergétiques. Ces investissements sont

largement financés par la Chine qui a, depuis plusieurs années, investi dans la construction

de nombreuses infrastructures dans le pays, notamment des routes et des chemins de fer.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

67

• La stratégie du pays pour l’adaptation aux impacts du changement climatique est

directement liée à sa stratégie de développement. Elle est principalement axée autour de

la lutte contre les sécheresses et les inondations, qui sont identifiées comme les deux

impacts du changement climatique les plus redoutables pour le pays.

• Les plans d’adaptation sont contenus dans plusieurs documents : le Programme d’action

national pour l’adaptation (PANA, 2007), le Programme éthiopien d’adaptation au

changement climatique (EPACC, 2011), mais aussi neuf plans régionaux, deux plans

municipaux et cinq plans par secteurs, ainsi qu’une stratégie spécifique pour l’agriculture.

• Contre les inondations, il est prévu :

o D’améliorer la capacité adaptive des écosystèmes, des communautés et des

infrastructures par la réhabilitation des écosystèmes ;

o De construire de nouveaux barrages et centrales électriques pour augmenter la

capacité de production hydro-électrique du pays ;

o De mettre en place des codes de construction compatibles avec le changement

climatique pour les infrastructures et les logements.

La construction du barrage de la Renaissance, récemment achevé, s’inscrit dans

le cadre de ce plan.

• Contre les sécheresses, il est prévu :

o D’améliorer la productivité agricole et de réduire l’insécurité alimentaire,

notamment en améliorant et en diversifiant les variétés de semences.

o De garantir un accès minimal à l’eau, notamment par des techniques de

conservation d’eau, mais aussi de construction de barrages et de puits.

o D’améliorer les opportunités économiques en agroforesterie, particulièrement dans

les zones de déforestation.

o De créer des corridors de biodiversité.

o De développer la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables autres

que l’énergie hydro-électrique.

o D’améliorer les capacités de stockage de nourriture.

• De manière générale, l’Éthiopie apparaît plutôt bien équipée pour faire face aux impacts

du changement climatique. L’opérationnalisation des plans d’adaptation et

d’atténuation est planifiée, et l’Éthiopie a même mis en place un mécanisme financier

spécifique pour attirer les financements climat, la Climate Resilient Green Economy

Facility. Ces plans seront évidemment dépendants de la mobilisation de financements

internationaux, mais l’Éthiopie a mis en place l’infrastructure politique pour

opérationnaliser ces plans.

• Enfin, même si sa construction n’est pas directement liée au changement climatique, on

ne saurait évidemment conclure cette section sans évoquer la construction depuis 2011

du grand Barrage de la Renaissance, quasiment achevé, et qui doit atteindre une

production de plus de 6 000 MW. Ce barrage est l’élément majeur d’un plan de

transformation et de dynamisation de la croissance du pays. Il fait non seulement partie

d’un plan économique et énergétique, mais aussi d’un dessein politique, puisqu’il doit

permettre au pays de s’affirmer comme une importante puissance régionale. Alors que

l’Égypte était jusqu’ici l’hégémon du Nil, ce rôle lui est contesté par l’Éthiopie, qui a noué

en 2010 une alliance hydraulique avec l’Ouganda (où le Nil blanc prend sa source), la

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

68

Tanzanie et le Rwanda, à laquelle se sont joints le Burundi et le Kenya. Le Soudan et le

Soudan-du-Sud, qui étaient jusqu’ici très liés à l’Égypte pour le partage des eaux du Nil,

notamment au travers de l’accord de 1959, se sont également récemment rapprochés

de cette alliance. De ce fait, l’Égypte se trouve de plus en plus isolée : sa position

d’hégémon est d’autant plus fragilisée qu’elle se trouve en aval du fleuve (The Economist

2011). Pour l’heure, les menaces de l’Égypte sont restées sans conséquence, et l’Égypte a

même consenti à la construction du barrage en 2015, pour autant que son

approvisionnement en eau ne soit pas altéré. Mais la construction de nouveaux barrages,

ainsi que la grande volatilité des précipitations sous l’effet du changement climatique,

pourraient évidemment remettre cela en cause (voir annexe 7).

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques

• Malgré un budget limité, l’armée éthiopienne est reconnue pour son efficacité et son

professionnalisme. Sa force aérienne est très limitée, mais son infanterie est plutôt bien

équipée, avec une grande partie du matériel produite localement. La défaite militaire

contre l’Érythrée, à la fin des années 1980, a amené une réforme profonde de

l’organisation de l’armée et de la formation des militaires.

• L’armée éthiopienne est le quatrième plus gros contributeur de Casques bleus, et participe

à de nombreuses missions de maintien de la paix, y compris la mission de l’Union africaine

en Somalie. Elle est aussi particulièrement affectée à la surveillance des frontières,

notamment contre les incursions des groupes terroristes liés à Al-Shabaab.

• En 1974, à la suite de la terrible famine de 1973, fut mise en place la Relief and

Rehabilitation Commission (RRC), une agence gouvernementale chargée de la

prévention des famines et des secours aux populations. Son rôle fut absolument

déterminant lors de la famine de 1984-1985. En 1989, la Stratégie nationale de prévention

des catastrophes naturelles élargit le champ de ses compétences et de ses missions,

notamment en lui adjoignant un Comité interministériel pour la prévention des

catastrophes naturelles, en réponse aux problèmes de communication qui étaient

apparus avec les différents ministères. Cette commission fait aussi écho à la mise en place

ultérieure (1986) d’une organisation régionale comme l’IGAD, dont le but premier était la

coordination régionale de la lutte contre la sécheresse et la désertification, organisation

qui a elle-même mis en place une stratégie spécifique, la Drought Disaster Resilience and

Sustainability Initiative (IDDRSI)

• En 1995, la RRC fut renommée Disaster Prevention and Preparedness Commission (DPPC),

et fut chargée de missions élargies. La DPPC compte environ 1000 employés. Ses objectifs

sont triples :

o La prévention des catastrophes, notamment par l’action au niveau de leurs causes ;

o La construction des capacités nécessaires pour réduire l’impact des catastrophes ;

o L’organisation des secours en cas de catastrophe.

• Il est frappant de voir comme la famine de 1973 a été un événement déclencheur dans

la mise en place de structures de réponse aux catastrophes naturelles. Depuis lors,

l’Éthiopie a appliqué une logique de prévention, avec la mise en place de systèmes

d’alerte précoce dès 1976. Dès la fin des années 1990, le gouvernement éthiopien a

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

69

également sollicité la diaspora éthiopienne pour mobiliser des dons à la suite de

catastrophes naturelles.

• L’Éthiopie est également un des rares pays africains à s’être doté, depuis 2002, d’un fonds

d’intervention en cas de catastrophes naturelles, qui permet notamment l’indemnisation

des populations affectées. Le National Disaster Prevention and Preparedness Fund est

financé essentiellement par le gouvernement éthiopien, même si des donneurs privé et

multilatéraux apportent certaines contributions additionnelles.

• Ces structures sont néanmoins très orientées autour de la prévention des sécheresses,

tandis que la prévention des inondations reçoit moins d’attention. Celles-ci ont pourtant

des impacts dévastateurs sur le pays. L’armée a été sollicitée à plusieurs reprises pour

porter secours aux habitants victimes d’inondation, notamment en mettant à disposition

du matériel (bateaux et hélicoptères). Le rôle de l’armée a notamment été déterminant

dans les inondations de 2006 : des troupes ont été déployées sur le terrain pour porter

secours aux populations, et c’est essentiellement l’armée qui s’est chargée de la

distribution des vivres, notamment via des largages depuis des hélicoptères34. L’armée a

encore été mobilisée lors des inondations de 2016.

• L’armée est moins mobilisée dans la gestion des famines, même si elle est parfois sollicitée

pour des distributions de nourriture. Lors de la famine de 1985, l’armée éthiopienne avait

été durement critiquée pour sa passivité dans l’assistance aux populations, et notamment

pour n’avoir pas mis à disposition son matériel roulant (NY Times 1985). Lors de la famine

du milieu des années 2000, alors que l’Ethiopie était en situation de guerre civile, l’armée

avait à nouveau été vivement critiquée pour avoir bloqué l’aide alimentaire aux zones

rebelles, et pour avoir détourné l’aide internationale pour financer ses opérations militaires

(NY Times 2007). Depuis lors, il semble que l’armée soit plus sporadiquement sollicitée,

notamment lors de la crise de 2017. Il est néanmoins difficile d’obtenir des informations

précises à ce sujet, et les interventions semblent être davantage effectuées au cas-par-

cas, en fonction des nécessités.

4. Scénarios

a) Scénario tendanciel : aggravation des tensions entre les Borana et les

communautés Somalis

Contextualisation et hypothèses

• La région Somali est la plus vulnérable aux variations climatiques. Les Somalis se sentent

donc lésés par rapport aux communautés borana vivant dans la région Oromia qui est

pour sa part moins exposée. De ce fait, les Somalis considèrent leur implantation dans

cette dernière légitime.

• Depuis le début des années 2000, des communautés somalis se sont installées dans la

région d’Oromia, favorisant des heurts de plus en plus fréquents avec les communautés

borana.

34 Voir le rapport de situation du Programme Alimentaire Mondial : http://www.wfp.org/stories/extensive-flooding-

ethiopia-wfp-update

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

70

• Le processus de régionalisation du pays a poursuivi son cours, et l’État central s’est

déchargé de nombreuses missions liées à l’adaptation au changement climatique au

profit des régions.

Déroulé des évènements

• En 2030, Les saisons traditionnelles ont disparu. La région Somali est affectée par un cycle

de sécheresses et d’inondations devenues quasi permanentes.

• Le gouvernement de la région Somali ne dispose pas des ressources adéquates qui

permettraient de mettre en place des mesures efficaces d’adaptation.

• De plus en plus de communautés Somalis s’installent en territoire Oromia, et les incidents

avec les Borana sont de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. Des milices

armées se sont constituées.

• Le gouvernement est obligé de faire intervenir l’armée pour rétablir l’ordre et éviter une

guerre civile.

Conséquences pour la France

• La France doit évacuer ses ressortissants des régions Oromia et Somali, et y déconseille

fortement tout voyage à ses ressortissants.

Réponse opérationnelle à fournir

• Dans le cadre de sa coopération militaire avec l’Éthiopie, la France est sollicitée pour

former des troupes au maintien de l’ordre. Cette coopération se double d’une

coopération policière : des bataillons de gendarmerie passent plusieurs semaines à Addis-

Abeba pour former les officiers de police éthiopiens.

• La France décide également d’augmenter son aide au développement à l’Éthiopie de 10

millions d’euros, à titre exceptionnel, pour aider le pays à faire face à la situation.

b) Scénario de rupture : en 2030, les milices Al-Sabaab ont pris le contrôle de la

région Somali, et déclarent unilatéralement l’indépendance

Contextualisation et hypothèses

• La région Somali a beaucoup moins profité que les autres des fruits de la croissance

économique soutenue du pays, et est plus vulnérable aux impacts du changement

climatique.

• Ces inégalités nourrissent un profond ressentiment parmi les communautés Somali.

• La région Somali est très régulièrement affectée par des pics de chaleur, des inondations

et des sécheresses qui ruinent les pastoralistes et agropastoralistes.

• Le processus de régionalisation a réduit considérablement la sphère d’intervention et

d’influence de l’État central, au profit d’une identité régionale de plus en plus marquée.

Déroulé des évènements

• Profitant du dénuement des populations, les groupes liés à Al-Shabaab se sont solidement

implantés dans l’Est de l’Éthiopie, et notamment dans la région Somali.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• Peu à peu, ces groupes se sont chargés de l’assistance et des secours aux populations qui

avaient perdu leurs terres et leurs pâturages.

• Se sentant abandonnées par l’État central, ces populations se sont radicalisées et ont pour

beaucoup prêté allégeance à Al-Shabaab.

• Profitant de la relative indifférence du pouvoir central, Al-Shabaab fomente un coup d’État

contre le gouvernement régional. Plusieurs casernes de l’armée dans la région sont

simultanément attaquées, et les hauts gradés assassinés.

• Al-Shabaab déclare l’indépendance de la région Somali, avec le soutien d’une grande

partie des habitants.

• Le gouvernement d’Addis-Abeba envoie l’armée pour rétablir l’État de droit, et une guerre

civile s’engage.

Conséquences pour la France

• La France doit évacuer en urgence tous ses ressortissants.

• La demande d’asile de réfugiés éthiopiens est importante en France ; l’Éthiopie devient le

deuxième pays d’origine des demandeurs d’asile en France.

• La France participe à une opération internationale de maintien de la paix.

Réponses opérationnelles à fournir

• Un avion gros-porteur est envoyé à Addis-Abeba pour évacuer les derniers ressortissants

français.

• Une partie des ressortissants avait déjà évacué via un avion spécial affrété par Air France.

• Dans le cadre de l’opération de maintien de la paix, la France envoie sur le terrain 250

hommes (Casques bleus).

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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I. SOUDAN

Indicateurs clefs

Population : 37 345 935 (2017), croissance de 1,67%

par an. Age médian de la population : 20 ans.

Superficie : 1 861 484 km2

PIB (2017) : 186,8 milliards USD

Couverture du réseau routier/Infrastructures : Environ

12 000 kms de routes, dont 4 320 km de routes

goudronnées. 7 251 km de voies ferrées. 16 aéroports.

Défense Energie et climat

Effectif total (2016) : 177 500 hommes et 105 000

réservistes, auxquels il faut ajouter 17 500 hommes des

forces paramilitaires.

Climat : aride désertique

Budget de la Défense (2016) : 2,8 milliards USD – 25%

des dépenses publiques.

Électrification du pays : 35% de la population du pays a

accès à l’électricité (63% dans les zones urbaines, 21%

dans les zones rurales) Production (2015) : 12,7 milliards

kWh.

Engagement français Mix énergétique : 34,4% à partir d’énergies fossiles

(pétrole), 60,2% hydro-électrique, 5.4% autres énergies

renouvelables (2015).

Coopération en matière de défense et de sécurité

intérieure : Aucune coopération relevée en matière de

défense et de sécurité intérieure. La coopération entre

la France et le Soudan est davantage politique,

scientifique et culturelle.

Émissions de CO2/hab (2013) : 0,31 t CO2

Politiques climatiques : Peu ambitieuses et imprécises,

orientées surtout autour de l’adaptation et de la réduction

de la vulnérabilité des populations rurales. Pas d’objectif

chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

État d’engagement des forces dans le pays : Néant.

Institutions : Ministère de l’Environnement, des Ressources

Naturelles et du Développement Urbain, Haut Conseil

pour l’Environnement et les Ressources Naturelles,

Comission de l’Aide Humanitaire

Bases françaises : Non. Tendances climatiques 2060 : Augmentation des

températures jusqu’à 3,1°C en été, et 2,1°C en hiver.

Baisse des précipitations de 0,5% annuellement, soit 6

mm par mois. Sécheresses et inondations accrues. Ressortissants français : 242 (2017)

Résumé Le Soudan est un pays fragile et instable, particulièrement exposé aux impacts du changement climatique. Le Nil

constitue une ressource vitale pour le pays, notamment pour sa production électrique, mais elle est également

vulnérable aux impacts du changement climatique. Le pays souffre d’une insécurité alimentaire chronique, qui est

régulièrement corrélée à des épisodes de violence, notamment pour l’accès aux ressources et aux terres. La

séparation avec le Soudan du Sud en 2011 a privé le pays de l’essentiel de ses ressources pétrolières. La compétition

pour l’accès aux ressources est généralement corrélée à des rivalités claniques ou ethniques, comme illustré dans

le cas du conflit du Darfour. La sensibilisation au changement climatique est néanmoins relativement importante,

et le Soudan a souvent joué un rôle majeur dans les négociations internationales sur le climat. L’armée, toutefois,

n’est absolument pas mobilisée sur ces questions.

Atouts : Mix énergétique diversifié, avec prévalence

des ressources hydro-électriques. Part des

renouvelables en augmentation. Leadership dans les

négociations internationales sur le climat.

Typologie : Sensibilité

Exposition

Dégradation

Instabilité

Fragilité

Défaillance

Faiblesses : Gouvernement dictatorial et criminel,

instabilité politique chronique, violences ethniques.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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1. Exposition du pays aux impacts des changements climatiques

La grande majorité des régions du pays connaissent un climat désertique chaud. Seule la

partie la plus méridionale du pays peut être qualifiée de semi-aride, tandis que la pointe à

l’extrême-sud abrite marais et forêts tropicales. L’immense majorité du pays est couverte par

les déserts de Nubie etde Bayuda. La désertification est un problème majeur pour le pays,

aggravée par l’érosion des sols, l’agriculture intensive et le changement climatique.

Néanmoins, la première préoccupation environnementale au Soudan est liée à l’occurrence

fréquente de violentes tempêtes de sable, appelées haboobs, qui recouvrent de poussière

tout ce qui se trouve sur leur passage – végétation comme habitations.

a) Impacts observés

• Les principaux impacts déjà observés concernent avant tout la hausse des températures

et la moindre fréquence des précipitations. Entre 1960 et 2009, les températures de

printemps et d’été ont augmenté entre 0,2°C et 0,4°C par décennie, ce qui signifie que

les températures de la décennie 2000-2009 étaient en moyenne entre 0,8°C et 1,6°C plus

chaudes qu’au cours de la décennie 1960-1969 (Government of Sudan 2013). Les régions

semi-arides du pays sont les plus affectées par cette hausse de température (Zakieldeen

et Elhassan 2015).

Scénarios

1. Scénario tendanciel : Reprise du conflit du Darfour (horizon 2025)

Facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence

Conséquences pour la France

- Situation

humanitaire toujours

critique au Darfour

- Nombreux

ressentiments liés au

conflit des années

2000

- Désertification

- Une alternance

de sécheresses et

d’inondations

déplace plus de

500 000

personnes.

- Affrontements

pour l’accès aux

ressources et aux

terres.

Forte - Important afflux de demandeurs

d’asile soudanais.

- Position diplomatique délicate,

opprobre international.

- Participation limitée à une

intervention militaire

internationale.

2. Scénario de rupture : Conflit avec l’Égypte autour de la gestion des eaux du Nil (horizon 2030)

Facteurs explicatifs Élément

déclencheur

Probabilité

d’occurrence

Conséquences pour la France

- Réduction du débit

du Nil

- Accord de partage

des eaux entre

l’Égypte et le Soudan

à la faveur de

l’Égypte.

- Décision de la

construction d’un

grand barrage

par le Soudan,

dynamité par

l’Égypte.

Moyenne - Important afflux de demandeurs

d’asile soudanais.

- Participation active à une

opération internationale de

rétablissement de la paix.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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• Les précipitations ont également été caractérisées par une plus grande irrégularité. Entre

1981 et 2012, elles ont considérablement décru, comparé à la période 1971-2000, et

davantage encore par rapport à la période 1941-1970 (Zakieldeen et Elhassan 2015),

comme illustré sur le graphique ci-dessous. La baisse a été particulièrement forte dans les

parties septentrionale et centrale du pays.

Fig. 11. Comparaison des précipitations moyennes pour la période 1941-1970 (à gauche) et 1971-2000

(à droite)

Source: Sudan Meteorological Authority, 2011.

• En raison de ces précipitations aléatoires, le nombre de sécheresses a considérablement

augmenté. Alors que les sécheresses ne se produisaient auparavant que tous les trente

ans environ, il s’agit désormais d’un phénomène quasi annuel, qui menace environ 19

millions d’hectares de terres arables, ainsi que les revenus de nombreuses communautés

pastorales et nomades (Zakieldeen et Elhassan 2015).

• Les tempêtes de sable, ou haboobs, se sont faites également plus fréquentes et plus

violentes. Au Soudan, il résulte du déplacement vers le Nord du front intertropical, ce qui

crée un afflux d’air descendant. Les haboobs se produisent généralement après plusieurs

jours où les températures ont grimpé tandis que la pression atmosphérique baissait. Outre

les dangers qu’ils présentent pour la santé publique (notamment au niveau des voies

respiratoires), les haboobs freinent considérablement l’activité économique du pays, et

recouvrent d’une épaisse couche de poussière tout ce qui se trouve sur leur passage,

détruisant ainsi villages et cultures. Si la fréquence accrue de ce phénomène nourrit

l’hypothèse d’un lien avec le changement climatique, aucune recherche ne l’a

démontré à ce jour. Néanmoins, l’augmentation des températures, la baisse des

précipitations et la désertification peuvent y contribuer.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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Fig. 12. Un ‘haboob’ avance vers la capitale Khartoum

Source : AFP/Getty.

b) Impacts attendus

• À l’avenir, ces tendances devraient se poursuivre. D’ici 2060, les températures devraient

augmenter entre 1.5°C et 3.1°C au mois d’août, et entre 1.1°C et 2.1°C au mois de janvier.

Les précipitations, quant à elles, devraient baisser de 6 mm par mois durant la saison des

pluies (Zakieldeen et Elhassan 2015). Les précipitations devraient baisser d’environ 0,5 %

par an, tandis que le coefficient de variabilité des précipitations augmentera de 2 % par

an (Government of Sudan 2013).

• Ceci aura une incidence importante sur le débit du Nil, qui devrait faiblir

considérablement, alors que la demande d’eau augmentera elle aussi dans des

proportions considérables. En 2090, le débit du fleuve devrait être réduit entre 20 et 30 %.

Ceci entraînera d’abord une forte baisse des réserves d’eau douce, qui pourraient

diminuer jusqu’à 40 % en 2030, ainsi que des capacités de génération hydro-électriques

du pays, alors qu’il s’agit de la première source d’énergie (Government of Sudan 2013).

• L’impact sur l’agriculture se fera durement ressentir, avec un déclin annoncé des récoltes

mais aussi l’apparition de maladies qui affecteront les cultures. Les conflits pour l’accès

aux ressources, à commencer par l’accaparement des terres, risquent donc de

s’amplifier, comme on le lira ci-dessous.

c) Conséquences humaines

• Le Soudan a obtenu son indépendance en 1956, et a été marqué par une grande

instabilité politique depuis lors, avec une guerre civile de plus de vingt ans, qui a opposé

le Nord et le Sud du pays de 1983 à 2005. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 597 groupes

ethniques différents qui habitent le Soudan, et parlent plus de 400 langues et dialectes. La

plupart de ces groupes sont arabes, et représentent 70% de la population du pays.

• Le Soudan est le pays d’origine de nombreux réfugiés, qui transitent souvent vers l’Europe

par l’Égypte et/ou la Libye. Même s’ils sont impossibles à quantifier, un nombre important

de ces mouvements de populations trouvent une origine climatique. Dans les zones

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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désertiques du pays, la plupart des populations sédentaires dépendent de l’agriculture de

subsistance pour leur survie. Les bergers nomades, pour leur part, sont sans cesse à la

recherche de nouvelles terres pour faire paître leur bétail. Mais l’alternance d’épisodes de

sécheresses et d’inondations ruine à la fois les cultures et les pâturages : depuis 2013,

d’après les données de l’IDMC, les inondations ont déplacé plus de 600 000 personnes à

l’intérieur du pays (IDMC 2017). Plus de 70% de la population rurale dépendent de

l’agriculture de subsistance traditionnelle, qui est particulièrement vulnérable aux impacts

du changement climatique.

• Chaque année ou presque, en été, le Soudan fait face à de graves inondations, liées à

des crues du Nil. En août 2016, le Nil a atteint son plus haut niveau de l’histoire du pays, à

plus de 17 mètres. Ces inondations ont causé plus de 100 morts et ont touché 122 000

personnes35. Ce niveau a été à nouveau atteint en 2017. Les inondations de 2013 avaient

déjà été particulièrement meurtrières, avec plus de 50 victimes. L’organisation des secours

lors de ces catastrophes est difficile, et repose presqu’entièrement sur les épaules du

Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU (OCHA).

• L’insécurité alimentaire est chronique. D’après le Global Hunger Index (IFPRI 2017), Le

Soudan reste l’un des pays au monde où l’insécurité alimentaire est la plus forte. Le

changement climatique poussera vraisemblablement plusieurs communautés du pays

aux limites de leur résilience. Des précipitations de plus en plus irrégulières, aggravées par

le changement climatique et El-Niño, pourraient rendre plusieurs zones du pays

littéralement inhabitables, notamment le Darfour, ce qui créerait d’importants

mouvements de populations, vraisemblablement vers le Nord. Dans son évaluation de

l’impact environnement de la deuxième guerre civile soudanaise, le Programme des

Nations Unies pour l’Environnement avait déjà souligné le lien très fort qui unissait la

dégradation des terres, la désertification et les conflits au Darfour (UNEP 2007).

• En 2017, le Soudan compte 4,8 millions de personnes dépendant de l’aide humanitaire,

selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. Parmi

elles, 3,6 millions dépendaient directement de l’assistance alimentaire pour leur

subsistance. La situation au Darfour, où les crises alimentaires sont intrinsèquement liées à

des épisodes de violence, demeure particulièrement critique (voir annexe 8).

Le Darfour, une guerre climatique ?

La guerre du Darfour (voir RE1) est bien un conflit pour l’usage des terres et des ressources, largement

instrumentalisé et amplifié par l’action du gouvernement de Khartoum, qui a mis en échec les

mécanismes traditionnels de résolution des conflits. On ne peut évidemment nier le rôle des conditions

environnementales, et du changement climatique, dans le déclenchement du conflit. Mais celui-ci offre

un exemple frappant de la manière dont les ressources environnementales peuvent être

instrumentalisées dans le cadre d’un conflit : ce n’est pas la dégradation de l’environnement en elle-

même qui a engendré le conflit, mais bien l’action du gouvernement soudanais pour faire dégénérer les

disputes foncières qu’elle engendrait. Le président soudanais Omar el-Béchir, toujours en poste, fait

l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale pour génocide, crimes de guerre et crimes

contre l’humanité dans ce conflit.

2. Réponses politiques face aux risques liés aux changements climatiques

35 Selon les chiffres du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU (OCHA).

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• Le Soudan a souvent pris une position de leadership dans les négociations internationales

sur le climat. C’est ainsi qu’il présidait le G77 (groupe des pays en développement) lors du

sommet de Copenhague en 2009, et que le délégué soudanais a qualifié, dans une

harangue restée célèbre, l’Accord de Copenhague comme un ‘génocide à l’égard de

l’Afrique’. Le Soudan a également joué un rôle important dans la création du groupe

africain au sein des négociations de la CCNUCC. L’expertise de ses diplomates est

reconnue, ce qui devrait faciliter l’accès aux financements de l’adaptation, notamment

dans le cadre du Fonds Vert pour le Climat à partir de 2020. Pour l’heure, l’accès à ces

fonds reste néanmoins difficile en raison des sanctions économiques imposées au pays.

• Dans sa contribution nationale à l’Accord de Paris, le Soudan entend mettre l’accent sur

la réduction des émissions de gaz à effet de serre de trois secteurs : la forêt, l’énergie et les

déchets. Plusieurs projets sont listés dans ce sens, mais leur impact sur les émissions de gaz

à effet de serre n’est pas quantifié : c’est le cas de l’ensemble de la contribution

soudanaise en matière d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Le Soudan ne

s’engage donc pas sur un objectif précis, ce qu’il justifie par une absence de baseline, de

socle de comparaison.

• La construction d’une vingtaine de nouveaux barrages est également envisagée, ce qui

suscite de nombreuses inquiétudes quant à leur impact sur l’environnement et les

populations locales, avec de nombreux déplacements de populations à prévoir (UNEP,

2007).

• En matière d’adaptation, les mesures envisagées dans le plan national d’action pour

l’adaptation (PANA, 2007) concernent principalement la vulnérabilité des populations

rurales, mais ces mesures restent imprécises et incertaines, tant dans leur formulation que

dans leur mise en œuvre (voir en annexe 9 les projets les plus importants prévus par le

PANA).

• Un exemple de cette faible mise en œuvre concrète des projets d’adaptation est le projet

ADAPT !, financé par l’ONU Environnement et DFID. Ce projet, lancé à grand renfort de

communication en 2017, vise à ‘guider le changement pour un avenir meilleur pour le

peuple du Soudan’, au moyen de ‘décisions et de politiques fondées sur la science’ et

d’un ‘renforcement des institutions, de leurs capacités et de leur coordination’36. La

formulation sentencieuse et imprécise du projet laisse hélas peu d’espoir quant à sa

traduction en résultats concrets.

• De manière générale, on observe un décalage important entre la posture volontariste

adoptée par le Soudan dans les arènes internationales, et le retard important pris en

matière de politiques climatiques dans le pays. Les considérations environnementales

semblent systématiquement reléguées au second plan et à des discours d’intention,

malgré leur impact évident sur la sécurité et la stabilité du pays.

3. Capacités d’intervention de l’armée dans la gestion des risques climatiques

36 Communiqué de presse de l’ONU Environnement, disponible ici : http://89.31.103.110/fr/news-and-stories/recit/un-

comite-consultatif-de-haut-niveau-approuve-un-nouveau-projet-innovant-au

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L’armée soudanaise est assez importante et a été continuellement engagée dans de très

nombreux conflits depuis sa création en 1925 et l’indépendance du pays en 1956 :

o La première guerre civile soudanaise éclata en 1955, un an avant

l’indépendance, à la suite d’une mutinerie de l’Equatoria Corps. L’armée prit le

contrôle du pays en 1958, et puis encore en 1969. La guerre civile prit fin en

1973.

o La deuxième guerre civile, qui opposa le Sud du pays au gouvernement de

Khartoum, s’est étalée sur plus de vingt ans, entre 1982 et 2005.

o La guerre du Darfour, qui a commencé en 2003 et qui est toujours en cours.

o Le conflit avec le Mouvement Populaire de Libération du Soudan-Nord (SPLM-

N), entre 2011 et 2013.

o Et enfin la guerre frontalière avec le Soudan du Sud (2012).

• L’équipement de l’armée soudanaise est assez ancien, et provient principalement de

Chine et de Russie. Une partie importante des véhicules d’infanterie et des munitions

légères sont directement fabriquées au Soudan, dans la Military Industry Corporation.

• En raison de ses nombreux engagements dans des conflits armés, l’armée n’a été jusqu’ici

que peu mobilisée dans l’assistance aux populations face aux risques naturels. L’armée a

ainsi prêté quelques hélicoptères et véhicules lors des inondations catastrophiques de

2016, en appui à l’OCHA.

• Néanmoins, ces risques climatiques sont aussi sources de conflits civils, qui par nature

mobiliseraient l’armée ou des forces paramilitaires, comme cela a été le cas par le passé.

Cette situation est beaucoup plus marquée au Soudan que dans d’autres pays, en raison

du caractère conflictuel de l’accès aux ressources, renforcé par des rivalités ethniques.

Ce caractère conflictuel est particulièrement marqué au Darfour, mais existe également

dans d’autres régions. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement note que la

paix ne pourra être garantie dans la région que si les conditions environnementales sont

restaurées, de manière à pouvoir garantir un revenu régulier aux populations. Pour l’heure,

la croissance exponentielle de la population (en particulier au Nord Darfour), combinée

à la désertification et à la dégradation des sols, crée les conditions pour l’occurrence de

conflits, qui sont à leur tour alimentés par des tensions politiques, tribales ou ethniques

(UNEP 2007).

• La gestion des catastrophes naturelles est assurée par le National Council for Civil Defence

(NCCD), créé par une loi de 1991 et réformé en 2005. Le Conseil est en charge de la

coordination des plans et mesures de protection civile au niveau national, tant pour ce

qui concerne la préparation aux catastrophes que le secours aux populations, y compris

la lutte contre les épidémies qui pourraient résulter des catastrophes. En pratique, il semble

néanmoins n’avoir que peu de moyens opérationnels, quoiqu’il soit appuyé par un

Secrétariat général depuis 1995. Il est notamment impliqué dans la mise en place de

systèmes d’alerte précoce dans le pays. Le NCCD est placé sous l’autorité de l’armée,

mais implique également des experts de différents ministères et des chercheurs.

• En pratique, il est néanmoins extrêmement difficile de trouver la moindre donnée sur la

gestion concrète des catastrophes naturelles, hormis une stratégie globale édictée par

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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le gouvernement suite au sommet de Sendai en 2015, et préparée par l’université de

Ribat en collaboration avec le PNUD. Si le gouvernement a souscrit au cadre de Sendai,

la mise en œuvre de ses recommandations semble en être restée jusqu’ici au stade

des déclarations d’intention. Aucun plan d’intervention systématique ne semble être

mis en œuvre, hormis un système d’alerte précoce a été mis en place sous la houlette

de la Commission pour l’Aide Humanitaire. En pratique, le pays semble dépendre quasi

exclusivement de l’aide internationale pour le secours aux populations en cas de

catastrophes.

4. Scénarios

a) Scénario tendanciel : Reprise du conflit au Darfour (horizon 2025)

Contextualisation et hypothèses

• La situation au Darfour demeure fragile, avec plus de deux millions de déplacés internes

(soit plus de 5% de la population totale du pays), qui dépendent directement de l’aide

humanitaire.

• Les ressentiments liés à la guerre du Darfour et au régime foncier de la région demeurent

vifs.

• La région est particulièrement touchée par la désertification, ce qui réduit

considérablement la disponibilité des terres arables et des pâturages.

Déroulé des évènements

• À partir de 2020, la région connaît une alternance régulière de sécheresses et

d’inondations, qui provoquent le déplacement de plus 500 000 personnes, en situation de

grande détresse humanitaire.

• Les conflits fonciers dégénèrent de plus en plus régulièrement en affrontements, et des

milices armées se forment spontanément pour défendre les terres et le bétail. Ces milices

armées sont pour beaucoup liées à Boko-Haram, dont la capacité d’action s’est

beaucoup étendue dans la région.

• Le président Omar el-Béchir, malade et affaibli, décide de faire intervenir les Forces de

Défense Populaire, ses forces paramilitaires, en soutien aux milices Janjawid.

• La crise humanitaire s’étend lorsque des millions de réfugiés fuient au Tchad, en

République Centrafricaine et au Soudan du Sud. Les capacités d’accueil de ces pays sont

dépassées, et le Tchad et le Soudan du Sud décident de s’impliquer militairement dans le

conflit.

Conséquences pour la France

• Le Soudan s’est durablement installé comme le premier pays d’origine des demandeurs

d’asile en France. Beaucoup sont issus de l’ethnie Four et ont fui le conflit du Darfour.

• La collaboration avec le régime d’Omar el-Béchir initiée par le président Hollande pour

identifier les opposants au régime qui demandaient l’asile en France et les renvoyer au

Soudan, a été réactivée avant la crise. La France se trouve accusée par la communauté

internationale de collaboration avec un régime génocidaire.

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• Le Conseil de Sécurité de l’ONU a été réuni plusieurs fois à la demande des Etats-Unis et

de l’Égypte pour demander une intervention militaire au Darfour et condamner le régime

soudanais. La France s’est abstenue lors du vote de ces résolutions, une décision que

beaucoup estiment motivée par la nécessité de maintenir la collaboration avec le régime

soudanais pour la réadmission des demandeurs d’asile déboutés.

• Des manifestations éclatent dans le pays pour réclamer la rupture des relations

diplomatiques avec le Soudan, l’accueil des demandeurs d’asile soudanais, et une

intervention militaire au Darfour.

Réponse opérationnelle à fournir

• Du bout des lèvres, la France accepte finalement de participer à une intervention militaire

internationale, sous la conduite de l’Égypte. Plusieurs avions sont mobilisés, pour des

missions de reconnaissance. Pas de troupes au sol.

b) Scénario de rupture : Conflit avec l’Egypte autour de la gestion des eaux du Nil

(horizon 2030)

Contextualisation et hypothèses

• Le Nil Blanc et le Nil Bleu confluent à Khartoum. Les barrages hydro-électriques sur le Nil et

ses affluents représentent plus de 60% de la production électrique du Soudan.

• En 1929, sous régime colonial, a été signé le Traité sur l’utilisation exclusive des eaux du Nil

entre le Soudan et l’Égypte. Le traité partage la totalité de l’exploitation du fleuve entre

ces deux pays, dans une proportion de 3 à 1 en faveur de l’Égypte. Les autres pays du

cours supérieur du fleuve sont exclus de son exploitation. Le traité a été reconduit en 1959,

et l’Égypte le considère comme toujours valable (Csefalvayova 2014).

• Le Soudan puise annuellement 18.5 milliards de m3 d’eau dans le fleuve, hors d’un volume

utilisable de 74 milliards de m3 par an.

• L’Éthiopie a achevé en 2018 la construction du Grand barrage de la Renaissance sur le

Nil, en violation des termes de l’accord de 1959 entre le Soudan et l’Égypte. Un accord

de mars 2015 lui accorde néanmoins le droit de construire ce barrage, pour autant qu’il

n’ait pas d’impact sur l’approvisionnement en eau de l’Égypte.

• Par ailleurs, le débit du Nil s’est considérablement amoindri en raison de la baisse des

précipitations dans le nord du Soudan.

Déroulé des évènements

• Pour répondre au Grand barrage de la Renaissance et améliorer l’irrigation des terres, le

Soudan décide en 2027 de la construction du barrage Omar el-Béchir en amont immédiat

de Khartoum, en hommage au président récemment décédé.

• L’Égypte s’oppose à la construction du barrage, arguant du fait qu’il réduirait

considérablement le volume d’eau disponible en Égypte, déjà réduit en raison du plus

faible débit du Nil provoqué par la baisse des précipitations et du barrage de la

Renaissance éthiopien.

• Le Soudan, allié à l’Éthiopie, demande une renégociation du traité de 1959, que l’Égypte

refuse.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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• L’Égypte envoie un commando pour dynamiter les travaux de construction du barrage. Le

dynamitage du barrage provoque l’inondation de plusieurs villages, et la mort de

centaines de villageois.

• Le Soudan décide de répliquer militairement, appuyé par l’Éthiopie.

Conséquences pour la France

• Le Soudan s’est durablement installé comme le premier pays d’origine des demandeurs

d’asile en France.

• Suite à la pression de l’opinion publique et de plusieurs personnalités, la France met en

place un pont aérien à partir de son ambassade à Khartoum.

• La France appuie l’envoi d’une force de maintien de la paix internationale, à laquelle elle

participe avec des troupes au sol.

Réponses opérationnelles à fournir

• Envoi de plusieurs contingents sur le terrain.

• Mobilisation de plusieurs avions dans des opérations de reconnaissance et de

bombardement.

• À terme, participation à une mission de maintien de la paix par l’envoi d’une centaine de

Casques bleus.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

88

Annexes

1. Liste des personnes interrogées ........................................................................................... 890

2. Institutions égyptiennes en charge de la lutte contre le changement climatique .... 89

3. Principaux documents et communications élaborés par le gouvernement égyptien

dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ...................................................... 90

4. Liste non exhaustive de projets internationaux de lutte contre les impacts du

changement climatique en Égypte .................................................................................................. 90

5. Populations dépendant de l’aide humanitaire à Djibouti en 2017 ................................ 91

6. Principaux projets d’adaptation de Djibouti ....................................................................... 92

7. Éthiopie. Anomalie pluviométrique de mars à septembre 2015 par rapport à la

moyenne des précipitations en 1981 et 2014 .................................................................................. 93

8. La situation humanitaire au Darfour, octobre 2017 ........................................................... 94

9. Exemples de projets d’adaptation prévus dans le PANA du Soudan (2007)……………95

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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1. Liste des personnes interrogées

- Guillaume Blanc, historien, maître de conférences en histoire environnementale à

l’Université Rennes II

- Nicolas Drunet, chef de l’unité « Changement climatique » à Expertise France

- Amina Said Chire, géographe, Université de Djibouti.

- Eric Force, attaché de défense en Centrafrique

- Charles Obila, Intergovernmental Authority on Development (IGAD), Djibouti.

- Pierre Ozer, géographe, spécialiste de Djibouti, Université de Liège.

- Alula Pankhurst, anthropologue, Université d’Addis-Abeba.

2. Institutions égyptiennes en charge de la lutte contre le changement

climatique

• Comité national pour la gestion intégrée des zones côtières en 1996, sous l'égide de

l'Agence égyptienne des affaires environnementales (EEAA) ;

• Comité national des changements climatiques en 1997, réformé en 2007 ;

• Conseil pour l'efficacité énergétique (CEE) composé d'organismes publics et privés

associés au secteur de l'énergie en 2000 pour améliorer l'efficacité énergétique en

Égypte et notamment une coopération entre les institutions égyptiennes ;

• Comité national du Mécanisme de Développement Propre en 2005 dans le cadre du

Protocole de Kyoto ;

• Conseil de Sécurité National en 2014 lors de la promulgation de la nouvelle

constitution (disposant d’une unité sur la sécurité alimentaire et hydrique chargée

notamment des problématiques liées au bassin du Nil) ;

• Conseil national sur le changement climatique regroupant des représentants de tous

les ministères et départements concernés en 2015.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

90

3. Principaux documents et communications élaborés par le gouvernement

égyptien dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

• Trois communications nationales dans le cadre de la Convention-cadre des Nations

Unies sur les changements climatiques en 1999

(http://unfccc.int/resource/docs/natc/egync1.pdf), 2010

(http://unfccc.int/resource/docs/natc/egync2.pdf) et 2016

(https://unfccc.int/files/national_reports/non-

annex_i_parties/biennial_update_reports/application/pdf/tnc_report.pdf) ;

• Étude nationale sur l'environnement, l'économie et le développement pour le

changement climatique (NEEDS) en 2010

(https://unfccc.int/files/cooperation_and_support/financial_mechanism/application/

pdf/egypt_final_report_needs.pdf) ;

• Stratégie pour la gestion des crises / catastrophes et la réduction des risques de

catastrophes en 2010

(https://www.preventionweb.net/files/13353_nationlstrategyforcrisisdisasterman.pdf) ;

• Stratégie égyptienne pour l’adaptation au changement climatique et la réduction des

risques de désastre en 2011

(http://www.climasouth.eu/docs/Adaptation011%20StrategyEgypt.pdf) ;

• Contributions prévues au niveau national dans le cadre de l’accord de Paris en 2015

(http://www4.unfccc.int/ndcregistry/PublishedDocuments/Egypt%20First/Egyptian%20I

NDC.pdf) ;

• Examen national des Objectifs de Développement Durable en 2016

(https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/10738egypt.pdf) ;

• La Vision de l’Egypte 2030 en 2016. (http://sdsegypt2030.com/wp-

content/uploads/2016/08/English-Booklet-2030.compressed.pdf).

4. Liste non exhaustive de projets internationaux de lutte contre les impacts du

changement climatique en Égypte

• Climate Change Adaptation and Natural Disasters Preparedness in the Coastal Cities

of North Africa study;

• Climate change adaptation and preparedness for natural disasters in the coastal cities

of North Africa project;

• Monitoring the risks of climate change and sea level rise above that of groundwater

and agriculture in the Nile Delta;

• Projet pilote sur l'évaluation et le développement d'une stratégie pour faire face à

l'impact de l'élévation du niveau de la mer sur les mouvements humains en Égypte ;

• Projet UE-PNUD de renforcement des capacités concernant le changement climatique

afin d’identifier des opportunités pour des actions d'atténuation appropriées au niveau

national (NAMAs) ;

• Projet USAID « Egyptian Environmental Policy Program ».

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5. Populations dépendant de l’aide humanitaire à Djibouti en 2017

Source : OCHA

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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6. Principaux projets d’adaptation de Djibouti

Source : Réseau Climat et Développement, 2015.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

93

7. Éthiopie. Anomalie pluviométrique de mars à septembre 2015 par rapport à la

moyenne des précipitations en 1981 et 2014

Source: FEWS NET “Ethiopia Special Report Illustrating the extent and severity of the 2015 drought”, December 2015,

p. 1.

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Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense

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8. La situation humanitaire au Darfour, octobre 2017

Source : OCHA.

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RE5 – Prospective Afrique de l’Est

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9. Exemples de projets d’adaptation prévus dans le PANA du Soudan (2007)