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La langue kaliânaOdile Renault-Lescure
To cite this version:Odile Renault-Lescure. La langue kaliâna. Renault-Lescure, O. & Goury, L. Langues de Guyane,Vents dâailleurs/IRD Editions, pp.66-77, 2009, Cultures en Guyane. ïżœhalshs-00718574ïżœ
RĂPARTITION GĂOGRAPHIQUE
En Guyane dans la rĂ©gion cĂŽtiĂšre, commune dâAwala-Yalimapo, Coswine et partiellement dans dâautres communes de lâOuest : Mana, Saint-Laurent (Terre-Rouge, Village-Pierre, EspĂ©rance, Paddock, ProspĂ©ritĂ©), Iracoubo (Bellevue-Yanou, DĂ©grad Savane, habitat dispersĂ© dâOrganabo), ainsi que dans lâagglomĂ©ration cayennaise et Ă Kourou.Ailleurs le kaliâna est la seule de toutes les langues amĂ©rindiennes Ă ĂȘtre parlĂ©e sur le territoire de cinq Ătats diffĂ©rents : Venezuela, Guyana, Suriname, Guyane française et BrĂ©sil1.
NOMBRE DE LOCUTEURS
En Guyane la population kaliâna peut ĂȘtre estimĂ©e Ă 4 000 personnes. Le nombre de locuteurs est toutefois quelque peu infĂ©rieur au nombre de personnes, certaines familles ayant adoptĂ© une des langues de contact pour leur usage exclusif.Ailleurs on compte 11 500 Kaliâna au Venezuela, dont 30 % de locuteurs seulement (recensement de 1992) ; 3 000 Kaliâna au Guyana, dont 80 % de locuteurs ; et 3 000 au Suriname, dont 50 % de locuteurs (J. Forte, 2000). Une trentaine de locuteurs sont dĂ©nombrĂ©s au BrĂ©sil. Le nombre total de Kaliâna doit se situer entre 20 000 et 25 000 personnes.
AUTRES NOMS
Galibi est le nom attribuĂ© aux Kaliâna et Ă leur langue dĂšs le dĂ©but de lâĂ©poque coloniale par les Français. Son usage tend Ă disparaĂźtre aujourdâhui pour ĂȘtre remplacĂ© par celui de lâautodĂ©nomination Kaliâna, qui signifie Ă©galement « homme, ĂȘtre humain ». T lewuyu2 : les Kaliâna de Guyane française et de lâEst du Suriname se dĂ©signent ainsi par opposition aux
Kaliâna du Centre et de lâOuest du Suriname appelĂ©s Mulato ou Kapukulu3. Dans les autres pays : Cariña au Venezuela, Caribs au Guyana, KaraĂŻben ou Kariâna (Karihna, Karinya) au Suriname, GalibĂ au BrĂ©sil. Attention aux confusions : â galibi fait parfois rĂ©fĂ©rence Ă une lingua franca issue du kaliâna, utilisĂ©e le long de la cĂŽte guyanaise comme langue de traite et attestĂ©e jusquâau xxe siĂšcle.â les GalibĂ Marwono du Nord de lâAmapĂĄ ne sont pas kaliâna et parlent une variante du crĂ©ole guyanais ;â caraĂŻbe dĂ©signe la langue parlĂ©e Ă la Dominique et dĂ©crite par le pĂšre Raymond Breton au xviie siĂšcle, langue arawak longtemps considĂ©rĂ©e comme caribe ; pour Ă©viter toute ambiguĂŻtĂ© on lâappelle aujourdâhui le caraĂŻbe des Ăźles ; â caraĂŻbe a Ă©tĂ© utilisĂ© pour dĂ©signer le kaliâna dans la traduction française de lâouvrage nĂ©erlandais intitulĂ© Encyclopaedie der Karaiben (EncyclopĂ©die des CaraĂŻbes4).
1. Les GalibĂ du BrĂ©sil ont Ă©migrĂ© de la rĂ©gion de la basse Mana, Guyane française, il y a plus dâune cinquan-taine dâannĂ©es.2. DâaprĂšs Berend Jacob Hoff, ce terme dĂ©signerait « les gens de la loutre » dans une langue caribe voisine, le tiriyo, The Carib Language, phonology, morpho-nology, morphology, texts and word index, La Haye, Nijhoff, 1968.3. Cf. le sranan tongo kaboegroe « mĂ©tis de Noir et dâIndien (dâInde), de Noir et de MĂ©tis, de Noir et dâAmĂ©r-indien », hollandais karboeger, Odile Renault-Lescure, Ăvolution lexicale du galibi, langue caribe de Guyane, Paris, ORSTOM TDM F16, (accompagnĂ© dâun lexique thĂ©matique), 1985.4. Wilhelmus G. Ahlbrinck, Encyclopaedie der Karaiben, Amsterdam, Verhandelingen der Koninklijke Akademie van Wetenschappen, 1931, traduction française Doude van Herwijnen, LâEncyclopĂ©die des CaraĂŻbes, Paris, Institut gĂ©ographie national, 1956, 544 p.
Mana
Kour
ou
Mar
oni
Barrage duPetit Saut
Sinn
amar
y
o c Ă© a n A t l a n t i q u e
Iracoubo
Mana
SinnamarySinnamary
St-Laurent-du-Maroni
St-Ălie
Macouria
Kourou
MontsinneryMontsinnery
N
25 km
Village Javouhey
PaddockPaddock
Prospérité
Village PierreTerre Rouge
Espérance
Village PierreTerre-Rouge
Espérance
Village Indien
DĂ©grad Savane
Bellevue-Yanou
Organabo
AwalaYalimapo
Coswine
0 m
100
200
Altitudes
Fleuve, riviĂšre
Commune
Village
PrĂ©sence de la langueparmi dâautres
FrontiĂšre
Route
N
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ngue
kal
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© IR
D 2
009
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La langue
kaliânaOdile Renault-Lescure
Les Kaliâna de Guyane française, ou Kaliâna orientaux, font partie dâun impor-tant peuple caribe localisĂ© au Venezuela, le long du bas OrĂ©noque et sur les mesas de lâĂtat dâAnzoategui, et le long des plaines cĂŽtiĂšres des Guyanes. Originaires du Roraima, ils Ă©taient dĂ©jĂ installĂ©s sur les cĂŽtes guyanaises et faisaient alors partie dâun rĂ©seau dense de relations interethniques lorsquâils entrĂšrent en contact dĂšs le xvie siĂšcle avec les EuropĂ©ens1. Espagnols, Hollandais, Portugais et Français furent les principaux colonisateurs que les Kaliâna eurent Ă connaĂźtre et distinguer les uns des autres pour dĂ©finir leurs stratĂ©gies dâalliance, avant quâils ne soient ensuite en contact avec de nouvel-les sociĂ©tĂ©s de CrĂ©oles et de Noirs marrons.
EncadrĂ©s par les jĂ©suites, puis Ă la fermeture des missions, oubliĂ©s de la colonie, les Kaliâna sâĂ©loignĂšrent en partie de la Guyane et de son bagne. Avec la rĂ©duction de leur territoire, la dĂ©gradation de la forĂȘt et des ressources tirĂ©es de la chasse, les Kaliâna orientaux sâorientĂšrent plus spĂ©cifiquement vers lâexploitation des zones cĂŽtiĂšres, des estuaires et de la mer.
AprĂšs un dĂ©clin dramatique de leur population et leur repli (estimĂ©s Ă 5 500 au dĂ©but du xvie siĂšcle, en 1848, on ne comptait plus que 250 Kaliâna en Guyane2), les Kaliâna ont remontĂ© la pente dĂ©mographique et ont rĂ©investi la Guyane. Puis ils se sont adaptĂ©s au contact, tout en revendiquant fortement depuis les annĂ©es 1980 leurs terres, leur identitĂ©, leurs droits linguistiques.
Langue des cĂŽtes guyanaises, le kaliâna a donc Ă©tĂ© trĂšs tĂŽt en contact avec les langues europĂ©ennes et a rapidement suscitĂ© lâintĂ©rĂȘt des colons, en particulier des missionnaires qui en ont rĂ©digĂ© les premiers abrĂ©gĂ©s de
1. Voir Pierre Grenand et Françoise Grenand, Les AmĂ©rindiens, des peuples pour la Guyane de demain, op. cit. Berend Jacob Hoff, « Language Contact, War, and Amerindian Historical Tradition. The Special Case of the Island Carib », in Wolves from the Sea: readings in the Archaeology and Anthropology of the Island Carib, Ed. Neil L. Whitehead, Leiden, KITLV-Royal Institute of Linguistics and Anthropology, 1995.2. Pierre Grenand et Françoise Grenand, « Les AmĂ©rindiens de Guyane française aujourdâhui. ĂlĂ©ments de comprĂ©hension », Journal de la sociĂ©tĂ© des amĂ©ricanistes, tome LXVI, 1979.
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grammaire et lexiques. Ainsi dispose-t-on de documents anciens3 et de la possibilitĂ© dâobserver certaines varian-tes et changements linguistiques. Les prononciations palatalisĂ©es* des consonnes, par exemple, si caractĂ©ris-tiques aujourdâhui de la langue (voir ci-dessous la partie « Phonologie et Ă©criture ») ne semblent faire leur appa-rition que progressivement Ă partir du xviie siĂšcle.Les consonnes s, n et k, par exemple, apparaissent dâabord dans ces textes
avec les prononciations [ ], [ ] et [k], ce qui donne dans lâorthographe fran-çaise utilisĂ©e :
cassiri bouillie de manioc (traduction du xviie siÚcle pour désigner la biÚre de manioc)
siricco Pléiadescalina Indien
puis on voit progressivement apparaĂźtre des prononciations palatalisĂ©es* :cachiri â sirikia â carigna.
Les variations* et les changements semblent aujourdâhui plus importants. En effet, lâisolement progressif des diffĂ©rents groupes les uns par rapport aux autres, les contacts de plus en plus Ă©troits avec les diffĂ©rentes langues vĂ©hi-culaires et officielles contribuent Ă Ă©largir cet Ă©cart. Tous les domaines de la langue sont concernĂ©s, phonologique et morphosyntaxique, mais le phĂ©no-mĂšne est plus facile Ă observer dans le lexique. Quelques emprunts, dont certains datent du xixe siĂšcle, illustreront cette tendance :
Venezuela(emprunts
Ă lâespagnol)
Suriname/Guyane (ouest)
(emprunts au sranan tongo)
Guyane (est)(emprunts au créole
guyanais)
Traduction(en français)
peetoroorio (petroleo) kalasinoli (karsinoli) sis (chis) pétrole
kerejsha (iglesia) keleke (kerki) legliz (legliz) Ă©glise
vojaro (fĂłsforo) suwapulu (swafru) alimet (alimĂšt) allumette
paññuweero (pañuelo) ank sa (hangisa) muchwÚ (muchwÚ) mouchoir
sevoyya (cebolla) ayunu (ajun) zognon (zongnon) oignon
Ce livret de lecture en français, Ă©crit par S. Charpentier-Vianes et illustrĂ© par G. Lendi, a Ă©tĂ© publiĂ© en 1956 par le Service des populations africaines et indiennes. Koki est le terme utilisĂ© par les parents et les aĂźnĂ©s pour sâadresser Ă leurs fils et petits frĂšres ou Ă de jeunes enfants.
3. Pierre Pelleprat, Relation des missions des pĂšres de la compagnie de JĂ©sus dans les Ăźles et terres fermes de lâAmĂ©-rique MĂ©ridionale ; DivisĂ©e en deux parties avec une introduction Ă la langue des Galibis sauvages de la terre ferme de lâAmĂ©rique, Paris, SĂ©bastien Cramoisy, 1655.Antoine Biet, Voyage de la France Equinoctiale en lâIsle de Cayenne, entrepris par les Français en lâannĂ©e MDCLII, avec un dictionnaire de la langue du mesme paĂŻs, Paris, F. Clouzier, 1664.
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Les notations du kaliâna dans les textes coloniaux se servent des conven-tions graphiques des langues europĂ©ennes. Ă partir du xixe siĂšcle, une approche plus scientifique de la langue entraĂźnera lâutilisation de signes phonĂ©tiques.
Plus rĂ©cemment, en sâappuyant sur les travaux scientifiques, des associa-tions kaliâna ont conduit des travaux visant Ă Ă©laborer une Ă©criture pratique, propre Ă ĂȘtre utilisĂ©e au sein de lâĂ©cole et Ă donner des outils pour permettre le dĂ©veloppement des usages de la langue. En 1997, ces travaux se sont concrĂ©-tisĂ©s dans une proposition de graphie adoptĂ©e au cours de la « DĂ©claration de Bellevue ».
Lâalphabet kaliâna comporte les vingt et une lettres suivantes :a, b, d, e, f, g, h, i, , k, l, m, n, o, p, s, t, u, w, y, â
Les conventions graphiques sont prĂ©sentĂ©es ci-dessous. Cette graphie est utilisĂ©e dans les classes kaliâna des Ă©coles dâAwala-Yalimapo et de Bellevue-Yanou. Voici une comptine composĂ©e pour la classe de maternelle4 :
Elo yainalYainal suma melemano
Elo yainalYainal suma sitoya
Elo yainalYainal suma pilitotoyan
Elo yainalYainal suma woiyan
Elo yainalYainal kunuwano
k n âsan lak nkano : « Kolopo tela. »
Ce sont mes mainsMes mains qui te cajolent
Ce sont mes mainsMes mains qui te dorlotent
Ce sont mes mainsMes mains qui te picotent
Ce sont mes mainsMes mains qui te tapotent
Ce sont mes mainsMes deux mains qui gigotent
Qui te font signe et sâen vont en disant :« Bonne nuit. »
La fabrication de la poterie est un art traditionnel que les femmes continuent de pratiquer dans les diffĂ©rents villages kaliâna de Guyane. Travail de la poterie dans un atelier familial, Ă Terre-Rouge, en 2000.
Yainal (Mes mains)
4. Par Gina Louis, mĂ©diatrice culturelle et bilingue de 1998 Ă 2002, Ă lâĂ©cole Yamanale.
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Am kulita pepeito malo wayam tuwolupa man akanunano poko t wekutome.â Akopo takane wa, t ka man wayam pepeito âwaâ Opan kale takane nan, t ka man wayam âwa pepeito.â Ketekun iloke enel se ayaâta. Iwala emam l aâta tele, t ka man wayam pepeito âwa, sekaliâtake oâwa.Paâpolo elo tunakon ken walalo tasakal iâwa tolupa man. Moâko nelo amonen npo elema t waiye man. Pepeito k n âsan, paâpolo wewe paâsan. Kanaulanano naâan :â Owe man se wayanko5 ?â Elo pato wa.Takanenaka iloke na la ! K n âsan naâan pepeito imelo talekulu malo. Kinipoloâsan laâa tuna ken epol po melo.â Owe man hen, wayanko ?â Elopo wa.â Takane lo mana, t ka man, kiwilimai iloke !
Un jour, une tortue avait proposé au vent de le défier à la course.
â Je suis plus rapide que toi, avait dit la tortue au vent.â Quelquâun comme toi pourrait-il ĂȘtre rapide ? avait doutĂ© le vent.â Alors faisons la course, si tu veux voir. Au jour dit, je te ferai signe. Elle avait averti ses pairs de chaque embouchure de riviĂšre, mais elle, elle qui avait lancĂ© le dĂ©fi, elle nâavait pas bougĂ©. Le vent soufflait, il faisait tomber tous les arbres sur son passage. Il demandait et redemandait :â OĂč es-tu donc, madame Tortue ?â Je suis par ici.Elle est bien rapide alors ! se disait le vent qui accĂ©lĂ©rait encore, trĂšs en colĂšre. Il sâarrĂȘtait dĂšs quâil avait trouvĂ© lâembouchure dâune riviĂšre.â OĂč es-tu, madame Tortue ?â Je suis ici.â Tu es vraiment rapide, avait-il conclu, ainsi donc, tu mâas vaincu !
5. Surnom amical.6. Il faut aborder ce rĂ©cit en ayant Ă lâesprit le relief et le climat guyanais : des riviĂšres qui coulent vers le nord, des alizĂ©s qui dans leurs turbulences ont une orientation de lâest vers le nord. Le vent croise alors, le long de la cĂŽte, les embouchures des riviĂšres.
La pĂȘche a toujours reprĂ©sentĂ© une ressource importante pour les Kaliâna, Ă©tablis sur le littoral et dans les estuaires des riviĂšres de Guyane. La pĂȘche au filet (le mot sipi « filet » a Ă©tĂ© empruntĂ© au sranan tongo) est pratiquĂ©e Ă bord de pirogues monoxyles propulsĂ©es par des moteurs hors-bord depuis de nombreuses annĂ©es.
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Phonologie et Ă©critureLe systĂšme phonologique du kaliâna comporte dix-sept phonĂšmes* prĂ©sentĂ©s ci-dessous avec leurs Ă©quivalents graphiques.
Les voyelles / /, / /, / /, / /, / /, / / Ă©crites a, e, i, , o et u .
Les consonnes / /, / /, / /, / / Ă©crites p, t, k, â. / /, / / Ă©crites m, n. / /, / / Ă©crites s, h. / / Ă©crite l. / /, / / Ă©crites w, y.
De nouvelles consonnes sont apparues, au début des mots, avec les emprunts, en particulier au sranan. Plus ou moins intégrées dans le systÚme, elles sont prises en compte dans la graphie : b, d, g, f.
Lâalphabet nâa que deux lettres inconnues en français :â se prononce un peu comme le [ ] (ou de cou) mais en Ă©tirant les lĂšvres comme pour prononcer [ ] (i de riz).
â â reprĂ©sente une consonne dont la prononciation varie entre un coup de glotte [ ] (ce que lâon entend en français lorsquâon prononce la hache avec un arrĂȘt entre lâarticle et le nom [ ]) et une lĂ©gĂšre aspiration ou un allongement de la voyelle. Elle permet dans ce cas de distinguer des mots comme oâwa Ă toi et owa corde de hamac.
Lâapostrophe indique aussi dans la graphie une chute de syllabe, comme dans kinipoloâsan il sâarrĂȘtait, verbe conjuguĂ© dont le radical plein est polop sâarrĂȘter. Elle permet dans ce cas-lĂ de diffĂ©rencier de nombreux mots (eneko regarde-le !, impĂ©ratif du verbe ene voir, et eneâko apporte-le !, impĂ©ratif du verbe enep apporter).
Trois lettres ont des valeurs diffĂ©rentes de celles quâelles ont en fran-çais : e est une voyelle qui se prononce gĂ©nĂ©ralement comme le Ă© français de Ă©tĂ© ; u se prononce toujours comme ou français dans cou ;
CARACTĂRISTIQUESLINGUISTIQUES
kaliâna
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h est une consonne aspirĂ©e (comme en anglais) rencontrĂ©e surtout dans des interjections, comme dans :Owe man hen, wayanko ? OĂč es-tu donc,
madame Tortue ?Les autres lettres vont se prononcer approximativement comme en français, s comme s de sel, w comme w de watt et y comme y de voyage.
Mais dans certains contextes, les rĂšgles de prononciation prĂ©sentent des diffĂ©-rences importantes avec le français. Voici les phĂ©nomĂšnes marquants : â la palatalisation* qui entraĂźne une modification rĂ©guliĂšre des consonnes dans le voisinage de i : imelo trĂšs m se prononce comme mi dans miel yainal mes mains n se prononce comme gn dans signal sitoya je le tapote s se prononce [ ], approximativement
comme ch dans chinois, et t [ ], approxi-mativement comme tch dans tchao ;
â la sonorisation* de p, t, k dans certains contextes1 : takane rapide k se prononce [ ] comme dans garçon k nkano elles disent k se prononce [ ] comme dans garçon kolopo tela Ă demain t se prononce [ ] comme dans dĂ©chet ;
â la nasalisation* de voyelles au voisinage de consonnes nasales* : suma quelquâun a se prononce comme an dans danse.
Du fait des migrations et des contacts interlinguistiques, de nom-breuses variations de prononciation existent (entre locuteurs de diffĂ©rents villages, dâĂąges diffĂ©rents, etc.), par exemple celles de la consonne l dont la prononciation varie entre un battement comme le r de lâespagnol cara visage, un [l] comme lâinitiale du français lampe, et un [ ] ou un [ ], prononcĂ©s comme un l avec la langue retournĂ©e contre le palais. Les mots sont structurĂ©s en syllabes, gĂ©nĂ©ralement consonne-voyelle, parfois terminĂ©es par une consonne nasale* ou la glottale Ă©crite â. Les groupes de consonnes sont rares, sauf ceux qui se composent dâune nasale* + p, t, k, dans lesquelles les consonnes se prononcent res-pectivement [ ], [ ] et [ ], comme dans k nkano ] elles disent. Les successions de deux voyelles sont frĂ©quentes.
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1. Ces contextes semblent liés à des phénomÚnes prosodiques, à des variantes personnelles ou dialectales.
Tortue wayam façonnĂ©e par Theresia Langaman, Ă Galibi, en 2000 ; figurine aujourdâhui conservĂ©e au MusĂ©e national de CĂ©ramique Ă SĂšvres.
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2. Voir Ă©galement Ă ce sujet lâarticle sur le teko, langue oĂč elles jouent le mĂȘme rĂŽle.
Dans les mots empruntés, la langue reconstruit son propre schéma syllabique : un mot comme le créole triko est adapté sous la forme tiliko tee-shirt, ou comme le sranan tafra sous la forme tapala table.
Certains mots et affixes changent de forme lorsquâils se combinent. TrĂšs nombreux et caractĂ©ristiques de la langue, ces changements de forme sont dus Ă des phĂ©nomĂšnes divers, comme le montrent les exemples ci-dessous. Modification de la prononciation dâune consonne ou dâune voyelle
au contact dâun phonĂšme* voisin : on relĂšve dans les textes, par exem-ple, trois verbes prĂ©cĂ©dĂ©s dâun mĂȘme suffixe* de troisiĂšme personne.Si le verbe commence par une consonne, le prĂ©fixe* de troisiĂšme per-sonne est kini- : kinipoloâsan il sâarrĂȘtait.Mais si le verbe commence par une voyelle, alors celle du prĂ©fixe* sâassimile Ă elle, comme dans les exemples suivants : kunuwano il danse : le prĂ©fixe* de troisiĂšme personne est kun-
parce que le verbe uwa danser commence par u ; kanaulanano il demandait : le préfixe* de troisiÚme personne
est kan- parce que le verbe aulana demander commence par a.
Contraction de deux voyelles : dans talekulu malo, littérale-ment avec sa propre colÚre, la syllabe ta- est le résultat de la contrac-tion de t - (troisiÚme personne réfléchie = sa propre) et de la voyelle o- du nom oleku colÚre : t - + o = ta .
Chute dâune syllabe, comme dans les exemples donnĂ©s plus haut : eneâko apporte-le !, impĂ©ratif du verbe enep apporter.
ĂlĂ©ments de grammaireClasses de mots et formation des motsLe kaliâna a des noms, des pronoms, des verbes, qui correspon-dent Ă peu prĂšs aux mĂȘmes classes de mots du français, une classe parti culiĂšre dâadjectifs (souvent plutĂŽt classĂ©s comme des adverbes par les lin guistes), mais pas dâarticles, et des postpositions*, dont le fonctionnement pourra parfois surprendre des francophones. Il existe aussi un grand nombre de particules*2 de fonctions diverses qui forment une des difficultĂ©s de lâabord de cette langue.
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Les mots sont souvent assez longs. Ă cĂŽtĂ© de mots simples, comme kulita jour, la langue prĂ©sente frĂ©quemment des mots construits Ă partir dâune seule racine combinĂ©e avec un certain nombre de suf-fixes*. Par exemple : amonen npo, littĂ©ralement : la personne qui a commencĂ© quelque chose dans le passĂ© (amo commencer, -nen suffixe* qui permet de transformer le radical verbal en nom et dĂ©signe lâagent, - - voyelle de liaison, -npo suffixe* de passĂ©). Certains de ces mots peuvent Ă eux seuls former une phrase com-plĂšte, comprenant les marques* de personne, le radical verbal et une marque* de conjugaison : kiwilimai tu mâas vaincu (ki- est la marque* de la premiĂšre personne objet, la deuxiĂšme personne sujet Ă©tant implicite, wilima est un radical verbal, -i est une marque* de parfait).
Structure des phrasesLes phrases peuvent ĂȘtre constituĂ©es dâun seul mot comme dans lâexemple ci-dessus, de deux mots, comme dans les Ă©noncĂ©s Ă verbe ĂȘtre : elopo wa (je suis lĂ ). lĂ je suis
Elles peuvent aussi comporter : â un sujet : pepeito k n âsan ; le vent il soufflait
â un objet : paâpolo wewe paâsan ; tous les arbres (il) jetait Ă terre
â un ou plusieurs groupes circonstanciels : akopo takane wa (je suis plus rapide que toi). toi par-dessus rapide je suis
am kulita pepeito malo wayam tuwolupa man un jour vent avec tortue (elle) avait parlé
(un jour, la tortue avait parlé avec le vent).
Ordre des mots Lâordre prĂ©fĂ©rentiel est sujet-objet-verbe, mais il peut varier pour mettre en relief certains Ă©lĂ©ments de la phrase. En revanche, plusieurs groupes de mots prĂ©sentent des ordres fixes : â le groupe complĂ©ment dâobjet-verbe comme dans lâexemple ci-dessus paâpolo wewe paâsan ;
La la
ngue
kal
iâna
La la
ngue
kal
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â le groupe de possession (possesseur-possĂ©dĂ©, partie dâun tout) comme dans : tuna ken (embouchure de riviĂšre) ; riviĂšre embouchure
â le groupe formĂ© dâune postposition* prĂ©cĂ©dĂ©e du nom : pepeito malo (avec le vent) ; vent avec
â câest aussi le cas de la construction Ă verbe ĂȘtre vue plus haut : elopo wa (je suis ici). ici je suis
Le locuteur francophone pourra ĂȘtre dĂ©routĂ© par ces structures qui prĂ©sentent presque systĂ©matiquement un ordre inverse de celui quâil connaĂźt dans sa propre langue, mais qui sera familier pour un locu-teur de langue tupi-guarani ou dâune autre langue caribe.
Pronoms et prĂ©fixes* de personneLe kaliâna distingue cinq pronoms : premiĂšre personne : moi ; deuxiĂšme personne : toi ; premiĂšre personne inclusive (nous) : moi + toi ; troisiĂšme personne : lui, elle ; premiĂšre personne exclusive (nous) : moi + un ou plusieurs autres, mais pas toi.
Pronoms personnels1 awu2 amolo1 2 k âko3 animĂ© moâko1 3 naâna
Grammaticalement, ces personnes sont « singulier », y compris celles qui dĂ©signent plusieurs individus (comme le on du français). Ă la troisiĂšme personne, le pronom personnel ne prĂ©sente pas de formes diffĂ©rentes suivant le genre, car celui-ci nâexiste pas en kaliâna. En revanche, il offre plusieurs formes selon quâil dĂ©signe un ĂȘtre vivant (ou animĂ©) comme dans moâko ci-dessous, ou une entitĂ© inanimĂ©e (comme dans elo ci-dessous), visible ou non, plus ou moins proche ou lointaine, dans le temps ou lâespace (voir Ă©galement le chapitre sur le wayana) : moâko nelo amonen npo elle, elle qui avait lancĂ© le dĂ©fi elo yainal ce sont mes mains (littĂ©ralement elles, mes mains)Les pronoms personnels ne sont pas frĂ©quemment utilisĂ©s. En revanche, les prĂ©fixes* de personne sont obligatoires sur les verbes et les noms possĂ©dĂ©s, et le plus frĂ©quemment utilisĂ©s avec les post-positions*.
La la
ngue
kal
iâna
La la
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kal
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Les huit prĂ©fixes* verbaux aux formes variables indiquent :â le sujet ou le complĂ©ment dâobjet direct des verbes transitifs : kiwilimai je tâai vaincu (ki- premiĂšre personne, ici la deuxiĂšme personne est implicite) ;â ou le sujet des intransitifs : kinipoloâsan il sâarrĂȘtait (kini- troisiĂšme personne).
Les prĂ©fixes* des noms indiquent leur complĂ©ment (le possesseur) : tasakal ses (propres) pairs (t- troisiĂšme personne rĂ©flĂ©chie).Les prĂ©fixes* des postpositions* en indiquent le complĂ©ment : oâwa Ă toi iâwa Ă lui.
La possessionAutre caractĂ©ristique dĂ©routante, le kaliâna nâa pas de verbe avoir. La possession, ou la privation, sâexprime au moyen du verbe ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© dâun adjectif (ou adverbe) formĂ© du nom dĂ©signant la chose possĂ©dĂ©e et muni dâaffixes de dĂ©rivation, par exemple t -âŠ-ke, ou i-âŠ-âpa : p lata argent t -p lata-ke man il (elle) a de lâargent, littĂ©rale-
ment il/elle est pourvu(e) dâargent (argentĂ©[e])
i-p lata-âpa man il (elle) nâa pas dâargent, littĂ©rale-ment il/elle est dĂ©pourvu(e) dâar gent (dĂ©sargentĂ©[e])
Pour mettre en relation lâentitĂ© possĂ©dĂ©e et son possesseur, ou une partie avec son tout, on place les mots dans lâordre possesseur- possĂ©dĂ© ou tout-partie : tuna ken (lâembouchure de la riviĂšre). riviĂšre embouchure
Certains mots apparaissent avec un suffixe* de possession -l : yainal mes mains (y- : premiĂšre personne).
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Ăchange entre potiĂšres (Coswine, 2001.)
La la
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kal
iâna
Un certain nombre de noms sont, comme p lata argent, facultative-ment possĂ©dĂ©s (noms aliĂ©nables*). Dâautres, comme les termes de parentĂ©, les noms gĂ©nĂ©riques et les noms dĂ©signant les parties du corps ou dâun tout, sont obligatoire-ment possĂ©dĂ©s (noms inaliĂ©nables*). Dâautres ne sont jamais possĂ©dĂ©s, comme les noms propres, les ter-mes dâadresse, les noms dâanimaux sauvages. Un certain nombre dâĂȘtres ou dâobjets de la sphĂšre domestique se voient attribuer deux noms : un nom lorsquâon en parle hors posses-sion, un autre lorsquâon se rĂ©fĂšre Ă lâobjet possĂ©dĂ© : alakaposa fusil mais lapal mon fusil (mon arme) pusipusi chat mais yek mon chat (mon animal domestique) mule petit banc mais yapon mon petit banc nimoku hamac mais pat mon hamacâŠCette classe concerne les armes, les animaux domestiquĂ©s, une par-tie du mobilier ou des objets personnels.
Lâincorporation de nomsCertains noms de parties du corps peuvent ĂȘtre insĂ©rĂ©s dans dâautres mots : câest ce que lâon appelle lâincorporation nominale. Il en est ainsi du mot aina mains. La deuxiĂšme strophe de la comptine page 69 dit littĂ©ralement yainal suma melemano mes mains quelquâun caressent, mais si lâon veut dire Ă lâinverse je lui caresse les mains, on pourra utiliser deux tournures : ainal si-melemae littĂ©ralement ses mains je[les]-caresse ;ou, dans un registre de langue plus soutenu : s-aina-melemae littĂ©ralement je[le]-mains-caresse.
Câest une formulation synthĂ©tique dans laquelle le nom aina est incorporĂ© dans le verbe conjuguĂ© melema, entre le prĂ©fixe* person-nel s[i]- et le radical. Le mĂȘme nom peut ĂȘtre incorporĂ© par diffĂ©rents verbes : s-aina-sisitoya littĂ©ralement je[le]-main-gratte je lui gratte la main s-aina-k kae littĂ©ralement je[le]-main-serre je lui serre la main.Le mĂȘme verbe peut incorporer diffĂ©rents noms : si-peta-melemae littĂ©ralement je [le]-joue-caresse je lui caresse la joue s-uâ-melemae3 littĂ©ralement je [le]-tĂȘte-caresse je lui caresse la tĂȘte. Ce procĂ©dĂ© est largement rĂ©pandu dans les langues amĂ©rindiennes, notamment caribes et tupi-guarani.
La la
ngue
kal
iâna
3. Dans lâincorporation, les syllabes finales du mot upupo tĂȘte chutent, ce quâindique lâapostrophe dans uâ-.