partie i – les différents contextes du marketing btobfigure 1.1 – les caractéristiques...

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PARTIE I – LES DIFFÉRENTS CONTEXTES DU MARKETING BTOB Chapitre 1 Les spécificités du marketing business to business Les objectifs du chapitre Comprendre la nature et l’étendue des activités business to business Identifier les caractéristiques essentielles des marchés business to business Replacer les outils classiques du marketing dans le contexte business to business, qu’il s’agisse de marchés industriels récurrents ou de marketing de projet Découvrir les outils propres au marketing business to business L expression business to business est un anglicisme désignant l’ensemble des entreprises fournissant des produits ou des services à d’autres entreprises, administrations ou collectivités locales. L’expression est souvent employée en abrégé : marketing BtoB. Pourquoi ne pas utiliser plus simplement une expression française ? Il y aurait au moins quatre solutions, mais aucune n’est vraiment satisfaisante. Le marketing d’entreprise à entreprise : traduction la plus logique, elle est restrictive en ceci qu’elle exclut les organisations qui ne sont pas des entreprises au sens classique du terme, telles que les administrations et les collectivités locales. En soi, le terme marke- ting interorganisationnel qui pourrait également être utilisé, ne l’est pas souvent dans les faits, considéré comme trop théorique ou insuffisamment explicite. Le marketing industriel : terme facile à comprendre, il présente l’inconvénient d’être restrictif, plus encore que le précédent. Les firmes du secteur des services, de la restau- ration à la banque, ne se retrouvent pas sous ce vocable qui convient en revanche parfaitement aux secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l’automobile, de la machine-outil ou de l’aéronautique. Le marketing professionnel : cette expression présente l’inconvénient de l’ambi- guïté du terme « professionnel » en français. Elle décrit d’une part, une transaction entre professionnels, où professionnel s’entend par opposition à grand public. Mais, d’autre part, elle peut signifier qu’il s’agit d’un marketing pour spécialistes, ce qui laisserait entendre, de façon péjorative, que le marketing en grande consommation serait un marketing pour « amateurs ». Le marketing d’affaires : cette expression souffre également de l’ambiguïté du terme « affaires » et de sa perception parfois encore péjorative. En outre, le marketing d’affaires existe bien : le terme est utilisé pour les firmes dont l’activité est cyclique, organisée autour de projets, de chantiers ou de missions successives commandées par le client (cf. chapitre 5). Il est également appelé marketing de projet 1 . Ainsi, dans le secteur du gros équipement électrique ou des travaux publics, le concept d’affaires se superpose à celui de client au sens classique du terme. ©2017 Pearson France - Marketing Business to Business - Philippe Malaval et Christophe Bénaroya

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Page 1: Partie i – Les différents contextes du marketing BtoBFigure 1.1 – Les caractéristiques principales des trois grands types de marketing BtoB. 1.2 es quatre types d’approches

Partie i – Les différents contextes du marketing BtoB

Chapitre 1 Les spécificités du marketing business to business

Les objectifs du chapitre

• Comprendre la nature et l’étendue des activités business to business

• Identifier les caractéristiques essentielles des marchés business to business

• Replacer les outils classiques du marketing dans le contexte business to business, qu’ils’agisse de marchés industriels récurrents ou de marketing de projet

• Découvrir les outils propres au marketing business to business

L’expression business to business est un anglicisme désignant l’ensemble des entreprises fournissant des produits ou des services à d’autres entreprises, administrations ou

collectivités locales. L’expression est souvent employée en abrégé : marketing BtoB. Pourquoi ne pas utiliser plus simplement une expression française ? Il y aurait au moins quatre solutions, mais aucune n’est vraiment satisfaisante.

• Le marketing d’entreprise à entreprise : traduction la plus logique, elle est restrictive enceci qu’elle exclut les organisations qui ne sont pas des entreprises au sens classique duterme, telles que les administrations et les collectivités locales. En soi, le terme marke-ting interorganisationnel qui pourrait également être utilisé, ne l’est pas souvent dansles faits, considéré comme trop théorique ou insuffisamment explicite.

• Le marketing industriel : terme facile à comprendre, il présente l’inconvénient d’êtrerestrictif, plus encore que le précédent. Les firmes du secteur des services, de la restau-ration à la banque, ne se retrouvent pas sous ce vocable qui convient en revancheparfaitement aux secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l’automobile, de lamachine-outil ou de l’aéronautique.

• Le marketing professionnel : cette expression présente l’inconvénient de l’ambi-guïté du terme « professionnel » en français. Elle décrit d’une part, une transactionentre professionnels, où professionnel s’entend par opposition à grand public. Mais,d’autre part, elle peut signifier qu’il s’agit d’un marketing pour spécialistes, ce quilaisserait entendre, de façon péjorative, que le marketing en grande consommationserait un marketing pour « amateurs ».

• Le marketing d’affaires : cette expression souffre également de l’ambiguïté du terme« affaires » et de sa perception parfois encore péjorative. En outre, le marketingd’affaires existe bien : le terme est utilisé pour les firmes dont l’activité est cyclique,organisée autour de projets, de chantiers ou de missions successives commandées parle client (cf. chapitre 5). Il est également appelé marketing de projet1. Ainsi, dans lesecteur du gros équipement électrique ou des travaux publics, le concept d’affaires sesuperpose à celui de client au sens classique du terme.

©2017 Pearson France - Marketing Business to Business - Philippe Malaval et Christophe Bénaroya

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8 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

Il faut donc conclure que le terme business to business n’a pas d’équivalent aussi englo-bant en français et, pour cette raison, se trouve ainsi souvent utilisé. Le marketing business to business englobe toutes les transactions de biens et services conçus et vendus à d’autres organisations et personnes morales (du travailleur indépendant à la multina-tionale en passant par les prestataires de services, les organismes publics, les associations ou les organisations non gouvernementales). Le poids économique du secteur business to business est dès lors considérable et dépasse celui, certes plus immédiatement visible, du secteur des biens de grande consommation2.

1. Les principaux domaines d’activités du business to business

Le terme générique de « biens industriels » présente l’intérêt de véhiculer simplement la notion globale de biens destinés à des professionnels. Les biens industriels, dans leur acception la plus large, comprennent l’ensemble des biens, produits ou services, fabri-qués et vendus par des entreprises à d’autres entreprises : industriels, organismes ou professionnels. Ainsi, les biens industriels s’adressent-ils aussi bien aux producteurs de matières premières, aux transformeurs, aux assembleurs, aux assembleurs incorpora-teurs (« Original Equipment Manufacturers » ou OEM), aux négociants, aux fabricants de produits semi-finis, aux distributeurs et aux prestataires de services. Notons dès à présent que l’une des différences majeures avec le secteur de la grande consommation réside dans la nature très diversifiée de ces clients qui achètent des biens à titre profes-sionnel, c’est-à-dire dans le cadre du fonctionnement de leur organisation.

Les biens industriels se caractérisent également par leur très grande hétérogénéité : blé, coton, ciment, microprocesseurs, moteurs, machines-outils, turbines, avions, conseil, services financiers… Pour cette raison, plusieurs méthodes de classification ont été notamment utilisées3. La première préconisée notamment par Kotler4 et Saporta5 présente l’avantage de situer les biens industriels en trois grandes catégories :

• les biens entrant dans le produit final (entering goods ou input goods) ;

• les biens d’équipement entrant directement dans le processus de fabrication (produc-tion goods ou equipment goods) ;

• les biens et services industriels n’entrant pas directement dans le processus (facilita-ting goods ou supply goods).

Loin de représenter un contexte homogène, le business to business recouvre en réalité des contextes très différents. Il est tout d’abord nécessaire de différencier les situations en fonction du type de client et des prestations délivrées, puis en fonction des différentes approches marketing, elles-mêmes définies par le destinataire final.

1.1 Les trois types de marketing BtoB6 • Le BtoB de grande diffusion s’adresse à une clientèle professionnelle mais en très

grand nombre à l’instar des TPE, professions libérales pour les fournitures de bureau et l’informatique par exemple. Un autre exemple est fourni par les électriciens, arti-sans indépendants, PME spécialisées et services internes des grandes structures qui constituent de fait un marché de masse pour les fournisseurs des équipements

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Page 3: Partie i – Les différents contextes du marketing BtoBFigure 1.1 – Les caractéristiques principales des trois grands types de marketing BtoB. 1.2 es quatre types d’approches

9Les principaux domaines d’activités du business to business

électriques basse tension. Le grand nombre de clients potentiels permet alors d’uti-liser de nombreux outils identiques à ceux du BtoC aussi bien pour les études de marché que pour les outils de communication et de vente.

• Le BtoB récurrent, anciennement appelé « marketing industriel », est caractérisé par une relation continue entre le fournisseur et le client. Les produits/services proposés ne sont alors plus standard mais customisés, voire totalement dédiés à un compte clé. L’équipement automobile illustre ce contexte. Si Valeo fournit l’équipement électrique de la Peugeot 308, les échanges d’informations, de produits ainsi que de transactions financières sont quasiment continus sur une période de plusieurs années. Généralement caractérisé par un faible nombre d’acteurs (clients intégrateurs), ce contexte a permis de révéler les particularités de l’achat d’organisation avec l’im-portance des enjeux et des risques encourus ainsi que la complexité des influences concourant à la décision finale.

• Le marketing de projet ou d’affaires est caractérisé par une relation non continue entre le fournisseur et le client et souvent par des procédures d’achat longues et complexes par appel d’offres. Du côté du fournisseur comme de l’acheteur un plus grand nombre de personnes sont impliquées dans la préparation de l’affaire, dans la sélection de la solution puis dans le suivi du projet et l’après-vente.

BtoBgrande diffusion

Nombre declients

Importanced’Internet

Délai de négociation

Nombre depersonnesconcernées

BtoBrécurrent

BtoBprojet

Figure 1.1 – Les caractéristiques principales des trois grands types de marketing BtoB.

1.2 Les quatre types d’approches marketing par destinataire final

Derrière l’appellation business to business, différentes approches peuvent être définies en fonction de leur cible finale :

L’étude du type de relation B2B, dans la constellation « B2 »7 (B2B, B2B2C, B2A2U, B2B2E, B2G…), revêt une importance stratégique majeure pour les entreprises four-nisseurs. En fonction de la nature de la relation, le même bien suivra des stratégies marketing différentes : ainsi, un pneu Michelin vendu à un constructeur automobile

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10 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

comme Peugeot en OEM (Original Equipment Manufacturer, c’est-à-dire un équipe-mentier) est un ingrédient de l’offre finale « véhicule » vendue aux clients professionnels (B2B) ou particuliers (B2C). Mais le même produit vendu comme article pour l’activité de réparation (B2B) ou le négoce (chez Feu Vert, par exemple) devient l’enjeu central de l’offre. Les différentes dimensions de l’offre (prix, distribution, services, communi-cation…) et l’organisation commerciale associée seront nécessairement distinctes en fonction de ces cas de figure.

• « BtoB classique » dont la cible reste l’organisation cliente sans qu’il soit possible d’identifier spécifiquement des bénéficiaires individuels, qu’ils soient internes ou externes à cette organisation. Par exemple, le carburant, l’électricité, les fourni-tures consommés pendant le processus de production, les services financiers ou informatiques ne servent pas un responsable ou un département en particulier mais l’organisation dans son ensemble.

• « BtoBtoE » (business to business to employee) qui se réfère à l’approche allant jusqu’aux employés de la structure cliente, privée ou publique. Il s’agit de biens et de services qui sont bien vendus à l’organisation mais qui au final sont utilisés ou consommés individuellement et professionnellement par des employés utilisateurs. Ce contexte s’illustre notamment par les EPI (équipements de protection individuelle : lunettes, gants, chaussures de protection, tenues de travail…), les véhicules de fonction et les services avec notamment la restauration d’entreprise ou les prestations de santé, de retraite et de formation.

• « BtoBtoC » (business to business to consumer) qui cible les clients consommateurs des produits finis fabriqués par l’organisation cliente. Les ingrédients, de la farine biolo-gique à la fibre d’élasthanne, mais aussi les emballages, les composants comme les micro-processeurs et les petits équipements de l’automobile ou du bâtiment relèvent de cette catégorie. Ces produits peuvent se prêter à un cobranding vertical réunis-sant la marque du fournisseur et la marque de l’intégrateur. Contrairement au cas présenté dans la catégorie suivante, l’acheteur final achète lui-même le bien qu’il sera le seul avec son entourage à utiliser, qu’il s’agisse d’un produit alimentaire, d’un vête-ment, d’un véhicule ou même d’un logement.

• « BtoBtoU » (business to business to user) qui cible non pas un consommateur mais un utilisateur (parfois appelé usager dans le cas des services publics). Contrairement à la situation « BtoBtoC », l’utilisateur est dans une certaine mesure « passif » puisqu’il ne peut intervenir directement dans le processus de choix du bien mis à sa disposition. Dans la plupart des pays, l’organisation directement cliente dans ce type de transac-tion « BtoBtoU » est en général une collectivité locale ou un gouvernement qui relève du Code des marchés publics et qu’il est convenu d’appeler Administration, d’où l’utilisation de l’acronyme BtoA (ou parfois BtoG pour « Government »). Puis, le bien ainsi acquis est utilisé par l’utilisateur final (U). Il peut s’agir d’équipements lourds de transport en commun (tramways, bus, métro, trains à grande vitesse, hélicop-tères et avions) mais également d’équipements correspondant aux services publics de santé (hôpitaux publics), d’éducation (écoles, lycées, universités), de loisirs, spor-tifs (stades, gymnases, piscines, palais des sports) et culturels (salles de spectacles, salles de congrès…). Dans ce contexte « BtoAtoU », l’utilisateur final n’achète pas un bien de façon individuelle mais il le loue de façon provisoire en payant un ticket d’accès, un droit d’usage ou un impôt.

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11Les caractéristiques du marketing business to business

2. Les caractéristiques du marketing business to business

Le business to business est caractérisé non seulement par le nombre des secteurs d’activités qu’il concerne mais également par la complexité de son environnement, radicalement différent de celui de la grande consommation. Les spécificités suivantes permettent d’en apprécier les dimensions. À noter que deux autres grandes notions propres au business to business – la demande dérivée et le centre d’achat – seront plus spécifiquement détaillées dans le chapitre 2.

2.1 Un nombre restreint de clients potentiels

La nature même des produits et des services vendus limite le nombre de clients potentiels directs, principalement en raison de la concentration des secteurs d’activités. Si l’entreprise s’adresse à un secteur très concentré, le petit nombre de concurrents en présence se traduit par une clientèle réduite et l’impératif absolu de soigner la relation client au sein du cercle restreint d’acteurs évoluant sur le marché (village). Le marché est concentré : les clients sont bien informés et organisés. L’automobile, l’aéronautique, mais aussi le secteur de l’énergie, en sont de bonnes illustrations. Par exemple, un fabricant de sièges automobiles a vu le nombre de constructeurs de véhicules au niveau européen se ramener à une dizaine, renforçant de fait ses relations avec ces donneurs d’ordre. De même, dans l’aéronautique, toutes tailles d’avions confondues, une entreprise peut rarement s’adresser à plus de dix clients différents.

La principale conséquence de ce faible nombre de clients potentiels est de rendre possible leur suivi exhaustif, qu’ils soient prospects ou clients :

• En matière d’études, l’échantillonnage est en effet superflu et il faut étudier l’en-semble de la cible.

• En matière de force de vente, le repérage exhaustif des entreprises permet de mesurer précisément le travail et les performances de la force de vente.

Cette spécificité n’est cependant pas tout à fait générale. Certains produits, par leur caractère banalisé, s’adressent à des milliers d’entreprises : le petit matériel de bureau en est l’exemple. Dans ce cas, les moyens d’études comme de communication s’inspireront beaucoup plus de ceux utilisés en Grande Consommation.

2.2 Des clientèles hétérogènes

La deuxième caractéristique du business to business est la très grande différence qui peut exister entre deux clients potentiels d’un même produit :

• La différence de taille : un écart de 1 à 1 000 se rencontre fréquemment dans le poten-tiel d’achat de fournitures telles que les produits pétroliers, le matériel électrique, mais aussi les photocopieurs, si l’on prend en compte les différents établissements d’un même groupe par exemple (grand compte).

• La différence de motivation : telle entreprise aura par exemple pour premier souci la garantie de dépannage très rapide, contrairement à son concurrent pour lequel le coût d’acquisition restera le premier critère de décision.

• La différence de mode de fonctionnement : en fonction même de la nature de leur activité et de leur secteur d’origine, mais également de leur structure (TPE, PME,

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12 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

grandes entreprises), les organisations publiques, les associations, les groupements et les entreprises industrielles ou commerciales procèdent de manière très différente dans leur mode d’acquisition d’un même bien (centralisé, localisé, appels d’offres…).

Par ailleurs, les négociations commerciales entre un fournisseur et un client qui se trouve lui-même être le fournisseur du premier pour une autre catégorie de produits ou services, ne sont pas rares. Il arrive même que le fournisseur vende certains produits de son offre à un concurrent avec lequel il collabore par ailleurs conjointement sur un programme d’innovation et dont il peut être également client8. Ce cas de figure se rencontre par exemple dans le domaine spatial entre des intégrateurs de satellites.

• La différence d’implantation géographique : elle s’observe entre des clients placés au cœur de grandes zones d’activités par opposition à des usines relativement isolées ou éloignées, y compris au plan international.

2.3 Une clientèle souvent internationale

La concentration des secteurs industriels et la spécialisation progressive des entreprises ont amené celles-ci à élargir leur « territoire de chasse ». Ainsi, même des entreprises de taille moyenne travaillent fréquemment avec des pays voisins. Si l’on prend l’exemple d’une entreprise spécialisée en fournitures de matériel de conditionnement de yaourt par thermoformage, l’étroitesse de son marché est telle que l’entreprise va rapidement chercher à s’adresser au marché international (cf. chapitre 17).

2.4 Un processus d’achat de groupe

Une entreprise industrielle comporte en général un service achats bien formalisé qui est une des composantes d’un ensemble moins formel, le Centre d’Achat (cf. chapitre 2). Ce dernier regroupe les différents interlocuteurs concernés de façon directe ou indirecte par la décision d’acquisition : les acheteurs eux-mêmes mais également les utilisateurs, les prescripteurs ou les décideurs. C’est cette juxtaposition d’acteurs qui explique et néces-site la sophistication des approches BtoB pour vendre et communiquer (cf. chapitre 2).

2.5 Le rôle actif du client

Le client lui-même participe à la qualité du produit ou du service vendu, des études jusqu’à la consommation du produit :

• Dès la phase des pré-études, le client intervient pour faire connaître ses vrais besoins au fournisseur. Par exemple, il peut fournir un cahier des charges permettant de mieux définir son besoin.

• L’efficacité commerciale du client industriel contribue elle-même à la satisfaction des produits et matériels achetés. Si, par exemple, un fabricant hésite entre deux machines de conditionnement concurrentes, il est possible qu’en fonction de ses prévisions, l’entre-prise choisisse la machine la plus performante. Mais si commercialement le produit est un échec, l’entreprise cliente ne pourra pas vérifier la fiabilité du matériel à haut rendement…

• Le client industriel joue donc un rôle actif dans la consommation du service apporté par son fournisseur industriel, depuis sa capacité à vendre le produit final dans la quan-tité prévue jusqu’à son aptitude à se servir correctement du matériel. Des machines de

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13Les caractéristiques du marketing business to business

plus en plus sophistiquées ont en réalité des performances très variables en fonction des compétences des utilisateurs. Ceci veut dire que la formation, l’assistance technique et les services à valeur ajoutée jouent un rôle déterminant dans l’efficacité du marketing.

2.6 Une forte implication réciproque entre clients et fournisseurs

L’ensemble des transactions business to business intervenant entre les fournisseurs et les clients suit un chaînage de ventes successives, depuis l’amont vers l’aval : les notions de demande dérivée et de filière, détaillées au chapitre 2, traduisent cette interdépen-dance des différents acteurs tout au long de la chaîne de production du secteur. Par voie de conséquence, les relations entre client et fournisseur bénéficient généralement en business to business d’une meilleure fidélisation que dans les secteurs de la Grande Consommation. Plusieurs études établissent à une dizaine d’années la durée moyenne de la relation client-fournisseur (souvent davantage encore pour les biens d’équipements et beaucoup moins pour les produits ayant moins d’incidence stratégique, technique ou financière tels que certains composants)9. La raison principale à cela réside dans la complexité technique des dossiers, qui implique une collaboration régulière : le temps passé avec les interlocuteurs du client permet de mieux les connaître, de mieux se faire apprécier, à condition qu’on recherche toujours à satisfaire leurs attentes. Le changement de fournisseur peut être dans certains cas extrêmement dommageable en termes de coûts, de méthodes, de qualité, de garantie et de sécurité pour l’entreprise cliente.

Le montant des sommes en jeu et la durée de vie prévue des investissements lourds nécessitent la création de relations contractuelles fortes. Afin de répondre, par exemple, à l’impératif pour un constructeur automobile de livrer en flux tendu, le fournisseur de sièges peut proposer et obtenir un changement d’organisation dans la réception des pièces : afin que les sièges parviennent directement sur la chaîne au moment de l’assemblage, selon le principe du zéro stock, il sera nécessaire de créer un nouvel accès direct dans le bâtiment.

Ces relations supposent un double engagement du fournisseur :

• Sur la confidentialité des projets du client tout d’abord. Il est courant dans l’indus-trie automobile qu’un fournisseur participe à l’élaboration du futur projet destiné à remplacer dans les six ans un modèle récemment lancé. Le besoin de confidentialité sera d’autant plus grand que le constructeur sait que l’équipementier est également fournisseur d’autres constructeurs concurrents.

• Le second aspect de l’engagement devra porter sur la garantie pour le client de pouvoir se procurer les pièces de rechange, voire les consommables spécifiques, tout au long de la durée de vie de l’équipement, ce notamment dans le secteur de la machine-outil.

Le marketing relationnel10 est l’essence même des approches business to business, que ces relations soient liées au marché concerné directement (fournisseurs, clients, concurrents, partenaires) ou plus indirectement (organisations ou individus extérieurs au marché mais qui peuvent influencer les courants d’affaires). La création de réseaux d’affaires formels et informels représente souvent une priorité commerciale en BtoB11. Le Relationship Marketing (RM) fait partie des principaux courants de recherche BtoB synthétisés ces 30 dernières années et qui diffèrent en leur manière d’analyser l’environ-nement. Le Relationship Marketing considère l’environnement comme une entité issue de l’interaction des acteurs qui la composent (cf. tableau 1.1).

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14 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

Tableau 1.1 : Le marketing relationnel*

MARKETING RELATIONNEL

Channel Research Tradition (CRT) Relationship Marketing (RM)

• Depuis la fin des années 1970, des travaux ont porté sur les relations interdépendantes et réciproques entre les marketeurs et les membres de la filière.

• Ce courant de recherche s’efforce dans son analyse de la filière d’associer les aspects économiques, politiques (pouvoir, dépendance) et sociaux (coopération, confiance, implication, communication, comportement conflictuel).

• Ce courant s’appuie sur les théories du coût de transaction, de l’échange social, de l’économie politique et du pouvoir et du conflit en sociologie organisationnelle.

• Les aspects économiques et politiques doivent être pris en compte dans l’analyse de la filière.

• L’étude d’une dyade spécifique dans la filière est préconisée permettant d’analyser les relations complexes qui y sont à l’œuvre en tenant compte de l’environnement où elles se déroulent.

• Les travaux mettent en exergue les notions d’opportunisme, de confiance, d’engagement, de relations continues et de liens entre le contexte de la dyade et le comportement relationnel au sein de la dyade.

• Il s’agit dans ce courant de se focaliser sur les relations marketing, sur leurs évolutions et leur gestion.

• L’idée est de fournir des outils pour gérer la relation client, intégrant les aspects économiques et qualitatifs de la relation et sa valeur dans le temps.

• Ce courant présuppose l’existence d’un marché composé de différents clients aux exigences variées permettant au marketing de créer des relations. Les relations ne sont pas considérées comme pouvant influencer le marché.

• À l’origine, forme de réponse au modèle transactionnel, ce courant est influencé par le marketing des services, l’approche de l’interaction, les théories de l’échange social, les travaux sur la filière et les notions de bases de données et de marketing direct. Par ailleurs, certains éléments provenant du comportement du consommateur sont aux sources de ce courant qui comprend deux grandes approches :

– Une approche orientée marché qui considère qu’il existe une interdépendance et une interaction faibles entre les acteurs ainsi que des coûts de changement faibles. Elle est liée à l’utilisation d’outils CRM pour cibler les activités marketing et à la valeur client. Y sont étudiés la valeur de la relation client et son historique. En revanche, le contexte environnemental de la relation client-fournisseur et son influence sur la relation ne sont pas pris en compte dans cette approche. Les marchés concurrentiels sont réputés disposer de plus d’acheteurs et de vendeurs indépendants.

– Une autre approche orientée réseaux (interaction et réseaux) considère que les relations sont interdépendantes et souvent réciproques, impliquant des interactions complexes clients-fournisseurs qui conduisent à une dépendance mutuelle et à des coûts de changement élevés.

• Dans les deux approches, la création de valeur passe par la collaboration client-fournisseur avec un rôle accru de l’implication du client dans la création de valeur.

• Les concepts clés sont la confiance, l’engagement, l’implication, la coopération.

* Bénaroya, Ch., (2011), « Évolution des courants de recherche en marketing BtoB », Revue des Sciences Commerciales, n° 11, Juin, École des Hautes Études Commerciales Alger, p. 21-44.

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15Les caractéristiques du marketing business to business

2.7 La création de valeur

Quelle que soit la nature de leurs activités, les organisations qui achètent des biens et services recherchent avant tout une solution capable de résoudre des problèmes parti-culiers. Elles n’achètent donc pas à proprement parler un produit ou un service pour ce qu’il est, mais bien pour le bénéfice qu’elles en retirent. Ainsi, l’idée selon laquelle la seule suprématie technique du produit suffit à séduire le client est souvent illusoire : ce dernier peut très bien opter pour une offre radicalement différente d’un point de vue technique (parfois plus basique), mais lui permettant de résoudre au final son problème. Ainsi, c’est à l’aune du bénéfice tiré par le client, et non à la seule estimation du coût d’ac-quisition12, que se mesure la valeur qui lui est apportée. La satisfaction du client repose sur la création de valeur13 pour ce dernier (et perçue comme telle par ce dernier), ce qui nécessite une parfaite compréhension de ses besoins exprimés et latents. La fidélisation du client consiste, pour résumer et en reprenant les propos de James Kane (Markelz, 201714), à répondre à ces questions des clients : « Est-ce que vous rendez ma vie plus sûre ? Plus facile ? Meilleure ? ». En marketing de projet, il s’agit souvent d’intervenir en amont même de l’expression des besoins du client.

2.8 Des moyens spécifiques de promotion

Étant donné le nombre restreint de clients potentiels, leur exigence quant aux informa-tions techniques détaillées et la possibilité de contacter chacun d’eux individuellement, les médias de masse ne sont guère utilisés en marketing business to business pour cibler les clients directs. En revanche, parmi les manifestations professionnelles (congrès, colloques, symposiums…), les salons professionnels sont le moyen privilégié pour les rencontrer et leur présenter les savoir-faire de l’entreprise. La presse professionnelle est plus fréquemment utilisée encore par des entreprises de toutes tailles. Globalement, elle représente des budgets plus modestes : le prix d’une insertion publicitaire est calculé en fonction d’audiences beaucoup plus restreintes (mais plus ciblées) que celles des maga-zines grand public.

Sur le plan qualitatif, le principal vecteur d’image est le responsable commercial. Responsable de la première impression laissée à l’entreprise prospectée, c’est lui, ou son équipe, qui sera chargé de transmettre les propositions, les devis, et d’imaginer des variantes. Il utilisera les différents moyens mis à sa disposition, du marketing direct aux plaquettes de présentation, catalogues et documentations techniques.

2.9 Le cycle de vie « prolongé » des produits

En raison des efforts de recherche et de développement mais aussi par le dynamisme commercial des équipes, il arrive fréquemment que les produits et systèmes incorpo-rables développés par une entreprise connaissent de nouveaux champs d’application. Ces nouvelles applications prolongent de fait leur exploitation commerciale et par là même, leur cycle de vie. Citons par exemple le cas des produits de marque Teflon®, Corian®, Gore-Tex®, Lycra® dont les premières applications remontent aux années 1960 et qui n’ont cessé d’étendre leur utilisation à de multiples secteurs industriels.

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16 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

2.10 L’usage croissant des outils digitaux en B2B

Au fort engouement pour Internet dans le domaine de la grande consommation (BtoC) ont succédé d’abord une phase de domestication, puis une phase de forte croissance d’Internet dans le domaine du business to business. Les entreprises industrielles ont progressivement intégré cet outil15, en en faisant d’abord un outil d’information on line relativement statique (site institutionnel), puis un réel outil commercial (e-business, gestion de la relation client) voire de gestion utilisant les big data (Intranet, tracking)16. Le marketing B2C et B2B a pris un virage résolument digital et connecté, qu’il s’agisse des clients entre eux via les réseaux sociaux et les communautés, les points de vente (offline et online), les objets eux-mêmes, les territoires et les villes (smart cities), les médias et les marques, les personnels en contact (N’Goala, 201617). L’Internet des objets (IoT, Internet of Things)18 contribue et accélère ce mouvement de fond en modifiant les rapports entre les entreprises et les clients (clé InBlue de Valeo, perceuses connectées de Black & Decker…). C’est en particulier en B2B (80 % du marché) que l’IoT se développe et devrait poursuivre son expansion dans les prochaines années (Cisco, 2013 ; Ifop, 2014 ; Hewlett-Packard, 2015 ; IDATE, 2016). L’intérêt principal réside non seulement dans la capacité de vendre des produits avec davantage de personnalisation, mais aussi dans celle de collecter et diffuser en temps réel des informations individualisées sur les profils et usages des clients (et des machines) (Xia et al., 201219). Cette dimension ubiquitaire peut néanmoins générer un risque de marketing désincarné mais fluide (seamless), conduisant les marketeurs à renforcer la relation et l’expérience client (human-to-human versus machine-to-machine). Les dérives et risques associés à cette digitalisation sont en effet nombreux : phubbing, isolement social, infobésité, confidentialité et protection des données, présence accrue de « trolls » et utilisation de « bots », machines dotées de forme d’intelligence (machine learning) (Weber, 201020)21.

Tableau 1.2 : Principales caractéristiques de l’IoT en B2B

Machine-to-machine (M2M) Internet industriel

Type de connectivité En silos Interconnectée

Systèmes concernés Véhicules connectésPoints de venteMesures intelligentes de performance (consommation, usure…)TélémédecineSystèmes d’alarme

Optimisation de la supply chain (RFID, NFC, QR Code…)Amélioration de la performance des produits

Outil de communication

Pour les entreprises industrielles, Internet représente un outil potentiellement puis-sant de diffusion d’informations22. Il permet notamment de présenter les savoir-faire, l’offre de produits/services à une cible élargie au niveau planétaire, pour un coût au contact inférieur aux outils de communication traditionnels. Parmi les moyens utilisés, on peut citer bien sûr le développement d’un website dédié à l’entreprise, ou de sites spéci-fiques pour ses filiales, pour certaines de ses marques, voire pour un profil spécifique de client. Ainsi Lafarge, du groupe Lafarge Holcim, a lancé deux sites professionnels, batissor.com et creargos.com, destinés aux artisans et entrepreneurs, pour le premier,

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17Les caractéristiques du marketing business to business

et aux maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage, pour le second. Internet se révèle être un outil particulièrement intéressant en marketing de projet : il permet au fournisseur ou au groupement de fournisseurs de présenter le projet en lice puis, si le projet est retenu, il devient un outil relationnel d’accompagnement et d’appui. Ce fut par exemple le cas pour l’implantation du réacteur de recherche ITER à Cadarache qui a bénéficié, pendant toute la période préalable à la mise en place du projet, d’un site Internet d’appui, présen-tant parmi les informations diffusées les arguments en faveur de ce lieu.

De manière plus classique, Internet permet une présence publicitaire par le biais de bandeaux, de publicités interstitielles (entre deux pages), d’économiseurs d’écrans, d’animations Flash, de podcasts…

D’autres outils sont également utilisés :

• Le portail BtoB : il s’agit d’un site généraliste qui met à la disposition des profession-nels des outils ou de l’information qualifiée (news d’affaires, logiciels de calcul à télécharger, répertoires d’entreprises, liens vers des sites professionnels mais aussi vers des catalogues électroniques, moteurs de recherche spécialisés, des forums où chacun peut échanger ses expériences)23. C’est le cas par exemple du site traceparts.com qui s’adresse aux professionnels de la CAO et de la mécanique.

• La communauté BtoB : espace privilégié (nécessité de disposer d’un mot de passe) et personnalisé où chaque visiteur professionnel peut définir son profil et confi-gurer ainsi sa prochaine visite sur le site en fonction de ses intérêts particuliers. Contrairement au portail où l’information est délivrée unilatéralement par l’équipe de rédaction du site, ce sont les visiteurs qui font le contenu. On peut citer le cas de wateronline.com, site de la communauté des professionnels de l’eau. L’esprit commu-nautaire s’est accru ces dernières années avec le développement du « Web 2.0 »24 (évolution qualitative des modes d’usage et offrant de nouvelles opportunités pour partager et diffuser l’information et pour créer des communautés autour de thèmes précis : marché, client, application, technologie…), afin de favoriser le développement de contenus plus personnalisés. Par la syndication, les flux RSS permettent la mise à disposition en temps réel d’informations souhaitées et adaptées à l’univers et au profil de l’utilisateur qui y a souscrit. La mise en place de wikis permet l’écriture collabo-rative de documents modifiables librement par les visiteurs autorisés. Les podcasts et vidcasts offrent la possibilité de diffuser des fichiers audio et vidéo sur Internet. L’ensemble des nouveaux outils encouragent « l’expérience interactive » équivalente à celle vécue par le grand public internaute, gommant la frontière d’usage profes-sionnel/grand public. L’essor des réseaux sociaux tels que Viadeo, LinkedIn, Xing, Hi5 (Amérique centrale), Orkut (Amérique du Sud), Xianei (Chine), Vkontakte (Russie), voire Facebook (plus orienté grand public), démontre l’intérêt d’un envi-ronnement interactif, social et collaboratif, facilitant les échanges BtoB avec une dimension désormais plus émotionnelle et relationnelle. Des univers jusqu’ici restés propres à l’environnement grand public ont rencontré le monde BtoB avec l’utili-sation de SecondLife (recrutement, management interne, virtual meetings) ou la création de sites professionnels équivalents à YouTube et Dailymotion. On note même l’utilisation émergente du microblogging sur le mode Twitter avec cependant une visée interne (proximité du management des équipes).

• Les blogs BtoB : apparus à la fin des années 1990 aux États-Unis, les weblogs (contrac-tion de Web et log) ou blogs25 sont des sites Web, au départ souvent privés mais

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18 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

devenant en général rapidement publics, sur lesquels une ou plusieurs personnes s’ex-priment librement et régulièrement. Initialement très prisés par le grand public, ils s’utilisent généralement à des fins d’autoreprésentation et sont marqués par la person-nalité de leurs auteurs qui y expriment des avis et des anecdotes. Malgré les dérives qu’ils peuvent éventuellement occasionner faute de contrôle suffisant (propos dégra-dants tenus envers l’entreprise…), les blogs ont trouvé leur utilité en interne pour de nouvelles formes de travail collaboratif (« plog » pour project log26) par l’intelligence collective qu’ils peuvent réunir (cf. plus loin dans ce chapitre). Comparativement au BtoC, les blogs demeurent moins utilisés en BtoB sauf dans le cadre de management interne ou dans des espaces privés partagés avec certains clients. Le suivi des blogs permet de relever les opinions des clients, prescripteurs, décideurs, etc., et d’y déceler des tendances, voire des axes d’amélioration (image, offre proposée, relationnel…). Les blogs font désormais partie des éléments pris en compte dans la communication de crise et dans la veille et la protection de l’information (risque de fuites, espionnage industriel, problèmes juridiques).

Par ailleurs, les entreprises ont développé autour d’Internet des outils complémentaires de gestion de l’information :

• Gestion de la relation client (GRC) : appelée également CRM (Customer Relationship Management), la GRC est un outil d’aide à la décision qui consiste à optimiser de façon efficace la relation client par une meilleure segmentation et l’établissement de scoring (évaluation de la valeur commerciale d’un client, aide à la force de vente par la définition d’une offre plus adaptée)27.

• Knowledge management : système de gestion de la connaissance qui permet la capture, l’organisation et éventuellement la redéfinition d’une information ou d’une pratique pertinente pour l’adresser au bon moment à la personne ou l’entité concernée (en interne ou auprès d’entreprises partenaires). Cela permet entre autres de diminuer les coûts de fonctionnement, comme la fréquence des appels aux services d’assistance.

• Travail collaboratif (ou collaborative work) : le développement des outils de pilotage et de management permet de suivre au quotidien l’activité de l’entreprise. À l’image des évolutions observées dans le grand public avec les espaces coopératifs du type Wikipédia28, au sein des entreprises se sont développés des processus conduits en mode projet29. L’usage intensif des outils de travail collaboratif impacte les pratiques traditionnelles du management de projet30 et modifie la gestion des relations client-fournisseur. Face à la dispersion géographique et à la mobilité, le travail en commun à distance, l’optimisation des ressources, l’échange de documents électroniques et le suivi de tâches représentent des enjeux stratégiques pour l’organisation et la performance des entreprises réunies autour d’un projet commun. Dans le secteur aéronautique, la capacité à travailler de cette manière est un critère de sélection des fournisseurs par les donneurs d’ordres.

• Intranet : réseau Internet fonctionnant en vase clos au sein d’une entreprise avec des possibilités de passerelles vers des partenaires extérieurs présélectionnés (Extranet). Outil de communication interne, l’Intranet permet de mieux gérer l’information circulant à l’intérieur de l’entreprise mais aussi de mobiliser l’intelligence collective de cette dernière. Par exemple Air Liquide se sert de son Intranet pour mettre en commun et en toute sécurité, les travaux des chercheurs travaillant sur différents sites géographiques.

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19Les caractéristiques du marketing business to business

• Études de marché on line : dans certains secteurs BtoB (informatique, télécom), les entreprises utilisent Internet comme outil d’étude de marché complémentaire aux études menées plus largement par ailleurs. L’étude permet de recueillir à moindre coût un certain nombre d’informations de clients et prospects situés dans des régions géographiques très différentes.

Outil d’achat

Internet facilite la gestion des approvisionnements et simplifie la tâche des responsables achats. La principale attente est la réduction des coûts d’approvisionnement. Ainsi dans le cadre de rachat à l’identique de pièces détachées normalisées, Internet permet d’auto-matiser le processus et de réduire les frais de fonctionnement.

• L’e-procurement : système permettant aux entreprises de s’approvisionner sur le net, développé dans le chapitre 3. Plusieurs entreprises d’un même secteur peuvent se grouper et mettre en commun leur demande de façon à bénéficier d’un effet de masse vis-à-vis de leurs fournisseurs31. C’est le cas des plates-formes ou marketplaces32 déve-loppées dans le secteur automobile (SupplyOn créé par les équipementiers Bosch, Continental, INA, SAP, ZF, Siemens), dans le domaine aéronautique (Aeroxchange). Ces places de marché verticales mettent en relation les entreprises et les fournisseurs d’un domaine d’activité précis.

Outil de vente

Pour les entreprises BtoB, Internet peut représenter un auxiliaire précieux à la vente. Il peut s’agir par exemple d’adresser des devis aux clients ou de répondre à des demandes relatives à l’offre produits présente sur le site, allégeant le processus administratif et favorisant la réactivité. L’entreprise dispose aussi des moyens d’actualiser en temps réel ses catalogues produits (nouvelles références, présentation de concepts de produits), renforçant ainsi la cohérence de sa politique commerciale. Elle peut même adresser en ligne un catalogue produits/services personnalisé avec des prix adaptés en fonction des applications des clients. Elle peut dynamiser son administration des ventes par l’exploi-tation d’un Intranet reliant les vendeurs à la direction commerciale et faciliter ainsi la remontée en temps réel d’informations terrains (suivi des commandes, des réclama-tions, des informations sur la concurrence…). Parmi les outils de vente développés sur Internet dans le domaine BtoB, on peut citer :

• Les places de marché virtuelles ou « e-marketplaces33 » : elles consistent en un espace virtuel où acheteurs et vendeurs peuvent effectuer des transactions normalisées. Les avantages sont multiples : les acheteurs peuvent trouver un plus grand nombre de four-nisseurs que sur le marché IRL (in real life), de même les vendeurs ont accès aisément à plus de clients ce qui diminue les frais de prospection. Les échanges commerciaux sont fluidifiés, la durée et les coûts de transaction sont réduits. La fixation des prix s’opère selon un système d’enchère classique ou inversé (le prix est fixé par l’acheteur). Ces places de marché peuvent être verticales ou sectorielles, comme nous l’avons vu plus haut, et se focalisent ainsi sur une catégorie de biens ou d’activités. C’était le cas de Band X qui propose aux entreprises du secteur des télécommunications d’acheter des minutes de communication et de la bande passante. Mais elles peuvent être hori-zontales ou transversales et permettent alors aux entreprises d’acheter et de vendre des produits non stratégiques sur le Web (Eu-Supply). Elles concernent ainsi diffé-rents secteurs d’activités et tous types d’acteurs, et portent en général sur des achats

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20 Chapitre 1 – Les spécificités du marketing business to business

généraux. Les marketplaces peuvent viser à apporter des bénéfices principalement aux acheteurs (buy-side), aux fournisseurs (sell-side) ou être équilibrées34. À noter qu’après une phase d’expansion et de fort développement, de nombreuses places de marché ont cessé leur activité ou l’ont réorientée vers la prestation de services (inté-gration de systèmes d’information, business intelligence…). Les places de marché portant sur les marchés publics ont en revanche su maintenir leur présence facilitant la publication des appels d’offres et la soumission des fournisseurs (e-marchespublics.com…).

• Les espaces réservés sur le site : les clients professionnels peuvent bénéficier d’un accès privilégié à un espace réservé du site dans lequel sont fournies des informations spéci-fiques (prix, avancée du projet, nouvelles normes…) et des zones interactives dédiées (espace discussion, consultation des commandes passées). Par exemple, la société de transport express international DHL propose à ses clients professionnels, au-delà de sa vitrine corporate, le suivi en ligne des colis (tracking) grâce au numéro de borde-reau et un outil de relation directe avec son service commercial.

Si les entreprises business to business utilisent Internet pour l’achat et la vente de certains biens, elles demeurent prudentes vis-à-vis de cet outil pour les achats straté-giques35 (entering goods nécessaires à la production du bien final, achats représentant des investissements lourds et engageant l’entreprise sur le long terme). Internet est ainsi principalement utilisé pour les achats professionnels répondant à des besoins indi-viduels (livres, publications, informations…) ou pour des achats de fonctionnement (fournitures, consommables…).

Résumé

Le marketing business to business est pratiqué par les sociétés qui vendent des biens et services à une autre organisation dans le cadre de leur fonctionnement (entreprises, groupements, artisans, professions libérales, collectivités, État, associations…). Il se distingue du marketing de grande consommation qui s’adresse aux particuliers pour leur usage personnel (BtoC). Les transactions BtoB peuvent être regroupées en trois grandes catégories : BtoB de grande diffusion, BtoB récurrent (appelé précédemment marketing industriel) et BtoB d’affaires ou de projet caractérisé principalement par une relation fournisseur-client non continue. Une analyse plus pertinente consiste à classifier les différents types de BtoB en fonction du destinataire final avec le BtoBtoC (consommateur final), BtoBtoE (employé), BtoAtoU (usager non propriétaire) et BtoB sans destinataire identifié individuellement.

Au-delà de l’étendue des secteurs d’activités concernés par ces relations d’affaires interorganisations, le business to business est caractérisé par la complexité de son envi-ronnement : l’hétérogénéité de la clientèle (nombres, tailles, profils, attentes, exigences, implantations, modes d’organisation…), le rôle en amont et en aval exercé par les clients dans la relation d’affaires, l’étendue des acteurs impliqués par la décision d’achat, le processus d’achat lui-même et les nombreuses interactions des acteurs concernés, la nécessité de créer de la valeur, l’utilisation d’outils de communication spécifiques tels que les salons ou la presse professionnelle. Compte tenu de ces caractéristiques et en complément des principes fondamentaux du marketing traditionnel, il est indispensable d’adopter une démarche marketing spécifique au secteur business to business.

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Activités

Questions et exercices 1. Proposez un exemple pour chacun des quatre types de BtoB selon le destinataire

final (BtoB, BtoBtoC, BtoBtoE, BtoAtoU). Quelles sont les principales implications managériales qui en découlent ?

2. Quelles sont les différences essentielles entre le marketing de grande consommation et le marketing business to business en termes de :

– marché ;

– clientèle ;

– comportement d’achat ;

– relations vendeur-acheteur ;

– produit ;

– prix ;

– communication ;

– distribution.

3. Parmi les caractéristiques principales abordées dans ce chapitre, lesquelles influen-cent le plus, selon vous, la pratique du marketing ? Pourquoi ?

4. Le marketing industriel, devenu entre-temps le marketing business to business, aujourd’hui incontournable, est pourtant apparu près de vingt ans après les premiers concepts, méthodes et outils de marketing de grande consommation. Comment pouvez-vous expliquer cet essor tardif ?

5. La société 3M produit et commercialise des papiers repositionnables Post-It®. Une junior entreprise d’une école de commerce décide d’en acheter plusieurs dizaines pour en doter ses membres. L’équipe se demande où acheter une telle fourniture : à distance via la société Lyreco, en s’adressant au commercial régional dépositaire de la marque 3M ou en se rendant dans une grande surface. Sous quelles conditions cet achat peut-il relever du business to business ?

6. Quelles sont les spécificités de la communication des entreprises qui vendent leurs prestations à d’autres entreprises ou organisations ? Quelles sont les différences essentielles en termes de ciblage ?

7. En vous rendant sur le site www.eu-supply.com, dressez les listes buy-side et sell-side des services proposés par cette place de marché. Quels enseignements en tirez-vous sur l’utilisation des marketplaces ?

8. Quelles sont, selon vous, les implications de l’hétérogénéité de la clientèle business to business ? Quelles conséquences pouvez-vous imaginer, notamment en ce qui concerne l’organisation commerciale ?

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