plans sans droit au - mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4...

70
PLANS SANS COULOIRS Charlotte Belval Pierre Parquet Ecole d'architecture de la ville & des territoires à Marne-la-Vallée Document soumis au droit d'auteur

Upload: truongdien

Post on 28-Jul-2018

218 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

PLANS SANS COULOIRS

Charlotte BelvalPierre Parquet

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 2: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Directeur de mémoire : Jacques LucanAssistant : Benjamin Persitz

Mémoire de fin d’études Master Théorie et ProjetEcole d’Architecture de la Ville et des Territoires - Janvier 2011

Plans sans couloirsCharlotte Belval et Pierre Parquet

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 3: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Introduction 7

Quoi ? 8réflexions diagrammatiques

Collection de plans 11

Mise en grille 13

Répétition 17

Conglomération 19

Tradition de plans 25

Architecture contemporaine et tradition 25

Un modèle classique 29

L’anti-type 33

Pourquoi 38les architectes contemporains font-ils des plans sans couloirs ?

Hypothèse d’un nouvel espace 41

Possibilités d’usages 45

Structure 45

Usages 47

Effets d’espaces 57

Relation des parties 57

Paysage intérieur 59

Potentiels libérés 67

Conclusion 71

Bibliographie 73

Sommaire

5

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 4: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Introduction

Ce travail de mémoire a débuté par l’attrait des figu-res géométriques simples et parfaites des plans sans couloirs. S’intéresser au plan sans couloir, c’est d’abord s’interroger sur le plan. Nous avons collectionné des projets contemporains qui mettent en jeu une organisation particulière, sans couloirs. Puis nous avons redessiné ces plans en des diagram-mes qui ont donné une lecture spécifique de ces projets. Cette collection de figures s’est alors transformée en collection de principes similaires et différents à la fois, qui nous a d’autant plus passionné à rechercher les motivations des architectes à travailler sur ce type de plan. Chaque plan, aussi schématique qu’il soit, renferme une complexité qui dépasse sa simple représentation. Une recher-che sur les modèles classiques d’enfilades de pièces a donné une épaisseur à notre réflexion en rattachant ces projets à une certaine tradition de plans. Chercher à savoir pourquoi certains architectes contem-porains travaillent sur le plan sans couloir, au-delà de sa poésie formelle, est l’essence de ce mémoire. La découverte de l’analyse par Robin Evans de la Villa Madama, soulignant les qualités contemporaines de son plan, nous a confirmé les potentiels inclus dans notre collection.

« Ceci n’est pas arrivé par accident. Ceci, aussi, était un prin-cipe. Et peut-être que la raison pour laquelle il n’a pas été mis en avant par les théoriciens et qu’il n’a tout simplement jamais été problématisé. »1

Ce sujet n’a jamais été usé par un amoncellement de théories, et permet alors d’engager une prospection plus per-sonnelle. Sonder et rapprocher les écrits et intentions des archi-tectes nous a donné les outils pour dégager les moyens et les effets qui définissent les plans sans couloirs.

1 Robin Evans, « Figures, Doors and Passages », Translation from Drawing to Building and Others Essays, Londres, Architectural Association, 1997, p. 70.7

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 5: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

8

Quoi ?réflexions diagrammatiques

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 6: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

« S’il y a une idée qui décrit le mieux l’esprit de ses structures, ce serait de dire qu’il s’agit d’une ‘‘architecture diagrammati-que’’. »2

« Cette recherche de clarté les mène à considérer leurs projets en tant que simples schémas dans lesquels ils tracent seule-ment des lignes, sans épaisseur et sans anticipation de matière ; lignes qui décrivent les espaces et définissent le plan géné-ral. »3

Redessiner les plans étudiés dans cette partie par une simple ligne schématique simplifie la lisibilité et donne une cer-taine clarté. Une réflexion diagrammatique permet d’engager directement des questions de similitudes et de différences. Cet-te méthode met tous les plans au même niveau, sans considé-ration de leur matérialité ni de leur contexte. La collection de plans, choisis parmi des projets contem-porains, veut approcher les questions inhérentes au plan sans couloir. Une fois défini ce qui semble tous les lier, on les classe par famille, pour voir qu’ils ne sont pas forcément régit pas la même logique d’organisation. Cette analyse est poursuivie par une approche de la tradition du plan sans couloir et de la filia-tion que ces projets contemporains ont avec elle.

2 Toyo Ito, « Diagram Architecture », El Croquis, n°121-122 (« Sanaa 1998-2004 »), 2004, p. 331.3 Juan Antonio Cortés, « Architectural Topology, an inquiry into the nature of contempo-rary space », El Croquis, n°139 (« Sanaa 2004-2008 »), 2008, p. 33.

9

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 7: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

10

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 8: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

4 Yuko Hasegawa, « Spaces that obliterates and erases programs », El Croquis, n°99 (Sanaa 1995-2000 ), p. 21.5 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « A conversation with Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa », El Croquis, n°139 (« Sanaa 2004-2008 »), p. 16.

Collection de plans

La collection de plans établie n’est pas exhaustive, mais montre bien que certains architectes contemporains s’intéres-sent au plan sans couloir comme principe d’organisation de leurs projets. Par cette représentation diagrammatique, les pro-jets sont difficilement reconnaissables à première vue et leurs programmes ne sont pas perceptibles. Pourtant, la collection regroupe aussi bien des équipements publics (musées, bâti-ments institutionnels) que des logements (collectifs ou indivi-duels). Il existe alors une similitude entre des projets ayant des programmes très différents. On peut déjà supposer que le plan sans couloir dépasse une conception qui serait uniquement pro-grammatique. Yuko Hasegawa écrit à propos de cette neutralité programmatique : « Si l’un des bâtiments de Sejima et Nishi-zawa est découvert dans 2000 ans, il sera difficile d’analyser si c’était une maison, un hôpital ou une prison. »4 Ces projets contemporains sont lus à travers le principe de leurs plans plu-tôt qu’à travers leurs programmes. Ils s’adaptent au plan plutôt que le contraire. La question de l’échelle se pose alors quand on voit la diversité de la collection. Peut-on concevoir une maison selon les mêmes principes qu’un bâtiment public ? Nishizawa prend position en déclarant que : « Nous pouvons expérimenter sur une petite maison, puis le développer sur un gros projet, et vice-versa. Je pense que la petitesse d’un projet n’est pas la ques-tion. Vous devez innover sur toutes les échelles, ou du moins essayer. »5 Pour lui, l’expérimentation architecturale n’est pas une question d’échelle et cette dernière ne doit pas empêcher la perméabilité de réflexion entre des projets de différentes tailles. Cela explique aussi l’effacement du programme, puisque le principe du plan sans couloir prend le dessus sur le programme et l’échelle.Le plan sans couloir semble alors mettre en jeu des notions

11

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 9: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

12

De haut en bas : Pezo Von Ellrichshausen, 120 doors, Chili, 2003.Berger et Berger, Building Building, Centre Pompidou Mobile, France, 2009.Eric Lapierre, Maison Auriol, France, 2010.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 10: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

de non-hiérarchie et d’équivalence des parties contenues dansle tout, rendant similaire tous ces projets. En effet, « la pro-blématique du plan sans couloir établit une égalité figurative entre toutes les surfaces d’un plan, qu’elles soient utiles ou de circulations et de dégagements. »6 Toutes les parties du plan deviennent équivalentes, en ne dissociant plus les pièces des espaces de circulation. Ces derniers disparaissent et le mou-vement se propage de pièce en pièce. Les pièces ne sont plus mises à distances, mais sont juxtaposées dans le périmètre to-tal du bâtiment.D’autre part, cette collection fait apparaître que ce type de plan n’est pas caractéristique d’un seul pays ou d’une seule région. Elle regroupe aussi bien des architectes japonais, suis-ses, chiliens, espagnols que français. Mais ces architectes ne questionnent pas forcément le plan sans couloir pour la même raison. Même si les projets de cette collection posent tous la question de l’équivalence des parties, ils sont pourtant très dif-férents dans leur conception. Sans pour autant se lancer dans une description monographique de ces projets, leur classement va permettre de mieux comprendre la fabrication d’un plan sans couloir à travers trois familles définies ainsi : mise en grille, ré-pétition, conglomération.

Mise en grille

Cinq plans de la collection peuvent être classés dans une famille qui utilise un principe de mise en grille pour créer une équivalence entre les parties du plan. Comme le dit Adrien Besson : « Le recours à la grille permet de former un espace neutre où tous les éléments du plan sont équivalents. »7 Il faut comprendre la grille comme une division de l’espace d’une ma-nière logique et ordonnée. Elle donne à voir un découpage du plan en éléments similaires sans que l’on puisse affirmer une

6 Jacques Lucan (dir.), Matière d’art-A Matter of Art. Architecture contemporaine en Suisse, Bâle, Birkhäuser, 2001, p. 128.7 Adrien Besson, « Architecture et indétermination », matières, n°8, 2006, p. 62.

13

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 11: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

14

De haut en bas : Sou Fujimoto, House H, Tokyo, 2009.Ryue Nishizawa, House in China, Tanggu, 2003.Ryue Nishizawa, Funabashi, Chiba, 2004.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 12: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

prédominance de l’un par rapport aux autres. Quatre projets sont caractéristiques d’une mise en grille totale. Le premier est une installation. Il s’agit de 120 doors, conçu en 2003 par les architectes chiliens Pezo Von Ellrichs-hausen, qui est un carré découpé en une grille de dix par dix dé-limitant des espaces identiques, tous reliés les uns aux autres par des portes. Les limites entre ces espaces deviennent fluc-tuantes à chaque modification de la position d’une porte. Un deuxième projet découle d’une même logique. En effet, le projet de l’agence Berger Berger et Building Building, pour le concours du Centre Pompidou Mobile en 2009, est un carré divisé en une grille de six par six, qui met en place « 36 antichambres », définissant un projet sans centre ni hiérarchie. Cela crée un espace neutre où chaque pièce garde sa propre intégrité en restant liée au tout. La Maison Auriol d’Eric Lapierre, conçue en 2010, est un rectangle divisé en une grille de quatre par quatre, définis-sant seize pièces identiques de même proportion que le péri-mètre de la maison. La présence des meubles de collections du propriétaire renforce la singularité des pièces à l’intérieur de l’espace neutre créé par la grille. La House H de Sou Fujimoto, construite en 2009, est aussi une mise en grille qui découpe le rectangle de la maison en quatre pièces identiques. Contrairement aux projets précé-dents, celui-ci se développe verticalement en gardant le même plan. Chaque pièce est en relation avec l’extérieur et avec les pièces adjacentes par de grands cadres. Les deux derniers projets de cette famille sont l’œuvre de l’architecte japonais Nishizawa. Ils se différencient des pro-jets précédents mais sont cependant assimilés à un dispositif de mise en grille. En effet, House in China, dessinée en 2003, est un rectangle découpé en une grille irrégulière, qui produit de grands et de petits espaces sans qu’aucune hiérarchie puisse être établie entre les pièces. De même, l’immeuble de loge-ments Funabashi, livré en 2004, est un plan sans couloir com-posé d’une grille irrégulière qui permet également d’avoir des espaces de différentes dimensions, tout en gardant la qualité

14 15

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 13: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

16

De haut en bas : Ábalos et Herreros, Casa Mora, Cadiz, 2003.Mansilla et Tuñón, Logements, Sarriguren, Navarre, 1998.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 14: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

d’équivalence des pièces. La mise en grille serait donc une manière assez claire de concevoir un plan sans couloir, où chaque pièce qui s’inscrit dans la grille est équivalente aux autres. Dans les premiers pro-jets, cette équivalence devient même une égalité puisque les pièces sont identiques.

Répétition

La deuxième famille regroupe quatre plans de la col-lection qui sont organisés par la répétition d’un élément. Cette répétition est créée par l’assemblage d’un module de base ou par l’exécution d’une même opération plusieurs fois sur toute la surface du plan. « Il s’agit d’une exploration de voies inter-médiaires entre des systèmes générés par la division, dans la-quelle chaque pièce et chaque espace conserve ses lois de la géométrie ou de la symétrie, et entre ceux qui explorent l’ajout d’éléments, chacun déterminé par sa fonction. »8 Comme pour la mise en grille, elle introduit une équivalence entre toutes les parties du plan. Par exemple, la Casa Mora, des architectes espagnols Ábalos et Herreros conçue en 2003, est un rectangle divisé en cinq bandes longitudinales égales. Ces dernières sont décou-pées dans leur largeur pour créer des pièces de tailles diffé-rentes. Ces pièces restent cependant équivalentes, puisqu’el-les découlent toutes de la même règle. Bien que le programme s’organise dans différentes parties de la maison, on ne peut pas distinguer une hiérarchie à l’intérieur du plan. Mansilla et Tuñón ont effectué une opération similaire pour leur projet de logements à Sarriguren, élaboré en 1998. Il s’agit d’un rectangle divisé en treize bandes qui sont décou-pées afin de créer des pièces de dimensions variables. Chaque logement prend possession d’une bande et s’organise dans la largeur du bâtiment. Par la répétition de la même opération,

17

8 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « Soft capacities and discipline : usage», El Croquis, n°115-116 (« Mansilla + Tuñón 2001-2003 »), p. 6.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 15: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

18

De haut en bas : Diener et Diener, Logements, Java, Pays-Bas, 2001. Mansilla et Tuñón, MUSAC, Leon, 2004.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 16: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

tous les logements et leurs pièces sont équivalents mais peu-vent prendre des dispositifs d’organisation différents. Diener et Diener utilisent un processus comparable pour leur immeuble de logements à Java construit en 2001. Les ar-chitectes ont conçu, dans un bâtiment rectangulaire à cour, une structure organisée par huit bandes longitudinales découpées en pièces semblables. On ne peut pas définir les limites des ap-partements sur le diagramme. Le processus de répétition s’af-franchit alors d’une considération purement programmatique et permet de mettre en avant une organisation spatiale neutre. Le MUSAC de Mansilla et Tuñón, livré en 2004 à Léon, peut être aussi assimilé à une opération de répétition. Il s’agit de la répétition d’un module composé d’un carré et d’un losange. Le musée est alors constitué d’une série de pièces autonomes définies par ce module, interconnectées par de nombreuses ouvertures. Il y a donc une relation entre toutes les pièces, qui gardent en même temps leur intégrité. La répétition est une autre manière de faire un plan sans couloir. Comme pour la mise en grille, toutes les parties du plan sont équivalentes. Cette opération donne pourtant davantage de souplesse en décalant les pièces les unes par rapport aux autres. L’organisation spatiale augmente donc la spécificité de chaque élément par rapport à la rigidité de la grille.

Conglomération

Les cinq derniers plans de la collection sont classés dans une troisième famille qui a pour dispositif une conglomé-ration de pièces. Ces plans sont des pavages de pièces qui viennent s’organiser dans le périmètre du bâtiment. Le Kunstmuseum de Morger et Degelo, construit en 2000, est composé de quatre pièces agglomérées en spirale autour d’une pièce centrale. Ces quatre pièces d’exposition ont des formes différentes et sont interdépendantes les unes aux

19

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 17: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

20

De haut en bas : Morger et Degelo, Kunstmuseum, Liechtenstein, 2000. Brauen+Wälchli, Ambassade de Suisse, La Paz, Bolivie, 2003.Pezo Von Ellrichshausen, Casa Parr, Chiguayante, Chili, 2008.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 18: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

autres. En effet, la modification de l’une d’entre elles entraîne la modification des autres. Il y a donc une tension entre ces cinq pièces, « L’intensité est d’autant plus forte que le vocabulaire est raréfié ; omniprésence du rectangle qui produit une homo-thétie générale, une mise en abîme des surfaces, volumes et espaces. »9

L’ambassade de Suisse à la Paz livrée en 2003, des ar-chitectes Brauen et Wälchli, est également une conglomération de pièces en spirale autour d’une cour. On ne trouve aucune répétition ni de règle ni de module. Comme pour le projet pré-cédent, il existe une interdépendance entre les pièces qui sont insérées entre le carré de la cour intérieure et celui du périmètre du bâtiment. La Casa Parr de Pezo von Ellrichshausen, construite en 2008, est un pavage de pièces dans un rectangle. Chaque pièce a une dimension particulière. Il n’y a pas de ligne qui or-ganisent l’ensemble du plan. Toutes les pièces gardent une cer-taine autonomie tout en étant fortement liées aux autres. Pour ce qui est du Stadstheater à Almere, livré en 2007 par Sanaa, « son plan est inscrit dans une forme banale : le rectangle. Son tracé ne procède pas de la division de la figure totale, mais il est reconstitué presque naïvement en un tout par conglomération de parties simples combinées de façon à remplir le périmètre, à la manière d’un puzzle. »10 L’idée du puzzle évoquée par Cedric Schärer nous montre bien la notion de conglomération qui est appliquée à ces plans. On retrouve dans ce projet l’interdépendance des parties entre elles et avec le tout. Le projet de Seidaï Hospital Annex de Sou Fujimoto, conçu en 1998, exprime clairement l’ambition de créer une ‘’architecture sans couloirs’’11. Les pièces se disposent aussi comme un puzzle. De ce fait, elles sont interdépendantes les unes aux autres. Leur position dans le plan est inéchangeable sans modifier la configuration totale, c’est-à-dire que chaque

21

9 Jacques Lucan (dir.), Matière d’art-A Matter of Art. Architecture contemporaine en Suisse, Bâle, 2001, p. 108.10 Cedric Schärer, « Plan neutre », matières, n°6, 2003, p. 96.11 Sou Fujimoto donne ce sous-titre au plan de ce projet dans : Sou Fujimoto, Primitive Future, Tokyo, Contemporary Architect’s Concept, Series 1, 2008, 143p.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 19: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

22

De haut en bas : Sanaa, Stadstheater, Almere, Pays-Bas, 2007.Sou Fujimoto, Seidai Hospital Annex, 1998.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 20: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

modification d’une pièce entraîne la modification de la figure générale. Les pièces de ces plans restent autonomes puisqu’el-les sont clairement identifiables. Mais leurs contingences les lient très fortement, c’est-à-dire que la communication directe de pièce en pièce augmente l’interdépendance des parties en-tre elles et accentue l’unité de l’ensemble. De plus, pour Cedric Schärer, les plans conglomérés sont dans un « état suspendu (...) susceptible d’être défait et refait autrement »12.

2312 Cedric Schärer, « Plan neutre », op.cit., p. 97.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 21: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

24Herzog et De Meuron, Maison Tavole, Italie, 1988.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 22: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Tradition de plans

La mise en grille, la répétition et la conglomération sont différentes manières utilisées par les architectes contemporains pour concevoir des plans sans couloirs. On peut supposer que ces familles ont une filiation avec une certaine tradition de l’en-filade de pièces. Faire des plans sans couloirs doit alors ques-tionner les architectes contemporains sur la position à prendre face à cet héritage.

Architecture contemporaine et tradition

Pour Herzog et De Meuron, la notion de tradition se pose pour tout projet contemporain : « Mais aujourd’hui, faire un objet est un nouveau problème à chaque fois. Qu’est-ce qu’un théâtre ? À quoi ressemble une fenêtre ? A quoi doit ressembler un dépôt de locomotives de chemin de fer ou même une chose aussi simple qu’un immeuble de bureaux ? »13 Cette réflexion, qu’ils engagent en amont de chaque projet, peut être élargie à cette interrogation sur la filiation du plan sans couloir : comment faire un plan aujourd’hui et à quoi doit-il ressembler ? « L’archi-tecture n’a jamais surgi à partir de rien »14. Jacques Herzog explicite cette phrase : « Je veux répéter que notre architecture ne prend place dans aucune réelle tradi-tion par rapport à l’architecture précédente. Elle s’y rapporte vraiment cependant par des observations, des perceptions critiques, des copies de ceci ou des démentis de cela. »15 La position qu’ils entretiennent avec la tradition commence donc par une compréhension et une analyse critique de l’architecture traditionnelle qui leur permet de situer leur projet par rapport à

25

13 Alejandro Zaera, « Continuities », El Croquis, n°60 (« Herzog et De Meuron 1983-1993 »), 1993, p. 16.14 Dans la conférence de Jacques Herzog, « The hidden Geometry of Nature » retrans-crise dans Herzog et De Meuron 1978-1988. The complete works, Volume 1, Birkhäu-ser, 1997, pp. 207-211.15 Ibidem.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 23: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

26Ryue Nishizawa, Moryama House, Tokyo, 2007.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 24: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

cette tradition et de s’y référer sur certains points. Ils illustrent ce lien avec la tradition dans leur travail sur la Maison Tavole, construite en 1988. Le plan de ce projet est un rectangle composé de quatre pièces autonomes, identiques deux à deux, formant un tout. Ce plan sans couloir est constitué de pièces équivalentes, et met donc en jeu les même probléma-tiques que celles soulevées dans la mise en grille. Ce projet s’inscrit explicitement dans la continuité d’un travail d’analyse du plan des maisons suisses traditionnelles, que Herzog et De Meuron résument ainsi : « Si nous regardons de plus près la vieille maison traditionnelle, les oppositions sont encore plus claires. La tradition oubliée fonctionne comme l’uto-pie lointaine d’une culture complète et intégrée. Le plan d’étage semble simple et clair : une division d’un modèle normalisé géométrique. Si je regarde d’un peu plus près, je ne perçois plus cette division comme une division ou une subdivision, mais plutôt comme un tout constitué d’éléments autonomes. Je le vois comme si la maison, dans sa forme héréditaire, ne découle pas d’une division (...), mais d’un processus inverse d’assem-blage pour créer un environnement social, fonctionnel, spatial et structurel, littéralement une architecture unifiée. (…) Cette relation particulière entre les parties et le tout est ce que nous essayons de trouver dans la plupart de nos projets, comme par exemple dans notre Maison Tavole en Italie. »16 Quant à Sanaa, la tradition japonaise est une donnée qui leur est intrinsèque. Comme le dit Nishizawa : « Nous som-mes évidemment influencés par la culture japonaise, car nous avons grandi dans l’atmosphère japonaise. »17 Dans beaucoup de leurs projets, ils soulèvent des pro-blématiques récurrentes de l’architecture traditionnelle telle que la relation entre l’intérieur et l’extérieur. Cette attention particu-lière fait ainsi référence à l’espace des maisons traditionnelles japonaises nommé engawa, où la relation entre les pièces d’un bâtiment est très importante.

27

16 Ibidem.17 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « A conversation with Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa », El Croquis, n°139, op.cit., p. 12.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 25: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

28 Palladio, Palazzo Antonini, Udine, Italie, 1556.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 26: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Sejima ne parle pas explicitement de l’influence de cet héritage dans son travail mais elle affirme que « peut-être, ce type de réflexion se pose parce que nous avons grandi au Japon, il peut y avoir une certaine influence sur nous en ce qui concerne la façon dont nous faisons l’espace. »18

Un modèle classique

Au-delà de la posture que les architectes contempo-rains tiennent face à la tradition, on ne peut nier que le plan sans couloir a été un modèle important dans la composition des plans de l’architecture classique.Par exemple, le Palazzo Antonini de Palladio est une résidence urbaine située à Udine en Italie, construit en 1556. Le plan de ce palais est un carré divisé en une grille irrégulière de trois par trois. La pièce centrale est la seule à être de nouveau divisée pour accueillir quatre pièces de services, elle demeure la seule indication hiérarchique du plan. On retrouve une similitude en-tre le plan de ce palais classique et le diagramme d’un plan sans couloir contemporain. Ce plan date de 1556 et semble néanmoins présenter les mêmes problématiques. Les palais et villas de l’époque classique présentent pour la plupart cette typologie de plan sans couloir, et on retrou-ve aussi ce modèle dans des plans de logements plus banals du XIXe siècle et du début du XXe siècle. C’est ce dont nous parle Christian Moley à propos de ces logements : « Ce genre de plan semble établir le principe de plan en grille qui à l’âge classique mettait les pièces en interconnexion. »19 Il analyse également la filiation de ces plans banals : « L’appartement apparaît comme une grille de pièces, une matri-ce plutôt indifférenciée en géométrie et en dimension, résultan-te de l’époque classique où l’habitation n’était qu’un ensemble banalisé interconnectant des chambres et antichambres, dont

29

18 Ibidem.19 Christian Moley, « Dégager les potentialités des espaces de l’appartement », Regard sur l’immeuble privé. Architecture d’un habitat 1880-1970, Paris, Le moniteur, 1999, p. 143.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 27: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

30

De haut en bas : A.Champy, immeuble de logements, Paris XIIe,1905. G.Guyon, immeuble de logements, Charenton, 1904.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 28: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

la distinction ‘‘à coucher’’ et ‘‘à demeurer’’ ne s’est précisé que peu à peu. »20 Par exemple, les plans d’immeubles de Champy dans le XIIe arrondissement de Paris, et de Guyon à Charenton, construits respectivement en 1905 et en 1904, présentent les caractéristiques dont parlent Moley. Ce sont deux plans divisés en une grille irrégulière permettant de créer un pavage de piè-ces indifférenciées et équivalentes. Moley dégage alors leurs qualités en expliquant le fait que « les potentialités de choix et de permutations d’affectations que recèlent le plan ancien ne relèvent pas que d’une simple exploitation de la combina-toire offerte par une grille de pièces, mais renvoient aussi à des différences d’usage. »21 Il souligne donc la particularité des ces plans qui est « de ne pas imposer d’emblée, par une dif-férenciation des pièces ne tenant qu’à leur taille respective, la lecture d’une unique répartition fonctionnelle. »22 Ils permettent avant tout des usages variés par notamment une réflexion sur la flexibilité. Moley dit que « si le plan en grille conduit de par ses suites de pièces à des distributions inhabituelles, il n’en rigidifie aucune à priori. Les pièces de même taille se prêtent à différentes affectations et mises en ordre. »23 Ces possibilités d’affectations différentes de chaque pièces et de diversification des lieux pour un même usage sont pour Moley une conséquence directe du plan sans couloir et de son enfilade de pièces. Il met alors en évidence les deux inté-rêts de cette dernière : « Le principe du plan en grille mettant en enfilade des pièces de même taille, suggère qu’une même fonction peut être démultipliée en plusieurs lieux selon différen-tes pratiques. »24 Il suggère également « des enchaînements qui intègrent des effets de perspectives et de parcours en sé-quences visuelles au lieu des seuls critères de complémentarité et de séparation fonctionnelle »25. Le plan sans couloir combine à la fois des qualités de perception des espaces et une clarté d’organisation.

31

20 Ibidem, p. 146.21 Ibidem, p. 148.22 Ibidem, p. 212.23 Ibidem.24 Ibidem.25 Ibidem.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 29: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

32Raphaël, Villa Madama, Rome, 1518.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 30: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Pour Moley, une différenciation des pièces existe et il nous dit justement que « le plan composé de grille de pièces plutôt uni-dimensionnelle ne doit pas laisser une idée d’un espace com-plètement neutre »26.

L’anti-type

Christian Moley analyse aussi des plans distribués à partir d’un couloir central. Alors que l’enfilade de pièces rend interdépendante toutes les parties du plan, le couloir est « un instrument d’aise » qui rend autonome les pièces les unes par rapport aux autres. Aujourd’hui, cette distribution par couloir est communément admise. Robin Evans tente dans un essai27

d’établir une histoire du remplacement de l’enfilade de pièces par un couloir de distribution. Evans explique que la « matrice de pièces communi-cantes » est un type de plan classique et donne l’exemple de la Villa Madama de Raphaël construite en 1518. Les pièces communiquent entre elles, créant des échanges entre tous les habitants de la villa, quelques soient leur rang social : « Une fois à l’intérieur, il est nécessaire de passer d’une pièce à l’autre, puis à une autre, pour traverser le bâtiment. Si des passages et des escaliers sont utilisés, comme ils le sont inévitablement, ils font presque toujours communiquer seulement un espace à un autre et ne servent jamais de distribution générale du mouve-ment. Ainsi, malgré le méticuleux confinement architectural of-fert par l’addition d’une pièce à une autre, la villa a été, en terme d’occupation, un plan ouvert relativement perméable aux nom-breux membres de la famille, qui ont tous, hommes, femmes, enfants, serviteurs et visiteurs, été obligé de passer à travers une matrice de pièces communicantes où la vie quotidienne pouvait s’y dérouler. (…) il n’y avait rien d’inhabituel à ce sujet ; c’était la règle dans les palais italiens, les villas et les fermes, une façon habituelle de joindre des pièces »28.

33

26 Ibidem, p. 154.27 Intitulé « Figures, Doors and Passages », écrit en 1978.28 Robin Evans, « Figures, Doors and Passages », Translation from Drawing to Building and Others Essays, Londres, Architectural Association, 1997, p. 64-65.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 31: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

34

De haut en bas : John Webb, Amesbury House, 1661. Sir Roger Pratt, Coleshill House, 1650-1667.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 32: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Il donne ensuite l’exemple de la Coleshill House de Sir Roger Pratt construite en 1667. Un couloir s’étend sur toute la longueur du bâtiment, chaque pièce a une porte qui donne sur celui-ci. Il rapporte les propos de Pratt sur ce projet : « ‘‘la voie commune, à travers toute la longueur de la maison’’ devait empêcher ‘‘les pièces de services d’importuner les autres par le passage continuel à travers elles’’ et, dans le reste de la mai-son, pour s’assurer que ‘‘les serviteurs ordinaires ne puissent jamais apparaître publiquement dans leurs allées et venues’’.»29 Le couloir permet alors de ne plus mélanger les espaces de vie avec les espaces de services et les maîtres avec les servi-teurs. Le pouvoir de ségrégation du couloir ne peut pas être facilement remis en cause, mais son fonctionnalisme, repose sur plusieurs contradictions. En voulant rendre les pièces indé-pendantes, il tend à intégrer plus de flexibilité. Pourtant, comme le dit Christian Moley « d’un côté il est un instrument d’aise », mais « d’un autre côté, il est gaspilleur d’espace, trop rigide ». Le couloir formalise le mouvement, le paralysant d’une certaine manière. Ce qui est tout à fait différent de la logique des enfila-des de pièces, comme le note Evans : « Là, le mouvement dans l’espace architectural se faisait par filtration plutôt que par ca-nalisation, ce qui signifie que même si une grande importance pouvait être accordée au passage séquentiel d’un endroit à un autre, le mouvement n’était pas nécessairement un générateur de forme. »30 La matrice de pièces ne donne aucune fixation au mouvement. Alors que le couloir prend une place prédominante dans l’organisation du plan et de son usage intérieur. Pour lui, « il y a un autre paradoxe flagrant : en facilitant la communica-tion, le couloir a réduit le contact. Cela signifie que la circulation, délibérée ou nécessaire, a été facilité tandis que la circulation accidentelle a été réduite, et le contact, (…) a été au mieux ac-cessoire et distrayant, au pire corrompu et malin. »31

Le couloir a réduit l’interaction possible entre les dif-férents occupants d’un bâtiment en matérialisant et figeant le

35

29 Ibidem, p. 71.30 Ibidem, p. 78.31 Ibidem, p. 79.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 33: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

36

A : un plan sans couloirB : une architecture de couloirAlexander Klein, « The functionnal house for frictionless living », 1928.Croquis extrait de Robin Evans, « Figures, Doors and Passages », Translation from Drawing to Building and Others Essays, op.cit. p. 85.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 34: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

mouvement. Tout en reconnaissant ses capacités à rendre in-dépendantes les pièces de services des pièces de vies, il faut tout de même retenir que ce dernier a donné à l’architecture un nouveau visage en modifiant les rapports sociaux en son sein. On peut voir dans l’essai d’Evans l’histoire inverse de celle qui nous intéresse avec le plan sans couloir contemporain, dans laquelle le couloir disparaît au profit d’une communication de pièce en pièce.

37

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 35: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Pourquoi les architectes contemporains font-ils des plans sans couloirs ?

38

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 36: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

39

Passer d’une architecture construite par une distribu-tion autonome de pièces indépendantes, au plan sans couloir, tel que repéré dans l’analyse diagrammatique de la collection de plans, va au regard de l’analyse d’Evans à contre-courant de l’évolution des plans. Les qualités trouvées dans les familles de plans contem-porains ont une forte similitude avec celles dégagées par Chris-tian Moley à propos des enfilades de pièces. Ces dernières ont été remplacées par une architecture de couloir, comme le mon-tre Evans, qui donne plus d’autonomie et d’indépendance aux pièces. Pourquoi les architectes contemporains réinterprètent -ils alors un modèle archaïque de plan, qui rend de nouveau les pièces dépendantes les unes des autres ?

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 37: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

40

LE CORBUSIER, figure extraite de Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, 1930

Croquis de Le Corbusier tiré de Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urba-nisme (1930), Editions Altamira Paris, 1994, p. 45.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 38: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

41

Hypothèse d’un nouvel espace

Dans une conférence donnée en 1930, Le Corbusier oppose un plan constitué de pièces et le plan libre. Il dit à pro-pos du premier : « Si je lis mes graphiques, je vois une pauvreté misérable à mes combinaisons architecturales. Pourquoi la sal-le de bain est-elle grande comme la cuisine, et la chambre des parents grande comme le salon ? Quels sont les facteurs com-muns de forme, de disposition, d’éclairage, de superficie entre une salle à manger et une chambre à coucher ? Nous sommes dans l’arbitraire, dans l’à peu près, dans le gaspillage de cube de bâtisse. (…) J’inscris avec conviction sur cette épure : gas-pillage, inefficience, paralysie. »32 Le Corbusier définit donc ce plan comme étant paralysé, par opposition au plan libre com-posé de « planchers éclairés ». Le schéma du « plan paralysé » selon Le Corbusier, semble correspondre au plan sans couloir tel que nous le définissons. Mais pour lui, ce type de plan n’ap-porte aucune qualité ni à l’espace ni à l’usage. Pourtant, les architectes contemporains travaillent de nouveau sur ce « plan paralysé ». On peut alors se demander s’ils ne cherchent pas, en faisant des plans sans couloirs, un nouveau plan qui s’intercalerait dans l’opposition binaire effec-tuée par Le Corbusier. Ábalos et Herreros parlent de la recherche d’une nou-velle possibilité architecturale avec le projet de la Casa Mora : « La maison est une expérimentation sur les possibilités d’or-ganiser un espace domestique contemporain, sans référence ni au modèle moderne du plan ouvert, ni à celui, traditionnel, avec des couloirs et des pièces.»33 Pour Juan Antonio Cortes, l’architecture de Sanaa « prend des principes de l’architecture moderne, et aussi certains aspects de la tradition architecturale du Japon, jusqu’à leurs limites, pour en même temps, être une enquête sur la substance même de l’espace contemporain. »34

32 Le Corbusier, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme (1930), Editions Altamira, Paris, 1994, p. 43.33 Texte de présentation de la maison dans 2G, n°22 (« Ábalos et Herreros), p. 48.34 Juan Antonio Cortés, « Architectural Topology, an inquiry into the nature of contempo-rary space », El Croquis, n°139, op.cit., p. 57.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 39: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

42

À gauche, les qualités de la pièce : Louis Kahn, Maison Fisher, Pennsylvanie, 1967. À droite, les qualités de l’espace ouvert : Mies Van Der Rohe, Maison de campagne, 1923.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 40: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

43

Les plans de la collection sont composés de pièces. Louis Kahn définit la pièce comme étant « le commencement de l’architecture. C’est le lieu de l’esprit. On est dans la pièce, avec ses dimensions, sa structure, la lumière qui lui donne son caractère, son aura spirituelle, et on prend conscience que tout ce que l’homme propose et fait devient vie. La structure de la pièce doit être évidente dans la pièce même. »35 Selon cette définition, le plan sans couloir a comme élément structurel de base une pièce autonome et structurée. Mais l’analyse des familles de plans nous a également montré que toutes ces pièces étaient fortement liées et inter-dépendantes entre elles. Mies Van Der Rohe dit à propos de la Maison de Campagne en brique : « (…) j’ai abandonné le prin-cipe habituel de fermeture de l’espace : à la place de pièces dis-tinctes j’ai recherché une suite d’effets d’espace. La paroi perd ici son caractère de fermeture et ne sert plus qu’à l’articulation de l’organisme de la maison. »36 Cette intention de créer des successions d’espaces, se retrouve dans celle des architectes contemporains par le travail sur la relation entre les pièces. Requestionner le plan sans couloir serait, pour ces ar-chitectes contemporains, un moyen de trouver un nouveau plan situé entre le « plan paralysé » et le plan libre de Le Corbusier, qui combinerait à la fois les qualités de la pièce dont parle Kahn et celles de l’espace ouvert de Mies Van Der Rohe. On remarque que ces architectes contemporaines cherchent alors, à partir d’un modèle archaïque, une nouvelle « substan-ce » caractéristique de l’espace contemporain.

35 Louis I. Kahn, Silence et lumière, Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974, traduit par Mathilde Bellaigue et Christian Devilliers, Éditions du Linteau, Paris, 1996, p. 229.36 Ludwig Mies Van Der Rohe, manuscrit de conférence, 1924, dans Fritz Neumeyer, Mies Van Der Rohe – Réflexions sur l’art de bâtir, Le Moniteur, Paris, 1996, p. 251.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 41: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

44Schémas d’études de Sanaa pour le Stadstheater, Almere, Pays-Bas, 2007.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 42: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

45

Possibilités d’usages

Structure

Les plans contemporains de la collection se distinguent par la présence de la structure sur toutes les parties composant le bâtiment. En effet, la capacité des plans sans couloirs à pou-voir être dessinés selon un schéma diagrammatique est due au fait que les quatre parois de chaque pièce sont structurelles. Il n’y a plus de distinction entre la structure principale du bâtiment et sa partition. La division qui existe sur le diagramme est alors celle qui existe en réalité. Selon Sejima, « un bâtiment est finalement l’équivalent du schéma de l’espace utilisé pour décrire abstraitement les activités banales présupposées par la structure.»37 Sejima ex-plique par exemple que « pour le projet d’Almere, il est très important pour nous de ne pas diviser la cloison et la structure. Donc, une partie de chaque paroi travaille à la structure totale. Beaucoup de petites parties de la paroi apportent une contribu-tion à la structure globale. Et nous essayons d’avoir la même épaisseur pour chaque paroi. »38 Elle poursuit : « Normalement, quand un architecte est tenu de faire une sorte de structure flexible, il pense à une gran-de structure couvrant de petites cloisons amovibles.(...) mais une chose que nous essayons de faire est que, si nous avons besoin d’un très petit espace, il devient effectivement partie prenante de la structure, exactement de la même manière que pour les grands espaces. »39 En homogénéisant la structure et les parois de chaque pièce, ces architectes contemporains cherchent à rendre équivalentes toutes les parties du bâtiment. Ainsi, la pièce participe, comme toutes les autres, à la structure globale du bâtiment renforçant ainsi la relation entre les diffé-rentes parties interdépendantes et l’unité du bâtiment.

37 Toyo Ito, « Diagram Architecture », El Croquis, n°121-122, op.cit., p. 331.38 Alejandro Zaera, « A conversation », El Croquis, n°99 (Sanaa 1995-2000), p. 14.39 Ibidem, p. 16.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 43: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

46Diener et Diener, Logements, Java, Pays-Bas, 2001.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 44: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

47

En faisant des plans sans couloirs, ces architectes pensent la structure de manière à rendre chaque élément du plan structurel, au lieu de dissocier le système constructif de la partition. Roger Diener, lors d’une conférence40, explique que le bâtiment de logements de Java est avant tout un projet de structure : « ce n’est pas l’organisation des appartements qui détermine le plan, mais le volume structurel : les appartements sont construits à l’intérieur d’une structure existante. »41 C’est le programme qui s’insère dans la structure et non lui qui dicte la conception du plan : « l’appartement ne détermine pas les dimensions de l’espace, l’appartement va chercher aussi loin que possible, jusqu’au prochain appartement. »42

Quand les plans sont dessinés selon le programme, ceux-ci sont dimensionnés sur mesure mais ne permettent aucune évolution. Le plan sans couloir inverse alors cette logi-que en donnant la possibilité à plusieurs usages de venir s’in-sérer dans le bâtiment. On trouve alors une certaine flexibilité, non pas dans le réaménagement permanent des cloisons qui divisent le plan, mais dans des occupations différentes de piè-ces semblables. Sejima répond à la question de la flexibilité en affirmant que dans un plan sans couloir « rien ne bouge, mais les gens peuvent utiliser l’espace de façon très flexible. Donc, par la structure, je suis en train d’expliquer une question très pratique. Je veux penser à la hiérarchie entre les partitions et la structure et essayer de réduire cette hiérarchie. »43

Usages

Le plan sans couloir ne permet pas qu’un seul schéma d’organisation. Les pièces, n’ayant pas un usage prédéfini par leur taille, leur forme ou leur disposition, peuvent en accueillir des différents. De plus, de nombreuses combinaisons d’orga-nisation sont possibles comme les pièces ont des dimensions

40 Conférence de Roger Diener au Centre Culturel Suisse à Paris, le 23 novembre 2010.41 Propos relevés par les auteurs lors de cette conférence.42 Ibidem.43 Alejandro Zaera, « A conversation », El Croquis, n°99, op.cit., p. 14.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 45: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

48

De haut en bas : Ábalos et Herreros, Casa Mora, Cadiz, 2003.Berger et Berger, Building Building, Centre Pompidou Mobile, France, 2009.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 46: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

49

semblables. Il n’y a rien de nouveau à cela, comme le montre Chris-tian Moley à propos des immeubles de la fin du XIXe siècle : « La flexibilité était plutôt à cloisons fixes, comme une possibi-lité d’affecter différemment une même pièce. Cela va de paire avec leur indifférenciation en taille. »44 La flexibilité de l’espace n’est plus comprise comme une partition temporaire d’une sur-face, mais par une redéfinition de l’organisation d’affectation de celui-ci. Ainsi pour la Casa Mora : « le système de même que les formes de la maison sont en mesure de générer un nombre infini de solutions avec de légères modifications. Nous pour-rions construire une colonie de Casa Mora, toutes semblables et toutes différentes à la fois. »45 Les diagrammes de la collec-tion incluent alors plusieurs possibilités d’usages, c’est-à-dire plusieurs combinaisons valables à l’intérieur d’un seul et même plan. Les architectes montrent, par des suites de schémas, que leurs projets ont une capacité à prendre différentes organisa-tions. Ábalos et Herreros ont par exemple dessiné seize solu-tions d’organisation du plan de la Casa Mora. « Cette collection de versions n’est pas organisée dans n’importe quel ordre, l’en-semble des solutions forme une unité en soi et non le résultat d’une évolution linéaire. En fouillant dans les plans, nous voyons qu’un petit changement (...) génère une série de changements autour. »46 Le plan sans couloir tel qu’il est organisé au final est indissociable de l’existence d’autres alternatives. Les architectes Building Building et Berger Berger ont, pour leur part, présenté quatre scénarios d’organisation pour leur réponse au concours du Centre Pompidou Mobile. Dans la note de présentation du projet, Thomas Raynaud parle de la volonté de « laisser émerger des ruptures, des vides, des es-paces a-fonctionnels, des cheminements, des scénographies inattendues et finalement des usages imprévisibles du musée mobile. »47 Le projet « devient le lieu de production d’une mul-

44 Christian Moley, « Dégager les potentialités des espaces de l’appartement », Regard sur l’immeuble privé. Architecture d’un habitat 1880-1970, op.cit., p. 143.45 Antonio Moll Moliner, « La Casa Rhizoma : habitar en el siglo XXI. Reflexiones sobre une obra de Iñaki Ábalos », Pasajes de Architectura y critica, n°104, 2009, p. 32-36.46 Ibidem.47 Note de présentation du projet relevée sur le site internet de Building Building.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 47: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

50Ryue Nishizawa, House A, Tokyo, 2006.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 48: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

51

tiplicité de scénarios, générés par une infinité d’ambiances. »48 Ce n’est pas une flexibilité modulaire qui est introduite, mais une variabilité des possibilités. Comme il y a une multitude de plans possibles dans l’élaboration d’un plan sans couloir, il y a aussi une multitude d’organisation d’usages et celui qui prend place dans le plan n’est au final qu’un choix arbitraire. De même, les versions présentées par les architectes ne constituent pas des collections exhaustives, mais une liste arrêtée de possibilités. Les pièces prennent des dimensions similaires qui conditionnent l’apparition de nouveaux types d’usages. Ainsi dans le projet de la House A de Nishizawa, la proportion de toutes les pièces est semblable et donc non spécifique à une fonction. On remarque sur le plan, que la ‘‘bathroom’’, salle de bain, n’est plus définie comme telle mais comme un ‘’bath li-ving’’, salon de bain. La salle de bain est alors surdimension-née, ce qui permet l’apparition de nouveaux usages. Sejima et Nishizawa parlent d’un nouveau potentiel : « Nous essayons toujours de penser à chaque espace, non seulement en terme d’intimité, mais dans son caractère et dans son potentiel (...) et cela vient de la proportion de chaque espace.»49 Le plan sans couloir donne une même valeur aux différents usages et offre alors de nouvelles possibilités de les combiner. Les architectes arrivent donc, avec le plan sans couloir, à créer un espace évo-lutif dans son organisation et novateur dans son usage. Une fois la structure du plan sans couloir mise en place, le processus d’intégration du programme est l’occasion pour ces architectes contemporains de questionner les usages, mais aussi les parcours de ces usages à travers le plan. Par exem-ple, pour la Casa Mora, « on ne permet pas au programme de dominer la conception. Les descriptions programmatiques sont mises dans le plan de pièces (…). Du patio d’entrée on peut errer à travers cette matrice de pièces, choisissant entre quatre parcours. Trois de ces parcours se terminent dans la chambre principale ; un parcours va à l’autre coin de la maison. Vous ne traversez pas la chambre principale sauf par un parcours plus

48 Ibidem.49 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « Liquid playgrounds. Fragments from a conversation », El Croquis, n°121-122 (« Sanaa 1998-2004 »), 2004, p. 22.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 49: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

52

01

Maison 01

09

Maison 09

Schémas d’Eric Lapierre de deux des dix « maisons dans la maison », Maison Auriol, 2010.De haut en bas : Maison 01, la « maison publique » en croix et Maison 09, la « maison des parents » en spirale.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 50: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

53

dissimulé (…). »50 Le plan sans couloir permet d’aller d’usages en usages de plusieurs manières dans un même plan et donc de rendre paradoxalement hétérogène un plan qui est très ho-mogène dans sa conception. Eric Lapierre introduit même l’idée qu’il y a « plusieurs maisons dans la maison » par une « superposition d’intention et de maisons toutes agglomérées dans le même périmètre »51. Les schémas qu’il a réalisés pour la Maison Auriol montrent cette superposition de parcours et d’expérience qu’apporte la position du programme dans les différentes pièces. Ils permet-tent de distinguer à l’intérieur de ce plan, composé de seize pièces identiques, dix maisons. Ainsi, le schéma en croix de la « maison publique » s’additionne alors à celui en spiral de la « maison des parents » et ainsi de suite jusqu’à redécouvrir la maison tout entière. Thomas Raynaud au sujet du Centre Pompidou Mobile dit que ce projet est « la mise en abîme du musée, il y a autant de musées que de pièces. Le musée mobile n’est plus un sim-ple musée mais un ensemble de musées. »52 Il est donc com-posé de trente-six musées comme autant de pièces qui compo-sent le plan. Il en est de même pour la Casa Mora, qui permet à Moll Moliner de supposer : « peut-être que ce qui lui donne une valeur particulière, c’est qu’elle est une et toutes à la fois. »53

Le plan sans couloir est porteur d’une complexité interne, qui peut être appréhendée dans la Casa Mora : « Le caractère architectural de cette maison est une matière complexe. Mais la complexité n’est pas manifestée dans la technologie (…). C’est une maison passionnante. »54 Ces architectes contemporains veulent créer par ce plan des complexités décuplées et inatten-dues de parcours et d’usages, mais également une concentra-tion d’évènements entre les habitants ou usagers. Pour Sanaa, « chaque pièce en elle-même ne semble pas exceptionnelle, mais elle permet aux gens de communi-

50 Florian Beigel, Philip Christou, « Teasing modernity », 2G (« Ábalos&Herreros »), 2002, p. 11.51 Propos relevés par les auteurs lors d’un entretien avec Eric Lapierre.52 Note de présentation du projet relevée sur le site internet de Building Building.53 Antonio Moll Moliner, « La Casa Rhizoma : habitar en el siglo XXI. Reflexiones sobre une obra de Iñaki Ábalos », op.cit., p. 32-36.54 Florian Beigel, Philip Christou, « Teasing modernity », op.cit., p. 12.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 51: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

54Schéma d’Ábalos et Herreros pour la Casa Mora, Cadiz, 2003.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 52: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

55

quer par elles, ce qui signifie qu’il y a mille et un visage d’ex-pliquer toute l’architecture. Alors j’espère que chaque fois que quelqu’un entre dans l’espace, il éprouve quelque chose de dif-férent. C’est le rassemblement de toutes ces expériences qui fait réellement le bâtiment. »55

Le plan sans couloir a une capacité, par sa simplicité diagrammatique et son homogénéité, à rendre identifiable tous les parcours et toute la complexité qui le constitue. Au-delà de la flexibilité d’usage qu’il apporte, son apparente simplicité ar-chaïque offre une richesse intérieure continuellement renouve-lée.

55 Alejandro Zaera, « A conversation », El Croquis, n°99, op.cit., p. 16.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 53: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

56

Sou FUJIMOTO, House H, Tokyo, 2007-2009. Vue intérieure.Sou Fujimoto, House H, Tokyo, 2007-2009

Sou Fujimoto, House H, Tokyo, 2009.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 54: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

57

Effets d’espaces

Relations des parties

On a vu que l’apparente neutralité de l’espace du plan sans couloir était contrebalancée par une complexité interne d’organisation, qui donne une certaine hétérogénéité à cet es-pace homogène. Il y a alors une différence entre toutes ses parties, ce qui enrichit l’expérience du bâtiment. Sejima et Nishizawa expliquent que dans le Stadstheat-ter d’Almere, « tous les espaces sont contigus entre eux direc-tement et non pas à travers des couloirs, les murs des pièces ont une relation intense avec les pièces d’à côté. Se déplacer à travers le bâtiment signifie passer directement d’un espace à un autre »56. Plutôt que de définir un tout, les architectes qui travaillent sur le plan sans couloir s’intéressent à la relation de ses parties. Se-jima déclare qu’une des priorités de son travail est de « penser aux relations. Pas nécessairement entre l’extérieur et l’intérieur, mais parfois entre un espace (intérieur) et un autre. »57

Les pièces des plans sans couloirs sont alors considé-rées comme des parties dont la relation définie la nature même du bâtiment. Affranchir le plan d’espace de circulation, n’enlève pas l’indépendance de chaque pièce, mais les rend interdépen-dantes les unes des autres. Il y a donc une complémentarité entre l’autonomie des pièces, qui peuvent être décrites singu-lièrement, et leurs relations. Sou Fujimoto déclare que « si, en effet, la conception architecturale fournit un certain ordre à l’es-pace, je tâche de le réaliser par un ordre établi entre les pièces, au lieu de définir un ordre global dans l’architecture. »58 Il s’inté-resse donc à une « architecture de parties ». Les architectes qui conçoivent des plans sans couloirs, exacerbent dans certains projets cette notion de parties. Par

56 Texte de présentation du projet, El Croquis, n°99, op.cit.57 Juan Antonio Cortés, « Architectural Topology, an inquiry into the nature of contempo-rary space », El Croquis, n°139, op.cit., p. 43.58 Sou Fujimoto, « Architecture of parts », JA, 2001, n°43, p. 10-11.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 55: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

58

SANAA, Glass Pavillion at the Toledo Museum of Art, Ohio, USA, 2001-2006, Diagrammes.SANAA, Glass Pavillon at the Toledo Museum of Art, Ohio, USA, 2001-2006

Sanaa, Glass Pavillon at the Toledo Museum of Art, Ohio, USA, 2006.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 56: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

59

exemple Nishizawa, pour la Moryama House construite à To-kyo en 2007, rend chaque pièce indépendante, c’est-à-dire que chacune devient un bâtiment. Loin de les rendre hermétiques les unes par rapport aux autres, cette démarche augmente les vues et les relations entre elles. La problématique de la limite et de l’interaction entre les espaces se retrouvent dans de nombreux projets de Sanaa. À Toledo, ils doublent les parois de chaque pièce pour créer une substance de l’entre-deux, qui amplifie la relation entre les espaces. Sejima affirme que : « en regardant le Stadstheater à Almere, le pavillon de verre au Musée d’Art de Toledo ou le Musée d’Art à Kanazawa, nous pouvons voir que ce qui régit l’ensemble est un ordre relationnel, la façon dont chaque partie est reliée avec les parties environnantes. »59

Tous ces projets, même s’ils prennent des formes différentes, posent la question de la relation entre les parties.

Paysage Intérieur

Avec le plan sans couloir, ces architectes contemporains veulent donc créer une architecture de relation et « permettre l’association la plus simple possible de conditions spatiales (…) pour chacune des activités, pour ensuite les imbriquer dans un réseau de relations mutuelles qui peut en fin de compte géné-rer un modèle spatial. »60 Ces conditions spatiales n’entraînent pas seulement des possibilités d’usages. En effet, ce type de plan permet une souplesse dans l’appropriation des différentes pièces, mais il donne aussi une liberté de parcours. Antonio Moll Moliner nous dit à propos de la Casa Mora que, malgré son orthogonalité, « le système est brisé, frag-menté. Une série d’allées diagonales et de routes en «s» sont intimement liés à l’intérieur de la maison. (…) Le croisement

59 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « Ocean of Air », El Croquis, n°121-122 (« Sanaa 1998-2004 »), 2004, p. 373.60 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « Ocean of Air », El Croquis, n°121-122, op.cit., p. 375.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 57: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

60

De haut en bas : Croquis de Sanaa pour le Stadstheater, Almere, Pays-Bas, 2007.Croquis de Ryue Nishizawa pour House in China, Tanggu, 2003.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 58: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

61

de ces lignes se fait sans ordre apparent et sans aucune hié-rarchie. (…) Lorsque nous marchons, nous décrivons des tra-jectoires droites ou courbes. »61 Le plan sans couloir est alors appréhendé dans un circuit différent et contradictoire que celui que la géométrie du plan laisse supposer. Antonio Moll Moliner, en insistant sur le côté courbe et diagonale des chemins em-pruntés pour parcourir le plan, laisse à penser que les parois structurelles, orthogonales, et le parcours libre, interagissent. Ces architectes contemporains, en travaillant sur le plan sans couloir, s’intéressent aux différents cheminements et cherchent à augmenter la capacité des individus de s’y prome-ner librement. Cette intention serait l’inverse de ce que produit le couloir, qui dirige le mouvement et la distribution. Ils n’ont pas la volonté de générer un simple flux spatial, mais propose, en créant des multitudes de relations entre les différentes pièces, une expérience spatiale pour les usagers. Sanaa explique cette proposition comme une volonté de créer une « corrélation de zones plutôt que de former un schéma de circulation fortement hiérarchisée. (…) la multipli-cité découle de l’accent mis sur ces relations entre les zones et permet une variété immédiate d’accès et de mouvement à l’intérieur du bâtiment. »62

Un plan sans couloir est ainsi composé d’une variété de parcours et de circulation. Sejima décrit l’expérience qu’el-le propose pour le Stadstheater d’Almere : « J’étais intéressé de faire ce genre d’espace, une espèce de parc (...) Un parc permet à différentes personnes de rester au même endroit au même moment. (...) quelqu’un pourrait être à côté de vous en train de lire un livre ou de boire un jus. »63 Les croquis, produits par Sanaa à l’occasion de ce projet, expriment cette idée en montrant une juxtaposition d’éléments tous semblables mais tous différents. Ils décrivent un paysage intérieur qui contient des cheminements, non-dirigés et pittoresques, que l’on arpen-te à son gré avec un nombre de possibilités infinies. Cette expé-rience est ressentie par la déambulation à travers des usages

61 Antonio Moll Moliner, « La Casa Rhizoma : habitar en el siglo XXI. Reflexiones sobre une obra de Iñaki Ábalos », op.cit., p. 32-36.62 Texte de présentation du projet Stadstheater à Almere, El Croquis, n°99, op.cit.63 Adrien Besson, « Architecture et indétermination », matières, n°8, 2006, p. 65.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 59: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

62Kazuyo Sejima, House in a Plum Grove, Tokyo, 2003.

Kazuyo Sejima, House in a Plum Grove, Tokyo, 2003

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 60: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

63

côte à côte que les usagers découvrent les uns après les autres. Ce paysage intérieur devient alors un réel « paysage construit » que l’on parcoure, comme le dit64 Eric Lapierre au sujet de la Maison Auriol. Il recherche une certaine « profon-deur du plan et de l’espace » obtenue notamment par la capa-cité du plan sans couloir à offrir des points de fuites multiples. Cette profondeur de plan est possible grâce à la succession de pièces qui sont percées. Eric Lapierre image cette profondeur par l’idée d’une succession de « tableaux » à la fois sur l’inté-rieur et sur l’extérieur, où la fenêtre par un effet de perception devient elle-même une pièce. Sejima explique le mécanisme visuel que l’on trouve dans House in a Plum Grove : « J’avais besoin d’une autre épaisseur, alors j’ai décidé d’utiliser des plaques minces en acier qui pourrait également agir en tant que structure. Comme le mur perd de son épaisseur, les points de vue à travers les ouvertures dans la pièce suivante apparaissent comme des ta-bleaux.»65 Le plan sans couloir n’a en effet pas besoin d’une épaisseur de paroi pour créer un effet de profondeur. La suc-cession de pièces et leurs percements tels des cadres, que créent ces architectes contemporains, sont suffisants pour per-mettre d’apporter une atmosphère particulière où la sensation de profondeur existe. Sejima et Nishizawa développent une architecture qui « prend généralement une forme immersive dans laquelle la perception implique aussi l’expérience de placer le corps dans sa relation à l’espace, ses limites et l’expérience combinée des autres dans le même espace. Travailler avec l’atmosphère comme une méthode de conception signifie de considérer si-multanément la perception autant que les relations réciproques entre le sujet et l’objet. Dans cette architecture, la concaténa-tion d’expériences joue un rôle primordial. (…) C’est un espace (…) dans lequel l’expérience de la profondeur est fondamen-tale, dans lequel les choses semblent avoir un poids et des conditions équivalentes (…). »66 64 Propos recueillis par les auteurs lors d’un entretien avec Eric Lapierre.65 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « Liquid playgrounds. Fragments from a conversation », op.cit., p. 22.66 Cristina Díaz Moreno et Efrén García Grinda, « Ocean of Air », op.cit., p. 375.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 61: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

64

Ryue Nishisawa, House in China, Version I, Tanggu, 2003

De haut en bas : Ryue Nishizawa, House in China, Tanggu, 2003.Le Voisvenel, immeuble de logements, Paris XVIe arrondissement, 1905.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 62: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

65

Le plan sans couloir permet donc, par une mise en re-lation de ses différentes parties équivalentes, de créer une ex-périence de la profondeur qui met le corps en immersion dans l’espace du plan tout entier. L’image de House in China illustre ce phénomène de succession de « tableaux » et l’atmosphère que veulent créer ces architectes contemporains avec le plan sans couloir. Le paysage intérieur est valorisé par la perception et le ressenti d’une profondeur totale, où l’intérieur du bâtiment et l’extérieur sont en continuité. De même, ce paysage renforce l’idée d’un continuum de parties construit par les successions de pièces. Le plan sans couloir permet la perception d’une certai-ne profondeur, créant des limites floues mais continues entre l’intérieur et l’extérieur, aussi bien de la pièce que du bâtiment. Le paysage intérieur ainsi ressenti, place l’individu en relation direct avec l’espace construit. Le plan sans couloir, en plus de favoriser les relations entre les pièces, favoriserait l’interaction entre les personnes.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 63: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

66

Superstudio, Environment, 1972.

Superstudio, Environment, 1972.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 64: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

67

Potentiels libérés

Le plan sans couloir est un paysage intérieur qui connecte l’individu à toutes les parties du plan, que ce soit phy-siquement par le parcours pittoresque à travers les différents usages, ou visuellement par son effet de profondeur. L’individu qui se situe dans une pièce, a aussi la sensation d’être dans l’espace du bâtiment tout entier. En effet, il y a une spécificité locale donnée au lieu où se trouve l’individu - la pièce - et une expérience globale - à travers la relation entre les parties - de tous les autres lieux du bâtiment. Sejima explique pour House in a Plum Grove que « Les nombreux espaces et ouvertures offrent une liberté pour les habitants de créer de nouvelles relations entre les pièces et les fonctions, et de ressentir une souplesse de l’intimité tout en étant connecté »67. Elle suggère donc l’idée que par ces espa-ces devenus libres, une nouvelle relation se développe entre l’espace architectural et les différents individus qui occupent et se déplacent dans l’espace. Le plan sans couloir permet donc une interaction entre tous les usagers, en créant les conditions de croisement et de rencontres, accidentelles ou non. Les indi-vidus se retrouvent au cœur de cette architecture. Le plan sans couloir leur permet de participer activement à l’expérience du bâtiment. Ces architectes contemporains cherchent à créer avant tout une réelle expérience. Comme dans la Casa Mora : « Il y a des lieux de rassemblement, mais aussi plus d’isolement, on peut être dans la communauté ou dans la solitude. La maison rhizome est un organisme complexe, avec une capacité à lier des personnes séparées, selon leur volonté. Elle est capable de tenir plusieurs usages isolés tout en les faisant cohabiter tous sous un même toit. »68 Le plan sans couloir a la capacité de permettre aux usa-gers de vivre une expérience individuelle mais surtout collective

67 Juan Antonio Cortés, « Architectural Topology, an inquiry into the nature of contempo-rary space », El Croquis, n°139, op.cit., p. 43.68 Antonio Moll Moliner, « La Casa Rhizoma : habitar en el siglo XXI. Reflexiones sobre une obra de Iñaki Ábalos », op.cit., p. 32-36.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 65: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

68

De haut en bas : Pezo Von Ellrichshausen, 120 doors, Chili, 2003Croquis de Sanaa pour le Stadstheater, Almere, Pays-Bas, 2007Sous-titré : « Se déplacer à travers le bâtiment signifie aller d’un espace à un autre. Les vesti-bules remplacent les longs couloirs. »

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 66: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

69

du bâtiment. Cette architecture a une dimension rhizomatique c’est-à-dire qu’elle crée une multitude de liens. Le plan sans couloir prend alors l’image d’un réseau social où l’individu peut décider de rencontrer l’autre. Cela n’était pas permis par exemple avec l’architecture de couloir, qui a pour Robin Evans « diviser la maison en deux domaines - un sanctuaire intérieur habité, parfois par des piè-ces déconnectées, et un espace de circulation inhabité (…), rendant difficile de justifier d’entrer dans n’importe quelle pièce où vous n’aviez rien à faire. Avec cela est venu une définition manifestement moderne de l’intimité, pas comme une réponse à un problème éternel de commodité, mais très probablement comme une façon de favoriser une psychologie naissante dans laquelle le Moi a été, pour la première fois, considéré pour n’être pas seulement un risque dans la présence des autres, mais en réalité défiguré par eux. »69 Pour Evans, il y a donc un lien entre l’indépendance de la pièce, favorisée par le couloir, et le renfer-mement sur soi. Augmenter les relations entre les pièces donne donc la possibilité de s’ouvrir vers les autres. Le plan sans couloir libère un potentiel de rencontres et d’évènements par le rappro-chement rendu possible. Il est intéressant de remarquer alors que Robin Evans, après avoir montré que le couloir appauvrit les rapports humains, pense qu’il y a sûrement « un autre type d’architecture qui chercherait à faire jouer pleinement les cho-ses qui ont été si soigneusement masquées par son anti-type; une architecture découlant de la fascination profonde qui at-tire les gens vers les autres; une architecture qui a reconnu la passion, la sensualité et la sociabilité. La matrice de pièces communicantes peut être une caractéristique intégrale de ce bâtiment »70.Les architectes contemporains sont arrivés à construire cet autre type d’architecture, le plan sans couloir.

69 Robin Evans, « Figures, Doors and Passages », Translation from Drawing to Building and Others Essays, op.cit., p. 75.70 Ibidem, p. 90.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 67: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Conclusion

Ce nouvel espace est composé de pièces indépendan-tes, mais est aussi un réseau de pièces ouvertes les unes sur les autres. Le plan sans couloir est un monde des possibles, un paysage intérieur dont la « substance » continue est composée d’un assemblage de pièce kahnienne. L’imaginaire de la Mai-son Fisher rencontre celui de la Maison de Campagne de Mies Van der Rohe. C’est un continuum de parties qui fait collaborer l’identité de chaque pièce pour créer un « paysage construit ». Le plan sans couloir produit une architecture qui permet des possibilités d’usages multiples, qui forme une complexité interne, et qui par la relation entre ses parties, propose des ef-fets d’espaces qui jouent avec les sensations et travaillent sur l’atmosphère d’un lieu. Au-delà d’être un simple jeu géométrique, le plan sans couloir « nous met sur la pointe des pieds, attendant à n’importe quel moment l’inattendu, une découverte pièce-par-pièce, des évasions et des rencontres, y compris légèrement maladroite, même irritante. Un condensateur social, un condensateur cultu-rel. »71 Il laisse une part d’imprévisible, qui nous fait penser au concept anglais de ‘‘serendipity’’ ; un monde de découvertes inattendues, faites grâce au hasard et à l’intelligence. Les ar-chitectes contemporains, en réfléchissant au plan sans couloir, placent les sensations et les relations humaines au centre de leurs préoccupations. L’architecture contemporaine est à la recherche d’une nouvelle « substance », lieu de sensations et de relations hu-maines. Le plan sans couloir est une manière de produire une superposition de lieux et un support à des rencontres heureu-ses et fortuites. Le plan sans couloir fait alors écho à une autre forme de cette « substance », où la pièce fait place au seul continuum, où différents lieux existent dans la même atmosphère, où l’on peut arpenter le « paysage construit » sans aucune limite. Avec le Rolex Learning Center, Sejima n’aurait-elle pas substitué la topographie à l’enfilade de pièces ?

71

71 Florian Beigel, Philip Christou, « Teasing modernity », 2G (« Ábalos&Herreros »), op.cit., p. 11.

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 68: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

Bibliographie

ouvrages

ÁBALOS INAKI, The good life, Gustavo Gili, Barcelone, 2001, 207p.

BARTHES Roland, L’empire des signes, Éditions du Seuil, Pa-ris , 2007, 160p.

CHAROLLAIS Isabelle, MARCHAND Bruno, Architecture de la raison, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1991, 239p.

COOK John, KLOTZ Heinrich, Questions aux architectes, Édi-tions Mardaga, Liège, 1974, 459p.

EVANS Robin, Translations from Drawing to Buildingand Other Essays, Architectural Association, London, 1997, 294p.

FUJIMOTO Sou, Primitive Future, Japan, Contemporary Archi-tect’s Concept Series 1, INAX publishing, 2008, 144 p.

GUALANDI Alberto, Deleuze, Éditions Perrin, Paris, 2009, 170p.

KAHN Louis, Silence et lumière, Éditions du Linteau, Paris, 1996, 304p.

LE CORBUSIER, Précisions sur un état présent de l’architec-ture et de l’urbanisme (1930), Éditions Altamira, Paris, 1994, p. 43.

LUCAN Jacques, MARCHAND Bruno, Matière d’Art, Architec-ture contemporaine en Suisse, Birkhäuser, Bâle, 2001, 208p.

LUCAN Jacques, Composition, Non composition, Presses poly-techniques et universitaires romandes, Lausanne, 2009, 607p. 73

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 69: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

LUCAN Jacques, Eau et gaz à tous les étages, Éditions du Pa-villon de l’Arsenal, Paris, 1999, 279p.

MOLEY Christian, Architecture d’un habitat 1880-1970, Le Mo-niteur, Paris, 1997, 205p.

MOLEY Christian, L’immeuble en formation, Édition Mardaga, Liège, 1991, 200p.

NISHIZAWA Ryue, Studies by the office of Ryue Nishizawa, Japan, Contemporary Architect’s Concept Series 4, INAX pu-blishing, 2009, 109 p.

SCULLY Vincent, Modern Architecture and Other Essays, Prin-ceton University Press, Princeton, 2003, 400p.

VENTURI Robert, De l’ambiguïté en Architecture, Dunod, Paris, 1999, 144p.

articles

BEIGEL Florian, CHRISTOU Philip, « Teasing Modernity», 2G (« Ábalos&Herreros »), n°22, 2002, p. 4 à 11. BESSON Adrien, « Architecture et indétermination », matières, n°8, 2006, p. 58 à 68.

CORTES Juan Antonio, « Architectural Topology, an inquiry into the nature of contemporary space », El Croquis, n°139 (« Sanaa 2004-2008 »), 2008, p. 32-57.

FUJIMOTO Sou, « Architecture of Parts », JA, N°43, automne 2001, p.10 à 11.

GRINDA Efrén García, MORENO Díaz Cristina, « A conver-sation with Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa », El Croquis, n°139 (« Sanaa 2004-2008 »), p. 7 à 31.

74

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r

Page 70: plans Sans Droit Au - Mes.marnelavallee.archi.frmes.marnelavallee.archi.fr/mes/072010332.pdf · 4 Yuko Hasegawa, «Spaces that obliterates and erases programs», El Croquis, n°99

GRINDA Efrén García, MORENO Díaz Cristina, « Liquid playgrounds. Fragments from a conversation », El Croquis, n°121-122 (« Sanaa 1998-2004 »), 2004, p. 9 à 25.

GRINDA Efrén García, MORENO Díaz Cristina, « Ocean of Air », El Croquis, n°121-122 (« Sanaa 1998-2004 »), 2004, p. 364 à 377.

GRINDA Efrén García, MORENO Díaz Cristina, « Soft capaci-ties and discipline : usage », El Croquis, n°115-116 (« Mansilla + Tuñón 2001-2003 »), p. 6 à 21.

HASEGAWA Yuko, « Spaces that obliterates and erases pro-grams », El Croquis, n°99 (« Sanaa 1995-2000 » ), p. 21 à 25.

HERZOG Jacques, « The hidden Geometry of Nature » re-transcrise dans Herzog et De Meuron 1978-1988. The com-plete works, Volume 1, Birkhäuser, 1997, p. 207 à 211.

ITO Toyo, « Diagram Architecture », El Croquis, n°121-122 (« Sanaa 1998-2004 »), 2004, p. 330 à 334.

ITO Toyo, « Theoretical and sensorial architecture : Sou Fujimo-to’s radical experiments », 2G (« Sou Fujimoto »), N°50, 2009, p.4 à 9.

MOLL MOLINER Antonio, «Réflexions sur un projet de Iñaki Ábalos », Pasajes de Architectura y critica, n°104, fev 2009, p 32 à 36.

SCHÄRER Cédric, « Plan neutre », matières, n°6, 2003, p.91 à 98.

ZAERA Alejandro, « Continuities », El Croquis, n°60 (« Herzog et De Meuron 1983-1993 »), 1993, p. 6 à 23.

ZAERA Alejandro, « A conversation », El Croquis, n°99 (Sanaa 1995-2000), p. 6 à 19.

75

Ecole

d'arch

itectu

re de

la vi

lle &

des t

errito

ires à

Marn

e-la-V

allée

Docum

ent s

oumis

au dr

oit d'

auteu

r