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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2010) 39, 498—502 CAS CLINIQUE Placenta percreta en fin de premier trimestre de grossesse. Difficultés diagnostique et décisionnelle : à propos d’un cas et revue de la littérature Placenta percreta at first trimester of pregnancy. Diagnostic and decision-making difficulties: About a case and a review of the literature M. Pont a , E. Kouadio a , M.-P. Fernandez a , M. Bottaro a , M. Augros b , I. Bechet b , P. Mathevet c , J. De Chivré a , S. Soler a , S. Lantheaume a,a Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de Valence, 179, boulevard Maréchal-Juin, 26953 Valence cedex 9, France b Service d’anatomopathologie, centre hospitalier de Valence, 179, boulevard Maréchal-Juin, 26953 Valence cedex 9, France c Service de gynécologie, hôpital Femme—Mère—Enfant, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France Rec ¸u le 27 octobre 2009 ; avis du comité de lecture le 2 avril 2010 ; définitivement accepté le 28 avril 2010 Disponible sur Internet le 4 juin 2010 MOTS CLÉS Douleur abdominale aiguë ; Hémopéritoine ; IVG ; Placenta percreta Résumé Nous rapportons le cas d’une patiente de 28 ans, G9P4. Sa dernière grossesse avait fait l’objet d’un échec d’interruption volontaire de grossesse (IVG) selon la méthode médica- menteuse à six semaines d’aménorrhée (SA). Le diagnostic de placenta percreta (PPer) fut posé lors d’une laparotomie exploratrice pour douleur abdominale aiguë et hémopéritoine modéré à 15 SA. Une hystérectomie d’hémostase a finalement été réalisée. Le PPer est une pathologie rare. Le diagnostic est difficile à poser surtout lors du premier et du deuxième trimestre de la grossesse. L’objectif de cet article est de faire le point sur les examens complémentaires permettant le diagnostic et les traitements conservateurs ou non à envisager selon la sévé- rité du tableau clinique et du devenir obstétrical de la patiente. Cette étiologie inhabituelle d’hémopéritoine à 15 SA est à connaître devant l’augmentation du taux de césariennes. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Acute abdominal pain; Abortion; Summary We report the case of a 28-year-old patient, G9P4. Her last pregnancy was marked by a failure of a medical termination at 4 gestational weeks. She consulted as a matter of emergency for acute abdominal pain with moderated hemoperitoneum at 13 weeks of gestation. A laparotomy was performed and allowed to diagnose a placenta percreta (PPer). The treatment consisted in a hemostasis hysterectomy. The PPer is a rare pathology. The diagnosis is difficult to do, especially during the first and second trimester of the pregnancy. The focus of this article is Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (S. Lantheaume). 0368-2315/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jgyn.2010.04.009

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ournal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la Reproduction (2010) 39, 498—502

AS CLINIQUE

lacenta percreta en fin de premier trimestre derossesse. Difficultés diagnostique et décisionnelle :propos d’un cas et revue de la littérature

lacenta percreta at first trimester of pregnancy. Diagnostic andecision-making difficulties: About a case and a review of the literature

. Ponta, E. Kouadioa, M.-P. Fernandeza, M. Bottaroa, M. Augrosb,. Bechetb, P. Mathevetc, J. De Chivréa, S. Solera, S. Lantheaumea,∗

Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de Valence, 179, boulevard Maréchal-Juin, 26953 Valence cedex 9, FranceService d’anatomopathologie, centre hospitalier de Valence, 179, boulevard Maréchal-Juin, 26953 Valence cedex 9, FranceService de gynécologie, hôpital Femme—Mère—Enfant, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France

ecu le 27 octobre 2009 ; avis du comité de lecture le 2 avril 2010 ; définitivement accepté le 28 avril 2010isponible sur Internet le 4 juin 2010

MOTS CLÉSDouleur abdominaleaiguë ;Hémopéritoine ;IVG ;Placenta percreta

Résumé Nous rapportons le cas d’une patiente de 28 ans, G9P4. Sa dernière grossesse avaitfait l’objet d’un échec d’interruption volontaire de grossesse (IVG) selon la méthode médica-menteuse à six semaines d’aménorrhée (SA). Le diagnostic de placenta percreta (PPer) fut posélors d’une laparotomie exploratrice pour douleur abdominale aiguë et hémopéritoine modéréà 15 SA. Une hystérectomie d’hémostase a finalement été réalisée. Le PPer est une pathologierare. Le diagnostic est difficile à poser surtout lors du premier et du deuxième trimestre dela grossesse. L’objectif de cet article est de faire le point sur les examens complémentairespermettant le diagnostic et les traitements conservateurs ou non à envisager selon la sévé-rité du tableau clinique et du devenir obstétrical de la patiente. Cette étiologie inhabituelled’hémopéritoine à 15 SA est à connaître devant l’augmentation du taux de césariennes.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary We report the case of a 28-year-old patient, G9P4. Her last pregnancy was marked

KEYWORDSAcute abdominalpain;Abortion;

by a failure of a medical termination at 4 gestational weeks. She consulted as a matter ofemergency for acute abdominal pain with moderated hemoperitoneum at 13 weeks of gestation.A laparotomy was performed and allowed to diagnose a placenta percreta (PPer). The treatmentconsisted in a hemostasis hysterectomy. The PPer is a rare pathology. The diagnosis is difficult todo, especially during the first and second trimester of the pregnancy. The focus of this article is

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (S. Lantheaume).

368-2315/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jgyn.2010.04.009

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Placenta percreta au premier trimestre, difficultés diagnostiques et thérapeutiques 499

Hemoperitoneum;Placenta percreta

to evaluate medical imaging and conservative treatments or radical treatment, according to theseverity of the symptoms and her obstetrical outcome. This unusual etiology of hemoperitoneumat 13 weeks of gestation must to be known in front of the increase of the caesarians rate.© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Discussion

Plusieurs types d’anomalies d’insertion placentaire sontdistingués, en fonction de la profondeur de pénétrationdes villosités placentaires dans le myomètre. Le placentaaccreta est défini par son adhérence anormale au myomètredu fait de l’absence localisée ou diffuse de la caduque basalequi habituellement s’interpose entre les villosités tropho-blastiques et le myomètre. C’est la forme la plus fréquenteavec 75 % des cas. Il est caractérisé par un envahissementsuperficiel des villosités dans le myomètre. Le placentaincreta se distingue par un envahissement profond du muscleutérin par les villosités placentaires. Il représente 15 % descas. Enfin, le placenta percreta (PPer) se distingue par unenvahissement de la totalité de la paroi utérine jusqu’à laséreuse avec une extension possible aux organes pelvienstels que la vessie, le ligament large ou les anses intes-tinales. L’adhérence du placenta peut siéger sur toute laplaque basale ou localisée qu’à un ou plusieurs cotylédons.Le PPer est la forme la moins fréquente retrouvé dans 5 %des cas [1]. L’incidence du PPer est en nette augmentationdepuis plusieurs décennies, compte tenu en grande partiede l’élévation sensible du taux de césariennes. Son diagnos-tic est difficile. Nous rapportons le cas exceptionnel d’unPPer diagnostiqué en fin de premier trimestre de grossesseet révélé par un hémopéritoine.

Observation

Nous rapportons le cas de Mme D., 28 ans, G9P4, quia consulté en urgence pour douleur abdominale aiguë à15 semaines d’aménorrhée (SA). Dans ses antécédents, onavait retrouvé : deux accouchements voie basse à terme,deux césariennes, cinq interruptions volontaires de gros-sesse (IVG). La première césarienne a été réalisée enurgence à 34 SA pour placenta prævia hémorragique, laseconde pour utérus cicatriciel et conditions locales défa-vorables à terme. Trois IVG sur cinq étaient chirurgicales,le reste selon la méthode médicamenteuse. Cette patientea été prise en charge à six SA pour une nouvelle IVG« médicamenteuse ». L’échographie de datation avait mon-tré un sac gestationnel inséré dans la cavité utérine enposition isthmique. Le protocole IVG « médicamenteuse »avait été réalisé et un implant sous-cutané à visée contra-ceptive avait été posé. L’échographie de vacuité fut prévue15 jours après l’IVG, auquel la patiente ne se présentapas.

Deux mois plus tard, la patiente fut hospitalisée devantun tableau de douleur abdominale aiguë. L’examen cli-nique et échographique en urgence montra une grossesseintra-utérine évolutive d’environ 15 SA. Le placenta étaitantérieur, l’insertion inférieure était difficile à identifier.Une lame d’épanchement abdominal était retrouvée, les

annexes n’étaient pas visualisées. Le doppler transparié-tal n’était pas informatif au niveau de la face antérieurede l’utérus. Le diagnostic suspecté initialement fut celuid’un hémopéritoine mineur par rupture hémorragique de

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igure 1 Diagnostic de placenta percreta en peropératoire.eroperative diagnosis of placenta percreta.

yste ovarien. Une anomalie de placentation fut évoquéeais non retenue. Une surveillance clinique et biolo-

ique a été instaurée. Ses constantes hémodynamiquestaient normales. À j1, la patiente était cliniquementtable, l’hémoglobinémie à 10 g/dl. Une échographie abdo-inale retrouva un hémopéritoine majoré. L’origine de

’hémopéritoine n’était pas clairement identifiée. Lesvaires n’étaient toujours pas visualisés. À j2, devant laéglobulisation à 7,9 g/dl, et malgré des constantes toujourstables, une cœlioscopie exploratrice fut décidée. Celle-ciermit la visualisation d’un hémopéritoine d’environ 1 l, deang rouge non coagulé, massif, envahissant les deux gout-ières pariéto-coliques. Les ovaires avaient une structureormale. L’utérus gravide était volumineux, l’exploratione la cicatrice d’hystérotomie était difficile. Une laparo-omie médiane sous-ombilicale fut pratiquée. En regard dea cicatrice d’hystérotomie, on observait des lésions bour-eonnantes, saignantes au moindre contact en regard et auarge de la cicatrice d’hystérotomie (Fig. 1). Le diagnos-ic était un PPer sans envahissement vésical. L’indication’hystérectomie d’hémostase avec conservation ovarienneut retenue, nécessitant la transfusion de deux culots glo-ulaires. Les suites opératoires furent simples. La patientequitté le service à j6 avec une psychothérapie de soutien.

’acceptation à trois mois de sa prise en charge fut favo-able. L’anatomopathologie confirmait le diagnostic de PPervec une infiltration du placenta de la totalité de l’épaisseuru myomètre au niveau de la face antérieure isthmique de’utérus (Fig. 2).

e PPer est une anomalie rare d’implantation pla-entaire. L’incidence est variable allant de 1/540 à/70 000 accouchements, avec une moyenne de 1/7000 [2].ette incidence peut augmenter en cas de placenta præ-

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igure 2 Pièce d’hystérectomie, rupture utérine partielle.iece of hysterectomy, partial uterine disunion.

ia, d’antécédant de césariennes, d’âge maternel avancéu de curetage utérin répétés [2]. Tout déficit quantitatifu qualitatif de la caduque basale crée une zone propicel’invasion non contrôlée du trophoblaste. Cette anoma-

ie de la caduque basale survient à la suite de lésions dea muqueuse endométriale, elles-mêmes secondaires à deséquelles d’endométrite chronique du post-partum ou duost-abortum, ou à des cicatrices traumatiques de l’utérus.

Les principaux facteurs de risque de placenta accreta ete PPer sont les mêmes :

cicatrices de manœuvres endo-utérines : curetage abra-sif de l’endomètre, curetage du post-partum, délivranceartificielle avec révision utérine, aspiration endo-utérinepour interruption volontaire ou non de grossesse, cures desynéchies ;cicatrices secondaires à une chirurgie utérine : répa-ration spontanée ou suture d’une perforation utérine,myomectomie des myomes sous-muqueux et interstitiels,traitement des malformations utérines : utérus bicorne oucloisonné, hystérotomie pour césarienne ;existence d’un placenta bas inséré échographiquement :l’insertion basse du placenta expose à une invasionaccreta du fait de la topographie de l’insertion placen-taire dans un endroit (isthme utérin et orifice interne ducol) où la qualité fonctionnelle de la décidua fait défaut[1].

Le taux de césariennes étant en constante évolutionepuis ces dernières années, on peut s’attendre à une aug-entation de la fréquence de ces anomalies d’insertionlacentaire. Breen et al. ont évalué l’incidence des ano-alies placentaires à 1/70 000 accouchements en 1977 [3].u et al., sur une étude rétrospective de 1982 à 2002, ont

herché à déterminer si le taux d’anomalies placentaires avolué parallèlement à celui des césariennes [4]. Aux États-nis, ce taux de césariennes est passé de 4,5 % en 1965 à6,1 % en 2002. Parallèlement à ces données, l’incidence deslacentas accreta est passée de 1/2510 en 1982 à 1/533 en002. Ils ont conclu que l’augmentation de l’incidence desnomalies de placentation était probablement expliquée par

’augmentation du taux de césariennes [4]. Dans ce dossier,a patiente présentait de nombreux facteurs de risque dePer : deux césariennes, dont une pour placenta prævia,rois curetages utérins pour IVG et l’insertion isthmique duac ovulaire à l’échographie de datation de sa dernière IVG.

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M. Pont et al.

ette localisation précise, en début de grossesse, doit êtreien notifiée dans le dossier médical, car elle pourrait avoirn impact direct sur le devenir obstétrical. Papadakis ethristodoulou ont recensé sept cas publiés de PPer de 1966 à007 au premier trimestre de grossesse : 85 % avaient desntécédents de césariennes, 28 % de curetage, 14 % de déli-rance artificielle lors d’un accouchement voie basse [5]. Unraitement non conservateur par hystérectomie a été réaliséans tous les cas. Olsen et Gonzalez-Ruizont ont égalementapporté un cas d’échec d’IVG selon la méthode médicamen-euse par prostaglandines associé à un placenta accreta. Ilsnt conclu que le placenta accreta pouvait avoir joué un rôleans l’échec d’IVG [6]. Dans notre cas, la patiente avaiténéficié d’un traitement par mifépristone 600 mg, anta-oniste de la progestérone, puis 48 heures plus tard, parisoprostol 400 �g, analogue des prostaglandines (protocole

VG). L’échographie de datation montrait un œuf situé auiveau de l’isthme. Cette insertion isthmique du sac ovu-aire associée à une invasion trophoblastique accreta, dansn premier temps, a pu jouer un rôle dans l’échec d’IVG.

Le diagnostic de PPer est difficile. Sa manifestationlinique la plus fréquente est une hémorragie avec unebsence de délivrance lors de l’accouchement [7]. Pendanta grossesse, les signes cliniques les plus fréquents sont laouleur abdominale aiguë, l’hématurie indolore lorsque lelacenta envahit la vessie [1—7]. Une élévation inexpliquéee marqueurs biologiques peut être un signe d’appel. Uneugmentation du taux plasmatique de créatinine phospho-inase (CPK) plasmatique a été identifiée comme témoin’une invasion du myomètre [1—5]. Une élévation de l’alphaœtoprotéine maternelle peut suggérer un PPer [5—8]. Danse dossier et en situation d’urgence, ces deux marqueursiologiques n’ont pas été dosés.

Un diagnostic anténatal de PPer peut être établi par’imagerie. Selon Ibrahiem et al., l’échographie a une sen-ibilité de 86 % et une spécificité de 93 % dans le diagnostice PPer [8]. Plusieurs critères échographiques ont été misn évidence [1—8] :

l’absence de l’espace clair rétroplacentaire : normale-ment il existe une zone hypoéchogène rétroplacentaire,correspondant à la caduque basale (myomètre et auréseau veineux dilaté). Cette zone hypoéchogène est pré-sente après 20 SA ;l’irrégularité de l’interface entre l’utérus et la vessie. Unamincissement, une irrégularité ou une rupture focale del’interface hypoéchogène, normalement régulière entrele myomètre et la séreuse de la vessie, témoignent del’invasion trophoblastique à travers le myomètre ;la présence de tissu ou d’une échostructure placentaireau-delà de la séreuse de l’utérus ;l’existence de lacunes placentaires correspondant auxlarges vaisseaux dilatés qui se dirigent vers le myomètre ;l’aspect épais du bord inférieur du placenta.

Cependant, lors du premier trimestre de grossesse,

’échographie ne définit pas bien l’espace décidual au niveauu segment inférieur. À ce terme, le diagnostic de PPerst très difficile. Dans une étude de Gielchinsky sur dixns recensant 310 cas, l’échographie a permis le diagnos-ic de PPer dans seulement 45 % des cas [9]. Comstock et
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in the first trimester: review of the literature. Clin Exp Obstet

Placenta percreta au premier trimestre, difficultés diagnost

al. ont suggéré que la mise en évidence d’un sac implantédans le segment inférieur d’un utérus cicatriciel à dixSA pouvait évoquer la possibilité d’un placenta accreta[10]. L’utilisation du doppler couleur et du doppler énergiepeut contribuer au diagnostic positif de placenta accreta[1]. Les principaux signes sont l’absence de signal vei-neux dans l’aire d’adhérence anormale sous-placentaire,l’hypervascularisation de l’interface entre la vessie etl’utérus avec un flux artériel à basse résistance, un flux lami-naire diffus ou focalisé à haute vélocité, pouvant prendreun aspect de turbulence, des vaisseaux sous-placentairesdilatés avec un flux veineux pulsatile au-dessus du col. Ledoppler couleur peut apporter un élément au diagnosticde PPer lorsque les vaisseaux placentaires sont identifiésenvahissant le myomètre [5]. Dans ce dossier, les écho-graphies obstétricales répétées en urgence ne montraientpas d’anomalies patentes pouvant suspecter un PPer. Leplacenta était antérieur, la limite inférieure difficile à iden-tifier. Devant le tableau clinique, l’hypothèse de PPer avaitété évoquée mais non retenue.

L’association imagerie par résonance magnétique (IRM)et échographie permet d’avoir une sensibilité proche des100 %. Cependant, lorsque le placenta est antérieur, lediagnostic échographique est suffisant et l’IRM n’apparaîtpas comme indispensable. L’IRM apporterait un diagnosticplus exact lorsque le placenta est haut et postérieur oulors de placenta prævia ou de PPer central envahissantla vessie [1]. Dans ce dossier, l’IRM n’a pas été réaliséedevant l’aggravation clinique en urgence mais cet exa-men aurait probablement apporté des arguments en faveurd’un PPer (diagnostic évoqué initialement mais non retenu).Enfin, O’Brien et al. retrouvent, sur une enquête multicen-trique de 109 cas de PPer, seulement 50 % de PPer ont étésuspectés avant l’accouchement, essentiellement grâce àl’échographie (80 %) [11].

Le traitement est dans l’immense majorité des cas nonconservateur : l’hystérectomie à tout âge gestationnel [12].Des traitements conservateurs peuvent être proposés maisceux-ci induisent un taux de mortalité quatre fois plusimportants [5]. Le traitement conservateur se distingueen deux parties : le traitement chirurgical conservateuret le traitement conservateur non chirurgical (embolisa-tion sélective). Le but est de préserver la fertilité et deréduire les besoins transfusionnels. Le traitement chirur-gical conservateur consiste en une ligature bilatérale desartères utérines ou hypogastriques, l’excision localisée et laréparation utérine [11]. Celui peut être associé à un traite-ment médical par injection d’analogues des prostaglandinesou par une injection intramusculaire de méthotrexate.Le traitement conservateur non chirurgical consiste enune injection intraveineuse et intracervicale d’ocytocineet/ou de prostaglandines complétée d’une embolisation desartères utérines, ou hypogastriques. Un cas récent a étédécrit de conservation utérine à 13 SA [13]. Ce traitementconservateur n’est possible que lorsque la pathologie a étédiagnostiquée en anténatal, documentée par des examensd’imagerie, la césarienne réalisée par une équipe entraî-née. C’est donc une prise en charge multidisciplinaire. Il

peut impliquer des complications telles que la nécrose uté-rine et parfois vésicale, l’endométrite, des hémorragiesmassives secondaires, impliquant la réalisation d’une hysté-rectomie secondaire [14]. Le traitement non conservateur

s et thérapeutiques 501

st l’hystérectomie. La procédure chirurgicale doit compor-er une double ligature des pédicules vasculaires, un faibleécollement vésical, une cystotomie « volontaire » dans leas d’une adhérence avec la vessie, la réalisation d’une cys-ectomie partielle en fonction de l’envahissement vésicalt la conservation des ovaires dans la mesure du possible12]. On rappelle que, dans le cas du PPer, les anastomosesvec les vaisseaux iliaques externes sont hautement fonc-ionnelles, rendant l’efficacité de la ligature des artèresypogastriques plus qu’aléatoire. L’embolisation sélectiveeut donc être mise en échec [15]. Certains auteurs pro-osent la mise en place de ballonnets angiographiques danses artères hypogastriques avec occlusion discontinue deanière préventive juste avant l’hystérectomie [12].Sur les huit cas de PPer publiée au premier trimestre, sept

nt bénéficié d’un traitement non conservateur par hysté-ectomie [5,13]. Le choix entre hystérectomie et traitementonservateur dépend de la sévérité du PPer, du désir deertilité et du degré de l’hémorragie ou des complications.a rareté du PPer et la difficulté à le diagnostiquer lors duremier trimestre de grossesse induisent souvent un retardiagnostic et de prise en charge. L’équipe de radiologienterventionnelle doit être immédiatement opérationnelle,i l’on choisit un traitement conservateur. Les PPer àe terme se présentent le plus souvent dans l’urgence,’hystérectomie d’hémostase est donc de rigueur [5].

Le diagnostic de PPer au premier trimestre de grossessest exceptionnel. Peu de cas ont été publiés à ce jour ; leschecs d’IVG ont été souvent recensés. L’échographie cou-lée au doppler et l’IRM semblent être des outils de choixour le diagnostic mais généralement, le diagnostic est réa-isé en urgence sur un tableau d’hémopéritoine important.a décision thérapeutique est alors difficile. Une hystérec-omie inter-annexielle, couplée à l’embolisation artérielleélective, est l’attitude de choix devant un tableau cliniqueruyant et instable sur le plan hémodynamique. Un trai-ement conservateur est toutefois à discuter en premierieu. Ce diagnostic rare n’est pas à méconnaître devant’augmentation constante du taux de césariennes. La prisen charge des PPer impose une approche multidisciplinaire.

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