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5352 Arts&MétiersMAGN°426 / Avril 2021
Arts&MétiersMAGN°426 / Avril 2021
HISTOIRE & PATRIMOINE GRANDES FIGURES
Ă 25 ans, il est pris dans la tourmente de la Seconde Guerre et rejoint les Forces françaises libres. Câest avec la 2e DB quâil dĂ©barque en Normandie et libĂšre Paris. DĂ©mobilisĂ©, Magnat entamera une brillante carriĂšre dans lâindustrie pĂ©troliĂšre.
L ouis Magnat naßt à Lyon en 1915 et grandit dans le quartier de la Croix-Rousse. Son pÚre est employé à la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée. Sans doute
sur les conseils de ce dernier, qui lui prévoit une carriÚre dans les chemins de fer, Louis prépare les Arts et Métiers au lycée de La MartiniÚre. AprÚs son diplÎme en 1935, il est formé à Poitiers comme élÚve officier de
rĂ©serve. Sous-lieutenant, il effectue son service militaire au sein du 94e rĂ©giment dâinfanterie de montagne, Ă Nice. Il est libĂ©rĂ© de ses obliga-tions militaires en octobre 1937.
LâARGENTINE, PAYS DE LâAMOURSa conception de la vie est plus aventureuse que celle de son pĂšre : il commence sa vie profes-sionnelle dans la prospection pĂ©troliĂšre, chez Schlumberger, en Argentine. Câest dans ce pays
quâil rencontre Carmen, mais la guerre le ramĂšne sous les drapeaux le 6 mai 1940. Ă 25 ans, il quitte donc la Patagonie pour rallier le SĂ©nĂ©gal puis lâactuel Burkina Faso, oĂč il est affectĂ© Ă la 31e batterie du 6e rĂ©giment dâartil-lerie coloniale, sous les ordres de Jean-Claude Laurent-Champrosey. Ce jeune capitaine charismatique, dĂ©jĂ dĂ©corĂ© de la LĂ©gion dâhonneur, joue un rĂŽle dĂ©termi-nant dans le ralliement dâune partie de ses hommes, dont Louis Magnat, aux Forces fran-çaises libres : aprĂšs lâarmistice, ils rejoignent la colonie britannique de lâactuel Ghana, puis le Cameroun, territoire de la France libre, oĂč ils signent leur acte dâengagement. Le 5 dĂ©cembre 1941, ce ralliement vaut Ă Louis une condam-nation par contumace Ă la mort, Ă la dĂ©grada-tion et Ă la confiscation de ses biens, au motif de «dĂ©sertion Ă lâĂ©tranger en temps de guerre, avec complot, avec lâemport dâeffets et dâobjets militaires». Lâacte de condamnation restera affichĂ© Ă la mairie de Lyon jusquâau moment
oĂč Louis lâarrachera lui-mĂȘme, Ă la LibĂ©ration !Revenons en 1940 : le lieutenant Magnat est affectĂ© pendant deux annĂ©es Ă la batterie de Manoka, la plus grande Ăźle du Cameroun. En janvier 1943, au sein du 3e rĂ©giment dâartillerie coloniale commandĂ© par le lieutenant-colonel Jean CrĂ©pin (1), il prend le commandement de la 4e batterie de deux puis quatre canons anti-chars de 25 millimĂštres. Elle est dĂ©ployĂ©e au sud de lâactuelle Libye, dont le gĂ©nĂ©ral Leclerc vient de prendre le contrĂŽle. Louis est ensuite engagĂ© dans de durs combats pour la conquĂȘte de la Tunisie. Son comportement lui vaut une citation (lire lâencadrĂ© ci-dessous). Le capitaine Magnat est envoyĂ© au Maroc, oĂč Leclerc est en train de constituer la 2e division blindĂ©e. Le dĂ©tachement tactique de la 2e DB quitte le Maroc pour Oran, puis la Grande-Bretagne.
IL FONCE SUR PARIS AVEC LA 2E DBLouis dĂ©barque entre Utah Beach et Omaha Beach, cĂŽtĂ© Calvados, le 2 aoĂ»t 1944. AprĂšs la campagne de Normandie, câest la LibĂ©ration de Paris. Il reçoit une deuxiĂšme citation qui exalte son comportement et la prĂ©cision des tirs de ses piĂšces dâartillerie. Paris est libĂ©rĂ©, mais la guerre nâest pas terminĂ©e. Ce sont alors la cam-pagne des Vosges et la libĂ©ration de lâAlsace, notamment de Strasbourg le 23 novembre 1944. Louis reçoit une troisiĂšme citation.Du 28 fĂ©vrier au 12 avril 1945, son rĂ©giment stationne Ă Beaulieu, en Indre-et-Loire. Louis Magnat participe ensuite, sur le front de lâAt-lantique, Ă la rĂ©duction de la poche de Royan, du 15 au 18 avril 1945. Il termine la guerre en Allemagne avec la 2e DB pour ĂȘtre dĂ©mobilisĂ© en juillet 1945. Louis nâa que 30 ans.Va-t-il rester en France ? Non, lâappel de lâAr-gentine est trop fort : il Ă©pouse Carmen Ă Buenos Aires en mars 1946. De cette union naissent MichĂšle puis Jacqueline. Louis pour-suit sa carriĂšre dans la prospection pĂ©troliĂšre
au Venezuela et en Argentine pour les sociĂ©tĂ©s Schlumberger-Surenco, Someca, Panamerican Argentina Oil Company. Cette derniĂšre, deve-nue Dressler Atlas, le ramĂšne Ă Paris en 1966 mais le pĂ©riple se poursuit : IsraĂ«l, la Louisiane et, enfin, le Kentucky. Une fois Ă la retraite, Louis, 74 ans, et Carmen, 71 ans, sâinstallent Ă Buenos Aires. Mais la si-tuation se dĂ©grade en Argentine : ils dĂ©mĂ©-nagent vers San Francisco pour quelques annĂ©es avant de rejoindre Barcelone au tournant du millĂ©naire. Câest lĂ que Louis sâĂ©teint Ă 97 ans. Curieux de tout, avide dâaventures, courageux, dĂ©corĂ©, ingĂ©nieur brillant, Louis Magnat a su rester un homme accessible, comme le dĂ©crit sa fille Jacqueline : «Les hobbies de mon pĂšre ? La lecture, le bricolage, pour lequel il avait une patience infinie, et les voyages. CâĂ©tait le genre de personne qui, Ă une question sur nâimporte quel sujet, rĂ©pondait : âJe ne sais pas trĂšs bien mais, dâaprĂšs ce que jâai luâŠâ Il poursuivait en donnant tous les renseignements possibles et imaginables.» Un mois avant son dĂ©cĂšs, il lisait encore des magazines comme «la Recherche», «GĂ©o», «National Geographic» ou des livres. Bien sĂ»r, il utilisait internet. «CâĂ©tait un homme calme, poursuit Jacqueline, souriant, toujours de bonne humeur, timide, plein dâempathie pour autruiâŠÂ» Une trĂšs grande personne. Bernard Jacquet (Cl. 177)
(1) Ce compagnon de la LibĂ©ration sera le PDG de Nord-Aviation, vice-prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© nationale industrielle aĂ©rospatiale, prĂ©sident dâEuromissile.
NAISSANCE Le 8 avril 1915, Ă Lyon.
DĂCORATIONS âą Officier de la LĂ©gion
dâhonneur ;âą Croix de la LibĂ©ration
par décret du 13 juillet 1945 ;
âą Croix de guerre 1939-1945 avec trois citations (Ă©toile dâargent) ;
⹠Médaille coloniale avec les agrafes «Fezzan-Tripolitaine» et «Tunisie 1943» ;
âą Presidential Unit Citation (Ătats-Unis dâAmĂ©rique).
CARRIĂRE 1937-1940 Schlumberger, Argentine.1946-1965 Schlumberger-Surenco, Someca, Panamerican Argentina Oil Company, AmĂ©rique du Sud.1966-1989 Dressler Atlas Ă Paris, puis IsraĂ«l et Ătats-Unis.
DĂCĂS Le 29 aoĂ»t 2012, Ă Barcelone.
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Remerciements Ă lâEnsam Cluny, Ă lâordre de la LibĂ©ration, Ă Jacqueline Magnat, fille de Louis.
Carmen et Louis se sont mariĂ©s en 1946 Ă Buenos Aires. Le couple vivra aussi au Venezuela, en France, en IsraĂ«l, aux Ătats-Unis et en Espagne.
Câest en Argentine, dans la prospection pĂ©troliĂšre, que Magnat commence sa vie professionnelle chez Schlumberger. AprĂšs la guerre, il travaillera pour Schlumberger-Surenco, Someca, Panamerican Argentina Oil (Dressler Atlas).
Débarquée le 1er août 1944 vers Utah Beach (ci-dessus), la 2e division blindée de Leclerc, dont fait partie Louis Magnat, parcourt 210 kilomÚtres en une journée pour rallier la capitale. Arrivée aux portes de la ville dans la soirée, elle libÚre Paris au matin du 25 août 1944 (ci-contre ; au fond, le dÎme des Invalides).
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Les compagnons de la LibĂ©rationSix femmes, mille trente-deux hommes, cinq communes et dix-huit unitĂ©s combattantes ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s par De Gaulle parce quâils se sont signalĂ©s durant la libĂ©ration de la France et de son empire. Tous Ă©taient membres du prestigieux ordre de
la Libération. Trois Gadzarts y figurent : Pierre Beucler, entré aux Arts en 1915, mais rattaché à la Ch. 120 (1), Charles Clerc (Ch. 127) et Louis Magnat (Cl. 132).
(1) Lire aussi AMMag dâoctobre 2014, p. 54.
Ses citationsLorsquâun militaire accomplit une action dâĂ©clat, il est citĂ© Ă lâordre du jour. Selon le degrĂ© de bravoure et dâefficacitĂ©, cette citation peut ĂȘtre prononcĂ©e au niveau du rĂ©giment, de la brigade, de la division, du corps dâarmĂ©e, de lâarmĂ©e ou de la nation. Louis reçoit trois citations Ă lâordre de la division (2e DB), signĂ©es du gĂ©nĂ©ral Leclerc, qui mentionnent : «[âŠ] a fait preuve du plus parfait mĂ©pris du danger, [âŠ] exĂ©cutant des tirs Ă vue trĂšs efficaces sur un ennemi qui sâaccrochait dangereusement au terrain, [âŠ] commandant de batterie de premier ordre, calme, intelligent, plein dâinitiative et dâallant [âŠ].»
Louis Magnat (Cl. 132)
Compagnon de la Libération