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GENOMIQUE ET LIPIDES Génomique et métabolisme des lipides des plantes
Genomics and Lipids Genomics and plant lipid metabolism
Oléagineux, Corps Gras, Lipides. Volume 9, Numéro 2, 130-4, Mars - Juin 2002, Dossier : Génomique
et filière oléagineuse - Journées Chevreul de l' AFECG, Paris, 21-22 novembre 2001
Auteur(s) : Michel DELSENY, Lionel VERDOUCQ, Sylvie MAISONNEUVE, Thomas ROSCOE, Laboratoire
génome et développement des plantes, UMR 5096, CNRS-IRD-UP Université de Perpignan, 66860
Perpignan Cedex, France.
Author(s) : Michel DELSENY, Lionel VERDOUCQ, Sylvie MAISONNEUVE, Thomas ROSCOE
Résumé : Il existe dans les bases de données publiques une énorme quantité de séquences d'ADN
dérivées de plantes, et notamment la séquence complète du génome d'Arabidopsis thaliana, une
plante modèle pour les oléagineux, proche parente du colza. Ces données constituent une ressource
importante non seulement pour la compréhension de métabolisme lipidique et de sa régulation,
mais aussi pour la sélection et le développement de variétés nouvelles d'oléagineux produisant
davantage d'huiles ou des huiles de composition nouvelle. Cette abondance de séquences peut être
exploitée, en utilisant les recherches d'homologies, pour identifier les gènes, pour obtenir des
informations sur leur fonction, comme pour repérer des gènes candidats codant des fonctions
nouvelles. L'analyse de ces bases de données a révélé que la majeure partie des gènes codant des
enzymes impliquées dans le métabolisme lipidique appartient à des petites familles multigéniques,
reflétant la diversification des fonctions des isoformes. Une analyse du catalogue des ADNc
séquencés en aveugle reflète les niveaux d'expression des différents gènes et fournit un aperçu des
régulations des flux au travers des voies métaboliques conduisant à la biosynthèse des lipides de
réserve. La disponibilité de mutants et de lignées transgéniques d'Arabidopsis et le développement
de puces à ADN qui permettent l'analyse simultanée de plusieurs milliers de gènes conduiront à une
meilleure compréhension des facteurs qui régulent le métabolisme des huiles dans les graines. Une
telle connaissance facilitera la manipulation de la composition des huiles et des quantités produites
dans les graines.
Summary : An enormous quantity of DNA sequence data derived from plants can be found in public
databases, including the entire genomic sequence of Arabidopsis thaliana, a model for oilseeds,
closely related to Brassica napus. This data constitutes an important resource not only for the
understanding of lipid metabolism and its regulation but also for the selection and development of
new varieties of oilseeds with enhanced production of storage lipids possessing novel fatty acid
compositions. This abundance of sequence data may be exploited using homology searches to
identify genes and provide insight as to their probable function as well as reveal the presence of
candidate genes encoding proteins uncharacterised as yet. Data mining analyses have revealed that
most of the genes encoding enzymes of lipid biosynthesis are represented by gene families reflecting
a diversification of isoform functions. The analysis of catalogues of randomly sequenced cDNA seeds
reflects the levels of gene expression and provides additional insight as to the regulation of flux
Article disponible sur le site http://www.ocl-journal.org ou http://dx.doi.org/10.1051/ocl.2002.0130
through the metabolic pathway leading to lipid biosynthesis. The availability of mutant collections
and transgenic Arabidopsis lines and the development of microarrays allowing the global analysis of
expression of many thousands of genes to be carried out simultaneously will lead to a better
understanding of the factors regulating the metabolism of lipids in seeds. Such knowledge will
facilitate the manipulation of the fatty acid composition of lipids and the quantity of oils produced in
seeds.
Mots-clés : métabolisme lipidique, semences, séquençage systématique, génomique.
Keywords : lipid metabolism, seeds, systematic sequencinq, genomics.
ARTICLE
La génomique, aboutissement des travaux de biologie moléculaire, peut se comparer à un inventaire.
En chimie, les travaux de Mendeleiev ont permis d'effectuer un inventaire exhaustif des éléments
chimiques et de prédire leur existence et leur fonction, pour certains d'entre eux. La génomique
végétale, qui vise à effectuer, après séquençage total ou partiel du génome, l'inventaire fonctionnel
des génomes végétaux, a le même rôle à long terme :
* Elle permet, pour des espèces choisies comme modèle, d'identifier tous les éléments génétiques
nécessaires à leur bon fonctionnement. Cet inventaire fait pour un modèle, est valable
(contrairement à ce qu'inspire notre intuition) pour toutes les espèces apparentées. Ainsi,
l'inventaire effectué pour un génome simple, tel que celui du riz, est utilisable pour toutes les
céréales, du fait de la conservation de l'ordre des gènes sur les chromosomes (synténies entre
génomes), de même le génome d'Arabidopsis sert de modèle aux légumes, arbres feuillus,
oléagineux, etc.
* Elle permet d'assigner un rôle à chacun de ces éléments génétiques, rôle déduit de l'observation
des caractéristiques d'une plante chez laquelle la fonction du gène étudié a été abolie (analyse
fonctionnelle).
Dans le règne végétal, d'énormes différences de taille entre génomes amènent à privilégier
l'inventaire sur des modèles plutôt que sur les espèces cultivées d'importance pour notre économie.
Le génome du riz, par exemple, a un contenu d'information similaire environ 40 fois plus petit que
celui du blé. De ce fait, la recherche et l'identification de gènes importants chez le blé aura recours
aux données accumulées sur l'espèce modèle de référence, le riz, dont le génome sera
complètement séquencé (le séquençage du génome est la méthode la plus fiable d'inventaire d'un
génome).
Utilisations liées au développement des outils d'analyse des génomes des plantes
Ces utilisations sont multiples, leur principal avantage résidant dans la possibilité de conduire le
travail d'amélioration des plantes non plus de manière aveugle (génétique quantitative) mais de
manière assistée par l'emploi de marqueurs moléculaires. Pour être fiables, ces marqueurs
moléculaires, doivent idéalement s'identifier aux gènes ayant un rôle majeur dans les
caractéristiques de la plante et de ses produits récoltés. De plus, l'identification de ces gènes permet
à la fois d'en comprendre le rôle et de protéger industriellement leur utilisation par brevet.
Quels gènes représentent des cibles importantes des programmes génomiques ? Ces cibles sont
multiples et peuvent être classées en sous-groupes aux intérêts différents :
* Gènes permettant de réduire les intrants et la pollution de l'environnement par les fertilisants
Exemple : efficacité d'utilisation des engrais (nitrate en particulier) ; gènes de tolérance aux déficits
hydriques permettant de réduire les besoins d'irrigation ;
* Gènes de résistance aux maladies (champignons pathogènes, bactéries, nématodes et insectes)
L'introduction de ces gènes par croisements dans les espèces cultivées sera facilitée lorsque ces
gènes seront identifiés au niveau moléculaire dans les espèces sauvages où ils se trouvent. Leur
introduction dans les plantes cultivées permet de les protéger naturellement et de réduire le recours
aux phytosanitaires antifongiques, anti-acariens, insecticides, etc., utilisés souvent massivement en
production végétale ;
* Gènes d'architecture et de floraison
La culture et la récolte des produits végétaux peuvent être grandement facilités par un contrôle
approprié de l'architecture et du développement de la plante (nanisme, compétition pour la lumière,
précocité de mise à fleur en temps utile, résistance à la verse, inhibition de la formation de graines).
* Gènes de qualité
Nombreux sont les gènes qui interviennent dans la production de substances indésirables (exemple :
substances empêchant la digestibilité, réserves en phosphates dont la forme n'est pas assimilable
dans les aliments, substances toxiques telles que les alcaloïdes accumulés par certaines espèces,
etc.).
Un nombre croissant de gènes intervenant dans la qualité des produits végétaux sont en cours
d'identification (qualité boulangère, synthèse d'acide gras essentiels aux enfants et personnes âgées,
protection contre les mécanismes d'oxydation des réserves, qualité des amidons ou des fibres,
qualités gustatives des fruits et légumes).
Leur identification moléculaire permettrait d'assurer leur protection industrielle, d'identifier les
gènes performants dans ce domaine et de les rassembler dans le génome de plantes élites associé à
d'autres caractères agronomiques utiles.
Bénéfices liés à l'acquisition d'un tel savoir-faire
Les enjeux de l'exploration des génomes de plantes sont cruciaux. De notre investissement dans ce
domaine dépend l'autonomie à long terme de la filière semence - production végétale - industrie
agroalimentaire de notre pays. Déjà se profile un risque de monopole américain. L'arme
agroalimentaire a été maniée par l'Amérique avec efficacité pour assurer son hégémonie après la
Seconde Guerre mondiale. Nous assistons à une nouvelle phase de recherche d'hégémonie,
développée cette fois par des firmes telles que Monsanto ou Pioneer, qui peut compromettre notre
autonomie agroalimentaire à long terme.
Par ailleurs, sur le front du développement des nouvelles technologies considérées à juste titre
comme sources de création d'entreprises performantes et d'emplois, les technologies d'analyse des
génomes ont déjà montré aux États-Unis et, à un moindre degré, en France, leur potentiel créateur
d'emplois dans le domaine du génome humain. Investir dans le domaine des génomes végétaux, c'est
favoriser, à terme, le développement de sociétés de service en génomique, en relation avec le
secteur semencier.
Plus généralement, la nécessité en France d'un programme fédérateur en génomique végétale
résulte de l'analyse du contexte de concurrence forcenée entre les groupes des sciences de la vie et
de l'agrochimie ayant déjà conduit à une restructuration extrême de l'industrie mondiale des
semences, sources de toute filière alimentaire.
Guerre des semences et nécessité d'un programme français de génomique végétale
Un secteur investi
Lorsque les premières innovations biotechnologiques trouvent dans les années 1980 leurs
applications en amélioration des plantes (haploïdisation, fusions de protoplastes, transgenèse), le
secteur des semences apparaît morcelé et principalement aux mains d'entreprises de dimension
moyenne, voire familiales et artisanales.
Chacun comprend très vite les potentialités qu'ouvre pour l'amélioration des plantes le premier
transfert de gène végétal, réalisé en 1984. Source de toute production agricole, la semence est de
plus en plus perçue comme stratégique pour l'alimentation de la planète. Tout au long des années
1990, l'accent donné, notamment en Europe, aux notions de filières et de traçabilité n'a fait que
renforcer l'importance de ce secteur, pourtant très limité en taille (marché mondial estimé à 25
milliards de dollars), mais crédité d'un fort potentiel de développement.
À l'inverse, le secteur de l'agrochimie, sensiblement plus significatif en taille (marché mondial de 30
milliards de dollars) apparaît dès les années 1990 fortement concentré et aux mains de grands
groupes chimiques et pharmaceutiques. Les innovations biotechnologiques font alors craindre à ce
secteur une réduction des intrants chimiques et des transferts d'activité vers l'industrie semencière.
Plusieurs de ces groupes prennent donc au long des années 1980 et 1990 des options
d'investissements en recherche ou en acquisition de sociétés de biotechnologies en vue de maîtriser
l'innovation dans le secteur des semences.
Au-delà de la défense d'un business agrochimique, l'objectif est de capter une valeur sur la chaîne
alimentaire, organisée comme indiqué dans la figure 1.
La justification d'un tel bouleversement est donc à rechercher dans l'espoir de maîtriser des filières
au travers d'une innovation portant sur l'information biologique, à l'instar de l'industrie des logiciels
dans le métier de l'informatique.
En Europe, l'échec du développement des biotechnologies, à partir de 1998, pénalisera fortement les
retours financiers des entreprises ayant mené cette stratégie, mais compte tenu des investissements
réalisés (50 milliards de francs pour Dupont et autant pour Monsanto), la concentration du secteur
semencier mondial est devenue irréversible. La stratégie de ces groupes sera donc, dans le futur,
l'investissement dans des innovations à la fois toujours plus puissantes et mieux acceptées par les
différents marchés mondiaux. Les progrès de la connaissance sur les structures des génomes et
l'analyse de leurs fonctions offrent des perspectives exponentielles d'application, au service de ces
objectifs.
Une propriété intellectuelle en voie de clarification
Outil de mise à disposition de la connaissance et outil de protection des intérêts de découvreur, le
brevet est le système de protection intellectuelle naturel du secteur industriel. Outil spécifique du
sélectionneur, le certificat d'obtention végétale (COV) sert à protéger la variété, assemblage de
gènes dans un génotype identifié par son phénotype.
Depuis l'origine, les biotechnologies font appel aux brevets et l'on constate depuis quelques années
la préférence des professionnels américains pour le brevet variétal, tandis que les sélectionneurs
européens confirment leur fidélité au certificat d'obtention végétale, seule protection légale pour
une variété sur leur continent.
En génomique, si une tendance mondiale se dessine pour ne pas laisser breveter les séquences
génomiques seules, en revanche, un consensus existe pour la protection par brevet de l'invention
constituée par la séquence du gène, la démonstration de sa fonction et de son utilisation industrielle.
Il est donc clair aujourd'hui que les connaissances issues de la génomique trouveront des cadres
juridiques, parfois partiellement variables selon les continents, mais convergents dans leurs lignes
générales. Quels que soient nos souhaits ou nos protestations, ces lignes assureront, dans les filières
alimentaires de demain, une maîtrise certaine aux détenteurs des droits de protection intellectuelle
sur les grandes espèces végétales.
Une nécessaire réponse française
La France est l'un des premiers pays agricoles au monde, et le deuxième acteur semencier de la
planète. Le rapprochement des deux constats précédents (prise en main du secteur semencier
mondial par des groupes chimiques souvent d'origine américaine, et enjeu déterminant de la
détention de la propriété intellectuelle) pose, au cours des années 1990, un problème politique à
notre pays.
Dans le même temps, chacun des acteurs aujourd'hui réunis dans Génoplante est confronté à des
défis auxquels il ne peut, dès 1998, imaginer répondre seul :
* L'Inra et le CNRS sont conscients du risque de leadership américain en génomique végétale dans un
contexte de course de vitesse. En effet, une initiative majeure, le National Plant Genome Initiative,
doté en 1998 par le Congrès américain de 320 millions de dollars, vient conforter la puissance de feu
des groupes industriels outre-Atlantique. Seul le regroupement des compétences françaises et sans
doute européennes paraît à même d'offrir une alternative et ainsi de pérenniser les importants
acquis de la recherche publique française tant en biologie moléculaire végétale qu'en amélioration
des plantes.
* Le Cirad et l'IRD sont en outre confrontés aux difficultés des pays du Sud à bénéficier de
biotechnologies dont la propriété serait concentrée dans trop peu de mains. Ils souhaitent participer
à des programmes dont l'une des retombées serait de faciliter l'accès des pays du Sud aux
technologies dans des conditions privilégiées.
* Biogemma (groupes coopératifs semenciers Limagrain et Euralis associés aux filières agricoles
céréales, Unigrains, et oléagineuses, Sofiproteol) est créé en 1997 par des agriculteurs autour du
concept d'alternative biotechnologique au service des intérêts agricoles français. Une telle structure
est par nature en faveur d'un regroupement efficace des compétences nationales en génomique et
jouera un rôle moteur dans ce sens.
* Rhône-Poulenc Agrochimie (devenu aujourd'hui Aventis Crop Sciences, ACS), acteur français majeur
du secteur, est susceptible d'apporter une compétence biotechnologique et des ressources
financières au service du projet. Le fait qu'ACS, contrairement aux autres acteurs internationaux du
secteur cités précédemment, ne soit pas intégré dans les semences de grande culture rend possible
une collaboration volontariste entre les parties.
* Enfin Bioplante regroupe depuis 1999 deux semenciers céréales français majeurs (Serasem du
Groupe Coopératif Sygma et les Établissements Desprez) pour parachever un tour de table très
complet des professionnels concernés par les applications des programmes de génomique végétale
au secteur de l'agriculture.
Courant 1998, la convergence des analyses de ces acteurs français, souvent d'envergure
internationale voire mondiale, est possible car les défis apparaissent clairement à tout observateur
souhaitant anticiper la structure de nos secteurs à un horizon de dix ans. De plus, la palette de
compétences des différents partenaires tant publics que privés s'avère complète, de l'amont de la
biologie moléculaire à la sélection au champ de toutes les espèces de grande culture européennes.
Cette palette rend concevable un effort en génomique de niveau mondial.
En revanche, l'idée d'un programme fédérateur se heurte, en 1999, aux habitudes antérieures, aux
éventuels a priori des uns sur les autres et à la complexité de tout montage associant autant de
compétences dispersées chez des acteurs concurrents. Ceux-ci ont dû apprendre synergies et
convergences pour se mettre au service d'un projet partagé, que chacun souhaitait compétitif par
rapport à d'autres dispositifs de recherche parfois intégrés dans un même groupe. Aussi, lorsque le
programme Génoplante est soumis au ministère de la Recherche, alors dirigé par le ministre Claude
Allègre, puis acté le 23 février 1999, si chacun comprend les enjeux, nombreux sont dubitatifs sur
notre capacité à organiser une « équipe de France » capable de jouer au plus haut niveau mondial.
Cette question trouvera sa réponse dans les résultats du programme.
Principes organisateurs du programme génoplante
Objectifs
Génoplante a pour objectif de développer une recherche en génomique végétale en partenariat
public-privé. Il a pour mission d'analyser les génomes de plantes cultivées et, en premier lieu, ceux
des plantes de grande culture afin d'identifier les bases moléculaires de caractères d'intérêt
agronomique. Une large part des efforts porte par ailleurs sur l'analyse fonctionnelle des génomes
d'Arabidopsis et du riz qui seront complètement séquencés dans le cadre de collaborations
internationales.
Sur la base de ces travaux, Génoplante identifie au niveau moléculaire les gènes importants en
production végétale (tolérance aux stress, résistance aux maladies, qualité des produits récoltés et
aptitude à la transformation agroalimentaire, etc.) et développe un portefeuille de brevets sur cette
base, afin de pouvoir utiliser les allèles performants de ces gènes dans les programmes
d'amélioration des plantes. Génoplante n'a pas pour finalité de développer des plantes
transgéniques.
Un important effort d'utilisation des outils bio-informatiques est mis en œuvre dans le cadre de ce
programme afin d'effectuer l'annotation des séquences génomiques des espèces modèles et de
constituer des bases de données conviviales pour les génomes de plantes cultivées. Enfin, des actions
sont menées pour étudier le protéome et le réseau métabolique des plantes en liaison avec les
travaux de génomique. Ce programme a une base nationale, mais une fois opérationnel, il aura
vocation à s'ouvrir à des collaborations, en particulier en ce qui concerne les programmes
génériques.
Structure juridique de Génoplante
Dans un premier temps, la formule du groupement d'intérêt scientifique (GIS) a été mise en place
pour gérer Génoplante. La convention constitutive du GIS Génoplante a été approuvée par les
partenaires et les pouvoirs publics. Le public et le privé détiennent chacun 50 % des voix et les
programmes doivent bénéficier de plus de 50 % des voix pour être décidés. Génoplante doit
permettre de générer de la propriété industrielle et de la défendre, et une cellule de valorisation a
été constituée à cet effet. Cela implique que Génoplante ait, à terme, une personnalité morale (ce
qui n'est pas le cas pour un GIS) et une pérennité à long terme (un brevet a une validité de 20 ans).
En complément d'un GIS, une structure de type société par actions simplifiées (SAS), permettant de
gérer cette propriété industrielle, a été mise en place. Le développement de propriété industrielle
dans le cadre de Génoplante permettra aussi la création de start-up à qui sera confiée l'exploitation
d'ensembles de brevets/technologies générés par l'activité de recherche de Génoplante.
Fonctionnement et gestion de la propriété industrielle
Ceux-ci on été détaillés dans le projet de GIS. La règle générale de financement est de 1/3 ministère,
1/3 organismes publics de recherche, 1/3 privé. Ce financement est établi programme par
programme, pour gérer en particulier les droits de propriété qui en résulteront. Les bénéfices qui
résulteront de l'activité de Génoplante seront réinvestis dans les programmes de recherche menés
par Génoplante et dans la défense des brevets gérés par Génoplante.
Génoplante est dirigé par un comité stratégique où siègent tous les fondateurs. Un directoire
opérationnel est chargé de gérer Génoplante et de mettre en place les programmes préparés par dix
comités thématiques appropriés, constitués à parité d'experts du public et du privé (figure 2).
L'évaluation des projets soumis dans le cadre des programmes génériques est faite par des experts
internationaux dont les avis sont transmis au comité thématique correspondant. En revanche, les
programmes financés majoritairement par l'industrie sont expertisés en interne, par le comité
thématique correspondant, pour des raisons de confidentialité. Enfin, un comité scientifique
international indépendant et consultatif évalue l'activité de Génoplante.
Programmes génériques
On regroupe dans ce chapitre les programmes menés sur les génomes modèles, le développement
d'outils de génomique et les programmes bio-informatiques de Génoplante. Ces programmes sont
financés à 85 % par l'État et à 15 % par les partenaires privés. Cinq comités thématiques ont été
constitués.
Analyse fonctionnelle du génome d'Arabidopsis
Ce programme « post-génomique » vise à identifier la fonction exacte des gènes répertoriés par
approche génomique (tri de mutants affectés dans des fonctions importantes, telles que remplissage
de la graine, tolérance aux stress abiotiques, résistance aux pathogènes, etc., identification de gènes
corégulés et impliqués dans une même fonction par étude d'expression et identification de mutants
dans ces gènes).
Les fonctions étudiées sont celles jugées les plus pertinentes d'un point de vue agro-industriel. C'est
à ce niveau que peuvent être identifiées le plus rapidement des cibles de protection industrielle
recherchées par Génoplante. Les laboratoires concernés sont essentiellement universitaires - CNRS
et Inra.
Génomique du riz
Le riz sert de génome modèle pour les céréales. Le programme riz a donc vocation à servir de
ressource pour les programmes menés sur le blé et le maïs. L'essentiel des recherches est développé
à Montpellier au Cirad et à l'IRD.
Ce programme est axé sur l'analyse fonctionnelle de ce génome. Il comprend deux volets :
- préparation d'outils nécessaires à l'analyse fonctionnelle du génome du riz (création de mutants
d'insertion) ;
- préparation du séquençage du chromosome 12 et séquençage d'une mégabase en 2000.
Nouveaux outils d'analyse du génome
Ce programme a pour objectif de développer de nouveaux outils de génomique végétale :
- concevoir des outils d'analyse du transcriptome ;
- produire une collection des lignées ADN-T en environnement contrôlé et identifier des séquences
bordures des insertions de cette collection ;
- concevoir ou valider une méthode d'analyse inédite/originale du génome de plantes
(exemple : nouvelle méthode de cartographie, de recherche de mutants de délétion) ;
- analyser le protéome.
Ces approches sont développées à l'Unité de recherche en génomique végétale (URGV, Évry) et dans
des laboratoires partenaires (CEA, Évry et Grenoble, CNRS, Cirad, Inra, Rhobio).
Bio-informatique
La bio-informatique de base sur les génomes est soutenue dans un programme séparé pour ses
aspects les plus en amont. Les séquences génomiques d'Arabidopsis et du riz doivent être annotées
(position des gènes et rôle possible de ceux-ci). Cela nécessite d'adapter les outils existants aux
caractéristiques spécifiques des génomes de plantes et, en particulier, de gérer une base de données
bibliographiques sur les travaux effectués sur des plantes. Ce programme est développé en réseau
(adaptation d'outils aux génomes de plantes tels que l'identification automatique d'introns, de
séquences de provenance plastidiale dans le génome nucléaire, de motifs/signaux de régulation, de
données bibliographiques, etc.), essentiellement sur les grandes familles multigéniques que
comporte le génome d'Arabidopsis. Deux serveurs dédiés à la gestion des données générées par les
programmes sont installés à Évry : base privée Rhobio à laquelle se connecte le privé, base publique
Génoplante, information localisée à Infobiogen. Divers programmes concernant spécifiquement la
gestion des données transcriptome et protéome, les études de proximité entre génomes, l'adressage
des protéines dans les plastes, sont développés par ailleurs.
Cibles importantes dans les génomes de plantes cultivées
Certaines espèces, qui ne justifient pas la création d'un programme de génomique à grande échelle,
comportent néanmoins des cibles intéressantes à atteindre du point de vue génomique. Divers
projets de clonage positionnel de gènes de résistance aux virus, aux pucerons, ou impliqués dans la
mycorrhization sont développés. Par ailleurs, les cartographies de la vigne et du sorgho sont aussi
conduites dans ce cadre.
Programmes espèces (blé - maïs - tournesol - pois)
Les laboratoires publics et privés participent à des recherches sur cinq espèces choisies par
Génoplante. Pour chacune d'elles, il existe :
- un programme générique : carte physique dense, banque de grands fragments (BAC - Bacterial
Artificial Chromosomes) permettant le clonage positionnel, production et cartographie d'EST
(Expressed Sequence Tag) ciblés sur une fonction particulière, données de synténie avec le génome
modèle de référence (riz pour les monocotylédones et Arabidopsis pour les dicotylédones), analyse
bio-informatique des données et analyse du transcriptome dans certains projets. Dans certains cas,
un outil de validation « machine à gènes » a été inclus ;
- des programmes ciblés sur des objectifs spécifiques comportant l'identification de Quantitative
Trait Locus (QTL), la recherche de gènes candidats pour ces QTL et leur validation. Trois sous-
programmes existent pour chaque espèce :
. un sous-programme « Agronomie » (exemple de la tolérance au stress hydrique chez le maïs) ;
. un sous-programme « Résistance aux maladies » (exemple du clonage d'un gène de résistance à
l'Alternaria chez le tournesol) ;
. un sous-programme « Qualité des produits récoltés » (exemple des gènes de valeur boulangère sur
le chromosome 5D du blé).
Chaque programme est financé par les partenaires privés et publics selon leurs intérêts respectifs, ce
qui déterminera les droits de propriété intellectuelle de ces partenaires, le financeur principal
déposant et gérant le brevet. Le plus souvent, les financements sont assurés à 50 % par le public et à
50 % par le privé.
État d'avancement actuel des programmes Génoplante
Au niveau du financement
Les fonds nécessaires à la mise en place des programmes proviennent pour la partie publique du
Fonds national pour la science (FNS), du Fonds pour la recherche et la technologie (FRT) et du
ministère de l'Agriculture et de la Pêche (MAP) et, pour la partie privée, d'Aventis, Biogemma,
Bioplante. La notification pour la partie générique au niveau FRT est intervenue le 25 mai 2000, ce
qui explique le léger retard pris par ces projets. Le budget acté sur deux ans est de 661 MF. Les
contributions sur les deux premières années, hors infrastructures et équipements des laboratoires
privés, proviennent à 40 % des organismes publics, 22 % des subventions ministérielles et 38 % du
privé.
Au niveau scientifique
Avancement des projets
Les programmes scientifiques de Génoplante ont été élaborés, à partir de l'automne 1998, par le
biais de comités thématiques paritaires, constitués d'experts du secteur public et privé, qui ont défini
les cibles et évalué les projets soumis. Deux grandes catégories de programmes ont été bâties.
Un ensemble de programmes focalisés sur des espèces d'importance agronomique a été mis en
place, entre début 1999 et début 2000, par sollicitations des laboratoires sur :
- génomique du maïs 13 projets
- génomique du blé 11 projets
- génomique du colza 11 projets
- génomique du pois 5 projets
- génomique du tournesol 5 projets
Un ensemble de programmes génériques a été également retenu. Ces projets proviennent d'un
appel d'offres, lancé le 1er avril 1999, avec clôture le 15 mai 1999, et évaluation par un panel
d'experts internationaux. Sur 88 projets soumis, 41 ont été retenus, certains après modification, qui
se répartissent selon les axes suivants :
- analyse fonctionnelle du génome d'Arabidopsis 18 projets
- génomique du riz 1 projet
- bio-informatique 8 projets
- cibles importantes 5 projets
- nouveaux outils 9 projets
Ces projets impliquent trente laboratoires de l'Inra, dix-huit du CNRS, deux du Cirad et un de l'IRD,
ainsi que des laboratoires de Biogemma, de Rhobio Évry et de Bioplante. Par ailleurs, quatre
laboratoires du CEA et une équipe de l'Institut Pasteur sont également impliqués. Globalement, plus
de 300 chercheurs sont impliqués dans ces projets.
Après acceptation par le comité stratégique de Génoplante, les programmes ont démarré :
- blé, maïs mi-1999
- colza janvier 2000
- génériques entre janvier et juin 2000
- pois février 2000
- tournesol mai 2000
Un séminaire réunissant 280 scientifiques impliqués dans Génoplante a été organisé à Montpellier
les 25, 26 et 27 septembre 2000, afin de partager entre chercheurs l'état d'avancement des
différents projets.
Par ailleurs, le premier Conseil scientifique de Génoplante s'est réuni les 4, 5 et 6 octobre 2000 pour
faire une première évaluation. Celle-ci s'est révélée très positive, le programme Génoplante étant
considéré comme une initiative heureuse et cohérente scientifiquement.
Premiers résultats
Les programmes Espèces ayant démarré dès 1999, les premiers résultats obtenus concernent la
production d'EST de maïs, de blé et de colza, la cartographie de QTL pour ces trois espèces, la
construction de banques BAC de colza et de radis). Dans le programme Générique, le programme FST
commence à être opérationnel et les premières données peuvent être consultées par les chercheurs
effectuant des travaux d'analyse fonctionnelle du génome d'Arabidopsis. Six demandes de brevet
sont à l'étude et pourraient faire l'objet de dépôt, à l'automne 2000. Par ailleurs, cinq demandes de
publications sur des travaux liés à Génoplante ont été examinées et acceptées.
Pour réaliser les programmes, de nombreux recrutements sont effectués ou en cours de mise en
place (120 au total, à terme). Ces recrutements ont été répartis entre les partenaires publics et
privés. Un certain nombre d'entre eux correspondent à des profils dont l'Inra a besoin à long terme
(exemple des bio-informaticiens). D'autres ont été effectués en CDI par les partenaires privés qui
souhaitent garder les personnes ainsi recrutées pour leurs activités propres à long terme. Enfin, la
formule des CDD classiques, financés sur contrats, a été retenue pour les autres projets.
Implantation d'infrastructures
La réalisation des programmes a nécessité la mise en place d'infrastructures de recherche. Au niveau
privé, un laboratoire Rhobio-génomique a été implanté à Évry. Les travaux d'implantation de ce
laboratoire ont été réalisés de juillet 1998 à février 1999 et l'ensemble des équipements nécessaires
(Q bot, équipement de microarrays Amersham) étaient installés en juin 1999. Ce laboratoire joue un
rôle central dans les programmes EST de Génoplante et devrait être opérationnel en microarrays
durant l'été 2000. Du côté public, trois implantations sont réalisées. Un site de génomique du riz est
développé au Cirad. Il bénéficie pour ses équipements du soutien de Génoplante et de la Génopole
de Montpellier. À Évry, l'Inra a implanté l'unité de recherche en génomique végétale qui a vocation à
devenir une unité mixte Inra-CNRS. Cette unité est dirigée par Michel Caboche et est rattachée au
département de génétique et d'amélioration des plantes. Les travaux d'implantation ont été
effectués par l'Inra, sur fonds propres, de février 1999 à août 1999, les chambres de culture étant
livrées en janvier 2000. Les équipements lourds nécessaires à l'URGV sont financés dans le cadre des
contrats Génoplante. De ce fait, les fonds nécessaires aux achats d'équipements pour les
programmes espèces sont disponibles depuis mars 2000 (achats de robots Biomek et d'un Q bot). Ces
équipements seront en place pour la fin de l'année 2000. L'Inra et le ministère de la Recherche ont
soutenu la création de l'URGV, en ouvrant des postes de scientifiques, ingénieurs et techniciens dont
les recrutements ont été répartis sur les années 1998, 1999 et 2000. Au total, quatre scientifiques,
sept ingénieurs et cinq techniciens et administratifs ont été recrutés, en plus de cinq recrutements
par mobilité. L'URGV, en plus des programmes Génoplante, aura pour mission de développer des
programmes propres de génomique végétale à moyen terme. Par ailleurs, l'Inra a programmé au
total, sur la période 2000-2003, le recrutement de seize personnes, ingénieurs et chargés de
recherche en génomique végétale.
Enfin, également à Évry, sur le nouveau site Infobiogen, une équipe assurant l'élaboration de la base
de données Genoplante-Info, constituée de quatre personnes dont deux ingénieurs Étude Inra et
dirigée par Emmanuel Barillot, est en cours de mise en place. À cette occasion, 2,2 MF d'équipements
informatiques financés par le FNS sont mis à la disposition du programme Génoplante. La base de
données Genoplante-Info a pour vocation, à terme, d'être le support bio-informatique des travaux de
génomique végétale à l'Inra et chez ses autres partenaires.
Administration de Génoplante
Une équipe dédiée au fonctionnement de Génoplante composée de personnes mises à disposition
par les membres de Génoplante, est constituée. Elle travaillera en étroite liaison avec le directoire
opérationnel. Elle doit comprendre, à terme, une dizaine de personnes, ont d'ores et déjà été
recrutés : un responsable d'administration et de gestion (Limagrain), un secrétaire général (Inra),une
assistante (Inra), un contrôleur de gestion (Biogemma), un webmaster (Biogemma). Il reste à recruter
deux personnes sur la propriété industrielle, un juriste et un coordinateur scientifique qui doit être
identifié.
CONCLUSION
Au total, une enveloppe a été définie sur cinq ans. Début 2001, un nouvel appel d'offres pour
préparer la seconde phase générique doit être lancé, avec sélection des dossiers pour mi-2001. Pour
les espèces cultivées, les comités thématiques prépareront la continuation, voire la réorientation des
projets, au vu des résultats du Conseil scientifique d'octobre 2000, dès la fin 2000.
Des collaborations internationales sont encouragées. Un séminaire Génoplante/GABI (Genome
Analysis in the Biological System of the Plant), organisé par les ministères allemand et français
chargés de la Recherche, a eu lieu les 30 et 31 mai 2000, à Bonn. À la suite de ce séminaire, plusieurs
types de collaboration sont envisagés :
- des collaborations entre programmes existants : neuf projets prioritaires ont été définis ;
- des rencontres scientifiques : plusieurs rencontres sont prévues, d'ici la fin 2000, sur les thèmes
protéomique, analyse fonctionnelle du génome d'Arabidopsis, développement d'outils de mining
dans les données bibliographiques, analyse bio-informatique des données EST ;
- la préparation de programmes futurs de collaboration (appel d'offres 2001).
Deux années après son lancement, le programme de génomique végétale français a pris son essor.
C'est par la comparaison des résultats obtenus, au terme des cinq premières années, avec ceux des
autres grands programmes nationaux de génomique végétale, à l'échelle mondiale, que le premier
véritable bilan de cette entreprise pourra être tiré (tableau).
* Ce texte s'appuie sur une présentation du programme Génoplante à l'Académie d'Agriculture, qui a
été publiée dans les Comptes rendus de l'Académie d'Agriculture Française (CR Acad Agri Fr 2000 ; 86
(8)).
Illustrations
Figure 1. Les acteurs successifs du secteur alimentaire.
Figure 2. Les organes de décision de Génoplante.