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ART PRESS 2 8 RUE FRANCOIS-VILLON 75015 PARIS - 01 53 68 65 65 NOV 12/JAN 13 Trimestriel Surface approx. (cm²) : 2802 Page 1/7 TEMPLON 3211524300508/GFS/AZR/2 Eléments de recherche : GALERIE DANIEL TEMPLON : à Paris 3ème, toutes citations RANDALL KENNEDY PORTRAIT D'UN INTELLECTUEL NOIR DÉCALÉ SYLVIE LAURENT Lorsque Randall Kennedy publie Nigger en 2003, il marque une date clé de l'historiographie afro-américaine et rompt, dans le même souffle, avec une carrière jusqu'alors conventionnelle de professeur de droit de la très exclusive université d'Harvard. Ne dans un Sud raciste (la Caroline du Sud) ou les Noirs ne pouvaient boire aux mêmes fontaines que les Blancs, Randal! Kennedy s'est émancipe du racisme et de sa propre colere en suivant une scola- rité brillante dans des ecoles majoritairement blanches (l'école privee St-Albans de Washington puis l'université de Princeton) ou il se forme a la pensée qui lui apparaît rapidement comme la plus conforme a sa quête d'équilibre et de réconciliation le droit Juriste reconnu, il est un des rares Noirs a pénétrer le sem des seins la Harvard Law School ll rejoint la f acuity (c'est-a dire le corps profes- soral) de l'emmente institution en 1984 ou son enseignement portera sur les questions raciales et la loi aux États-Unis 1 Ses publications nombreuses et prestigieuses confortent une position unanime- ment saluée parmi ses pairs La publication, en 2002, de son livre le plus célèbre-en raison d'un titre qui scandalisa-, Nigger The Strange Career of a Tmublesome Word, change radicalement le cours de sa trajectoire profes- sionnelle en consacrant une etude polémique au mot le plus infamant et le plus insupportable aux oreilles des Noirs américains, il gagne une notoriété qui dépasse largement les cercles universitaires maîs lui aliène dans le même temps une bonne partie de l'élite afro américaine Randall Kennedy entre alors sur la scene du debat racial aux Etats-Unis et l'on voit en lui le chantre du conservatisme Cette tension originelle, dialectique peut être, est a l'image de sa carriere entière une alternance, com plementaire a ses yeux, entre une reflexion académique profonde et engagée sur les logiques raciales a l'oeuvre dans la societe (incarcération, processus électoral, adoption, amour interracial ) et des incursions revendiquées sur les terres de la controverse mtellec- tuelle qui ne l'intimida jamais Randall Kennedy est a ce titre l'un des mtel- lectuels les plus stimulants de l'Ame- nc|ue con1;em P oraine brisant avec délectation l'image d'Epinal de l'um- versitaire noir-américain «liberal» 2 , «oblige de sa communaute» Lorsque Randall Kennedy entame sa carriere universitaire, les temps sont encore marques par les guerres cul- turelles nees des annees 1960 Les campus américains, et les départe- ments de droit singulièrement, sont en proie a de violentes polémiques raciales au début des annees 1990, le debat faisant rage autour du « multi- culturalisme» et de son application Randall Kennedy au monde universitaire d'un bout a (©u Gunther/sipa

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RANDALL KENNEDYPORTRAIT D'UN INTELLECTUELNOIR DÉCALÉ

SYLVIE LAURENT

Lorsque Randall Kennedy publie Nigger en 2003, il marque une date clé de l'historiographieafro-américaine et rompt, dans le même souffle, avec une carrière jusqu'alors conventionnellede professeur de droit de la très exclusive université d'Harvard.

Ne dans un Sud raciste (la Caroline du Sud) ou les Noirs ne pouvaient boire aux mêmes fontaines queles Blancs, Randal! Kennedy s'est émancipe du racisme et de sa propre colere en suivant une scola-rité brillante dans des ecoles majoritairement blanches (l'école privee St-Albans de Washington puisl'université de Princeton) ou il se forme a la pensée qui lui apparaît rapidement comme la plusconforme a sa quête d'équilibre et de réconciliation le droit Juriste reconnu, il est un des rares Noirsa pénétrer le sem des seins la Harvard Law School ll rejoint la f acuity (c'est-a dire le corps profes-soral) de l'emmente institution en 1984 ou son enseignement portera sur les questions raciales et laloi aux États-Unis1 Ses publications nombreuses et prestigieuses confortent une position unanime-ment saluée parmi ses pairs

La publication, en 2002, de son livre le plus célèbre-en raison d'un titre qui scandalisa-, NiggerThe Strange Career of a Tmublesome Word, change radicalement le cours de sa trajectoire profes-sionnelle en consacrant une etude polémique au mot le plus infamant et le plus insupportable auxoreilles des Noirs américains, il gagne une notoriété qui dépasse largement les cercles universitairesmaîs lui aliène dans le même temps une bonne partie de l'élite afro américaine Randall Kennedy entrealors sur la scene du debat racial aux Etats-Unis et l'on voit en lui le chantre du conservatisme Cettetension originelle, dialectique peut être, est a l'image de sa carriere entière une alternance, complementaire a ses yeux, entre une reflexion académique profonde et engagée sur les logiquesraciales a l'œuvre dans la societe (incarcération, processus électoral, adoption, amour interracial )

et des incursions revendiquées surles terres de la controverse mtellec-tuelle qui ne l'intimida jamais RandallKennedy est a ce titre l'un des mtel-lectuels les plus stimulants de l'Ame-nc|ue con1;emPoraine brisant avecdélectation l'image d'Epinal de l'um-versitaire noir-américain «liberal»2,«oblige de sa communaute»Lorsque Randall Kennedy entame sa

carriere universitaire, les temps sontencore marques par les guerres cul-turelles nees des annees 1960 Lescampus américains, et les départe-ments de droit singulièrement, sonten proie a de violentes polémiquesraciales au début des annees 1990, ledebat faisant rage autour du « multi-culturalisme» et de son application Randall Kennedyau monde universitaire d'un bout a (©u Gunther/sipa

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I autre du pays les representants des minorités (sexuelles ou ethniques) reclament un de centrementdes enseignements qui sont selon eux prisonniers d'une logique de domination blanche et mascu-line Ils reclament non seulement la creation de départements multiculturels (d etudes afro améri-caines, féministes ou gays et lesbiennes) maîs aussi le recrutement de professeurs incarnant ladiversite américaine Certains soutiennent alors qu'il existe une façon de percevoir le monde et del'enseigner propres aux universitaires de couleur et qu'il faut qu elle soit promue jusque dans les baslions les plus recules du conservatisme universitaire Les ecoles de droit ne sont pas les moindresexemples de ce conservatisme elitiste3 et la nomination de Randall Kennedy a Harvard doit se lire acette lumiere Or, d emblée, ce dernier s'est désolidarise de cette vision « racialisee» des competencesetde I impératif multiculturel Des 1989, dans un article de \aHarvard Law Review, il pourfend les avo-cats de cette these au nom d'un humanisme « aveugle a la race » (colorblind), affirmant qu'aucun deleurs arguments sur la discrimination a l'œuvre n est etaye réfutant de surcroît I argument de la valeurajoutee intellectuelle apportée par un representant des minorités4 Cette charge positionne immediatement et radicalement Randall Kennedy dans le camp des conservateurs et, pire encore, des Noirsdéloyaux qui trahissent leurs freres de couleur En america n, on leur donne un nom se/tout dont Kennedy, lui qui entendit souvent cette cruelle accusation, étudiera toutes les connotations dans unouvrage eponyme de 2008

DE L'INDIFFÉRENCE RACIALESon premier ouvrage, Race, Crime and the Law5, publie dix ans plus tard, est une dénonciation impi-toyable du mécanisme délétère qui mené a une surrepresentation des hommes de couleur dans lesprisons américaines quinze ans avant le meurtre de Treyvon Martin, il affirme que si les Noirs constituent 44,8% des hommes incarcères aux Etats Unis alors qu'ils ne sont que 12% de la populationtotale e est a cause d une hyper pénalisation de la délinquance urbaine elle même liee a une peurparanoïaque savamment entretenue de l'homme noir americain L'ouvrage, salue par le prix RobertF Kennedy pose Randall Kennedy comme un universitaire résolument progressiste pionnier dansla dénonciation des permanences du racisme institutionnalise aux Etats-Unis Maîs, ici encore sonapproche rompt avec le ton militant et indigne de ceux qui, tels Jesse Jackson ou Al Sharpton6, accu-sent alors tout policier blanc d'être un raciste en uniforme ll pose, au contraire, comme préalable ason argumentation, que les hommes noirs commettent proportionnellement plus de crimes que lesBlancs et qu'un certain degré de discrimination lors des arrestations, peut être juge « rationnel » lldémontre que c'est en réalité une attitude nocive, non seulement pour les Noirs maîs pour l'ensem-ble du systeme judiciaire americain a force d'injustices pénales et de violences policières nonpunies, l'amertume des Afro Américains progresse et nuit a la cohesion nationale Sans mettre enavant la moindre « fierté noire » ou « colere noire » propre a l'époque, Randall Kennedy se fait l'avocatde l'indifférence raciale et plaide, en somme, pour une societe post raciale En avance d une gene-ration, il paiera le prix de sa modération en étant souvent cloue au pilori par I intelligentsia noire

Cette derniere exprima sa réprobation avec force invectives, en deux occasions marquantes dela vie intellectuelle audacieuse de Randall Kennedy lors de la publication de Nigger The StrangeCareerofa Troublesome Word1, son ouvrage phare de 2002 et, six ans plus tard, lorsqu il publie Sel-/out8 Dans Nigger, il propose une analyse academ que brillante et pionnière d'un mot tabou, syno-nyme d'oppression et d'humiliation pour les Noirs américains Si I apport scientifique de l'ouvragen est pas mis en cause, I inscription de ce terme-stigmate en couverture du livre et l'ouverture d'undebat public autour de deux syllabes que I on n'ose plus vraiment prononcer ont choque A contre-temps, Randall Kennedy y propose une reflexion dépassionnée et constructive pour progresser versl'harmonie raciale, refusant de diaboliser ce mot en réalité riche d'ambivalences et d'ambiguïtés, tellesque la litterature, la comedie ou la musique l'ont illustre Sur un sujet aussi polémique, son centrismelui attire de nouveau les foudres des plus radicaux On l'accuse, entre autres, de sensationnalisme etde démagogie raciale Même ses collègues d Harvard le condamnent

Le plus remarquable sans doute, est que malgre la virulence et I injustice de ces attaques. Ken-nedy a poursuivi ses collaborations auprès d'institutions ouvertement progressistes tels The Nation,Dissent ou The American Prospect, se définissant sans ambages comme un ntellectuel de gauchesans pour autant renoncer a prendre des positions bien différentes de celles que l'on attendrait d'unintellectuel noir liberal Lorsqu'il défend la figure honnie de Clarence Thomas, juge noir de la Coursuprême, dans son livre de 2008, il suscite de nouveau la controverse Clarence Thomas, hostile auxpolitiques à'affirmative action -de reparation pour les injustices faites aux Noirs (alors que lui même

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en a certainement bénéficié)-est devenu, pour nombre de gens de couleur, l'incarnation du «traîtrea sa race » • sellout Or, répond Kennedy, ce qualificatif insultant ne devrait pas s'appliquer à Thomas-il lui reconnaît le droit de défendre des positions conservatrices, n'en déplaise aux tenants d'unecause noire univoque, et refuse l'argument de la déloyauté dont il a lui-même éte victime tout au longde sa carriere Libre-penseur, Kennedy refuse de taire les errances et les prisons discursives dans les-quelles les Noirs eux-mêmes s'enferment en se discriminant les uns les autres, en accusant de traî-trise celui des Afro-Américains qui, par sa réussite sociale ou sa position de franc-tireur, ne complaîtpas à la majorité

LAMOUR IME VOIT PAS LA RACEll n'est pas exagéré de lire la carrière et le travail de Randall Kennedy comme un signe avant-courrierde l'arrivée de Ba rack Obama sur la scène politique américaine Ce dernier lui emprunte sa recherchedu consensus racial, le goût des argumentaires qui refusent la mise à l'index au profit d'une formede réconciliation nationale Obama a enseigné, comme Kennedy, le droit et les questions raciales eta marqué de sa presence la Harvard Law School ; sur Y affirmative action comme sur le système pénal,Obama partage les vues de Kennedy Et lorsque le candidat démocrate rompt publiquement avec sonpasteur Jeremiah Wright, lors de la campagne de 2008, il rejoue la rupture tant de fois consomméeentre Randall Kennedy et ses collègues progressistes Cassandre, Randall Kennedy avait dénonce lesdébats hasardeux et les jugements péremptoires sur « l'authenticité » noire, les « assez ou pas asseznoirs», les loyaux ou les traîtres, autant de polémiques binaires ayant jonche la jeune carriere du pre-mier président noir des États-Unis Lorsqu'il défend, dans son livre de 2003, InterracialIntimac/es. Sex,

KehmdeWiley

Prince Tommaso Ftancesco of

Savoy-Carignano, 2006

Huile sur toile, 243x243 cm

Oil on canvas (© Kehmde Wiley

Court ofSorrywereclosed,

Bruxelles | Court Galerie Daniel

lemploi!, Paris)

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Marriage, Identity, and Adoption2, le droit constitutionnel des enfants à être adoptés sans que la cou-leur des parents potentiels entre en compte, il se fait l'avocat des familles interraciales dont BarackObama est l'exemple le plus spectaculaire

Maîs il semble que, au regard du chemin parcouru par les Afro-Américains jusqu'à l'élection de

Barack Obama, Randall Kennedy se soit lassé de rechercher le consensus et penche maintenant versun plus grand radicalisme racial, celui-là même dont il s'est défié tout au long de sa carrière Son der-

nier ouvrage, The Persistence of the Color Lme. Racial Polices and the Obama Presidencyw est lom dela célébration convenue de l'avènement d'une société enfin post-raciale. Au contraire, il y souligne

combien cette question raciale, irrésolue, a jalonné la campagne d'Obama Plus encore, il suggère

qu'un sous-texte raciste motive l'essentiel des adversaires du président. Maîs son retournement poli-tique est plus flagrant encore lorsqu'il condamne les conservateurs noirs qui critiquent la politiqueà'affirmative action ll dit d'ailleurs qu'il ne prendrait plus, aujourd'hui, la défense de Clarence Tho-mas. Plus étonnant encore, il raille la timidité voire le cynisme d'Obama sur les questions raciales,

comme s'il fallait que ce dernier s'affirmât plus résolument «noir». Le gauchissement inattendu de

son discours est confessé à demi-mot par Randall Kennedy dans le long entretien qu'il accorde à la

chaîne de télévision Cable-Satellite Public Aff a i rs Network (C-SPAN), en 2012 : «J'ai beaucoup souhaitéet écrit que la race ne soit plus le marqueur essentiel de nos sociétés; j'ai longtemps rejeté les affi-

liations et les solidarités raciales et je l'ai écrit Je ne le réécrirais pas. J'étais très individualiste,aujourd'hui je me sens obligé par un devoir de solidarité raciale, celui du race man. J'ai un conflit

interne, une contradiction entre mes deux inclinaisons Mon individualisme a prévalu au nom del'amour qui ne voit pas la race. Je le croîs toujours maîs dans d'autres contextes. J'ai des contradic-

tions que j'essaie de dépasser dans mes écrits Je suis un race man en transition, en négociation. »Randall Kennedy n'est décidemment jamais où on l'attend.

1 Comme le fera Barack Obama à Columbia2 « Liberal « est entendu ici dans le sens americain, liberal signifiant progressiste, favorable au parti démocrate, voire a son aile la plus gauchisante3 Le mouvement des Cunca!Legal Studies entendait justement reformer l'enseignement du droit qui n'était selon ses militants que la grille de lecture machiste

et raciste de l'homme blanc Voir Gary Kamiya «Young Obama on display» Salon, 9mars20124 Randall L Kennedy, «Racial Critiques of Legal Academia»,//afvarrfZaw/7ewei<v juin 19895/te Crime, andtheiaw Vintage Books 19976 Militants célèbres des droits civiques des Noirs et pourfendeurs du racisme blanc Jesse Jackson fut candidat à l'investiture démocrate en 1984 et 19887 Pantheon Books, 2002

'Sellnut The Publics of Racial Betrayal Pantheon Books 20089 Publie par Pantheon Books

'"Idem, 2011

Randall Kennedy enseigne le

droit à l'Université de Harvard.

Reconnu comme l'un des experts

de la question raciale aux États-

unis, il est l'auteur de livres

à la fois érudits, polémiques et

engagés sur la question de la

discrimination dans la sociéte

américaine Son dernier ouvrage

porte sur la persistance, dans

l'Amérique d'Obama, de ces

problématiques

Randall Kennedy est membre

des barreaux du District de

Columbia et de la Cour suprême

des États-Unis, de l'Académie

américaine des arts et des

sciences etde l'Association

américaine de philosophie.

RANDALL KENNEDYPORTRAIT OF AN UNANTICIPATEDBLACK INTELLECTUALSYLVIE LAURENT

Randall Kennedy's 2003 book Nigger: The Strange Career of a Troublesome Word was a milestone inAfrican-American historiography. With that publication what had seemed to be the conventional careerpath of this Harvard law professer unexpectedly veered off track.

Bom in the racist South (South Carohna) where Black people were forbidden to drink fram the same water

fountainsaswhites, Randall Kennedy emancipated himself fram racismand hisown rage by pursumgan

education and becommg a brillant student in majonty-white schools (the private school St Albans inWashington, followed by Princeton) where he was tramed in the kind of thmking that soon seemed to hlm

to be most conducive to his quest for balance and reconciliation: law A recognized jurist, he was one of

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THE tfSjtOF TKEN VtoRJ>Bf «WIC PEOPtE'IS

Dessin publie sut/pub/ishedon www blackcommentator com

the few African-Amencans to penetrate into the law's mner sanctum, Harvard Law School ln 1984 hebecame a faculty member of that esteemed institution, where his teachmg addresses racial issues andAmerican law1 Mis many prestigious publications made his position all the more secure as heenjoyed theunammous admiration of his peers

But the 2002 publication of what was to become his best-known book because of its sandal-provokmgmle—N/gger The Strange Career of a Troub/esome Word brought about a radical change in the trajectoryhis life had followed up to that point Mis provocative study of this infamous word that is so offensive to blackears earned hlm a réputation extendmg far beyond the walls of academe, but at the same time alienatedhlm from much of the African-Amencan upper crust Kennedy thus threw his polemical bat into the ringof Amenca's debate about race and found himself labeled an apostle of conservatism This original tension,or perhaps dialectic bas in tact, marked his entire career an alternation between two (what he would consi-der complementary) rôles, a profound and academie reflection on the racial logics at work in Americansociety (incarcération, the électoral process, adoption, interracial relationships), on the one hand, and onthe other self-avowed incursions into intellectuel controversies that have never intimidated hlm ln thisregard he is one of contemporary America's most stimulatmg intellectuels, cheerfully breaking with the sté-réotype of the "liberal"3 African-Amencan academie "who owes somethmg to his community "

When Kennedy began his university career the wounds left by the cultura! wars of the 1960s were stillbleeding ln the early 1990s American college campuses, especially law schools, were wracked byviolent racial polemics, with debate ragmg around "multiculturalism" and its application to academia Fromcoast to coast représentatives of minorities (beth ethnie and sexual) called for the de-centenng of teachmg,whichthey considered a pnsonerof the logic of white male domination They demanded not only the crea-tion of multicultural academie depaciments (African-Amencan, femmist, gay and lesbian studies), but alsothe recruitment of professors reflecting the diversity of American society Some people argued that thereis a way of seeing the world and of teachmg that is particular to académies of color, and that the promo-tion of that outlook should extend to the farthest reaches of the university, even the most entrenched bas-tions of conservatism Law schools are iconic of this elitist conservatism,4 and Harvard's hirmg of Kennedyshould be seen in that light He immediately disassociated himself from this ' racialized" view of compe-tence and the multicultural imperative ln a 1989 article in the Harvard Law Review he lambasted the pro-ponents of this thesis and instead advocated a "colorblind" humanism, proclaiming that all of their

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arguments based on the effects of discriminationwere unfounded, especially the daim that the pre-sence of représentatives of minorités adds intel-lectuel value 5 This diatribe immediatelypositioned hlm as a member of the conservativecamp, and worse, as guilty of disloyalty to hisrace ln the U S such people are often labeled"sellouts," and Kennedy, who often faced thiscruel accusation was to write a book about itsconnotations, the 2008 Sel/out The Polit/cs ofRacial Betrayal

Mis first book, Race, Crimeandthe Law,6 publi-shed a décade earher, is an implacable denuncia-tion of the harmful mechanisms that resuit in astatistical overrepresentation of men of color inthe American prison system Some 15 yearsbefore the murder of Treyvon Martin, ne arguedthat the high percentage of black men amongthose mcarcerated in America (44 percent areblack, even though African-Americans are only12 percent of the country's total population) is due to a policy of excess sentences for urban delmquency,which is itself Imked to a paranoid and deliberately stoked fear of African-Amencan men This book wonKennedy the Robert F Kennedy Book Award and a réputation asa thoroughly progressive academie, a pio-neer in the denunciation of the persistance of racism in the U S But hère, toc, his approach brake withthe shrill mihtancy of those like Jesse Jackson and Al Sharpton6 who accuse every white police officer ofbemg a racist in uniform Instead, he starts out by recognizing that black men commit proportionately morecrimes that white men, so that a certain degree of discrimination in arrests can be considered "rational "But having said this, he demonstrates that this discrimination is actually harmful, not just for African-Americans but for the American judicial system as a whole, smce black people's increasing bitternessabout penal injustice and unpunished police brutahty undermines national cohesion Without the shgh-test concession to the "black pride" or "black rage" of those times, Kennedy advocated racial indistinc-tion and, in short, pleaded for a post-racial society A generation ahead of his time, the price he often paidfor his modération was to be pilloned by the black intelligentsia

The latter expressed its disapproval and hurled invectives on two signal occasions in Kennedy's auda-cious intellectuel life, the publication o\Nigger TheStrange Careerofa Troublesome Word,1 his best-knownbook, in 2002, and, six years later the publication of Sellout8 Nigger offers a brillant and pioneenng aca-demie analyse of a taboo word, a synonym for oppression and humiliation for Af rican-Amencans Whilethe quality of the book's scholarship is unquestionable, many were shocked by the use of this stigmati-zing word on its cover, opening a public debate about two syllables often judged unspeakable today Goingagamst the tide, in this essay Kennedy offered a dispassionate and constructive reflection on how to moveforward towards racial harmony, refusmg to diabolize the "n-word" that in reality is rich in ambivalenceand ambiguity, as literature, comedy, and music have so amply demonstrated Mis centnsm on such apolemical topic once sgam brought down radical thunderbolts on his head Among other thmgs, he wasaccused of sensationalism and racial demagoguery Even Harvard colleagues condemned hlm

The most remarkable thmg is that despite the virulence and injustice of these attacks Kennedy has pur-sued his association with overtly progressive publications such as The Nation, Dissent and The AmericanProspect, unabashedly defining himself as a leftist intellecîual without that meaning that he can't take posi-tions rather différent than what one might expect fram a black liberal intellectuel When in his 2008 bookhedefendedthescorned Suprême Court judge Clarence Thomas onceagam it was controversial ln theeyes of many people of color, Thomas's hostility to affirmative action, even though he himself incontes-tably benefitted from it, made hlm the very incarnation of a "traiter to his race"—a sellout But Kennedy

argues that this msulting epithet should not be applied to Thomas, on the grounds that the justice has theright to défend conservative views, no matter how much that might displease advocates of an indivisibleblack cause ln this sensé, Kennedy was rejecting the argument of disloyalty to which he, toc, has fallenvictim throughout his career As a freethmker, Kennedy refuses to keep silent about the errancy and dis-cursive prisons into which African-Americans lock themselves when they discrimmate agamst each

Randall Kenedy sur OSRAM, mars

2012 On c-SPAti, March 2012

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other and level accusations of treason against these blacks whose social successorcntical spirit displeases

the majonty

RACIAL RADICALISMlt would not be an exaggeration to see Kennedy's work and career as a harbmger of Ba rack Obama's arri-

vai on the American pohtical scene The president shares the professor's quest for racial consensus and

taste for argumentation that seeks not the ostracism of others but a kind of national réconciliation Like

Kennedy, Obama taught law and racial issues and laft his mark on the Harvard Law School, the two men

share views on affirmative action as well as the penal system And when the Démocratie candidate pubh-

cly brake with his pastor Jeremiah Wright dunng the 2008 présidentiel campaign, Obama rehearsed the

often-repeated rupture between Kennedy and his progressive colleagues A Cassandra, Kennedy had

denounced the dodgy debates and sweepmg judgments about black "authenticity " about whetherthere

was "enough or not enough" Afncan-American représentation, about loyalists and traitors, and all the

binary polemics that the future president of the United States would find strewn along his path fram the

earhest days of his career When, in his 2003 book Interracial /ntimac/es Sex, Marnage, Identity, andAdop

ton 9 he defended the constitutional right of children to be adopted without the color of their potentiel

parents being taken into account, he was standing up for the interracial familles of which Obama is the

most spectacular example

But it seems that in evaluating Afncan-American progress (or not) through the Obama presidency,

Kennedy has tired of seekmg consensus and now leans toward a greater racial radicalism, one, in fact,that he had challenged throughout his career Mis latest book, The Persistance of the Color Line Racial

Pollues and the Obama President/,™ is far from a conventional célébration of—at last—a postracial

society On the contrary, he emphasizes how much the unresolved racial question dogged Obama's

campaign Further, hesuggested that most of the opposition to the president is dnven by a racistsubtext

But his pohtical voile face is even more strikmg in that he now condemns black conservatives who cnticize

affirmative action polices He even says that today he would no longer rise to the defense of Clarence

Thomas Still more astonishing, he rails against Obama's timidrty and even cynicism regarding racial

issues as if the lalter were obliged to more resolutely affirm his "blackness "

Kennedy himself imphcitly confesses to this unexpected leftward shift ina long interview on the C Span

W network n March 2012 " The interviewer asks hlm to revisit his words in InterracialIntimacies where

he wrote that he was "skeptical of, if not hostile toward, claims of racial kinship, the valonzation of racial

roots, and polices organized around concepts of racial identity I am a liberal individual^ who yearns for

a society in which race has become obsolète as a significant social marker

Randall replies, "You are picking portions of my book which I would probably revise I don't think Iwould wrrtp that sentence agam l'm confhcted I have strongly individualiste aspects but I also am a race

man I also am a person who dees have feelmgs of racial kinship and racial responsibihty and racial soli-

danty That's something of a struggle withm me and withm my writmg ln some contexts I push fur-

ther in one direction and in some contexts I push further harder in another But beth of these impulses

are very much with me I rn a transitional race man '

For sure, Randall Kennedy is never where you expect hlm to be

Translation L-S Torgoff

Randall Kennedy teaches law

at Harvard Recogmzed as an

expert on racial issues in the U S,

his books are at once erudite,

provocative and engaged on

matiere of discrimination in

American society The latest

examines the way these issues

continue to info™ Obama's

America Heisamemberofthe

bars in the District of Columbia

and of the Suprême Court of the

United States, the American

Academy of Arts and Science,

and the American Philosophy

Association

Nigger TheStrangeCareerofa

Troublesome Word, Pantheon,

2002

Interracial Intimacies Sex,

Marnage, Identity ani! Adoption,

Pantheon, 2003

Sellout JJie Pollues o f Racial

Betrayal, Pantheon, 2008

The Persistance of the Colofiine

Racial Poli tics and the Obama

Presidency, Pantheon, 2011

(1| As Ba rack Obarna was to do at Columbia

(2) Hère I use liberal in rts newest American sensé a progressive favorable to the Démocratie Party and even rts most left w ng

(2| The Crrtical Legal Studies movement sought to reform this field considérée! one where the law tended to be seen through the sexist and racist eyes of the

white man See Gary Kamiya Young Obama on display Salon March 9 2012

(4) Randall L Kennedy Racial Critiques of Legal Academia Harvard Law Review dune 1989 pp 17451819

(5]Race Crime andtheLaw Vintage Books 1997

(6l Well known Afr can American politiciens who often denounce white racism Jackson was a candidate for the Démocratie Party s president al nomination in

1984 and 1988

(7| Pantheon Books 2002

CS\Seltout The Pollues of Racial Betrayal Pantheon Books 2008

(9)Pantheon Books

(10) Pantheon Book

(11 ) www e spanvideo org/program/RandallftshowFullAbstract-l