pour le souvenir du camp de rieucros

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Actuellement le musĂ©e du GĂ©vaudan est en cours de rĂ©alisation. L’inventaire des documents est en train de se terminer. Se pose donc pour notre association la question de savoir quelle place sera consacrĂ©e Ă  l’histoire du camp dans ce musĂ©e. Nous savons que l’histoire du camp de Rieucros est une histoire qui dĂ©range. Rieucros est le premier des camps apparus en France. Il doit sa crĂ©ation Ă  la montĂ©e de la xĂ©nophobie (et non Ă  l’entrĂ©e en guerre ou Ă  la Retirada) et enferme des Ă©trangers qualiïŹĂ©s d’« indĂ©sirables ». Son ouverture a un retentissement national et localement il provoqua de fortes rĂ©actions. À l’automne ce sont des femmes Ă©trangĂšres qui se retrouvent enfermĂ©es lĂ  ; plus de 27 nationalitĂ©s en tout. Par la suite, les camps d’internement ont Ă©tĂ© de vĂ©ritables piĂšges pour les Juifs et ont servi d’antichambre vers les camps d’extermination. Le camp a donc une portĂ©e internationale, nationale et locale. Il compte aujourd’hui dans la mĂ©moire de la Shoah. Il amĂšne Ă  se questionner sur ce qu’une RĂ©publique a Ă©tĂ© capable de mettre en place. Plusieurs collectivitĂ©s territoriales ont compris ces enjeux de mĂ©moire : le conseil dĂ©partemental des PyrĂ©nĂ©es-Orientales a permis la crĂ©ation du lieu de mĂ©moire de Rivesaltes ; le mĂ©morial du Camp des Milles a pour partenaire la rĂ©gion PACA, le dĂ©partement des Bouches-du-RhĂŽne, la ville d’Aix, etc. En AriĂšge plusieurs collectivitĂ©s ont ïŹnancĂ© le rĂ©amĂ©nagement du cimetiĂšre du camp du Vernet. D’autres collectivitĂ©s sont plus en retrait comme l’actuelle municipalitĂ© d’Elne qui a sur son territoire la fameuse maternitĂ©. La ville de Vichy ne propose toujours pas de circuit qui permette de connaĂźtre l’histoire de l’État français de 1940 Ă  1944. Alors quel choix sera fait en LozĂšre ? Quelle place le musĂ©e du GĂ©vaudan consacrera-t-il au camp de Rieucros et donc Ă  la mĂ©moire de cette pĂ©riode sombre de notre Histoire ? Nul doute que tout cela sera scrutĂ© et pas que par notre association. Sandrine Peyrac BULLETIN DE LIAISON Pour le Souvenir du Camp de Rieucros N° 25 JANVIER 2018 Don de Jimmy LouvatiĂšre, ïŹls de Raymonde LouvatiĂšre ancienne internĂ©e du camp. Aquarelle anonyme, faisant partie d’un lot de 6 dont certaines comportent au verso des poĂšmes d’Ernest Sarrou, ancien rĂ©sistant assassinĂ©. Le portail reprĂ©sentĂ© ici est l’ancien portail du camp qui depuis a Ă©tĂ© dĂ©placĂ© pour marquer l’entrĂ©e d’un chemin privĂ©. Il subsiste les anciens piliers. Il n’y a pas d’avenir sans mĂ©moire. Élie Wiesel Édito Une place pour Rieucros SOMMAIRE Édito 1 Janina Sochaczewska 2 Un lieu de mĂ©moire pour les juifs de Lublin 4 DĂ©cĂšs d’AngĂ©lita Bettini et d’Arlette Baena 5 Rencontres et visites au camp 6

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Page 1: Pour le Souvenir du Camp de Rieucros

Actuellement le musée du Gévaudan est en cours de réalisation.

L’inventaire des documents est en train de se terminer. Se pose donc pour notre association la question de savoir quelle place sera consacrĂ©e Ă  l’histoire du camp dans ce musĂ©e.

Nous savons que l’histoire du camp de Rieucros est une histoire qui dĂ©range. Rieucros est le premier des camps apparus en France. Il doit sa crĂ©ation Ă  la montĂ©e de la xĂ©nophobie (et non Ă  l’entrĂ©e en guerre ou Ă  la Retirada) et enferme des Ă©trangers qualifiĂ©s d’« indĂ©sirables ». Son ouverture a un retentissement national et localement il provoqua de fortes rĂ©actions. À l’automne ce sont des femmes Ă©trangĂšres qui se retrouvent enfermĂ©es lĂ  ; plus de 27 nationalitĂ©s en tout. Par la suite, les camps d’internement ont Ă©tĂ© de vĂ©ritables piĂšges pour les Juifs et ont servi d’antichambre vers les camps d’extermination.

Le camp a donc une portĂ©e internationale, nationale et locale. Il compte aujourd’hui dans la mĂ©moire de la Shoah. Il amĂšne Ă  se questionner sur ce qu’une RĂ©publique a Ă©tĂ© capable de mettre en place. Plusieurs collectivitĂ©s territoriales ont compris ces enjeux de mĂ©moire : le conseil dĂ©partemental des PyrĂ©nĂ©es-Orientales a permis la crĂ©ation du lieu de mĂ©moire de Rivesaltes ; le mĂ©morial du Camp des Milles a pour partenaire la rĂ©gion PACA, le dĂ©partement des Bouches-du-RhĂŽne, la ville d’Aix, etc. En AriĂšge plusieurs collectivitĂ©s ont financĂ© le rĂ©amĂ©nagement du cimetiĂšre du camp du Vernet.

D’autres collectivitĂ©s sont plus en retrait comme l’actuelle municipalitĂ© d’Elne qui a sur son territoire la fameuse maternitĂ©. La ville de Vichy ne propose toujours pas de circuit qui permette de connaĂźtre l’histoire de l’État français de 1940 Ă  1944.

Alors quel choix sera fait en LozÚre ? Quelle place le musée du Gévaudan consacrera-t-il au camp de Rieucros et donc à la mémoire de cette période sombre de notre Histoire ? Nul doute que tout cela sera scruté et pas que par notre association.

Sandrine Peyrac

B U L L E T I N D E L I A I S O N

Pour le Souvenir du Camp de RieucrosN ° 2 5 J A N V I E R 2 0 1 8

Don de Jimmy LouvatiĂšre, fils de Raymonde LouvatiĂšre ancienne internĂ©e du camp. Aquarelle anonyme, faisant partie d’un lot de 6 dont certaines comportent au verso des poĂšmes d’Ernest Sarrou, ancien rĂ©sistant assassinĂ©. Le portail reprĂ©sentĂ© ici est l’ancien portail du camp qui depuis a Ă©tĂ© dĂ©placĂ© pour marquer l’entrĂ©e d’un chemin privĂ©. Il subsiste les anciens piliers.

Il n’y a pas d’avenir sans mĂ©moire. Élie Wiesel

É d i t o Une place pour Rieucros

S O M M A I R EÉdito 1

Janina Sochaczewska 2

Un lieu de mémoire pour les juifs de Lublin 4

DĂ©cĂšs d’AngĂ©lita Bettini et d’Arlette Baena 5

Rencontres et visites au camp 6

Page 2: Pour le Souvenir du Camp de Rieucros

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Janina Sochaczewska fait partie de ces internĂ©es dont nous n’avons pas de trace dans les Archives dĂ©parte-mentales de LozĂšre. C’est l’historien Jean-Yves Potel

qui nous a contactĂ© Ă  son sujet et qui nous a permis de la connaĂźtre. Cette fiche est rĂ©digĂ©e Ă  partir du tĂ©moignage qu’il a recueilli et publiĂ© dans son ouvrage Quand le soleil se couche Ă  l’Est, aux Ă©ditions de l’Aube, 1995.

Janina est nĂ©e en Pologne en 1910 au sein d’une famille juive de tradition Hassidim. Elle grandit Ă  Lodz dans une ambiance fortement imprĂ©gnĂ©e de religion et qui finit par l’étouffer : « Dieu me fatiguait. Du matin au soir il fallait prier, respecter les heures oĂč l’on mange de la viande, et celles pour le fromage, le lait, le beurre (il y avait 6 heures de dĂ©calage). » Le yiddish Ă©tait la seule langue de la maison et les communau-tĂ©s Ă©taient trĂšs sĂ©parĂ©es. Mais sa mĂšre tenait un commerce de quincaillerie ce qui la mettait en contact avec des clients Ă©galement polonais. Janina allait aussi dans une Ă©cole polo-naise ce qui lui a permis d’avoir des amis ailleurs que dans la sociĂ©tĂ© juive.

À quinze ans elle prend contact avec une orga-nisation sioniste de gauche, lieu de forma-tion de jeunes commu-nistes. Elle adhĂšre au mouvement des libres penseurs de la ville. Elle y dĂ©couvre les ou-vrages de Rosa Luxem-bourg entre autres. Elle prend conscience de la condition ouvriĂšre misĂ©rable dans la ville ainsi que de l’antisĂ©mi-tisme. ArrĂȘtĂ©e au cours d’une manifestation, elle adhĂšre aux Jeu-nesses communistes Ă  sa sortie de prison en 1928.

RepĂ©rĂ©e par la police, elle part vivre en Alle-magne et milite au Rot Front (PC allemand) quelques mois. À l’automne 1929 elle passe clandestinement en France oĂč elle est accueillie par le Secours rouge. Elle prend sa carte au Parti communiste français dont elle est restĂ©e membre 18 ans. Militante trĂšs active elle anime la section MOI polonaise dans le Nord puis sur AlĂšs sous le pseudonyme d’Olga. En 1931, elle a une fille, Jacqueline, avec un militant communiste polonais (qui sera tuĂ© Ă  la fin de la guerre d’Espagne). Et en fĂ©vrier 1934 elle est arrĂȘtĂ©e au Martinet (prĂšs d’AlĂšs) car recher-chĂ©e par la police. Le maire de la ville aurait alors dĂ©clarĂ© « Si Ă  17 h cette femme n’est pas libre je mets tout le Martinet dans la rue. » LibĂ©rĂ©e elle triomphe dans un grand meeting.

« En 1939, Maurice (Thorez) a exigĂ© que tout le monde rĂ©gula-rise sa situation auprĂšs de la police. C’est alors que les emmerdes ont commencĂ©. Ma situation n’était pas tout Ă  fait lĂ©gale, tous les jours j’étais soumise Ă  des pressions policiĂšres. » Elle militait Ă  la CGT. Elle est arrĂȘtĂ©e le 19 octobre 1939 et envoyĂ©e Ă  Rieucros. Elle y reste un peu plus de deux ans. « LĂ -bas, un copain communiste polonais m’a dit : Il faut te sauver, Hitler ne laissera pas un Juif en vie. » Ils ont organisĂ© son passage au Mexique via l’Espagne. « Un jour j’ai reçu un visa pour le Mexique et un billet, payĂ© par un comitĂ© juif antifasciste de New-York. On m’a transfĂ©rĂ©e (en avril 1942) Ă  Marseille dans un camp de transit. Le gendarme Ă©tait sympa, il m’a laissĂ© sortir un moment. Je ne suis pas rentrĂ©e. (
) J’ai Ă©tĂ© cachĂ©e trois semaines par le PCF Ă  Marseille. Je leur ai dit que je ne voulais pas partir, que je voulais combattre l’hitlĂ©risme. Ils m’ont dirigĂ©e vers la MOI section juive Ă  Lyon. » Elle y restĂ©e jusqu’en aoĂ»t 1944, trĂšs active dans la RĂ©sistance (elle s’occupait d’impri-meries clandestines). Mi 1944, elle s’installe Ă  Grenoble, « sur ordre du parti pour participer Ă  la LibĂ©ration. » De son

sĂ©jour au camp de Rieucros, il reste un document touchant, une carte en raphia avec un poĂšme en polonais, souvenir offert en juillet 1940 par ses camarades de la « famille » des Polonaises pour le 9e anniversaire de sa fille absente. Ce qui prouve qu’elles n’étaient pas internĂ©es ensemble. On peut Ă©galement la reconnaĂźtre sur des photographies de cette « famille », publiĂ©es dans le livre de M. Gilzmer. À Gre-noble, elle donne naissance Ă  un deuxiĂšme enfant, Pierre. AprĂšs la libĂ©ration, elle se sĂ©pare du pĂšre, Alter Goldman qui garde l’enfant. Il se met ensuite en mĂ©nage avec Ruth Ambrun dont il a trois autres enfants dont Jean-Jacques Goldman. Il n’y a donc pas de lien direct entre Janina et

Janina Sochaczewska

L’enfilade des quatre baraques (cĂŽtĂ© chemin)

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Jean-Jacques le chanteur sauf qu’elle est la mĂšre de son demi-frĂšre Pierre. Ce fils a dĂ©frayĂ© la chronique dans les an-nĂ©es 1970 Ă©tant responsable d’au moins trois braquages et il a Ă©tĂ© acquittĂ© d’un 4e oĂč deux pharmaciennes avaient Ă©tĂ© tuĂ©es. C’est un hĂ©ros de l’extrĂȘme-gauche rĂ©volutionnaire et il a Ă©tĂ© assassinĂ© en pleine rue Ă  Paris en 1979 sans que le meurtre soit Ă©lucidĂ©. Un groupe d’extrĂȘme-droite a revendi-quĂ© son meurtre. Certes le personnage Ă©tait sulfureux mais il Ă©tait aussi Ă©crivain, musicien et militant.

Janina Sochaczewska est expulsée en Pologne par les auto-rités françaises, en 1948.

En Pologne elle commence une carriĂšre de professeure et continue Ă  adhĂ©rer au communisme. Profond est son dĂ©-chirement lors de la campagne antisĂ©mite dĂ©clenchĂ©e par Gomulka et le parti en 1968 suite Ă  la Guerre des Six Jours et prĂ©sentant les Juifs comme une cinquiĂšme colonne. « Je voulais en avoir le cƓur net. Je me rendis Ă  un meeting organisĂ© au palais de la culture par le Parti communiste. Il y avait dans la grande salle un parterre triĂ© sur le volet : tous les apparatchiks, toute la police politique. Et ils criaient au point qu’on enten-dait Ă  peine Gomulka : “Qu’ils partent ! Dehors les Juifs ! Aujourd’hui ! Cette nuit !” Ils respiraient la haine. J’avais l’impression de me retrouver Ă  NĂŒremberg, dans un Parteitag nazi. Je suis sortie. HorrifiĂ©e. Je compris que je venais d’enterrer les belles idĂ©es de ma jeunesse. Je marchais, hagarde dans les rues de Varsovie, en pleurant ».

Ce n’est qu’en 1979 qu’elle revient en France ; elle y dĂ©cĂšde le 28 dĂ©cembre 1993.

Un groupe de jeunes polonaises. Photo Mali Fritz.Livre de Mechtild Gilzmer Camp de femmes, Éditions Autrement).

21.VII.40. Rieucros.Najserdeczniejsze ĆŒyczenia w dniu urodzin Jacqueline ƛle Ci caƂa Rodzina.

Gdy Liza koszyk plecie Ci ze sƂomyGdy Kicia kwiatów szuka Ci po górachZ urzędu – muzy szukam po kryjomuCzekam by rymy spƂywaƂy po piórach

Muza kapryƛna i rymy spƂoszoneCzytając poznasz Janko - i wybaczysz Choć wiersz kuleje, choć ręce zmęczoneMyƛlę – przeczytasz nim z pamięci stracisz!

Twoje dziƛ ƛwięto – dziecka urodzinyChcemy by dzieƄ ten byƂ jaknajweselszy [sic !] Choć w brzuchu burczy – miejmy tęgie minyDziecko dla Ciebie – nadzieja najƛmielsza!

Być moĆŒe jutro za rok, albo za dwaJacqueline będzie walczyć o matki swej prawaI moĆŒe krzywda w jej serduszku zadrgaMoĆŒe w jej gƂówce NASZA wzroƛnie sprawa!

Choć ciÄ™ĆŒko czasem bez dzieci dla matekPomyƛl, ĆŒe mimo wszystko Tyƛ nie sama Ć»e maƂa koƄczy dzisiaj dziewięć latek Ć»eƛ mimo wszystko jej najdroĆŒsza mama!

Jance w dniu urodzin jej córeczki JacquelineZocha i caƂa jej Rieucroƛka [sic !] rodzinaRieucros 21/VII – 1940.

21.VII.40. Rieucros.Toute la Famille t’envoie ses meilleurs vƓux pour l’anniversaire de Jacqueline.

Quand Liza tresse un panier de pailleQuand Kicia cherche des fleurs dans les montagnesAussitît, je cherche ma muse en secret J’attends que de ma plume coulent les rimes

La muse est capricieuse et les rimes effrayĂ©es En lisant, tu me reconnaĂźtras Janka et tu me pardonneras Bien que le poĂšme soit boiteux et les mains fatiguĂ©es Je me dis : avant que le souvenir ne s’efface, tu le liras!

C’est ta fĂȘte aujourd’hui - l’anniversaire de ton enfantNous voulons que ce jour soit le plus joyeux Bien que le ventre gargouille - faisons bonne contenancePour toi l’enfant - l’espoir le plus audacieux !

Peut-ĂȘtre demain dans un an ou deux Jacqueline combattra pour les droits de sa mĂšre Et peut-ĂȘtre le tort rĂ©sonnera-t-il dans son cƓur Peut-ĂȘtre NOTRE cause surgira dans sa petite tĂȘte !

Comme toute mĂšre tu souffres sans ton enfant Pense que malgrĂ© tout, tu n’es pas seule Qu’aujourd’hui la petite fĂȘte ses neuf ans Et que tu es malgrĂ© tout sa trĂšs chĂšre maman !

Pour Janka, le jour de l’anniversaire de sa fille JacquelineZocha et toute sa famille de Rieucros Rieucros 21/VII – 1940.

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Un lieu de mémoire pour les juifs de Lublin

Brama Gordzka, mur des dossiers.

Dans la ville de Lublin en Pologne, le lieu de mĂ©-moire qui Ă©tudie, qui fait connaĂźtre l’histoire des 43 000 juifs de Lublin, 1/3 des 120 000 habitants

en 1939, s’appelle ThĂ©Ăątre Brama Gordska (thĂ©Ăątre de la Porte de la ville appelĂ©e aussi la Porte des Juifs). Au-jourd’hui il reste 40 Ă  50 juifs, c’est pourquoi cette mĂ©moire est prise en charge par des non-juifs. À la chute du com-munisme conscients qu’ils ne savaient rien de l’histoire des Juifs de la ville, un collectif dĂ©cida d’agir et ce fut la nais-sance du mĂ©morial.

C’est Ă  la fois un lieu d’information, de recherche et de culture, financĂ© par la municipalitĂ©.

Le thĂ©Ăątre mĂ©lange ces 3 Ă©lĂ©ments avec beaucoup d’ai-sance. La visite commence par un mur de sons compo-sĂ©s des tĂ©moignages enregistrĂ©s des rares juifs rescapĂ©s de Lublin ou de tĂ©moins de leur souffrance. Puis nous traver-sons une salle avec des rayonnages de classeurs. Chaque classeur correspond Ă  un immeuble de la ville et rĂ©pertorie les appartements oĂč vivaient des Juifs, leurs noms, leurs nombres. La piĂšce suivante montre des Ă©tagĂšres oĂč s’em-pilent des dossiers : il y en a 43 000, un pour chaque juif de la ville. Certains sont dĂ©taillĂ©s ; d’autres vides attendant

qu’une Ă©tiquette avec un nom viennent leur donner vie. Tout est accessible, on peut ouvrir, lire et dĂ©couvrir. Les 43 000 dossiers sont dispersĂ©s Ă  plusieurs endroits du musĂ©e.

Un espace est consacrĂ© Ă  la vie si courte d’Henio Zytomirs-ki (1933-1942 ) sous la forme de 7 photos, une pour chaque annĂ©e avant son assassinat dans la chambre Ă  gaz de MaĂŻ-daneck. Chacun s’il le souhaite peut lui Ă©crire une lettre.

Le thĂ©Ăątre a pour ambition forte que cette histoire ne reste pas confinĂ©e Ă  ces murs. Dehors une lampe brille jour et nuit depuis 2004 sur l’emplacement du ghetto ; un mur de plusieurs dizaines de mĂštres reproduit prĂšs du centre com-mercial les photos de rues du quartier juif trĂšs exactement. Des actions diverses sont organisĂ©es. En 2011, 5000 partici-pants forment une immense chaĂźne qui se rejoint :

- Ă  un bout de la chaĂźne un rabbin et un Ă©vĂȘque : quelqu’un prend la parole au micro et annonce ce qui se passe : « J’ai Ă  cĂŽtĂ© de moi le rabbin
 qui creuse la terre, la met dans un pot et la transmet Ă  un rescapĂ© qui transmet l’histoire (donc le pot) et ainsi de suite. »

- Puis « J’ai Ă  cĂŽtĂ© de moi un Ă©vĂȘque catholique qui ramasse la terre la met dans un pot et la transmet Ă  un Juste qui transmet l’histoire et ainsi de suite
 mais dans l’autre sens.

- Les pots arrivent enfin au «dernier homme» : il s’agit d’un ancien curĂ© (Romuald Vaskinel) qui a appris Ă  35 ans qu’il Ă©tait issu d’une famille juive et s’appelait en rĂ©alitĂ© Yakov Vexler. Il mĂ©lange la terre des deux pots qui est en-suite ensevelie.

La musique, la mise en scÚne des textes témoins enregis-trés, des conférences viennent encore enrichir ce travail déjà si impressionnant.

Brama Gordzka, mur des dossiers.

Brama Gordzka, mur des sons.

Brama Gordzka, Théùtre de la porte de la Ville appelée aussi la Porte des Juifs.

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5 5C’est dans l’acte que l’identitĂ© prend corps.

C’est dans les actions individuelles qu’adviennent les ave-nirs des peuples.

AngĂ©lita a su inscrire, dans une envolĂ©e de papiers jetĂ©e Ă  la face de la barbarie, les enseignements humanistes d’un pĂšre espagnol engagĂ©, les cris rĂ©voltĂ©s d’un peuple immi-grĂ©, Ă©crasĂ© par la dictature, les espoirs fous d’une jeunesse consciente des risques du combat, portĂ©e par la soif d’un mouvement de libĂ©rations prochaines et la promesse de jours heureux.

... BallotĂ©e d’un camp de femmes Ă  l’autre (Le RĂ©cĂ©bĂ©dou – Rieucros – Brens – Gurs ) AngĂ©lita se forgea la trempe d’un hĂ©rault portant haut et fort un message de courage et de dignitĂ© aux femmes qu’elle aime sans conditions, dĂšs lors qu’elles ont Ă©tĂ© jugĂ©es indĂ©sirables par le rĂ©gime du marĂ©chal fĂ©lon et l’occupant nazi. Une fois libre AngĂ©lita s’est encore battue pour retrouver les bras de son aimĂ©. Sa vie sera celle d’une ouvriĂšre courageuse, mĂšre de famille nombreuse et militante toujours passionnĂ©e.

À plus de 90 ans elle continuait Ă  tĂ©moigner pour faire vivre son amour de la justice et son sens du devoir pour la libertĂ©.

Texte de Lydie Soria psychologue du travail, ergonome et artiste, prĂ©face du livre sur AngĂ©lita Comment j’ai rĂ©sistĂ© Ă  PĂ©tain

Éditions Le vent se lùve.

Henio Zytomirski Ghetto de Lubin

Durant le mois de novembre nos deux amies Angélita Bettini et Arlette Baena sont décédées.

Arlette Baena et Angélita Bettini.

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En janvier 1942 Ă  AlĂšs Arlette BaĂ©na revient avec sa belle-mĂšre, d’origine espagnole mais naturalisĂ©e française depuis longtemps, de rendre visite Ă  sa belle-sƓur Ă  la maternitĂ©. Elles sont arrĂȘtĂ©es par des policiers prĂšs d’une manifesta-tion de femmes qui rĂ©clament le dĂ©blocage de stocks de lĂ©-gumes secs en cette pĂ©riode de disette. Arlette ignore tout de cette manifestation et c’est par hasard qu’elle se retrouve dans cette foule pour se rendre chez elle. AprĂšs une nuit au poste, Arlette est renvoyĂ©e chez elle. Quelques jours aprĂšs deux policiers se prĂ©sentent Ă  son domicile et l’amĂšnent au commissariat. Elle subit un interrogatoire avec prise des empreintes digitales, elle est mesurĂ©e, pesĂ©e puis mise en cellule au fort Vauban aprĂšs une fouille de ses poches. À quatre heures du matin, escortĂ©e par deux gendarmes elle part avec trois autres femmes Ă  la gare. Arlette est ainsi internĂ©e mi-janvier 1942 au camp de Rieucros “sans motif connu”, sans avoir Ă©tĂ© prĂ©venue de la destination de son voyage et donc sans avoir pu se prĂ©parer Ă  son internement (bagages, habits, argent
). Arlette est internĂ©e Ă  la ba-raque 6, la baraque des politiques françaises. Sa rencontre avec ces femmes engagĂ©es : Fernande Valignat, Charlotte Destruhaut, Odette Capion
 la marque Ă  vie et forge une conscience politique et citoyenne. Elle fait partie du trans-fert au camp de Brens. Elle est enfin libĂ©rĂ©e fin avril 1942. En rĂ©sidence surveillĂ©e Ă  AlĂšs, elle est obligĂ©e de pointer rĂ©guliĂšrement au commissariat. Arlette a parlĂ© de cette pĂ©riode de sa vie trĂšs tardivement. Son tĂ©moignage Ă  Lan-gogne le 4 mars 2008, d’abord devant les collĂ©giens puis le soir pour un public d’adultes nous a beaucoup marquĂ©s.

Rencontres- L’association a rencontrĂ© Madame AgnĂšs Sajaloli, direc-trice du MĂ©morial de Rivesaltes avec des reprĂ©sentants de la mairie. PrĂ©sentation d’un projet scientifique, artistique et culturel pour 2018/2019, intitulĂ© MĂ©moires de territoire. Nous serons avec la mairie partenaire dans ce projet rĂ©gio-nal.

- Nous avons rencontrĂ© Madame AurĂ©lie Jalouneix, conser-vatrice du futur musĂ©e mendois, afin de parler de la place laissĂ©e Ă  l’histoire du camp dans le futur musĂ©e de Mende

- Par lettre du 24 juillet 2017, la Direction rĂ©gionale des affaires culturelles PĂŽle Patrimoine et Architecture nous informe que le rocher sculptĂ© ne peut bĂ©nĂ©ficier d’une mesure de protection au titre des monuments historiques. Suite Ă  un Ă©change oral le 16 juillet, Sandrine a envoyĂ©, une lettre au SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la prĂ©fecture et un cour-rier Ă  Mme Françoise Nyssen, ministre de la Culture. À ce jour pas de rĂ©ponse et il sera nĂ©cessaire de demander un rendez-vous. La stratĂ©gie est certainement Ă  revoir et nous avons besoin de conseil.

Visites au campDe nombreuses visites sur le camp depuis le mois de juillet :

‱ Rando pour tous.

‱ MikaĂ«l Uhl un historien allemand qui travaille sur la bio-graphie de Betty Rosenfeld, juive allemande, antifasciste, membre des Brigades internationales, internĂ©e Ă  Rieucros puis Brens d’oĂč elle fut dĂ©portĂ©e Ă  Auschwitz.

‱ Le chanteur Cali.

‱ AgnĂšs Sajololi, directrice du MĂ©morial de Rivesaltes avec un groupe de jeunes de Bellesagne.

‱ 49 personnes sur la journĂ©e du Patrimoine, journĂ©e qui s’est terminĂ©e avec le groupe orchestre de GĂ©rard Clavel.

‱ Un petit groupe avec Amada Rousseaud prĂ©sidente de l’Ateneo RĂ©publicano du Limousin.

‱ Un petit groupe de Gardoises.

‱ Une classe de BTS du lycĂ©e Chaptal...

L’intĂ©rĂȘt du public pour l’histoire du camp d’internement de Rieucros (1939-1942) ne cesse de se confirmer, comme en tĂ©moigne le succĂšs des animations proposĂ©es dimanche 17 septembre dans le cadre des journĂ©es du patrimoine. Ainsi, en dĂ©but d’aprĂšs-midi, une cinquantaine de per-sonnes ont bravĂ© la pluie pour suivre une visite guidĂ©e du site du camp, GrĂące aux explications de Sandrine Peyrac, chacun a pu mieux saisir l’histoire de ce camp, et de son importance tant au plan local que national voire europĂ©en, au cours de deux heures de visite ponctuĂ©es de nombreuses questions.

La journĂ©e s’est poursuivie en ville, par un concert gratuit au profit de notre association. organisĂ© par les associations Dans mon jardin j’ai rencontré  et En passant par Bras-sens.

C’est Ă  l’abri du prĂ©au du groupe scolaire que les 80 per-sonnes prĂ©sentes se sont rĂ©galĂ©es des chansons de Georges Brassens, dont une version en anglais des Amoureux des bancs publics et une interprĂ©tation du Gorille en occitan. Marie-Odile Achard prĂ©sentait Ă©galement une installation consacrĂ©e Ă  la mĂ©moire des femmes du camp.

Le site de l’association :www.camp-rieucros.com