phrase modalisee 2010 cours 1 5

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1. Phrase modalisée. Notions fondamentales (cours 1-2). 1.1. Phrase/ énoncé. Phrase : l'unité linguistique maximale (→COMPÉTENCE). Constituée de morphèmes (lexicaux et grammaticaux), associés de manière incrémentielle les uns aux autres, selon des règles de bonne formation syntaxique. Niveaux d’analyse pertinents: la syntaxe (règles de formation de la phrase) et la sémantique (contenu de la phrase). Contenu de la phrase : la signification, produit de la signification des morphèmes (lexicaux et grammaticaux) qui la composent (signification dite, de ce fait, compositionnelle). Enoncé : l'unité pragmatique minimale (→PERFORMANCE). Constitué par une phrase (unité linguistique maximale) utilisée dans un contexte précis, dans une certaine situation d’énonciation. Niveau d’analyse pertinent: la pragmatique. Contenu de l’énoncé : le sens, obtenu sur la base de la signification de la phrase et des informations constituant son contexte. Noter que cette découpe <phrase/ énoncé>, largement acceptée en linguistique contemporaine, n’allait pas de soi chez Saussure (début du XX ème siècle), pour qui la phrase procédait, en tant que combinatoire libre de signes linguistiques, de la « parole ». COMPÉTENCE/ PERFORMANCE (Noam Chomsky 1 ) LANGUE/ PAROLE (Ferdinand de Saussure 2 ) Compétence : connaissance que le locuteur-auditeur (idéal) a de sa langue (lexique, syntaxe, phonologie, sémantique). Performance : emploi effectif de la langue, par un sujet parlant donné, dans des situations concrètes. Langue : côté social (conventionnel) du langage : trésor collectif. Langue : entité abstraite (système de potentialités : PURES VALEURS) ; code (= système de signes : SIGNES & RELATIONS entre signes). Langue : produ it [de l’usage collectif, des conventions] que l’individu « enregistre passivement » Parole : côté individuel du langage. Parole : entité concrète : utilisation individuelle (actualisation) du code de la langue, dans la communication. Parole : « acte individuel de volonté et d’intelligence » Parole : relations combinatoires (in præsentia : syntagmatiques) entre signes linguistiques : 1 Chomsky N. (1965) – Aspects of the Theory of Syntax, Cambridge Massachussets : MIT Press, 1965 (trad. fr., Aspects de la théorie syntaxique, Paris : Seuil 1971). Dans cette section, les renvois à la page concerneront la traduction en français de l’ouvrage cité (Chomsky 1965/1971). 2 De Saussure, Ferdinand (1995/ 1916) - Cours de linguistique générale, Paris : Payot. Publié en 1916, le Cours de linguistique générale a été rédigé par les élèves de Ferdinand de Saussure (1857-1913) à partir de leurs notes (Charles Bally, Albert Sechehaye, « avec la collaboration de » Albert Riedlinger). L’édition 1995 reproduit l'édition originale. Elle est accompagnée de l'important appareil critique établi par Tullio de Mauro. 1

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Page 1: Phrase Modalisee 2010 Cours 1 5

1. Phrase modalisée. Notions fondamentales (cours 1-2).

1.1. Phrase/ énoncé.

Phrase : l'unité linguistique maximale (→COMPÉTENCE).

Constituée de morphèmes (lexicaux et grammaticaux), associés de manière incrémentielle les uns aux autres, selon des règles de bonne formation syntaxique.

Niveaux d’analyse pertinents: la syntaxe (règles de formation de la phrase) et la sémantique (contenu de la phrase).

Contenu de la phrase : la signification, produit de la signification des morphèmes (lexicaux et grammaticaux) qui la composent (signification dite, de ce fait, compositionnelle).

Enoncé : l'unité pragmatique minimale (→PERFORMANCE).

Constitué par une phrase (unité linguistique maximale) utilisée dans un contexte précis, dans une certaine situation d’énonciation.

Niveau d’analyse pertinent: la pragmatique. Contenu de l’énoncé : le sens, obtenu sur la base de la signification de la phrase et des

informations constituant son contexte.

Noter que cette découpe <phrase/ énoncé>, largement acceptée en linguistique contemporaine, n’allait pas de soi chez Saussure (début du XXème siècle), pour qui la phrase procédait, en tant que combinatoire libre de signes linguistiques, de la « parole ».

COMPÉTENCE/ PERFORMANCE (Noam Chomsky1) LANGUE/ PAROLE (Ferdinand de Saussure2)

Compétence : connaissance que le locuteur-auditeur (idéal) a de sa langue (lexique, syntaxe, phonologie, sémantique).

Phrase compétence

Performance : emploi effectif de la langue, par un sujet parlant donné, dans des situations concrètes.

Langue : côté social (conventionnel) du langage : trésor collectif.

Langue : entité abstraite (système de potentialités : PURES VALEURS) ; code (= système de signes : SIGNES & RELATIONS entre signes).

Langue : produit [de l’usage collectif, des conventions] que l’individu « enregistre passivement »

Langue : « dictionnaire »

relations associatives (in absentia : paradigmatiques) entre signes linguistiques

combinatoire figée3

Parole : côté individuel du langage.

Parole : entité concrète : utilisation individuelle (actualisation) du code de la langue, dans la communication.

Parole : « acte individuel de volonté et d’intelligence »

Parole : relations combinatoires (in præsentia : syntagmatiques) entre signes linguistiques : combinatoire libre.

!!!Phrase PAROLE. !!!Phrase ≠ unité linguistique (opposition linguistique/ langagier)

Les deux définitions corrélées de la phrase et respectivement de l’énoncé reposent crucialement sur l’hypothèse de rapports d’occurrence (ou: d’actualisation) entre ces deux types d'unités :

1 Chomsky N. (1965) – Aspects of the Theory of Syntax, Cambridge Massachussets : MIT Press, 1965 (trad. fr., Aspects de la

théorie syntaxique, Paris : Seuil 1971). Dans cette section, les renvois à la page concerneront la traduction en français de l’ouvrage cité (Chomsky 1965/1971).2 De Saussure, Ferdinand (1995/ 1916) - Cours de linguistique générale, Paris : Payot.

Publié en 1916, le Cours de linguistique générale a été rédigé par les élèves de Ferdinand de Saussure (1857-1913) à partir de leurs notes (Charles Bally, Albert Sechehaye, « avec la collaboration de » Albert Riedlinger). L’édition 1995 reproduit l'édition originale. Elle est accompagnée de l'important appareil critique établi par Tullio de Mauro.3 Dans les termes mêmes du Cours de linguistique générale : « combinaisons régulières ».

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une phrase telle que Je suis arrivée en retard est susceptible de nombreuses actualisations, qui influeront sur sa référence; prononcée par Marie Dupont, le 23 mai 2008, devant le secrétariat de sa faculté, elle signifiera: „Marie Dupont est arrivée en retard (à la fac), le jeudi 23 mai au matin”, et prononcée par Jeanne Dubois, le 4 novembre 2008, dans le hall de la Banque où elle travaille: „Jeanne Dubois est arrivée en retard (au bureau) le vendredi 4 novembre 2008, au matin”;

par voie de conséquence, c’est l’énoncé d’une phrase assertive et non cette phrase même (à référence incomplètement spécifiée) qui sera le lieu de l’assignation d’une valeur de vérité (vrai/ faux).

L’hypothèse de rapports d’occurrence (ou: d’actualisation) entre phrase et énoncé se laisse préciser par l’identification de deux types de mécanismes interprétatifs – l’enrichissement contextuel, d’une part, et le filtrage contextuel, de l’autre :

la signification (compositionnelle) de la phrase doit être enrichie contextuellement pour produire le sens de l'énoncé (voir problématique de la référence actuelle – évoquée tout à l’heure) ;

corrélativement, étant donné un énoncé (entendu ou lu), il n’est pas toujours évident d’identifier la phrase dont il est l’actualisation : en cas d’ambiguïté (syntaxique : [SN Le vieux singe] [SV [SN le] [v masque]] (« le vieux primate (m’) empêche de voir quelque chose»/ [SN le vieux] [SV singe [SN le masque]] (= « le vieillard imite un masque »); lexicale : le loup (= « masque de carnaval » ? ou bien : « animal carnassier » ?) est gris), c’est le contexte qui filtrera les interprétations inconsistantes, permettant d’associer, à l’énoncé entendu (ou lu) la phrase correspondant à l’intention communicative du locuteur4.

Ces deux définitions gomment en revanche les divergences structurales censées pouvoir subsister entre énoncé et phrase. Il est en effet souvent suggéré, dans la littérature, que si la phrase est le résultat de principes de composition syntaxique et sémantique, l'énoncé n'aurait pas à être interprété en termes des seuls principes compositionnels, n’étant pas toujours construit en fonction de critères syntaxiques : Moi, tu sais, la linguistique…, ouais, bôf ! Il y aurait donc des énoncés qui ne sont pas pour autant des phrases:

« En français, la phrase minimale comporte nécessairement au moins un sujet et un verbe conjugué. En revanche, l'énoncé minimal peut être constitué d'un seul élément, de nature quelconque : des séquences comme « Bonjour ! », « Allô ? » ou « Zut ! » constituent des énoncés, mais pas des phrases5. Des énoncés comme « Moi, partir ? », « Quel désastre ! », « Voir Venise et mourir », ou encore « Là, il va, je ne sais pas, moi, mais sûrement, enfin comment dire ? sûrement réagir, oui, c'est ça, réagir », ne sont pas descriptibles en termes de construction syntaxique canonique de phrases. L'énoncé peut apparaître, tantôt comme une phrase incomplète ou tronquée (« Moi ? jamais ! »), tantôt comme une phrase en quelque sorte « surchargée et bégayante » (« Ma sœur, elle, son concours, c'est pour bientôt »). Si la structure de l'énoncé se différencie souvent de celle de la phrase, c'est parce qu'il s'agit de réalités linguistiques relevant de niveaux différents du point de vue théorique » (Encyclopaedia Universalis, art. énoncé).

Nous nous en tiendrons, ici, à la définition fonctionnelle (vs structurale) du couple phrase/ énoncé (définition en termes d’actualisation). Les énoncés syntaxiquement déviants mais parfaitement interprétables du (des) type(s) évoqué(s) précédemment se laissent également analyser en tant qu’occurrences de phrases, à force d’assumer, ne serait-ce qu’en termes opérationnels (vs théoriques), la distinction entre phrases

grammaticales, phrases interprétables et phrases acceptables.

Le couple notionnel grammaticalité/ acceptabilité (notions graduelles) est développé, en grammaire générative, en liséré de la distinction compétence/ performance:

Grammaticalité : conformité aux règles de la grammaire. Concept appartenant à l’étude de la compétence.Acceptabilité : conformité à l’usage (« les phrases plus acceptables sont celles qui ont plus de chances d’être produites, sont plus aisément comprises, moins maladroites et, en un certain sens, plus naturelles » – op. cit., p. 22). Concept appartenant à l’étude de la performance6.

4 Cf. Moeschler, Jacques et Anne Reboul (1994) – Dictionnaire encyclopédique de pragmatique, Paris : Seuil, 131-132.5 Cela dit, le départ phrase/ énoncé n’est pas toujours aussi tranché en termes de leur structuration respective. Charles-Albert

Sechehaye analyse les « énoncés monorèmes » en tant que « phrases à un seul terme », « énoncé monorème » et « phrase monorème » apparaissant en variation libre, dans le texte (Sechehaye, Charles-Albert (1926) – Essai sur la structure logique de la phrase, Tome 1/1, Paris : Champion, chap. I. Accessible en ligne sur : http://roman.ens-lsh.fr ).6 La distinction compétence vs performance et l’abstraction du locuteur-auditeur idéal sont autant d’hypothèses de travail

participant du cadre général des recherches générativistes dès la version standard du modèle.

« L’objet premier de la théorie linguistique est un locuteur-auditeur idéal, appartenant à une communauté linguistique complètement homogène, qui connaît parfaitement sa langue et qui, lorsqu’il applique en une performance effective sa

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Définitions opérationnelles.

phrase grammaticale : conforme aux règles de la grammaire (D’incolores idées vertes dorment furieusement7) ;

phrase interprétable : à laquelle ont peut assigner un sens (même si elle n’est pas bien formée selon les règles de la grammaire : moi, Tarzan, toi, Jane ; moi, la linguistique, tu sais, bôf !) ;

phrase acceptable : à la fois grammaticale et interprétable (De jolis agneaux blancs dorment paisiblement ; moi, la linguistique, je peux très bien m’en passer).

1.2. Enoncé/ énonciation.

Énonciation : acte individuel d’utilisation de la langue, activité exercée par celui qui parle au moment où il parle.Énoncé : produit de cet acte, qui en garde les traces (marques énonciatives = marques du locuteur; dans les termes d’Émile Benveniste8, initiateur de la « linguistique de l’énonciation », en France : « l’homme dans la langue », « la subjectivité dans le langage »).

Parmi les représentants de marque de cette mouvance en linguistique française : Catherine Kerbrat-Orecchioni9, Oswald Ducrot10, Antoine Culioli11.

1.3. Phrase/ proposition.

Phrase : unité syntaxique et sémantique pourvue de spécifications temporo-aspectuelles et modales (ancrage temporel au sens large : Sylvie est allée à la fac).Proposition : unité logico-sémantique non pourvue d’ancrage temporel, simple structure de prédication (structure actancielle [aller (Sylvie, à la fac)], [marcher (Sylvie)] – augmentée éventuellement de constituants optionnels [ce matin [aller (Sylvie, à la fac)]], [vite [marcher (Sylvie)]]). Il s’agit là, sans autre, d’une définition de la proposition comme niveau d’analyse syntaxique inférieur à la phrase. Y compris dans le cas des phrases simples.

1.4. Phrase noyau/ phrase modalisée. Syntaxe de la phrase modalisée (version générative-transformationnelle standard – Chomsky 1965/ trad. fr.1971 (Aspects de la théorie syntaxique), dans la lecture de Dubois & Dubois-Charlier 197012).

Toute phrase Σ (lire : « sigma » – le terme anglais correspondant ayant l’initiale S(entence)) est formée, en structure profonde (niveau de représentation syntaxique dont est justiciable l’interprétation sémantique), d’un

connaissance de la langue, n’est pas affecté par des conditions grammaticalement non pertinentes, telles que limitations de mémoire, distractions, déplacements d’intérêt ou d’attention, erreurs (fortuites ou caractéristiques) » (Chomsky 1965/1971 : 12). Une distinction fondamentale est ainsi établie « entre la compétence (la connaissance que le locuteur-auditeur a de sa langue) et la performance (l’emploi effectif de la langue dans des situations concrètes) ». Est également souligné le fait que la performance ne peut être dite « refléter directement la compétence » qu’à l’intérieur de la première hypothèse de travail avancée, à savoir l’hypothèse du locuteur-auditeur idéal (op. cit., p. 13), et non « dans les faits », puisqu’un « enregistrement de la parole naturelle comportera de faux départs, des infractions aux règles, des changements d’intention en cours de phrase, etc. » (op. cit., p.13).Le rapport entre compétence et performance est un rapport d’inclusion (de la compétence, à la performance) : l’étude de la « performance linguistique effective », oblige à « considérer l’interaction de facteurs variés, dont la compétence sous-jacente du locuteur-auditeur ne constitue qu’un élément parmi d’autres » (idem, pp. 12-13). Mais, corrélativement, « l’investigation de la performance n’avancera qu’autant que le permettra la compréhension de la compétence sous-jacente » (ibid., p. 20).Les données de la performance, en tant qu’observables, se retrouvent en amont de la modélisation de la compétence (ou : « grammaire »), censée « déterminer, à partir des données de la performance, le système sous-jacent de règles qui a été maîtrisé par le locuteur-auditeur et qu’il met en usage dans sa performance effective. » (ibid., p.13, nous soulignons).

7 Remarquer la violation systématique des restrictions de sélection sémantique (dormir sélectionne un sujet animé, les adjectifs de couleur tel vert(es), des nominaux concrets, notamment objets physiques, et les modificateurs de verbe tel furieusement, un verbe [+intentionnel]), ainsi que les contradictions (idées ou bien incolores ou bien vertes).8 Benveniste, Emile (1958) « De la subjectivité dans le langage », Journal de Psychologie, 55, repris in : Benveniste, Emile (1966), Problèmes de linguistique générale, tome I, ch. XXI. Benveniste, Emile (1970), « L’Appareil formel de l’énonciation », Langages, 17, repris in : Benveniste, Emile (1974), Problèmes de linguistique générale, tome II, ch. V.9 Kerbrat-Orecchioni, Catherine (1980) – L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris : Armand Colin. Kerbrat-Orecchioni, Catherine (1990-1994) – Les Interactions verbales, tomes 1-3, Paris : Armand Colin. 10 Qui articule traitement de la phrase et traitement de l’énoncé en termes du contexte situationnel (composant linguistique : signification de la phrase, composant rhétorique : sens de l’énoncé – étant donné un certain contexte situationnel), et opère, dans le cadre d’une extension originale de la théorie énonciative de Benveniste, inspirée des analyses de texte chez Bakhtine (linguiste russe), la théorie de la polyphonie, une distinction de principe entre locuteur-allocutaire, d’une part, et énonciateur-destinataire de l’autre. Cf. Ducrot, Oswald, (1980) – Les Mots du discours, Paris : Minuit.11 Théorie des opérations énonciatives. Cf. Culioli, Antoine (1990) – Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et représentations, Tome 1, Paris : Ophrys.12 Dubois, Jean et Françoise Dubois-Charlier (1970) – Éléments de linguistique française : syntaxe, Paris : Larousse (collection « Langue et langage »).

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constituant de phrase (abréviation : Const), qui en détermine la modalité, et d’un noyau (abréviation : P, de phrase13) :

Σ→ Const + P(lire : « Σ se réécrit comme Const + P »).

Le constituant est, lui, formé d’un élément obligatoire (soit Affir(mation), soit Inter(rogation), soit Imp(ératif)), et de constituants facultatifs (notés entre parenthèses dans la formule).

Affir14 Const → Interr + (Nég) + (Emph) + (Passif)

Imp

L’introduction de Const dès la structure profonde permet de rendre justice au postulat selon lequel « les transformations ne peuvent introduire des éléments porteurs de sens » (Chomsky 1971 (1965) : 180-181).

Catégories → /Règles de réécriture/ → Structure profonde : interprétation sémantique. Structure profonde →/Transformations/ → Structure superficielle : forme (ordre des mots observé).

Cette analyse des phrases-types ne privilégie plus le type assertif neutre (phrase assertive active affirmative non emphatisée) en tant que type de base, dont on dérivait tous les autres types, comme en grammaire transformationnelle (non générative : Z. S. Harris) et comme dans la première version de la grammaire générative (Chomsky 1957/trad. fr. 196915 ).

Les transformations étaient entendues procéder de manière ordonnée : passivation avant emphase, emphase avant transformation négative, et transformation impérative/ interrogative par la suite (ce que suggère, dans la formule générale, le rapprochement respectif des types facultatifs et obligatoires, du noyau P). Comparer :

1. Une vipère a mordu la brebis. [déclarative affirmative active non emphatisée]2. La brebis a été mordue (par une vipère). [déclarative affirmative passive non emphatisée]3. C’est par une vipère que la brebis a été mordue. [déclarative affirmative passive à complément

d’agent mis en vedette : phrase clivée]4. Ce n’est pas par une vipère que la brebis a été mordue. [clivée négative d’une phrase déclarative

passive]5. N’est-ce pas par une vipère que la brebis a été mordue ? [clivée négative interrogative de la même

phrase passive].

Sous l’analyse non-transformationnelle qui introduit la modalité (Const) dès la base de la grammaire (en structure profonde), on s’évertue à rendre compte des mêmes observables en termes du rapprochement des constituants optionnels et respectivement obligatoire, de la phrase, par rapport au Noyau : le constituant le plus à droite dans la formule sera le premier introduit dans la base – en l’occurrence, le passif, puis, l’emphase, puis, la négation. La question se pose de savoir si les observables eux-mêmes imposaient un tel biais ou si ce n’était là que l’influence de la modélisation précédente.

Certaines combinatoires de types sont de fait barrées : mise en vedette de l’attribut (du sujet) par le présentatif c’est… que… : *c’est … que X est16 ; phrase clivée & impératif (mise en vedette du complément par le présentatif c’est… que…) et

impératif : *c’est… que+ verbe à l’impératif17 ;d’autres sont marquées, restant confinées à des genres discursifs particuliers :

passif & impératif (Soyez remerciés pour votre cadeau. Béni soit-il !).

1.5. Mode/ modalité/ modalisation.

1.5.1. Mode/ modalité, temps/ temporalité, aspect grammatical / aspect lexical.Temps, aspect (grammatical), mode : formes de langue (morphologie verbale : « tiroirs verbaux ») Temporalité, mode d’action (aspect lexical), modalité : notions sémantiques.

Temporalité : notion construite autour du moment de la parole (le maintenant du locuteur, noté par convention t0). Avant t0, il ya le passé, après, l’avenir. Noter dès à présent que t0 est un moment fictif, variable en extension (une seconde, une journée, une année, une période quelconque). « Temps extérieur au procès18 » (Gustave Guillaume).

13 En anglais : S, de sentence. La transposition en français n’harmonise donc pas les rapports entre les deux notations, en alphabet grec et latin (dans la logique de Σ/ S, il aurait fallu sans doute avoir ici : Π (lire : « pi »)/P).14 Nous prenons nos distances par rapport à la nomenclature en place dans Dubois & Dubois-Charlier 1970, sur ce point précis, et dirons plutôt « assertion (type assertif) », employant « affirmation » pour l’une des deux formes logiques possibles (« affirmation (type affirmatif, forme affirmative)/ négation (type négatif, forme négative) »), parce que parler d’« affirmation négative » nous semble participer de la contradiction dans les termes. Bien que l’on puisse affirmer que non-p en langue naturelle (J’affirme qu’il n’est pas là, et je peux le prouver), l’affirmation en tant que telle ne saurait être dite négative sans contradiction.15

Chomsky, N. (1957) – Syntactic Structures, Mouton, The Hague (trad. fr. Structures syntaxiques, Paris : Seuil, 1969).

16 *C’est froid que le café est. OKLe café est froid.17 *C’est le déca que prenez. OKPrenez le déca (décaféiné)..18 Il s’agit bien évidemment du procès désigné par le verbe. Cf. GUILLAUME, Gustave (1984) – Temps et verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps. Paris : Champion.

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Mode d’action (aspect lexical) : « temps intérieur au procès » (Gustave Guillaume) ; caractéristiques du déroulement du procès ; classes (aspectuelles) de verbes19 définies en termes des traits dynamique/ non dynamique (=statique), télique/ atélique20, ponctuel/ non ponctuel (=duratif) (Zeno Vendler – cf. Vendler 1967):

verbes d’état ([-dynamique, -télique, -ponctuel] – situations statiques, homogènes et continues, sans structure interne et sans limite temporelle inhérente) : être malade, connaître qqch, aimer qqch, croire qqch, avoir qqch, …/ tests distributionnels : *X est en train d’aimer la musique (-dynamique); OKX a cessé d’aimer la musique (+duratif (=-ponctuel)).

verbes d’activité ([+dynamique, -télique, -ponctuel] – actions qui peuvent avoir une certaine durée et qui ont un point de terminaison arbitraire) : marcher, nager, danser … (sans complément désignant la limite finale ou cible du mouvement21) ; pleurer, rire, … ; penser, écrire, boire, …(sans objet direct explicite22) / tests distributionnels : OKX est en train de marcher  (+dynamique); *X nage en une heure (-télique) ; *X met une heure à nager (-télique);  OKX nage pendant une heure (+duratif), OKX a cessé de nager (+duratif).

verbes d’accomplissement ([+dynamique, +télique, -ponctuel] – actions/ situations qui ont une certaine durée et qui comportent un point de terminaison précis, au-delà duquel l’action ne peut plus continuer) : fondre (intr.23), sécher (intr.), apprendre la poésie par coeur, peindre un tableau……/ tests distributionnels : OKX est en train de peindre un/ le tableau  (+dynamique) ; OKX peint un/ le tableau en une heure (+télique) ; OKX met une heure à peindre un/ le tableau (+télique)

verbes d’achèvement ([+dynamique, +télique, +ponctuel] – verbes décrivant le seul point culminant (ou : dénouement) de la situation envisagée, mais pas ce qui précède, au contraire des accomplissements) : (se) casser, exploser, éclater, trouver une solution, apprendre la nouvelle…/ tests distributionnels : *X a cessé de trouver la solution (-duratif), *X est en train de trouver la solution (!!+ponctuel); OKX a trouvé la solution en deux secondes/ OKX met deux secondes à trouver la solution (+télique).

Terminologie relativement floue, dans la littérature : télique/ atélique, perfectif (terminatif)/ imperfectif (non terminatif), accompli/ inaccompli.

Modalité : expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé. Il court (énoncé sans marque d’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel autre que le type de phrase : type assertif neutre ; analysé, dans la littérature non-générativiste, comme énoncé non modalisé par excellence)/ il peut courir, il se peut qu’il coure, il court peut-être (énoncés modalisés). Une fois la modalité intégrée dans la base de la grammaire (règle de réécriture de toute phrase comme Const + noyau), le type assertif neutre se laissera envisager comme modalisateur à l’instar des types de phrases marqués (phrases interrogative, impérative, etc.) ; d’autre part, la différence, du point de vue de la modalité, entre Il court/ Je crois qu’il court, Il est vrai qu’il court pourra être formulée non plus en termes de +modalité/ -modalité, mais en tant que différence de réalisation linguistique d’une seule et même valeur modale (croyance du locuteur à la vérité de l’état de chose décrit par son énoncé).

Il n’y a pas de correspondance terme-à-terme entre tiroirs verbaux et notions sémantiques (temps/ temporalité, aspect/ mode d’action, mode/ modalité).

Vous fermerez cette porte sans la claquer (tiroir : futur, sens : modalité injonctive). Un pas de plus, et vous tombez dans l’abîme (tiroir : présent, sens : modalité implicative « si

vous faites un pas de plus, vous tomberez… »). Il m’avait dit qu’il viendrait ce soir (tiroir modal : conditionnel, sens temporel : futur du

passé)24.

1.5.2. Modalité/ modalisation.

19 Ou plutôt : classes aspectuelles de situations (métaterme entendu non comme synonyme d’état, mais comme une sorte d’hyperonyme pour : états, actions, procès, événements ; certains auteurs parlent de : éventualités (Vikner, Carl (1985) – « L’aspect come modificateur du mode d’action : à propos de la construction être + participe passé », Langue Française 67, Paris : Larousse, 95-113)ou de prédications (au sens de la Role and Reference Grammar – cf. Van Valin, R. D. (1993) – « A Synopsis of Role and Reference Grammar », in Advances in Role and Reference Grammar, R. D. Van Valin (ed.), Amsterdam : John Benjamins Publishing Company, 1-164), puisque ce n’est pas le verbe seul que l’on classifie, mais le verbe avec ses arguments (sujet, objets) , voire avec ses adverbes.20 Telos : but, limite finale.21 Distinguer nager (pendant 30 minutes) : activité/ nager cent mètres (en trois minutes), nager jusqu’à l’île des rats (en dix minutes) : accomplissements.22 Distinguer : écrire (pendant des heures) : activité/ écrire l’exercice (en cinq minutes) : accomplissement.23 La neige fond.24

Cf.. Le Querler, Nicole (1996). Typologie des modalités, Caen : Presses Universitaires de Caen.

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Modalisation : opération énonciative ; prise en charge de l’énoncé par son énonciateur (rapports entre : énoncé/ fait asserté ; énonciateur/ fait asserté ; énonciateur/ son énoncé ; énonciateur/ sa façon de réaliser l’énonciation ; énonciateur/ destinataire (locuteur/ allocutaire, auditeur25)).

Modalité(s) : catégories conceptuelles logico-sémantiques ; produit de la modalisation.

1.6. Modalité/ modalisateur. Démarche onomasiologique/ démarche sémasiologique.

Modalité : zone modale, prédicats modaux (abstraits).

Modalisateur : marqueur (perspective d’interprétation)/ réalisateur (perspective de production).

Démarche onomasiologique (du sens vers les mots) : de la zone modale (valeur modale, prédicat modal abstrait) à ses incarnations linguistiques.

Démarche sémasiologique (des mots, aux sens) : du marqueur modal aux valeurs modales qu’il exprime. Polysémie des marqueurs modaux.

Les modalisateurs sont des signes linguistiques à signification modale. La relation modalité/ modalisateur se laisse alors envisager comme cas particulier de la relation signifié/ signifiant.

Ferdinand de Saussure définit le signe linguistique en tant que catégorie relationnelle26, à deux facettes solidaires : le signifiant (suite de phonèmes ou de graphèmes) et le signifié (signification (description) lexicalement associée à cette chaîne sonore ou graphique), le référent (objet du monde auquel renvoie la chaîne sonore ou graphique pourvue de cette signification : entité extralinguistique qui satisfait la description) restant extérieur au signe à proprement parler.

D’autres auteurs27 proposeront une définition ternaire du signe linguistique, qui inclura le référent28 : signifiant (symbol (“symbole”)) + signifié (thought (“pensée”)) + référent (referent)).

Le signe linguistique n’est pas identique au mot : d’une part, une lexie complexe ou un syntagme (groupe de mots) non lexicalisé, une phrase (un énoncé), un paragraphe, voire tout un texte peuvent être envisagés comme signes (signifiant-signifié(-référent)) ; de l’autre, des parties constitutives d’un mot sont des signes linguistiques (non autonomes) : les préfixes ou suffixes dérivationnels (impossible, improbable (« qui n’est pas [possible, probable] »), mangeable, buvable (« (qui) peut être [mangé/ bu] »…), mais également les affixes flexionnels (viendra (« à l’avenir »)).

1.7. Modus/ dictum.

Structure de la phrase modalisée : modus + dictum.

Charles Bally (Linguistique générale et linguistique française (1932)) récupère la distinction, formulée d’abord par la Scolastique médiévale : dictum propositionis désigne, chez Abélard (XIIe siècle), la signification de la proposition, son contenu (contenu propositionnel, en logique moderne).

Dictum : contenu propositionnel de l’énoncé (prédication, représentation virtuelle d’un état de chose)Modus : modalité de l’énoncé (assertion qui actualise une telle représentation virtuelle).

Je crois (MODUS) que les étudiants sont partis (DICTUM).

Toute phrase a un dictum et un modus, selon Bally, mais la structure syntaxique ne soutient pas toujours aussi directement cette structuration sémantique.

1.8. Modalité de re/ modalité de dicto.

Portée de la modalité (du modalisateur) : interne/ externe (au dictum).

25 Pour les besoins des analyses syntaxiques et syntaxico-sémantiques faisant l’objet de ce cours sur la phrase modalisée, la distinction allocutaire (visé par le locuteur)/ auditeur (qui se trouve entendre ce qui est dit sans être nullement visé par le locuteur) – telle que posée en linguistique de l’énonciation – n’est en général pas pertinente. En linguistique de l’énonciation (notamment dans le cadre des théories polyphoniques – cf. Ducrot, O. (1980) – Les Mots du discours, Paris : Minuit), distinction est également faite entre locuteur-allocutaire, d’une part, et énonciateur-destinatire (parfois appelé : énonciataire), de l’autre. Ces distinctions feront l’objet de vos cours d’initiation en pragmatique.26 Ce qui vaut de tout symbole, et même des indices ou des icônes – pour nous référer au classement des signes selon leur relation au référent, au sens de Ch. S. Peirce (à noter que, selon cette tripartition, la plupart des signes linguistiques sont des symboles (interjections (qui sont des indices d’états d’âme, sentiments etc.) et onomatopées (qui, imitant leur référent, sont des icônes) mises à part). 27 Ogden, C. K. et I. A. Richards (1989/1923) – The Meaning of Meaning, San Diego-New York: Harcourt Brace Jovanovitch Publishers.28 Plus exactement : une représentation mentale de celui-ci.

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Modalité de dicto : portée extra-prédicative (externe au dictum). Je crois (MODUS) que les étudiants sont partis (DICTUM).

Modalité de re : portée intra-prédicative (interne au dictum). Les étudiants sont sans doute partis.

Termes remontant à Thomas d’Aquin (De modalibus) : propositions modales de re (quand le modus est inséré dans le dictum : Socrate peut courir) / propositions modales de dicto (modus prédiqué du dictum sujet : Que Socrate coure est possible/ il est possible que Socrate coure).

1.9. Classement des modalités.

Modalités d’énonciation (sémantiquement parlant → attitude du locuteur dans son rapport avec le destinataire de l’énonciation : actes de langage 29  ; syntaxiquement parlant = types de phrase obligatoires) :

assertion (phrase assertive ou : déclarative), interrogation (phrase interrogative), injonction (phrase impérative), exclamation (phrase exclamative).

Modalités de message (sémantiquement parlant → hiérarchie informationnelle ; syntaxiquement parlant 30types de phrase facultatifs) :

emphase (topicalisation31, focalisation32, clivage33) ; passif (dé-topicalisation du sujet & topicalisation de l’objet) ; impersonnel (disparition du thème (ou : topique), donc à nouveau : dé-topicalisation du

sujet, mais non redoublée d’une topicalisation de l’objet → phrases « thétiques »).

Modalités d’énoncé (sémantiquement parlant → attitude du locuteur face au contenu propositionnel de son énoncé ; syntaxiquement parlant phrases à double prédication (subordination34/ coordination/ juxtaposition35/ insertion36) :

aléthiques (nécessaire, possible, contingent, impossible) ; épistémiques (certain, probable, (incertain,/=) douteux, (improbable,/=) exclu) ; déontiques (obligatoire, permis, facultatif, interdit) désidératives (volitives : désir, souhait, volonté, espoir, crainte…) appréciatives (évaluatives, axiologiques : bon/ mauvais, utile/ agréable, …) implicatives (relation causales au sens large : condition, cause, conséquence, but,

concession …) temporelles (sporadicité (Kleiber 198337); temps de dicto (Martin 198738)).

Modalités (d’énonciation, de message) et types de phrase : problèmes de classement.Types de phrase obligatoires (= types de phrase39):

- constituants de phrase fondamentaux (→toute phrase est assignée à l’un de ces types),

29 Ou plutôt : actes illocutionnaires. Voir chapitre dédié (encadré ).30 Symbole notant ici l’inclusion à un ensemble donné.31 Topicalisation (= déplacement en tête de phrase)-topique (=à interprétation fonctionnelle de <topique>) : Paul, il est déjà parti pour Paris. Pour la distinguer de la topicalisation-focus (=déplacement en tête de phrase à interprétation fonctionnelle de <focus = foyer d’information nouvelle>), en particulier dans les langues dépourvues de tours présentatifs susceptibles d’instancier des structures phrastiques à clivage, ou à clivage rarement employé, tel le roumain (Pe PAUL îl caut (nu pe Mircea) – où les capitales marquent l’accentuation focale).32 Je mange non pas DES POIRES, mais DES PRUNES. Je mange seulement DES PRUNES.33 Mise en vedette par un présentatif (c’est… qui/que, voilà… que, …) : C’est PAUL qui est arrivé le premier. C’est À PAUL que je voudrais parler. Voilà TROIS JOURS qu’il est parti. 34 Il est nécessaire que le cours magistral soit redoublé d’un support écrit accessible aux étudiants/ Il faut prévoir un support de cours accessible en ligne.35 Ces structures de phrase concernent surtout, parmi les modalités d’énoncé, les modalités dites implicatives (au sens de Le Querler 1996) : Je pense, donc je suis/ Encore un pas, et vous tombez dans l’abîme [coordination]/ Chassez le naturel, il revient au galop [juxtaposition]. 36 L’insertion, en tant que mode de composition de la phrase complexe, concerne tant les modalités d’énonciation (il s’agit alors d’incises, dans le discours rapporté en style direct) que des modalités d’énoncé autres qu’implicatives (par l’intermédiaire cette fois-ci de propositions incidentes) :

incises (verbe déclaratif (régissant une complétive, dans le discours rapporté en style indirect) et inversion du sujet) : Quand, me demanda-t-il, reviendrez-vous ? (comparer à : Il me demanda quand j’allais revenir) ;

incidentes (verbe non déclaratif régissant normalement une subordonnée complétive ; lien de dépendance entre verbe de la proposition incidente et phrase matrice marqué souvent par un pronom anaphorique (« neutre ») : L’été, je le crains , sera chaud (comparer à : Je crains que l’été ne soit chaud)

– cf., pour la dichotomie incise/ incidente, et pour les exemples primaires, RIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe, RIOUL, René (2004/ 1994) – Grammaire méthodique du français, Paris: PUF, 3ème édition, 470. Comparaison insertion/ subordination et intégration à la problématique des modalités de notre main.37 « L’emploi sporadique du verbe  pouvoir », in : David, J. et G. Kleiber (éds), La notion sémantico-logique de modalité, Paris : Klincksieck, 183-203.38Martin, Robert (1987) – Langage et croyance, Bruxelles : Mardaga.39 Souvent, dans la littérature, il y a hésitation sur la marque du pluriel, vu la variante phrase(s)-type(s) : types/ formes de phrase ou : phrases ?

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- mutuellement exclusifs (→toute phrase est assignée à l’un et seulement un de ces types),

- à import sémantique actionnel (« acte de langage »),- à structure syntaxique, morphologie et intonation spécifiques.

Types de phrase facultatifs (= formes de phrase) :- constituants de phrase optionnels40,- par hypothèse non exclusifs des types obligatoires, ni entre eux (→se combinent entre

eux et/ou avec les types obligatoires) ;- à import sémantique surtout représentationnel (négation41) ou fonctionnel (passif,

emphase, impersonnel),- à structure syntaxique et morphologie spécifiques, mais dépourvus d’intonation propre.

(cf. Riegel et al. 2004 (1994) : 386-387).

Problèmes : 1. L’exclamatif, doué d’intonation particulière, mais non exclusif d’autres types obligatoires (cf. interro-

exclamatif : moi, partir pour Londres ?!), et à spécificité syntaxique douteuse (car partageant les structures des phrases déclaratives (Vous ne songez point à elle !) et interrogatives (Qu’est-ce qu’elle était belle ! Est-il bête !)) peut-il être envisagé comme type obligatoire, d’autant que, du moins selon certains auteurs, il n’exprimerait pas d’« acte de langage spécifique », fondé sur des rapports entre le locuteur et son destinataire ?

2. Le négatif, qui, seul, parmi les types optionnels, n’a pas d’apport sémantique essentiellement fonctionnel, non descriptif (hiérarchie informationnelle, structuration du message), mais représentationnel, descriptif (contribution sémantico-logique), et qui semble au moins susceptible de réaliser un « acte de langage spécifique » (dénégation, réfutation) peut-il être envisagé comme type optionnel ?

La solution serait de re-classer les types de phrases obligatoires/ facultatifs en quatre catégories, quitte à ce que l’exclamatif soit envisagé comme seul représentant de sa catégorie (Riegel et al. 2004 (1994) : 388-390) : types énonciatifs (assertif, interrogatif, impératif) ; types logiques (négatif/ positif) ; types de réagencement communicatif (passif, emphase, impersonnel) ; type exclamatif (manifestant seulement la subjectivité du locuteur et réalisant la fonction expressive du

langage).

Cette solution ne fait que reformuler les problèmes soulevés, sans y apporter de réelle explication.

L’analyse de la négation fait l’impasse sur ce qui est appelé, dans la littérature, négation descriptive, pour tirer argument des seuls emplois « illocutionnaires » de la négation.Et la distinction alléguée entre types énonciatifs et exclamatif, selon le critère pragmatique de « l’acte de langage spécifique », est elle-même sujette à caution, dans la mesure où :

(1) les types énonciatifs restants eux-mêmes ne font pas l’objet d’analyses uniformes, dans le paradigme théorique dont procède la notion distinctive invoquée (Théorie des actes de langage)  : les types assertif et impératif correspondent aux forces primitives assertive et directive, tandis que le type interrogatif procède des forces dérivées (instanciant un sous-type directif : demander de répondre)42 ;

(2) le lien entre types de phrases et « acte de langage spécifique » n’est pas aussi direct, ni aussi naturel, que cette analyse le suppose43, ne laissant pas d’être tributaire d’un certain horizon théorique. En pragmatique inférentielle44, par exemple, les trois types de phrases en question sont censés correspondre non pas à des « actes spécifiques », mais à des « actes génériques dire que/ dire de/ demander (si /qu-) » – entendus par Sperber et Wilson comme des « schémas d’hypothèse » (ou « schémas descriptifs ») dans lesquels sont incorporées les formes propositionnelles pleines des énoncés concernés, mais qui restent typiquement sous-déterminés quant à ce qu’il est convenu d’appeler « intention (ou : but) illocutoire »45.

40 Définis, en termes (implicitement) transformationnels, comme « réagencements particuliers des types obligatoires » (Riegel et al. 2004 (1994): 386).41 Négation descriptive : assertion d’un contenu propositionnel négatif (ex. Paul n’est pas là pour l’instant, à ce que je vois). L’interprétation des types facultatifs ne peut être actionnelle que de manière marginale, à l’encontre de celle des types obligatoires : il s’agira toujours de la négation (quand elle réalise, dans l’énonciation, un acte de dénégation (ou : refus) plutôt que la simple assertion d’un contenu négatif – ex. Tu viens ?/ -Je ne peux pas. Toujours dans un contexte d’offre/ invitation : Un peu de rôti?/ -Je ne mange pas de viande.).42 Cf. Ghiglione & Trognon 1993.43 Dans cette même logique, les types de phrases obligatoires sont analysés comme « indicateurs de force illocutionnaire ».44 Cf. Sperber Dan et Deirdre Wilson, La pertinence. Communication et cognition, Paris : Minuit, 1989 (original en anglais 1986).45

Par contre, les « forces primitives » assertive et directive (cela vaut d’ailleurs de toutes les cinq « forces primitives » distinguées dans la théorie logique de l’illocutoire), tout en étant sous-déterminées quant aux autres « composants », ce qui en fait justement « les forces illocutoires les plus simples possibles », sont bien déterminées, elles, quant au but. Le but assertif (primitif) est de représenter quelque chose qui est le cas, et le but directif (primitif), de faire une tentative linguistique pour que le destinataire réalise une action future (cf. Ghiglione & Trognon 1993). Par contre, dire que P et dire de P

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En guise de conclusions : retour sur les critères de classement des modalités.

a. Critères syntaxiques. a.1. Critère du rapport fonction modale/ structure phrastique (modalité/ type de phrase) :

modalités d’énoncé (phrase à double prédication)/ modalités d’énonciation (phrases à contour non assertif : interrogatives, injonctives, exclamatives)46/ modalités de message (hiérarchie informationnelle : phrases clivées, topicalisations, …)47.

a.2. Critère de l’incidence (construction de la phrase modalisée48): modalité de re (incidence syntaxique intra-prédicative) ; modalité de dicto (incidence syntaxique extra-prédicative). 

Distinction terminologique : incidence syntaxique/ portée sémantique (cf. Le Querler 2001)

b. Critères sémantiques49. b.1. Critère de l’énonciateur50 :

modalités subjectives51 (« élocutives » 52 ; rapport sujet énonciateur/ contenu propositionnel : modalités épistémiques, appréciatives (ou : évaluatives, ou : axiologiques), désidératives (ou53 : volitives) réflexives54) ;

modalités intersubjectives (« allocutives » ; rapport entre énonciateur et destinataire à propos du contenu propositionnel : modalités déontiques, modalités illocutionnaires directives : ordre, requête, conseil, suggestion…, modalités désidératives (ou : volitives) translatives55) ;

modalités objectives (« délocutives » : rapport entre deux contenus propositionnels, contre effacement de l’énonciateur : ontiques (ou : aléthiques), implicatives).

b.2. Critère du contenu56 : modalités aléthiques (ontiques), déontiques, épistémiques, désidératives, appréciatives, implicatives,

temporelles (sporadicité)…

1.10. Le carré des oppositions (Aristote57)

1.10.1. Classement des ‘énonciations’ (ici, énonciation (= jugement prédicatif (= proposition), lieu du vrai et du faux – dans la mesure où Aristote n’étudie que les énonciations déclaratives, décrivant un état de fait, par opposition aux énoncés interrogatifs ou impératifs, qui ne sont ni vrais ni faux) :

(où P est la forme propositionnelle de l’énoncé p), en tant qu’actes génériques, ne « rendent manifeste qu’une propriété assez abstraite de l’intention du locuteur : la direction dans laquelle la pertinence de l’énoncé est à rechercher » (Sperber et Wilson 1989 : 381). Dire que rendrait manifeste l’existence d’une relation descriptive (vs interprétative) entre la pensée du locuteur et un état de choses réel ; dire de, l’existence d’une relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses (non pas réel, mais :) désirable.

46 Au sens d’André Meunier. Cf. Meunier, André (1974) – « Modalités et communication », Langue Française n° 21, pp. 8-25. Citations pertinentes : « [La modalité d’énonciation] se rapporte au sujet parlant (ou écrivant). Elle intervient obligatoirement et donne une fois pour toutes à une phrase sa forme déclarative, interrogative ou impérative […].[La modalité d’énoncé] se rapporte au sujet de l’énoncé, éventuellement confondu avec le sujet de l’énonciation. Ses réalisations linguistiques sont très diverses de même que les contenus sémantiques et logiques qu’on peut lui reconnaître. [Elle] caractérise la manière dont le sujet de l’énoncé situe la proposition de base par rapport à la vérité, nécessité (vrai, possible, certain, nécessaire et leurs contraires etc.), par rapport aussi à des jugements d’ordre appréciatif (utile, agréable, idiot, regrettable, …) » (art. cit., pp. 13-14).« Une phrase ne peut recevoir qu’une seule modalité d’énonciation, alors qu’elle peut présenter plusieurs modalités d’énoncé combinées » (art. cit., p. 13).47 Cristea, Teodora (1981) – « Pour une approche contrastive de la modalité », in Cristea et al., Les modalités. Etudes contrastives, TUB, 8-46.48 Ce classement concerne surtout les modalités dites d’énoncé (selon le critère précédent).49 Nous préférons cette étiquette à celle de « critères fonctionnels» – susceptible de suggérer, à tort, que lesdits critères aient à voir avec la découpe focus/ topique de la grammaire fonctionnelle.50 Ce sont là des tentatives de classement (le Querler 1996 et Charaudeau 1992) qui regroupent modalités d’énonciation et modalités d’énoncé.51 Le Querler (1996). 52 Terme emprunté à Patrick Charaudeau. Cf. Charaudeau, Patrick (1992) – Grammaire du sens et de l’expression, Paris : Hachette. Noter que le contenu de cette classe n’est pas identique chez les deux auteurs, malgré des points de coïncidence.53 Au gré des auteurs, la distinction <désidératif>/ <volitif> est maintenue ou au contraire délitée. Si nous n’avions pas souscrit au délitement de cette nuance au niveau conceptuel même, il aurait fallu noter ici « ou  » (sans « : »).54 Vouloir, désirer + infinitif : Je veux partir.55 Vouloir que, désirer que + subjonctif : Je veux que vous fassiez attention à l’emploi des modes dans la relative. Je ne veux pas que tu viennes (négation portant sur la complétive : « défendre, interdire » - cf. Nouv. P. Rob.) 56 Ce classement, qui récupère les catégories modales de la tradition logique, tout en en augmentant l’inventaire, concerne, à nouveau, surtout les modalités dites d’énoncé.57 Philosophe grec du IVe siècle avant Jésus Christ (av. J.-C.). La mis en forme traditionnelle des écrits d’Aristote relatifs à la logique, édités sous le nom d’Organon (gr. « outil, instrument ») vers 60 av. J.-C. par Andronicus de Rhodes ayant été le fait de Boèce (cinq siècles plus tard, soit au Ve siècle après Jésus Christ (apr. J.- C.)), le carré logique (ou : carré des oppositions) est encore connu, dans la littérature, sous le nom de « carré de Boèce ». Sont particulièrement concernés, pour ce qui est de la définition des différentes espèces de propositions (appelées, dans le texte : énonciations), et des oppositions entre celles-ci, deux traités : De l’interprétation, d’une part, et les Premiers analytiques, de l’autre.

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énonciation catégorique (=énonciation « simplement une » : L’homme est un animal) énonciation hypothétique (=énonciation « par conjonction » : Si l’homme est, il est animal)

1.10.2. Structure des propositions catégoriques : (Quantificateur) Sujet-(Copule)-Prédicat58 (Quelque homme est juste (=Certains hommes sont justes)).

Le sujet (S) est ce à quoi l'on attribue le prédicat. Le prédicat (P) est ce qui est attribué au sujet. Le quantificateur exprime la quantité de la proposition : s'agit-il de tous les hommes (proposition

universelle) ou seulement de certains d'entre eux (proposition particulière)? La copule exprime la qualité de la proposition (affirmative ou négative : est ou n'est pas).

En ce qui concerne la quantité, Aristote adopte le point de vue extensionnel qui sera en grande partie celui de la logique contemporaine : chaque terme possède une extension (l'ensemble des objets qu'il désigne) et une compréhension (les caractères qu'on énonce quant on définit le terme).

Le terme homme a pour extension la classe des objets auquel il peut être appliqué : Socrate, Platon, … Pierre, Jacques... et comme compréhension la classe de ses caractères : ‘être vivant’, ‘bipède’, ‘omnivore’...

Les propositions universelles considèrent toute l'extension du sujet, les particulières seulement une partie.

1.10.3. Types de propositions catégoriques selon la qualité et la quantité   :

(proposition catégorique) universelle affirmative (A) : « Tout S est P » (cf. De l’interprétation) ou « P appartient à tout S » (cf. Premiers analytiques). Tout homme est juste (=Tous les hommes sont justes).

(proposition catégorique)  universelle négative (E) : « Aucun S n’est P » (cf. De l’interprétation) ou « P n’appartient à aucun S » (cf. Premiers analytiques). Aucun homme n'est juste.

(proposition catégorique)  particulière affirmative (I) : « Quelque S est P » (cf. De l’interprétation), ou « P appartient à quelque S » (cf. Premiers analytiques) Quelque homme est juste (=Certains hommes sont justes).

(proposition catégorique)  particulière négative (O) : « Quelque S n’est pas P » (cf. De l’interprétation) ou « P n’appartient pas à quelque S » (cf. Premiers analytiques). Quelque homme n'est pas juste (=Certains hommes ne sont pas justes)59.

Les quatre premières voyelles de l'alphabet latin A, E, I, O qui désignent traditionnellement ces propositions sont respectivement la première et seconde voyelle du mot latin affirmo (« j'affirme »), et la première et seconde voyelle du mot latin nego (« je nie »)60.

1.10.4. T héorie de l'inférence immédiate  : analyse des relations nécessaires entre propositions.

raisonner = inférer. inférer = tirer d'une ou de plusieurs propositions données et connues comme vraies ou comme fausses

(qu'on appelle prémisses) une ou plusieurs propositions nouvelles (qu'on appelle conclusions) jugées vraies ou fausses en fonction de la relation logique que l'on a établie entre elles et les prémisses.

inférences immédiates = inférences qui partent d'une seule proposition, jugée vraie ou fausse; inférences dites médiates (cas particulier : syllogisme) = inférences qui partent de deux propositions au moins (deux exactement dans le cas du syllogisme).

Structure de l’inférence immédiate = raisonnement composé de deux propositions : une prémisse et une conclusion, unies par un lien de conséquence logique.

inférences immédiates valides = inférences qui, partant d'une prémisse supposée vraie, conduisent nécessairement à une conclusion vraie.

validité formelle d'un raisonnement vs vérité factuelle des propositions qui le constituent : un raisonnement peut être valide même si certaines propositions qui le composent sont fausses. <Tout homme est un automate donc Quelque homme est un automate> est, pour Aristote, une inférence valide.

Une série d'inférences immédiates sont rassemblées sous la forme traditionnelle du carré logique. Ce carré donne un nom aux relations inférentielles qui existent entre des propositions A, E, I et O.

58 Tous les énoncés du langage ordinaire ne présentent pas spontanément la structure< Sujet-(Copule-)Prédicat>. Il faudrait donc les transformer pour les rendre conformes à cette structure logique. Parmi les procédés utilisés, le plus simple est celui de la transformation du verbe en copule+participe présent : Quelque Grec vit (Certains Grecs vivent) devient ainsi Quelque Grec est vivant (Certains Grecs sont vivants).59 omnis homo iustus est [universelle affirmative] ;nullus homo iustus est (= omnis homo iustus non est) [universelle négative] ; aliquis homo iustus est (= non omnis homo iustus non est) [particulière affirmative] ;aliquis homo iustus non est (= non omnis homo iustus est) [particulière négative].60 Autre notation fréquente, dans la littérature, qui intègre la lettre identificatrice du type de proposition catégorique entre les symboles S et P (sujet, prédicat) : SaP, SiP, SeP, SoP.

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Carré logique (ou : carré de Boèce)

1.10.5. T héorie de l'inférence immédiate   : définition des relations inférentielles .

La relation de contradiction oppose deux propositions de quantité et de qualité différentes. Les contradictoires ne peuvent être ni vraies en même temps, ni fausses en même temps (prenant toujours des valeurs de vérité différentes).

Tout homme est juste [universelle affirmative]

– contradictoires – Quelque homme n'est pas juste [particulière négative]

Aucun homme n'est juste [universelle négative]

– contradictoires – Quelque homme est juste [particulière affirmative]

La relation de contrariété oppose deux propositions de même quantité (universelle) mais de qualité différente. Les propositions contraires ne peuvent être vraies en même temps, mais peuvent être fausses en même temps.

Tout homme est juste [universelle affirmative]

– contraires – Aucun homme n’est juste [universelle négative]

La relation de subcontrariété oppose également deux propositions de même quantité (particulière) mais de qualité différente. Les propositions subcontraires ne peuvent être fausses en même temps, mais peuvent être vraies en même temps.

Quelque homme est juste [particulière affirmative

– subcontraires – Quelque homme n'est pas juste [particulière négative]

La relation de subalternation oppose (de prime abord) deux propositions de même qualité (ou bien affirmative, ou bien négative) mais de quantité différente. La vérité de la subalterne inférieure (particulière) suit de la vérité de la supérieure (universelle).

Tout homme est juste [universelle affirmative]

– subalternes (à supérieure affirmative) –

Quelque homme est juste [particulière affirmative]

Aucun homme n’est juste [universelle négative]

– subalternes(à supérieure négative) –

Quelque homme n'est pas juste [particulière négative]

Pour rendre justice aux distinctions logiquement pertinentes (QUANTITE : quantification universelle/ quantification existentielle ; QUALITE : négation/ affirmation), plutôt qu’aux limitations des langues naturelles employées comme métalangue (d’où deux formes de quantificateur universel, selon l’environnement affirmatif (tout) ou négatif (aucun)), nous proposons de reformuler explicitement le quantificateur universel des propositions négatives aucun en termes du quantificateur universel tout, soit : aucun61 N n’est A62 = tout N est non-A.

Voir équipollence nullus homo iustus est = omnis homo iustus non est [universelle négative] au niveau des exemples latins d’origine.

Nous avons opté pour la formule (métalinguistique) tout N est non-A plutôt que pour tout N n’est pas A, puisque la dernière reste sujette à ambiguïté, en français langue naturelle du moins (« certains N sont A »/ « Aucun N n’est A »), avec prépondérance de l’interprétation particularisante.

61 N de : nom.62 A de : adjectif.

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Au sens de la théorie de l’assertion qu’esquisse Aristote notamment dans De l’interprétation, si la quantification (universel/ particulier) porte sur le sujet, la qualification (affirmatif/ négatif) porte sur la prédication, donc sur le lien entre sujet et prédicat, plutôt que sur le prédicat tout seul – étant donnée par la copule (est/ n’est pas), en deçà du prédicat à proprement parler. C’est là une nuance précieuse pour l’étude de la syntaxe des langues naturelles.

Opter pour la formule (métalinguistique) tout N est non-A ignore cette nuance, allant dans le sens d’une articulation des formules métalinguistiques en termes de négation interne (NEG+prédicat) ou/et externe (NEG + proposition (=Quant+sujet+copule+(NEG+)prédicat)), si l’on procède à la généralisation d’une seule expression de quantification, dans le carré logique, comme il est suggéré par les exemples latins d’origine (reformulation de nullus et d’aliquis en terme du quantificateur universel omnis – voir plus haut troisième note de ce chapitre). Pour la mémoire:

omnis homo iustus est [universelle affirmative] ;nullus homo iustus est (= omnis homo iustus non est) [universelle négative] ; aliquis homo iustus est (= non omnis homo iustus non est) [particulière affirmative] ;aliquis homo iustus non est (= non omnis homo iustus est) [particulière négative].

TOUT HOMME EST JUSTE[universelle affirmative]

TOUT HOMME EST NON JUSTE[universelle négative]

QUELQUE HOMME EST JUSTE[particulière affirmative]

=NON (TOUT HOMME EST NON JUSTE)

QUELQUE HOMME EST NON JUSTE[particulière négative]

=NON (TOUT HOMME EST JUSTE)

Notons, avant de clore cette section, qu’il est crucial, à la définition de la subalternation comme <opposition en quantité>, que l’opposition opère selon deux paramètres distincts <Quantité (quantificateur universel "/ quantificateur existentiel $)/ Qualité (affirmation/ négation)>, plutôt qu’en termes d’opérateurs d’affirmation/de négation ayant dans leur champ non seulement un seul et même prédicat, mais encore un seul quantificateur (le quantificateur universel "). Ce n’est que dans cette perspective que le lien naturel entre universelle affirmative et particulière affirmative (=subalternes à supérieure affirmative) et respectivement entre universelle négative et particulière négative (=subalternes à supérieure négative) reste directement saisissable, au plan métalinguistique :

Tout homme est juste

TOUT HOMME EST JUSTE [universelle affirmative]

¬subalternes supérieures→ Aucun homme n’est juste

TOUT HOMME EST NON JUSTE[universelle négative]

↑subalternes à supérieure

affirmative↓

↑subalternes à supérieure

négative↓

c o n t r a i r e s

subalternes

s u b c o n t r a i r e s

12

subalternes

contradicto i res

Page 13: Phrase Modalisee 2010 Cours 1 5

Quelque homme est juste

QUELQUE HOMME EST JUSTE[particulière affirmative]

¬subalternes inférieures→ Quelque homme n'est pas juste QUELQUE HOMME EST NON JUSTE[particulière négative]

Le coût théorique de la généralisation du quantificateur universel, dans les formules métalinguistiques du carré (coût théorique des équipollences proposées) concerne alors principalement la définition des relations de subalternation : les subalternes inférieures seront désormais à appréhender directement en tant que contradictoires de la contraire de leur supérieure respective. La parenté de « qualité » entre subalterne inférieure et subalterne supérieure ne se laissera appréhender qu’au terme d’un calcul assez complexe (faisant intervenir l’incidence de la négation, sur la quantification).

Comparer à cet effet le premier tableau de subalternation au tableau suivant, qui intègre les formulations synonymes des particulières affirmative et négative, en termes de quantification universelle et de négation :

Tout homme est juste [universelle affirmative]

← subalternes (à supérieure affirmative) →

Non (tout homme est non-juste) [contradictoire de (la contraire de la supérieure affirmative)63 = particulière affirmative]

Tout homme est non-juste [universelle négative]

← subalternes(à supérieure négative) →

Non (tout homme est juste) [contradictoire de (la contraire de la supérieure négative)64 = particulière négative]

1.10.6. Types de propositions catégoriques selon l’inhérence du prédicat (P) au sujet (S) :

Propositions catégoriques de inesse (« être dans ») appelées aussi assertoriques: inhérence de P à S non modifiée65.

Propositions catégoriques modales : inhérence de P à S modifiée66.

La reformulation des propositions catégoriques assertoriques du carré de Boèce en termes du seul quantificateur universel et de la négation, pour obscurcir le lien naturel entre universelle affirmative et particulière affirmative et respectivement entre universelle négative et particulière négative [subalternation = opposition seulement en quantité], comporte l’avantage d’être formellement analogue à l’analyse des propositions catégoriques modales, où la négation, si négation il y a, porte tantôt sur le modus, tantôt sur le dictum, tantôt sur les deux. Analogie (purement formelle67) proposée ici : quantificateur ← modus, prédicat ← dictum. Cette analogie serait susceptible de fonder l’extrapolation du carré logique des propositions assertoriques aux inférences sur les propositions catégoriques modales.

1.10.7. Carrés modaux.

Carré aléthique   :

Nécessaire

(=NECESSAIRE QUE P)(=IMPOSSIBLE QUE NON-P)

Impossible

(=NON POSSIBLE QUE P)(=NECESSAIRE QUE NON-P)

63 Contraire de la supérieure affirmative = universelle négative.64 Contraire de la supérieure négative = universelle affirmative.65 Dictum seul : tout ce qui précède illustre ce cas de figure.66 Modus + dictum.67 Puisque, du point de vue sémantique, et compte tenu de la syntaxe des langues naturelles, ce serait plus juste d’associer modus et prédicat et dictum et sujet (voir énoncés à modalité de dicto).

13

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Possible

(=POSSIBLE QUE P)(=NON NECESSAIRE QUE NON-P)

Contingent

(= NON NECESSAIRE QUE P)(= POSSIBLE QUE NON-P)

Carré épistémique   :

Certain

(=CERTAIN QUE P)(=EXCLU QUE NON-P)

Exclu

(=EXCLU QUE P)(=CERTAIN QUE NON-P)

Probable

(=PROBABLE QUE P)(=NON CERTAIN QUE NON-P)

(=NON EXCLU QUE P)

Incertain

(= NON CERTAIN QUE P)(=NON EXCLU QUE NON-P)

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Carré déontique   :

Obligatoire

(=OBLIGATOIRE QUE P)(=NON PERMIS QUE NON-P)

Interdit

(=NON PERMIS QUE P)(=OBLIGATOIRE QUE NON-P)

Permis

(=PERMIS QUE P)(=NON OBLIGATOIRE QUE NON-P)

Facultatif

(= NON OBLIGATOIRE QUE P)(= PERMIS QUE NON-P)

Pour ce qui est de l’analogie <quantificateur ← modus, prédicat ← dictum>, comparer les définitions modales en termes des primitifs nécessaire, certain et respectivement obligatoire, à l’expression alternative des AIEO de inesse en termes du seul quantificateur universel:

TOUT HOMME EST JUSTE[universelle affirmative]

TOUT HOMME EST NON-JUSTE[universelle négative]

NON TOUT HOMME EST NON-JUSTE[particulière affirmative]

NON TOUT HOMME EST JUSTE[particulière négative]

Soit :

NECESSAIRE QUE P NON NECESSAIRE QUE NON-P NECESSAIRE QUE NON-P NON NECESSAIRE QUE PCERTAIN QUE P NON CERTAIN QUE NON-P CERTAIN QUE NON-P NON CERTAIN QUE POBLIGATOIRE QUE P NON OBLIGATOIRE QUE NON-P OBLIGATOIRE QUE NON-P NON OBLIGATOIRE QUE PTOUT HOMME EST JUSTE NON TOUT HOMME EST NON-

JUSTETOUT HOMME EST NON-JUSTE NON TOUT HOMME EST JUSTE

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2. Modalités d’énonciation. (cours 3-5)

Modalités d’énonciation (sémantiquement parlant → attitude du locuteur dans son rapport avec le destinataire de l’énonciation : actes de langage 68  ; syntaxiquement parlant = types de phrase obligatoires) :

assertion (phrase assertive ou : déclarative), interrogation (phrase interrogative), injonction (phrase impérative), exclamation (phrase exclamative).

La notion d’acte de langage est définie à l’intérieur d’un cadre théorique spécifique : la théorie des actes de langage (entendue comme cas particulier de la théorie de l’action). Il s’agit, pour l’essentiel, de ce que l’on fait (accomplit) en disant quelque chose à quelqu’un.

Performatif vs constatif

Dans un premier temps (Austin J.L., Quand dire c’est faire, Paris, Seuil, 1970 (tr. fr.)/ 1962 (original)) sont seulement dissociés les performatifs ou : déclarations (angl. statements) dont l’énonciation revient à exécuter (angl. to perform) une action (exemple donné : baptiser un bateau, c’est dire, dans les circonstances appropriées, les mots ‘je baptise’ ). Dépourvus de conditions de vérité, à l’encontre des énoncés qui décrivent un état de chose ou rapportent (= constatent) un fait (énoncés appelés, désormais : constatifs), mais sujets à des conditions de réussite, les énoncés performatifs remettent en cause le postulat du caractère essentiellement descriptif du langage (« l’illusion descriptive », dans les termes d’Austin).

Locutoire vs illocutoire vs perlocutoire

La difficulté d’opérer des distinctions tranchées entre énoncés constatifs et énoncés performatifs à l’aide de critères à proprement parler linguistiques tels le critère, syntaxique, du verbe performatif à la première personne du singulier, ou le critère, lexical, des « mots performatifs » (verbes ou autres) a eu pour conséquence l’élaboration de l’appareil théorique. La question de savoir ce que veut dire, au juste, « dire, c’est faire » sera envisagée sous un angle plus large.Seront maintenant définis comme « actes de langage » :

1. l’acte de dire quelque chose (= acte locutoire), lui-même décomposé en plusieurs actes généralement coextensifs l’un à l’autre :

produire (prononcer) des sons (= acte phonétique) ; produire des vocables (ou : mots) qui entrent dans des constructions conformes à la

grammaire (=acte phatique), et pourvus, dans l’emploi, d’un sens et d’une référence déterminés (= acte rhétique) ;

2. l’action réalisée du fait même de dire (en accomplissant un acte locutoire donc = acte illocutoire – de in (« dans ») – ‘acte réalisé dans la locution’) : promettre, poser une question, donner un renseignement, annoncer un verdict, donner un ordre, … ;

3. l’acte ou l’effet provoqué par la locution (vs dans la locution), sur les sentiments, pensées, agissements de l’auditoire, du locuteur ou de tiers (= acte perlocutoire, de per (« par »)) : convaincre, effrayer, faire faire, … (Austin 1970/ 1962).

Le noyau dur de la théorie défendue par Austin est sans conteste la notion d’illocutoire, née, elle, en droite ligne, d’une généralisation du concept de performatif. La spécificité de l’illocutoire repose sur l’exploitation conjointe de deux axes d’oppositions : fonction dénotative, et respectivement conventionnel :

la distinction entre valeur (force) de l’énonciation et signification de l’énoncé (assimilée, elle, à la dénotation (=sens + référence)) oppose l’illocution à la locution ;

la distinction entre conventionnel (produit de règles) et non conventionnel (produit des circonstances) oppose l’illocutoire au perlocutoire, comme l’invariant au variable.

Austin distingue cinq types fondamentaux d’illocutions :

Actes verdictifs [ verdictives ]   : énonciations qui reviennent à exprimer ce que l’on a constaté (officiellement ou pas), à partir de l’évidence ou à partir des raisons concernant ou bien les faits eux-mêmes, ou bien leur caractère axiologique (actes judiciaires, plutôt que législatifs ou exécutifs : prononcer un diagnostic (par un expert : médecin ou autre), acquitter, condamner, décréter, classer, évaluer, etc.).

Actes exercitifs [ exercitives ]   : énonciations consistant à donner une décision pour ou contre une certaine façon d’agir, à inciter les autres à se comporter de telle ou telle façon. A l’encontre des verdictifs, les exercitifs comportent un jugement (une décision) sur ce qui devra ou devrait être, plutôt que sur ce qui est : dégrader, commander, ordonner, léguer, pardonner, etc.).

Actes promissifs [ commissives ] : énonciations qui visent à obliger le locuteur à adopter une certaine façon d’agir, à s’engager à des degrés divers (ce terme ne s’applique pas aux seules promesses au sens strict : promettre, s’engager formellement, faire voeu de, prêter serment (jurer de), parier, etc.).

68 Ou plutôt : actes illocutionnaires. Voir encadré

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Actes comportatifs [ behabitives ]   : énonciations qui expriment une réaction à la conduite ou au sort des autres, des attitudes à l’égard du comportement antérieur ou simplement prévu, d’autrui (s’excuser, remercier, injurier, déplorer, critiquer, braver, etc.).

Actes expositifs [ expositives ]  : énonciations qui visent à exposer une manière de voir les choses, à développer un argument, à tirer au clair l’usage d’un mot, ou le référent de celui-ci (affirmer, nier, postuler, remarquer, décrire, témoigner, rapporter, etc.).

Désormais, quand nous emploierons le terme d’acte de langage (ou : acte de parole), nous nous référerons aux seuls actes illocutoires (ou : illocutionnaires).

Contenu propositionnel vs force illocuoire

La postérité d’Austin élaborera davantage encore la théorie des actes de langage (= actes illocutionnaires). Searle (1972 (1969)) s’attache à opérer la distinction entre proposition exprimée par l’énoncé et acte accompli dans l’énonciation non seulement en termes d’actes (acte locutoire (notamment : rhétique) vs acte illocutoire), mais également en termes de la structure syntaxique de la phrase énoncée  (relativement aux actes illocutionnaires mêmes); ainsi discriminera-t-il deux types de marqueurs : le marqueur de contenu propositionnel et le marqueur de force illocutoire. C’est là une distinction qui ne se laisse appréhender directement que dans le cas des performatifs explicites, où la principale correspond au marqueur de force illocutoire, et la subordonnée enchâssée, au marqueur de contenu propositionnel : [F je te promets [p que je fermerai la fenêtre]] – soit, dans la notation de l’auteur, pour l’acte de force F accompli à propos du contenu propositionnel p : F(p). En vertu cependant du principe d’exprimabilité69, tous les énoncés se laisseraient réduire à des performatifs explicites : Searle considère en effet qu’un marqueur de force illocutoire (préfixe performatif Je verbe illocutoire) sous-tend, en structure profonde, tout énoncé (analyse qui correspond en tout point à l’ « hypothèse performative » des générativistes chomskyens (cf. Ross 1970)).

Conditions de succès des actes illocutionnaires

À la distinction actes/ marqueurs des actes il correspond, dans la théorie searlienne, la distinction règles constitutives (des actes)/ règles sémantiques (dérivées des premières, et gouvernant l’emploi des marqueurs d’actes). Cette distinction se laisse enchâsser dans une autre, d’ordre plus général : règles constitutives (qui créent des activités dépourvues d’existence indépendante : les règles qui gouvernent les jeux (football ou échecs au même titre), y compris les « jeux de langage » au sens de L. Wittgenstein) vs règles normatives (qui ont pour objet des comportements/ actions qui existent indépendamment des normes les régissant : à l’instar des règles de politesse, la signification des phrases est justiciable de conventions). Si les conventions sémantiques dépendent des langues particulières, les règles constitutives des actes de langage seraient universelles. Elles définissent autant de conditions de succès des actes illocutoires :

Condition de contenu propositionnel (propriétés du contenu propositionnel de l’acte : action future de l’interlocuteur pour l’ordre, du locuteur, pour la promesse) ;

Condition(s) préliminaire(s) (qui doivent être satisfaites préalablement, pour que l’acte puisse être accompli : capacité de l’interlocuteur, pour l’ordre) ;

Condition de sincérité (qui définit l’état psychologique du locuteur : désir pour l’ordre, intention pour la promesse, croyance, pour l’assertion) ;

Condition essentielle (qui définit le but illocutoire : amener l’interlocuteur à réaliser l’action pour l’ordre, s’engager à la réaliser soi-même, pour la promesse, s’engager sur la vérité de la proposition exprimée, pour l’assertion).

Dès qu’une règle constitutive est enfreinte, l’acte échoue, mais cet échec est différent suivant la règle spécifique qui aura été violée.

Classement des actes illocutionnaires

Partant de la distinction explicite entre verbes illocutoires (qui ressortissent aux langues particulières) et actes illocutoires (universaux de langage), l’auteur réévalue la taxinomie d’Austin, davantage un classement de verbes que d’actes, et, qui pis est, ne reposant pas sur des principes/ critères de classement clairement définis d’entrée de jeu, d’où force chevauchements inter-catégoriels. Aussi, la contribution de Searle consistera-t-elle notamment à une recherche des critères de classement pertinents et surtout mutuellement consistants. Il en isole douze, mais cinq seulement sont décisifs dans la classification à proprement parler :

Le but illocutoire (condition essentielle) ;

Mais pas : la force avec laquelle est présenté le but (qui varie selon le degré d’explicitation de l’acte, et, si l’acte est explicite, selon le verbe employé : demander de/ exiger de/ ordonner de), ni le style de l’accomplissement de l’acte (annonce vs confession).

La direction d’ajustement entre les mots et le monde (concerne le contenu propositionnel de

l’acte, et représente une sous-composante (sinon une conséquence) du but illocutoire : ajustement

des mots, au monde, pour une assertion, ajustement du monde, aux mots, pour une promesse ou un

ordre) ;

69 Qui asserte que tout ce que l’on veut dire peut être dit littéralement (cf. Searle 1969/ 1972).

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L’état psychologique exprimé (l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de

l’acte : condition de sincérité) ;

Les statuts respectifs du locuteur et de l’interlocuteur (condition préparatoire) ;

Mais pas : les relations de l’énoncé aux intérêts du locuteur et de l’interlocuteur, ni les relations de l’acte au reste du discours (réponse (question), conclusion (argument(s))).

Le contenu propositionnel (les différences dans le contenu propositionnel qui sont déterminées par

des mécanismes liés à la force illocutionnaire : états de choses passés, pour le rapport, états de

choses futurs, pour la prédiction).

Mais pas : les différences entre actes essentiellement et non essentiellement linguistiques (qui ne peuvent pas ou respectivement qui peuvent être accomplis y compris sans le dire : poser un diagnostic vs prêter serment), ni entre actes institutionnels (excommunication, déclaration de guerre), et non institutionnels, ni entre actes dont le marqueur (le verbe) est susceptible d’emploi performatif, et actes dont le verbe n’est pas susceptible d’un tel usage (cf. se vanter, menacer).

Type d’actes But illocutoire Direction d’ajustement

Etat psycho-logique exprimé

Statuts du locuteur et de l’ interlocuteur

Contenu propositionnel

REPRÉSENTATIFS:Suggestion, assertion, prédiction, rapport,…

Engagement du

locuteur sur la vérité

de la proposition

exprimée

Des mots, au

monde.

Croyance.

DIRECTIFS :Requête, consigne, ordre, … question…

Obligation de

l’interlocuteur à

accomplir certain(s)

acte(s).

Du monde, aux

mots.

Désir. Position de force du locuteur.

Action future de l’interlocuteur.

PROMISSIFS :Promesse, legs, serment…

Obligation du locuteur à accomplir certain(s) acte(s)

Du monde, aux mots.

Intention. Action future du locuteur.

EXPRESSIFS :excuse, critique, félicitation, condoléances, remerciements…

Exprimer l’état psycho-

logique (par rapport à

l’état de chose spécifié

dans le contenu

propositionnel).

____ (croyance+ γ70 )

(vérité

présupposée)

DÉCLARATIFS71 :Bénédiction, excomunication, baptême, arbitrage d’un hors-jeu de l’avant-centre, pari sur un trois sans atout (annonce au bridge), verdict de culpabilité, déclaration de guerre…

Provoquer la vérité de leur contenu propositionnel

Direction d’ajustement double.

(+institution extra-linguistique : statuts respectifs bien spécifiques)

Actes de langage indirects : procédure de dérivation (Searle 1975)

Dans un acte de langage indirect, le locuteur réalise un acte illocutoire primaire, par l’intermédiaire d’un acte secondaire, tout en ayant l’intention que ce soit son intention de réaliser l’acte primaire qui soit reconnue par l’interlocuteur. La demande à l’interlocuteur, de passer le sel (au locuteur) peut ainsi être réalisée par plusieurs types de phrases:

1. Par une phrase (surtout interrogative) concernant la capacité de l’interlocuteur à passer le sel :

Pouvez-vous me passer le sel ?

2. Par une phrase concernant le désir/ la volonté du locuteur que l’interlocuteur lui passe le sel :

J’aimerais que vous me passsiez le sel, Je voudrais que vous me passiez le sel…

3. Par une phrase (éventuellement interrogative) concernant l’exécution de l’action par l’interlocuteur :

70 Où l’élément ajouté à l’attitude fondamentale, qui est de l’ordre de la croyance, est de l’ordre du sentiment : insatisfaction (PLAINTE), tristesse (LAMENTATION), y compris lorsque cette attitude est fonction de (voire redondante du) statut du locuteur : culpabilité (EXCUSE), assurance/  sentiment de supériorité (CRITIQUE)…

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Allez-vous (bientôt) me passer le sel ?, Vous me passerez le sel , …

4. Par des phrases concernant le désir/ le consentement de l’interlocueur d’exécuter l’action : Voulez-

vous me passer le sel ? Cela vous dérangerait-il de me passer le sel ?

5. Par des phrases concernant les raisons de l’interlocuteur d’exécuter cette action : Vous devriez me

passer le sel, pourquoi ne pas me passer ce sel ? Ne vaudrait-il pas mieux que vous me passiez ce

sel ?72

6. Par des phrases enchâssant l’un de ces éléments dans un autre, voire par des phrases enchâssant un

verbe directif explicite dans l’un de ces contextes : J’espère que (2) vous m’obligerez en me

passant le sel (3), Pourrais-je vous demander (condition préparatoire du locuteur : variété de (1)

donc, où est enchâssé le verbe illocutoire explicite) de (bien vouloir (4)) me passer le sel ?

Comment l’interlocuteur recouvrira-t-il l’intention illocutionnaire du locuteur, dans tous ces cas-là ? À la faveur d’ « informations d’arrière-plan mutuelllement partagées », tant linguistiques que non linguistiques, ainsi que grâce à ses propres « capacités générales de rationalité et d’inférence » (Searle 1975 : 60-61). La théorie des actes de langage (notamment les conditions de satisfaction des actes), d’une part, et le principe de la Coopération de Grice (et les maximes de régulation conversationnelle qui en dérivent), de l’autre interviennent, conjointement aux informations d’arrière-plan, dans la modélisation searlienne de dérivation de l’acte primaire à partir d’un acte secondaire.

La procédure de dérivation de la demande de passer le sel, à partir d’une phrase interrogeant la capacité de l’auditeur à accomplir cette action, comporterait ainsi dix étapes : (1) l’identification de l’acte littéral (acte secondaire : en l’occurrence, la question de savoir si l’auditeur a la capacité de passer le sel au locuteur) ; (2) l’actualisation de l’hypothèse d’observation très générale, d’une conversation coopérative (l’énoncé du locuteur doit donc avoir un objet, un but) ; l’actualisation d’informations d’arrière-plan conversationnel qui invalident l’interprétation littérale : (3) l’absence d’indices d’un intérêt théorique (du locuteur) portant sur la capacité de l’interlocuteur (le sujet interprétant) à performer l’action , et (4) la probabilité (très haute) de l’hypothèse selon laquelle le locuteur connaît déjà la réponse à la question littérale (réponse affirmative) ; (5) l’inférence du caractère vraisemblablement non littéral de l’illocution ; (6) l’actualisation, à titre de prémisse de raisonnement, d’une proposition ressortissant au bagage cognitif des participants au dialogue, en l’occurrence, l’une des conditions préparatoires des actes directifs (la capacité de l’interlocuteur à performer l’action désirée par le locuteur), et (7) l’identification de l’acte littéral comme question portant sur la satisfaction de cette condition ; à partir de (7), et de (8) (actualisation d’informations d’arrière-plan liées au scénario <DEJEUNER>), inférence de (9) (la question sur la satisfaction de la condition préparatoire de l’acte directif représente une allusion à la satisfaction des conditions d’obéissance de cet acte) ; (10) inférence du but illocutionnaire actuel (en l’absence d’autres buts plausibles), à partir des étapes (5) et (9).

Dans le même article, Searle formule quatre généralisations censées rendre compte des relations systématiques entre forme des phrases et type illocutoire directif de celles-ci.   Le locuteur peut faire une demande indirecte en :

En demandant si/ en affirmant qu’une condition préparatoire (la condition concernant la capacité de l’interlocuteur d’accomplir l’action désirée par le locuteur) est satisfaite ;

En demandant si/ en affirmant que la condition de contenu propositionnel (action future performée par l’interlocuteur) est satisfaite.

En affirmant que la condition de sincérité est satisfaite.En affirmant que/ en demandant si l’interlocuteur a de bonnes raisons (ou des raisons déterminantes)

d’exécuter l’action désirée par, soit objectives, soit subjectives (son désir/ consentement/ bon vouloir même).

Théorie logique de l’illocutoire

La théorie des actes de langage devient une théorie de l’engagement illocutoire (Searle et Vanderveken 1985), qui intègre désormais une théorie de l’énonciation et de ses effets (Vanderveken 1988). La formalisation logique de la théorie non seulement continue à opérer la distinction entre propriétés tant représentationnelles qu’actionnelles des illocutions : l’immense majorité des actes73 sont en effet constitués d’une force prédiquée d’un contenu propositionnel, la première correspondant à la fonction à proprement parler actionnelle de l’énoncé, et le second, à la fonction représentationnelle de celui-ci – mais met en vedette les relations entre les deux types de propriétés/ fonctions.

72 Formulations tout à fait naturelles avec « l’arme » ou « cette arme », à la place du sempiternel sel, et qui exigent simplement la construction d’un contexte interprétatif spécifique, pour sembler naturelles telles quelles : si l’interlocuteur est par exemple, un malade en régime hyposodique...73 Seraient dépourvus de contenu propositionnel  certains actes expressifs réalisés au moyen d’interjections (Zut! Aïe !), tandis que d’autres auraient un « contenu qui n’est pas une proposition complète, mais plutôt un objet de référence » (Vanderveken 1988 : 30) : Vive la France !

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Le contenu propositionnel d’un acte est envisagé comme une proposition qui représente (au sens fort du terme) les conditions de satisfaction de celui-ci : en effet, le contenu propositionnel d’une demande de faire quelque chose est la proposition qui représente l’auditeur faisant cette chose (à « cause » justement de la demande). Or, toute demande est satisfaite si l’action s’accomplit.

Quant à la notion de force illocutoire, elle est explicitement posée comme notion dérivée, donc comme combinaison de plusieurs éléments : (a) le but illocutoire, qui détermine également la direction d’ajustement de l’énonciation (cinq types de buts illocutoires sont retenus, comme précédemment (cf. taxinomie des actes in Searle 1979/ 1982) : assertif, commissif, directif, déclaratif et expressif), (b) le degré de puissance (l’intensité de la force mise au service du but, qui est fonction de l’engagement du locuteur, et qui est généralement identique à l’intensité de l’attitude exprimée (degré de puissance du but = degré de puissance de la condition de sincérité – voir infra (7)): une requête et un ordre diffèrent, entre autres, quant à leurs degrés de puissance ; (c) le mode d’accomplissement (prière : expression humble/ requête : option de refus ouverte à l’interlocuteur/ commandement : option de refus présentée comme fermée, position d’autorité du locuteur invoquée lors de l’énonciation) ; (d) les conditions de contenu propositionnel (exprimées en français par des contraintes syntaxiques sur les formes grammaticales) ; (e) les conditions préparatoires (présuppositions du locuteur, à distinguer des présuppositions au sens strict, liées au contenu propositionnel de l’énonciation, et indépendantes de sa force) ; (f) les conditions de sincérité (l’état psychologique conventionnellement associé à l’accomplissement d’un acte (vs réellement possédé par le locuteur)) ; (g) le degré de puissance des conditions de sincérité (marqué à l’oral par l’intonation, et à l’écrit, par des adverbes comme sincèrement, franchement, etc. ; les actes de demander et d’implorer, partagent le but directif, ainsi que la condition de sincérité (état psychologique de désir), mais diffèrent quant au degré de puissance de cette dernière (moindre pour la demande)). Une force illocutoire n’est cela dit pas la simple addition de ses sept composantes (six selon Vanderveken 1988), car celles-ci ne sont pas indépendantes les unes des autres : le but déclaratif détermine en effet la condition préparatoire du locuteur (autorisé à réaliser l’état de chose représenté par le contenu propositionnel par sa seule énonciation), etc.

Force primitive/ forces dérivées

Les forces assertive, commissive, directive, déclarative et expressive correspondant aux cinq types de buts représentent les cinq forces primitives, « les plus simples possibles », pourvues uniquement de but, d’un degré de puissance neutre, et des conditions préparatoires, sur le contenu propositionnel et de sincérité que ce but détermine ; toutes les autres forces illocutoires en sont dérivées, par des opérations d’ajout de conditions (sur le contenu propositionnel, préparatoires et/ou (selon le cas) de sincérité), d’augmentation ou baisse de degré de puissance du but, ou encore de restriction du mode d’accomplissement du but (Searle et Vanderveken 1985 : 51 ; 60-70). Voir le graphe ci-dessous, qui relie des forces illocutoires de même but (directif) :

+mode d’accomplissement spécifique (consistant à donner option de refus à l’interlocuteur)

Force directive primitive demande   + condition sur le contenu

propositionnel (acte de discours futur de l’interlocuteur, dirigé vers le locuteur original) question 

+baisse du degré de puissance du but suggestion +condition préparatoire (action

future « bonne » (ON-désirable)) recommandation

Références minimales (en attendant le cours de pragmatique) :

Austin, John Langshaw (1970) – Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil.

Searle John R. (1972 /1969) – Les actes de langage, Paris, Hermann,. Searle, John R. (1982) – Sens et expression, Paris, Minuit.

Searle John R. et Daniel VANDERVEKEN (1985) – Foundations of Illocutionary Logic, Cambridge, Cambridge U.P., 1985.

Vanderveken, Daniel (1988) – Les Actes de discours, Bruxelles, Mardaga.

Ghiglione Rodolphe & Alain Trognon (1993) – Où va la pragmatique? De la pragmatique à la psychologie sociale, Grenoble, Presses Universitaires.

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2.1. L’assertion. La phrase déclarative.

2.1.1. Syntaxe de la phrase déclarative : phrase déclarative ou phrase affirmative ?

La négation étant regroupée, en grammaire générative-transformationnelle standard, comme type de phrase optionnel (forme de phrase), avec le passif, l’impersonnel, l’emphase, le type déclaratif sera directement envisagé en tant que type obligatoire affirmatif (affirmation, opposée à l’interrogation et à l’impératif : Le serpent74 mordit Jacques Fréron). Dans cette acception donc, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, l’affirmation n’est pas opposée à la négation : les phrases négatives peuvent fort bien épouser le contour prosodique affirmatif (Le serpent ne tua pas Jacques Fréron).

Nous avons fait état précédemment de nos réserves sur cette option métalinguistique (§1.4. supra), aussi nous bornerons-nous ici à un rapport neutre de la théorie présentée.

Le constituant affirmatif se réécrit obligatoirement par le constituant Intonation affirmative (abréviation Intonaffir), distincte, par hypothèse, des intonations interrogative et impérative.

Σ→ Const +P

Const →

Affir

Affir → Intonaffir

Σ→ Intonaffir +P

P → SN +SV

Σ→ Intonaffir +SN +SV (structure profonde)

Le changement structurel, au passage de la structure profonde à la structure de surface, dans le cas de la phrase affirmative (active non emphatique) se réduira au déplacement du constituant Intonaffir en fin de séquence :

Intonaffir +SN +SV (structure profonde) SN +SV + Intonaffir (structure de surface).

Taff 

La transformation affirmative ainsi formulée est postulée pour rendre compte de l’hypothèse fondamentale du modèle, la distinction entre structure profonde et structure de surface, même en l’absence de différences directement observables en termes de contour prosodique marqué et/ou en termes de l’ordre des éléments terminaux (mots75) : il n’y a pas de réécriture directe de la phrase de base (affirmative active non emphatique).

D’autre part, le déplacement à droite du constituant affirmatif (Intonaffir) rendrait compte du traitement prosodique caractérisé en fin de syntagme prosodique maximal, donc concernant au premier degré la fin de la séquence linéaire (linéarisée). Cette corrélation reste cependant sujette à caution, dans la mesure où, bien que le contour assertif soit, en français du moins, descendant, les données prosodiques concernent l’ensemble de la phrase, et non seulement sa fin).

2.1.2. Sémantique de la phrase déclarative.

Le constituant affirmatif est interprété comme une assertion dont P est le noyau (comme une assertion dont P est le contenu propositionnel, en termes de la théorie des actes de langage).

Du point de vue fonctionnel, le constituant affirmatif permet l’interprétation du sujet de l’assertion (de) P comme topique (de cette assertion), et du syntagme verbal comme commentaire, ainsi que l’interprétation des autres syntagmes nominaux (compléments) comme non-topiques.

74 Dont il est question dans la fable de La Fontaine. Dans le texte évoqué, le sujet est indéfini, et la phrase, ouverte par deux compléments donnant le cadre spatio-temporel : Un beau jour, au fond d’un vallon, un serpent mordit Jacques Fréron. Ce type de construction, à sujet non-topical, est une phrase thétique. Nous y reviendrons sous 5 (voir infra).75 De toute manière, au niveau du noyau, en français, l’ordre des mots et affixes directement observable en surface, ne recoupe pas directement l’ordre d’insertion lexicale des constituants terminaux sous les constituants syntagmatiques concernés (en structure profonde issue de l’application incrémentielle, éventuellement récursive, des règles de réécriture) : (…) Aux (→affixe) + V (→racine) + SN, en structure profonde, contre racine+ affixe en structure de surface.

21

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Ces faits permettent de définir la relation entre phrase active et phrase passive : la transformation affirmative a lieu après la transformation passive, aussi le sujet de la phrase passive (complément de la phrase active correspondante) sera-t-il interprété comme topique de l’assertion que fonde le constituant Affir (c’est-à-dire : de l’assertion qui est l’interprétation sémantique du Constituant Affir) :

Un serpent mordit Jacques Fréron → Jacques Fréron fut mordu d’un serpent.

Cf. Dubois et Dubois-Charlier 1970, chap. XV.

2.2. L’interrogation. La phrase interrogative.

2.2.1. Valeur sémantique propre: question appel d’information.

2.2.2. Syntaxe de la phrase interrogative. Sous-types.

Interrogation totale (sans mot interrogatif ; questions fermées : alternatives épistémiques en nombre fini : réponse visée oui/ non) : Est-il encore là ? (Oui, il est là/ Non, il n’est plus là) ;

Interrogation alternative (à coordination disjonctive d’éléments : Préférez-vous la mer ou la montagne ? (alternatives épistémiques en nombre fini→  réponses visées : Je préfère la mer/ Je préfère la montagne) ; Me prenez-vous pour un imbécile ou le faites-vous exprès ? (réponses visées (toutes choses égales par ailleurs): Je vous prends pour un imbécile/ Je le fais exprès ; aucune de ces deux réponses n’étant socialement admissible, cette question alternative fonctionnera pragmatiquement comme un acte, particulièrement agressif, de remise en cause des faits et/ ou dires de l’interlocuteur) ; interrogation alternative polaire (alternatives épistémiques en nombre fini→  réponses visées : si76/ non) : Aimez-vous la mer ou ne l’aimez-vous pas/ ou non ? / ou pas ? réponses : Si, je l’aime/ Non, je ne l’aime pas).

Interrogation partielle (à mot interrogatif (qu-) ; questions ouvertes : alternatives épistémiques en nombre in(dé)fini) : Qui est là ? (C’est Paul/ Sylvie/ …).

Syntagme qu- : focalisé (=foyer d’information nouvelle), liant une variable (soulignée dans les exemples ci-après) dont la réponse fixera la valeur, au cas par cas. Le reste des éléments de la phrase interrogative ressortissent aux informations présupposées (=déjà acquises).

Qui est là ?/ présupposé : ‘quelqu’un est là’.Où est-elle ?/ présupposé : ‘elle est quelque part’.

Interrogation directe/ interrogation indirecte :

Interrogation directe : phrase indépendante, à courbe intonatoire spécifique, et se terminant, à l’écrit, par un point d’interrogation. Pourvue de valeur et de fonction interrogative. Est-il encore là ?/ Qui est là ?

Interrogation indirecte (discours rapporté en style indirect) : subordonnée complétive, enchâssée sous un verbe principal qui marque conceptuellement (= descriptivement) la valeur interrogative (mais pas la fonction : suspendue, elle, à la faveur de la subordination) : Je me demande si Paul arrivera ce soir. Je ne sais pas qui arrivera le premier. Noter que la valeur interrogative est également indiquée77 par l’élément introducteur (si : questions totales/ qu- : questions partielles).

Interrogation comme acte de langage indirect  (stratégie communicative): Je ne trouve pas ce livre (comparer cette assertion à la question appel d’information : Où est ce livre ?).

2.2.3. Syntaxe de la phrase interrogative. Réalisateurs (marqueurs).

2.2.3.1. Interrogation totale.2.2.3.1.1. Interrogation totale directe.

Intonation ascendante suspensive (sans modification aucune dans l’ordre des mots) : Il est toujours là, votre mari ? (comparer à : Il est toujours là, votre mari – à intonation déclarative descendante).

Et inversion du sujet : Inversion simple : <verbe-clitique78 sujet> (trait d’union obligé : Es-tu encore là ?; insertion

d’un -t- euphonique après un verbe finissant en voyelle : A-t-il compris ? Parle-t-elle toujours aussi

76 Roum. ba da. Réponse affirmative à une question oui/non de forme négative.77 Marqueurs indicatifs vs descriptifs.78 Pour la mémoire : sont appelés clitiques les pronoms atones (=non accentués) qui présentent une contrainte d’’adjacence au verbe. Seuls peuvent intervenir entre un clitique et le verbe d’autres clitiques. Clitiques sujets : je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles (pronoms personnels sujets) et ce (démonstratif sujet). Ainsi, entre je (clitique sujet) et ai (auxiliaire de temps) peuvent licitement intervenir les clitiques objets (le lui) et ne (négation clitique) : Je ne le lui ai pas rendu.

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fort ?) ; inversion de je : systématique au futur et au conditionnel (dirai-je, pourrais-je, …) ; rare après le présent de l’indicatif (liste fermée : ai-je, suis-je, sais-je, fais-je, dis-je, dois-je, puis-je, vais-je, veux-je, vois-je ; éviter après d’autres monosyllabes : *cours-je, *mens-je, *pars-je, *sors-je, …).

Inversion complexe : <sujet nominal + verbe-clitique sujet> (Paul est-il encore là ?).

Et Est-ce que (version interrogative du présentatif c’est que+ structure phrastique79) : Est-ce que Paul est là ?

2.2.3.1.2. Interrogation totale indirecte.Après si : Je ne sais si le docteur viendra

Inversion (simple) du sujet bloquée : *Je ne sais si viendra le docteur.

2.2.3.2. Interrogation partielle.

Intonation ascendante suspensive optionnelle. Le plus souvent : intonation descendante (à l’instar des phrases déclaratives correspondantes), après une montée sur le mot interrogatif (porteur de l’accent focal). Dans ce second cas de figure, selon l’analyse générative-transformationnelle standard, l’intonation ne serait plus guère un marqueur actuel de l’interrogation.

Mot interrogatif & inversion du sujet : Inversion simple du sujet clitique (trait d’union obligé : Qui cherchez-vous ? Qui est-

ce ?80), du sujet pronominal non clitique ou nominal (sans trait d’union : Que disait celui-là   ? Que disait cet homme ? Quand est parti Jean (pour Londres) ?).

Inversion complexe : Quand Paul repartira-t-il ? Mot interrogatif & est-ce que : Quand est-ce que Paul repartira ?

+humain -humain +sujet -sujetQui (est-ce) Qu’(est-ce) …qui …que

Qui [+humain] est-ce que [-sujet] tu as rencontré ? Qu’ [-humain] est-ce que [-sujet] tu racontes ?Qui [+humain] est-ce qui [+sujet] veut encore partir ? Qu’[-humain] est-ce qui [+sujet] arrive ?

2.2.3.2.1. Cas particuliers.2.2.3.2.1.1. Inversion exclue : mot qu- sujet (qui : Qui l’a dit ?).

{Pas d’inversion : variante préférée/ inversion complexe : variante permise} : mot qu- sujet (combien de…, quel…, lequel de(s)…).

- Combien de gens l’ont vu ? - Quel témoin a vu l’accusé ? Quelle folie avait pris Clémence ?- Lequel de ces enfants a vu l’accusé ? Lequel de ses romans vous paraît le meilleur ? [variantes

préférées – exemples (et sanction normative) empruntés à Hanse 1991 : 526]

- Combien d’entre vous l’ont fait (+ l’ont-ils fait), - Quelle rage de vivre et de dominer l’avait-elle soutenue ? (Druon), - Laquelle de ces deux Mathilde (…) emporte-t-elle la sympathie d’Aliénor ? (Pernoud)

[variantes permises – exemples (et sanction normative) empruntés à Hanse 1991 : 526-527]

2.2.3.2.1.2. Inversion simple obligée :

Mot qu- attribut (Qui êtes-vous ?, Qui est cet homme   ? Quelle sera votre décision ?) ou attribut (Quelles gens êtes-vous ? Quelles gens sont les Dupont ?)

Sujet= SN [+humain] Attributs du sujet en variation libre : Qui / Quel

Qui est cette femme ? Quelle est cette femme ?

Sujet= pronom personnel [+personne, locuteur]

Attribut du sujet à choix contraint : Qui/ *Quel(le,s) :

Qui suis-je ?Qui sommes-nous ?Qui es-tu ? Qui êtes-vous ?

*Quel suis-je ?*Quels sommes-nous ?*Quel es-tu ? *Quels êtes-vous ?

Sujet= SN [-humain] Attribut du sujet à choix contraint : *Qui/ Quel 

*Qui est cette voiture ? Quelle est cette voiture ?

Attribut du sujet +quInterroger sur la qualité Que suis-je ?

Que devient-elle ?81 Interroger sur l’identité Qui suis-je ?

Qui est-elle ? Qui est cette

79 Construite par inversion simple du sujet clitique ce.80 Inversion de je courante pour les verbes de la liste déjà mentionnée (ai-je, suis-je, sais-je, fais-je, dis-je, dois-je, puis-je, vais-je, veux-je, vois-je : Pourquoi ai-je fermé ce tiroir à clé ?) ;  rarissime (tour très marqué, en particulier à l’oral), avec les verbes en -e → -é ( ?Pourquoi hésité-je ? /OKPourquoi est-ce que j’hésite ?).

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femme ?

QueCOD (Que disent-ils ? Que veulent ces gens ?) Où est + SN (Où est votre guitare   ?)

2.2.3.2.1.3. Inversion complexe obligée :

Négation excluant l’inversion simple : Depuis quand votre ami ne dort-il plus ?/ *Depuis quand ne dort votre ami plus ? Comparer à : Depuis quand votre ami dort-il? OKDepuis quand dort votre ami?

Négation & mot qu- sujet (→négation excluant l’absence d’inversion): Combien de… ne pas (Combien d’entre vous ne l’ont-ils pas fait ?), Quel… ne pas (Quels étudiants n’ont-ils pas compris l’explication ?).

Pourquoi : *Pourquoi rient les enfants ?/ OKPourquoi les enfants rient-ils ? Pour éviter l’équivoque :

éviter la séquence <Verbe + SNi+ SNj> : *Où a trouvé Pierre ce livre ? OKOù Pierre a-t-il trouvé ce livre ? *À qui a donné Pierre ce livre ? OKÀ qui Pierre a-t-il donné ce livre ?

 éviter les phrases à deux arguments nominaux directs (=sans préposition) [+humain]: ???Quel ami [sujet ? COD ?] soupçonne votre fils [sujet ? COD ?]?/ OKQuel ami votre fils soupçonne-t-il ?

Ce n’est pas évident que l’interdiction des séquences <V + sujet+attribut (du sujet, de l’objet)>  tombe sous le même principe (éviter l’équivoque au niveau notamment de l’interprétation des fonctions grammaticales). En effet, si, dans le cas de l’attribut de l’objet on peut alléguer (à la limite), comme facteurs de risque sémantique (interprétatif), l’adjacence du sujet nominal inversé et de l’objet non clitique82, ou, si l’objet est, lui, un pronom clitique, l’adjacence du sujet et de l’attribut accordé avec l’objet :

- *Quand laissera celui-là [sujet inversé] les enfants [objet] tranquilles [attribut de l’objet]?/ OKQuand celui-là laissera-t-il les enfants tranquilles ?

- *Quand nous [objet clitique] laissera celui-là [sujet inversé] tranquilles [attribut de l’objet]?/ OKQuand celui-là nous laissera-t-il tranquilles ?

tel n’est manifestement plus le cas avec l’attribut du sujet :- *Comment serait votre frère [sujet] si ingrat [attribut du sujet]?/ OKComment

votre frère serait-il si ingrat ? ;

2.2.3.2. Interrogation (partielle) indirecte.

Pas d’inversion : Sujet pronom clitique (personnel, ce, on) : Je ne sais où il est/ pour quand c’est.

Inversion simple possible : Sujet SN (non clitique) : Je me demande ce que mon frère a dit/ ce qu’a dit mon frère.

Inversion simple préférée : Verbe plus court que le SN sujet : J’ignore où est cet employé (comparer : J’ignore où se trouve cet

employé/ J’ignore où cet employé se trouve actuellement).

Inversion simple obligée : Mot qu- atribut, sujet SN (non clitique) : Je ne sais quel est votre avantage. Je me demande qui

est cet individu.83

Inversion simple bloquée : En cas d’équivoque (deux arguments nominaux directs (sans préposition) +humain): J’ignore qui

[sujet ? COD ?] a rencontré Jean [sujet ? COD ?]/ OKJ’ignore qui [objet] Jean [sujet] a rencontré.

2.2.3.3. Interrogation à l’infinitif.

Questions partielles portant sur un argument non sujet ou sur un circonstant :Que faire ?84 Où aller ? Comment retirer le poignard ?

Interprétation : sujet non exprimé = locuteur/ indéfini générique équivalent à on.

81 Avec, en sus de la lecture littérale compositionnelle (réponse attendue (par exemple): prof d’anglais), une lecture idiomatique (disant à peu près la même chose que : Comment va-t-elle ?). Traduction en roumain : Ce mai face ?.82 Même cas de figure donc que <Verbe + SNi+ SNj>.83 Mais : Je me demande qui vous êtes (sujet clitique→ pas d’inversion).84 Cette question porte sur le procès même. Réponses : toujours des phrases infinitives (fuir, lutter, …).

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2.2.3.4. Tours familiers : préserver l’ordre des mots de la phrase déclarative, éviter l’inversion. Terme interrogatif en position de base : Tu vas où ? Vous attendez qui ? Tu pars quand ? Tu regardes

quoi ?85

Terme interrogatif en tête de phrase, renforcé par c’est qui/ que (éviter l’inversion de est-ce (que/ qui)) : Quand c’est que tu pars ? Qui c’est que tu attends ? Qui c’est qui a cassé le vase ?

!!!*Que c’est que …

Terme interrogatif (qu-) + que (abréviation de Qu- +est-ce que) : Où [est-ce] que tu vas ? Quand [est-ce] que tu reviens ? Qui [est-ce] que tu attends ?

Terme interrogatif extrait par le présentatif c’est __ qui/que

C’est quand que tu pars ? C’est qui que tu attends ? C’est où que tu vas ???C’est quoi, que tu veux ? [comparer à : quoi que (tu veuilles), quoique(tu veuilles bien y aller)…]??C’est qui qui arrive ?

2.2.4. Pragmatique de l’interrogation→ pour détails, voir cours de linguistique voué à la pragmatique (Licence, semestre 6).

2.2.4.1. Valeur fondamentale (cf. sémantique de l’interrogation) : question-appel d’information. Interprétation directive (question comme demande de dire, sous-type

directif donc) : théorie des actes de langage (Searle & Vanderveken 1985). Interprétation non directive (question comme interprétation d'une pensée

qu'il serait désirable d'entretenir d'une certaine manière : en tant que connaissance) : théorie de la pertinence (Sperber & Wilson 1989).

Tout énoncé implique aux moins deux relations : une relation entre la forme propositionnelle de l’énoncé et une pensée du locuteur (son «intention informative ostensive»), et l'une des quatre relations possibles entre une pensée et ce que cette pensée représente.

Une pensée, comme toute représentation mentale douée d'une forme propositionnelle, peut être utilisée descriptivement, ou interprétativement.

Quand elle est utilisée descriptivement, une pensée peut être la description d'un état de choses réel, ou celle d'un état de choses désirable.

Utilisée interprétativement, une pensée peut être l'interprétation d'une pensée attribuée (ou d'un énoncé attribué) à quelqu'un, ou bien l'interprétation d'une pensée qu'il serait désirable d'entretenir d'une certaine manière : en tant que connaissance, par exemple. D'où les cas de figure ci-contre :

METAPHORE : relation interprétative entre la forme propositionnelle de l'énoncé et la pensée qu'il représente ;

IRONIE : relation interprétative entre la pensée du locuteur et des pensées ou des énoncés attribués ;

ASSERTION : relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses du monde ;

DEMANDE,CONSEIL : relation descriptive entre la pensée du locuteur et un état de choses

désirable;

QUESTIONS,EXCLAMATION : relation interprétative entre la pensée du locuteur et des pensées

désirables – cf. Sperber et Wilson 1989: 347-348.

Noter que l’analyse générative-transformationnelle standard du Constituant interrogatif comme type obligatoire de phrase repose crucialement sur l’hypothèse de l’interprétation distincte des questions (pour le type interrogatif) et des ordres (pour le type impératif).

2.2.4.2. Valeur argumentative : orientation vers le négatif (Il fait beau maintenant [→sortir], mais fera-t-il beau ce soir [→ne pas sortir]?).

2.2.4.3. Valeurs dérivées : question-requête : Avez-vous l’heure ? [Quelle heure est-il s’il vous plaît ?, « Dites-moi l’heure

qu’il est,  s’il vous plaît »] ; T’aurais-pas cent balles ? [« Prêtez-moi 100 francs, s’il vous plaît »] ; Pouvez-vous me passer le sel ? [« Passez-moi le sel, s’il vous plaît »].

85 Interprétées comme vraies questions-appels d’information, ou comme des question-écho (demande de précision : on n’aura pas bien entendu/ compris).

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question rhétorique (implique le contraire de ce qu’exprime sa forme grammaticale) : Es-tu parti pour Londres ? (→« Tu n’es pas parti pour Londres ») ; N’es-tu pas là ? (→« Tu es là »).

2.2.5. Ce dont l’analyse syntaxique des phrases interrogatives françaises en termes génératifs-transformationnels devrait rendre compte :

QUESTION TOTALE QUESTION PARTIELLE(ia) *Est Jean parti ? (OKIs John gone ?)(ib) OKEst-il parti ? (ic) Jean est-il parti ?(id) *Est parti Jean ?

(iia) *Quand est Jean parti ?(iib) OKQuand est-il parti ?(iic) OKQuand Jean est-il parti ?(iid) OKQuand est parti Jean ?

Les versions plus récentes de la grammaire générative (programme minimaliste) permettent d’adresser de manière théoriquement consistante ces questions. Cela émarge toutefois les visées du présent cours.

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2.3. L’exclamation. La phrase exclamative.

Sémantique : fonction expressive (affectivité).Syntaxe de la phrase exclamative: type optionnel (non exclusif de l’assertion, ni de l’interrogation – dont elle partage les réalisateurs morphosyntaxiques sinon prosodiques).

2.3.1. Classement des phrases exclamatives (Martin 1987 : chap.7) & réalisateurs.

non graduelle Forme assertive, interrogative rhétorique (question oui/non à réponse orientée) ou interrogative indirecte en si + INTONATION (1)86

- p assertée avec force dans le monde de ce qui est mo (univers de croyance U)/ fausseté de p dans quelque monde contrefactuel (relevant d’une image d’univers U’: contradictoire avec l’univers actuel du locuteur)

Exclamation évidence dans l’univers de croyance du locuteur U

graduelle Forme interrogative (inversion du sujet clitique, si, quel…, combien…, combien de…), mécanismes de pseudo-subordination que/ qu’est-ce que/ ce que), de comparaison (comme), de consécution (si/ tellement + adj/ adv & ellipse de la subordonnée consécutive), d’indéfinition, diverses (autres) procédures d’effacement+INTONATION (2)

- p vérifié jusque dans les cas extrêmes (parcours des possibles : mondes potentiels m (relevant de l’univers de croyance U)) / fausseté de p dans au moins un monde contrefactuel (relevant d’une image d’univers U’)

(1) Mais elle est là ! (en réponse et s’opposant à une assertion de l’interlocuteur : Marie ne viendra pas.)

Comparer à l’assertion (enchaînement en discours homogène): {Nous ne l’attendions pas,/ Elle n’a pas été invitée,} mais elle est là.

Mais enfin, n’était-il pas présent quand la décision a été prise ! Comparer à la question inversive correspondante : N’était-il pas présent quand la décision a été prise ? (= il était présent quand la décision a été prise, n’est-ce pas ?) Qui ne l’accepterait ! Comparer à la question rhétorique correspondante : Qui ne l’accepterait ?(= n’importe qui l’accepterait, tout le monde l’accepterait)Comment est-ce possible ! Comparer à la question rhétorique correspondante : Comment est-ce possible ? (=ce n’est pas possible) →exclamation contradictoire : le réel contredit les attentes du locuteur.Si elle était là ! Noter la troncation, l’effacement de la proposition racine : l’interrogation est attribuée à quelqu’un d’autre, la mise en doute interrogative est présentée comme injustifiée, car se heurtant à l’évidence des faits. Comparer à la question indirecte oui/non correspondante : Vous vous demandiez si elle était là. Tours non tronqués : Vous pensez si elle était là ! Pensez si elle était là !Formes sémantiquement liées au contrefactuel :

Même Pierre est venu !Il est déjà là !S’il avait réussi !Dommage que tu ne sois pas avec nous !

Subjonctif de protestation : Moi, héron, que je fasse une si pauvre chère !Subjonctif exprimant le souhait/ imprécation : Qu’elle soit maudite/ Maudite soit-elle !Infinitif d’exclamation : Moi, renoncer à mon projet ! Voir Naples et mourir !

[exclamation non graduelle & emphase par extraction/ focalisation : C’est maintenant que tu le dis ! C’est René qui a été surpris ! (GM : 405).

Et [sujet] qui ne [Verbe] pas ! « ajout d’un argument négatif » : Et Tristan qui n’est pas là ! (GM : 406) [exclamation non graduelle & emphase par dislocation/ topicalisation-Topique] : La grammaire, je ne

m’en lasse jamais ! (GM : 406) [exclamation non graduelle renforcée par apostrophe et/ou interjections] : Quoi ! cette nuit ne finira

donc pas ! (Bernanos, apud GM : 407). Octave ! (…) tu as un pied de rouge sur les joues ! (Musset, GM : 406).

(2) [formes interrogatives : questions oui/non directes (inversion simple du sujet clitique), indirectes (si dubitatif)]Est-elle charmante !Si elle est charmante !

[formes interrogatives : questions qu- directes]Quelle fille charmante !

Quel juge a été désigné ![→mauvais]

86 Exemples de l’op.cit. (sauf stipulation).

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Qu1’est-ce qu2’elle est charmante ! [selon Martin 1987, pseudo-subordination ; tour glosé à: « Que [que1 suspensif, provoquant le parcours des possibles] cela est, à savoir que [que2 appositif] p (qu’elle est charmante »]. Glose difficile pour : Qu’est-ce qu’il a écrit comme bouquins ! [quantification d’objets vs intensité de propriété].

Comparer à l’interrogation directe correspondante (réponse visée) : Qu’est-ce qu’elle est ? (*charmante)/ Qu’est-ce qu’il a écrit ? (des bouquins). Sémantiquement, les questions correspondantes serait plutôt du type de : Comment est-elle ? Combien de bouquins a-t-il écrit ?Pour moi, ce tour exclamatif se ramène, dans les cas à lecture <intensité de propriété> (que2 conjonctif-appositif) vs quantification d’objets – que2 relatif) à une question (directe) dont le corrélat assertif est C’est que +p (qu’est-ce que p= « comment se fait-il que p soit le cas »).

Combien de films ont été censurés ! Que de trésors éclos en mon absence! (Colette, apud GM87 : 404).

[pseudo-subordination]Qu’elle est charmante !Ce qu’elle est charmante !

[comparaison – sans comparant spécifié : mot qu- à l’origine interrogatif, spécialisé dans l’exclamation88]Comme elle est charmante !Comme elle s’exprime bien !

[consécution – sans conséquence spécifiée]Elle est si charmante ! Comparer à l’assertion correspondante non tronquée : Elle est si charmante que vous allez l’épouser.

[indéfinition – à compléments/ qualificatifs possibles seulement suggérés]Elle a un (de ces) charme(s) ! Elle portait un chapeau (un de ces chapeaux) !C’est d’un pénible !

[tours elliptiques définis]Le charme ! Le chapeau !Ce charme ! Ce chapeau !

[exclamation graduelle renforcée par apostrophe et/ ou interjections] Octave ! [apostrophe] ô [interjection] fou que tu es ! (Musset, apud GM : 406)

2.3.2. Théorie des univers de croyance. Références commentées.MARTIN, R. (1987) – Langage et croyance. Les univers de croyance dans la théorie sémantique, Mardaga, Bruxelles

Mondes possibles : (1) totalité inconditionnée de faits non contradictoires (le monde actuel = un monde possible parmi une infinité d’autres : extension infinie du POSSIBLE, POSSIBLE intemporel)/ (2) l’ensemble des mondes alternatifs du monde m0 de ce qui est   ; ces mondes alternatifs ne diffèrent de m0 que par une proposition ou par un ensemble de propositions qui s’y trouvent non vérifiées (conception temporelle du POSSIBLE).

Mondes potentiels (m): ne contiennent aucune proposition contradictoire avec celles de m0 (mondes qui présentent comme vrai ou comme faux ce qui apparaît dans m0 comme possiblement vrai ou comme possiblement faux89).

Le « monde des attentes » : chaîne privilégiée ayant toutes les chances de se réaliser (parmi le champ infini des possibles ouverts en t0). L’un seulement des mondes possibles deviendra « le monde de ce qui est », quand l’avenir sera lui aussi devenu du passé.

Mondes contrefactuels (m90): contiennent au moins une proposition contradictoire avec celles de m0 (et donnent donc pour vraie une proposition admise dans m0 comme fausse91).

Univers de croyance : l’ensemble indéfini des propositions que le locuteur, au moment où il s’exprime, tient pour vraies ou qu’il veut accréditer comme telles. Indéfini : parce que toutes ces propositions ne sont pas explicitées (propositions latentes tenues pour respectivement vraies ou fausses).Varie selon les informations que le locuteur possède (connaissances acquises, faits mémorisés : la même phrase, énoncée par des locuteurs différents, aura des contenus plus ou moins précis).Est distinct de la notion d’univers de discours (=ensemble des circonstances dans lesquelles une proposition peut être dite vraie (circonstances décrites par des adverbiaux de phrase (sous l’Ancien Régime, p) ou fournies par le co(n)texte interprétatif)).

87 Grammaire méthodique…88 GM : 404.89

Il est possible que Pierre soit revenu évoque un monde où Pierre est revenu est une proposition vraie90

Noté, dans le texte comme m barré.91

Si Pierre avait réussi laisse entendre que Pierre n’a pas réussi, sa réussite étant évoquée dans un monde contrefactuel (¯m – je n’arrive pas à « dessiner » la barre sur la lettre !!!).

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Notion opérationnelle pour l’analyse de : des contextes opaques (Oedipe voulait épouser (vs épousa92) Jocaste/ *sa mère93) ; du discours direct et indirect, de l’usage de certains adverbes, de l’emploi des temps et des modes.Univers de croyance vs image d’univers  : au lieu de conférer lui-même à une proposition une valeur de vérité, le locuteur peut situer cette proposition dans quelque univers qu’il évoque. La représentation, dans le discours (du locuteur), d’un univers de croyance qui n’est pas le sien ici-et-maintenant, est appelée image d’univers.

Hétéro-univers (U’, U’’…) : l’ensemble de propositions que tient pour vraies celui dont le locuteur rapporte les dires, la pensée ou la croyance (« l’énonciateur ») ; ou bien l’univers du locuteur en un temps autre que t0 (le temps de l’énonciation). Génèrent des hétéro-univers : à une personne autre que je, les verbes d’attitude propositionnelle (croire, penser…) et les verbes de parole (dire que, demander si…) ; le conditionnel dit de l’information incertaine (de distanciation – n.n.) ; à la première personne du singulier (je), les verbes d’attitude propositionnelle (ou de parole) à un temps autre que le présent (de l’indicatif) : je pensais alors que p, je m’imaginais que p, je vous avais dit que p…

Anti-univers (U) : l’ensemble des propositions qui, quoique fausses en t0, auraient pu être vraies (=que l’on imagine être vraies), donc l’ensemble des propositions vraies dans des mondes accidentellement contrefactuels. Ex. : Si Pierre avait réussi (Pierre n’a pas réussi Uje, Pierre a réussi U). À distinguer des propositions fausses qui ne sauraient être vraies en t0 (car étant le fruit de la seule imagination du locuteur : Si Napoléon était au pouvoir… (prononcée en 2008)), et qui définissent des mondes esentiellement contrefactuels.

Ui (univers d’un locuteur donné à l’instant i)/ Ui+k (univers d’un locuteur donné à l’instant i+k)/ Uje (univers du locuteur), U’ (image d’univers) U’je, Uil (univers de croyance de il).

2.4. L’injonction. La phrase impérative94.

2.4.1. Valeur sémantique propre: acte directif (ordre/ défense, conseil, suggestion, souhait, requête, prière…).

1) a. Tais-toi   ! Viens   ! Va-t-en   ! Sortez   !(ordre)

b. Ne sors pas ! Ne jurez pas ! Ne volez pas !(défense)

c. Calculez le montant de l’arriéré !(consigne)2) Surtout ne vous absentez pas ! Réfléchissez-y !(conseil)3) Permettez-moi de vous aider, Madame !(offre)4) Asseyez-vous, Monsieur ! Prenez un peu de caviar !(invitation)5) Veuillez signer là, et là ! Daignez accepter ! Ne te fâche pas ! Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour !(requête, prière)6) Faites de beaux rêves ! Dormez bien ! Soyez les bienvenus !(souhait)7) Entrez   ! Faites donc ! Allez-y   ! (fig. et figé)(permission)8) Allons-y ! Partons   ! Allons-nous-en   ! Passons   !(exhortation, encouragement adressés à tout un groupe (dont le locuteur))

92 Avec le passé simple (sans verbe modal désidératif), le contexte est transparent : dire qu’Œdipe épousa Jocaste, c’est dire qu’il épousa sa mère (même si Œdipe ignorait l’identité référentielle /Jocaste = sa mère/).93 Ne sachant pas que la femme appelée Jocaste était également sa mère.94 Convention terminologique : nous utiliserons le terme d’injonction pour nous référer aux valeurs modales (perspective sémantique sur cette modalité d’énonciation), et le terme d’impératif, pour nous référer au mode du verbe ainsi nommé par tradition, et à la phrase modalisée (perspective (morpho-)syntaxique, donc).

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Effets de sens co(n)textuels :

9) Ronflez, ne vous gênez pas ! Allez donc le leur dire !(ironie)

10) Chassez (= “si vous chassez”) le naturel, il revient au galop.(supposition)

Emplois figés (i n t e r j e c t i f s)

11) a. Tiens (= iată, ia te uită ), il pleut ! Dis donc   ! (= nu mai spune !, ce zici ! Ei, nu zău !) Voyez-moi ça   ! (=ia te uită)

(étonnemenent, surprise) b. Allons (= hai !), ne dites pas ça ! Il te pardonnera, va   ! (= hai !)

Voyons, ce n’est pas sorcier ! (= hai că nu-i aşa de greu !)(appel d’adhésion)

En termes de fonctions de la communication verbale : fonction conative (Jakobson).

En termes interactionnels (sociolinguistique de l’interaction verbale), les divers sous-types directifs sont des actes qui menacent la face négative de l’interlocuteur (du destinataire), mis dans l’obligation d’agir.

Les notions de face négative vs face positive de Brown & Levinson 1978/ 198795 représentent l’élaboration des notions de « territoire du moi » (propriétés de l’individu – au sens le plus large96) et respectivement de « face » (projection de l’image de soi dans l’interaction) qui articulent la conception du «  travail de la face » (face work) que propose Erwin Goffman (cf. Goffman 197397) :

dans ce cadre théorique, chaque interactant est censé exposer à l’autre son image, non seulement par narcissisme (pour proposer une image de soi valorisante – face positive chez Brown & Levinson : image de marque98), mais également pour défendre son propre territoire (face négative chez Brown & Levinson : indépendance, liberté d’action, absence de contrainte99). Quel que soit le rituel d’interaction, chacun essaie de préserver sa face et celle de ses partenaires, recourant à cette fin à des stratégies appelées « figurations » : préventives (éviter les incidents), de protection (agir avec tact : ne rien faire qui puisse menacer la face d’autrui), de réparation (d’un incident qui n’a pu être évité : réparation d’une gaffe, d’une offense).

L’élaboration de cette conception par Brown & Levinson (1978/ 1987) conduit à la définition de quatre types d’actes qui menacent la face (AMF) :

actes qui menacent la face négative du locuteur : offre, promesse, … actes qui menacent la face positive du locuteur : aveu, autocritique, … actes qui menacent la face négative du destinataire : actes directifs, questions indiscrètes, … actes qui menacent la face positive du destinataire : critique, réfutation, …

Corrélativement, sont définis, dans cette théorie de la politesse comme vraie matrice sociale de la communication, des anti-AMF (qui atténuent/ occultent un AMF), et des actes qui flattent la face (AFF) : des actes valorisants.

Ne se voit pas assigner de valeur de vérité (à l’instar de l’interrogation).

On ne peut pas y réagir par oui/ non, ni par une prédication véridictoire (c’est vrai/ c’est faux, en effet), à la différence de l’interrogation totale, ni en disant tu as raison/ tu as tort/ tu mens, comme dans le cas d’une assertion. On peut au mieux marquer son accord ou son désaccord : je veux bien, d’accord/ je refuse, ou remettre en question le droit de l’interlocuteur à performer l’acte directif en cause (je n’ai que faire de vos conseils, (à quelqu’un vous ayant enjoint d’ouvrir la fenêtre : ) allez l’ouvrir vous-même).

95 Brown, P. and S.C. Levinson (1978/ 1987) – Politeness. Some Universals in Language Usage, vol. 4 of Studies in Interactional Sociolinguistics, Cambridge: Cambridge University Press.96 Le tour de parole et le temps de la parole (moment de l’énonciation t0) en relèvent. 97 Goffman, E. (1973) – La mise en scène de la vie quotidienne – Les relations en public, tome 2, Paris : Minuit.98 “The positive consistent self-image or ‘personality’ claimed by interactants (crucially including the desire that this self-image be appreciated and approved of) » – Brown & Levinson 1987 : 61.99 Cf. Brown & Levinson 1987 : 61.

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2.4.2. Syntaxe de la phrase impérative. Sous-types.

Injonction directe (énoncé directif direct : discours direct):

(1) Va chercher le médecin ! (impératif)

(2) La porte   ! Silence   ! on tourne. Défense d’entrer (phrases nominales)

Injonction indirecte (énoncé directif indirect : discours rapporté):

(3) Je te suggère d’aller chercher le médecin.

(4) Je veux que tu ailles chercher le médecin.

(5) Je veux que ton frère aille chez le pharmacien.

(6) Que ton frère aille chez le pharmacien.

Du fait de la conjonction que, les phrases du type de (6) sont analysées, en GGT (version standard), comme réalisations de surface d’une structure profonde du même type que (5), à phrase racine complète + proposition enchâssée, par effacement (ellipse) du verbe principal (et de son sujet). Cf. Dubois et Dubois-Charlier (1970) : chap. XIX. Voir infra 2.4.3.2.

Actes directifs indirects :

Assertions (visée futurale, idée d’obligation): Tu iras le chercher de ce pas (futur), Tu dois aller chercher le médecin (verbe modal devoir).

Questions-requêtes : Peux-tu aller chercher le médecin?

2.4.3. Syntaxe de la phrase impérative. Réalisateurs (marqueurs).

2.4.3.1. L’énoncé directif direct à l’impératif.

2.4.3.1.1. L’impératif dans la théorie des modes de Gustave Guillaume (Guillaume 1974100 : 123-129).Mode de parole vs mode de pensée : l’impératif appartient au système allocutif, représentant, « sans plus, une manière de s’adresser à la personne ». Par hypothèse « étranger à l’opération de pensée (…) qu’est la spatialisation du temps ».La distinction mode de parole/ mode de pensée s’inscrit dans la dichotomie plus générale discours (: actes d’expression)/ langue (: actes de représentation) – cf. op . cit., 61.

« Le mode impératif du français, mode de parole relevant du système allocutif, est, comme mode de pensée, soit indicatif, soit subjonctif » (p. 123).Principe explicatif du choix de la forme pertinente (impératif-indicatif/ impératif-subjonctif) : conservation des successivités de chronologie notionnelle.Le choix d’une forme modale antérieure, en chronogénèse, à l’indicatif – le subjonctif – sera le pendant de l’antécédence notionnelle du verbe, et vice-versa.

Impératif-indicatif : la plupart des verbes (« verbes d’effet » vs « verbes de puissance » : l’effet étant postérieur à la puissance, en chronologie de raison).

Impératif-subjonctif : verbes voués à l’auxiliarité (être, avoir : Soyez fort ! Ayez du courage ! ), qui sont antérieurs, en chronologie de raison, à tous les autres verbes ; verbes de puissance, par hypothèse antérieurs, en chronologie de raison, aux verbes d’effet (vouloir (infléchissement de l’impératif vers l’invitation discrète, la demande polie : Veuillez me renseigner…), savoir (dans Sachez que,…, le verbe savoir signifie « apprendre » : antécédent à « savoir » en chronologie de raison)).

Noter que l’auteur analyse les formes optatives des modaux pouvoir, devoir comme des sortes d’impératifs sui generis : *impératif de commandement →optatif de souhait, à inversion du sujet exprimé (Puissiez-vous réussir !/ *Puissiez réussir !), supposition extrême, à inversion du sujet exprimé (Il s’y refuserait, dût-il en mourir « quand bien même il en mourrait ») ; nous y voyons des subjonctifs tout court.

2.4.3.1.2. L’analyse générative-transformationnelle (standard) des phrases à l’impératif (Dubois et Dubois-Charlier 1970 : chap. XIX).

- verbe à l’impératif : régime personnel par hypothèse inclusif de l’interlocuteur (2e personne du singulier et du pluriel, 1re personne du pluriel). Seule forme de ce mode : l’impératif présent (éventuellement perfectif : Aie mangé avant mon arrivée !).

Corollaire : il n’y a ni impératifs modaux, ni impératifs aspectuels. Analyse GGT : réécriture du constituant Aux sans aucune place entre Tps (réécrit, dans le noyau, avant transformation impérative,

100 Valin, Roch (éditeur) (1974) – Leçons de linguistique de Gustave Guillaume, Tome 4. Structure sémiologique et structure

psychique de la langue française (11), série A, 1949-1950, Quebec et Paris: Presses de l’Université de Laval, Klincksieck. Désormais: Guillaume 1974.

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comme <Subj + Prés101+ Personne (Pe) + Nombre (No)>), et le Verbe (ou la Copule). Puisque tout constituant facultatif de Aux bloquerait la transformation impérative.

(7a) *Devez partir !/ Devez-lui 100 $, il vous en réclamera 1000 (verbe plein : « avoir une dette envers quelqu’un »). (8a) *Va aller ! (aller – auxiliaire de temps)/ (8b) Va le chercher ! (aller –verbe plein, de déplacement).

- pas de sujet en surface (analysé comme : effacement du sujet en structure de surface) → sujet implicite (présent en structure profonde) : interlocuteur humain/ humanisé (« tu », « vous » (=TU+TU…, TU+il(s) (elle(s)), TU + marque de politesse) « nous » (=je +TU/VOUS).

Conséquence : les verbes qui n’admettent pas comme sujets les personnes tu/ vous/ nous sont défectifs d’impératif aussi (verbes impersonnels : pleuvoir, neiger, venter, bruiner, ... ; verbes à sujet par hypothèse non humain : germer).

  - intonation impérative (rendue, à l’écrit, par un signe d’exclamation [ !]) : courbe descendante.

Σ→ Imp + PImp → Présimp + (Advimp) + Intonimp

P→ {tu/ nous/ vous}+ Subj + Prés + Pe + No + {V/ copule}+ X

Présimp + (Advimp) + Intonimp + {tu/ nous/ vous} + Subj + Prés + Pe + No + {V/ copule}+ X102

―→ Présimp +{tu/ nous/ vous} + Subj + Prés+ Pe + No + {V/ copule} (+Advimp) + X + Intonimp [Timp

103-1re étape : déplacer Intonimp à la frontière droite du noyau, et (le cas échéant) l’adverbe impératif (donc), après le verbe ou la copule]

―→ +{tu/ nous/ vous} + Subj + Prés Présimp + Pe + No + {V/ copule} (+Advimp) + X + Intonimp [Timp-2e étape : remplacer Prés du constituant Tps du noyau par Présimp du constituant Imp de la phrase modalisée Σ104]

―→ +{tu/ nous/ vous} + Subj + Présimp + Pe + No + {V/ copule} (+Advimp) + X + Intonimp [Timp-3e étape : effacer le sujet]

101 Le Présimp du constituant de phrase impératif se substituant, par la suite, à Prés – constituant du Temps.102 Une séquence quelconque.103 Transformation impérative.104 Philosophie de cette analyse : l’homophonie impératif/ indicatif (présent), respectivement impératif/ subjonctif, en français, serait purement accidentelle : l’impératif est entendu comme forme verbale à part entière, distincte et du subjonctif, et de l’indicatif présent (cf. Dubois & Dubois-Charlier 1970 : 199). Contra l’analyse guillaumienne (Guillaume 1974 : 123-129).

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2.4.3.1.3. L’IMPÉRATIF français – rappel.

2.4.3.1.3.1. FORMES:Groupe de verbes Présent de l’indicatif Impératif (présent)

V2 -IR Tu finis...Nous finissons...Vous finissez...

Finis!(Ne finis pas!)Finissons! (Ne finissons pas!)Finissez! (Ne finissez pas!)

-IR Tu sors.Nous sortons.Vous sortez.

Sors! (Ne sors pas!)Sortons! (Ne sortons pas!)Sortez! (Ne sortez pas!)

V3 -RE Tu fais...Nous faisons...Vous faites...

Fais...! (Ne fais pas...!)Faisons...! (Ne faisons pas...!)Faites...! (Ne faites pas...!)

-OIR Tu reçois...Nous recevons...Vous recevez...

Reçois...! (Ne reçois pas...!)Recevons...! (Ne recevons pas...!)Recevez...! (Ne recevez pas...!)

V1 -ER ! Tu achète s...

Nous achetons...Vous achetez...

Achète...! (N’achète pas...!)(N’en achète pas!)! Achètes-en!(! Lisez: [aetzã])

Achetons...! (N’achetons pas...!)Achetez...! (N’achetez pas...!)

! Tu va s...

Nous allons...Vous allez...

Va (...)! (Ne va pas (...)!)(N’y va pas (...)!)! Vas-y!(! Lisez: [vazi])

Allons (...)! (N’allons pas (...)!)Allez (...) (N’allez pas (...)!)

Verbes pronominaux Formes irrégulièresPrésent de l’indicatif Impératif Verbe (inf.) Impératif

Tu te rappellesNous nous rappelonsVous vous rappelez

(...)

Tu te réjouisNous nous réjouissonsVous vous réjouissez

(de...)

Rappelle-toi...!Rappelons-nous...!Rappelez-vous...!

Réjouis-toi (de...)!Réjouissons-nous (de...)!Réjouissez-vous (de...)!

ÊTRE:AVOIR:SAVOIRVOULOIR :

Sois! Soyons! Soyez!Aie! Ayons! Ayez!Sache! Sachons! Sachez!Veuille! Veuillons! Veuillez!

Verbes sans forme d’impératif du tout Verbes sans certaines formes d’impératif- POUVOIR (! sens);- FALLOIR105; PLEUVOIR, BRUINER, GRÊLER, VENTER,

NEIGER106, ... (verbes impersonnels)- CHOIR, DÉCHOIR, ÉCHOIR; GÉSIR; SAILLIR; SEOIR;

BRUIRE (verbes défectifs d’autres formes aussi);

- CLORE107: OK Nous closons/ ClosonsOK Vous closez/ Closez

- FRIRE: paradigme entièrement défectif de pluriel.

105En revanche, VALOIR en tant que verbe personnel, aux sens de “avoir une (de la) valeur” (cf. Tu vaux plus que ça) ou de “équivaloir à (avoir la même valeur que, avoir autant de valeur que)” (cf. Vous valez bien vos ennemis) a des formes d’impératif canoniques (Vaux! Valons! Valez!).106Verbes météorologiques.107De même ses dérivés DÉCLORE, ÉCLORE, mais pas ENCLORE: cf. OK Enclosons! OK Enclosez!.

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2.4.3.1.3.2. L’impératif et les pronoms (personnels, réfléchis) compléments

2.4.3.1.3.2.1. COD = pronom personnel, 3e personne

Tu (ne) nous la donnes (pas). (Tu (ne) nous l’envoies (pas).)Nous (ne) te le rappelons (pas).On (ne) se le répète (jamais) assez souvent.

Vous (ne) me les rendez (plus).Sujet (ne) COInd COD Verbe

(mode personnel impératif)20

(pas/plus/ jamais...)

... (...) mete

se108

nous vous

se

le (l’)la (l’)les

... (...)

... (...) le (l’)la (l’)les

luileur

... (...)

Sujet (ne) COD COInd Verbe(mode

personnel109

impératif)

(pas/plus/ jamais...)

Tu (ne) la leur donnes (pas).Tu (ne) la leur envoies (pas)Nous (ne) le lui rappelons (pas).Vous (ne) les lui rendez (plus).

Ne nous la donne pas! (Ne nous l’envoie pas!)Ne te le rappelons pas! Ne vous le rappelons pas! Ne me les rendez plus! Ne nous les rendez plus!

Ne COInd (atone)

COD (atone) Verbe (impératif) pas (plus/ jamais...)

... metenousvous

le (l’)la (l’)les

... ...

... le (l’)la (l’)les

lui

leur

... ...

Ne COD (atone) COInd (atone)

Verbe (impératif) pas (plus/ jamais...)

Ne la leur donne (envoie) pas!Ne le leur rappelons pas! Ne les lui rendez plus!

Verbe (impératif) COD (atone110)!trait d’union

COInd (tonique111)!trait d’union

... -le(-)-la(-)-les(-)

-moi!-toi!

-lui!-nous!-vous!leur!

Donne(Envoie)-la-nous!/ Donne(Envoie)-la-leur!Rappelons-le-toi!/ Rappelons-le-leur!Rendez-les-moi!/ Rendez-les-lui!

108 Réfléchis soulignés dans les tableaux désormais.109Temps simple!110 Position relative intermédiaire (plutôt que finale). Voir note suivante.111 Même en cas d’identité de forme aux clitiques, les pronoms personnels compléments d’objet postposés à l’impératif affirmatif (en position relative finale), restent toniques (portent l’accent).

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Page 35: Phrase Modalisee 2010 Cours 1 5

2.4.3.1.3.2.2. COD pronom personnel, 3e personne112 → COInd =à+ pronom personnel tonique

Sujet (ne) COD (atone) Verbe(mode

personnel20 impératif)

(pas/plus/jamais...)

COInd(à + pron.

pers. tonique)

... (...) mete

senousvous

se

... (...) à toià moià lui (à elle)à vousà nousà eux (à elles)

On (ne) me présente (pas) à toi. / On (ne) te présente (pas) à moi.Tu (ne) me (+nous) présentes (pas) à elles.Vous (ne) me (+nous) présentez (pas) à eux.Nous (ne) te (+vous) présentons (pas) à lui.

(!COD = pron. pers. 1re, 2e pers.)Tu (ne) te présentes (pas) à moi.Il (ne) se présente (pas) à nous.Nous (ne) nous présentons (pas) à vous.Vous (ne) vous présentez (pas) à nous.

(COD = pron. réfl.)

Ne COD (atone) Verbe (impératif)

pas (plus/ jamais...)

COInd (à + pron. pers. tonique)

... te

menous

nous

tevous

vous

menous

... ... à moi! (à nous!) à lui! (à elle!, à eux!, à

elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)

à toi (à vous!)à lui! (à elle!, à eux!, à

elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)

à moi! (à nous!) à lui! (à elle!, à eux!, à

elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)

Ne me présente pas à elles!/ Ne nous présente pas à eux!Ne te présentons pas à elle!/ Ne vous présentons pas à lui!Ne me présentez pas à eux!/ Ne nous présentez pas à lui!

(COD = pron. pers. 1re, 2e pers.)Ne te fie pas à moi!Ne nous fions pas à vous!Ne vous fiez pas à nous!

(COD = pron. réfl.)

112Donc: COD = pronom personnel, 1re et 2e personnes ou bien pronom réfléchi (3e personne y comprise).

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Verbe (impératif) COD (tonique)!!trait d’union

COInd(à + pron. pers. tonique)

... -toi

-moi-nous

-nous

-toi-vous

-vous

-moi-nous

à moi! (à nous!) à lui! (à elle!, à eux!, à

elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)

à toi (à vous!)à lui! (à elle!, à eux!, à

elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)

à moi! (à nous!) à lui! (à elle!, à eux!, à

elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)à lui! (à elle!, à eux!, à elles!)

Présente-moi à elles!/ Présente-nous à eux!Présentons-toi à elle!/ Présentons-vous à lui!Présentez-moi à eux!/ Présentez-nous à lui!

(COD = pron. pers. 1re, 2e pers.)Fie-toi à moi!Fions-nous à vous!Fiez-vous à nous!

(COD = pron. réfl.)

2.4.3.1.3.2.3. Complément d’objet partitif = pronom personnel EN

Sujet (ne) COInd (atone) COPartitif Verbe(mode

personnel20 impératif)

pas (plus/ jamais...)

... ... m’t’

s’

nousvousleur

s’

en

... ...

Tu (ne) m’en donnes (pas).Nous (ne) t’en offrons (pas).Vous (ne) nous en offrez (pas).Vous (ne) lui en envoyez (jamais).

(COInd = pron. pers.)Il (ne) s’en paie (pas) tous les mois113.Tu (ne) t’en paies (pas) tous les mois.Nous (ne) nous en payons (pas) tous les mois.Vous (ne) vous en payez (pas) tous les mois.

(COInd = pron. réfl.)Ne COInd (atone) COPartitif Verbe (impératif) pas (plus/ jamais...)... (-me ) m’

(-me ) t’luinousvousleur

en

... ...

Ne m’en donne pas!Ne t’en offrons pas!Ne nous en offrez pas!Ne lui en envoyez jamais!

(COInd = pron. pers.)Ne t’en paie pas si souvent!Ne nous en payons pas si souvent!Ne vous en payez pas si souvent!

(COInd = pron. réfl.)

113Cf. Du champagne aux framboises, il ne s’(¬ )en paie (“s’offre”) pas tous les mois.

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Verbe (impératif) COInd (pron. pers. tonique, à diphtongue -oi wa élidée, en

fr. stand.114)! trait d’union (à gauche)

!! apostrophe(à droite: en cas d’ élision)

COPartitif! trait d’union

(en l’absence d’une forme élidée (et d’une apostrophe

donc) à gauche)

... (-moi ) m’(-toi ) t’

en!

... -lui(-)-nous(-)-vous(-)-leur(-)

-en!

Donne-m’en!Offrons-t’en!Offrez-nous-en!Envoyez-lui-en!

(COInd = pron. pers.)Paie-t’en plus souvent!Payons-nous-en plus souvent!Payez-vous-en plus souvent!

(COInd = pron. réfl.)Remarques: L’ordre des mots est le même si EN est:

(i) objet prépositionnel du verbe:Tes mésaventures, tu (ne) m’en parles (pas). // Parle-m’en! (Ne m’en parle pas!)

(ii) complément partitif d’un numéral ou d’un (autre) quantifieur:Ces bouquins, tu (ne) m’en offres (pas) deux (mais trois). // Offre-m’en deux! (Ne m’en offre

pas deux (mais trois)!)Ces bouquins, vous lui en donnez quelques-uns.// Donnez-lui-en quelques-uns! Des sous, vous lui en donnez plus qu’à sa sœur. // Ne lui en donnez pas plus qu’à sa sœur!

(iii) complément prépositionnel d’un nom:Ce genre de voyages, tu (ne) t’en paies (pas) souvent le luxe. // Paie-t’en le luxe moins

souvent! (Ne t’en paie pas le luxe si souvent!)(iv) complément génitif du nom:

Tes histoires, tu ne m’en racontes jamais la fin. // Raconte m’en la fin! (Ne m’en raconte pas que le commencement!)

2.4.3.1.3.2.4. COD = pronom (personnel, réfléchi); complément de lieu = EN (d’où?), Y (où?)

Sujet (ne) COD (atone) CL Verbe(mode

personnel20 impératif)

pas (plus/ jamais...)

... ... m’t’

s’

nousvousleur

s’

en/ y

... ...

Tu (ne) m’en emmènes (pas)./ Tu (ne) m’y conduis (pas).Nous (ne) vous en ramenons (pas)./ Nous (ne) vous y envoyons (pas).Vous (ne) l’en faites (pas) sortir./ Vous (ne) l’y laissez (pas) choir.115

(COD = pron. pers.)Ce trou, tu (ne) t’en tires (pas) en rampant.Cette fontaine, vous (ne) vous y lavez (jamais).

(COD = pron. réfl.)

Verbe (impératif) COD (pron. pers. tonique, à diphtongue -oi wa et voyelles

e et a a élidées, en fr. stand.)

! trait d’union (à gauche)

CL!trait d’union

(seulement en l’absence d’une forme élidée (et d’une

apostrophe donc) à gauche)

114En français parlé populaire (très relâché!), on dit: Donne-moi-z’en!/ Donnons-toi-z’en!/ Donnez-lui-z’en! etc.115Périphrases factitives: les COD et CL sont respectivement sujet et CL de l’infinitif, montés auprès du verbe conjugué (auxiliaire d’aspect).

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!! apostrophe(à droite: en cas d’ élision)

... (-moi ) -m’(-toi ) -t’(-l e , -l a ) -l’116

en!/ y!

... -nous(-)-vous(-)-les(-)

-en!/ -y!

Emmène-m’en!/ ??Conduis-m’y!117/ OKConduis-nous-y !Ramenons-vous-en!/ Envoyons-vous-y!Faites-l’en sortir!/ Laissez-l’y choir!

(COD = pron. pers.)Tire-t’en en rampant.Lavez-vous-y!

(COD = pron. réfl.)

Ne COD (atone) CL Verbe (impératif) pas (plus/ jamais...)... (-me ) m’

(-me ) t’(-l e , -l a ) l’nousvousles

en/y

... ...

Ne m’en emmène pas!/ Ne m’y conduis pas!Ne vous en ramenons pas!/ Ne vous y envoyons pas!Ne l’en faites pas sortir!/ Ne l’y laissez pas choir!118

(COD = pron. pers.)Ne t’en tire pas en rampant!Ne vous y lavez jamais!

(COD = pron. réfl.)

Remarques: L’ordre des mots est le même si EN et Y sont:(i) objets prépositionnels de verbes pronominaux:

Tu (ne) t’en moques (pas).// Moque-t’en! (Ne t’en moque pas!)Tu (ne) t’y fies (pas).// Fie-t’y! (Ne t’y fie pas!)

(ii) incorporés au verbe (sans valeur précise):Tu (ne) t’en prends (pas) à moi.// Prends-t’en à toi-même! (Ne t’en prends plus jamais à moi!)119

Tu (ne) t’y prends (pas) mal.// Prends-t’y adroitement! (Ne t’y prends plus de la sorte!)120

Tu (ne) t’en vas (pas) d’ici avant 16 H.// Va-t’en d’ici avant 16 H! (Ne t’en va pas d’ici avant 16 H!)121

2.4.3.1.3.2.5. EN et Y ensemble (auprès d’un même verbe)

Évitez le cumul y en122: Dites plutôt:Vous y en mettrez.Vous y en expédierez.? [Sujet] y en [Verbe (impératif)].

Mettez-y-en!Expédiez-y-en! ?[Verbe (impératif)]-y-en!

Vous y mettrez du sel.Vous en mettrez dans la soupe.Vous y expédierez quelques dépliants.Vous en expédierez quelques-uns à l’autre succursale aussi.123

Mettez-y du sel!Mettez-en dans la soupe!Expédiez-y quelques dépliants!Expédiez-en quelques-uns à l’autre succursale aussi!

116Tout comme MOI et TOI, et à l’encontre de leurs variantes atones (cf. modes autres que l’impératif, cf. impératif négatif), LE et LA (toniques) ne subissent l’élision, à l’impératif (affirmatif), que devant EN et Y, et non pas devant un verbe commençant par une voyelle: Faites-m’en (+-l’en) sortir!// Faites-moi (+-la) entrer!; Laissez-m’y (+-l’y) aller!// Laissez-moi (+-le) aller au ciné! (Hanse 1991 : 499).117 Les séquences m’y, t’y seraient « inusitées » selon Riegel, Pellat et Rioul 2005 : 204. « Formes pourtant correctes », selon Hanse 1991, que nous suivons sur ce point : « (…) on hésite souvent à accepter (…) les deux formes m’y, t’y, qui sont pourtant correctes : Menez-m’y, Fie-t’y. Prends-t’y adroitement. Rends-t’y tout de suite. (…) Certains préfèrent, à tort : Menes-y-moi. Fies-y-toi. Généralement on tourne la phrase autrement : Veux-tu m’y mener ? Tu peux t’y fier. » (op. cit., p. 499).118Périphrases factitives: les COD et CL sont respectivement sujet et CL de l’infinitif, montés auprès du verbe conjugué (auxiliaire d’aspect).119S’EN PRENDRE À: “incriminer, s’attaquer à...”.120S’Y PRENDRE: “agir, procéder”.121En l’absence d’un complément de lieu indiquant le point de départ (de...), le pronom EN de S’EN ALLER (“partir”) garde sa valeur locale (référentielle), tout en restant indissociable du verbe pronominal: cf. Va-t’en! (“Pars d’ici!”).122Ce tour, encore admis par certains grammairiens, est largement sorti d’usage (excepté avec l’expression figée impersonnelle IL Y A: cf. il y en a).123 Futur exprimant un ordre, une consigne – voir ci-après 3.2.

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2.4.3.2. L’énoncé directif indirect au subjonctif. 

Le subjonctif à sujet exprimé, introduit par que (ordre : Qu’il sorte à l’instant !, souhait (à introducteur explicitant ce sous-type directif): Pourvu qu’il réussisse !) ou à clitique sujet inversé (souhait : Puisse-t-il réussir !) vient compléter en quelque sorte le paradigme défectif de l’impératif (cf. Riegel et al. 2005 : 408).

« Ces phrases avec que résultent de l’enchâssement d’une phrase complétive dans une phrase de base qui comporte un V ayant le trait [+subj] et le sens de « exiger, demander, ordonner, … ». Ce V est une proforme verbale qui a les traits de cet ensemble de verbes, c’est-à-dire essentiellement (…) les traits sémantiques définissant un ordre, en particulier le trait contextuel [+subj] qui entraîne la réécriture de Subj dans l’auxiliaire de la complétive enchâssée » (Dubois & Dubois-Charlier 1970 : 207).

Teffacement (effacer sujet-verbe-COInd, sous coréférence des arguments identiques phonologiquement dans la racine et dans la complétive (COInd racine = sujet enchâssé)) : J’exige de Pierrei que Pierrei

vienne ―→ Que Pierre vienne !

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