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1 COLLOQUE INTERNATIONAL – INTERNATIONAL CONFERENCE Dijon – 16-17 janvier 2014 / January 16th-17th, 2014 Université de Bourgogne – Maison des sciences de l’homme – Forum des savoirs PRESENTATION DES COMMUNICATIONS Matthew LEGGETT Food and working class eating habits in Britain (late 19 th -beginning of 21 tst ) This paper sets out to study how the British working classes’ eating habits as well as the food they consume and the nutritional value of this food, have changed over the last hundred years. Based on a study of government documents from the turn of the 20 th century I shall investigate how the foodstuff consumed by this heterogeneous socio-economic group changed rapidly between 1904 and 1918. I shall then focus on government publications released between 2012 and 2013 in order to assess food and eating trends among the working or so-called low- income classes in the UK today. I will go on to compare the differences between the two periods in an attempt to establish just how much the lower or poorer classes have changed in their eating habits. These analyses are also based on published scientific documents on the subject as well as newspaper articles and extracts from literary and cinematographic sources. Les habitudes alimentaires de la classe ouvrière britannique (fin XIX e -début XXI e siècle) Cette communication a pour objectif d’étudier l’évolution des habitudes alimentaires de la classe ouvrière bri- tannique depuis le début du vingtième siècle jusqu’à nos jours. Elle étudie également la nature de la nourriture consommée ainsi que de sa valeur nutritionnelle. Grâce à l’étude de documents gouvernementaux publiés en 1904 et 1914, elle cherche à expliquer comment les aliments consommés par les ouvriers britanniques pendant cette période ont évolué rapidement. Ensuite, afin de comprendre les tendances alimentaires de la classe ouvrière (dite pauvre) de nos jours, j’étudierai certaines publications gouvernementales parues entre 2012 et 2013. Fina- lement, je tâcherai d’établir une comparaison entre les différences entre les deux périodes dans un effort de com-

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COLLOQUE INTERNATIONAL – INTERNATIONAL CONFERENCE Dijon – 16-17 janvier 2014 / January 16th-17th, 2014

Université de Bourgogne – Maison des sciences de l’homme – Forum des savoirs

PRESENTATION DES COMMUNICATIONS

Matthew LEGGETT Food and working class eating habits in Britain (late 19th-beginning of 21tst)

This paper sets out to study how the British working classes’ eating habits as well as the food they consume and the nutritional value of this food, have changed over the last hundred years. Based on a study of government documents from the turn of the 20th century I shall investigate how the foodstuff consumed by this heterogeneous socio-economic group changed rapidly between 1904 and 1918. I shall then focus on government publications released between 2012 and 2013 in order to assess food and eating trends among the working or so-called low-income classes in the UK today. I will go on to compare the differences between the two periods in an attempt to establish just how much the lower or poorer classes have changed in their eating habits. These analyses are also based on published scientific documents on the subject as well as newspaper articles and extracts from literary and cinematographic sources.

Les habitudes alimentaires de la classe ouvrière britannique (fin XIXe-début XXIe siècle)

Cette communication a pour objectif d’étudier l’évolution des habitudes alimentaires de la classe ouvrière bri-tannique depuis le début du vingtième siècle jusqu’à nos jours. Elle étudie également la nature de la nourriture consommée ainsi que de sa valeur nutritionnelle. Grâce à l’étude de documents gouvernementaux publiés en 1904 et 1914, elle cherche à expliquer comment les aliments consommés par les ouvriers britanniques pendant cette période ont évolué rapidement. Ensuite, afin de comprendre les tendances alimentaires de la classe ouvrière (dite pauvre) de nos jours, j’étudierai certaines publications gouvernementales parues entre 2012 et 2013. Fina-lement, je tâcherai d’établir une comparaison entre les différences entre les deux périodes dans un effort de com-

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prendre comment les ouvriers britanniques ont changé leurs habitudes alimentaires. Cette analyse est également fondée sur diverses sources scientifiques qui traitent du sujet, ainsi que des articles de presse et des sources litté-raires et cinématographiques.

Matthew Leggett est maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Bourgogne. Il est membre du Centre Interlangues. Texte, image, langage (EA 4182). Il travaille sur l'insulte en politique, les médias, le sys-tème politique, les institutions politiques et Les relations raciales en Grande-Bretagne.

Gianenrico BERNASCONI Manger au bureau : cultures alimentaires des employés dans la Suisse alémanique du début du XXe siècle

A partir des dernières décennies du XIXe siècle, la deuxième révolution industrielle voit une augmentation considérable du nombre d’individus employés dans le secteur financier et dans les assurances, autant que dans les départements administratifs des entreprises industrielles et dans le service public. La figure de l’employé et la féminisation de ce groupe professionnel sont un des phénomènes majeurs de l’histoire du travail et de la mo-dernité urbaine au cours des années qui marquent la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle.

Cette contribution se propose d’explorer l’émergence de cette figure professionnelle et sociale à travers l’analyse de ses consommations alimentaires au travail. L’historiographie s’est généralement occupée de l’alimentation ouvrière, en négligeant souvent les menus, les lieux et les pratiques du « repas employé ». Il s’agit de compren-dre comment se met en place une diversification des cultures alimentaires entre ces catégories professionnelles et d’articuler ce processus en fonction de la diversité des revenus, des stratégies de distinction ou encore de l’émergence d’un discours alimentaire qui tient compte des caractéristiques du travail au bureau. Il faut en outre explorer les modes de spécification des cultures alimentaires qui peuvent relever de pratiques différentes, liées autant aux traditions alimentaires qu’à la modernité urbaine et à l’industrialisation de l’alimentation. Les lieux et les pratiques doivent être retenus par leur diversité, à côté de la cantine existent d’autres lieux de la consomma-tion alimentaire, comme la maison, le restaurant ou la rue, ce qui permet de mesurer la dimension collective ou individuelle de cette pratique.

A partir des années 1910 la vague de rationalisation frappe à travers l’idéologie du scientific management aussi le secteur administratif. La mécanisation, la standardisation des opérations et la répétition des gestes restructu-rent le travail administratif en fonction d’une augmentation de la productivité. Cette rationalisation, sans vrai-ment conduire à une « prolétarisation » des employés, entraîne une sorte d’assimilation des groupes profession-nels aux exigences de la productivité. Il faut comprendre si ce phénomène est à l’origine d’une homologation des cultures alimentaires ou si, au contraire, il contribue à leur diversification en fonction des prestations.

Gianenrico Bernasconi a étudié l’histoire moderne et la Kulturwissenschaft à Genève, Paris et Berlin. En 2009 il a soutenu une thèse à l’université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) et à l’Humboldt Universität zu Berlin intitulée L’objet portatif : production, consommation et représentations à l’ère pré-industrielle qui sera publiée en 2014 par les éditions du CTHS. Après avoir travaillé comme assistant-curateur au Musée des cultures européennes-Musées nationaux de Berlin, il est chercheur à l’Institut für Populäre Kulturen de l’université de Zurich où il s’occupe d’une enquête sur la naissance du bureau comme espace spécialisé du travail administratif en Suisse entre 1880 et 1930.

Gilles FUMEY Manger dans les entreprises de service à la Défense à Paris

Depuis l’époque héroïque des Temps modernes de Chaplin, les entreprises de restauration collective n’ont cessé de mettre en place une offre alimentaire adéquate au mitan de la journée. Dans les quartiers de sièges sociaux où

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travaillent surtout des cadres au capital socio-culturel élevé, les stratégies pour se nourrir dépendent tout à la fois de catégories comme le genre ou l’origine sociale, les exigences diététiques, nutritionnelles et sanitaires. L’offre est rarement portée par les entreprises elles-mêmes mais plutôt par des établissements commerciaux extérieurs. Une stratégie voulue aussi par les aménageurs et les urbanistes tenant à diversifier les formes de fréquentation dans le quartier. Les restaurants de chaîne et les entreprises de snacking répondent à la demande avec une seg-mentation très large et une offre très diversifiée : enseignes de prestige, gammes « moyennes », simple guichet pour une prise alimentaire rapide « à emporter », grandes surfaces de distribution.

L’étude portera sur plusieurs entreprises de taille variable dans le quartier d’affaires de la Défense. Outre des faits monographiques, elle intègrera une réflexion sur les stratégies d’acteurs de l’agroalimentaire dans ce quar-tier.

Gilles Fumey est professeur de géographie à l’université Paris-IV (Panthéon-Sorbonne), spécialité Alimentation, cultures alimentaires, chargé d’enseignement (MBA et master Tourisme, CELSA / Paris-Sorbonne), à l’Institut des hautes études du goût et des arts de la table, université de Reims, au PolyTech / université de Lille-1, univer-sité de Franche-Comté, InterAges (Paris-Sorbonne). Il est membre du laboratoire Espace, Nature et culture (UMR CNRS 8185). Dernières publications : 2012 (2008) Géopolitique de l’alimentation, (préface de Luc Guyau), Paris, Éditions Sciences humaines ; 2011, Les radis d’Ouzbékistan. Tour du monde des habitudes alimentaires, Paris, François-Bourin éd. ; 2010, Manger local, manger global. L’alimentation géographique, Paris CNRS-Éditions ; 2009 (2004) Atlas mondial des cuisines et gastronomies (avec O. Etcheverria), Paris, Autrement.

Claudy CHÊNE L’alimentation des engagés Tonkinois sous contrat de Nouvelle Calédonie et des Nouvelles Hébrides : S’alimenter, manger et nourrir les autres.

Entre 1891 et 1964, des ouvriers Tonkinois engagés sous contrat sont venus travailler sur les mines de Nouvelle-Calédonie et sur les plantations des Nouvelles-Hébrides. Les arrêtés réglementant l’immigration et les contrats d’engagement gèrent leurs conditions de travail et de vie. Ces textes imposent les rations alimentaires journaliè-res des ouvriers, des femmes et des enfants et en déterminent les modalités de distributions. Les réalités de l’installation et de l’approvisionnement liées à l’éloignement, et aux pratiques de certains engagistes font que les modalités concernant la nourriture ne sont pas toujours respectées et fassent de la part des engagés l’objet, dans les années trente de contestations puis dans les années quarante de grèves. A partir de la deuxième Guerre Mon-diale les engagés Tonkinois, ne pouvant pas rentrer au Vietnam, vont afin de pallier à cette situation, mettre en place diverses organisations. Pour nourrir les travailleurs, s’installent au cœur de leurs villages sur les mines ou dans les plantations, des services de gamelles, des jardins potagers, des petites épiceries et des gargotes ou « snacks ».

Feeding the Tonkinese workers under contract in New Caledonia and territories.

Between 1891 and 1964, Tonkinese workers under contract came to work in New Caledonian mines and on New Hebrides plantations. The Immigration Act and the Work contract document their work and living conditions. These documents give guidelines about workers, women and children’s daily feeding allowances and the way they were distributed. The reality of settling in and getting supplies from remote areas and the dodgy practices of some recruiters meant that the food distribution was not carried out. As a consequence some protests and strikes started in the thirties and then in the forties. From WW2 the Tonkinese workers, who could not go back to Viet-nam, set up many organisations in order to escape the situation. Services such as catering, grocery stores, take away shops and fresh vegetable gardens were set up in small mining villages in order to supply the workers.

Claudy Chêne est professeur d’histoire-géographie au collège de Rivière Salée à Nouméa, Nouvelle-Calédonie. Elle prépare actuellement une thèse sous la direction de Jean Vigreux : « Les engagés tonkinois venus sous contrat en Nouvelle-Calédonie. Subir, résister et s’émanciper (1891-1964) ».

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Jean-Christophe FICHOU Matelots en campagne (XVIIe-XIXe siècles)

Cette communication porte sur les repas, au sens large du terme, des matelots en campagne sur les bâtiments militaire français du XVIIe au XIXe siècle et de répondre à la question : où et quand mange-t-on au travail ?

Autant il est relativement aisé de répondre à la seconde question dans la mesure où, très tôt, le ministère de la Marine a institué un cadre très strict quant au nombre de repas et le moment de les servir, autant il est difficile de répondre à la première : où mange-t-on ? Dans notre cas de figure, il est évident que le domicile ne peut être privilégié et le repas doit se prendre à bord. En fait, les éléments qui nous permettent d’imaginer les lieux et les modalités de restauration sur un navire en mer sont rares, voire inexistants, surtout pour les XVIe et XVIIe siè-cles. Nous disposons d’éléments plus tangibles, bien que peu nombreux au XVIIIe siècle et nous savons quelles sont les dispositions techniques retenues par le ministère pour améliorer les dispositions du service de ces repas après 1860 seulement. Le réfectoire, tel que nous le connaissons aujourd’hui n’apparaît que sous le Second Em-pire ainsi que la table pour le « plat » ; les ustensiles en métal ne sont distribués qu’après 1872 ; les bidons de vin en bois ne disparaissent qu’avec le XIXe siècle ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, si la qualité des vivres embarqués a toujours été une exigence des États-majors et des ministres, les conditions dans lesquelles sont servis déjeuner, dîner et souper ne sont sérieusement prise en compte que sous la IIIe République.

Jean-Christophe Fichou enseigne la géographie en Classes préparatoires aux Grandes écoles et au lycée de Kerichen de Brest. Il est docteur habilité en histoire, chercheur associé du PaHST-Université de Bretagne Occi-dentale, à Brest, membre de l’UMR 5196, Techniques et Cultures, CNRS-MNHM, à Paris. Dernières publica-tions : Phares, Le Chasse-marée édition, 1999 ; Gardiens de phares, PUR, 2002 ; Tous les phares de France, Ouest-France, 2005 ; Les pêcheurs bretons pendant la Seconde Guerre mondiale, PUR, septembre 2009 ; La Flotte du Service des Phares, Le Chasse-marée édition, septembre 2009 ; Les Maisons-phares, Ouest-France, octobre 2011 ; Les phares de Normandie, Ouest-France, mai 2013.

Jean-Pierre WILLIOT Le cheminot, entre son panier et son réfectoire.

Par nature mobile, le cheminot, qu’il soit mécanicien, chauffeur, contrôleur, est au travail sans pour autant se trouver dans un lieu fixe. Son repas n’a pas d’heure. Aussi choisit-il en fonction des circonstances le panier qu’il emporte ou la cantine à laquelle il se rend. Les compagnies ferroviaires ont très tôt mis en place des systèmes de restauration collective (au PO dès 1847 à Ivry, en 1868 au siège du PLM) qui furent repris et rationalisés par la SNCF. Inscrit dans des pratiques paternalistes, hygiénistes, ou relevant des œuvres sociales, les réfectoires s’intègrent dans la vie cheminote comme un lieu où se forgent l’identité professionnelle et des formes de solida-rité. Mais ils ne sont pas les seuls lieux qui contribuent à l’alimentation cheminote. Les économats y concourent avec des filières d’approvisionnement spécifiques qui permettent aux employés des chemins de fer de faire leur gamelle. Ou de la faire faire par leurs épouses qui progressivement purent puiser dans des revues corporatives comme Notre Métier ou La Vie du Rail la composition nutritionnelle dont ces journaux s’appliquaient à indiquer les préconisations. Des premières cantines au milieu du XIXe siècle jusqu’aux principes diététiques énoncés dans les années 1950, notre proposition vise donc à mettre en exergue les formes de l’alimentation au travail dans l’univers ferroviaire, l’économie et les innovations techniques que sous-tend cette fonction et les contenus de la restauration cheminote. Celle-ci est-elle d’ailleurs identique en France et ailleurs en Europe ? Cette proposition sera documentée par les travaux réalisés dans le cadre de plusieurs masters d’histoire de l’alimentation soutenus à Tours sous notre direction et par les archives et sources imprimées du Fonds cheminot du CCE SNCF (pério-diques, agendas, témoignages).

Jean-Pierre Williot est professeur d’histoire contemporaine à l’Université François Rabelais de Tours. Directeur de l'équipe LEA (L’Équipe Alimentation), responsable du programme ARETHA (Approvisionnement REgional, Territoires, Habitudes Alimentaires), vice-président du Conseil scientifique de l’IEHCA (Institut Européen d'Histoi-

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re et des Cultures de l'Alimentation). Dernières publications : Les routes du gaz, (avec A.Beltran), Paris, Le Cher-che Midi, 2012 ; La pomme de terre de la Renaissance au XXIe siècle, (dir. Avec M.de Ferrière), PUR-Presses François Rabelais, 2011 ; Manger en Europe, (Dir. Avec A.Campanini et P.Scholliers), collection « l’Europe ali-mentaire », Bruxelles, Peter Lang, 2011 ; Approvisionnement ferroviaire et pratiques alimentaires des citadins, (dir.), Revue d’Histoire des chemins de fer, n° 41, 2009-2.

Michaël MEYER Quand les policiers se mettent à table Urgence, travail réactif et repas contrarié dans les organisations policières

Cette communication traite des pratiques alimentaires dans le contexte des organisations policières en Suisse, précisément des habitudes des agents en uniforme à Police-secours et dans les postes de quartier. A l’aide de données issues d’une enquête ethnographique conduite auprès de la police de la Ville de Lausanne (2005-2011), trois perspectives sont abordées : 1) Le repas comme pratique contrariée, en raison de la disponibilité et de la réactivité exigées des agents de police. 2) Le repas comme lien avec l’environnement local, dans une perspective de « police de proximité ». 3) Les stéréotypes médiatiques (le policier mangeur de donuts et buveur de café dans sa voiture) et leur efficacité symbolique. La communication se terminera par une interrogation réflexive sur le rôle de la nourriture comme mode d’entrée du chercheur sur son terrain d’étude. Partager un mauvais café autour de la machine ou être invité au repas annuel d’une unité de police constituent des moments privilégiés d’observation des policiers. Leur parole se fait parfois plus libre, plus fluide, moins surveillée durant les temps de partage autour d’une table.

When policemen spill the beans Emergency, reactive work, and disturbed meal break in police organizations

This paper discusses food consumption practices in the context of police organizations in Switzerland, specifi-cally the habits of uniformed officers of Police-Secours and in the neighbourhood stations. Using ethnographic observations from a fieldwork at the city police of Lausanne (2005-2011), three issues are discussed: 1) Dis-turbed meal break, due to high level availability and responsiveness expected from police officers. 2) Meal as a link with the local environment, in particular according to the concept of "community policing". 3) Media stereo-types (the officer eating donuts and drinking coffee in the car) and their symbolic efficiency. The paper will end with a reflexive questioning about the role of food as mediator for the researcher. Sharing a bad coffee at the vending machine or being invited to the staff annual dinner are great opportunities to observe and listen to policemen who sometimes speak freely, more fluently, and with less control during mealtimes.

Michaël Meyer est premier-assistant en sociologie à l’Université de Lausanne (Suisse) et chercheur associé au CESDIP (CNRS, France). Ses travaux récents abordent plusieurs aspects du travail policier, notamment les rela-tions entre sphères policières et médiatiques. Sur le sujet, il a récemment dirigé l’ouvrage Médiatiser la police. Policer les médias, Ed. Antipodes, 2012. En 2013, il a débuté une recherche intitulée « Vers une police “connec-tée“ ? Communication policière, médias sociaux et visibilité numérique » avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et du Centre international de criminologie comparée (CICC) de l’Université de Montréal.

Gwenaële ROT Manger sur les plateaux de tournage

Le tournage d’un film est une activité nomade qui mobilise beaucoup de main d’œuvre. Les activités de manu-tentions (installation, transport du matériel de tournage) sont importantes puisqu’elles se renouvellent à chaque changement de plan. Les tournages – réalisés en France, la plupart du temps en décor naturel – se font dans des conditions parfois éprouvantes : journées longues, expositions aux aléas climatiques, au froid – ou à la chaleur –

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Aussi sur bien des aspects l’organisation est comparable à celle du chantier du bâtiment. Un tournage est aussi une activité discontinue où le travail des uns a pour pendant l’attente des autres.

Manger pour reprendre des forces ou tromper l’ennui… Dans ce contexte la qualité de la « cantine » mais aussi des en-cas servis à la table régie est un enjeu majeur. Tout le monde s’accorde à dire que l’ambiance sur un pla-teau de tournage en dépend largement. C’est aux régisseurs qu’incombe cette lourde de responsabilité d’organiser la logistique de la cantine. Le respect du temps de la pause déjeuner reste est d’ailleurs droit sacré. Les moments de repas collectifs où toute l’équipe se retrouve réunie, à table, sous un « barnum » sont aussi des temps où se réaffirment les hiérarchies sociales sur un plateau. Tout le monde ne mange pas à coté de n’importe qui et à n’importe quel table. C’est aussi autour de la table régie, point de ralliement de pauses impromptues, que circulent des informations sur le tournage, les évaluations professionnelles.

A travers l’étude sociologique de ces deux moments celui du temps des repas (midi, ou soir, ou nuit) où l’ensemble de l’équipe se retrouve, à la « cantine », et celui des « pauses » qui se déroulent tout au long du tour-nage autour d’un objet mobile, la « table régie », que nous examinerons ce que « manger veut dire » sur un pla-teau de tournage.

Gwenaële Rot est maître de conférences HDR en sociologie à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense, Laboratoire IDHE UMR 8533. Sociologue du travail. Après avoir étudié le travail et ses transformation dans l’industrie automobile, les représentations du travail au cinéma (avec deux collègues historiens Nicolas Hatzfeld te Alain Michel), elle mène actuellement une vaste enquête sur les métiers du cinéma, les conditions de fabrica-tion des films et plus largement « la vie de plateau ». Publications en lien avec le sujet : avec Laure de Verdalle (dir.), Le cinéma, travail et organisation, Paris, La Dispute 2013 ; « Noter pour ajuster. Le travail de la scripte sur un plateau de tournage », Sociologie du travail, n ° 1, 2014 (à paraître).

Géraldine COMORETTO Travailler et manger à la cantine, les enjeux d’une socialisation professionnelle

Nous proposons d’étudier dans cette communication les pratiques alimentaires sur leur lieu de travail de deux groupes professionnels distincts, observés dans le cadre d’une enquête ethnographique de deux années menée dans trois restaurants scolaires de la région parisienne : les agents de restaurant, plus connus sous le nom de « dames de service » d’une part ; et les surveillants de la restauration scolaire communément appelés « anima-teurs de cantine » d’autre part. Ces professionnels sont respectivement chargés d’assurer le service et l’encadrement des enfants pendant le repas du midi à l’école. Leur particularité n’est pas seulement de manger sur leur lieu de travail : leur singularité vient du fait qu’ils sont amenés à manger pendant leur temps de travail. Ainsi « l’entre-deux identitaire » (Hatzfeld, 2002), que constituent les temps de pause comme le déjeuner et qui se révèle nécessaire à l’individu pour ponctuer le passage entre l’identité au travail et l’identité hors travail, sem-ble inexistant pour ces professionnels. Qu’ils déjeunent entre eux avant le service ou à table avec les enfants, manger au travail implique pour ces acteurs de nombreux enjeux et conditionne grandement leur socialisation professionnelle (Dubar, 1991). Pour les agents de restaurant, qui mangent le même repas que les enfants, cela signifie consommer et porter un regard critique sur le produit même de leur travail. Face aux enfants, les surveil-lants doivent quant à eux s’efforcer de conjuguer leurs préférences alimentaires personnelles avec les normes et les prescriptions diététiques propres à la restauration scolaire. Enfin, réunissant des professionnels aux profils et aux trajectoires hétérogènes (Mériot, 2002 ; Monchatre 2010), travailler et manger à la cantine génère tant des conflits entre générations que des tensions inter- et intra-professionnelles.

Géraldine Comoretto est ATER en sociologie à l’université Lumière-Lyon 2, doctorante en sociologie, laboratoires PRINTEMPS UMR 8085, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et ALISS UR1303, INRA.

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Julien SAINT-ROMAN Une cantine à l’arsenal de Toulon (1793) L'ambition d'un collectif ouvrier de lutte contre la vie chère

Nous proposons d’étudier dans cette communication nouvelle forme de redistribution collective de biens de consommation alimentaire par les ouvriers de l'arsenal de Toulon sur leur lieu de travail en 1793. La base navale mobilise en 1793 plus de 6 000 ouvriers. Tous ne sont pas Toulonnais. Nombreux sont ceux qui ont été levés par la Marine depuis la déclaration de guerre contre l'Angleterre. Les autorités doivent parer à cet afflux massif de main-d'œuvre (paie, logement, alimentation), le tout dans un contexte politique extrêmement tendu. Traditionnellement, la Marine fournit les rations à ces personnels embarqués mais pas à ceux restés à quai. La consommation alimentaire grève alors une grande part du budget des ménages, surtout pour les appelés qui doivent subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille. Les mois de décembre et de janvier voient bien souvent la Municipalité et la Marine délivrer quelques quintaux de pains aux familles les plus pauvres.

Mais la fermentation des esprits depuis les débuts de la Révolution et la dégradation continuelle de l'assignat poussent les ouvriers de l'arsenal à prendre collectivement en main leur alimentation. Les demandes de distribu-tion de pain se multiplient et surtout les travailleurs élaborent le projet d'une cantine au sein de la base navale. Ces pétitions exposent à la fois les motivations de leurs auteurs, les négociations et interactions entre les diffé-rents acteurs (travailleurs, municipalité, commandement du port de Toulon principalement), et les dispositifs de mise en œuvre de répartition collective (heures de collecte, modalités d'achat, types d'aliments concernés, moda-lités de contrôle, etc.).

Julien Saint-Roman est professeur d’histoire-géographie. Il prépare à l’université d’Aix-Marseille une thèse sous la direction de Christine Peyrard qui porte sur « Les ouvriers de l'arsenal de Toulon au tournant de la Révolution française (1760-1820) ». Il est membre de l’école doctorale 355 « Espaces, Cultures, Sociétés », Maison Méditer-ranéenne des Sciences de l'homme, Aix-en-Provence.

Morgan POGGIOLI Manger (et boire) dans les usines occupées du printemps 1936

L’occupation des usines lors des grèves du Front populaire et qui pour certaines durent plus d’un mois, nécessite une véritable organisation aussi bien pour la conduite du mouvement revendicatif que pour le ravitaillement des ouvriers qui restent jours et nuits à l’intérieur des établissements. Nous nous proposons d’étudier précisément comment s’est organisé le ravitaillement des quelques deux millions de grévistes du mois de juin 1936 ainsi que la prise de leurs repas dans des ateliers qui n’étaient pas destinés, à l’origine, à accueillir des « convives ».

Eating (and drinking) in the occupied factories of the spring, 1936

The occupation of factories during the Popular Front, which for some lasted more than a month, required a real organization to lead the strike movement as well as to provide food for the workers who stayed night and day inside the workshops. This paper will be studying exactly how the catering for some two million strikers was organised in June 1936 along with the meals in the workshops which were not, originally, intended to welcome « dinner guests ».

Morgan Poggioli, docteur en Histoire contemporaine est chercheur associé au Centre Georges Chevrier (UMR CNRS 7366). Il a soutenu une thèse sur « La CGT du Font populaire à l’État français (1934-1940). De la réunifi-cation à la scission, de la scission à la dissolution » (2005). Il poursuit ses travaux sur le Front populaire. Publica-tion : « A travail égal, salaire égal » ? La CGT et les femmes au temps du Front populaire, Dijon, Editions Univer-sitaires de Dijon, 2012.

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Vincent POHREL Repas ouvriers et luttes sociales en Bretagne dans les années 68

Le repas de grève apparaît comme un impensé du discours militants dans les années 68. Rarement mis en avant par les organisations syndicales, il est pourtant au cœur de toute stratégie de grève en ce qu’il permet le maintien de l’occupation du lieu de travail et la continuité de la mobilisation. Mais le repas de grève est également révéla-teur des solidarités à l’œuvre dans les années 68. Par le biais des comités de soutien l’aide alimentaire aux gré-vistes devient une composante essentielle du discours de grève en ce qu’il mobilise bien au-delà des simples familles et militants syndicaux. En Bretagne elle symbolise l’union ouvriers-paysans et laisse à voir la radicalisa-tion des acteurs sociaux. D’économique, la présence de la nourriture dans le conflit social devient politique par l’usage qui en est fait par les grévistes en enrichissant notamment le répertoire d’action. La nourriture est mon-trée, manipulée et, par ce biais, elle intègre une dimension identitaire qui sert le discours militant largement repris par les médias. Au cœur de ces représentations des légumes comme le chou-fleur synthétise un discours sur la Bretagne et marque les évolutions politiques et sociales de la région dans les années 70. Facteur de cohé-sion, la production de nourriture en tant de grève peut également exclure : les femmes, les ménages exposent une autre perception du repas ancré dans un quotidien de crise induit par la grève. De là la variation des représenta-tions dans le temps de l’événement.

Vincent Porhel est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Lyon I (ESPE) et membre de l’UMR LARHRA. Publication : Ouvriers bretons : conflits d’usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968, Rennes, PUR, 2008.

Tadeusz CZEKALSKI Polish « canteen revolution » in 1945-1962 The application of Soviet model of ”collective feeding” and its failure

The first decade after the Second World War in the history of Polish gastronomy brought a significant experi-ment of massive feeding popularization, in accordance with the model, implemented since the 1920s in the Soviet Union. The main purposes of this culinary revolution was deprivatization of home meals, and the strengthening between this form of collective life and the workplace. The worker's meal in this new configura-tion would be prepared in accordance with the purposes of a healthy lifestyle and a high efficiency of physical work. It means in practice – the application of various forms of Soviet obschepit (social feeding) into Polish reality and the creation of factory canteens on a large scale.

The first phase of canteen intensive development was strictly connected with Plan Sześcioletni (Six-Year Plan), set up in 1950-1955, understood as a programme of the rapid industrial development of Poland. The net of in-dustrial canteens covering over 5500 items, just in the second part of the 50s was radically reduced. Ideologi-cally the determined project of collective feeding was in practice greatly improvised, without strong financial basis. The decrease of canteen popularity was linked to the effects of growing meal prices and their low quality.

The shocking summary of „canteen revolution” was described in the report, prepared by the Department of Gastronomical Industry in 1962, depicting in detail the problems of premises, equipment, hygiene and the quality of meals offered by canteens. In practice „the canteen system” (thought as fully competing with home meals and with „open” gastronomy) became the typical example of temporary solutions inspired by ideological slogans.

Tadeusz Czekalski, Associate Professor of Contemporary History, Jagiellonian University in Krakow, Poland. Field of interest: Polish culinary culture in 19th-20th centuries, Everyday life in communist country, Balkan social history in 20th century.

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François-Xavier NÉRARD Cantines et restaurants staliniens : la naissance de l’obchepit soviétique

La fin de la NEP et les premiers plans quinquennaux bouleversent profondément l’économie et la socié-té soviétiques. Au quotidien, l’une des conséquences majeures est le retour de la faim (famine, mais également disette généralisée). Les années 1928-1935 sont celles du rationnement et des magasins vides. Cette même pé-riode est celle d’un développement sans précédent de la restauration collective. Mais le travail devient plus qu’un lieu où l’on peut manger, c’est également celui où l’on trouve la nourriture avec la mise en place d’un réseau de magasins internes aux usines. Dans ce cadre, le lieu de travail devient le coeur de l’alimentation des Soviétiques. C’est ce rapport particulier entre alimentation et travail que nous étudierons. L’alimentation devient une source, complexe, de pouvoir. Elle donne alors lieu à des pratiques particulières qu’il nous faudra analyser.

Stalinist Canteens and restaurants: the origin of soviet obchepit

The End of the NEP and the first five-year plans deeply changed the Soviet economy and society. One of the main consequences, in the daily life of Soviet people, is the return of hunger (famine, but also permanent and widespread scarcity of food). The 1928-1935 period is the one of rationing and empty shops. During these very years, the soviet collective catering (canteens, buffet…) experienced a major development. Work however be-came far more than a place where you can eat, it is also the place where you can find some food, thanks to the establishment of a network of shops, inside the factories. In this context, the workplace became central for the food-supply of Soviet people. That’s this special relationship between work and food that we are going to study. Somehow, food became a source, even if a complex one, of power. It then gives rise to specific practices that we need to analyse.

François-Nérard est maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre de l’IRICE. Spécialiste de l’histoire de la société soviétique stalinienne. Il a travaillé sur les plaintes et les dénonciations en URSS (Cinq pour cent de vérité, Tallandier, 2004). Il travaille actuellement sur l’histoire de la formation du « goût soviétique ». Dernières publications : David El Kenz, François-Xavier Nérard (dir.), Commémorer les victimes en Europe (XVIe-XXIe siècles), Collection «époques», Champ Vallon, Seyssel, 2011. « Призраки террора : люди общественного питания в условиях сталинского террора » (Les fantômes de la terreur : les hommes de la restauration collective pendant la grande terreur stalinienne) dans История сталинизма : жизнь в терроре. Социальные аспекты репрессий (Histoire du stalinisme : la vie pendant la terreur. Aspects sociaux de la ré-pression), Rosspen, Moscou, 2013, p. 266-273.

Nicoletta ROLLA Gagner son pain. Les ouvriers à Turin au XVIIIe siècle

A Turin au XVIIIe siècle, comme dans la plupart des villes européennes d’ancien régime, les repas de certaines catégories de travailleurs étaient pris en charge par les employeurs, c’était le cas des travailleurs salariés, no-tamment les serviteurs, les travailleurs journaliers et les apprentis. Aux serviteurs et aux apprentis, les em-ployeurs garantissaient généralement le gîte et le couvert, aux travailleurs journaliers des chantiers de bâtiment, ils payaient le compte des repas consommés dans les hôtelleries et les boulangeries de la ville. Les repas étaient un instrument dans les mains des employeurs pour négocier, voire nier le payement du salaire, en établissant et en confirmant un rapport de pouvoir hiérarchique. La capacité de négocier avec les employeurs dépendaient des modalités d’organisation du travail et des modalités de consommation des repas : les travailleurs du bâtiment, qui travaillaient en équipe et qui mangeaient ensemble dans les hôtelleries de la ville, montraient une capacité d’action commune pour négocier un salaire supérieur à celui des serviteurs ou des travailleurs des ateliers de la ville. Les repas dans les hôtelleries étaient en outre l’occasion de se retrouver dans un lieu qui remplissait diffé-rentes fonctions : un marché des biens, un marché du travail, une auberge pour les gens de passage, le lieu de distribution des courriers.

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Cette contribution propose de reconstruire les moments et les espaces de consommation des repas par les travail-leurs journaliers et les serviteurs afin de réfléchir sur les modalités de formation du salaire, la construction des hiérarchies du pouvoir et les opportunités de socialisation.

Nicoletta Rolla est allocataire de recherche auprès du Dipartimento di Scienze Umane per la Formazione “Ric-cardo Massa” (Università degli Studi di Milano-Bicocca), Marie Curie fellow auprès du Laboratoire de Démogra-phie et d’Histoire Sociale, à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris. Publication : La piazza e il palazzo. I mercati e il vicariato di Torino nel Settecento, Pisa, Plus edizioni, 2010.

Stéphane GACON Le restaurant coopératif des chantiers des Champs-Élysées

Le restaurant coopératif qui se met en place en 1896 pour subvenir aux besoins de l’importante population ou-vrière qui se retrouve chaque jour sur les chantiers des palais des Champs-Élysées pour l’Exposition universelle de 1900 n’est pas géré directement par les ouvriers qui n’en ont pas eu l’initiative. Il s’agit d’un projet à dimen-sion philanthropique et morale qui témoigne, comme tout au long du siècle, du souci des élites – et particulière-ment en cette fin de siècle des dirigeants républicains à la recherche d’une politique sociale – de contenir les pulsions ouvrières et de distribuer une éducation alimentaire tout en organisant le travail de la manière la plus rationnelle possible. Des « palais » sont à construire dans des délais très courts. Les soucis d’ordre et d’efficacité sont donc extrêmement présents derrière la façade philanthropique. Se pencher sur cette expérience permet d’illustrer les conclusions de travaux engagés par ailleurs et de penser le repas sur le chantier à la fois comme situation sociale et lieu d’un discours normatif (Martin Bruegel). Sur le plan de la situation sociale, elle permet d’observer le face-à-face entre ouvriers et employeurs – ici l’administration de l’Exposition – et les pratiques sociales des ouvriers, en particulier leurs stratégies alimentaires et leur sociabilité. L’étude du discours normatif pose la question de l’hygiène et de la nutrition, des pratiques alimentaires et de la diffusion des goûts. Les enjeux de pouvoir portent donc à la fois sur le temps de travail et le contenu des assiettes. Mais ceux à qui s’adressent ces discours et ces pratiques n’adhèrent pas toujours facilement au schéma proposé. L’exemple qui nous occupe semble montrer que l’acculturation est heurtée ou, pour le moins, suscite des résistances.

The cooperative restaurant in the construction site of Champs-Elysées’ palaces in 1900

During the preparation of the Paris Exposition universelle in 1900 a cooperative restaurant opened in the build-ing site of the Champs-Elysées palaces. It was a classical philanthropic initiative that met the republican desire to find an answer to the social question. This paper points the fact that such an experience, which was thought as an experiment by its promoters, enables us to understand, on the one hand, the different views between the exhibi-tion administration and the workers about the place and the way to eat and, on the other hand, the food strategies and relationships between workers during meal time. The speech of the social and political elites upon popular diet and food practices insists on the necessity to change for a more regular and balanced meal with a lower alcohol consumption and a higher meat consumption. But the low attendance in the restaurant shows that there was a kind of resistance to those proposals. The acculturation was difficult.

Stéphane Gacon est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Bourgogne. Il est membre du Centre Chevrier (UMR CNRS 7366). Il travaille sur l’histoire politique et sociale de la France et de l’Europe aux XIXe et XXe siècle. Publications : L’amnistie. De la Commune à la guerre d’Algérie, Le Seuil, coll. « L’Univers historique », 2002 ; « Le grand rêve de la république sociale », L’Histoire, n° 392, octobre 2013.

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Pascal RAGGI L’alimentation des mineurs en France après 1945

En France, dans la seconde moitié du XXe siècle, les progrès considérables de la mécanisation et la protection sociale ont changé les conditions de travail dans les mines de charbon et de fer. Le métier de mineur a évolué vers davantage de technicité. Conjointement, comme pour les ouvriers d’autres branches industrielles et la popu-lation française dans son ensemble, les habitudes alimentaires ont été transformées. Pendant les Trente Glorieu-ses, l’alimentation des mineurs a ainsi connu une amélioration qualitative et quantitative. Pour les familles ou-vrières françaises, des études sociologiques et des enquêtes de l’INSEE ont mis en évidence cette évolution. Mais, pour les mineurs qui constituent pourtant un groupe social emblématique du monde ouvrier, à la fois par ses effectifs et son rôle politique et social dans les années 1950-1960, et dans sa façon de subir la désindustriali-sation dans le dernier quart du XXe siècle, il faut consulter et croiser des archives privées d’entreprise, des fonds archivistiques publics, des études statistiques et des sources orales et écrites spécifiques afin de mettre en évi-dence de façon inédite l’évolution de leur alimentation au travail. De la Libération à la fermeture du dernier puits d’extraction charbonnière en 2004, ce changement alimentaire est lié à la mécanisation du métier et aux trans-formations culturelles et sociales qui ont modifié la composition des effectifs, la place et les représentations des mineurs dans la société française.

Miners eating practices in France since 1945

In France, during the second part of the 20th century, the progress of mechanization and social protection changed the labour conditions in coal and iron mining. The miner’s trade became more technical. At the same time, just like in other industrial sectors and for the whole French population, the eating habits were transformed. During the Post War Boom, the miner’s food thus knew a quantitative and qualitative improvement. For the French workers’ families, some sociological studies and some INSEE’s investigations have pointed out this evolution. But, for the miners, an iconic social group within the workers’ world because of its huge numbers and thanks to its political and social role in the 1950s-1960s, and because it suffered the deindustrialization of the last quarter of the 20th century, it is necessary to consult and to cross the archives of private companies and the public collections, statistical studies and oral and written specific sources to highlight in a new way the evolution of their food at work. From the Liberation to the closure of the last coal pit in 2004, this food change was linked to the mechanization of the miner’s trade and to the cultural and social transformations which have modified the number, the place and the representations of miners in the French society.

Pascal Raggi est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lorraine à Nancy. Il est membre du Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire. Il a soutenu en 2007 une thèse sur « Les mi-neurs de fer au travail » qui a été publiée aux Éditions Serpenoise. En 2010, il a co-écrit l’ouvrage Le Dire pour le fer paru dans la même maison d’édition. En 2011, il a codirigé Corps et machines à l’âge industriel paru aux Presses Universitaires de Rennes. En 2013, chez le même éditeur, en collaboration avec Fabien Knittel, il a pu-blié Genre et techniques, XIXe-XXIe siècles.

Éliane LE PORT et Xavier VIGNA La gamelle ou la cantine ? Formes et enjeux de la restauration ouvrière en France après la Deuxième Guerre mondiale

Après 1945, on pourrait s’attendre à de profondes transformations dans les manières dont les ouvriers se restau-rent pendant le travail, sous l’effet de l’augmentation de leur pouvoir d’achat, du rôle dévolu aux comités d’entreprise dans la gestion des œuvres sociales et de la modernisation de l’organisation du travail. Mais cette hypothèse doit être vérifiée à partir de ce que les entreprises offrent réellement, des aménagements qu’elles pro-posent, mais aussi de ce que les ouvriers font de ces modalités. Nous proposons dans notre communication de mobiliser un très vaste corpus de plusieurs dizaines de témoignages ouvriers parus après 1945 qui permettent de déplacer le questionnement autour de quelques thématiques. Ils montrent en particulier un processus très lent et

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parcellaire d’aménagement des cantines, contre lequel les ouvriers réagissent en mangeant sur d’autres lieux, dont celui du travail. Ce qui est vrai des usines, l’est encore davantage pour quelques professions comme les ouvriers du bâtiment ou les dockers, voire les mineurs. Les discours sur les moments et les lieux de restauration renseignent à leur façon sur les enjeux du repas, les sociabilités à l’œuvre et les fonctions multiples de la restau-ration : où mange-t-on ? En combien de temps ? Avec qui ? Les témoignages mettent également à jour des repas spécifiques : repas festifs, corporatifs ou de grèves, pendant lesquels les ouvriers mangent et boivent autrement. Ils posent enfin la question des modes ouvriers d’énonciation du manger et boire au travail, de ce qui est dicible (ou pas), racontable (ou pas) de ces moments ou de ces pratiques.

Éliane Le Port est professeur dans un lycée de la région parisienne. Elle prépare une thèse sous la direction de Nicolas Hatzfeld à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines qui porte sur « Le témoignage écrit ouvrier depuis 1945 ».

Xavier Vigna, membre junior de l’IUF, est maître de conférences d’histoire contemporaine à l’université de Bour-gogne. Il est membre du Centre Chevrier (UMR CNRS 7366). Spécialiste de l’histoire ouvrière en France et en Europe de l’Ouest. Membre fondateur de l’AFHMT (Association française de l’histoire du monde du travail). Der-nières publications : Histoire des ouvriers en France au XXe siècle, Paris, Perrin, 2012 ; avec Jean Vigreux [dir.], Mai-Juin 1968. Huit semaines qui ébranlèrent la France, Dijon, EUD, 2010 ; L’insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d’histoire politique des usines, Rennes, PUR, 2007.