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1Raconte-moi ton 80 - Les résultats | « 40 millions d’automobilistes »

2 Raconte-moi ton 80 - Les résultats | « 40 millions d’automobilistes »

Copyright « 40 millions d’automobilistes », 2020

Réalisé par « 40 millions d’automobilistes ». Crédits photo : « 40 millions d’automobilistes »


Avant-propos

LES 80 KM/H, UNE MESURE IDÉOLOGIQUE SANS FONDEMENT SCIENTIFIQUE

La mesure fut évoquée pour la première fois en 2013 par Manuel VALLS, alors ministre de l’Intérieur. Il jugeait que la baisse des limitations de vitesse était « inéluctable sur les routes, sur le réseau secondaire, sur le réseau principal, mais aussi en ville […]. » Selon lui, une fois mis en œuvre, l’abaissement de la vitesse maximale autorisée « représentera[it] une baisse de la mortalité et des accidents » ; l’objectif affiché était de passer sous la barre symbolique des 2 000 morts dans les accidents de la route en 2020.

Annoncée officiellement le 09 janvier 2018 par le Premier ministre Édouard PHILIPPE, la réduction de la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h sur toutes les routes secondaires à double sens de circulation sans séparateur central avait immédiatement suscité la colère des automobilistes et de vives polémiques au sein de la classe politique. Si bien que le 12 avril 2018, le président de la République Emmanuel MACRON – interrogé lors d’une édition spéciale du journal télévisé de 13 h sur TF1 – espérant calmer les hostilités, avait déclaré à ce sujet : « si ça ne marche pas, on ne continuera pas ».

Finalement entrée en vigueur sur l’ensemble du réseau routier secondaire français le 1er juillet 2018, la mesure devait « sauver 350 à 400 vies par an ». Objectif louable certes, mais irréaliste. Au regard non seulement de la défiance que la mesure inspirait (et inspire toujours) à la grande majorité des usagers de la route, mais aussi à l’entêtement du Gouvernement à nier le fait que les accidents de la route sont la conséquence d’une multitude de facteurs et qu’agir sur la vitesse seule ne peut en aucun cas avoir l’efficacité escomptée.

Il avait pourtant été déjà largement démontré que l’abaissement de la limitation de vitesse ne permettait pas de réduire sensiblement le nombre d’accidents de la route. L’expérience de nos voisins européens (allemands et britanniques notamment) est à ce titre des plus probantes : alors que les limitations de vitesse des réseaux routiers ruraux germaniques et anglais sont supérieures aux nôtres – respectivement 100 et 97 km/h – le nombre de morts recensés dans les accidents de la route par million d’habitants y est nettement inférieur (39 morts pour 1 million d’habitants en Allemagne et 28 au Royaume-Uni, contre 50 en France).

Ne tenant pas compte de la réalité de ces données, la Sécurité routière française avait jugé nécessaire de mener sa propre expérimentation entre juillet 2015 et juin 2017. La limitation de vitesse avait ainsi été abaissée de 10 km/h sur une infime partie du réseau routier français (86 km à travers 4 départements), ce qui n’avait bien entendu pas permis de mettre en exergue un quelconque effet de la mesure sur l’accidentalité routière. Des résultats insatisfaisants que la Sécurité routière s’était alors bien gardée de rendre publics… Mais c’était sans compter sur

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la vigilance de l’association « 40 millions d’automobilistes », qui avait dénoncé l’hypocrisie de l’Institution et par là-même son positionnement purement idéologique à l’égard des 80 km/h.

L’ENTÊTEMENT GOUVERNEMENTAL MALGRÉ DES RÉSULTATS ACCABLANTS

C’est donc sans surprise qu’au terme du premier semestre de mise en œuvre de l’abaissement généralisé de la limitation de vitesse, les résultats rapportés par l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière (ONISR) montraient, non pas une diminution du nombre des accidents et des tués sur les routes, mais bel et bien une augmentation de 5 décès sur les routes françaises métropolitaines et d’Outre-mer par rapport au même semestre l’année précédente.

Et si l’on avait pu imputer ce résultat médiocre au nécessaire temps d’adaptation des usagers de la route à la nouvelle réglementation, la tendance à la hausse du nombre de tués s’est en réalité accrue au fil des mois. C’est ainsi que l’année 2018 s’est achevée, après 6 mois de mise en œuvre des 80 km/h, sur une hausse de + 61 tués sur les routes françaises (soit 3 488) par rapport à 2013 (année « référence », au cours de laquelle on a recensé le moins de décès sur les routes métropolitaines et d’Outre-mer : 3 427 ; la vitesse maximale autorisée sur le réseau routier secondaire étant alors de 90 km/h). L’année 2019 – première année pleine de l’exercice des 80 km/h sur les routes secondaires – a quant à elle été marquée par 3 498 décès, soit une augmentation de + 71 tués dans des accidents de la route, par rapport à 2013.

On est ainsi bien loin non seulement de l’objectif de réduction de « 350 à 400 vies » perdues par an, mais aussi du plus faible nombre de victimes de la route, enregistré en 2013. Cela n’a pas empêché la Sécurité routière de crier « victoire » en usant d’une honteuse manipulation des chiffres, ce qui n’augure rien de bon pour la fin de l’expérimentation, malgré le souhait de transparence émis par Emmanuel MACRON face à Jean-Pierre PERNAUT en avril 2018.

Pire que simplement inefficace, la mesure, une fois généralisée à l’ensemble du réseau secondaire français, s’est également avérée beaucoup plus coûteuse que ce que les études gouvernementales affirmaient.

UN COÛT ÉCONOMIQUE IMPORTANT POUR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE

En France, tous les grands projets d’investissement et mesures de transport doivent, selon la Loi d’Orientation sur le Transport intérieur (dite LOTI), faire l’objet d’une analyse prévisionnelle coûts/avantages rigoureuse ; la réglementation des limitations de vitesse sur les routes n’y déroge pas.


Avant-propos

L’économiste Rémy PRUD’HOMME s’est livré à l’exercice dans le cadre des travaux menés par le Comité indépendant d’évaluation des 80 km/h (CIE). Ses conclusions sont sans appel : il estime, d’une part, que la baisse de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires n’est de nature à ne provoquer qu’une baisse de 4 km/h des vitesses moyennes pratiquée. En conséquence, ce sont « seulement » une centaine de vies qui pourraient être sauvées chaque année grâce à la mesure, soit 4 fois moins qu’escompté par ses partisans. Multipliés par la valeur officielle de la vie (fixée à 3,3 millions d’euros en France) et en tenant compte du nombre de blessés évités, les décès épargnés par le passage à 80 km/h permettraient un « bénéfice » de 600 millions d’euros pour la société française.

D’autre part, cette somme est à mettre en perspective avec le coût de la mesure, qui dépend dans sa majeure partie du temps supplémentaire perdu dans les transports, car d’une baisse de la vitesse de circulation résulte obligatoirement un accroissement du temps passé à se déplacer. Rémy PRUD’HOMME a ainsi calculé que les Français passeront 300 millions d’heures de plus sur la route (l’équivalent de 200 000 années de travail) ; multiplié par la valeur officielle du temps de transport, cela représente un coût annuel pour la société de 4,4 milliards d’euros.

Le bilan des gains et des coûts de la mesure est donc largement négatif, avec un coût net de 3,8 milliards d’euros par an.

À noter que cette évaluation ne tient pas compte de l’augmentation attendue des recettes liées à la hausse du nombre de contraventions adressées aux usagers de la route pour excès de vitesse suite à la baisse de la limitation de vitesse. Un coût pour les automobilistes – mais un bénéfice pour le budget de l’État ! – estimé par le journal Le Figaro à 335 millions d’euros annuels.

RACONTEMOITON80.COM, LE SITE TESTIMONIAL

Rejetée dès l’origine par une très grande majorité d’usagers de la route – près de 80 % d’entre eux se disent opposés à l’abaissement de la limitation de vitesse – la mesure des 80 km/h ne cesse de nourrir l’hostilité des Français à la politique gouvernementale de sécurité routière.

Perte de temps, aggravation des phénomènes de congestion routière, relâchement de l’attention des conducteurs, recrudescence des comportements dangereux, augmentation des verbalisations liées à la vitesse, illisibilité et multiplication des prescriptions de limitation de vitesse, surconsommation de carburant… les motifs de mécontentement des automobilistes sont nombreux.

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Avant-propos

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Pour mieux comprendre ce que les 80 km/h ont changé dans le quotidien des Français et pourquoi, près de 2 ans après la mise en œuvre de la mesure, la nouvelle réglementation ne passe toujours pas, l’association « 40 millions d’automobilistes » a entrepris de redonner la parole aux principaux intéressés, à ceux qui font la sécurité routière chaque jour : les usagers de la route.

Fidèle à son rôle de porte-parole des automobilistes, l’association a ainsi mis à leur disposition le site Internet www.racontemoiton80.com, sur lequel les usagers étaient invités à relater leur expérience de la route et des 80 km/h.

En pleine crise sanitaire de la COVID-19, les problématiques de déplacement et de sécurité routière n’étaient naturellement pas au cœur des préoccupations quotidiennes des Français. Mais si le site Internet créé par « 40 millions d’automobilistes » n’a pas recueilli autant de témoignages qu’attendus en période normale, les contributions déposées par les automobilistes n’en demeurent pas moins éloquentes. Celles reproduites dans ce livret se veulent représentatives de l’opinion générale exprimée par les automobilistes et ont pour but de sensibiliser les décisionnaires et dirigeants politiques aux difficultés quotidiennes induites par la mise en œuvre des 80 km/h sur les routes du réseau secondaire.


Le temps perdu

Le relâchement de l’attention

L’aggravation de la congestion routière

La recrudescence des comportements dangereux

La problématique « poids-lourds »Une mesure inadaptée à la diversité de l’infrastructure routière

Un nouvel outil de répression routière

Des routes de plus en plus dégradées

L’impact sur la consommation de carburant et les émissions polluantes des véhicules

L’illisibilité de la signalisation routière concernant les limitations de vitesse

L’incitation à prendre l’autoroute

Carte destemoignages


Le temps perdu

« En roulant à 80 km/h plutôt qu’à 90 km/h […], il y a peu de différence dans le temps de trajet ». C’est ce que martèle la Sécurité routière dans sa campagne de promotion des 80 km/h. Pourtant, l’expérience individuelle de la conduite selon la limitation de vitesse abaissée semble toute autre…

« Le passage à 80 km/h m’a obligé à prendre plus souvent les autoroutes pour mon activité professionnelle. Avant, je prenais régulièrement la route. Mais l’allongement du temps de trajet à 80 km/h me pénalise un peu plus. »Jean F. (21)

« Je parle du temps perdu que je chiffre pour moi (vitesse normale et 80 km/h) à facilement 15 % à 20 % de mon temps passé sur la route. C’est juste énorme !!! »Michel F. (44)

« Actuellement, j’effectue un trajet domicile/travail de 80 km par jour, avec environ 30 % d’autoroute à 130 km/h, 30 % sur le périphérique lillois […], 20 % de ville […] et 20 % de zone à 80 km/h. En 1995, il était possible de boucler le trajet en 50 min/jour en respectant la limitation de vitesse sans encombrement. Maintenant, dans les mêmes conditions de circulation qu’en 1995, j’en suis arrivé à un temps de trajet de 100 minutes. Mon temps de trajet a doublé. »Laurent F. (59)

Le 80 km/h allonge considérablement mon temps

de trajet : je suis passée de 30 minutes à plus de

40 minutes de trajet quotidien. » - Camille C. (26)


Loin de favoriser la sécurité des usagers, l’abaissement de la limitation de vitesse est davantage perçu par les automobilistes comme un nouvel outil de répression routière, visant à renforcer – s’il en était besoin – la rentabilité des radars.

« Mon avis est que cette mesure est beaucoup plus avantageuse pour la verbalisation massive d’automobilistes qui ne sont pas les vrais criminels de la route... »Jean-Daniel M. (88)

« Cette limitation ne fait qu’aggraver la situation, dans la mesure où elle condamne les bons conducteurs au profit des pouvoirs publics (contraventions abusives à 81 km/h) et des habituels irresponsables qui jonglent avec les radars et roulent très vite entre 2 contrôles automatiques. »Francis G. (54)

« Je suis très en colère contre cette mesure des 80 km/h. Je me suis fait flasher 2 fois et j’ai dû payer 2 contraventions. La première fois pour avoir roulé à 81 au lieu de 80 km/h et la deuxième à 85 au lieu de 80 km/h. Je ne suis pas un cas isolé, de très nombreux autres conducteurs sont dans la même situation que moi. Est-on vraiment plus dangereux si on dépasse la vitesse limite de 1 km/h ? C’est scandaleux. Dans ces conditions, comment ne pas penser que c’est uniquement pour remplir les caisses de l’État et non pour lutter contre l’insécurité routière ? »Didier C. (01)

« Une mesure complètement ridicule d’un gouvernement entêté et uniquement préoccupé par les rentrées d’argent que pourraient procurer les flashs des radars. »Robert B. (31)

La vraie raison, c’est qu’en abaissant à 80 km/h, les

radars sont plus susceptibles de flasher, c’est tout ! »

- Christophe C. (44)

Un nouvel outilde repression routiere


Une mesure inadaptee a la diversitede l infrastructure routiere

Avec plus d’un million de kilomètres, le réseau routier français est l’un des plus denses au monde. Autant dire que les routes se suivent, mais ne se ressemblent pas. Largeur, qualité de revêtement, marquage au sol, entretien, densité de circulation… Les situations de conduite sont profondément différentes en fonction des routes parcourues. Pourtant, avec la mise en œuvre des 80 km/h de manière généralisée sur l’ensemble du territoire français, c’est désormais la même limitation de vitesse qui s’applique sur le réseau secondaire, sans prise en compte des particularités. Une hérésie pour de nombreux automobilistes.

« Certaines routes à 80 km/h, c’est trop peu. D’autres à la même vitesse, c’est trop. 80 pourquoi pas, mais quand cela est nécessaire. Pas de façon systématique. De la cohérence, de la crédibilité. À force de décisions injustes, les règles ne sont plus suivies. La fantaisie de la loi nuit à son respect. »Roger C. (71)

« Belles et larges routes à 2 voies, entretien des emprises, marquages parfaits = 80 km/h. Routes étroites, faible entretien et sans marquage ne permettant pas le croisement de 2 voitures sans quasi-arrêt = 80 km/h. Bilan = incohérence. »Michel G. (65)

« Appliquer cette limitation de vitesse à 80 km/h sur l’ensemble du réseau routier est quelque part incohérent, car le réseau routier est très varié et la dangerosité est très différente d’une route à l’autre. Sur certaines routes secondaires, il est dangereux de rouler à 80. »Jean-François J. (14)

Ce 80 fiche en l’air, à mon avis, tout le travail cohérent et

peu contesté effectué depuis longtemps par les services

routiers départementaux, de passage de 90 à 70 des

sections inadaptées au 90. » - Jean-François O. (29)


« Rouler moins vite pour être moins polluant et plus économe ». C’est l’un des slogans de la campagne de la Sécurité routière pour la promotion des 80 km/h. Dans le détail, l’Institution promet en moyenne 120 € d’économie par an et jusqu’à - 30 % d’émission de CO2. Mais entre l’inadéquation des boîtes de vitesse à la nouvelle réglementation et la recrudescence des embouteillages, le gain pour l’automobiliste est loin d’être évident.

« La plupart des véhicules sont conçus pour être plus économique à 90 km/h. Pour ma part, j’ai constaté que je ne pouvais pas rouler en 6ème rapport à 80 km/h et donc je consomme de l’ordre de 8 % de plus à 80 km/h en 5ème qu’à 90 km/h en 6ème. »Jean-François D. (31)

« Je constate qu’à 80 km/h, ma vieille Xantia est en sous-régime et je suis sans cesse contraint de repasser la quatrième (bruit, pollution, consommation). »Bruno P. (83)

« Le fait de rouler à 80km/h est un non-sens : anti-mécanique, surconsommation... »Philippe T. (32)

« Autre point négatif : pour conserver le régime moteur optimal selon la courbe de couple avec une boîte de vitesse manuelle, il faut être en 4ème, car en 5ème le régime est trop bas, donc encrassement. »Christian R. (77)

« 80 km/h : une décision qui a pour conséquence de me faire rouler sur le rapport de vitesse inférieur et donc de rouler plus longtemps avec un régime moteur plus élevé (environ 500 à 700 tr/min de plus). […] Somme toute, une décision qui n’est ni utile, ni efficace, ni économique, ni écologique ! »Bernard B. (31)

L impact sur la consommation de carburant et les emissions polluantes des vehicules

Temps rallongés, embouteillages provoqués et donc

également pollution. Et surtout les boîtes de vitesse

ne sont pas faites pour le 80 ! On consomme donc

davantage de carburant ! » - Mireille D. (72)


L illisibilite de la signalisation routiere concernant les limitations de vitesse

Le système qui consistait à faire évoluer les vitesses maximales autorisées de 20 en 20 assurait une bonne compréhension de la réglementation de la part des usagers. Pour les automobilistes, l’introduction d’une limitation de vitesse intermédiaire et la multiplication des panneaux de signalisation sur le bord des routes a largement participé à la dégradation de la lisibilité et de l’acception de la loi.

« 30-80-50-80-70-50-80-50-70-80-50-80-90-80-70-80-70-80-50. Voilà les limitations que je franchis de mon travail à mon domicile ; il y a 18 km, sur une départementale. Je traverse 2 agglomérations. Je passe donc mon temps à observer la signalisation, adapter ma vitesse et bien la vérifier, car le radar chantier se déplace régulièrement. Je ne fais plus que ça et je suis donc moins attentif aux aléas de la route, car je scrute mon compteur. »Nicolas G. (73)

« Je me déplace entre Le Péage de Roussillon dans l’Isère et Valence dans la Drôme par la RN7. L’ajout d’une limitation de 80 km/h à celles déjà existantes fait que dorénavant vous roulez à 50, 70, 80, 90, 110. Soit un changement de vitesse très fréquent pour une distance de 50 km. Impossible de mettre le limiteur, donc une très grande attention au compteur au détriment de la circulation. »Thierry V. (38)

« Une [des] conséquences des 80 km/h est la multitude de changements de limitation de vitesse sur les routes : 50, 70, 80 et 90 km/h. Ce phénomène est pénible. Comment peut-on adhérer à ces changements de vitesse, en particulier au 70 km/h, étant donné le faible écart avec les 80 km/h ? »Jean F. (21)

Il y a beaucoup trop de panneaux de limitation de

vitesse sur les routes : 50-70-80-90, quand ce n’est

pas 30 ou même 20 en ville ! La vigilance s’en trouve

diminuée. » - Françoise G. (76)


Conduite nerveuse et impatiente, manœuvre de dépassement risquée, non-respect des distances de sécurité… Les comportements routiers dangereux semblent être en recrudescence depuis la mise en œuvre de la limitation de vitesse abaissée. Vous avez dit « sécurité routière » ?

« L’insécurité règne en maître. Alors qu’avant, les distances de sécurité étaient globalement respectées, aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. Les gens collent les autres véhicules et prennent davantage de risques pour faire des dépassements. Étant aussi professionnel de la route, j’ai une vision plutôt globale de la situation. Le risque a nettement augmenté. Des véhicules dépassent dans des zones interdites, alors que ce n’était pas le cas avant. »Éric M. (52)

« Je suis technicien d’intervention et passe donc, à ce titre, une très grande partie de mon temps sur la route. Depuis l’instauration du 80 km/h, j’ai assisté au retour de certaines pratiques disparues depuis une dizaine d’années (grands excès de vitesse, dépassements dangereux...). Tout ceci me fait clairement penser que, non seulement cette mesure est complètement inefficace, mais qu’en termes de mentalité des usagers, on a fait un bond de 10 ans en arrière, du fait d’une mesure, je pense, totalement injuste et donc parfaitement incomprise. »Arnaud L. (47)

« J’observe et constate (…) que les comportements les plus dangereux sont avant tout causés par l’inattention des conducteurs non vigilants à leur univers extérieur, ce qui n’est pas en rapport avec les 80. Et même si cette vitesse inférieure atténue l’impact, elle fait également baisser la vigilance... Je pense aussi que les graves accidents sont liés à des vitesses largement excessives et ne seront pas évitées grâce à cette baisse de 10 km/h ! »Yoann J. (87)

La recrudescence descomportements dangereux

Cette situation provoque des comportements

dangereux : non-respect des règles de sécurité comme

le dépassement sur les lignes blanches, téléphone au

volant (déport sur la voie de gauche), augmentation des

grands excès de vitesse… En conclusion, les 80 km/h

ont fait augmenter les ressources financières de l’État,

mais augmenter aussi le non-respect des autres règles

du Code de la route. » - Bernard B. (04)


Le relachement de l attention

Si quelques (très rares) usagers vantent les mérites tous subjectifs d’un retour à des déplacements plus « doux » et plus « zens », la grande majorité des usagers motorisés constatent au quotidien l’impact négatif de la mesure sur l’attention qu’ils portent – et que les autres portent – à la route.

« Les trajets deviennent soporifiques et, par là-même, dangereux. »Sylvie B. (60)

« Par ma profession, je suis un grand rouleur en France et en Allemagne – environ 120 000 km par an – et mon constat concernant les 80 km/h est totalement négatif. Rouler en France est devenu fatigant et stressant, ce qui entraîne une baisse de vigilance, à l’inverse de l’Allemagne. »Patrick L. (67)

« Je n’ai jamais aussi mal conduit qu’aujourd’hui, car en roulant si ‘ lentement ’, je suis distraite soit par le paysage, soit par quelque-chose qui a accroché mon regard. Je parle davantage avec mon/mes passager(s), je vais laisser vagabonder mon esprit et tout cela m’entraîne à un manque de vigilance certain. »Odile F. (13)

Cette obligation de ralentir n’a fait qu’accentuer les

risques de ‘ décrochage ’ de l’attention sur l’espace

routier. Nous avons plus souvent le regard sur le

compteur […]. » - Pascal J. (74)


Si les nationales et départementales sont passées à 80 km/h pour tous les automobilistes, les poids-lourds, eux, roulaient déjà à cette allure. Depuis le 1er juillet 2018, il n’y a donc plus de différence de vitesse entre poids-lourds et véhicules légers, renforçant le sentiment d’insécurité des usagers de véhicules légers.

« Camions ‘ agressifs ’ et effectuant des dépassements souvent dangereux. »Claude B. (18)

« Depuis le 80 km/h, tous les camions collent au pare-chocs sur la RCEA. Je repasse régulièrement à 90 km/h, afin de me sentir en sécurité. »Yoann T. (71)

« Pourquoi contraindre les automobilistes à cette limitation en abaissant de 10 km/h, sans également contraindre les poids-lourds à cette même réduction de vitesse ? 10 km/h entre véhicules légers et poids-lourds permettent le dépassement des camions, de rendre la circulation plus fluide et moins stressante. Si le temps de roulage des poids-lourds est économiquement mesurable, la sécurité des automobilistes l’est aussi. »Jérôme F. (74)

« Les camions collent les voitures, car les routiers roulent au régulateur de vitesse GPS (soit 80 réels). Je vois même parfois des camions doubler des voitures ! »Laurent S. (65)

« Le 80 km/h a rendu les routes extrêmement dangereuses, notamment avec la circulation des poids-lourds : soit ils sont proches de l’arrière de la voiture, donc avec un risque d’accident en cas de freinage soudain, soit ils roulent à 70 km/h sur une route avec possibilité de dépassement et belle visibilité, mais le temps est trop long, à 80 km/h, pour effectuer ce dépassement, sachant que celui-ci doit-être réalisé dans les plus brefs délais (voir Code de la route) pour ma sécurité et celle des autres. »Jean-Marcel F. (85)

J’ai davantage peur des poids-lourds qui restent

scotchés à mon pare-chocs arrière et qui n’hésitent

pas à me doubler, c’est impressionnant... »

- Pierre L. (03)

La problematique « poids-lourds »


L aggravation de la congestion routiere

La perte de temps constatée est principalement due à l’apparition ou à l’aggravation des situations de congestion routière, les véhicules se trouvant désormais souvent bloqués les uns derrière les autres par des camions que les voitures ne peuvent plus doubler ou par des conducteurs obnubilés par les radars, ce qui engendre également des situations à risques.

« Depuis le 80 à l’heure, aux heures de pointe (hors centres-villes et certains giratoires), de longues files de conducteurs, parfois interminables avec des camions tout le temps, tous les jours et de plus en plus nombreux. »Domy F. (24)

« Il y a des files interminables derrière des camions, si bien qu’on prend des risques supplémentaires pour dépasser... »Francis L. (82)

« Depuis le 80 km/h, les automobilistes n’osent plus doubler les camions de peur d’être contrôlés à grande vitesse lors du dépassement. En conséquence, des files de voitures interminables se déplacent à 60 km/h environ, ce qui provoque :- Des dépassements dangereux pour ceux qui remontent ces files ;- Une grande nervosité, dangereuse, pour tous les automobilistes ;- Une perte de temps dans les déplacements de tous, économiquement préjudiciable. »Yves D. (45)

« De nouvelles situations à risque, [tel] le dépassement d’un poids-lourd qui cache une voiture qui roule trop lentement. Le poids-lourd suit trop près et le dépassement est plus long ! On ne découvre le véhicule léger qu’une fois trop engagé pour freiner et se rabattre derrière le poids-lourd, où d’ailleurs les véhicules suivants ont comblé ma place. »Philippe C. (89)

Des risques démesurés pris par certains conducteurs

lors de dépassements pour ne plus rester derrière de

longues files de véhicules qui roulent bien en-dessous

des 80 km/h la plupart du temps. » - Mickaël J. (72)


Alors que la France s’était hissée pendant de nombreuses années au 1er rang mondial des routes les mieux entretenues (selon le classement du World Economic Forum), elle a sombré en 2019 à la 18ème place. En cause : une dégradation constante et dramatique de la qualité des infrastructures routières, qui n’a pas échappée aux usagers et qu’ils jugent bien plus accidentogène qu’une limitation de vitesse « trop élevée ».

« L’entretien du réseau routier améliorerait la sécurité sur les routes. »Violette F. (45)

« Les routes secondaires sont de plus en plus défectueuses et donc dangereuses, même à 80 km/h. Alors plutôt que de vouloir verbaliser à tout prix, pourquoi ne pas les remettre en état ? »Michel D. (51)

« Qui nous prouve que 80 km/h est la vitesse optimale ? Si l’on poursuit le raisonnement, on finit à 0 km/h ! En attendant les routes se dégradent, ce qui est beaucoup plus accidentogène. »François K. (44)

« Le 80 km/h, c’est surveiller son compteur plus que la route, alors que de plus en plus d’obstacles sont placés sur les routes (chicanes, trottoirs dans les virages...) et que la chaussée se dégrade à vue d’œil. »Émilie G-R. (27)

Des routes de plus en plus degradees

Le problème crucial actuel, en termes de sécurité, est

la très forte dégradation des routes, insuffisamment

entretenues. » - Jean-Claude P. (86)


L incitation a prendre l autoroute

Sentiment d’insécurité accru, temps des trajets quotidiens rallongé… Les usagers sont de plus en plus nombreux à opter – à contrecœur – pour les autoroutes, pour retrouver la sérénité et l’efficacité dans leurs déplacements routiers.

« Cette limitation à 80 km/h ne m’apporte aucun sentiment de sécurité supplémentaire. Au contraire, sur de longs trajets, elle encourage la distraction au volant, l’ennui et la somnolence. […] La seule solution qui s’offre au conducteur prudent et soucieux de sa sécurité est de prendre l’autoroute, dont les coûts sont devenus prohibitifs. »Étienne C. (77)

« Les 80 km/h m’ont fait privilégier les autoroutes payantes, car il n’est pas possible de rouler sur les routes départementales à 80 km/h. Cette baisse de vitesse a amené une baisse de vigilance et induit des recherches de distractions afin d’occuper le temps. »Bernard G. (33)

« Il n’y a aucune sécurité en plus sur les routes par rapport à cette diminution. Au contraire c’est beaucoup plus dangereux […]. De plus, cela m’oblige à prendre l’autoroute pour ma sécurité et regagner le temps perdu sur une nationale ou départementale. »Michel B. (95)

Temps de parcours allongé (…). Lassitude et ennui sur

le trajet. La solution : l’autoroute ? Pour moi, c’est 25 €

et 50 km de plus x2… » - Guy L. (37)

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Conclusion

2 ANS D’EXPÉRIMENTATION, UNE HOSTILITÉ PERSISTANTE… ET APRÈS ?

Près de 2 ans après l’entrée en vigueur de l’abaissement de la limitation de vitesse de 90 à 80 km/h sur les routes du réseau secondaire et alors que l’expérimentation voulue par le président de la République doit prendre fin en juillet 2020, la grande majorité des Français restent profondément opposés à la nouvelle réglementation.

Les motifs de rejet de la mesure sont multiples. Du point de vue des automobilistes, les 80 km/h semblent rendre les déplacements routiers moins efficaces, plus compliqués et parfois même plus dangereux et plus coûteux. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur vie quotidienne, professionnelle comme familiale. Si encore des effets notoires de l’abaissement de la limitation de vitesse sur la sécurité routière avaient pu être identifiés à l’échelle locale comme nationale, peut-être l’accueil des usagers à cette contrainte supplémentaire aurait-il été différent. Mais les données statistiques ne semblent malheureusement pas évoluer dans ce sens.

Face au rejet quasi-unanime de la limitation de vitesse abaissée et au manque de résultats, certains élus départementaux ont d’ores et déjà amorcé le retour à 90 km/h des routes dont ils ont la charge, le Premier ministre ayant ouvert la voie à un assouplissement de la loi (non sans de lourdes contraintes) en mai 2019. C’est le cas notamment de la Haute-Marne, de la Corrèze et du Cantal depuis janvier 2020, et du Loir-et-Cher et de l’Orne depuis le mois de juin 2020.

Au regard des piètres résultats obtenus par la mesure en termes de sécurité routière et de l’opposition massive des usagers de la route aux 80 km/h, il est à souhaiter que les présidents des Conseils départementaux soient à l’avenir nombreux à prendre cette décision. Mieux : le bon sens, l’honnêteté intellectuelle et le respect de la parole donnée par les Pouvoirs publiques imposeraient que la mesure soit purement et simplement abandonnée au terme de l’expérimentation si celle-ci ne permet toujours pas de mettre en évidence une réduction de l’ordre de « 350 à 400 » tués par an sur les routes, comme promis par le Gouvernement.

En tout état de cause, la sécurité routière ne peut se faire sans l’assentiment de ceux qui la pratiquent chaque jour : les usagers. S’il est parfaitement concevable que certains points réglementaires doivent encore évoluer pour favoriser la sécurité de tous – on pense en premiers lieux à la conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants, ou encore à l’usage du téléphone au volant – l’État doit également prendre sa part des responsabilités dans la stagnation du nombre des accidents de la route et, notamment, remédier aux situations à risque créées par une politique lacunaire en termes d’entretien du réseau routier.


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