propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d'un matériau...
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
CHAPITRE 4
COMPORTEMENT ACOUSTIQUE
Les différents éléments dont nous disposons à ce stade de l’étude montrent que le
béton de chanvre est un matériau doté d’une porosité importante. Partant de ce constat et
compte tenu des similitudes avec le béton de bois, l’étude des propriétés acoustiques a été
orientée vers le comportement en absorption. Ce chapitre présente les résultats de notre
démarche exploratoire dans ce domaine. Celle-ci est basée sur un travail essentiellement
expérimental et n’a pas donné lieu à une modélisation théorique contrairement aux propriétés
mécaniques et thermiques.
La première phase de notre travail s’est attachée à définir les paramètres pertinents du
point de vue acoustique et à les évaluer pour les différents constituants (cf. chapitre 1) et pour
les formulations variables de béton de chanvre. La perméabilité est immédiatement apparue
comme un paramètre clé du comportement acoustique. Son rôle a été effleuré dans le
chapitre 1 et sera plus amplement détaillé dans la première partie de ce chapitre. La nature de
la porosité du matériau a également été considérée compte tenu de ses répercussions sur le
comportement en absorption. A partir de ces deux paramètres caractéristiques, l’évolution du
coefficient d’absorption du béton de chanvre en fonction de la fréquence, de la formulation et
de l’épaisseur des échantillons est analysée.
Cette analyse des résultats expérimentaux a conduit à une réflexion sur le
comportement acoustique du matériau. Pendant des années les acousticiens ont travaillé sur
des matériaux possédant une porosité simple, ce qui signifie que les pores macroscopiques
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participant au fonctionnement acoustique possédaient une seule taille caractéristique. Le
poreux est alors assimilable à un fluide équivalent, à partir duquel on modélise les propriétés.
Ce concept sera développé dans la première partie du chapitre. Plus récemment, les
acousticiens se sont intéressés à des matériaux à double porosité [AURIAULT &
BOUTIN, 92], [BOUTIN & al., 96] et [BOUTIN & OLNY, 99]. Ces derniers possèdent deux
échelles distinctes de pores (une de taille microscopique et l'autre de taille mésoscopique). La
pression entre ces deux types de pores n'est pas uniforme et des phénomènes de diffusion
doivent alors être pris en compte. Le comportement du matériau devient beaucoup complexe à
modéliser. Les difficultés liées à ce type de microstructure seront détaillées dans ce dernier
chapitre.
Le chapitre est structuré en deux parties. Dans un premier temps, différents rappels
théoriques sur l'acoustique sont faits et les principaux paramètres sont définis. Dans un second
temps, les résultats expérimentaux sont présentés. Une analyse est effectuée et quelques
hypothèses sont émises quant au comportement en absorption du béton de chanvre.
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
1. RAPPELS SUR LES ONDES ACOUSTIQUES
1.1. Définitions
L'état de référence en équilibre thermodynamique du milieu atmosphérique se
caractérise par une température T0 de 20°C, une pression P0 ≈ 105 Pa et une masse volumique
ρa ≈ 1,28 kg.m-3. Toute vibration d’un corps dans ce milieu entraîne des variations locales de
pression qui se propagent dans l’air. Ces perturbations captées par l’oreille, donnent la
sensation de bruit. Un son pur correspond à une variation sinusoïdale de la pression
acoustique autour d’une position d’équilibre. Le champ de pression présente une dépendance
spatiale et temporelle.
p(t, x) = Pmax.sin(ωft - kx) (IV.1)
avec Pmax : amplitude maximale de l'onde
ωf: pulsation de l'onde
k: nombre d'onde
La distance entre deux extrema consécutifs correspond à la longueur d’onde λf (en m).
La fréquence du signal f et sa longueur d’onde λf sont reliées entre elles par la constante c0
(≈ 342 m.s-1), qui représente la célérité de l’onde dans l’air :
f
fc
fc
ωπλ 00 2== (IV.2)
L’oreille humaine est sensible aux ondes dont la fréquence est comprise entre 20 et
16 000 Hz. On définit alors trois domaines de fréquences :
- 20 à 400 Hz : GRAVES ⇒ λ compris entre 0,85 et 17 m
- 400 à 2000 Hz : MOYENNES ⇒ λ compris entre 0,17m et 0,85m
- Au-delà de 2000 Hz : AIGUËS ⇒ λ inférieur à 0,17m
Le son correspond à une superposition de signaux de fréquences différentes. Il faut
donc étudier ses caractéristiques selon f. Cependant, les acousticiens préfèrent travailler sur
des intervalles de fréquences appelés octaves et tiers d’octaves. Ces intervalles sont de largeur
relative constante avec :
= constante (IV.3)
avec fi+1 et fi : limites de la bande de fréquences i
iif
ff −+1
On a fi+1 = 2 fi dans le cas des octaves et fi+1 = 2½ fi pour les tiers d’octave, ce qui
permet alors de définir de manière normalisée ces intervalles. Le travail par bandes de
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fréquences permet de faciliter la représentation du son et la comparaison des performances
acoustiques des matériaux. Dans le domaine du bâtiment, on utilise la plage de fréquences
allant de 100 à 4 000 Hz. Le tableau suivant donne la correspondance entre octaves et tiers
d’octave dans cette gamme.
Fréquences (Hz)
1/3 d’octave 100 125 160 200 250 315 400 500 630 800 1000 1250 1600 2000 2500 3150 4000 5000
octave 125 250 500 1000 2000 4000
Tab.IV. 1: Définition normalisée des octaves et tiers d’octaves
1.2. Isolation et correction acoustique
La propagation du son est perturbée lorsque des obstacles se dressent sur son passage.
L'onde incidente génère une onde réfléchie sur la surface du matériau et une onde transmise
au travers de celui-ci.
onde transmise (Et)
onde réfléchie (Er)
onde incidente (Ei)
Fig.IV. 1 : Comportement d’une onde en incidence oblique à la surface d’un matériau
Le bilan énergétique correspondant à cette situation est:
Ei = Er + Et (IV.4)
Or, certains matériaux possèdent la faculté de dissiper une partie de l'énergie de l'onde
incidente. On parle alors d'absorption acoustique. Le bilan énergétique est alors modifié de la
manière suivante:
Ei = Er + Et + Ea (IV.5)
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
On parle d'isolation acoustique lorsque l'énergie transmise (Et) devient négligeable
devant les autres composantes. Ceci se produit lorsqu'on désire limiter la propagation du son
de part et d'autre d'un obstacle (cas du mur entre deux pièces). Pour ce faire, on utilise des
matériaux de forte inertie, que l'onde incidente ne peut pas mettre en mouvement. Il n'y a
donc pas d'onde transmise par effets vibratoires. C'est l'effet de masse.
On parle de correction acoustique lorsqu'on cherche à réduire les nuisances du bruit
émis dans le local que l'on cherche à traiter. Le but est de limiter la création d'ondes réfléchies
sur les parois de la pièce car elles interfèrent avec les ondes incidentes et gênent
l'intelligibilité du discours (problème de l'écho). Des matériaux poreux sont alors employés
(laines…) car ils ont la faculté de dissiper une partie de l’énergie de l’onde incidente
(phénomène d’absorption). Toutefois, il faut noter que ce type de matériaux permettent
d'augmenter Ea et de diminuer Er mais qu'ils n'ont quasiment pas d'incidence sur Et qui reste
généralement élevée. En effet, les matériaux absorbants se caractérisent par une forte porosité
et une perméabilité élevée. Ils ont donc tendance à laisser passer une partie des ondes
incidentes. De plus, ces matériaux légers vibrent facilement.
Dans le cas particulier où l'énergie de l'onde transmise Et est négligeable, (IV.5) se
réécrit de la manière suivante:
Ei = Er + Ea (IV.6)
soit i
a
i
r
EE
EE +=1
(IV.7)
On définit alors le coefficient de réflexion R et le coefficient d'absorption α:
i
r
EER =
(IV.8)
i
a
EE
=α (IV.9)
Par définition, α est un coefficient adimensionnel, variant entre 0 et 1. La valeur 0
correspond à un matériau totalement réfléchissant et la valeur 1 correspond à un matériau
totalement absorbant. L’absorption dépend de la fréquence principalement. Ceci signifie
qu’un même échantillon peut être par exemple faiblement absorbant aux basses fréquences et
fortement aux hautes fréquences. Ceci explique pourquoi la valeur de α doit toujours
s’accompagner de la fréquence à laquelle la mesure est réalisée. L’absorption acoustique α se
mesure de manière continue sur toute la gamme de fréquences comprises entre 100 et
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2000 Hz à l’aide d’un appareil nommé tube à impédance ou tube de Kundt. Ce dispositif
possède la particularité de limiter la transmission des ondes (Et ≈ 0) et de se placer en
incidence normale (ondes incidente et réfléchie ont même direction de propagation). On
calcule alors la valeur de α par octave afin de comparer les matériaux entre eux.
La masse volumique du béton de chanvre, après prise, est inférieure à 800 kg/m3.
Cette valeur est trop faible pour que le matériau puisse réaliser de l’isolation acoustique par
effet de masse. Un panneau de béton de chanvre aura tendance à transmettre les ondes par
phénomène vibratoire. Cependant, ce matériau possède une forte porosité ouverte, l’onde
incidente pénètre dans le matériau et s’amortit le long des capillaires par effets visqueux. Ceci
explique que cette étude se focalise sur le caractère absorbant du matériau.
1.3. Lien entre porosité, perméabilité et comportement acoustique
Un matériau peut être qualifié de milieu poreux s’il est constitué à la fois d’une phase
solide et de vides appelés pores. Ces pores sont saturés par de l'air. Il existe deux familles de
pores dans un matériau, influant de manière différenciée sur le comportement acoustique :
- Pores connectés
- Pores occlus
Tout d'abord, un matériau possédant une forte porosité est léger. Il aura donc tendance
à vibrer sous l'effet des ondes incidentes. Ce type de matériau ne peut donc pas être employé
tel quel pour de l'isolation acoustique.
Ensuite, l'absorption acoustique est due aux frottements visqueux existant entre le
fluide et le squelette solide, car ils ont des vitesses de déplacement différentes. Cet
amortissement n'existe donc que si l'onde acoustique peut pénétrer dans le réseau poreux et il
est d'autant plus fort que la surface de contact entre le fluide et le solide est grande.
L'absorption acoustique est donc favorisée lorsque le matériau possède une porosité ouverte
φouverte élevée et une perméabilité Π suffisante. Ainsi, l'onde pénètre facilement dans le
matériau et dispose d'un large espace pour s'amortir. C’est pourquoi les matériaux absorbants
sont employés pour régler les problèmes d'écoute à l'intérieur d'un local en limitant la
réverbération des sons (réflexion négligeable). Ils dissipent une partie de l'énergie acoustique
incidente et transmettent l'autre partie de par leur perméabilité.
Cependant, un phénomène de diffraction peut se produire si la longueur d'onde λf est
du même ordre de grandeur que la taille des pores en surface. Dans le cadre de cette étude, la
fréquence de l'onde excitatrice varie entre 100 et 2000 Hz, ce qui correspond à des longueurs
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
d'ondes comprises entre 0,17 et 3,42 mètres. La taille des pores est au maximum de quelques
millimètres. Les conditions sont donc remplies pour éviter le phénomène de diffraction.
Le dernier élément à considérer concerne la taille caractéristique des pores. Si le
matériau possède une seule taille caractéristique de pores, le milieu est dit à simple porosité.
L'écoulement du fluide peut se caractériser par l'équation de Navier-Stokes et on peut calculer
en tout point du réseau la pression du fluide. En revanche, l'existence de deux tailles
caractéristiques de pores modifie le comportement acoustique global du matériau. On
distingue alors les macropores et les micropores. Or, la pression dans les deux types pores est
différente. Des phénomènes de diffusion de pression entre les deux réseaux se superposent
donc aux phénomènes de propagation d'ondes. Ceci influe en particulier sur l'absorption
acoustique. Dans le cas d’un simple poreux, α augmente avec la fréquence d’une manière
régulière. Dans le cas d’un double poreux, des pics d’absorption sont observables.
Le comportement acoustique étant relativement complexe, le cas d'un écoulement
dans un tube cylindrique va être traité afin d'exposer les phénomènes se produisant lors de la
propagation du son. Ceci permettra de comprendre les mécanismes physiques mis en jeu et de
définir les paramètres qui sont utilisés dans la caractérisation des propriétés acoustiques.
1.4. Le comportement acoustique des matériaux à simple porosité
1.4.1. Hypothèse de squelette rigide
Les matériaux poreux sont constitués d’une phase fluide et d’une phase solide. Dans le
cas général, on considère que le squelette est un solide élastique donc déformable et pouvant
être mis en mouvement. [BIOT, 56] a alors démontré que trois ondes se propagent dans le
milieu poreux, deux ondes de compression et une onde de cisaillement générées par les
déplacements du solide et du fluide. Cependant, les mouvements du squelette peuvent parfois
être négligeables. Dans ces conditions, seule une onde de compression se propage dans le
fluide dont les mouvements sont découplés du solide considéré comme rigide. Il existe une
fréquence fd dite de découplage, définie par Zwikker et Kosten en 1949, au-delà de laquelle
cette hypothèse est vérifiée :
2
2
πρσφ=df
(IV.10)
avec σ : résistance au passage de l’air (N.s.m-4)
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φ : porosité totale du matériau
ρ : masse volumique du matériau poreux (kg.m-3)
Des mesures expérimentales ont été réalisées sur différentes formulations de béton de
chanvre. Les résultats des mesures de σ et Φ seront détaillés ultérieurement. Cependant, un
calcul de fd est réalisé pour trois formulations afin d’obtenir un ordre de grandeur de fd :
Nom fd (Hz)A3-0,75 1,66
Dalle 0,60Enduit 0,78
Tab.III. 1: Fréquence de découplage de quelques formulations de béton de chanvre
Dans le cas du béton de chanvre, la fréquence fd vaut quelques hertz. On considère
donc que l’hypothèse de squelette rigide est vérifiée pour ce matériau.
1.4.2. Effets visco-inertiels pour un fluide guidé dans un cylindre
L’air est un fluide Newtonien compressible de viscosité η. Ce fluide est mis en
mouvement dans le réseau poreux. Le squelette solide reste immobile. Il existe donc des
différences de vitesses entre ces deux phases qui provoquent un amortissement par contraintes
visqueuses. Soit un cylindre de rayon r, de longueur L et d’axe (oz). Les parois du cylindre
sont rigides. Les mouvements du fluide visqueux newtonien (i.e. l’air) sont régis par
l’équation de Navier-Stokes linéarisée pour les petites perturbations :
j ) ()( 0 vpvv ωρςηη =∇−⋅∇∇++∆ (III.11)
avec η : viscosité dynamique de l’air
ζ : coefficient de viscosité de volume
p et v : pressions et vitesses acoustiques
L’air contenu dans le cylindre est soumis à une excitation macroscopique (gradient de
pression) de taille caractéristique (longueur d’onde λf) grande devant r. En effet, la taille
minimale caractéristique de l'onde est λf ≈ 0,17 m et la taille maximale des pores est de
quelques millimètres. On a donc λf / r > 100. L’équation de propagation en coordonnées
cylindrique introduit l'épaisseur de couche visqueuse δv. Cette dernière caractérise l’épaisseur
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
de fluide à partir de la paroi sur laquelle l’écoulement est perturbé par des effets visqueux. δv
est fonction de la fréquence. On a :
0
ωρηδ =v
(IV.12)
En comparant δv à r, on en déduit le profil du champ des vitesses dans le tube.
Lorsque δv << r (cas des hautes fréquences), l’écoulement n’est perturbé qu’au
voisinage très proche de la paroi. La vitesse est uniforme dans toute la section du tube. C’est
un régime d’écoulement inertiel.
Lorsque δv >> r (cas des basses fréquences), l’écoulement est perturbé sur l’ensemble
de la section du tube. Les effets visqueux sont prépondérants et le profil de vitesse est
parabolique (Fig.IV.2).
Fig.IV. 2: Profil du champ des vitesses dans un tube cylindrique selon la fréquence
Hautes Fréquences
Basses FréquencesRc
(OZ)
L’épaisseur de couche visqueuse a été calculée pour des fréquences variant entre 100
et 2000 Hz :
f (Hz) ω (rad.s-1) δv (µm)100 628 154
2000 12566 354000 25133 24
Tab.IV. 2: Épaisseur de couche visqueuse
Le diamètre des capillaires de la particule varie entre 10 et 40 µm
[GARCIA JALDON, 95]. L’épaisseur de couche visqueuse est donc équivalente sur la
gamme de fréquences testées (100 à 2000 Hz). On peut donc considérer que l’écoulement est
perturbé dans l'ensemble des capillaires de la particule et les effets visqueux sont
prépondérants.
Le liant présente des pores de rayon inférieur au dixième de millimètre (air intra-
liant). On peut donc considérer que les effets visqueux sont prépondérants aux basses
fréquences. En hautes fréquences, le régime d’écoulement est intermédiaire.
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Le béton de chanvre présente des pores de taille caractéristique de l’ordre du
millimètre (air macroscopique), ce qui est 10 à 100 fois supérieure à δv. Le régime
d’écoulement est alors majoritairement inertiel.
1.4.3. Effets thermiques pour un fluide guidé dans un cylindre
En plus des effets visco-inertiels, des phénomènes thermiques entrent en jeu lors de la
sollicitation du fluide. En effet, le squelette solide et le fluide avant sollicitation sont
maintenus à une température d’équilibre T0. Lors de la propagation de l’onde acoustique, l’air
présent dans les pores subit des cycles de compression / détente donc des variations de
température, tandis que le solide reste à température T constante. Ceci entraîne un
déséquilibre thermique entre les deux phases et des modifications de la température
acoustique du fluide τ dans les pores. Lorsque le fluide est au repos, τ = 0. Les perturbations
thermiques subies par l’air sont régies par l’équation de la chaleur linéarisée :
p-Cj p ωτωρτλ j 0 =−∆
(IV.13)
avec τ : température acoustique de l’air (K)
λ : coefficient conductivité thermique de l’air
Cp : chaleur spécifique de l’air à pression p constante
Par un raisonnement similaire à celui effectué pour les effets visco-inertiels, on définit
l'épaisseur de couche thermique δt. Elle caractérise l’épaisseur de fluide à partir de la paroi
sur laquelle le champ des températures est perturbé. δt varie en fonction de la fréquence. On
a :
ωω
δρλ a
ca
at
0== (IV.14)
avec a : diffusivité thermique de l’air.
La diffusivité thermique caractérise la propension d’un matériau à répondre d’une
manière rapide ou non à une sollicitation thermodynamique. Les matériaux comme le béton
pour lesquels les échanges sont lents ont des valeurs de diffusivité autour de 7.10-7 m2.s-1
(Tab.I.8). Les matériaux pour lesquels les échanges sont rapides (i.e. le cuivre) ont des
diffusivité de l’ordre de 1,2.10-4 m2.s-1.
Lorsque δt << r (cas des hautes fréquences), le cycle de sollicitation est suffisamment
rapide pour que la transformation soit considérée comme adiabatique.
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
Lorsque δt >> r (cas des basses fréquences), le cycle de sollicitation est suffisamment
lent pour que la transformation soit isotherme.
L’épaisseur de couche thermique dans l'air est déterminée pour des fréquences variant
entre 100 et 4000 Hz :
f (Hz) ω (rad.s-1) δt (µm)100 628 183
2000 12566 414000 25133 29
Tab.IV. 3 : Épaisseur de couche thermique
En comparant l’épaisseur de couche thermique aux différentes tailles de pores
rencontrées dans le béton de chanvre, on parvient aux conclusions suivantes. Dans les
capillaires de la particule végétale, la transformation est isotherme (δt < 40 µm). Dans les
pores du liant de taille inférieure au dixième de millimètre, la nature de la transformation est
dépendante de la fréquence d’excitation. Dans les pores de taille supérieure au millimètre, la
transformation est adiabatique.
2. ELEMENTS DE METROLOGIE
La caractérisation des propriétés acoustiques du béton de chanvre est basée sur une
approche expérimentale. Des paramètres représentatifs tels que la perméabilité, la porosité et
le coefficient d’absorption sont mesurés. Les différents dispositifs employés au cours de
l’étude sont donc décrits dans cette partie, ainsi que les principes de mesure.
2.1. Dispositifs expérimentaux
2.1.1. Le tube de Kundt
Ce dispositif est un des moyens de référence de mesure en incidence normale des
propriétés acoustiques d’un matériau. Il permet d’évaluer le coefficient d’absorption α d’un
matériau sur toute la gamme de fréquences testées. La méthode de mesure repose sur le fait
qu’en deçà d’une fréquence particulière appelée fréquence de coupure propre à chaque type
de tube en fonction de sa géométrie et indépendamment du matériau testé, l'onde propagée est
une onde plane. Le fait de travailler en incidence normale avec des parois rigides permet de se
situer dans un cadre connu, pour lequel on sait traduire le phénomène de propagation de
manière théorique. La direction de propagation des ondes incidente et réfléchie est la même.
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De plus, l’échantillon est placé sur un support rigide imperméable, ce qui supprime les ondes
transmises.
onde réfléchie (Er)
onde incidente (Ei)
onde transmise (Et)
Fig.IV. 3 : Comportement d’une onde en incidence normale à la surface d’un matériau
L’appareil est constitué d’un tube rigide fermé de section carrée de 85 mm de côté et
1,20 m de long (Fig.IV.4). Les parois sont les plus réfléchissantes possibles. La fréquence de
coupure correspond à cette taille de tube est de 2020 Hz. Le signal utilisé a une fréquence
allant de 100 à 2000 Hz, ce qui est inférieur à la fréquence de coupure. On mesure en deux
points le champ de pression acoustique dans le tube aux abords de l’échantillon sous l’effet
d’ondes stationnaires. On connaît alors les fonctions de transfert des signaux émis et réfléchi
donc le coefficient d’absorption α du matériau.
Terminaison rigide
Echantillon
Trois positions de microphone
12
3
Haut-parleur
Analyseur
Générateur
x
0
sl
Fig.IV. 4: Tube de Kundt (photo et schéma de principe) et système d’acquisition et de mesures de l’absorption
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
L’échantillon à tester est placé à une des extrémités du tube. A l’autre extrémité du
conduit est placée la source (haut-parleur à membrane carrée et plate) créant le champ plan de
pression acoustique. On mesure la pression acoustique à l’aide d’un microphone dont on fait
varier manuellement la position. Le microphone est fixé sur le tube par un système de vis
creuses permettant un démontage facile et de sorte que la membrane affleure à l’intérieur du
tube. La mesure est réalisée en deux fois au lieu d’une mesure en deux points simultanément
car l’utilisation d’un seul microphone que l’on déplace permet d’éviter les problèmes de
calibration entre les capteurs [OLNY, 99].
Chaque échantillon est placé dans un moule étanche. Les parois du moule sont collées
les unes avec les autres par des joints en silicone. De plus, il est souhaitable que l’échantillon
adhère le plus possible aux parois afin d’éviter les parasites crées par l’action des ondes sur
d’éventuelles poches d’air qui seraient présentes le long des faces du moule. Les échantillons
sont donc conservés dans leur moule d’origine pendant la prise et de séchage. Enfin,
l’étanchéité entre les pièces du système (moule, tube, haut-parleur) est assurée par des joints
élastiques de robinetterie. On évite ainsi les fuites d’air, qui auraient tendance à augmenter le
coefficient d’absorption mesuré par le dispositif.
Chaque éprouvette de matériau est testée avec deux gammes d'échantillonnages de
fréquences successifs. Une première série de mesures est faite à l’aide d’un signal hautes
fréquences. Une deuxième mesure est réalisée en utilisant un signal en basses fréquences. Ce
double échantillonnage permet d’augmenter la précision des résultats.
2.1.2. Le porosimètre
Ce dispositif permet d’évaluer la porosité ouverte φouverte d’un matériau. La mesure est
effectuée en déterminant le volume d’air contenu dans une enceinte, avec et sans
l’échantillon. Cette enceinte est conçue pour être adiabatique. Elle est munie d’un piston
permettant de faire varier son volume intérieur. En déplacant ce piston et en mesurant
l’augmentation de pression qui en résulte, on accède au volume d’air dans la cavité.
On suppose pour cela que la transformation est isotherme, et que l’air suit la loi de
Boyle-Mariotte. Dans ces conditions, on a :
(IV.15) 0 0 0 0( )(PV P P V V= + ∆ + ∆ )
d’où l’on peut déduire V0 .
En mesurant successivement le volume d’air de l’enceinte avec et sans échantillon, on
détermine le volume Vs occupé par le squelette du matériau, et on en déduit la porosité
correspondant à l’air non occlus (air dans les pores connectés) :
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- V
VVt
stouverte =φ (IV.16)
où Vt est le volume total de l’échantillon.
Fig.IV. 5: Banc de mesure de la résistance au passage de l’air σ et de la porosité
1PD
Echantillon
Capteurs différentiels de pression
Réservoir d’air
Vis micrométriqueet piston
Fig.IV. 6: schéma de principe du porosimètre
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
2.1.3. Le perméamètre
Cet appareil permet de mesurer la résistivité au passage de l’air σ d’un matériau en
imposant un débit massique au travers de l’échantillon. Des capteurs mesurent la chute de
pression aux bornes de cet échantillon pour un écoulement de type laminaire (débit limité à
1,8 cm3/s) et l’utilisation de (I.10) permet de déduire σ (résistance au passage de l’air).
air comprimé
Débitmètre massiqueDébitmètre laminaire
Capteurs différentiels de pression
Echantillon
1PD 2PD
Q Rc Rx
Fig.IV. 7: Principe de mesure de la résistance au passage de l’air σ
L’hypothèse de l’écoulement laminaire est vérifiée en évaluant la valeur du nombre de
Reynolds. Ce coefficient adimensionnel est défini de la manière suivante, pour un tube de
diamètre d :
d D 4 ηπ
ρ=Re (IV.17)
avec ρ : densité de l’air
D : débit de l’écoulement
η : viscosité dynamique de l’air
On obtient donc Re = 0,15 / d pour un débit D de 1,8 cm3/s. Or, un écoulement laminaire se
caractérise par Re >> 1 c’est-à-dire d << 0,15 m, ce qui correspond à nos conditions d’essais.
2.2. Échantillons testés
Des prismes de surface carrée de 8,5 cm de côté et de hauteur L valant 10, 20 et 30 cm
ont été fabriqués pour le tube de Kundt. Le matériau frais est compacté de la même manière
que pour les essais mécaniques, c’est-à-dire à l’aide d’une presse développant une contrainte
de 0,05 MPa (soit 5t/m²). Les échantillons ainsi obtenus sont constitués des couches de
matériau de 5 à 6 cm d’épaisseur, testés sous incidence normale (Fig.IV. 8). Des cylindres de
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4,6 cm de diamètre et 20 cm de haut sont fabriqués pour les mesures de perméabilité et de
porosité.
Couche de compactage
Support rigide
DIRECTION DE PROPAGATION DE L'ONDE
Fig.IV. 8: Sens des tests au tube de Kundt
Compte tenu de la durée du plan expérimental lié aux conditions de fabrication des
échantillons, les propriétés acoustiques vont être évaluées sur quelques formulations
judicieusement choisies. Les échantillons de matériau sont conservés dans leur moule pour
des problèmes d’étanchéité, ce qui ralentit le séchage (faible surface d’évaporation). Cinq
formulations de béton de chanvre, de concentration volumique en liant Cliant variable, sont
étudiées :
- Toit (Cliant = 9 %)
- A3-0,75 / Mur / Dalle (Cliant = 20, 21 et 26 %)
- A3-2 (Cliant = 40 %)
A ces formulations de béton de chanvre sont ajoutés des échantillons Enduit, utilisés
en tant que revêtement de surface (Cliant = 51 %). Il aura donc un rôle important à jouer dans
le comportement acoustique du béton de chanvre in-situ, étant donné le lien existant entre les
propriétés acoustiques et l’état de perméabilité de la surface.
Certains problèmes expérimentaux exposés plus loin, n’ont pas permis de tester tous
les échantillons sur tous les appareils. Les tableaux suivants font la synthèse des essais
réalisés :
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CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
Nom 10 cm 20 cm 30 cmToit x x x
A3-0,75 x x xMur x x xDalle x xA3-2 x x
Enduit x x
Tab.III. 2: Nature des échantillons testés en absorption au tube de Kundt
Nom Porosité PerméabilitéToit x
A3-0,75 x xMur xDalle x xA3-2
Enduit x x
Tab.III. 3 : Nature des échantillons testés en porosité et perméabilité
L’homogénéité des échantillons a été vérifiée en comparant les masses volumiques
initiales ρ0 et lors des essais ρ1 (après prise du liant). Ceci permet de conclure à une bonne
reproductibilité de la fabrication des échantillons acoustiques, tout comme c’était le cas en
mécanique.
3. RESULTATS EXPERIMENTAUX
3.1. Paramètres géométriques du matériau poreux
3.1.1. Porosité ouverte du béton de chanvre
Les valeurs expérimentales de la porosité ouverte Φouverte sont comparées à la valeur
de la porosité estimée des échantillons Φestimée, obtenue en considérant le volume total d'air
disponible dans le matériau, c'est-à-dire l'air intra-particule, l'air intra-liant et l'air
macroscopique, et en le divisant par le volume total des échantillons. Le calcul repose sur
l'hypothèse que les particules ne subissent pas de variation de volume sous l’effet du
compactage lors de la mise en œuvre. Les résultats comparatifs sont fournis ci-dessous :
- 207 -
Toit 0,80 0,85 5,9%A3-0,75 0,79 0,82 3,7%Mur 0,77 0,79 2,5%Dalle 0,77 0,79 2,5%A3-2 - 0,67 -Enduit - 0,59 -
Mesures expérimentales
Calcul théorique Ecart (%)
Tab.III. 4 : Comparaison entre les valeurs expérimentales de φouverte et les valeurs calculées de manière théorique φestimée
En premier lieu, ces mesures confirment l'ordre de grandeur de la porosité du béton de
chanvre, qui s'échelonne suivant les formulations de 67 à 80 %.
En second lieu, ces résultats expérimentaux permettent de faire une hypothèse quant à
la nature du réseau de pores. En effet, le porosimètre mesure le volume d'air non occlus. Or,
ce volume d'air non occlus est du même ordre de grandeur que la porosité estimée Φestimée.
Ceci signifie donc que les pores contenus dans les particules, ceux contenus dans le liant et
les pores macroscopiques sont connectés. On peut donc en déduire que les particules
végétales ne sont pas rendues étanches par le liant. Les capillaires de la particule peuvent
participer au même titre que les autres pores au comportement acoustique global du matériau.
Or, le chapitre 1 a mis en lumière l’existence de plusieurs tailles de pores dans le matériau
selon que l’on considère l’air intra-particule, l’air intra-liant ou l’air macroscopique. Le béton
de chanvre possède donc des tailles caractéristiques des pores distinctes, ce qui pourrait
induire un comportement de type double-poreux.
Enfin, les valeurs expérimentales sont inférieures aux valeurs estimées avec un écart
compris entre 2 et 6 %. Celui-ci peut être consécutif à une légère compression des particules
lors de la mise en œuvre ou à un enrobage partiel des particules par le liant, qui boucherait
l’extrémité de certains capillaires.
Ces mesures de porosité permettent de conclure sur deux éléments importants
concernant le béton de chanvre. Tout d’abord, les pores contenus dans le matériau sont
connectés, ce qui donne des valeurs de porosité ouverte très élevées. Ensuite, le béton de
chanvre possède deux échelles caractéristiques de pores, l’une microscopique (de l'ordre de la
dizaine de micromètre) et l’autre mésoscopique (de l'ordre du millimètre). La question est de
savoir si le réseau microscopique participe effectivement au phénomène d’absorption
acoustique et donc si le béton de chanvre est un matériau à double porosité.
- 208 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
3.1.2. Perméabilité du béton de chanvre
La perméabilité à l’air Π est déterminée par mesure de la résistance au passage de l'air
σ, qui dépend à la fois de la microstructure et des caractéristiques de surface. Les mesures
expérimentales se sont révélées délicates compte tenu du mode de fabrication des
échantillons. Ceux-ci sont compactés par couche, chaque couche possédant une zone de plus
faible perméabilité en surface. Les échantillons de béton de chanvre sont ensuite disposés
dans le perméamètre de façon à ce que la direction d’écoulement de l’air soit perpendiculaire
au sens des couches de matériau. Ce mode d’essais a eu des répercussions sur les valeurs
expérimentales obtenues, à cause de problèmes d’interfaces entre les couches. En mesurant
les perméabilités dans un sens puis dans l’autre, les valeurs différaient. En fait, la précision du
dispositif de mesures est suffisante pour détecter de légères variations de perméabilité au
passage d’une couche à l’autre. Le résultat devenait donc dépendant du nombre de couches de
l'échantillon et de la qualité de l’interface entre ces couches. Pour limiter ces effets, les
éprouvettes ont été découpées afin de caractériser des échantillons prélevés à l'intérieur d'une
couche. Ceci a imposé l’utilisation d’épaisseurs inférieures à 5 centimètres. Cette valeur pose
le problème du motif générique, car les particules ont une taille caractéristique de l'ordre du
centimètre. On a donc testé deux échantillons par éprouvette, issus de deux couches
différentes afin de vérifier la cohérence des mesures entre elles. Les perméabilités des
couches étaient équivalentes, ce qui a confirmé que les écarts des premières mesures étaient
imputables aux effets d’interface. La valeur moyenne des perméabilités mesurées est fournie
ci-dessous :
A3-0,75 5900 3,1E-09Dalle 2800 6,6E-09Enduit 10800 1,7E-09
σ (N.s.m-4) Π (m2)
Tab.III. 5: Résistance au passage de l’air et perméabilité du béton de chanvre
Les valeurs de Π sont très élevées pour ce type de matériau en comparaison d’autres
matériaux de construction. Le béton cellulaire par exemple est peu perméable avec des
valeurs de l’ordre de 10-14 m2 (Tab.I.9) On obtient les mêmes ordres de grandeurs que ceux de
laines minérales, du type des laines de roche Rockwool, fortement perméables
(≈ 10-9 m2 pour une porosité φ = 90 %).
- 209 -
3.1.3. Tortuosité α∞
La détermination de la tortuosité α∞ du béton de chanvre s'est avérée impossible dans
le cadre de cette étude. En effet, la tortuosité est déterminée par analyse inverse à partir de
mesures d’impédance au tube de Kundt et du modèle phénoménologique de Johnson-Lafarge.
Ce modèle est basé sur l’hypothèse que le milieu poreux peut être assimilé à un fluide
équivalent dissipatif isotrope de densité ρéq(ω) et de compressibilité Kéq(ω). Ce couple de
paramètres (ρéq, Kéq) s'exprime en fonction des grandeurs caractéristiques du milieu poreux
(σ, φ). On obtient ainsi une bonne corrélation entre les résultats du modèle et le
comportement réel à hautes et basses fréquences. Pour les fréquences intermédiaires, la
modélisation devient très difficile à réaliser car il n'y a pas de comportement prépondérant. Il
faut donc tenir compte de tous les effets (visqueux, inertiels, thermiques…), ce qui rend les
calculs extrêmement complexes.
De plus, l’utilisation du modèle de Johnson-Lafarge est subordonnée à l’hypothèse
que le milieu est homogène. Si ceci est vérifié, on exprime la densité de fluide équivalent en
fonction de la fréquence par :
),,(
)( 0 Λ= ∞∞ ω
φω ααρρ Feq
(IV.18)
avec α∞ : tortuosité du milieu
F( ) : fonction de calcul
Λ : longueur caractéristique visqueuse (m)
La longueur caractéristique visqueuse Λ dépend de la géométrie du réseau de pores
uniquement. Elle est définie comme deux fois le rapport entre la vitesse moyenne volumique
de l’air dans un pore et la vitesse moyenne à la surface du pore. Sa valeur est déduite à partir
d’un calage entre les valeurs expérimentales et le modèle théorique dans le cas d'un fluide
parfait. La définition de ce paramètre caractéristique introduit une deuxième difficulté liée à
la typologie du réseau poreux. Pour que Λ existe, il faut que les pores participant au
comportement acoustique possèdent une taille caractéristique unique donc que le milieu soit à
simple porosité. Il faudrait donc que seules les pores mésoscopiques du béton de chanvre
agissent du point de vue acoustique.
Or, les mesures de perméabilité ont montré que le milieu ne se comportait pas comme
un simple poreux. Les courbes d’impédances présentaient des allures plus proches de celles
d’un double poreux que de celles d’un simple poreux. La détermination de la densité de fluide
- 210 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
équivalent ρéq de ce matériau et de la compressibilité Kéq n'a donc pas été possible, empêchant
le calcul par analyse inverse de la tortuosité.
3.2. Le coefficient d'absorption α
Le coefficient d’absorption est influencé par la nature du support sur lequel est posé
l’échantillon. Ce dernier se comporte donc comme un matériau multicouches, constitué d’un
matériau poreux et perméable, et d’un support rigide et imperméable. Les problèmes liés à la
différence d’impédance entre les deux éléments sont donc abordés dans un premier temps. Un
autre élément à considérer pour la validité des mesures est l’état de surface du matériau, qui
modifie son pouvoir absorbant. Son impact sur les signaux est démontré dans (§ 3.2.1).
Ensuite, les courbes continues d'absorption sont présentées afin d'étudier l'influence des
différents paramètres sur le pouvoir absorbant. Enfin, une comparaison des coefficients
d'absorption par octave est effectuée pour évaluer le pouvoir absorbant global du matériau et
le comparer à celui d’autres matériaux du génie civil.
3.2.1. Influence de l’état de surface
L'absorption étant liée aux caractéristiques de surface, des essais préalables ont été
effectués sur les échantillons, compte tenu des différences d'aspect observées entre la face
supérieure et la face inférieure des prismes. La face supérieure a été talochée lors de la mise
en oeuvre. Son aspect n'est donc pas parfaitement lisse de par la présence des granulats
végétaux. En revanche, la face inférieure des échantillons présente un aspect lisse car du liant
semble s'être accumulé au fond du moule. Les granulats sont mieux enrobés et sont moins en
contact avec le milieu extérieur. Cette face semble donc moins perméable que la précédente.
Pour vérifier cet écart de perméabilité, des échantillons sont testés successivement dans deux
sens. La direction de propagation de l'onde est perpendiculaire aux faces supérieure et
inférieure. Le sens 1 correspond au cas où la face la plus perméable est traversée par l'onde
incidente (l'autre face est donc en contact avec le support rigide). Le sens 2 correspond au cas
où la face la moins perméable est traversée par l'onde incidente. Une formulation riche en
liant (A3-2) et une intermédiaire (Dalle) sont testées.
- 211 -
Fig.IV. 9: Aspect de la face supérieure (a) et de la face inférieure (b) des échantillons
Des écarts de l'ordre de 15 % sont observables selon la face exposée à l'onde
incidente, pour des fréquences supérieures à 400 Hz. La suite de l'étude a été réalisée en ne
considérant que le sens 1 de propagation, afin de se rapprocher le plus possible des conditions
réelles d'utilisation. En effet, les techniques de briques préfabriquées ou de béton banché
employées à l'heure actuelle n'induisent pas d'accumulation de liant sur la surface du
matériau. Ce problème semble donc uniquement lié aux conditions de fabrication et de
conservation en laboratoire (échantillons non démoulés).
- 212 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
Fig.IV. 10: Coefficient d’absorption selon le sens de propagation de l'onde incidente pour A3-2 (e=10 cm)
Fig.IV. 11: Coefficient d’absorption selon le sens de propagation de l'onde incidente pour Dalle (e = 10 cm)
- 213 -
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
100 1000 10000Fréquence (Hertz)
α
Sens 1Sens 2
0.0
0.1
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
1.0
100 1000 10000Fréquence (Herz)
α Sens 1Sens 2
3.2.2. Courbes continues d’absorption
Les graphiques sont fournis par formulation pour les trois longueurs testées. Les
courbes d'absorption sont obtenues en moyennant les résultats recueillis sur plusieurs
échantillons.
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000Fréquence (Hertz)
α
Toit-20 cmToit-30 cmToit-10 cm
Fig.IV. 12: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Toit
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000Fréquence (Hertz)
α
A3-0,75-30 cm
A3-0,75-20 cm
A3-0,75-10 cm
Fig.IV. 13: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour A3-0,75
- 214 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000Fréquence (Hertz)
α
Mur-10 cmMur-20 cmMur-30 cm
Fig.IV. 14: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Mur
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000Fréquence (Hertz)
α
Dalle-10cm
Dalle-20cm
Fig.IV. 15: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Dalle
- 215 -
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000Fréquence (Hertz)
α
A3-2-20cm
A3-2-10 cm
Fig.IV. 16: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour A3-2
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000HERTZ
α
ENDUIT - 20 cm
ENDUIT - 10cm
Fig.IV. 17: Mesures d’absorption acoustique au tube de Kundt pour Enduit
- 216 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
3.2.3. Caractéristiques des courbes
Le coefficient d'absorption α varie fortement sur la gamme de fréquences utilisées.
L’analyse se fait donc en considérant les courbes continues d’absorption.
2.3.3.1. Influence de la formulation à épaisseur constante
Les courbes d’absorption présentent des pics d’amplitude et de position fréquentielle
variables selon les épaisseurs considérées.
Pour les échantillons de 10 cm d’épaisseur, deux pics d'absorption sont observables, le
premier localisé entre 300 et 500 Hz et le deuxième autour de 1500 Hz. Lorsque la
concentration volumique en liant augmente, les caractéristiques des pics évoluent.
Pour le premier pic, on observe que :
- la position fréquentielle a tendance à se décaler vers les basses fréquences
- la bande de fréquences correspondant au pic devient plus fine.
Pour le deuxième pic, on note :
- une diminution d’amplitude du pic (« effet de tassement »)
- une disparition du second pic pour les forts dosages en liant
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000HERTZ
α
Toit-10 cmMur-10 cmDalle-10cmA3-0,75-10 cmEnduit -10cmA3-2-10 cm
Fig.IV. 18: Absorption acoustique pour les échantillons de 10 cm d’épaisseur
Les échantillons de 20 centimètres d’épaisseur présentent un premier pic d’absorption
aux basses fréquences (100 – 200 Hz) et un deuxième pic, moins net aux fréquences
- 217 -
moyennes (600 - 900 Hz). Les variations sont quasiment identiques à celles observées sur les
échantillons de 10 centimètres, si ce n’est que les pics sont plus difficiles à distinguer.
On note une diminution de l’amplitude des pics lorsque la concentration volumique en
liant augmente, ainsi qu’un décalage vers les basses fréquences.
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000HERTZ
α
Toit-20 cmA3-0,75-20 cmMur-20 cmDalle-20cmEnduit - 20 cmA3-2-20cm
Fig.IV. 19: Absorption acoustique pour les échantillons de 20 cm d’épaisseur
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
100 1000 10000HERTZ
α
Toit-30 cm
A3-0,75-30 cm
Mur-30 cm
Fig.IV. 20: Absorption acoustique pour les échantillons de 30 cm d’épaisseur
Pour les échantillons de 30 centimètres, le niveau d’absorption est relativement stable
au-delà de 400 Hz. Le premier pic est observable pour les faibles dosages en liant et le
- 218 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
deuxième pic est inexistant. L’augmentation de la concentration volumique en liant a
tendance à stabiliser le niveau d’absorption acoustique sur toute la gamme de fréquences.
Les niveaux d’absorption ont tendance à diminuer lorsque la concentration en liant
augmente, et ce pour les trois épaisseurs testées.
2.3.3.2. Analyse dans le cas d’un double poreux
Le béton de chanvre n’a pas le comportement d’un matériau à simple porosité d’après
§ 3.1.3. En couplant ce résultat avec le fait que le matériau possède plusieurs tailles
caractéristiques de pores, on peut supposer que ce matériau est un milieu à double porosité.
En partant de cette hypothèse, il est alors possible d’expliquer certaines observations
expérimentales concernant les pics d’absorption, leur position et leur amplitude.
Les modifications de l’amplitude, de la position et de la largeur de bandes
fréquentielles des pics sont liées au matériau et à la géométrie de l'échantillon. Trois
paramètres interviennent :
- la mésoporosité φméso
- la taille des pores
- la résistivité des matériaux
L’augmentation de la concentration volumique en liant se traduit par :
- une diminution de la porosité ouverte du matériau donc de φméso (car le
volume des capillaires reste constant)
- une diminution de la perméabilité (i.e. une augmentation de σ).
La diminution de φméso intervient à deux niveaux sur les courbes d’absorption :
- glissement du premier pic vers les basses fréquences
- disparition du deuxième pic quand φméso devient trop faible (A3-2). On peut
donc considérer que φméso < 30 %, est une limite d’existence du second pic
De plus, l’amplitude des pics et leur largeur de bandes diminuent avec l’ajout de liant.
Ceci se produit généralement lorsque la taille des pores diminue. On peut penser que
l’entraîneur d’air contenu dans le liant crée des microbulles d’air qui diminuent la taille
moyenne des pores. On remplace le volume d’air occupé par l’air mésoscopique par du liant et
des bulles de taille plus réduite. La longueur caractéristique Λ dépendant uniquement de la
géométrie des pores va donc décroître. Or, cette longueur Λ influe sur la fréquence de diffusion
d'un milieu à double porosité, qui vaut :
- 219 -
Λ
= M
16 0f σ
πφméso
diffusionP (IV.19)
avec P0 : pression de l’air à T = 20°C
M : facteur de forme dépendant de la géométrie
Cette fréquence de diffusion détermine la limite à partir de laquelle les phénomènes de
diffusion de pression entre les mésopores et les micropores se produisent. Lorsque la taille
des pores augmente, Λ augmente donc fdiffusion diminue. Le pic d’absorption en basses
fréquences se décale alors vers les hautes fréquences et la largeur de bande de fréquences du
pic augmente.
2.3.3.3. Influence de l’épaisseur à formulation fixée
L’augmentation de l’épaisseur des échantillons se traduit par un tassement des pics
d’absorption pour les fréquences supérieures à 500 Hz et un décalage de la position
fréquentielle des pics vers les basses fréquences. Cependant, les effets ne sont pas aussi
marqués selon la quantité de liant.
Les formulations Toit et A3-75 présentent un décalage net des pics d’absorption vers
les basses fréquences et une stabilisation du niveau de α lorsque l’épaisseur augmente. Les
formulations Mur et Dalle présentent un décalage fréquentiel du premier pic d’absorption et
un tassement du second pic, jusqu’à atteindre un niveau d’absorption constant entre 500 et
2000 Hz (e = 30 cm). Les formulations A3-2 et Enduit présentent une diminution régulière de
l’absorption lorsque la fréquence augmente. L’augmentation de l’épaisseur décale le niveau
des courbes, tout en conservant la même pente.
Le décalage des pics vers les basses fréquences est un des effets de l’augmentation
d’épaisseur des échantillons.
La stabilisation du niveau d’absorption vient du fait qu’il existe une épaisseur limite
au-delà de laquelle les ondes ne pénètrent plus dans le matériau et ne peuvent donc plus être
amorties. Le niveau d’absorption devient constant. Il faut noter que cette valeur d’épaisseur
limite de 30 cm correspond à une configuration particulière d’un matériau poreux sur un
support rigide et imperméable, pour laquelle il n’y a pas d’ondes transmises.
- 220 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
3.3. Comparaison avec d’autres matériaux de construction
La représentation du coefficient d’absorption par octave permet de masquer les
variations locales d’absorption et de travailler sur les niveaux moyens de performances.
Les valeurs d’absorption sont supérieures à 0,50 pour des concentrations volumiques
en liant inférieures à 39 % (Tab.III. 6). Ces valeurs sont élevées en comparaison d’autres
matériaux de construction et s’expliquent par la forte perméabilité et la forte porosité ouverte
du matériau (Fig.IV. 24).
Les propriétés absorbantes de produits comme les briques, le contre-plaqué et le plâtre
sont quasi-inexistantes (α < 0,1) car ils sont peu perméables et ne laissent donc pas pénétrer
l’onde acoustique. Le béton cellulaire bien que très poreux (de l’ordre de 80% de vides)
présente une absorption limitée à 0,40. Ce résultat s’explique par le mode de fabrication de ce
matériau qui conduit à des pores non connectés entre eux. Le phénomène d’absorption par
frottements visqueux ne peut donc se produire car la perméabilité est trop faible (de l’ordre de
10-14 m2 contre 10-9 m2 pour du béton de chanvre). En revanche, le béton de bois présente des
coefficients d’absorption très élevés sur toute la gamme de fréquences justifiant ainsi son
emploi en tant que panneau isolant acoustique.
ρsec (kg/m3)Concentration volumique en
liantporosité totale φ
perméabilité (m2)
α
faibles dosages 250 9% 0,80 - >0,60
dosages intermédiaires 350 – 500 19% - 29% 0,70 - 0,79 3.10-9 à 6.10-9 0,50 - 0,90
forts dosages 600 - 660 40% 0,67 - 0,30 - 0,55Enduit 700 51% 0,59 2.10-9 0,35 - 0,55
Tab.III. 6: Bilan des caractéristiques acoustiques des bétons de chanvre
- 221 -
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
100 600 1100 1600Hertz
α
TOIT (10%)MUR (28%)DALLE (29%)A3-0,75 (22%)A3-2 (39%)ENDUIT
Fig.IV. 21 : Coefficient d’absorption par octave pour 10 cm d’épaisseur
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
100 600 1100 1600Fréquence (Hertz)
α TOIT (10%)A3-0,75 (22%)MUR (28%)DALLE (29%)A3-2 (39%)ENDUIT
Fig.IV. 22 : Coefficient d’absorption par octave pour 20 cm d’épaisseur
- 222 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
100 600 1100 1600Fréquence (Hertz)
α TOIT (10%)A3-0,75 (22%)MUR (28%)
Fig.IV. 23 : Coefficient d’absorption par octave pour 30 cm d’épaisseur
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
100 600 1100 1600Fréquence (Hertz)
α
Panneaux Béton Bois Système - Mur double face STRUCTA - e=13cmTOIT (25%)A3-0,75 (30%)MUR (33%)DALLE (34%)ENDUITA3-2(47%)Béton Cellulaire Siporex (e=5cm)
Fig.IV. 24 : Comparaison des coefficients d’absorption par octave de différents matériaux du génie civil
- 223 -
4. CONCLUSION
Les propriétés acoustiques du béton de chanvre ont été abordées du point de vue
expérimental au cours de cette thèse. Le but était de déterminer si ce matériau présentait un
intérêt quelconque en tant qu'isolant acoustique et le cas échéant dans quelle mesure. Compte
tenu de la grande porosité du béton de chanvre, l'étude du comportement en absorption a été
privilégiée. Ainsi, les valeurs des porosités, des perméabilités et du niveau d'absorption ont
été déterminées pour différentes formulations de matériau. On a ainsi pu tirer quelques leçons
concernant ce matériau. Tout d'abord, l'essentiel pour ne pas dire la totalité de la porosité du
matériau est ouverte. En conséquence, la perméabilité du béton de chanvre est de l'ordre de
10-9 m2 et le coefficient d'absorption varie entre 0,3 et 0,9 selon le dosage et la fréquence.
De plus, des pics d'absorption en basse fréquence (f ≈ 400 Hz) et en moyenne
fréquence (f ≈ 1200 Hz) sont observables tant que l'épaisseur de matériau est inférieure à
20 cm. Ces valeurs sont élevées par rapport à d'autres matériaux du génie civil testés dans des
conditions équivalentes. Il faut cependant rester prudent avec ces niveaux de α car ils sont
mesurés avec le tube de Kundt, pour un échantillon placé sur un support rigide et
imperméable. Les ondes transmises à travers le matériau sont minimisées, contrairement à ce
qui se passerait dans le cas d'un mur séparant deux pièces.
Ensuite, une difficulté expérimentale est apparue compte tenu de la sensibilité du
coefficient d'absorption à l'état de surface des échantillons. Selon le mode de surfaçage, la
perméabilité de surface varie, ce qui modifie le coefficient d'absorption. Nous avons choisi de
travailler sur des échantillons dont la surface a été talochée avec soin afin de se rapprocher de
la réalité.
Enfin, le béton de chanvre présente un comportement acoustique plus proche d'un
double poreux que d'un simple poreux. Ce résultat ne pourra être confirmé qu'en réalisant une
caractérisation complète des grandeurs acoustiques. Ce travail expérimental devrait faire
l'objet d'un futur travail de thèse.
- 224 -
CHAPITRE 4 : Comportement acoustique
- 225 -