pourquoi former du personnel de musée?

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219 Pozcrquoiformer da pemnned de mzjsée ? Comme on pouvait s’y attendre, l’unanimité ne s’est toujours pas faite sur ce que doivent être la forme, le contenu ou la portée de la formation du personnel . de musée. Cela tient en partie à la situation actuelle de la profession muséale. Par ailleurs, dans la mesure les musées doivent tenir compte de l’impor- tante évolution de la société, il est inévitable que les points de vue exprimés sur la formation muséale soient divergents et parfois presque opposés. D’autres professions ont-elles traversé des épreuves analogues ? Examinons, par exemple, la profession médicale. Dans l’Europe médiévale, la formation médicale était limitée, voire inexistante, et les opérations chirurgicales étaient souvent pratiquées par le barbier local. De nos jours, la chose serait impensa- ble. La profession médicale est au service de la société et elle se doit d’appliquer les normes les plus strictes. La formation joue un rôle fondamental dans l’éla- boration, l’application et le développement de telles normes. Le personnel des musées est lui aussi au service de la société. I1 a pour fonc- tion de préserver et d’interpréter divers aspects des ressources culturelles de la société. On constate très vite en examinant les législations pertinentes - internationales ou nationales - que la société accorde une importance extrême à la préservation des biens culturels. En outre, de nombreux Etats reconnaissent qu’il ne s’agit pas là de biens ordinaires. Pourquoi alors, dans la plupart des pays du monde, et même parmi les professionnels, n’insiste-t-on pas sur la nécessité de préparer de façon plus rigoureuse le personnel des musées à la tâche qui l’attend ? Quelle est donc la nature des problèmes ? La fonction de conservateur n’implique-t-elle rien de plus que l’application d’une discipline en rapport avec les collections muséales et n’ exige-t-elle en conséquence qu’une forma- tion dans un domaine précis ? A-t-elle un caractère si concret que, pour l’exer- cer, le mieux soit de suivre un apprentissage en cours d’emploi ? N’est-elle pas aussi autre chose ? Certains estiment qu’il est primordial d’apprendre tout ce qui est nécessaire à la connaissance d’une matière et d’acquérir les qualifica- tions, théoriques et pratiques, qui contribuent à la progression du savoir dans le domaine considéré. Pour d’autres, la formation muséale devrait porter sur les nombreux aspects du fonctionnement d’un musée. I1 est manifestement peu probable qu’un conservateur qui ne connaît pas bien ses collections et n’en perçoit pas l’intérêt puisse les interpréter de façon satisfaisante. De même, un conservateur qui n’a pas quelques notions sur l’art de présenter sa collection - sous forme d’expositions, d’action éducative ou de publica- tion - a fort peu de chances d’assurer un service très efficace. A plusieurs égards, les points de vue exprimés ici sont révélateurs de deux types de musée, parmi tous ceux qui existent aujourd’hui. En fait, c’est un facteur qui exacerbe le débat sur la formation, à savoir la diversité des musées, leur nature, leur taille, leur emplacement, les collections qu’ils renferment et leur public. Les musées doivent se fixer des objectifs précis concernant les collections, leur préservation et leur interprétation, mais l’importance accordée à ces dXérents aspects des activités muséales peut sensiblement varier.

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Pozcrquoi former da pemnned de mzjsée ?

Comme on pouvait s’y attendre, l’unanimité ne s’est toujours pas faite sur ce que doivent être la forme, le contenu ou la portée de la formation du personnel

. de musée. Cela tient en partie à la situation actuelle de la profession muséale. Par ailleurs, dans la mesure où les musées doivent tenir compte de l’impor- tante évolution de la société, il est inévitable que les points de vue exprimés sur la formation muséale soient divergents et parfois presque opposés. D’autres professions ont-elles traversé des épreuves analogues ? Examinons, par exemple, la profession médicale. Dans l’Europe médiévale, la formation médicale était limitée, voire inexistante, et les opérations chirurgicales étaient souvent pratiquées par le barbier local. De nos jours, la chose serait impensa- ble. La profession médicale est au service de la société et elle se doit d’appliquer les normes les plus strictes. La formation joue un rôle fondamental dans l’éla- boration, l’application et le développement de telles normes.

Le personnel des musées est lui aussi au service de la société. I1 a pour fonc- tion de préserver et d’interpréter divers aspects des ressources culturelles de la société. On constate très vite en examinant les législations pertinentes - internationales ou nationales - que la société accorde une importance extrême à la préservation des biens culturels. En outre, de nombreux Etats reconnaissent qu’il ne s’agit pas là de biens ordinaires. Pourquoi alors, dans la plupart des pays du monde, et même parmi les professionnels, n’insiste-t-on pas sur la nécessité de préparer de façon plus rigoureuse le personnel des musées à la tâche qui l’attend ?

Quelle est donc la nature des problèmes ? La fonction de conservateur n’implique-t-elle rien de plus que l’application d’une discipline en rapport avec les collections muséales et n’ exige-t-elle en conséquence qu’une forma- tion dans un domaine précis ? A-t-elle un caractère si concret que, pour l’exer- cer, le mieux soit de suivre un apprentissage en cours d’emploi ? N’est-elle pas aussi autre chose ? Certains estiment qu’il est primordial d’apprendre tout ce qui est nécessaire à la connaissance d’une matière et d’acquérir les qualifica- tions, théoriques et pratiques, qui contribuent à la progression du savoir dans le domaine considéré. Pour d’autres, la formation muséale devrait porter sur les nombreux aspects du fonctionnement d’un musée. I1 est manifestement peu probable qu’un conservateur qui ne connaît pas bien ses collections et n’en perçoit pas l’intérêt puisse les interpréter de façon satisfaisante. De même, un conservateur qui n’a pas quelques notions sur l’art de présenter sa collection - sous forme d’expositions, d’action éducative ou de publica- tion - a fort peu de chances d’assurer un service très efficace. A plusieurs égards, les points de vue exprimés ici sont révélateurs de deux types de musée, parmi tous ceux qui existent aujourd’hui. En fait, c’est là un facteur qui exacerbe le débat sur la formation, à savoir la diversité des musées, leur nature, leur taille, leur emplacement, les collections qu’ils renferment et leur public. Les musées doivent se fixer des objectifs précis concernant les collections, leur préservation et leur interprétation, mais l’importance accordée à ces dXérents aspects des activités muséales peut sensiblement varier.

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Au cours des vingt dernières années, on a assisté à une spécialisation crois- sante. Dans un certain nombre de musées, les restaurateurs, concepteurs, spé- cialistes des techniques éducatives et informaticiens, par exemple, jouent maintenant un rôle qu’assumait autrefois le personnel de conservation. S’ils ne font pas partie du personnel du musée, ces spécialistes peuvent être recrutés comme consultants ou dans le cadre d’un autre service muséal. Autre exemple des changements survenus dans ce domaine : le financement des musées. De nos jours, nombre d’entre eux ont largement recours à diverses sources de financement. Pour survivre, il leur a fallu adopter une approche beaucoup plus <( commerciale B sans qu’ils deviennent pour autant des sociétés à but lucratif. Leurs administrateurs doivent donc maîtriser diverses techniques budgétaires, surtout si leur établissement ne relève pas du secteur public, dont les services financiers et administratifs auraient pu autrement fournir leur soutien.

Autre réalité - les musées pris dans leur ensemble constituent aujourd’hui pour de nombreux pays une grosse entreprise. Les statistiques dénombrent des centaines de millions de visiteurs par an. Nombre d’entre eux sont des touris- tes, nationaux ou étrangers. Le patrimoine d’un pays peut constituer un pôle d’attraction important pour des visiteurs étrangers, ce qui permet ainsi aux musées d’apporter une contribution indirecte mais substantielle à l’économie du pays. Le musée est souvent un moyen particulièrement efficace de retracer l’histoire d’une nation et de son peuple. L’apport fourni à l’éducation et à la compréhension d’un pays est considérable et même s’il est malaisé de l’éva- luer, il faut en tenir compte.

Les études de muséologie devraient-elles maintenant englober les diverses spécialisations en cause et toutes les disciplines traditionnellement associées à l’activité muséale ? Devrait-on plutôt compartimenter les nombreuses spécia- lisations qu’implique le travail de musée ? Le travail de musée est un travail d’équipe et pour assurer une bonne cohésion à l’intérieur du musée en tant qu’institution, ses membres devraient bien connaître et comprendre, non seu- lement leur rôle, mais aussi celui de leurs collègues. I1 en est de même pour la cohésion de la profession muséale dans son ensemble. Le phénomène muséal sécrète ses propres théories et, quel que soit leur rôle, les professionnels devront bien les connaître et agir en conséquence. Pour cela, une formation de type classique s’impose. L’apprentissage du métier ne répond pas à ce besoin, non seulement parce que peu de musées possèdent l’éventail de con- naissances et d’expériences nécessaires pour dispenser cette formation, mais aussi parce qu’une telle approche a tendance à perpétuer le statu quo.

Vient un temps où la somme de connaissances toujours plus grande, les pro- grès de la technologie, le rôle et la place des gens de métier dans la société, les exigences de cette dernière à leur égard, requièrent une formation de haut niveau. Le monde des musées a atteint ce stade et la formation muséale bénéfi- cie à juste titre d’un rang de priorité élevé dans le programme de l’Unesco. Les modalités d’action varieront selon les pays, en fonction des besoins. Com- ment certains ont fait face à cette situation et aux tâches complexes qu’impose au musée la formation du personnel, tel est l’objet du présent numéro. Le débat continue.

Geoffrey Lewis