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Notes du mont Royal Cette œuvre est hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Google Livres www.notesdumontroyal.com

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Page 1: Notes du mont Royal ←  · 2017. 11. 28. · de l’Olympe , disposeront de la victoire. Il dit, et revêt sa brillante armure. Hector eût tranché le fil de tes jours, ô Ménélas,

Notes du mont Royal

Cette œuvre est hébergée sur « No­tes du mont Royal » dans le cadre d’un

exposé gratuit sur la littérature.SOURCE DES IMAGES

Google Livres

www.notesdumontroyal.com 쐰

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OEUVRES COMPLETES

IÏIÏC)NLEIKE.

TOMEIL

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(ŒUVRES COMPLETES

D’HOMEBE,TRADUCTION NOUVELLfi

DÉDIÉE AU ROI;

Avec des notes littérales, historiques et géographiques ,

suivies des imitations des poètes anciens et modernes.

PAR M. GIN,CONSEILLER AU GRAND-CONSEIL.

TOMESECONDH

A PARIS,DE L’IMPRIMERIE DE DIDOT L’AÎNÈ.

M. DCC. LXXXVII.

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il

M.

SOUSCRIPTEURS.

LE ROI. V pour 100 exemplaires.Madame la princesse DE LAMIIALLE.

S. A. S. le duc pas DEUX-PONTS.

le comte DE BEAUPORT.

Madame DE BOULOGNE.

M.

M.

M.

M.M.

BOYER DE Fonconomnn.DE CANSY.

CONTY D’Ancrcovn’r.

DECRETOT.

DE LALAIN jeune, libraire. i 3 ex.M. DESJARDINS, libraire.

Madame DUCHESNE, libraire. 3 ex.M.

. GATTEY ,llibraire.

. Gronwm. , bibliothécaire de S. M. le roi de Suede.

ËÏËËËSZSSËËËSSËË

DURAND , libraire. a ex.LAMESLE, imprimeur.l’abbé MA UGÉ , vicaire général de Carcassonne.

. MEnrcor, libraire.

. MONTLAC, docteur en médecine.

. L’ARCHEVEQUE DE Parus.

PONCE. 4 ex.Forum.. Ponncm DE GRAND-CHAMPS , secrétaire du roi.

S A v o YE , libraire. 7 ex.T EEU TEL , libraire.

. VAVASSEUR.

le duc DE WALLERSTBIN.

le prince DE Youssourow.

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L’ILIADE.

CHANT VIL-

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ABGUMENT.PAR le conseil d’Hélénus instruit des volontés des dieux, Hec-

tor défie au combat celui des héros de la Grece qui osera se mesurer

contre lui. Neuf se présentent; le sort tombe sur Ajax fils de Téla-mon.La nuit sépare les combattants : des présents réciproques sontles témoignages de l’estime qu’ils se portent. Propositions de paix

des Troyens; une treve leur est accordée pour rendre aux morts lesdevoirs funebres. Le même soin occupe l’armée des Grecs: monu-

ment qu’ils élevent ; ils l’enferment, ainsi que leurs vaisseaux , d’un

fossé et d’une haute muraille. Neptune s’en irrite. Présages sinistres

qui effraient les Troyens.

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L’ILIEAD .C H A N T . v I I.

Combat singulierentre et: le divin Hector.

Av AN T ainsi parlé, le; grandHeCtor sort desportes de la ville. Pâris, son frére’, est à ses côtés;

une ardeur martiale vit dans leurs aines, ils brûlentl’un. et l’autre-du désir impatient de combattre. j ’

Tel qu’un vent favorable qui ’s’éleve sur la

plaine liquide soulage les matelots épuisés par letravail des rames; tel est pour! les Troyens l’ar-rivée de Pâris et d’Hector, après lesquels ilsqsou-

pirent depuislong-temps.tMénesthée tombe Sousles coups de Paris ; Ménesthée, habitant d’Arna ,

fils du roi Aréithoüs et de labelle Philoméduse;Ménesthée, qui n’a d’autre arme qu’une énorme

massue. Hector atteint Eionée au sommet del’échine, au défaut du casque; il l’étend sur la

poussiere. Le javelot de Glaucus fils d’Hippoloschus, le chef des Lyciens, pénetre, après unrude combat, dans l’épaule droite .d’lpliinoüs,

au moment auquel ce héros s’élance sur sen char

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..lro. L’I’LIAD E,pour hâter sa fuite; il tombe, sa vie s’exhaledans les airs. A la vue des Grecs qui périssentdans ce carnage affreux, Minerve se précipitede la cime de’l’Olympe sur les champs troyens.

Du sommet de latour de Pergame, Apollon. quidésire la victoire des Troyens , voit la déessede la sagesse voler au secours des enfants de laGrece; il s’empresse de la préVenir. Le dieu et la

déesse se rencontrent près du hêtre consacré. à

Jupiter. ’Fille du dieu qui lance le tonnerre, lui dit

Apollon , sans doute de grands desseins te déter-minent à descendre de l’Olympe avec cette préci-

pitation: viens-tu fixer en faveur des Grecs lavictoire jusqu’ici incertaine? car le malheur desTroyens qui périssent dans ces terribles combatsne touche pas ton cœur. Suis mes conseils, prendsun parti plus utile à tes projets. Suspendons au-jourd’hui les combats meurtriers: bientôt ils serenouvelleront jusqu’au jour marqué par le destinpour la chûte d’Ilion, puisque vous avez conjuré,

impitoyables immortelles, la ruine de cette citépuissante.

Ô Apollon, qui lances au loin tes fléchés in-

vincibles , lui répond Minerve , la déesse auxyeux bleus , je consens à tes desirs. Je suis des-

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CHA’NT VIL 11cendue dans ce dessein du sommet de l’Olympe

aux campagnes de Troie; Consultons entre noussur les m0yens de séparer ces guerriers acharnés àse détruire.

Enflammons le courage du vaillant Hector, ré-pond Apollon ; qu’il propose un combat singulierentre lui etl’un des chefs de l’armée des Grecs. Les

valeureux enfants, de la Grece n’oseront le refuser;ils choisiront l’un d’entre eux pour mesurer ses

forces contre le divin Hector.Il dit; la déesse aux yeux bleus, Minerve, ap-

plaudit. Hélénus, fils de Priam, ne tarde pas à être

instruit de la volonté des immortels; s’approchantd’Hector :

Fils de Priam , ô Hector , lui dit-il , toidont lesconseils égalent en’sagesse ceux du maître des

dieux , prête une oreille attentive aux avis saluétaires de ton frere. Sépare les deux armées; em-presse-toi de provoquer au combat celui des en?fan ts de la Grece qui osera mesurer ses forces con.-tre toi; car le jour de ton trépas n’est point ar-rivé: ainsi je l’appris de la bouche même des im-’

mortels.Il dit. La grande ame d’Hector est réjouie ; il.

s’avance entre les deux armées : prenant son jave-

lot par le milieu, il contient les phalanges troyen-

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12 L’ILIADE’,nes; elles s’arrêtent. De son côté, Agamemnonmodéré l’impatience des Grecs. Sous la forme de

deux vautours, Minerve et le dieu à l’arc d’argent

se posent sur le hêtre consacré au dieu qui portel’égide, pour être spectateurs du combat. Les ban-

des nombreuses des Grecs et des Troyens segrouppent dans la plaine; leurs boucliers , leurscasques, leurs javelots élevés , impriment la ter-reur: semblables aux flots amoncelés par l’impé-

tueux vent d’ouest, qui, se précipitant avec rapi-dité , noircit les ondes de la mer bruyante, dontl’asPect imprime l’horreur; telles les bandes ser-

rées des Grecs et des Troyens couvrent la plainede l’airain de leurs armures. Hector s’avance entre

les deux armées :

Troyens, dit-il, et vous, généreux enfants dela Grece , écoutez ce que me suggere l’intrépide

courage qui vit au fond de mon ame. Le fils deSaturne n’a point ratifié notre traité; il n’a pas

agréé nos serments. Irrité contre les deux armées,

il nous accable de maux, usqu’à ce que vous voussoyez rendus maîtres de la puissante ville de Troie,

ô enfants de la Grece, ou que vous succombiezvaincus , repoussés , assiégés jusques dans vos vais-

seaux. Il est parmi vous des hommes courageux;aucun n’ose-t-il mesurer ses forces contre moi?

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CHANT VII. i3qu’il paroisse. Telles seront les loix du combat,que Jupiter soit garant de leur exécution. Si ceGrec me perce de son javelot, il s’emparera demes armes , il les emportera dans vos vaisseaux:mais il abandonnera mon corps à mes concitoyens;les Troyens et leurs chastes épouses le placerontsur le bûcher. Si je donne la mort à ce héros etqu’Apollon m’accorde la victoire, enlevant sonarmure, je l’emporterai dans la sainte cité d’Ilion ;

je la suspendrai aux voûtes du temple d’ApOllonqui lance au loin ses fleches invincibles: mais j’a-

bandonnerai son corps aux Grecs; les valeureuxenfants de la Grece lui feront de superbes obse«ques, ils lui éleveront un pompeux monument surles rives du vaste Hellespont; ceux qui, dans lessiecles futurs, fendront le sein de cette mer avec,des vaisseaux légers, diront: (c Ici est le tombeau(c d’un héros qui osa autrefois combattre Hector,

cc et tomba sous ses coups a). Tels seront leurs dis-cours , et ma gloire s’étendra dans’les siecles à

venir.Il dit. Tous gardent le silence, l’ame percée

d’une douleur profonde, n’osant refuser ni accep-

ter ce périlleux défi. Ménélas se leve enfin; iladresse a l’armée ces reproches amers :

’Lâches, leùr dit-il, femmes timides, qui vous

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.4 L’ILIADE,bornez a de vaines menaces , quelle tache seroitimprimée sur la nation des Grecs , s’il ne se trou-

voit aucun guerrier qui osât combattre Hector?Ames insensibles à la gloire, demeurez en paix,serrez les rangs , gardez de quitter la place quevous occupez. Que la terre .s’entr’ouvre sous vospas ! que votre nom s’écoule comme l’onde l Seul

je m’armerai contre Hector; les dieux, habitantsde l’Olympe , disposeront de la victoire.

Il dit, et revêt sa brillante armure. Hector eûttranché le fil de tes jours, ô Ménélas, si les chefs

de l’armée des Grecs, se levant avec précipitation,

ne se fussent opposés à l’exécution de ce périlleux

projet; car le fils de Priam l’emportait de beau»coup sur toi, et par sa légèreté , et par sa force.Ton

frere , le roi Agamemnon, t’arrête.Insensé, dit-il, où t’emporte l’excès de ta témé:

rité? contiens les mouvements impétueux de toncœur; n’entreprends pas de combattre, avec desforces si inégales, le vaillantHector fils de Priam,la terreur de nos guerriers. Achille lui-même,Achille , à qui tu n’oserois te comparer , craindroit

de se mesurer contre ce héros. Reprends , parmites compagnons , ta place accoutumée ; les enfants

de la Grece opposeront à Hector un adversaire.plus redoutable. Quelque intrépide qu’il soit ,

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CHANT VII. 1 .15quoicju’insatiable de’combats , je pense qu’après

cette joute terrible ses genoux fléchiront, s’il

échappe au trépas. ,Il dit. Ménélas cede aux sages conseils de sonfrere ; ses écuyers se hâtent de détacher l’armure

qui le couvre. Nestor se leve; adressant la parole

aux Grecs z .Ô mes amis, leur dit-il , une douleur profondeafflige la patrie. Combien gémiroit le magnanimePélée , ce vieillard respectable, si cher aux Thessa-

liens, autant par la sagesse de ses conseils que parla force de son éloquence! Il m’interrogeoit dans

son palais ; il se plaisoit à m’entendre rappeler àson esprit l’illustre origine des héros de la Grece,lui faire l’énumération de leur nombreuse posté-

rité. Avec quelle douleur il éleveroit au ciel sesmains affoiblies par les ans et par les travaux , avecquelles vives instances il demanderoit aux immor-tels de séparer son ame’ de son corps , de le pré-

cipiter dans’les sombres’demeures, s’il apprenoit.

qu’il n’est aucun de ces héros qui ne tremble au

seul nom d’Hector! Plût à’Jupiter, à Minerve, à

Apollon, que mes membres eussent la vigueur de yla jeunesse , que je fusse tel qu’autrefois , quand les

Pyliens combattirent les braves Arcadiens sur lesrives du rapide Céladon , sous. les murs de Phéès,

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16 L’ILIADE,près du Jardanus! Ereuthalion, égal aux dieux,commandoit les troupes ennemies. Il portoit surson épaule l’arme terrible du roi Aréithoüs , du

grand Aréithoüs , redouté de tous les mortels àcause de l’énorme massue dont il étoit armé : car

ce héros dédaignoit et les fleches et les longs ja-velots ; il dispersoit avec sa massue d’acier desphalanges entieres. Lycurgue le surprit dans undéfilé étroitoù son énorme massue ne put le saua

ver du trépas; il le prévint, le perça de son jave-lot , l’étendit sur la poussiere , s’empara de l’arme

terrible que l’impitoyable Mars lui avoit donnée.

Depuis ce temps Lycurgue se servoit, dans lescombats , de la massue d’Aréithoüs. Quand les ans

l’eurent affoibli dans son palais , il la légua à son

fidele serviteur Éreuthalion. Armé de l’énorme

massue , Éreuthalion défioit au combat les héros

les plus intrépides. Ils trembloient devant lui ; au-Cun n’osoit accepter ce périlleux défi. Son orgueil

irrita mon courage; quoique le plus jeune, j’osaile combattre, et Minerve me donna la victoire.

I La force de ce héros égaloit sa taille gigantesque;je le perçai, je l’étendis sur la poussiere. Si mesforces étoient telles aujourd’hui qu’elles furent

alors, .si je revenois à cet heureux temps de majeunesse , le fier Hector trouveroit en moi un ad-

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CHANT vu. .7versaire digne de 111i. Et vous , guerriers les plus

l renommés de l’armée des Grecs, vous tremblez

au seul nom d’Hector l ’Sensibles aux reproches du fils de Nélée, neuf

héros se levent: le roi des hommes , Agamemnon;le vaillant Diomede , fils de Tydée ; les deux Ajax ,égaux en force, égaux en courage; Idoménée, etl’écuyer d’Idoménée , Mérion , l’émule de l’homi-

cide Mars; Eurypyle, fils d’Évemon; Thoas, fils

d’Andremon; et le divin Ulysse. Tous briguentl’honneur de combattre le grand Hector. Le vieuxNestor les arrête.

Tirez au sort, leur dit-il; celui que le sort nousdonnera sera notre vengeur. Comblé de gloire , soname tressaillera de joie, s’il échappe à la mort dans

ce périlleux combat. .Il dit. Chacun donne son signe. Un héraut lesrecueille dans le casque du fils d’Atrée , Agamem-

non. Les peuples , levant les mains et les yeux auciel, adressent leurs vœux à Jupiter.

Pere des dieux et des hommes, ô Jupiter, faissortir de ce casque, ou le nom’d’Ajax, ou le nom

du fils de Tydée, ou le nom du roi de la riche My-cenes.

Telles sont leurs prieres. Nestor agite le casque ,en tire un signe : c’est celui d’Ajax, qu’ils ont sou-

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18 i L’ILIADE,haité. Un héraut le présente à tous les chefs del’armée, en commençant par la droite ; aucun ne

le reconnoît. Parvenu à celui qui a fait cette mar-que , qui l’a jetée lui-même dans le casque, Ajax

étend la main; le héraut-lui remet le signe. Il lereconnoît; son ame en tressaille: le rejetant loin

de lui , il s’écrie : .Ô mes amis, le sort m’a choisi pour combattre

Hector; mon ame est dans la joie: j’ai confianceque je vaincrai le divin Hector ; je me hâte de mecouvrir de mes armes. Adressez en secret vos vœux

au fils de Saturne , au puissant Jupiter; que lesTroyens ne les entendent pas. Ou plutôt, invo-quez les dieux à haute voix; car je ne crains per-sonne : accoutumé dès l’enfance aux travaux qui

illustrent les héros , formé dans l’art des combats

à Salamine ma patrie, qui m’a vu naître, qui éleva

mon enfance , personne ne l’emportera sur moi nipar sa force ni par son adresse.

Il dit. Les Grecs , levant les yeux et les mains auciel, adressent leurs vœux au fils de Saturne :

Pere des dieux et des hommes , ô Jupiter, quidomines sur l’Ida , à qui: tous les êtres rendent un

hommage religieux, accorde la victoire à Ajax,comble de gloire ce héros : ou si Hector t’est cher,si tu t’intéresses àsa gloire, laisse la victoire incer-

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CHANT VIL .9taine ; partage entre ces deux héros l’honneur de

cette action mémorable.Ils parlent ainsi. Cependant Ajax revêt l’airain

étincelant : couvert de toutes ses armes , il s’a-vance, semblable au dieu Mars quand il se montredans les combats que Jupiter irrité , que la Dis-corde avide de sang, suscitent entre les nations:tel paroit le grand Ajax, le rempart des Grecs. Undoux sourire tempère sur son front l’ardeur mar-tiale qui l’enflamme ; il marche à grands pas, agi-tant dans ses mains son long javelot. La joie éclate

dans les yeux des Grecs ; les Troyens tremblent,leurs genoux fléchissent; l’intrépide courage d’Hec-

tor est ébranlé : mais il n’est plus temps de fuir, de

se’confondre dans la foule des siens; c’est lui-même.

qui a provoqué le combat. Ajax approche , couvertde son bouclier semblable à une tour d’airain. Ty-chius, habitant d’Hylé , le plus habile des artistes,

forma ce vaste bouclier de sept cuirs de bœufs , en-lacés si étroitement que sa légèreté égale sa force

impénétrable; un airain solide est étendu par-des-

sus. Couvert de ce bouclier , qu’il porte devant lui,le fils de Télamon s’approche d’HeCtor:

Hector, lui dit-il d’une voix menaçante, tuéprouveras dans ce combat qu’il est dans l’armée

des Grecs d’autres héros que l’invincible Achille

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20’ L’ILIADE,au cœur de lion. Irrité contre Agamemnon le pas;

teur des peuples, oisif dans ses vaisseaux , le fils.de Pélée refuse maintenant de prendre part à laguerre ; d’autres , en grand nombre, sontdignes de

se mesurer contre toi. Lance le premier ton jave-lot; l’honneur t’en est dû.

Divin Ajax, fils de Télamon, roi d’un grandpeuple , lui répond Hector, n’espère pas m’effrayer

par de vaines menaces, comme un enfant ou unefemme timide qui ignorent les travaux guerriers.Nourri dans les combats, formé dès mon enfancea tous les genres d’escrime, je sais porter monbouclier à droite et à gauche. A pied, Mars applau-dità mes exploits; monté sur un char, je fonds surl’ennemi avec de rapides coursiers. Ô Ajax , c’est

ouvertement que je prétends attaquer un guerriertel que toi ; tu n’éprouveras de moi ni ruse ni sur,

prise.Il dit; et retirant son bras en arrière, il imprime

àson javelot un mouvement rapide, et le lance : lapointe aiguë pénetre l’airain, et s’enfonce dans six

cuirs du bouclier du fils de Télamon ; mais sa forceamortie s’arrête dans le septieme. Ajax lance sonjavelot; il traverse le bouclier d’Hector, perce sacuirasse , déchire sa tunique, effleure son flanc,contraint le fils de Priam de ployer pour échapper

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CHANT VII. , 2.1au trépas. Arrachant les longs javelots suspendus à.leurs boucliers , semblables à des lions affamés ouà. d’invincibles sangliers, les deux héros fondent

l’un sur l’autre. Le fils de Priam fait effort pourpercer Ajax ; l’impénétrable bouclier lui résiste , la

pointe aiguë est émoussée par l’airain qui le cou-

vre. Le javelot du fils de Télamon pénètre le bou-

clierd’Hector, effleure son épaule; un sangnoircoule de sa plaie : mais cette légère blessure ne ra-lentit point son ardeur; il recule, saisit d’un brasnerveux une pierre énorme , noire , raboteuse ,qu’il rencontre surl’arene, la lance surAjax , atteint

le centre du vaste bouclier; l’airain frappé retentitau loin. Ajax, de son côté, saisit’un roc énorme;

lui imprimant un mouvement rapide par les cer-cles qu’il lui fait décrire , il brise le bouclier du

fils. de Priam, qui, le serrant avec roideur, faiteffort pour tenir ferme; ses genoux ébranlés nepeuvent soutenir le poids de son corps , il tomberenversé ; Apollon s’approche, accroît ses forces ,

l’aide à se relever. Les deux guerriers eussent com-battu avec l’épée, si deux hérauts, messagers des

rois et de Jupiter , ne fussent arrivés en cet instant,l’un envoyé par les Troyens , l’autre par les Grecs,

Talthybius et Idée. Tous deux renommés par leur

sagesse, ils étendent leurs sceptres entre les com«

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22 .L’ILIADE,battants. Porteur de conseils de prudence, Idéeprend le premier la parole:

Ô mes Chers enfants, leur dit-il, terminez cecombat. Guerriers courageux, chers l’un et l’autre

au dieu qui assemble les nuées, tous sont témoins

de vos exploits; la nuit approche; respectez sesombres.

Ô Idée, répond Ajax le fils de Télamon, adresse

ces paroles à Hector; il a défié les héros de laGrèce: qu’il cesse de combattre , je me laisseraipersuader.

Le grand Hector élevant la voix: Ajax, dit-il,les dieux t’ont donné la force, le courage et la sa-

gesse; je te reconnais pour le plus redoutable desGrecs. Suspendons cette lutte sanglante; demainnous recommencerons ; demain nous combattronssans relâche, jusqu’à ce que le Destin nous sépare,

accordant la victoire a l’un des deux. La nuit ap-

proche , respectons ses ombres. Retourne auxvaisseaux des Grecs; porte la joie dans l’ame destiens. Je rentre dans la puissante Cité d’llion cal-

mer Ies alarmes des Troyens et des plus illustresd’entre les Troyennes, qui, prosternées en ce mo-

ment au pied des autels, adressent pour moi deferventes prières aux immortels. Que des donséclatants signalent cependant notre estime mu-

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CHANT VII. ’23tuelle; faisons dire aux Grecs et aux Troyens : Ilscombattirent avec courage pour la patrie , et se sé-parèrent resserrant les nœuds de la concorde.

Il dit, et présente à Ajax son épée garnie declous d’argent, avec le fourreau brillant qui la ren-

ferme, et le superbe baudrier quivla soutient. Ajaxlui donne un magnifique baudrier de pourpre. Ils.se séparent ainsi. Ajax retourne à l’armée des

Grecs : Hector s’empresse de rejoindre lesTroyens.-La joie renaît dans leurs ames, de ce qu’il est reve-

nu sans blessure dangereuse de ce combat : échap-pé aux invincibles mains du fils de Télamon , ils le

ramenenten triomphe dans Troie, car ils désespé-

roient de sa vie. Les vaillants enfants de la Grece.conduisent à la tente d’Agamemnon le grand Ajax.qu’enorgueillit sa Victoire. Le fils d’Atrée immole

au dieu qui règne dans l’air, dont la puissance estsans bornes, un bœuf mâle de cinq ans ; ils l’écor-

chent, le préparent, le coupent en morceaux,percent avec des broches les portions de la vic-,time, les assaisonnent, les soutiennent sur le feu,tenant les broches dans leurs mains. Ces prépara-tifs achevés, ils prennent place sur des trônes, etgoûtent les douceurs du festin. Le fils d’Atrée, le

roides hommes , Agamemnon, honore Ajax de lapartie la plus distinguée de la victime. Quand le

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24 L’ILIADE,desir du boire et du manger est appaisé, Nestor,dont l’éloquence a ranimé le courage des Grecs ,

ouvre ce sage conseil :Fils d’Atrée, dit-il, et vous tous , héros qui com-

mandez l’armée des Grecs, grand nombre des va-

leureux enfants de la Grece ont péri dans cettesanglante journée. Les ondes du Scamandre sontteintes de leur sang; leurs aines généreuses sontdescendues dans les sombres demeures de Pluton.Fils d’Atrée, il convient de suspendre le carnage ,de nous réunir au lever de l’aurore, pour transpor-ter, à l’aide des bœufs et des mules, les corps de

.nos compagnons, pour placer leurs dépouillesmortelles sur des bûchers élevés près de nos vais-

seaux; que leurs os, que leurs cendres, remisesaux mains de leurs enfants, soient transportées pareux dans leurs maisons, quand nous retourneronsdans notre patrie; que des terres rapportées for-ment un tertre au lieu où les bûchers auront été

dressés, monument de la gloire de nos compa-gnons; qu’une vaste muraille et de hautes toursenvironnent ce lieu, rempart de nos vaisseaux et ’de notre camp; que de larges portes s’ouvrent etse ferment à l’aide de leviers solides, artistementajustés, laissant un libre passage à nos coursiers età nos chars; creusons au dehors un vaste fossé pour

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CHANT V1. 25nous défendre, et nos coursiers , des insultes desTroyens , s’ils tentent de nouvelles entreprisespendant le cours de cette guerre cruelle.

Il dit: tous les rois applaudissent. De leur côtéles Troyens tremblants, en tumulte , s’assemblentdans la haute cité d’Ilion, aux portes du palais de

Priam. Le sage Anténor leur parle ainsi:Troyens, Dardaniens, et vous, nombreux alliés

de Troie, écoutez ce que mon esprit me suggèrede vous dire. Amenez ici l’argienne Hélène ;qu’elle soit remise, elle et les trésors qu’elle nous

apporta, aux mains du fils d’Atrée. Parjures à nos

serments , nous combattons contre la foi des trai-tés; je ne pense pas que le succès réponde à notre

espoir, si nous ne commençons par appaiser lès

immortels. .Il dit, et reprend le trône qu’il a quitté. Le divinParis, l’époux de la belle Hélène, se lève:

Anténor, dit-il, ton discours ne me plaît pas;

tu pourrois nous donner de meilleurs conseils:ou,.si tu as parlé selon ton cœur, les dieux ontégaré ta raison. Voici l’accord que je propose dans

l’assemblée des Troyens. Je ne livrerai point monépouse , je ne rendrai point Hélène , je le déclare

oùvertement; mais je consens de céder aux Grecstons les trésors que j’enlèvai d’Argos avec elle, et

2. 4

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26 L’ILIADE,de leur payer de mes biens un dédommagementconvenable.

Ayant ainsi parlé, il reprend le trône qu’il aquitté.

Consterné du malheur des peuples confiés à ses

soins , le dardanien Priam , égal aux dieux par lasagesse de ses conseils, prenant la parole:

Troyens , Dardaniens, et vous , nos fidèlesalliés , écoutez , dit-il , ce que mon esprit me sug-

gère: séparons - nous maintenant; que chacun rè-tourne à son poste pour goûter les douceurs du fes-tin accoutumé; qu’une garde exacte soit placée aux

portes de la ville ; qu’aucun ne se laisse surprendrepar le sommeil. Demain, au lever de l’aurore , Idée

ira aux vaisseaux des Grecs porter aux deux filsd’Atrée, Agamemnon et Ménélas, des paroles de

paix , les offres de Pâris , le premier auteur de cettelongue querelle; il y joindra le prudent conseil desuspendre ces combats meurtriers , pour placersur des bûchers les corps des guerriers qui ont suc-combé sous les ’coups de l’ennemi dans cette san-

glante journée. Acquittés de ce triste devoir, nous

combattrons; la fortune décidera de la victoire.Il dit : tous applaudissent. .Dispersés à leurs

postes, ils se livrent aux douceurs du festin. Aulever de l’aurore , Idée marche aux vaisseaux des

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CHANT VII. 27Grecs. Il les trouve réunis sous’la pouppe du vais-seau d’Agamèmnon. Deboutau milieu de l’assem-blée :

Fils d’Atréè, dit-il, et vous, valeureux enfants.

de la Grèce, Priam et les autres chefs et conseilsdes Troyens me députent vers vous, porteur desparoles de paix, des offres de Pâris, le premierauteur de cette longue querelle. Puissiez-vous les,agréer l Paris vous rendra tous les trésors qu’il apa

porta dans Troie au retour de ce fatal voyage qu’ilfit à Argos. Que ne périt-il avant que de l’entre- ’

prendre! Il y joindra, de ses propres biens, undédommagement convenable ; mais il refuse , quoi-que les Troyens l’y’invitènt, de rendre Hélène à

’ son premier époux, Les Troyens me chargent en-

core de vous proposer de suspendre les combatsjusqu’à ce que nous ayons placé sur le bûcher les

corps des guerriers qui ont succombé dans cettesanglante journée. Acquittés de ce triste devoir,nous combattrons : la fortune décidera de la vic-toire.

Il dit: tous gardent le silence. Le vaillant Dio-mède prenant la parole :

N’acceptons, dit-il, ni les trésors de Pâris, niHélène elle-même. C’est être insensé de ne pas

voir que les Troyens touchent a leur heureder-mère.

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28 ’L’ILIADE,”Il dit. Les Grecs, admirant la sagesse et la fer-

meté du vaillant fils de Tydée, lui répondent par

des acclamations. Le roi des hommes , Agamem-non , adressant la parole au héraut: ’

Idée , lui dit-il , tu entends la réponse des Grecs;

mes pensées conspirent avec les leurs. Je consenscependant à la treve que tu demandes pour mettresur le bûcher les corps de tes concitoyens: je neleur envie point les honneurs de la sépulture ; c’est

un devoir qu’on doit se hâter de remplir. Que J u-piter, l’époux de Junon, le dieu qui lance au loinses foudres redoutables, soit témoin de mes 5erements.

En prononçant ces mots, il lève son sceptrevers le ciel, prend à témoin les immortels.

Idée retourne à la ville, où les Troyens et lesDardaniens l’attendent avec impatience. Porteurde la réponse des Grecs, il s’avance au milieu del’assemblée. Aussitôt les Troyens se partagentpour remplir le triste devoir qui leur est imposé :les uns transportent les morts ; les autres s’enfon-cent dans la forêt. Les mêmes soins occupent lesGrecs: ceux-ci transportent aux vaisseaux les corpsde leurs compagnons; ceux-là s’empressent de cou-

per le bois nécessaire aux bûchers.Le soleil, s’élevant des profondeurs de l’océan

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CHANT VII. 2,9pacifique, échauffe à peine la terre de ses premiers

rayons, que les Grecs et les Troyens, épars sur lechamp de bataille, s’efforcent de distinguer leursmorts; le sang, la poussière, qui les couvrent, lesrendent méconnaissables. Versant des larmesamères , ils purifient dans l’onde du fleuve lescarps sanglants de leurs compagnons. Mais Priaminterdit aux siens les sanglots et les larmes; l’amèpénétrée d’une douleur profonde, ils entassent en’

silence sur les bûchers les dépouilles mortellesde leurs concitoyens , et reprennent tristement lechemin de la ville. Non moins consternés , lesGrecs assemblent sur des Chars les corps de leurscompagnons et dressent des bûchers près des vais-seaux. Quand le feu a consumé ces précieux res-vtes , ils rentrent dans leur camp l’ame pénétrée

d’une douleur profonde. Une faible lueur. est àpeine répandue sur l’horizon , la divine aurore nedarde point encore ses rayons sur la terre ; et déjales GreCs , assemblés au lieu où les bûchers fiirent

élevés, érigent, avec des terres rapportées , un

monument aux mânes de leurs compagnons; ils..l’environnent d’une vaste muraille, et construi-

sent des tours, rempart de leurs vaisseaux et deleurs tentes. De larges partesqui s’ouvrent et se.ferment à l’aide de- leviers solides , ajustés avec

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30 L’ I L I A D E , ’art, laissent un libre accès aux coursiers et’auxchars; un vaste fossé, garanti par une forte palis-sade, est creusé autour de la muraille.

Ces pénibles travaux occupent les enfants de laGrèce. Mais plongeant, du sommet de la voûteéthérée, sur les plaines de Troie, les dieux, as-semblés dans le palais de Jupiter, en sont irrités.Le dieu qui ébranle la terre, Neptune, adressant

la parole a tous les immortels : jPère des dieux et des hommes , ô Jupiter, dit-il,

lequel des mortels épars sur la vaste étendue de la

terre consultera nos oracles , et attendra nos ré-ponses avant de tenter de grandes entreprises?N’as-tu pas vu les fiers enfants de la Grèce élever

une immense muraille autour de leurs vaisseaux,l’environner d’un large fossé? et cependant le sang

des hécatombes n’a point coulé sur nos autels. La

gloire de ce monument s’étendra depuis les lieuxoù le soleil se lève jusqu’à ceux où il se couche,

tandis que ces murs, qu’à la solde de Laomédon ,

contraints par la disgrace et par l’infortune, nousélevâmes par tant de travaux , Apollon et moi,seront détruits sans qu’il en reste de vestiges.

Ô mon frère, dont le trident ébranle la terre,lui répond le dieu qui assemble les nuées , pous-sant un profond soupir , quelle parole est sortie de

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CHANT VII. 3-1ta bouche! Des divinités d’un ordre inférieur , qui

ne t’égalèroient ni en force ni en puissance , pour-

raient concevoir ces vaines alarmes ; mais ta gloires’étend aussi loin que l’aurore. Prends patience;

attends que les Grecs, remontés sur leurs vais-seaux , aient repris la route de’leur patrie. Alorstu renverseras cette muraille; tes ondes , ébranlantses fondements , les entraîneront dans la plaineliquide. Couvre ce monument du sable de tesrives ; qu’il n’en reste aucune trace ; qu’on nepuisse reconnaître le lieu où il aura été élevé.

Tels sont les conseils des dieux. Cependant lesoleil plonge dans l’océan; l’ouvrage des Grecs est

achevé; ils immolent des bœufs dans leurs tentes;car grand nombre de vaisseaux chargés de vin sontarrivés de Lemnos: Eunéè, fils de Jason, ce filsqu’Hypsipylè eut de. Jason le pasteur des peuples ,

a envoyé ce vin secrètement à Agamemnon et àMénélas. Mille mesures sont un don de ce roi ; le

reste est acheté par les Grecs , qui donnent enéchange de l’airain , du fer, des peaux, des bœufs ,

des esclaves.Un repas agréable succede , pendanttoute la nuit, aux travaux de cette pénible journée.

Les Troyens , leurs nombreux alliés, passent cettemême nuit dans les festins ; mais leur joie est trou-blée par les coups redoublés de la foudre, présage

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32 L’ILIADE.sinistre des maux que Jupiter leur prépare. Laterreur s’empare de leurs amès; la pâleur est sur

leurs fronts. Versant le vin de leurs coupes.Surla terre, ils n’osent les vuider qu’ils n’aient fait de

fréquentes libations au dieu qui regnè sur lesnuées. Ils se séparent enfin; le sommeil, versantses pavots sur leurs paupières, rend la force à leursmembres fatigués.

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L’I L I A.D E.’

CHANT VIII.

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ARCUMENTCONSEIL des dieux. Jupiter défend à tous les immortels de por-

ter secours soit auxGrecs , soit aux Troyens. Il abandonne l’Olympe,

monte au sommet de l’Ida pour être spectateur du combat. Les avan-

rages se compensent dans les deux armées : mais la foudre lancée par

Jupiter met en fuite Diomede et lesplus valeureux des enfants de laGrèce. Malgré les défenses et les menaces du maître des dieux , Ju-

non et Minerve se disposent à secourir les Grecs: Iris , envoyée par,

Jupiter, les arrête. La nuit survient: les Troyens tiennent conseildans la plaine. Hector annonce le projet qu’il a formé de mettre le

feu aux vaisseaux. Il envoie des hérauts à la ville ordonner auxTroyens d’allumer des feux sur leurs tours , et demeure dans laplaine , assiégeant la flotte des Grecs.

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L’I L I’ A D

CHANT VIII.Conseil des dieux. Les Troyens sont vainqueurs; Hec-

tor est comblé de gloire. ’

L’ AURORE étendoit sur toute la terre son voiled’arfèt de pourpre. Le dieu qui se plaît à lancer le

tonnerre assemble les immortels sur la cime la plusélevée des nombreux sommets de l’Olympe. Il

parle : tous les dieux écoutent-en silence.Dieux et déesses, écoutez ce que mon esprit

me suggère, dit-il; concourez tous à l’exécution.de mesîimmuables déCrets. Qu’aucun des dieux,

qu’aucune. des déesses, n’ose enfreindre mes ar-

dres suprêmes : celui ou celle d’entre. vous queje convaincrai d’avoir abandonné l’Olympe, por-

tant secours , à l’insu des autres immortels , auxTroyens ou aux Grecs , ne remontera pas sur 1’04

lympe sans de honteuses blessures. En vain ilse flatterait d’échapper à ma vengeance; je le pré-

cipiterai dans le Tartare ténébreux , gouffre d’une

immense profondeur , que ferment des portes

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36 L’ I L I A’D E ,d’acier roulant sur un seuil d’airain , dont l’a-

byme, au-dessaus de l’empire des morts , égalel’espace immense qui sépare la terre de la voûte

azurée. Ainsi vous apprendrez combien ma puis-sance est supérieure à la vôtre. Divinités rebelles,

osez affronter mon pouvoir! Liez une chaîne d’or

à mon trône; suspendues à cette chaîne, essayezde précipiter sur la terre le dieu qui règne dans lesairs, dont les conseils sont éternels z épuisées parde vains travaux , vous reconnaîtrez l’inutilité de

vos efforts. Et mai, quand il me plaira, je vousattirerai toutes, et avec vous la terre et la mer : jelierai cette chaîne au sommet le plus élevé del’Olympè; tous les êtres y demeureront suspen-

dus , tant ma force surpasse celle de tous les dieuxet de tous les hommes.

Il dit; tous les dieux effrayés gardent un pro"-fond silence. La déesse aux yeux bleus, Minerve,prend enfin la parole :

Fils de Saturne, notre père, souverain du cielet de la terre , nous connaissons ta force invinci-ble; mais nous plaignons le malheur des Grecs,qui succombent sous le poids de leur cruelle des-tinée. Soumis à tes ordres, nous nous abstiendronsde donner aux combattants d’utiles secours; per-mets cependant que nous aidions les enfants de la

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CHANT VIII. 37Grèce de nos conseils, de peur qu’excitant toncourroux, tu ne les précipites tous dans les som-bres demeures. ç

Le dieu qui assemble les nuées sourit à ce dis-cours: Ô Minerve, lui dit-il, fille chère a moncœur, prends confiance dans mon amour; tu saisCombien je suis pour toi un père tendre: ne t’a-larmè pas de menaces dont l’exécution est loinde ma pensée.

lI dit, et attelle à son char ses coursiers agiles,aux pieds d’airain ; leurs crinières dorées flottent

au gré des vents. Couvert de son armure d’or, le

dieu qui assemble les nuées monte sur son char,prend en main cette verge d’or dont il se sert pourdiriger les immortels coursiers; ils obéissent avecjoie à la main qui les guide, franchissent l’espaceimmense qui sépare la terre de la voûte azurée ,’

s’abattent sur le Gargare, la cime la plus élevée du

mont Ida, tige féconde de sources abondantes, lapatrie des bêtes féroces; là un bois, et des autelstoujours fumants, sont consacrés au maître desdieux. Le père des dieux et des hommes arrête sescoursiers sur cette montagne sainte , les dételle,enveloppe son Char d’un nuage épais pour le déro-

ber à la vue des mortels. Assis sur la cime la plushaute de l’Ida, des rayons de gloire l’environnènt:

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38 L’ILIADE,’il porte ses regards sur la ville de Troie et sur lesvaisseaux des Grecs.

Les valeureux enfants de la Grèce , ayant rétablipar un repas précipité leurs forces abattues, revê-

tent leurs armures. Les Troyens s’arment dans laville en plus petit nombre; mais une dure nécessité

les y contraint: un intérêt puissant soutient leurardeur; ce sont leurs enfants, ce sont leurs épou-ses, qu’ils défendent.Les portes d’Ilion s’ouvrent;

l’infanterie , la cavalerie , les chars , sartent de la. ville avec un horrible fracas. Les deux arméess’avancent dans la plaine ; leurs boucliers les cou-

vrent; de longs javelots sont dans leurs mains;l’airain brille sur leurs cuirasses; une ardeur mar-

tiale les enflamme; les boucliers se heurtent; lajoie bruyante des vainqueurs , les cris des mou-rants, retentissent au loin ; le sang ruisselle sur laterre; les traits lancés par les deux armées cachent

le ciel sous un nuage épais. Depuis le lever del’aurore jusqu’à la douzième heure, une foule de

guerriers sont précipités dans les sombres dèmeua

res: mais le soleil étant parvenu à la moitié de sa

course, le pere des dieux et des hommes suspendses balances d’or sur la voûte éthérée; soutenant

de sa main puissante le fléau de l’éternelle balance ,

il place dans ses bassins les signes de la mort, le

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CHANT VIII. 39destin des Troyens , le destin des valeureux en-fants de la Grèce. Le jour fatal des Grecs est arri-vé ; leur destinée se précipite sur la terre : celledes Troyens s’élève jusqu’à la voûte immense du

ciel. Le tonnerre gronde sur l’Ida; l’éclair brille;

Jupiter lance ses foudres sur l’armée des Grecs:la terreur s’empare de tous les cœurs ; une pâleurlivide s’étend sur leurs frants. Ni Idoménée, ni

Agamemnon, ni les deux Ajax fidèles serviteursde Mars , n’osent soutenir le choc des Troyens rle vieux Nestor, le bouclier des Grecs, demeureseul forcément sur le champ de bataille; car uneflèche lancée par l’adroit Pâris, l’époux de la belle

Hélène, a atteint l’un de ses chevaux au sommet

de la tête, à la racine des crins. La pointe aiguëpénètre dans le crâne où la blessure est mortelle ;.

souffrant des douleurs cruelles, il se dresse, rè-tombe, se roule , égare les coursiers avec lesquelsil "est attelé ; le vieux Nestor, tirant son épée, fait

effort pour couper les traits qui les lient à son char.Cependant Hector poursuit l’ennemi, fend lafoule ; ses agiles coursiers s’enorgueillissentdu hé-,

ros qu’ils portent. Le vieux Nestor eût succombéen ce péril extrême , sile vaillant Diomede ne l’eût

reconnu; il appelle Ulysse a grands cris:Divin fils de Laërtè, industrieux Ulysse , où

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4o L’ I L I A D E ,fuis- tu , lançant par derrière quelques traits quis’égarent , quand l’ennemi est prêt à te percer?

Crains que, frappé par derrière, tu ne tombes sousles coups des Troyens : arrête; unissons nos effortspour secourir ce respectable vieillard , et repous-ser l’homme cruel qui s’apprête à lui donner la

mort.Il parle ainsi: mais le divin, le patient Ulysse

. ne l’entend. point; sa fuite précipitée l’emportew

vers le camp des Grecs. Seul au milieu d’une fouled’ennemis, le fils de Tydée marche contre Hec-ftor. S’approchant du fils de Nélée , il l’appelle, lui

parle ainsi:Ô vieillard, tu succombes sous de jeunes hé-

ros ; le poids des ans t’accablè , tes nerfs sont re-froidis parla vieillesse , ton écuyer est sans farce ,tes chevaux sont lourds et tardifs : monte sur monchar, éprouve la légèreté des coursiers de Tros

quand ils volent dans la plaine , poursuivant l’en-nemi ou l’évitant d’une course rapide. Ce sont ces

mêmes coursiers que je ravis à Énée , artisan de

terreur. Que nos écuyers prennent soin de teschevaux et de ton char; dirigeons sur Hector lesrapides coursiers de Tros ; qu’il connaisse la force

de mon bras; qu’il éprouve quels coups portemon javelot.

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CHANT VIII; 41Il dit. Docile au conseil, le Vieux Nestor, savant

dans l’art de guider des coursiers agiles, aban-donne son char, monte sur celui du fils de Tydée.Les écuyers des deux héros , Sthénélus et Eury-

médan , prennent sain des Chevaux du roi de Py-los; Nestor s’empare des guides, anime avec lefouet les rapides coursiers: déja ils sont prèsd’Hèctor. Le fils de Priam vole à leur rencontre.Diamède lance le premier son javelot ; il s’égare ,perce l’écuyer d’Hèctor, Éniopée, fils du vaillant

e Thébéus , qui manie les rênes des coursiersd’Hector: la pointe aiguë pénètre dans sa pai-

trine; il tombe; les coursiers qu’il dirige recu-lent effrayés; son ame s’exhale dans les airs. Laperte de ce fidèle écuyer pénètre d’une vive dou-

leur la grande ame d’Hector; contraint d’aban-donner la dépouille sanglante de son compagnon ,il cherche dans la mêlée un homme digne de leremplacer: le descendant d’Iphitus, le brave Ar-cheptoleme, s’offre à sa vue ; Hector lui ordonnede monter sur son char; il remet les guides en ses

mains. iLe carnage eût recommencé avec plus defureur, les Troyens eussent été de nouveau rè-

poussés dans leurs murs comme de timidesagneaux, si le père des dieux et des hommes n’eût

2. 6

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42 L’ILIADE,pris leur défense. Le tonnerre gronde avec unbruit affreux ; la foudre éclate dans la main de Ju-piter , et tombe devant les coursiers de Diamède;une vapeur sulfureuse, enflammée, les enveloppe.Effrayés , ils se dressent et s’abattent sous le char ;

les guides échappent des mains du Vieux Nestor;la terreur s’empare de son amè. Adressant la pa-role au vaillant fils de Tydée :

Diomede, lui dit-il, cédons à l’impérieuse né-

cessité , retournons aux vaisseaux : ne reconnais-tu pas à ces traits le courroux du fils de Saturne?il donne aujourd’hui la victoire à Hector; il nousl’accordera demain , si telle est sa volonté suprême.

Quel mortel pourroit mettre obstacle à l’exécution

de ses éternels décrets? sa force l’emporte sur

celle et des dieux et des hommes.Tu parles convenablement, ô vieillard, répond

le vaillant Diamède ; cependant cette fuite préci-pitée accable mon cœur d’une douleur profonde.

Hector haranguant les Troyens dira : J’ai inspiré

la terreur au fils de Tydée, il a fui devant moi.Tel sera son orgueil. Que plutôt la terre, s’en-tr’ouvrant sous Inès pas, In’èngloutisSè dans ses

profonds abymes lSage et vaillant fils de Tydée, quelle parole est

sortie de ta bouche! répond le vieux Nestor. Hec-

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CHANT VIII. 43far s’efforceroit en vain de donner atteinte à ta

gloire: ni les Troyens, ni les Dardaniens, ne lecroiroient; les veuves de ces héros traînés par toi

dans la poussière déposeroient contre lui.Ayant ainsi parlé, il détourne ses coursiers, se

confond dans la foule des Grecs , qui fuient aban-donnant le champ de bataille. Guidés par Hector,les Troyens les poursuivent avec un horrible fia-cas ,. les accablent d’une grêle de traits.

Fils de Tydée, s’écrie l’orgueillèux Hector, les

enfants de Danaüs t’honoroient par-dessus tous

les autres; tu occupois le premier trône dans lesfestins, la portion la plus distinguée étoit placée

devant toi , ta coupe étoit toujours pleine : main--tenant l’ignominie sera ton partage, car ta faiblesseégale celle d’une femme. Puis, enfant faible ettimide: avant que tu escalades nos remparts, avantque tu emmènes dans tes vaisseaux nos femmescaptives, mon bras te précipitera dans les sombres

demeures. 4Il parle ainsi. Le fils de Tydée délibère si, dé-

tournant ses coursiers, il fondra sur lui. C’est levœu de son cœur ; mais les destins sont changés.Trois fois il veut rentrer dans la mêlée; trois foisla foudre grondant sur l’Ida promet la victoire aux

Troyens.

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44 L’ILIADE.Elevant la voix assez haut pour être entendu

des siens , le grand Hector s’écrie :

Troyens, Lyciens, Dardaniens, montrez-vousdes guerriers courageux, soutenez la gloire de vosexploits. Les volontés du fils de Saturne me sontconnues; il nous donne la victoire; Jupiter nouscomble d’une gloire immortelle: la douleur et lahonte seront le partage des Grecs. Insensés l ilsont élevé précipitamment cette faible muraille,ces remparts impuissants contre l’intrépide cou-rage qui m’enflamme. Esperènt -ils que nos cour-siers auront peine à fianchir ce fossé qu’ils ontcreusé à la hâte? Parvenus à leurs vaisseaux , sou-

venons - nous d’y mettre le feu; que la flamme lesconsume ; que pressés par nos javelots, accabléspar nos traits , errant dans l’épaisse fumée de leurs

vaisseaux embrasés , ils tombent sans vie l’un surl’autre.

Adressant ensuite la parole à ses coursiers:XantlIe, Podarge, Éthon, généreux Lampus, leur

dit-il, payez-moi, en ce jour, des soins que prit devous la fille du vaillant Eétion, la tendre Andro-maque: plus attentive à pourvoir à vos besoinsqu’à ceux même d’un époux si cher à son cœur ,

elle place devant vous le plus pur froment; sesmains d’albâtre y mêlent un vin précieux dont

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CHANT VIII. 45vous vous abreuvez. Hâtèz-vous de poursuivre les-Grecs; que le bouclier d’or du fils de Nélée, cebouclier dont la gloire est montée usqu’aux cieux,

soit ma conquête ; arrachons à Diomede cettecuirasse impénétrable , l’ouvrage de Vulcain. J’ai

confiance que les enfants de la Grèce , nous voyantcouverts de ces riches dépouilles , se hâteront de

profiter des ombres de la nuit pour remonter surleurs vaisseaux.’

Il dit. Junon, irritée de son orgueil, s’élance du

trône sur lequel elle est assise. Ebranlant le vasteOlympe, elle adresse la parole à Neptune :

j Neptune, dontla force surpasse celle de tousles immortels, ô toi qui agites la terre jusques dansses profonds abymès , la ruine totale des Grecsqui dans Hélicé et dans Aigues ornent tes temples-

des dans les plus magnifiques, ne touchera-t-ellepas ton cœur? Prends pitié de leurs maux, donnela victoire aux Grecs. Si les divinités qui les pro-tègent se réunissoient pour repousser les Troyens,et contenir les fureurs de Jupiter, seul au sommetde l’Ida, le maître des dieux gémiroit en vain de

la fuite honteuse des Troyens.Téméraire déesse , répand Neptune poussant

un profond soupir, quelle parole est sortie de tabouche l Je n’entreprendrai point de combattre le

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46. L’ILIADE,dieu qui lance le tonnerre; sa puissance surpassecelle de tous les immortels.

Tels sont leurs célestes entretiens. Cependantles hommes et les coursiers , qui fuient devantHector, remplissent l’espace qui sépare la tour dufossé. Emule de l’homicide Mars , le fils de Priam ,

à qui Jupiter accorde la victoire , poursuit lesGrecs, les repousse jusques sous leurs remparts.De ce jour il eût livré leurs vaisseaux aux flammes ,

si, profitant du court intervalle pendant lequelHector laisse respirer sur le bord du fossé ses trou.pes essoufflées de leur course rapide, Junon n’eût

inspiré au pasteur des peuples, Agamemnon, lesage conseil de ranimer par ses paroles le couragedes Grecs. Couvert d’un vaste manteau de pour-pre dont il s’enveloppe en entier, il parcourt lestentes et les vaisseaux, s’arrête devant la tente et

le vaisseau d’Ulysse, qui, semblable à une énorme

baleine , s’élève au centre du camp. Haussant la

voix pour être entendu des tentes d’Ajax fils deTélamon , et des tentes d’Achille ; car ces héros,

se confiant dans leurs forces, ont mis a sec leursvaisseaux aux deux extrémités du camp :

Ô honte! s’écrie - t-il ; enfants de la Grèce, qui

vous enorgueillissez d’un éclat trompeur, que sont

devenus ces vains propos par lesquels , assis dans

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CHANT VIII. 47les festins, couronnant vos coupes, dans l’islè de

Lemnos, vous vous vantiez que les Troyens n’ose-roient vous résister, qu’un seul d’entre vous suffi-

roit pour repousser cent, deux cents ennemis? etmaintenant le seul Hector vous met en fuite ! il sepromet d’embraser vos vaisseaux! Ô Jupiter! ja-mais une telle affliction n’accabla les rois, images

de ta puissance; jamais tu n’imprimas une tellehonte sur leurs fronts. Cependant, quelque impa-tience que j’eusse de dévaster la ville de Priam ,

pendant tout le cours de ce périlleux voyage , jene passai devant aucun de tes temples sans t’offrirde nombreuses victimes, sans brûler sur tes autelset les cuisses et la graisse des bœufs. Exauce main-tenant les vœux que je t’adresse : ne souffre pasque la race des Grecs soit anéantie ; permets queces restes précieux de leur armée échappent autrépas.

Il dit; ses prières , ses larmes, sont entenduesdu père des dieux et des hommes. Il lui promet lesalut de son peuple , par ce signe de tête qui netrompe jamais. Par ses ordres un aigle, le plus cer-tain des augures, tenant dans ses serres le faond’une biche timide, vole au-dèssus de l’autel qui

fume de la graisse des victimes offertes au dieudont les oracles règlent tous les événements: par-

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48 L’ILIADE,venu au centre du sacrifice , l’oiseau de Jupiterlâche sa proie ; elle tombe sur l’autel. Les Grecs,

convaincus par cet heureux présage de la protec-tion de Jupiter, fondent sur les Troyens, ranimentun sanglant combat. Aucun ne monta plus promp-tement sur son char, ne franchit le fossé avec plusde rapidité , ne marcha plus fièrement cantre l’en-

nemi , que le fils de Tydée. Déja il a percé unguerrier magnanime , Agélas fils de Phradmon.Détaurnant ses coursiers , Agélas fait effort pourfuir: le fils de Tydée lance son javelot; la pointeaiguë s’enfonce entre les deux épaules , pénètre et

sort par la poitrine; il tombe ; le bruit de ses armesretentit au loin. Neuf intrépides guerriers se réu-onissent au vaillant Diomede ; les deux fils d’Atréè,

Agamemnon et Ménélas , les deux Ajax dont laforce est invincible , Idoménée, Mérion l’émule de

Mars, et Eurypyle, le fils d’Évemon , armé de l’arc

- et du carquois, et Tèucer qui se couvre du bou-clier de son frère Ajax fils de Télamon. Caché sous

le vaste contour de cet immense bouclier, portantses regards de tous côtés , il lance ses flèches surles ennemis qui l’environnent: les Troyens tom-obent en foule sous ses coups. A peine a-t-il frappél’un d’eux, que , semblable à un enfant qui se rap-

proche de sa mère , il revient se couvrir de l’éclaw

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CHANT VIII. 49tant bouclier d’Ajax. Sous ses traits tombent en-tassés Orsiloque, Ormene, Ophèlestès, Daitor,Chromius , le divin Lycophon te, Hamapaon fils de.Polyémon, et Mélanippe ; la terre retentit de leur.chûte. L’ame d’Agamemnon est réjouie à la vue

des phalanges troyennes que dispersent et détruinsent les flèches de l’adroit Teucer.

Mon cher Teucer, lui dit-il, chef d’un grandpeuple , tu partages avec Ajax l’honneur d’être

issu du sang de Télamon. Continue de lancer tesflèches homicides; sois le sauveur des Grecs, lajoie de ton père Télamon, qui éleva ton enfance ,qui te traita à l’égal des fils qu’il eut de sa légitime

épouse; que tes exploits soient la glaire de tonpère absent de ces sanglants combats. Écoute despromesses qui auront leur exécution: si le dieuqui porte l’égide, si Minerve qui me protège,m’accordent de détruire la haute cité d’Ilion , de

m’emparer des richesses que cette ville puissante

renferme dans sa vaste enceinte , tu obtiendras ,après mai, la portion la plus honorable du butin ,soit un trépied, ou deux coursiers et unchar su- lpèrbe, ou une belle captive qui partagera son litavec toi.

Illustre fils d’Atrée, lui répond Teucer, crois-tu

que tes exhortations et tes promesses soient né-

2: 7.

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5o L’ILIADE,cessaires pour soutenir mon ardeur? Je ne cesse-rai de frapper tant que mes forces pourront y suf-fire; je percerai les Troyens jusqu’à ce que, con-

traints de fuir , ils se renferment dans leurs murs.Déja la pointe aiguë de mes flèches a étendu sur

la poussière huit guerriers valeureux; mais cetennemi cruel, l’auteur de tous nos maux, échappejusqu’ici à mes coups.

Il dit; et impatient de percer Hector , il ajusteson arc etdirige sa flèche: elle s’égare, frappe dans

la poitrine un autre fils de Priam, le jeune Gorgy-thion. Castianire , dont la beauté égaloit celle des

immortels , donna ce fils à Priam dans la villed’AEsyme. Tel dans nos jardins un superbe pavotpenche sa tête altière surchargée par l’humidité

du printemps et des sucs trop abondants : tellela tête du fils de Priam, qui ne peut soutenir lepoids de son casque, tombe appesantie par le coupmortel.

Enflammé du desir de percer Hector , Teucerdécoche une autre flèche. Elle s’égare encore;

Apollon la détourne ; elle atteint dans la poitrinele valeureux Archèptoleme, l’écuyèr d’Hector,

qui anime ses coursiers : il tombe ; les agiles cour-siers s’écartent effrayés; sa vie s’exhale dans les

airs. La perte de ce fidèle éCuyer porte dans l’ame

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CHANT VIII. 51d’Hector une douleur profonde ; cependant, con-traint par la nécessité, il abandonne la dépouille

sanglante d’Archeptoleme : voyant près de lui son

frère Cébrion, il lui ordonne de monter sur sonchar, déprendre les guides dans ses mains. Cé-brion obéit. Se précipitant de son char, impatientd’atteindre le fils de Télamon qu’il menace à

grands cris , Hector saisit une pierre énorme, sedi3pose à accabler Teucer sous le poids de ce rocimmense. Dans le même temps l’adroit Teucerfait choix de la plus perçante de ses flèches; il laplace sur le nerf: d’une main il la soutient sur l’arc;

retirant l’autre jusqu’à son épaule, il tend le nerf

avec force. Hector le prévient; la pierre aiguë lefrappe dans la clavicule, où la blessure est plusdangereuse. Le nerf est brisé , la main de Teucerengourdie; il tombe sur ses genoux; le grand arcéchappe de ses mains. Ajax ne l’abandonne point

en ce pressant danger; il se hâte de le couvrirde son vaste bouclier. Deux de ses chers com-pagnons , Mécistée fils d’Échius et le, divin Alas-

tor , l’enlevent appesanti par sa blessure , paus-sant de profonds soupirs; ils le transportent auxvaisseaux.

Cependantle dieu qui règne sur l’Olympe rani-

me le courage des Troyens; les Grecs sont repous-

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5’2 ’ L’ILIADE,’

sés usqu’au fossé. Hector commande les siens ; fu-

rieux, portant de tous côtés de terribles regards,il précipite dans les sombres demeures tous ceuxqui se rencontrent sur son passage. Semblable àun limier qui se confiant dans sa vigueur, dans salégèreté , dans la force de ses jarrets , attentif à

tous les mouvements, de l’ennemi,.poursuit unsanglier ou un lion qu’il a lancé ; l’animal furieux

déchire de rage et ses cuisses et ses flancs z telHector poursuit les Grecs effrayés; grand nombretombent sans ses coups. Parvenus au fossé et à lapalissade , levant les mains au ciel , implorant le se-cours dè tous les immortels, ils s’efforcent de rap-

peler le courage dans leurs ames. Cherchant unpassage qu’il puisse franchir, Hector parte de touscôtés des regards aussi terribles que ceux de l’af-

freuse Gorgone ou de l’homicide Mars; il animeses coursiers , et parcourt tout le revers du largefossé. En cet instant la déesse aux bras d’albâtre ,

Junon, vivement affligée du malheur des Grecs,

adresse la parole à Minerve: .Fille du dieu qui porte l’égide, lui dit-elle , ne

prendrons-nous point pitié des Grecs qui péris-sent réduits aux plus cruelles extrémités? Unearmée entière tombe anéantie sous les coups d’un

seul homme: la fureur du fils de Priam est into-

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CHANT V111. 53lérable ; ne punirons -nous pas ses forfaits accu-mulés ?

La déesse aux yeux bleus , Minerve, lui répond:

Depuis long-temps la mort eût mis un terme à lafureur d’Hector; depuis long-temps il eût péridans sa terre natale, sous les coups des enfants dela Grèce: mais mon père, l’inflexible Jupiter, leprotège; injuste et cruel, il s’oppose à tous mesprojets. Il ne souvient plus à ce dieu irrité com-bien de fois j’ai sauvé son fils du trépas, dans les

divers travaux qu’Eurysthée lui imposa. Hercule

invoquoit avec larmes le secours des immortels.-Jupiter m’ordanna de descendre de l’Olympe , devoler à son aide. Si j’eusse prévu l’injure qu’il me

fait aujourd’hui, quand Eurysthée envoya ce fils si

cher à son cœur dans le sombre royaume de Plu-tan ravir le monstre qui veille à la porte des en-fers, jamais Hercule n’eût repassé les terriblescourants du Styx. Séduit par Thétis, qui, embras-sant ses genoux, lui adressa d’humbles prières , lui

demandant de venger l’injure faite à Achille ledestructeur des cités , l’ingrat Jupiter m’a mainte-

nant en horreur. Il viendra un jour qu’il me nom-mera sa fille chérie , la déesse aux yeux bleus.......Ô Junon, prépare ton char et tes coursiers: j’en-trerai dans le palais du dieu qui porte l’égide; je

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54 L’ I L I A D E .vêtirai mon armure divine; je me préparerai aucombat ; nous éprouverons si le fils de Priam, lefier Hector, naus rencontrant dans la mêlée, seraréjoui de notre vue. Plus d’un Troyen tombantsous nos coups, près des vaisseaux des Grecs, serala proie des chiens et des vautours.

Elle dit. La fille du vieux Saturne, Junon auxbras d’albâtre , se hâte d’attelèr à son char ses imv

mortels coursiers.Leur vaste crinière , qu’assemble

une tresse d’or , flotte négligemment sur leursépaules. La fille du dieu qui porte l’égide , Mi-

nerve, détachant le voile précieux qui la couvre,ouvrage de ses mains , le laisse flotter dans le pa.lais de son père, revêt la céleste cuirasse du dieuqui assemble les nuées , armure impénétrablequ’elle endosse quand elle marche aux combats,saisit cette lance pesante, terrible , armée de l’ai-

rain étincelant, avec laquelle elle détruit dans safureur des armées entières, s’élance sur le Char

éclatant de la reine des cieux. Junon anime avec lefouet ses agiles coursiers. Les portes du célestepalais s’ouvrent d’elles-mêmes à l’approche des

deux déesses ; les Heures en sont les gardiennes ,les Heures auxquelles est confié le soin d’ouvrir et

de fermer la nue qui dérobe à la vue des mortelset la voûte du ciel et le sommet de l’Olympe. Les

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C H A N T Vl I I. 55rapides coursiers s’agitent sous l’aiguillon qui les

presse: Junon et Minerve se disposent à parcou-rir, d’un vol léger, l’espace immense qui sépare

la terre de la voûte éthérée. De la cime la plusélevée de l’Ida, le père des dieux et des hommes ,

Jupiter, les voit; son ame s’irrite de leur révolte.

Adressant la parole à la messagère des dieux, Irisaux ailes d’or: Légère Iris , lui dit-il, hâte ton vol

rapide; contrains ces téméraires divinités de re-tourner en arrière : qu’elles n’entreprennent pas «

de-me disputer la victoire ; un tel combat se«rait trop dangereux. ’Tèls sont mes décrets; ilsauront leur exécution. Si elles résistent à mes vo-lontés suprêmes, j’ôterai la farce à leurs coursiers;

ils tomberont sous les roues du char qu’ils por-tent; ce char superbe dont elles s’enorgueillissen t,

je le briserai; je les précipiterai du sommet de-’ l’Olympe : dix années ne suffiront pas pour guérir

les blessures que ma foudre leur aura faites. AinsiMinerve, la déesse aux yeux bleus, apprendracombien il est dangereux de s’opposer aUX volon-tés de son père ; car je suis moins irrité contre J u-

non , accoutumé depuis long, temps à la voir tra-verser mes projets.

Il dit. D’un vol aussi rapide que la tempête, Iriss’élance , du sommet de l’Ida, surle vaste Olympe.

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56 L’ILIADE,Arrêtant les deùx déesses aux portes du palais de

Jupiter, elle remplit la mission dont le maître desdieux l’a chargée.

Où courez-vous avec cette rapidité ? Qui vousinspire une telle fureur? Jupiter vous défend desecourir les Grecs. Tels sont les décrets du fils deSaturne, qui auront leur exécution. Si vous résis-tez à ses volontés suprêmes , Jupiter ôtera la force

à vos coursiers; ils tomberont sous les roues duchar qu’ils portent ; il brisera ce char superbe dont

vous vous enorgueillissez ; il vous précipitera dusommet de l’Olympe : dix années ne suffiront pas,

pour guérir les blessures que sa foudre vous aurafaites ; afin que tu saches, ô Minerve, combien ilest dangereux de s’opposer aux volontés de tonpère; car Jupiter n’est pas aussi irrité contre Ju-non , accoutumé depuis long-temps à lavoir traver-ser ses projets : mais ton impudence m’étonne , ô

Minerve , s’il est vrai que tu oses lever ton javelot

impie cantre Jupiter, le père des dieux et deshommes.

Ainsi parle la légère Iris , et elle disparaît. Adres«

sant la parole à Minërve:

Fille du dieu qui lance le tonnerre, lui dit J unnon, que l’intérêt des vils mortels ne nous engage

pas dans un périlleux combat contre le maître des

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CHANT VIII. ’57dieux: qu’ils périssent ; que d’autres: vivent et

triomphent, selon que le Destin l’aura ordonné:que Jupiter protège ou les Troyens ou les Grecs ,’suivant ses immuables décrets.

Elle dit, et détourne ses coursiers légers. LesHeures les détellent, les enferment dans les éta-bles parfumées du sacré palais, emplissent l’ange

- et le ratelier d’une céleste pâture, approchent-le

char, l’appuient contre les murs du brillant palaisde Jupiter. Le cœur percé d’une douleur pro-fonde , les deux déesses prennent place sur leurstrônes parmi les autres immortels. Au sommet del’Ida, le père des dieux et des hommes, Jupiterattelle ses coursiers, monte sur son char, marchevers l’Olympe, la demeure des dieux. Neptunes’empresse de dételer les coursiers de son fière,de couvrir le char d’un voile de lin , de l’appuyer

sur sa base. Jupiter s’assied sur son trône d’or; le

vaste Olympe tremble sous ses pas : les deuxdéeses affligées , Minerve et Junon , se tiennent àl’écart, n’osant ni l’interroger ni lui parler. Le dieu

qui assemble les nuées observe leur morne silen-

ce, les appelle, leur parle ainsi : 4Ô Minerve, ô Junon, dit-il , quel est le sujet de

ce morne silence, de cette tristesse amère qui estpeinte sur vos fronts? Comment avez-vous borné

2. 8

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58 L’ILIADE,sitôt le cours de vos exploits guerriers? Vous con-çûtes le projet de détruire la race des Troyens;car vous leur gardez une haine implacable. Ma vo-lonté est stable, mon bras puissant : tous les dieux,habitants de l’Olympe , tenteroient en vain des’opposer à l’exécution de mes éternels décrets.

Vos génoux ont fléchi ; la terreur a eu accès dans

vos ames, avant que vous fussiez parvenues auxcampagnes de Troie, avant que vous eussiez si-gnalé votre haine par d’incroyables prodiges.Écoutez des menaces qui auroient eu leur exé-cution. Frappéès de ma foudre , votre char nevous eût pas reportées sur l’Olympe, la demeure

des dieux.Il dit. Assises près l’une de l’autre , méditant la

ruine des Troyens , les deux déesses mordentleurs lèvres dans la fureur qui les anime. Minervemurmure en secret; la colère est peinte dans sesyeux : mais elle n’ose éclater. Junon ne peut con-

tenir son indignation.Inexarable fils de Sa turne , dit-elle , quelle pa-

role est sortie de ta bouche ! Nous connaissons etta puissance et ton inflexibilité; mais nous som-mes émues d’une tendre pitié pour les valeureux

enfants de la Grèce , que leur cruelle destinée pré-

cipite dans les sombres demeures. Nous nous abs-.

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CHANT VIII. 59tiendrons du combat, puisque tu l’exiges; souffreau mains que nous donnions aux Grecs de salutai-res conseils, dans la crainte qu’excitant tan cour-roux , leur race ne soit anéantie: épargne, ô J upi-

ter, les restes infortunés de ce peuple!Implacable Junon , lui répand le dieu qui

assemble les nuées , demain, au lever de l’aurore ,

ma puissance se montrera avec plus d’éclat; tes

yeux pourront voir la faux de la mort moissonnerles héros de la Grèce, dissiper leur armée : car le

grand Hector ne cessera de combattre , que le filsde Pélée, aujourd’hui retiré dans ses tentes, ne se

réveille , en ce jour auquel les Grecs , resserrésdans leur camp comme dans un défilé étroit,combattront sous la pouppe de leurs vaisseaux,près du corps de Patrocle tombé sous les coupsd’Hèctor. Tel est l’ordre du Destin..Je méprise

ton courroux, ô Junon. En vain tu essaierois deme susciter des ennemis aux extrémités de la terre

et de la mer , en ces lieux habités par Japet et Sa-turne , qu’environne le’profond Tartare, où la lu-

miere du soleil ne pénètre jamais, qui ne sont ra-fraîchis en aucun temps par la douce haleine desvents. Quand tu pénétrerois dans ces sombresdemeures pour exciter contre moi une révolteimpie , je ne redouterois point tes impuissants

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6o L’ I L I A D E,efforts; car rien n’égale ton impudence et ta tés.

mérité. .Il dit. Junon ne lui répond pas. Cependant le

flambeau du jour s’éteint dans l’océan; les téne-

brès s’étendent sur la terre. Contraints de mettre

un terme à leur fureur , les Troyens les envisagentavec douleur: les enfants de la Grèce les atten-dent avec impatience; leurs cris redoublés saluentle char d’ébène de la Nuit, qui suspendle carnage;

Hector assemble les Troyens sur les bords du Sca-mandre, loin du champ de bataille , loin des vais-seaux des Grecs, dans un espace vuide , à la vuedes corps sanglants des ennemis qu’il a terrassés. -Descendus de leurs chars , tous l’écoutènt en si-

lence. Tenant dans ses mains ce javelot de onzecoudées qu’un anneau d’or environne, dont la

pointe aiguë répand au loin une effrayantelumière , appuyé sur cette arme terrible , l’ami de

Jupiter, le grand Hector, parle ainsi aux Troyensassemblés:

Troyens , Dardaniens , et vous, nos fidèlesalliés , écoutez- moi. J’espérais en ce jour rentre-r

dans Ilion, ayant détruit l’armée des Grecs, ayant

brûlé leur flotte impie z mais la nuit a répandu ses

ombres sur la terre ; ses ténèbres .sont le salut desI Grecs repoussés juSqu’aux rives de la mer, jusques

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CHANT VIII. 61dans leurs vaisseaux. Cédans à la nuit; préparons

le repas du soir ; dételez vos coursiers; donnez-lèur’, près des chars, la pâture convenable : je de-

meure ici attendant le lever de la divine Aurore.Hâtèz-vous d’aller à la ville , d’amener des bœufs

et des moutons, d’acheter du vin, d’apporter de

vos maisons du pain de pur froment, d’assemblerle bois nécessaire pour allumer un grand nombrede feux dont la splendeur s’élève jusqu’à la Voûte

éthérée. Eclairons les démarches des Grecs, dans

la crainte qu’ils ne profitent de l’obscurité de la

nuit pour fuir sur leurs vaisseaux. légers. Qu’ilsfuient, mais percés de nos coups; qu’ils aillentdans leur patrie panser les blessures que nos fle-ches et nos javelots leur auront faites : que leurexemple effraie quiconque osera tenter, dans lessiècles futurs, de porter la’guerre dans les champs

troyens. Envoyans à Ilion des hérauts , messagersde Jupiter; qu’ils ordonnent aux Troyens d’assem-

bler les jeunes hommes dont un léger duvet cou-vre à peine le menton , de choisir des ’vièillards

respectables par leurs cheveux blancs pour lescommander ; qu’ils montent sur nos tours, et fas-

sent unè garde exacte; que les femmes allumentde grands feux dans leurs maisons et dans leurspalais , de peur que les Grecs ne profitent de l’ab-

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62 L’ILIADE,sence de l’armée pour pénétrer secrètement dans

la ville. Exécutez fidèlement, ô Troyens , ce queje prescris pour la sûreté commune : demain jedonnerai mes ordres à l’armée. Daignent Jupiter

et les autres immortels réaliser l’espoir que jeconçois de purger nos campagnes de cette nuéed’ennemis. qui’ant fendu, avec des vaisseaux lé-

gers , le sein de la plaine liquide, conduits par undestin funeste , dans le dessein de porter sur nosrives la guerre et lqcarnage ! Veillons encore cettenuit; empêchons que les Grecsne nous surpren-nent. Demain , au lever de l’aurore, couverts denos armures, nous renouvellerons un sanglantcombat sous la pouppe de leurs vaisseaux. Nousconnaîtrons alors si le fils de Tydée , le vaillantDiomede ,V parviendra à nous repousser dans nosmurs; au si. tombant lui-même sous les coups demon javelot, j’emportèrai dans Troie ses dépouilles

sanglantes. La journée de demain éprouvera l’in-

trépide courage du fils de Tydée , s’il tient ferme

contre Hector; mais j’ai cette confiance qu’avant

le lever du soleil il tombera sans les coups de monjavelot, et grand nombre des siens avecflui. Puis-sé-je jouir de l’immortalité! puissé - je , exempt de

la vieillesse , être honoré par un culte religieux àl’égal de Minerve et d’Apollan , comme il est vrai

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CHANT V111. (sa,que la ournée de demain sera fatale aux enfants dela Grèce !

Ainsi parle Hector. Les Troyens lui répondentpar des acclamations réitérées : leurscoursierscouverts de sueur sont dételés; des courroies lesattachent aux roues des chars : ils se hâtent d’ame-ner de la ville des bœufs et des moutons , d’acheter

du vin, d’apporter de leurs maisons des pains depur froment, d’assembler le bois nécessaire auxbûchers; la fumée de la graisse des victimes estportée, par le souffle impétueux des vents , jus-qu’à la voûte étoilée. Réunis. par pelotons sous les

pouppes des vaisseaux de l’ennemi, méditant de

grands projets, les Troyens font, pendant toutecette nuit, une garde exacte. Les feux qu’ils ontallumés brillent dans la plaine. Telles, dans untemps serein, rafraîchi par un air pur que les ventsne troublent point, les étoiles qui, sur la voûteazurée , forment le cortège brillant de la reine descieux , éclairent les sommets escarpés des mon-tagnes , leurs chûtes rapides, les lacs, les forêts , et ’

réjouissent le pasteur qui veille à la garde de ses

troupeaux: tels paraissent les feux des Troyenssous les murs d’Ilion, dans l’espace qui sépare les

vaisseaux des rives du Xanthe. Mille brasiers sontallumés : cinquante hommes veillent autour de

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64 L’ILIADE, CHANT VIII.chaque feu , dont l’éclat réfléchit sUr les corps des

guerriers. Attachés aux roues des chars, les cotir-siers mangent l’orge et l’avoine, attendant quel’Aurore monte sur son trône d’or.

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L’ILIADE.

CHANT IX.

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ARGUMENT.A c A M E M N o N éveille les rois , visite avec eux les gardes du camp,

tient conseil sur le bord du fossé, ouvre l’avis de profiter des ombres

de la nuit pour retourner dans la Grèce. Diamède et Nestor s’y op-

posent. Nestor conseille de tenter d’engager Achille à combattre; ce

qu’Agamemnon lui promet. Choix des députés , Ulysse , Phénix ,

Ajax. Le fils de Pélée demeure inflexible: il retient Phénix auprès

de lui, renvoie Ulysse et Ajax porter sa réponse aux Grecs. Diomedeleur reproche d’avoir , par cette démarche , accru la fierté d’Achille.

Les Grecs se préparent à une vigoureuse résistance.

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.. É. t 1 .ZL, t, I î A, I: . ,1. . L. A. . a: . Î Aï::;: ,::,,È .:î.. A ,îr, JA a ce . : au; . . . . Ç a: a. âge int. WIdWWWWWJfIMWWIJFlIIIIhIJ I in Je Mn.l - il l l.lMIN l il lH..TIIHnIz il .H aW in, .. A MillW. H .. A WWA...Mmm . lhllili.i .. si m4 v , .2

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L’ILIADE.

l C H A N T I x.

Ambassade à Achille. Inflexibilite’ du fils de Péle’e.

AINSI les Troyens font-une garde exacte pena-dant la nuit. Mais le trouble, la fiIitè honteuse,la terreur meurtrière qui l’accompagne , sont dans

l’armée des Grecs: les rois , les plus valeureuxdes enfants de la Grèce, sont consternés: sem-blables aux ondes de la mer, quand le .vent dunord et le vent du couchant, s’élevant subitement

des montagnes de Thrace, bouleversent ses pra-,fonds abymès; les flots se gonflent, une’blancheécume s’étend sur la plaine liquide : ainsi sont di-

visées les pensées des Grecs. L’amè percée d’une

douleur profonde, le fils d’Atrée , Agamemnon,éveille ses hérauts ; il leur ordonne d’appeler cha-

cun des chefs à un conseil secret, leur interdit lescris accoutumés; lui-même il remplit auprès desplus distingués ce pénible ministère. Les enfants

de la Grèce prennent place en silence; une mornetristesse est répandue sur leurs fronts. Versant des

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68 L’ILIADE,larmes aussi abondantes que les eaux noircies parla chûtè rapide d’un torrent qui se précipite dusommet d’une roche escarpée, Agamemnon s’as-

sied sur son trône. Poussant un profond soupir, iladresse la parole aux rois :

Ô mes amis, chefs et conseils de l’armée des

Grecs , dit-il , Jupiter nous accable de maux : lepère des dieux et des hommes nous a tendu unpiège indigne de la majesté suprême. Ce dieu

cruel me promit, par ce signe de tête qui netrompe jamais , un heureux retour dans ma patrie,ayant dévasté la puissante ville de Priam ; et main-tenant, méditant une fraude indigne du maître des

dieux, il m’oblige de retourner sans gloire dansArgos, ayantperdu un grand peuple. Ainsi le veutce dieu puissant, qui se plaît à abaisser les têtessuperbes des plus grandes cités ; car nul ne peutlui résister. Obéissez donc à mes ordres; fuyons,puisque la nécessité nous y contraint : retournons ,

avec nos vaisseaux, dans notre patrie; car il n’estplus d’espoir de nous emparer de la puissante citéd’Ilion.

Ainsi parle le fils d’Atrée. Un mame silence,

effet de la douleur qui les accable , règne dansl’assemblée. Le valeureux Diomede prend enfin

la parole:

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CHANT IX. 69Fils d’Atrée, dit-il, tu abuses, par ces ordres

insensés, de l’autorité que nous t’avons donnée.

Ô roi, j’oserai le premier te résister dans le con-

seil; car la justice. l’exige: ne t’en irrite pas. Tume fis injure a la face de l’armée des Grecs , me

nommant un homme sans force, incapable de sou-tenir les travaux de la guerre : tous les Grecs,jeunes et vieux, en furent témoins; tous connais-sent l’injustice de tes reproches. Le fils de Sa-turne, dont les conseils sont éternels, fit deuxparts de ses dans ; il te donna le sceptre et leshonneurs attachés à la royauté , et te refusa la force

et le courage, sans lesquels l’autorité est impuis-

sante. Insensé! penses-tu que les Grecs soientassez lâches pour se soumettre à de tels ordres? Si

la crainte te force de retourner dans ta patrie,pars ; les chemins sont ouverts: les nombreuxvaisseaux qui t’apparterent de Mycenes sont misà sec sur le rivage; lance-lès à la mer: les valeureuxenfants de la Grèce demeureront jusqu’à ce que

nous nous soyons rendus maîtres de la puissanteville de Priam. Ou plutôt qu’ils fuient; qu’ils re-

prennent avec toi la route de leur patrie : Sthéné-lus et moi, nous combattrons jusqu’à ce que nousayons trouvé le our marqué par lesDèstins pour lachûtè d’Ilion ; car nous ne sommes pas arrivés ici

sans l’ordre des dieux.

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7o L’ I L I A D E,Il dit. Tous les Grecs applaudissent, par des

acclamations redoublées, au discours du valeu-reux fils de Tydée. Le sage Nestor se lève; adres-sant la parole aux chefs de l’armée des Grecs :

Fils de Tydée, dit-il, la force de ton bras, lasagesse de tes conseils , surpassent celles de tousceux de ton âge : aucun des Grecs ne blâmera tondiscours ; aucun n’osera le contredire; Cependanttu n’as pas atteint le but de nos délibérations. Tu

serois , par ta jeunesse , le dernier de mes fils; maista sagesse éclate dans les conseils que tu donnesaux rais. Je parlerai a mon tour; je ne dissimulerairien : car je suis plus vieux que toi; aucun ne mé-prisera mes avis salutaires , pas même le roi Aga-memnon. Celui-là est injuste, et mérite d’être ex-

clus de la société des hommes , qui se plaît dans

les guerres , dans les divisions intestines. Cédansmaintenant à la nuit; préparons le repas du soir;plaçons des sentinelles et des corps avancés sur lefossé , hors de la muraille ;faisons une garde exacte:

tels sont les devoirs des jeunes gens. Agamem-non , donne les ordres convenables; car l’autorité

et la puissance sont remises en tes mains. Inviteles vieillards, les chefs de la nation, à un festinsolemnel. C’est toi que ces soins regardent; ilssont dignes de la majesté suprême. Tes celliers

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CHANT .Ix. 71sont remplis d’un vin délicieux; chaque jour nos.

vaisseaux, traversant la plaine liquide, t’en appor-

tent des campagnes de Thrace; tes tentes renfer-ment les provisions nécessaires pour traiter di-gnement tes hôtes; tu domines sur un grand peu-ple. Réunis dans ta tente pour un festin solemnel,nous t’aiderons de nos conseils : tu suivras lemeilleur. Les Grecs en ont un pressant besoin ;car les Troyens ont allumé de grands feux jusquessous la pouppe de nos vaisseaux. Quel œil ne seroitattendri a la vue de ce spectacle horrible ! Cettenuit décidera du salutou de la ruine de l’armée des

Grecs.Il dit. Dociles à ses avis , tous l’écoutènt en si-

lence. Les jeunes hommes Chargés de veiller à lagarde du fossé et de la muraille , couverts de leursarmures, s’empressent de se rendre à leur poste;les troupes que commande Thrasymèdè fils deNestor, le pasteur des peuples , celles qui mar-chent sous les ordres d’Ascalaphus et d’Ialmènus

fils de Mars , ceux que commandent Mérion ,’Apharée et Déipyrus , ceux que guide au combatle divin Lycomèdè fils de Créon: sept corps, decent hommes chacun , armés de longs javelots ,sont placés dans l’espace qui sépare le fossé de la

haute muraille ; sept chefs renommés lescomman-

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72 L’ILIADE,. dent: ils allument des feux , préparent le repas dusoir.Le fils d’Atréè,Agamemnon, conduitdans sa

tente les vieillards , les chefs de l’armée , les invite

à un festin solemnèl: ils portent leurs mains surles mets qui leur sont offerts. Quand la nourriturea réparé leurs forces abattues , le vieux Nestor ,dont le conseil a paru le meilleur, ouvre le premiercet avis salutaire :

Illustre fils d’Atrée, roi des hommes, Agamèm.

non, je parlerai de toi; je commencerai par toi:car tu règnes sur un grand peuple; Jupiter te don-na le sceptre, et tout ce qui appartient à l’exercice

de la justice, afin que tu prennes conseil pour eux.C’est à toi qu’il convient de parler le premier,

d’écouter ensuite , et de procurer. aux autres les

moyens de te dire ce que leur esprit leur. suggèrepour l’utilité commune; d’ordonner enfin , car à,

toi seul appartient l’empire. Je dirai donc ce quime paraît le meilleur. Aucun n’a ouvert jusqu’ici

un conseil plus utile que celui que je te donnai dèsle commencement; c’est le même que je te donne

encore. Souviens-toi de ce jour auquel, contre no-tre avis, pénétrant dans la tente d’Achillè dont le

courroux est. maintenant la source de tous nosmaux , tu enlevas sa captive Briséis. J’essayai en

vain de te détourner de ce fatal projet: enorgueilli

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CHANTIx. fide ta puissance, tu fis injure au plus fort, au pluscourageux des enfants de la Grèce, à un héros que

les immortels ontcomblé de glaire : tu ravis et pos-sedes la juste récompense de ses travaux. Consul-tons maintenant entre nous comment nous par-viendrons a appaiser le fils de Péléè par de douces

paroles, par des dans dignes de lui.Ô vieillard, répond le roi des hommes , Aga-

memnon , c’est avec justice que tu me reprendsde la faute que j’ai commise ; elle est grande , jene le dissimule point. Un seul homme que Jupiterchérit, est plus fort: que des nations réunies: ledieu qui assemble les nuées me punit, et le venge ,par la ruine de l’armée des Grecs. N è prenant con-

seil que des mouvements inconsidérés de moncœur, j’ai fait injure à un héros. Je l’appaiserai par

des dans immenses ; je veux vous en faire l’énu-mération: sept trépieds dont le feu n’a point ap-proché; dix talents d’or ; vingt vases d’airain;

douze coursiers vigoureux et légers , souvent cou-ronnés dans les combats du cirque: un hommequi n’aurait, pour tous biens, que les prix que mes

coursiers m’ont acquis , ne pourroit passer pourindigent; ils suffiraient pour combler les vœuxd’un mortel : de plus sept captives lesbiennesd’une grande beauté , instruites dans tous les arts

2. 10

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74 L’ILIADE,de leur sexe, que je choisis moi-même dans lepartage du butin , quand nous dûmes à sa valeurla conquête de la puissante Ville de Lesbos ; ellessurpassent en beauté toutes les autres mortelles:je les donnerai à Achille , et lui rendrai la fillede Brisès , cette belle captive que je lui ai ravie ;j’attesterai, par un serment terrible , que jamaiselle ne partagea mon lit, que jamais je ne goû-tai avec elle les douceurs d’un commerce secret.Je lui ferai maintenant ces riches présents; etsi les dieux nous accordent de dévaster la grandeville de Priam , de nous emparer des trésors querenferme cette immense cité, je veux qu’avanttout partage du butin Achille charge lui-même unvaisseau d’or et d’airain ; qu’il choisisse vingt fem-

mes trayennès, les plus belles après l’argiènneHélène. De retour dans le fertile pays d’Argos , ilsera mon gendre ; je l’honorerai à l’égal d’Oreste,

mon fils unique, élevé à Argos dans l’abondance

de tous biens. Trois filles habitent mon superbepalais, Chrysothémis, Laodice et Iphianasse: ilchoisira celle qui lui agréera le plus; il l’emmènera

dans le palais de Pelée son père. Je n’exige aucun

des présents accoutumés : j’y joindrai une dot im-

mense, tèlle que jamais père n’en donna de sem-

blable à sa fille ; sept villes riches , nombreuses en

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CHANT IX. 75habitants, Cardamylè, Énopéè , Hira fertile en pâ-

turages, la divine Plières , Anthée environnée demarais profonds , la superbe AEpea , et Pédasosdont le vignoble est abondant, toutes voisines de lamer, non loin de la sablonneuse Pylos. Dès hom-mes riches en moutons, riches en bœufs, habitentces cités : ils l’honorèront comme un dieu; ils lui

feront de superbes présents; ils paieront. à sonsceptre un juste et immense tribut. Je donneraitoutes ces choses au fils de Péléè, s’il appaise son

courroux. Qu’il Cède à nos prières. Le dieu des

enfers est seul inexorable; les humbles vœux nepeuvent le fléchir: c’est pour cela qu’il est en hor-

reur aux martels. Qu’Achille se soumette à monempire: car je suis plus âgé que lui ; ma race estillustre; je commandé à tous les rois.

Fils d’Atrée, roi des hommes, Agamemnon ,’

repand le vieux Nestor , les dans que tu fais audivin Achille sont dignes de ce héros. Choisissonsdes députés illustres; qu’ils se hâtent d’aller à la

tente du fils de Pélée. Je les nommerai; ils ne rè-fuseront pas cette honorable mission. Phénix l’ami

de Jupiter, Ajax et le divin Ulysse, seront nosdéputés; que deux hérauts, Hodius et Eurybatè,

les accompagnent. Apportez de l’eau; purifionsnos mains; applaudissez, adressant vos vœux au

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76 L’ILIADE,fils de Saturne , lui demandant de prendre com-rpassion des maux que nous souffrons.

Il dit ; tous applaudissent. Les hérauts versentde l’eau sur leurs mains ; les esclaves couronnentles coupes , et les distribuent à l’assemblée. Ayant

fait des libations aux dieux, et bu autant que lasoif les y convie , les députés s’empressent de sor-’

tir de la tente du fils d’Atréè. Portant ses regardsde tous côtés , le vieux Nestor leur donne d’utiles

Conseils, à Ulysse par-dessus tous les autres : Ten-tez , leur dit-il , tous mayens de fléchir I’irrépro--

chable fils de Pélée. Ils parcourent le rivage de la

mer bruyante , adressant leurs vœux à Neptunedont les ondes environnent la terre, lui deman-dant de porter la persuasion dans la grande arne dudescendant d’AEacus. ’

Parvenus aux vaisseaux des Thessaliens , les dé-putés trouvent Achille assis à l’entrée de sa tente ,

qui charme son ennui par les accents de sa ci-..thare. Cette lyre précieuse fit partie des dépouillesde la ville d’Éétion dont il s’empara : ouvrage de

Dédale, le manche en est d’argent. Achille en tire

des sans harmonieux qu’il accompagne des douxaccents de sa voix: il célèbre les exploits (les an-ciens héros de la Grèce. Assis devant lui, Patrocleseul attend en silence que le descendant d’AEacus

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CHANTIx. Wait fini de chanter. En cet instant les chefs de l’ar-mée des Grecs s’approchent ; le divin Ulysse està leur tête. Du plus loin qu’ils apperçoivent lefils de Péléè , ils s’arrêtent avec respect. Achille

étonné , tenant l’harmonièuse cithare dans ses

mains, s’élance du trône où il est assis; Patrocle

quitte le siège qu’il occupe. Ètendant la main , lefils de Pélée adresse aux députés ces douces pa-

roles:Héros que, malgré mon courroux, je chéris et

révere par-dessus tous les enfants de la Grèce,soyez les bien venus ; sans doute une pressante né-cessité vous amène.

Ayant ainsi parlé, le fils de Pélée introduit les

députés dans sa tente , les fait asseoir sur des trô-

nes couverts de tapis de pourpre. Adressant la pa-role à Patrocle qu’il voit près de lui:

Fils de Ménétius, lui dit-il, empresse-toi d’ap-

porter la plus vaste des urnes que mon vaisseaurenferme; prépare un vin exquis; distribue descoupes: car les hommes les plus chers à mon cœursont arrivés dans ma tente.

Il dit. Patrocle obéit à son cher campa-gnon.Achille lui - même pose sur un feu ardent un vaseimmense , destiné à contenir les chairs des victi-mes ; il y place le dos entier d’un mouton. et d’une

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78 L’ILIADE,chèvre engraissés, et le râble d’un porc brillant

d’une graisse ferme et épaisse. Automédan tient

le vase; le divin Achille fait les portions : les chairsétantcoupées,ils les embrochent: le fils de Méné-

tius allume un grand feu. Quand la flamme estéteinte, Patrocle étend les charbons, élève lesbroches de dessus leurs bases , répand le sel, pré-

sent des dieux, pose les chairs sur les charbonsardents , les retire , les place sur la table, apportele pain dans de riches corbeilles. Achille distribueles chairs , ètprend place vis-à-vis d’Ulysse , appuyé

contre la cloison opposée au trône qu’occupe cehéros ; il ordonne à son compagnon Patrocle d’of-

frir aux dieux les prémices. Le fils de Ménétius

détache des morceaux de toutes les parties desvictimes, et les jette dans le feu ; ils portent leursmains sur les mets! qui leur sont offerts. Quand ledesir du boire et du manger est satisfait, Ajax faitun signe à Phénix. Le divin Ulysse le remarque,couronne sa coupe du vin dont il l’emplit; la pré-sentant au fils de Pélée:

Achille, lui dit-il, je te souhaite le bonheur. Lesfestins ne nous manquent ni dans la tente d’Aga-m’emnon fils d’Atréè, ni maintenantdans la tienne:

nous avons en abondance toutes les choses quicontribuent aux délices de, la vie ; mais des soins

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CHANTIx. mcruels ne nous permettent pas d’en goûter les dou-

ceurs. Descendant du dieu qui lance le tonnerre ,nous tremblons à la vue des maux prêts à fondresur nos têtes. Nos vaisseaux sont menacés; laflamme est prête à les consumer, si tu ne te revêts

de ta force pour nous défendre. Les Troyens,leurs nombreux alliés , campés près de la muraille

que nous avons construite dans le dessein de pro-téger nos vaisseaux, ont allumé de grands feux;ils ne s’arrêtèront pas qu’ils n’aient franchi nos

remparts, et pénétré dans nos vaisseaux. Jupitersoutient leur ardeur par les augures favorables qu’il

leur envoie; le tonnerre gronde et éclate pour euxsur la droite. Hector, lançant sur l’armée des Grecs

de terribles regards, se confiant dans la protectiondu fils de Saturne, ne met aucun terme à sa fiIreur;il ne respecte ni les dieux ni les hommes; la ragevit au fond de son cœur; il attend avec impatiencele lever de l’aurore ; il se promet de couper avecla hache les pouppes de nos navires, d’y lancerdes torches ardentes , de porter le carnage dansnotre camp, d’ensevelir les Grecs consumés parles flammes, étouffés par la fumée, sous les débris

de leurs vaisseaux embrasés. Je tremble que lesdieux n’effectuent ses menaces , que notre desti-née ne soit de périr aux champs troyens, loin de

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80 ..L’ILIADE’,la fertile Argos. Réveille-toi de ce long sommeil, ô

Achille; viens, quoique tard, au secours de ta pa-trie affligée; arrache les enfants de la Grèce à la.fureur des Troyens : ces forfaits consommés, il nenous restera plus de ressource. Considèrè’, avantl’événement, comment tu écarteras la mort prête

à fondre sur l’armée des Grecs: souviens-toi desconseils que Pélée ton père te donna à ton dé-

part de Phthiè, lorsqu’il t’envoya combattre auxchamps troyens dans l’armée d’Agamèmnon. Ô

mon fils, te disoit-il, Minerve et Junon te donne-ront la victoire , si telle est leur volonté : maissouviens- toi de réprimer les mouvements impé-tueux de ton cœur, de te concilier l’amour de tousles Grecs jeunes et vieux; évite les dissentions in»

testines , sources de maux extrêmes. Ainsi te par-lait le vieux Péléè ; et tu as oublié ses conseils!

Mets un terme à ta vengeance. Agamemnon te ferade riches présents, s’il parvient à fléchir ton cour-

roux. Je vais t’en faire l’énumération : sept tré-

pieds dont le feu n’a point approché ; dix talentsd’or; Vingt vases d’airain; douze coursiers vigou-

reux et légers, souvent couronnés dans les comvbats du cirque: un homme qui n’aurait, pour tous

biens , que les prix que ces coursiers lui ont ac-quis, ne pourroit passer pour indigent; ils suffi

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CHANT IX. 81raient pour combler les vœux d’un mortel: deplus sept captives lesbiennes d’une grande beauté,

instruites dans tous les arts de leur sexe , qu’ilchoisit lui - même dans le partage du butin , quandnous dûmes à ta valeur la conquête de la puissanteville de Lesbos; ces femmes surpassent en beautétoutes les autres mortelles : il te les donnera , ette rendra la fille de Brisès, cette belle captive qu’il

t’a ravie ; il attestera, par un serment terrible, que

jamais elle ne partagea son lit, que jamais il negoûta avec elle les douceurs d’un commerce se-

cret. Agamemnon te fera maintenant ces richesprésents ; et si les dieux nous accordent de nousemparer de la grande ville de Priam , avant toutpartage du butin tu chargeras toi-même un vais-seau d’or et d’airain ; tu choisiras vingt femmesentre les captives , les plus belles après l’argiènne

Hélène. De retour dans le riche et fertile paysd’Argos , tu deviendras son gendre; il t’hanorèraà l’égal d’Oreste , son fils unique , élevé à Argos

dans l’abondance de tous biens. Trois filles habi-tent son superbe palais , Chrysothémis, Laodiceet Iphianasse; tu choisiras celle qui t’agréera leplus , et tu l’emmeneras dans le palais de Pelée tonpère. Agamemnon n’exige aucun des présents ac-

coutumés : il y joindra une dot immense , telle

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82 L’ILIADE,que jamais père n’en donna de semblable à sa fille;

sept villes riches , nombreuses en habitants , Car-damylè , Énopéè , Hira fertile en pâturages, la di-

vine Pherès , Anthée environnée de marais pro-fonds , la superbe cité d’AEpea, et Pédasos dont le

vignoble est abondant, toutes voisines de la mer,près de la sablonneuse Pylos. Des hommes richesen moutons, riches en bœufs , habitent ces cités :ils t’honoreront comme un dieu , te feront de su--pèrbes présents , paieront à ton sceptre un juste et

immense tribut. Agamemnon te donnera toutesces choses pour appaiser ton courroux. Si ta haineestinflexiblè , si tu le méprises et dédaignes ses

dans, sois sensible au malheur des Grecs, à laperte d’une armée entiere; les Grecs t’honorerônt

comme un dieu ; tu verras tomber sous tes coupsle grand Hector qui assiège maintenant nos vais-seaux, dont la rage ne peut être assouvie que parnotre mort. Le fils de Priam se vante qu’entretous les guerriers que les vaisseaux des Grecs ontapportés sur ces rives, il n’en est aucun qui puisselui résister.

Divin fils de Laërte , industrieux Ulysse, lui ré-

pond Achille , je m’expliquerai avec franchise:vous n’ébranlerez pas la ferme résolution que j’ai

prise, qui aura son exécution. Cessez de me fati-

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CHANT IX. 83guer par de vaines instances. Je hais à l’égal des

portes des enfers celui qui cache une chose dansson cœur et en dit une autre ; je dirai donc le partiqui me semble le meilleur. Ni le fils d’Atréè , Aga-

memnon , ni aucun autre des Grecs , ne me per-suaderont de combattre sans relâche contre desennemis puissants, pour n’être payé de mes tra-

vaux que par des injustices. Celui qui demeure enrepos , et celui qui soutient le poids de la guerre,ont le même partage; le lâche est aussi honoréque l’homme courageux; le lâche et le guerrierintrépide sont enfermés dans le même tombeau.Quel fruit ai-je retiré de mes exploits ? Que me re-vient-il d’avoir prodigué ma vie dans tant de com-bats? Comme l’oiseau qui porte’à ses petits, dont

un duvet léger couvre à peine les tendres ailes, lanourriture qu’il leur a préparée , tombe sous les

serres du vautour; ainsi ayantpassé tant de nuitssans goûter les douceurs du sommeil, tant de joursdans des combats sanglants contre des hommesjcou-rageux pour la défense de vos épouses ; ayant cou-

ru les mers sur des vaisseaux légers ; ayant conquis-douze villes dans les isles , onze sur le continent ’voisin de la riche cité de Troie; m’étant emparéde trésors immenses dont j’ai comblé le fils d’A-

tréè; tandis qu’oisif dans ses vaisseaux ilrècueilloit

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84 L’ILIADE,le fruit de mes travaux, s’en attribuoit à lui-même

la plus grande part, distribuoit la plus petite auxchefs de l’armée; tous gardent Ce qui leur a été

donné; le fils d’Atréè ravit à moi seul le prix de

ma valeur; il enlève et retient mon épouse. Qu’il

en jouisse. Cependant quel est le sujet de cetteguerre? Quel motif arme les enfants de la Grècecoutre les Troyens? Pour venger quelle injurea- t-an assemblé cette grande armée? Hélène ravie

à Ménélas n’en est-elle pas l’objet? Les fils d’Atrée

sont-ils les seuls qui chérissent leurs épouses?Tout homme juste et sensé aime et honore cellequ’il a choisie. Ainsi j’aimais Briséis, quoique ma

captive ; elle fut la récompense de mes travaux.Agamemnon l’a arrachée de mes bras; il m’a trom-

pé une fois; qu’il n’espère plus me séduire: ses

ruses me sont connues; il ne me persuadera point.Ô Ulysse , que le fils d’Atrée délibère avec toi et

les autres rois sur les moyens d’écarter la flamme

prête à consumer vos vaisseaux. Vous avez fait degrandes choses sans moi; vous vous êtes fatiguéspour élever cette haute muraille , pour creuserce fossé et large et profond , pour le fortifier pardes palissades ;,et cependant vous n’avez pu arrê-ter l’impétuosité de l’homicide Hector! Tant que

je combattis avec les Grecs , le fils de Priam n’osa

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CHANT IX. 85s’engager dans un périlleux combat, hors desmurs de sa patrie : une seule fois il tenta de sortirde la porte Scée , de s’avancer jusqu’au grandhêtre ; repoussé honteusement, il n’échappa qu’a-

vec peine à l’impétuosité de ma poursuite. Je ne

combattrai plus contre le divin Hector. Demain ,au lever de l’aurore, vous pourrez, si le desir vousy convie , me voir , après de solemnels sacrifices,lancer à la mer mes vaisseaux légers: mes ra-meurs, fèndant avec rapidité la plaine liquide,s’ouvriront un passage au sein de l’Hellèspont. Si

Neptune m’accorde une heureuse" navigation , la

troisième aurore me verra aborder la fertilePhthie , où m’attendent les richesses immensesque j’y ai laissées à mon départ pour Troie; j’y

joindrai l’or, l’airain , les belles captives , l’acier

poli, qui m’échurènt dans le partage du butin.Le seul prix dont le fils d’Atrée avoit payé mes

exploits, il me l’a ravi, et m’a fait injure. Portez;

lui ma réponse; parlez ouvertement: que monexemple excite une juste indignation dans l’âme

des Grecs, si cet homme injuste essaie de lestromper. Malgré son impudence, il n’oseroit lever

les yeux sur moi. Qu’il ne se flatte pas que jel’aide ou de mes conseils , ou de mon bras ; ilm’a offensé ; il m’a trompé. Qu’il se borne à jouir

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86 L’ILIADE,du fruit de sa perfidie, et ne tente plus de m’enimposer par de vaines promesses. Qu’il périsse;car Jupiter l’a rendu insensé. Ses dans me sontadieux; je le méprise comme un vil esclave. Medonnât - il dix fais, vingt fois autant qu’il m’offre

maintenant; me donnât-il tout ce que sa folleambition lui promet, toutce que le commerce ap-porte de richesses dans Orchomene ou dans The-bes, la capitale de l’Égypte , "dont les maisons sont

remplies d’immenses trésors, dans Thebes aux,cent portes , par chacune. desquelles sartent deuxcents guerriers montés sur des chars attelés decoursiers vigoureux; me donnât-il autant d’orque le rivage de la. mer contient de grains de sa-ble , il ne fléchiroit pas mon courroux. Qu’ilporte la peine de l’injure qu’il m’a faite. Le fils

d’Atrée , Agamemnon , ose me proposer l’hymèn

de l’une de ses filles ! Eût-elle tous les charmesde Vénus, pût-elle le disputer a Minerve dans.les arts de son sexe, je ne l’épouserois pas; qu’il.

choisisse un autre gendre entre les enfants de laGrèce, celui qui lui agréera le plus, celui dont la

puissance flattera le plus son ambition. Si lesdieux me conservent la vie , qu’ils permettentque, je revienne dans ma patrie , Péléè mon père

me choisira une épouse. Il est dans l’Élide , il est

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CHANT IX. 87dans Ph thie , des filles de rois protecteurs des ci-tés : l’une d’elles sera ma compagne ; uni, par les

nœuds d’hyménée , à cette épouse chère à mon

cœur, je posséderai en paix les richesses que le.vieux Pélée m’a acquises. Ni les trésors que la

superbe .ville de Troie renfermoit dans ses murs,dans le temps de la paix , avant l’arrivée desGrecs, ni tous ceux que cache dans sa vaste en-ceinte le temple de marbre consacré à Apollondans la pierreuse Pytho, ne peuvent être mis enparallèle avec la vie. Les pirates enlèvent lesbœufs et les moutons d’un homme riche ; on ac-quiert des trépieds , de rapides coursiers : maison ne peut rappellèr l’ame humaine , quand ellea franchi la fatale barrière. Ma mère , la fille duvieux Nérée, Thétis aux pieds d’argent, m’a dé-

voilé ma destinée. Deux routes, m’a-t-èlle dit,

te conduiront à ton heure dernière ; le choix esten ton pouvoir: l’une environnée d’une gloire

immortelle, si tu demeures aux champs troyens,combattant sous les murs de Troie , mais sans ès-poir de rentrer dans ta terre natale ; l’autre dansune tardive vieillesse si tu retournes dans ta patrie,mais cette gloire immortelle sera perdue pourtoi. Fuyez vous-mêmes, ô mes amis; retournezdans vos maisons , car tout espoir de conquérir

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88 L’ILIADE,Ilion vous est ravi: Jupiter a étendu son braspuissant sur cette grande cité ; il a ranimé la con-fiance des Troyens; il a soufflé l’intrépidité dans

.leurs ames. Reportez ma réponse aux chefs del’armée des Grecs ; que les vieillards les-aident de

leurs conseils, c’est leur devoir : qu’ils cherchent

dans leur esPrit quelque autre moyen de sauverl’armée, d’écarter la flamme prête à consumer

leurs vaisseaux; celui-ci ne leur réussira point;ils ne parviendront pas à fléchir mon courroux.Que cependant Phénix repose dans ma tente,attendant le lever de l’aurore : demain il fendraavec moi la plaine liquide , pour reprendre , s’il le

veut, le chemin de notre commune patrie ; car jen’userai pas de contrainte pour l’emmener. i

Il dit. Tous gardent le silence , étonnés de l’in-

flexibilité de sa réponse. Versant des larmes ame-

res, tremblant pour les vaisseaux des Grecs, levieux Phénix prend enfin la parole :

Illustre fils de Pélée, lui dit-il , si tu as pris laferme résolution de retourner dans ta patrie , quetu refuses de repousser la flamme prête à consu-mer nos vaisseaux , que rien ne puisse fléchir toncourroux, comment resterois-je seul sur cetteterre étrangère , abandonné de toi, ô mon cherfils ! Péléè ton père te confia à moi le jour auquel

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CHANT 1x. 89il t’envoya de Phthie avec Agamemnon , encoreenfant, non accoutumé aux travaux guerriers,ni formé dans l’art de convaincre les hommesdans l’assemblée de la nation , vertus dont lesmortels tirent leur gloire. Pélée ton père m’en-

voya avec toi pour t’instruire dans l’art de la per-

suasion, pour te donner l’exemple dans les com-bats. Non , mon cher fils , je ne t’abandonneraipoint, quand un dieu me promettroit qu’effaçant

les rides qui couvrent mon front, il me rendroità ma première jeunesse , tel que je’fus autrefois

ç lorsque j’abandonnai le pays des Hellenès , la pa-

trie des belles femmes, fuyant la colère de monpère Amyntor fils d’Orménidas, irrité contre moi

à cause d’une belle concubine qu’il aimoit ten-

drement , au méprisdè ma mère sa légitimeépouse. Embrassant mes genoux , ma mère meconjuroit de me faire aimer de cette femme, afinqu’elle prît le vieillard en horreur. Je me rendisà ses instances; je fus’aimé. Soupçonnant mes

criminelles amours , mon père me maudit, invo-qua contre moi les cruelles Euménidès, leur de-mandant qu’aucun enfant né de mon sang nes’assît sur ses genoux. Les dieux infernaux , Plu-

ton, la cruelle Proserpine , exaucerènt ses vœux.Je pris en dégoût le palais de mon père: mes com-

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90 L’ILIADE,pagnons, les jeunes hommes de mon âge, s’effor-çoient de m’y retenir; de fréquentes victimes de

bœufs et de moutons fumoient sur les autels desdieux; les soies de grand nombre de porcs en-graissés furent jetées dans les flammes de Vulcain;

ils puisoient sans-cesse le vin du vieillard dansles urnes qui le renfermoient. Se relevant alter-nativement , ils firent , pendant neuf nuits , unegarde exacte: pendant tout ce temps le feu nes’éteignit point; il brûloit sous le portique; ilbrûloit sous le vestibule; des brasiers alluméséclairoient l’entrée de la chambre où j’étais ren-.

fermé. Quand la dixième nuit eut couvert l’hori-

zon de ses voiles parfumés, je parvins à briser lesportes de ma prison ; je franchis avec rapidité lavaste enceinte du palais de mon père: aucun de mesgardiens, aucune des femmes esclaves , ne m’ap-Iperçut. Ayant parcouru la vaste Élide , j’arrivai dans

la fertile contrée de Phthie , nourrice de nom-breux troupeaux: le roi Pélée m’accueillit avec

bonté , m’aima comme un père aime un fils uni-

que , le fruit de sa vieillesse, qu’il destine à êtrel’héritier de ses biens immenses acquis par sestravaux; Pélée me combla de richesses, soumit àmes ordres un grand peuple. J’habitais l’extrémité

de la Thessalie, régnant sur les Dolopes. Je t’-ai-.

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CHANT 1x. 91Amai: je te rendis tel que tu es maintenant, o

Achille, égal aux immortels. Dans ton enfancetu refusois d’assister aùx festins sacrés , de prenv

dre aucune nourriture dans le palais de Pelée tonpère, que je ne t’eusse placé sur mes genoux , que

je n’eusse coupé tes morceaux, que je n’eusse ap-

proché la coupe de tes lèvres. Plusieurs fois tusouillas et mon sein et mon manteau du vin queta bouche répandait dans tes plus jeunes ans; cartu fus difficile à élever. Je souffris beaucoup à

4 cause de toi; je travaillai beaucoup. Un espoir sou-tenait mon courage: les dieux , me disois-je à moi-mêmè, n’ont pas permis que j’eusse de postérité;

adoptons cet enfant; rendons- le semblable auximmortels; il sera un jour mon protecteur; ilécartera de moi l’ennemi qui voudra ma ruine.AppaiSe ton courroux, ô mon cher fils; ne soispas inflexible. Les dieux eux-mêmes ne le sontpas; leur clémence est la Source de leur gloire etde leur puissance. Ils se laissent fléchir par lessacrifices , par les vœux, par les libations , par lagraisse des victimes que leur offrent les mortels.Quand l’orgueil, quand les crimes des hommesles irritent, les Prières les appaisent; les Prières,filles de Jupiter; boiteuses , ridées , leur regardest louche; elles marchent à pas lents à la suite

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92 ’ L’ILIA.DE,de l’Injure , dont la farce est grande et le piedléger. L’Injure les devance de loin , attaque etblesse les mortels : les Prières , filles de Jupiter ,marchent à sa suite, guérissentlès blessures qu’elle

a faites, secourent ceux qui les respectent, exau-cent leurs vœux. Mais elles s’irritent contrel’homme inflexible qui les méprise: remontantdans le palais du fils de Saturne leur père , ellesimplorent sa vengeance ; l’lnjure vole , punit cethomme inexorable. Achille , rends aux filles deJupiter l’honneur qui leur est dû: souvent ellesont fléchi l’amè superbe des héros. Si , persévé-

rant dans son injustice , le fils d’Atréè refusoit de

la réparer , s’il ne t’offroit des dans immenses ,

s’il ne t’en promettoit de plus grands encore, je

ne te proposerois pas de mettre un terme à tavengeance , de secourir les Grecs , malgré lesmaux qui les accablent: mais Agamemnon terend la captive qu’il t’a’ravie ; il te comble de

biens , t’en promet davantage. Il a choisi dans l’ar-

mée des Grecs les hommes les plus distingués ,.ceux qui te sont les plus chers , pour les députervers toi : ne méprise ni leurs démarches ni leurssupplications. Ton courroux fiIt juste autrefois ; ilseroit criminel aujourd’hui. Ainsi l’on nous ra-conte qu’agirent les hommes les plus célèbres de

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CHANTIX. fil’antiquité : quand une violente colère les enflam-

moit, ils se laissoient fléchir par les dans; ils nefurent pas inaccessibles aux humbles prières. Ilme souvient d’une ancienne histoire ; je veuxvous la raconter, ô mes amis. Les Curetès et lesÉtoliens combattoient sous les murs de Calydon;une guerre sanglante s’était élevée entre ces deux

peuples. Les Curetes assiégeoient la superbe citéde Calydon; les Étoliens la défendoient. Arté-mise, au trône d’or, avoit suscité ce terrible fléau,

- irritée contre les Étolièns de ce que leur roiOEnéus, après une abondante récolte , ayant fait

de solemnels sacrifices à toutes les divinités, nelui avoit pas offert les prémices des fruits de laterre. Soit oubli, ou tout autre motif, l’insenséOEnéus avoit négligé le culte de la fille du grand

Jupiter. La chasseresse Artémise , violemmentcourroucée , envoie dans les champs fertiles desËtoliens un énorme sanglier aux dents d’ivoire ;

il déracine les arbres couverts de fleurs , présages Id’une abondante récolte; il dévaste tous les jours

les riches campagnes des Étolièns. Le fils d’OE-

néus, Méléagre , assemble des cités voisines un

peuple immense de chasseurs et de chiens( carune troupe peu nombreuse n’eût suffi pour arrê-

ter les ravages de ce monstre). Grand nombre

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94 .L’ILIADE,de bûchers avoient consumé les corps sanglantsdes chasseurs tombés sous sa dent meurtrière.Méléagre le perce de son javelot. L’implacable

déesse seme la discorde entre les vainqueurs : latête , la peau, les dépouilles de l’énorme san-

glier, excitent une guerre sanglante entre les Cu-retes et les braves Etoliens. Tant que Méléagre,l’ami du dieu Mars , combattit à la tête des va-leureux Etoliens , les Curetes , quoique plus nom-breux, furent repoussés et défaits; ils ne purentapprocher des murs de Calydon. Mais le cour-roux, qui égare le sage même , eut accès dansl’ame de Méléagre: irrité contre sa mère Althéè,

ce héros demeurait auprès de son épouse chérie ,

la belle Cléopâtre , fille de Marpisse qui fut filled’Ëveniè , et d’Ida le plus courageux des mortels.

Epris d’une violente passion pour la belle Mar-pisse , Ida osa combattre contre Apollon. Ce futle sujet du surnom que les parents de Cléopâtrelui donnèrent , Alcyone , parcequè la mère decette nouvelle Alcyone pleuroit la mort de sonépoux quand elle fut ravie par le dieu dont lesflèches sont invincibles. Telle étoit l’épouse que

Méléagre, oisif dans son palais, refusait de quitter

pour voler au secours des siens; car il nourrissoitdans son cœur un violent courroux des imprécav

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CHANTIX. fitians que sa mère, irritée de la mort de son frère ,ne cessoit d’adresser aux dieux contre lui. Fléchis-

sant sans cesse les genoux, prosternée contre laterre qu’elle embrassoit , inondant son sein de seslarmes, cette mère affligée ne cessoit d’invoquer

Pluton et l’inexorable Proserpine , leur demandant

par des vœux assidus la mort de son fils. Une im-placable furie, qui voloit dans les ténèbres, l’en-

tendit du fond de l’Érebe. Cependant les ennemis

attaquent les tours de la ville de Calydon; le bruitdes coups redoublés des assiégeants, l’alégresse

des vainqueurs, le trouble des assiégés , les crisplaintifs des mourants, portent au loin la terreur.Les vieillards députent les pontifes des dieux versMéléagre, pour implorer le secours de son bras;ils essaient de le tirer de l’asyle où il se tient ren-

fermé; ils lui promettent des dans magnifiques,un domaine de cinquante arpents à son choix,moitié en vignes, moitié en terres labourables,dans le sol le plus fertile de toute la contrée , prèsdes murs de l’agréable ville de Calydon. Montant.

au sommet de la brillante demeure de son fils , levieux OEnéus ébranle les portes , embrasse les ge-noux de son fils irrité. Ses frères, ceux d’entre ses

compagnons qu’il chérit, qu’il honore par- dessus:

tous les autres, sa mère elle-même , essaient de le

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96 L’ILIADE,fléchir : il demeure inexorable , et ne se laissepersuader que lorsque les Curetes, ayant escaladéles remparts , portant le fer et le feu dans la hautecité de Calydan , ont fait brèche aux murs du pa-lais. Alors son épouse, la belle Cléopâtre , versant

des larmes amères , met sous ses yeux l’affreux ta-bleau des horreurs que l’assaut d’une grande ville

entraîne après lui; ils tuent les hommes, livrentla ville aux flammes, arrachent les enfants des brasde leurs mères, réduisent à une dure captivité lesfemmes les plus distinguées. L’ame de Méléagre

est ébranlée : fléchi par les larmes de son épouse,

il se lève, revêt son éclatante armure, prend ladéfense des Etoliens. Mais ces peuples ne lui don-nerent pas les magnifiques présents qu’ils luiavoient destinés; car il n’avait cédé qu’à la crainte

de voir son palais enveloppé dans l’embrasement

universel. N’aie point de telles pensées , ô monCher fils; qu’un dieu ennemi ne t’inspire pas ces:

funestes conseils; n’attends pas, pour nous secou-rir, que la flamme consume nos vaisseaux: accepteles dans qui te sont offerts ; les Grecs t’honoreront

comme un dieu. Si tu refuses maintenant de com-battre, tu n’obtiendras pas un semblable honneur,quand l’impérieuse nécessité te contraindra d’é-

loignèr de nous le terrible fléau de la guerre.

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CHANT Ix. 97Divin Phénix, que j’aime comme un père tendre,

répond Achille, tant d’honneurs me sont à charge:

les décrets de Jupiter règlent ma destinée ; ils sont

la source de ma gloire ; je les exécuterai dans lesvaisseaux des Grecs, tant que je respirerai, tantque mon ame imprimera le mouvement à mesmembres. Écoute ce que je vais te dire; grave-ledans ton esprit. Cesse d’essayer de m’émouvoir par

tes larmes, par tes prières , dans le dessein de com-plaire a Agamemnon. Je t’aime , ô Phénix: l’ami

d’Agamemnon me seroit adieux. Partage mon i117dignation ; règne avec moi; reçois la moitié de mes

états , témoignage éclatant de ma reconnaissance.

Que tes compagnons portent ma réponse à ceuxqui. les ont employés: demeure ici; que le reposde la nuit délasse tes membres fatigués. Demainnous délibérerons sur le parti qu’il convient de

prendre, ou de retourner dans ma patrie, ou dedemeurer en ces lieux. ç j

Il dit, et fait signe à Patrocle de dresser un lit.Le divin Ajax, fils de Télamon, prenant la parole:

Divin fils de Laërte, industrieux Ulysse , par-tons, dit-il; car nous ne parviendrons pas à flé-chir cet homme. Quelque infructueuse qu’ait été

notre députation, hâtons-nous de porter la ré-ponse d’Achille aux Grecs; qui n’ont pas rompu,

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98. ’L’ILIADE,l’assemblée, attendant notre retour. La grandeame d’Achille est inexorable ; l’amitié n’a point

accès dans son cœur. Le cruel! nous n’avo’ns pu

l’appaiser, nous ses compagnons , ses amis, queles Grecs choisirent entre tous, comme ceux quil’honorent par-dessus tous les autres. Le guerrierle plus terrible reçoit la rançon de la mort d’unfrère, d’un fils : le meurtrier continue d’habiter

sa ville natale, ne redoutant plus une vengeancequ’il a rachetée ; le courroux de son ennemi estappaisé par le prix qu’il a reçu. Mais les dieux

ont mis dans tan ame, ô Achille , une haine im-placable, à cause d’une captive qui t’a été ravie :

nous t’en offrons sept qui surpassent en beauté

toutes les autres; nous y ajoutons des dans im-menses. Appaise ton courroux; nous t’en conju«rons par les droits de l’hospitalité. Les hommes

qui te sont les plus chers , qui t’honorent par-dessus tous les autres , habitent maintenant lamême tente que toi.

Divin Ajax, fils de Télamon , roi d’un grand

peuple, répond Achille, tu as parlé selon toncœur; mais mon amè s’irritè par le souvenir del’injure que m’a faite le fils d’Atrée , me traitant

comme un vil étranger dont on dédaigne le cour-

roux. Retournez aux vaisseaux; reportez ma ré-

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CHANT 1x. 99ponse aux Grecs. Je ne prendrai de part à cetteguerre cruelle, que lorsque le fils de Priam, l’ho-micide Hector, ayant réduit en cendres vos vais-seaux , étendra le carnage jusqu’aux miens , jus-qu’aux tentes des Thessaliens. Mais j’ai cette con-

fiance qu’Hector, quelque insatiable qu’il soit de

combats, respectera et ma tente et mon vaisseau.Il dit. Tous, tenant dans leurs mains des cou-

pes a deux fonds , offrent aux dieux de sainteslibations : les députés reprennent la route du ’camp; Ulysse est à leur tête. Cependant Patrocleordonne à ses compagnons et aux femmes esclaves,de dresser un lit pour Phénix. Elles obéissent,dressent le lit dans la tente d’Achille, étendentpar-dessus des peaux et des tapis de pourpre, le.couvrent du lin le plus pur : le vieillard attend surce lit le lever de la divine Aurore. Dans un réduitobscur de sa tente, Achille goûte les douceurs dusommeil ; une belle captive , Diomédée, la fillede Phorbas , qu’il amena de Lesbos , repose à sescôtés. En face du lit occupé par le fils de Pelée ,,

s’élève celui de Patrocle: la belle lphis est près

de lui, lphis que lui donna Achille quand il eutconquis la haute cité de Scyros , où regnoitEnyéus.

Cependant les députés parviennent à la tente,d’Agamemnon. Tous se lèvent à leur approche ;

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100 L’ILIADE,tenant dans leurs mains des coupes d’or, ils sa-luent les députés , les interrogent sur le succèsde leur mission. Le roi des hommes, Agamem-non , adressant le premier la parole au fils deLaërte :

Divin Ulysse , la gloire des Grecs , lui dit-il ,.Achille consent-il à nous seconder? éloignera- t-illa flamme prête à consumer nos vaisseaux? Achille

vous a-t-il refusés? Sa haine est-elle implacable?Illustre fils d’Atrée, roides hommes , Agamem-

non , répond le patient , le divin Ulysse , Achille-refuse de s’appaiser ; nos malheurs semblentaffermir son courroux; il te hait , et refuse tes,dans. Prends conseil avec les Grecs , nous a-t-ildit; avise aux moyens de sauver les vaisseaux etl’armée des Grecs; au lever de l’aurore , je feu--

drai la plaine liquide avec mes Vaisseaux. Que les.Grecs remontent sur leurs navires; qu’ils retour-5

rient dans leur patrie , car il ne vous reste plus:d’espoir de vous emparer de la grande cité d’llion:

Jupiter a étendu son bras puissant pour la protêtgèr; il a ranimé la confiance des Troyens; ce dieusouffle l’intrép’idité dans leurs ames. Tels sont ses

disCours. Interrogè ceux qui m’ont accompagné ,

Ajax , les deux hérauts ; prudents l’un et l’autre,

ils te confirmeront la vérité de mon récit. Le

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CHANT IX. 1-01vieux Phénix est resté dans la tente d’Achillè ; le

fils de Péléè l’exhorte à reprendre avec lui , dès

demain , la route de la Thessalie. Phénix le suivras’il le veut; car Achille n’usera pas de contraintepour l’emmener.

Il du. Étonnés de l’inflexibilité- du fils de Pé-

lée , et de la fierté de sa réponse , tous se taiSènt.

Le vaillant Diomède interrompant ce long si-lence:ç Illustre fils d’Atrée, rai des hommes, Agamem-

non , dit-il , plût aux dieux qu’offrant des dansimmenses au fils de Pelée, le plus fier des mortels,-tu n’eusses pas tenté de le fléchir ! tes instancesn’ont servi qu’à accroître son orgueil. Qu’il parte

ou qu’il demeure, que nous importe? Il combat-tra , quand son courage s’irritera de cette longueoisiveté , lorsqu’un dieu l’aura inspiré. Suivez

tous mes conseils. Ayant réparé par la nourriture

vos forces abattues , goûtez maintenant les dou-ceurs du repos ; car le sommeil accroît la forcede l’homme. Quand l’Aurore aux doigts de rosese montrera sur l’horizon , range l’armée en ba-

taille, ô Agamemnon; que les hommes de pied ,.que les chars rangés par ordre devant la pouppede nos navires, leur servent de rempart; inspire àtous, et par tes paroles et par ton exemple, un in-

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102 L’ILIADE, CHANT IX.trépide courage ; combats toi-même au milieu deshéros de la Grece.

Il dit; tous les rois applaudissent au magnanimeconseil du valeureux fils de Tydée. Ayant fait des,libations aux dieux, ils se retirent dans leurs tentespour goûter les douceurs du sommeil.

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L’ILIADE.

CHANT X.

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ARGUMENT.AGAMEMNON, éveillé par la crainte d’être surpris , appelle les

rois au conseil sur le revers du fossé. Ulysse et Diomerle sont chargés

d’épier les mouvements de l’ennemi. Mort de Dolon l’espion des

Troyens. Instruits par cet espion du quartier qu’occupent les Thra-ces, les deux héros profitent de l’obscurité de la nuit pour donner

la mort à Rhésus et à douze de ses compagnons, et s’emparer des

superbes. coursiers du rai des Thraces. Retour d’Ulysse et de Dia-mède au camp des Grecs.

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E’».?I--L 1- A D 1E.

C H A N T X.

Le fils de Tydée tranche la tête à Rhésus.

UN doux repos délasse les membres fatigués detous les chefs de l’armée des Grecs: mais Aga-memnon , le pasteur des peuples , ne goûte pointles douceurs du sommeil ; diverses pensées agi-tent son esprit, et portent dans son ame un trou-ble semblable à l’effroi dont les mortels sont sai-

I sis à la vue de l’éclair avant- coureur de la foudre

lancée par le bras de l’époux de la belle Junon,

présage de la pluie, de la grêle, de la neige quiblanchit les campagnes, ou d’une guerre sanglante,

le plus terrible des fléaux qui accablent la race hu-mai ne.’Ainsi gémit Agamemnon : son cœur pousse

de profonds soupirs, ses genoux tremblent, sesesprits sont troublés à la vue des feux épars dans

la plaine sous les murs de Troie. Au bruit confusdes instruments guerriers qui retentissent à sonoreille, à la vue des mouvements rapides de cettemultitude d’ennemis répandus dans la plaine , une

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106 L’ILIADE,surprise mêlée d’horreur s’empare de ses sens.

Portant ses regards sur les vaisseaux et sur l’armée

des Grecs , il arrache ses cheveux , éleve vers leCiel ses mains suppliantes , pousse de profondssoupirs. Après de mûres délibérations, ce parti

lui parut le meilleur. Éveillons, se dit-il à lui-même , le plus sage des enfants de la Grece : peut-être le fils de N élée , le vieux Nestor, me donne-

ra-t-il un utile conseil pour le salut de tous. Aussi-tôt il se leve , revêt sa tunique , ceint ses éclatants

brodequins; une vaste peau de lion couvre sesépaules , et descend jusqu’à terre ; sa main estarmée d’un pesant javelot. La même frayeur s’est

emparée de l’ame de Ménélas; le sommeil n’a

point fermé ses paupieres ;le sort de ces héros qui. ont traversé pour lui la plaine liquide , qui l’ont

suivi aux champs troyens , qui se sont engagésdans cette guerre difficile pour venger son injure ,et l’agite et l’alarme; Une peau de léopard est sur

ses épaules ; sa tête est couverte d’un casque d’ai-

rain ; dans sa main brille un lourd javelot : il mar-che vers la tente de son frere, qui régné sur tousles Grecs, que le peuple honore comme un dieu.Agamemnon revêt son éclatante armure sous lapouppe de son vaisseau ; la vue de son frere portela joie dans l’ame du roi des rois. Le vaillant Méenélas prenant la parole :

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CHANT x. l le;Pour quel sujet te couvres - tu de tes armes , ô

mon frere? lui dit- il z as - tu dessein d’éveillerquelqu’un de nos compagnons , de l’envoyer épier

les projets des Troyens? Je crains qu’aucun desGrecs n’ose se charger de cette périlleuse mission;

celui - là seroit hardi qui, profitant des ombres dela nuit, tenteroit de pénétrer seul dans l’armée

ennemie pour découvrir les desseins des Troyens.Divin Ménélas, répond le roi des rois , Aga-

memnon , un sage conseil nous est nécessaire àl’un et à l’autre en ce pressant danger : nous avons

besoin d’un conseil qui soit le salut des Grecs etde leurs vaisseaux. La volonté de Jupiter est chan-gée. Sans doute les sacrifices et les vœux d’Hector

ont prévalu sur les nôtres ; car jamais on ne vit ,jamais on n’ouit dire qu’un homme seul ait projeté

en un seul jour autant d’entreprises difficiles, quele vaillant Hector, l’ami de Jupiter, en a exécuté

en cette même journée contre tous les enfants dela Grece. Aucune déesse ne l’a porté dans son sein;

il n’est le fils’d’aucun des immortels : et cepen-

dant ses exploits , dans ce seul jour , affligerontlong- temps les Grecs. Hâte- toi, ô mon frere, de

. voler aux tentes d’Ajax et d’Idoménée ; ordonne-

leur de se porter sur nos remparts. Je marche à latente du divin Nestor ; e l’éveillerai ; je l’engagerai

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108 L’ILIADE,de visiter avec moi nos sentinelles, de-les aiderde ses conseils: ils l’écouteront plus qu’aucun au-

tre ; car Thrasymede son fils , et Mérion l’écuyer

d’Idoménée, commandent les gardes avancées:

c’est dans ces héros que nous avons mis notre con-

fiance.i Enseigne-moi, lui répond le vaillant Ménélas,

comment j’exécuterai ce que tu m’ordonnes.Ayant

porté tes ordres à Ajax et à Idoménée , attendrai-je

ton arrivée sur nos remparts, ou reviendrai-je àtoi?

Demeure sur nos remparts , répond Agamem-non, de peur que nous cherchant l’un et l’autre,

nous ne nous égarions dans le grand nombre deroutes qui partagent le camp. Éleve la voix; éveilletoute l’armée; parle à chacun d’eux des exploits

de ses ancêtres ; rappelle à leur esprit ce qu’ils doi-

vent aux héros qui leur ont donné le jour; abaisseta fierté devant tous ; livrons - nous aux plus durstravaux: souviens- toi que l’orgueil fut, dans tousles temps , la source des maux dont Jupiter accabla

les Atrides. ’Ayant ainsi donné ses ordres à Ménélas , il

marche vers la tentede Nestor, le pasteur despeuples. Couché sur la laine la plus’fine , ce héros

repose à l’entrée de sa tente sous la pouppe de

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CHANT X. 109son vaisseau. Près de lui sont ses armes , son bou-clier, deux javelots , un casque que surmonte im-superbe panache , l’éclatant baudrier qu’il ceint

quand il marche au combat à la tête de ses com-pagnons; car la pesante vieillesse n’a pu domterson courage. Levant la tête, appuyé sur son coude,il regarde le fils d’Atrée ; ses yeux, appesantis par

le sommeil, ne le reconnoissent point. Elevant lavoix:

Qui erre ainsi, dit- il, au milieu de l’armée,près de nos vaisseaux, pendant l’obscurité de la

nuit, quand tous les autres mortels sont plongésdans le sommeil? Cherches-tu quelqu’un desgardes , quelqu’un de tes compagnons P Parle;n’avance pas sans te faire connoître. Que me

veux-tu? ’Ô Nestor, fils de Nélée, la gloire des Grecs ,reconnais l’infortuné Agamemnon fils d’Atrée,

que Jupiter accable de maux par-dessus tous les-autres mortels; les maux me poursuivent sansrelâche; ils ne m’abandonneront point, tant que

je re5pirerai , tant que mes genoux conserverontleur flexibilité et leur ressort. J’erre dans leCamp; le. doux sommeil ne peut fermer mes pau-pieres; les Soins de la guerre , les maux que jevois prêts à fondre sur les Grecs , ne sortent point

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110 L’ILIADE,de mon esprit. Je tremble pour les Grecs; je nesais quel parti prendre ; mon cœur tressaille; mesgenoux fléchissent: je cherche en toi, ô vieillard,un sage conseil pour fixer mes résolutions incer-taines. Si les mêmes pensées troublent ton som-meil , empressons-nous de visiter les sentinelles :je crains que, succombant aux travaux de cettepénible journée, elles ne se soient endormies; que

les mouvements des ennemis qui assiegent nosvaisseaux n’aient échappé à leur vigilance; que ,

profitant de la nuit pour nous surprendre, lesTroyens ne nous livrent à toute l’horreur d’uncombat ténébreux.

Fils d’Atrée , roi des hommes, Agamemnon ,

lui répond le sage fils de Nélée , Hector se flatte

du fol espoir que Jupiter exaucera toujours sesvœux: les peines, les travaux , les périls, l’atten-

dent, si jamais le cœur d’Achille est sensible à.nos maux, si nous parvenons à fléchir le terriblecourroux du fils de Pélée. Je te suivrai; éveillonsles autres chefs de l’armée ,.’l’invincible fils de

Tydée, Ulysse, le léger Ajax fils d’Oïlée , le va-

leureux fils de Phylée. Il conviendroit d’envoyerquelqu’un à la tente d’Ajax fils de Télamon, et à

celle du roi Idoménée dont les vaisseaux ont été

mis à secà l’extrémité du camp. Quelque amitié

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CHANT X. inque j’aie pour Ménélas , je ne vois pas sans indigna-

tion qu’il dorme en paix , et ne partage point testravaux; dût-il s’en offenser , je lui ferai, avec fran-chise, les reproches qu’il mérite. Dans l’état af-

freux auquel l’impérieuse nécessité nous réduit,

exhorter , supplier tous les chefs de l’armée , tel

seroit son devoir.Ô vieillard , répond le roi des rois , Agamem-

non , en unautre temps ces reproches furent fon-dés ; moi- même je t’invitai à les faire à Ménélas :

car il se relâche souvent, et fuit le travail, nonpar foiblesse ni défaut de prudence; mais, lesyeux fixés sur moi, il attend que je lui donnel’exemple. Cependant aujourd’hui, éveillé avant

moi, il est arrivé le premier dans ma tente. J’aii prévenu tes désirs; je l’ai envoyé avertir Ajax et

Idoménée. Marchons: nous les trouverons auxportes du camp entre les sentinelles; je leur aiordonné de se rendre en ce lieu pour y tenir

conseil. :Ne crains point, lui répond le vieux Nestor,qu’aucun se refuse au travail, quand Ménélas est

porteur de tes ordres. iIl dit, et revêt sa tunique, ceintses brodequins,

attache avec une agraffe d’or son vaste manteaude pourpre couvert de laines flottantes, qui se

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’112 L’ILIADE,reploie sur son épaule; il prend en main un lourdjavelot, à l’extrémité duquel brille l’airain étince-q

lant, et parcourt avec Agamemnon le camp desGrecs. Ulysse, égal aux dieux par la sagesse deses conseils, le sage Ulysse est le premier deshéros de la Grece que leurs cris ont éveillé; il

sort de sa tente. Adressant la parole aux deuxrois :

Quelle pressante nécessité , leur dit-il, vouscontraint d’errer ainsi dans le camp , seuls, par

une nuit obscure? aDivin fils de Laërte, industrieux Ulysse , lui ré-

pond le’vieux Nestor, ne t’irrite pas de notre imw

patience; elle est l’effet de la douleur profondedont nos ames sont pénétrées à la vue des maux

qui menacent les enfants de la Grece. Suis- nous ’au conseil; délibérons sur le parti qu’il nous reste

à prendre, ou de fuir ou de combattre.Il dit. Bentrant dans sa tente, le sage Ulysse

prend son bouclier et marche avec eux. Ils par-viennent à la tente de Diomede. °

Le fils de Tydée n’a point quitté son éclatante

armure; ils le trouvent couché à l’entrée de sa

tente , couvert de ses armes , environné de sescompagnons qui dorment autour de lui, la têteappuyée sur leurs boucliers. Leurs javelots réunis

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CHANT X. 113en faisceaux sont près d’eux : le bois est enfoncé

dans la terre; l’airain qui les surmonte brillecomme la foudre de Jupiter. Couché sur la peaud’un bœuf sauvage , le fils de Tydée dort d’un pro- -

fond sommeil; un superbe tapis est sous sa tête.Nestor s’approche; le poussant du pied , il l’é«

veille, lui adresse ces tendres reproches :Éveille-toi, fils de Tydée, lui dit-il; il n’est pas

temps de dormir pendant une nuit entiere. N’enw.tends-tu pas les cris des Troyens répandus dans laplaine? Ils assiegentnos vaisseaux; un court espacenous sépare.

Il dit. Diomede s’élance d’un saut rapide.

Infatigable vieillard, dit-il, jamais le repos nesuspendit tes travaux. N’étoit-il pas , entre les en-fants de la Grece , de jeunes hommes qu’on eût pu

charger de parcourir le camp pour éveiller les rois?Ton ardeur , ô vieillard, ne peut être ralentie.

Tu as parlé convenablement, ô mon cher Dio-l.mede, répond le vieux Nestor; mes irréprocha-bles enfants , de jeunes hommes choisis dans l’ar-

mée des Grecs , en grand nombre , eussent pu’ être chargés du soin de parcourir le camp , et d’éq.

veiller les rois : mais la nécessité est pressante ; leglaive est suspendu sur nos têtes ; cette nuit déci-

dera de la vie ou de la mort des enfants de la

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114 L’ILIADE,Grece. Si tu prends compassion de ma vieillesse,plus jeune que moi, hâte-toi d’éveiller le léger Ajax

et le fils de Phylée.

Il dit. Diomede , couvrant ses épaules d’unevaste peau de lion qui descend jusqu’à terre ,prend son javelot, vole aux tentes des deux guer-riers, les éveille , les amené.

Parvenus aux gardes avancées , ils trouvent lessentinelles éveillées; aucun des chefs ne dort;portant de tous côtés leurs regards inquiets, toussont sous les armes: semblables à des chiens quientendent les terribles rugissements d’un lion qui,

descendu du sommet des montagnes , ayant tra-versé de vastes forêts, a pénétré dans la bergerie

confiée à leur garde; le tumulte regne dans l’éta-

ble; le bruit des hommes, les aboiements deschiens s’y font entendre ; le sommeil ne fermepoint leurs paupieres : tels les chefs des corpsavancés que les Grecs ont placés en sentinellependant cette nuit affreuse , les yeux fixés sur laplaine, attentifs à tous les mouvements de l’en-

nemi , recueillant le moindre bruit qui parvientà leurs oreilles , ne goûtent point les douceursdu sommeil. Ces soins , cette vigilance, portentla joie dans l’ame du vieux Nestor; il les affermitpar ces paroles:

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CHANT X. 115Ô mes chers enfants , leur dit-il, continuez de

faire une garde exacte. Si le sommeil surprenoitquelqu’un de vous , nous deviendrions la risée de

l’ennemi. .Il dit , et franchit le fossé ; les rois qu’Agamem-

non a appellés au conseil le franchissent après lui.

Le fils de Nestor et Mérion les suivent, car lesrois les invitent à délibérer avec eux. Assis sur le

revers du fossé, dans un lieu découvert, à la vuedu champ de bataille, de ce champ , le théâtre desexploits de l’homicide Hector, jonché des corpssanglants de leurs compagnons , qu’Hector aban-donna’forcément quand la nuit étendit ses voiles

sur la terre , les chefs de l’armée des Grecs déli-

berent pour le salut commun. Le vieux Nestorprenant le premier la parole : mes amis, dit-il ,n’est-il aucun de nous qui se confie assez en lui-même pour pénétrer dans l’armée ennemie , se ’

saisir de l’un des Troyens qu’il rencontreroit éloi-

gné du camp, recueillir au moins leurs discours,découvrir s’ils projettent de rester en ce lieu , loin

de leur ville, assiégeant nos vaisseaux, ou de ren-trer dans Troie, ayant accablé l’armée des Grecs?

Ce héros sÎacquerroit une gloire immortelle , etrecevroit de nous une récompense proportionnée

à un service si important; chacun de ceux qui

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116 L’ILIADE,commandent un vaisseau lui donneroit une brebisnoire, etl’agneau à la mamelle qui la suit: honoré

par-dessus tous les autres, il assisteroit à t0us’nosfestins , à tous nos conseils.

Il dit. Tous gardent le silence. Le vaillant Dio-mede prenant la parole :

Nestor, dit-il, tu proposes à l’un de nous depénétrer dans l’armée des Troyens: cet exploit

est digne de mon courage. Toutefois ma confianceseroit plus grande, le succès moins douteux, sil’un des héros de la Grece s’offroit pour m’accom-

pagner. Quand deux hommes marchent de con-cert à une même entreprise , ils s’aident dans leconseil et dans l’action ; les avis d’un seul sont

moins sûrs. iIl dit. Tous s’empressent , les deux Ajax servi-’

teurs de Mars, Mérion , Thrasymede fils de Nes-tor, le vaillant Ménélas fils d’Atrée , le patient

Ulysse dont la sagesse et le courage éclatent dansles entreprises les plus périlleuses. Le fils i deLaërte désire avec ardeur de pénétrer dans le-

camp des Troyens.Fils de Tydée, vaillant Diomede, si cher à mon

cœur, s’écrie le roi des hommes , Agamemnon,

entre tous ces guerriers qu’enflamme une ardeurégale , choisis celui qui te paroîtra le plus digne de

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CHANT X. 117partager tes nobles travaux; que ni la supériorité,du pouvoir, ni le rang, ni aucune autre considéra-tion , ne te décident dans le choix de ton corn-

pagnon. IIl parle ainsi; car ilicraint pour son frere Mé-nélas.

Puisque tu m’ordonnes de choisir, répond le

vaillant Diomede , comment oublierois-je le divinUlysse, l’ami de Minerve, dont l’intrépidité et la

prudence éclatent dans tous les travaux? avec untel compagnon , soutenu par un conseil si sage , jetraverserois un brasier ardent, sûr d’en revenircomblé de gloire.

Fils de Tydée, répond le divin, le patientUlysse, j’ai pour témoin et pour juge de mes ex-ploits l’armée entiere des Grecs; des paroles nepeuvent ni accroître ni fléchir ma gloire ; mets finà tes louanges; marchons :. la nuit s’avance; l’au-

rore approChe; déja les astres ont parcouru lesdeux tiers de leur carriere ; à peine nous reste-t-ilquelques heures d’une précieuse obscurité.

Ainsi parle le fils de Laërte. Les deux héross’arment en diligence. Le vaillant Thrasymededonne au fils de Tydée une épée à. deux tran-

chants, car la sienne est restée dans sa tente; lefils de Nestor l’arme d’un bouclier et d’un casque

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118 L’ILIADE,noir de cuir de taureau, sans ornements, sans pa-

.nache, tel que le portent les plus jeunes guerriers.-Mérion donne à Ulysse un arc, un carquois , uneépée , un casque de plusieurs cuirs serrés étroite-

ment par de nombreuses courroies ; sa surface ex-térieure est parsemée de dents de sanglier d’une

éclatante blancheur ; il est doublé d’une peau

douce et molle. Au tolycus enleva autrefois ce cas-que à Amyntor fils d’Orménus, dans le pillage de

la ville d’Éléone , ayant brisé les portes du palais

d’Amyntor : il en fit don , dans la Scandie, à Am-phidamas, de l’isle de Cythere; Amphidamas ledonna à Molus pour gage des nœuds de l’hospita-

lité qu’ils contractoient; Molus en fit don à Mé-

rion son fils; maintenant il défend la tête d’Ulysse.

Couverts de ces armes effrayantes, les deux hérosabandonnent le camp. Assis sur le rempart, les roisattendent leur retour. Ils marchent vers l’armée

des Troyens. Pour accroître leur confiance par unheureux présage , Minerve ordonne à un héron de

voler sur la droite du chemin qu’ils parcourent :l’obscurité de la nuit dérobe à leur vue le messa-

ger de la déesse; mais ses cris, le bruit de ses ailes,portent la joie dans l’ame d’Ulysse. Adressant ses

vœux à Minerve : ’Invincible rejeton du dieu qui porte l’égide, ô

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CHANT X. 119. toi qui daignas jusqu’à ce jour m’assister dans tous

’mes travaux , ton secours m’est sur-tout nécessaire

en ce moment, ô Minerve. Nos projets te sontconnus ; exauce mes vœux ; accorde-moi de reve-nir au camp des Grecs, ayant signalé mon courage

par quelque grand exploit qui porte la consterna-tion dans l’armée des Troyens. l

De son côté , le vaillant Diomede implore lesecours de la déesse :

Fille du dieu qui porte l’égide , ô Minerve ,

écoute-moi, dit-il. Viens à mon aide, comme tusecourus autrefois dans Thebes le divin Tydéemon pere, lorsque, député par les habitants del’Achaïe, il quitta les rives de l’Asopus, portant

aux Cadméens des paroles de paix. Les Cadméens

refusent la paix qui leur est offerte: Tydée sort deThebes, signalant son courage par des prodiges devaleur; car tu marchois à ses côtés, ô puissante di-

vinité l Prête-moi la même assistance en ce mo-ment; couwe-moi de ton égide : je t’immoleraiune génisse d’un an, au front large, indomtée; elle

n’aura pas fléchi sous le joug; je te l’immolerai , et

ses cornes seront dorées. ’Tels sont leurs vœux ; Minerve les exauce.

Soutenus par le bras puissant de la déesse , sem-blables à deux lions cachés sous le voile obscur

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120 L’ILIADE,de la nuit, ils marchent dans le sang , dans le car-nage , foulant auxqpieds et les armes éparses dans ’

la plaine et les corps sanglants des guerriers.Dans l’armée ennemie , Hector ne souffre pas

que les Troyens goûtent les douceurs du sommeil ;assemblant les chefs , les conseils de la nation, illeur propose cette entreprise hardie:

Qui d’entre vous, dit - il, me promettra d’exé-

cuter le dessein que j’ai conçu? le prix dont jepaierai ce service sera proportionné au danger;un char , deux coursiers de haute encolure , àcriniere flottante , les plus grands , les plus beaux ,les pluslégers de tous ceux de l’armée des Grecs ,

une gloire immortelle , seront la récompense duhéros qui , pénétrant dans leur camp, épiera leurs

projets. Veillent-ils comme ci-devant à la gardede leurs vaisseaux? vaincus , accablés de fatigue etde sommeil, se préparent-ils à une fuite honteuse?leurs sentinelles sont-elles endormies?

Il dit: tous gardent le’silence. Il étoit, dansl’armée des Troyens , un homme sans beauté , l

mais léger à la course , riche en or , riche en airain, ile seul mâle de six enfants qu’eut son pere z il senommoit Dolon , fils d’Eumédée, l’un des hérauts

messagers du dieu qui lance le tonnerre. Cethomme s’avance; adressant la parole à Hector et

aux Troyens :

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C H A N T X. 121Hector, dit-il, une noble ardeur enflamme

mon courage; je pénétrerai dans le Camp desGrecs; j’épierai leurs conseils : mais jure-moipar ton sceptre de me donner le char et les cour-siers qui portent maintenant le fils de Pélée. Tune peux choisir un meilleur espion ; j’ai confianceque, parvenu dans le camp des Grecs , ayant péné-tré jusqu’à la tente d’Agamemnon , où sans doute

les chefs de l’armée sont assemblés, je m’acquer-

rai une gloire immortelle ; j’épierai leurs des-seins ; je saurai s’ils projettent de fuir ou de com-battre.

Il dit. Hector éleve son sceptre, prononce leredoutable serment :

Que le dieu qui lance la foudre, Jupiter, l’é-poux de Junon , soit témoin de mes promesses:si tu exécutes ce que tu projettes , aucun autre-entre les Troyens ne sera possesseur des cour-siers d’Achille; monté sur le char du fils de Pé-

lée, tu jouiras d’une gloire acquise par ton cou-

rage. I ’ . .Vain serment! inutile promesse! Cependantelle enflamme le fils d’Eumédée. Se levant avec

précipitation , il suspend à son épaule son car-quois et son arc recourbé ; couvert de la dé-pouille d’un loup blanc , il ceint sa tête d’un cas-

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122 i L’ILIADE,que qu’environne une peau de vipere ; armé du

javelot, il marche aux vaisseaux des Grecs. In-sensé ! il ne prévoit pas le sort qui l’attend ; il ne

reportera point à Hector les conseils des Grecs.Abandonnant l’armée des Troyens, il parcourtavec légèreté la route qui conduit au camp. Ledivin Ulysse le voit s’avancer vers lui. Adressantla parole à Diomede :

Fils de Tydée , dit -il, j’apperçois un des guer-

riers de l’armée ennemie qui approche ; j’ignore si

c’est un espion que les Troyens envoient à notrecamp , ou l’un des leurs qui s’empresse de dépouil-

ler les morts étendus sur le champ de bataille.Laissons-le nous devancer; nous l’atteindrons:fondant sur lui avec légèreté, nous nous en saisi-rons ; dût-il nous échapper, nous le poursuivrons ,l’e javelot tendu ; il nous sera facile de le repousser

vers notre camp, de l’empêcher de trouver unasyle dans les murs d’Ilion.

Il dit. Les deux héros , s’éloignant du chemin

battu, se couchent entre les morts. L’imprudentDolon passe avec rapidité, les devance de toutl’espace que le laboureur laisse entre deux char-rues attelées de mules vigoureuses ( car la mar-che de ces animaux est plus légere que le pastardif des bœufs; ils retournent avec plus de faci-

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C H A N T X. 123lité les guérets qu’un premier labour a prépa-

rés) : Ulysse et Diomede se relevent, poursuiventavec rapidité le léger Dolon qui fuit devant eux.Au bruitde leurs pas , l’imprudent Dolon les prendpour des Troyens porteurs des ordres d’Hector,qui le rappellent au camp. Déja ils sont à la por-tée du javelot, quand Dolon s’apperçoit que cesont des ennemis; il hâte sa fuite: précipitant leurcourse rapide, les deux héros s’efforcent de l’at-

teindre. Tels deux lévriers à la dent sculptée s’é-

lancent avec légèreté, les yeux fixés sur un faon ou

un lièvre qu’ils ont lancé ; traversant et les plaines

et les vastes forêts , ils suivent avec ardeur la voiede l’animal, qui, poussant de longs gémissements ,

fuit devant eux: tels le fils de Tydée et Ulysse ledestructeur des cités poursuivent Dolon , lui fer-imant le chemin qui conduit à la ville. Déja le léger

Dolon atteint les gardes avancées du camp desGrecs , quand Minerve , craignant que quelqueautre des enfants de la Grece ne puisse se glorifierd’avoir porté le premier coup , inspire à Diomede

cette salutaire pensée :Arrête , s’écrie-t-il tenant le javelot suspendu sur

la tête du léger Dolon; arrête, ou je te perce: tafuite ne te dérobera pas à mes coups.

- Il dit, lance son javelot, et le manque à des-

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124 L’ILIADE,sein ; la pointe aiguë, volant au-dessus de l’épaule

droite de Dolon , s’enfonce dans la terre. LeTroyen immobile tremble , balbutie avec peinequelques’paroles entrecoupées; la pâleur est sur

son front; l’effroi glace ses sens; ses dents cla-quent; il palpite. Les deux héros se précipitentsur lui, l’arrêtent d’un bras nerveux. Versant des

larmes ameres : iPrenez-moi vivant, leur dit-il ; je me racheterai.

Le palais de mon père renferme de l’airain , de l’or,

de l’acier bien travaillé ; il vous paiera une im-mense rançon , s’il apprend que je suis vivant dans:

A les vaisseaux des Grecs. ’Prends confiance, lui répond l’industrieux

Ulysse ; que la crainte de la mort ne te trouble pas ;’

satisfais avec vérité à mes questions. Quel motift’engageoit à errer ainsi, loin des tiens, pendantl’obscurité de la nuit, tandis que tous les antres.

mortels goûtent les douceurs du sommeil? Avois-tu dessein de dépouiller les corps sanglants de cesguerriers étendus sur le champ de bataille ? Hector-t’a-t-il envoyé dans notre camp pour épier nos:

conseils? As-tu formé de toi-même ce dange-

reux projet ? ’Hector m’a séduit, lui répond Dolon tremvblant; il m’a engagé dans cette périlleuse entre-

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CHANT X. 125prise contre ma volonté, me premettant, avec ser-ment , de me donner les coursiers et le char du filsde Pélée , si, profitant de l’obscurité de la nuit, je

pénétrois dans votre camp pour épier vos conseils,

pour découvrir si vous veillez avec le même soinque ci odevant à la garde de vos vaisseaux; ou si,vaincus , vous méditez une fuite honteuse dansvotre patrie ; si vos sentinelles succombent ausOmmeil et à la fatigue. ’

Certes , lui répond Ulysse avec un sourire amer,

tu convoitois une riche proie , les coursiers del’invincible descendant d’AEacus , ces coursiers

indomtables aux mortels , que le seul Achille saitrendre dociles au frein : car sa force est plus qu’hu-mairie ; une déesse l’a conçu dans son sein. Mais

parle -moi avec vérité : où as- tu laissé Hector, le

pasteur des peuples? où sont ses armes , son char,ses coursiers? en quels lieux ont été placées lessentinelles? Indique-moi le quartier d’Hector et

des autres Troyens ; instruis-moi de leurs projets:demeureront-ils ici, loin de leur ville , assiégeantnos vaisseaux? ou , vainqueurs des Grecs , ont- ilsdessein de rentrer dans Troie?

Je satisferai avec vérité à tes questions , lui ré-

pond le fils d’Eumédée. Hector et tous les chefs»

tiennent maintenant conseil en ce lieu écarté ,-

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126 L’ILIADE,loin du tumulte, près du tombeau d’Ilus. LesTroyens ont allumé des feux; contraints par lanécessité , ils s’excitent l’un l’autre à faire une

garde exacte : on n’a point choisi d’autres senti-nelles. Leurs illustres alliés dorment d’un profond

sommeil; car leurs femmes, leurs enfants, sont

loin du danger. .Quels quartiers occupent les alliés de Troie?reprend l’industrieux Ulysse: sont-ils confondus.ou séparés des Troyens?

Je répondrai encere avec vérité à ta question ,

reprend Dolon. Les quartiers des Cariens, desPéoniens , des divins Pélasgiens , bordent le rivage

de la mer; les Lyciens, les fiers Mysiens , lesPhrygiens savants dans l’art de domter des cour-siers vigoureux , les Méoniens dont le casque estsurmonté de superbes panaches de crin de cheval,ont leurs quartiers près de Thymbré. Mais qu’est-

il nécessaire que j’entre dans ces détails? Si vous

desirez pénétrer dans l’armée des Troyens , ce

grouppe séparé des autres que vous appercevezd’ici est le quartier des Thraces, arrivés, danscette même journée , au secours de Troie. Rhé-sus, leur roi, fils d’Éionée , occupe le centre. J’ai

vu ses coursiers, d’une beauté, d’une taille pro-

digieuse, aussi blancs que la neige, aussi vîtes que.

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CHANT X. 127les vents ; son char est revêtu d’or et d’argent ar-

tistement travaillés ; ses armes d’or sont d’unpoids énorme , d’un éclat merveilleux: il arrivahier, couvert d’une armure d’une telle beauté,

qu’il ne convient point aux mortels d’en porterde semblables, mais aux dieux seuls. J’ai satisfait

à vos questions: approchez-moi maintenant desvaisseaux ; attachez - moi , resserrez - moi en desliens étroits , usqu’â ce que vous vous soyez assu-rés par vous-mêmes de la vérité de mon récit.

Jetant sur lui un regard farouche : Tombé en-tre nos mains, ô Dolon, lui répond l’impétueux

Diomede , quelque utile que soit l’avis que tunous as donné , n’espère pas de fuir: si nous te re-

lâchions , tu pourrois un jour revenir aux vaisseauxdes Grecs pour nous combattre ou épier nos con-seils ; percé de nos coups, les enfants de la Greceseront à l’abri des maux que tu leur préparois.

. Il dit; et au moment que Dolon , élevant verslui ses mains suppliantes, ouvre la bouche pourrenouveller ses instances, le fils de Tydée s’é-

lance , détache avec le glaive les tendons qui lientla tête à l’échine, la faitvoler sur la poussière. Les

deux héros s’emparent du caSque du Troyen re-

vêtu d’une peau de vipere, de la vaste peau deloup qui couvre ses épaules , de son arc recourbé,

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128 L’ILIADE,de son carquois , de son javelot. Élevant en l’air

ces dépouilles sanglantes, Ulysse les consacre àMinerve chasseresse :

Agrée cette offrande, ô déesse, dit-il; de toutesles divinités qui habitent l’Olympe , tu es la pre?miere à laquelle nous nous sommes adressés: guide

nos pas au quartier des Thraces ; livre en nosmains leurs superbes coursiers.

Ayant ainsi parlé , il dépose les armes du Troyen

sur un myrte élevé , dont il ploie les rameaux ver-.doyants pour le reconnoître à son retour, malgré

les ombres de la nuit. Foulant aux pieds les corpset les armes des guerriers , faisant jaillir sous leurspas le sang qui ruisselle dans la plaine, les deuxhéros se hâtent de parvenir au quartier des

Thraces. IIls dorment accablés de fatigue ; leurs belles ar,mes sont près d’eux, étendues sur la terre, ran-

gées sur trois lignes; deux coursiers dressés aumême joug sont attachés au char de chaque guer-rier. Rhésus dort au milieu des siens ; ses rapidescoursiers sont près de lui, attachés par des cour-roies à la partie du siège la plus voisine des roues.Ulysse l’apperçoit le premier; il le montre à Dio-

mede :Fils de Tydée , lui dit-il, voilà ce guerrier,

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CHANT x. 129voilà ces coursiers que nous a indiqués le légerDolon, cet espion que nous avons précipité dansles sombres demeures. Partageons entre nous lestravaux: détache les chevaux, je tuerai les hom-mes; ou tue les hommes, je prendrai soin des

coursiers. ’Il dit. Minerve souffle dans l’ame de Diomedel’ardeur du carnage. Il frappe de toutes parts ; onentend les profonds gémissements des guerriersque moissonne le glaive homicide : le sang ruis-selle sur la terre. Tel un lion ayant pénétré dansune étable mal gardée s’élance sur les chevres,

sur les moutons, qu’il égorge : telle fils de Tydée

s’élance sur les Thraces ; douze sont précipités

par lui dans les sombres demeures. Saisissant parle pied chacun de ceux que le glaive de Diomedea percés, le prudent Ulysse l’entraîne hors de la

route battue, pour ouvrir un libre passage auxcoursiers de Rhésus , dont la criniere flottante an-nonce la légèreté et la souplesse ; car il craint que

ces superbes coursiers , non encore accoutumésaux combats , ne s’effraient de fouler tant de cada-

vres épars. Le roi desThraces tombe le treizièmesous les coups du valeureux fils de Tydée ; il, dort,et croitvoir, dans un songe, hélas! trop véritable,le descendant d’OEnéus, suspendu sur sa tête, le

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130 .L’ILIAD’E,percer de son glaive. Cependant le patient Ulyssedétache les légers coursiers de Rhésus, unit lesguides, sépare les coursiers de la foule, à l’aide de

la corne de son arc; car il a oublié de s’emparerdu fouet de Rhésus resté dans le char. En vain il

fait signe à son compagnon de le lui apporter:l’impétueux Diomede , que transporte l’ardeur

du carnage, ne l’entend point; il délibere en lui-même s’il enlevera le char de dessus son train pour

«s’emparerdes belles armes du roi des Thraces, ous’il en précipitera un plus grand nombre dans les

sombres demeures. Tandis que ces pensées rou-lent dans son esprit, Minerve approche :

Magnanime fils de Tydée, lui dit la déesse ,songe à ton retour; hâte- toi de reprendre laroute du camp ; crains que les Troyens , éveilléspar quelque divinité favorable , t’accablant par

le nombre , ne te contraignent de fuir honteu-sement.

Elle dit. Diomede reconnoîtla voix de la déesse.

Les deux guerriers s’élancent sur les légers cour-

siers ; Ulysse les anime à l’aide de la corne de son

arc: ils volent avec rapidité vers le camp desGrecs. Cependant Apollon à l’arc d’argent a vuMinerve marcher à côté du fils de Tydée ; irrité-

contre la déesse , il se confond dans la foule des

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CHANT X. 131Troyens , éveille le plus sage des Thraces, Hip-pocoon, le proche parent de Rhésus. Les pre-miers rayons du soleil découvrent à ce héros levuide de l’espace qu’occupoient les rapides cour-

siers du roi des Thraces; il voit les corps de sescompagnons palpitants du récent carnage. Jetantdes cris perçants, il appelle son cher compagnon;les Troyens lui répondent par les accents plaintifsde la douleur. A la vue de ces corps sanglants etdes deux héros qu’ils découvrent dans le lointain ,

volant avec rapidité vers les vaisseaux des Grecs,le tumulte est dans l’armée ennemie : ils courent

aux armes.Parvenus au lieu où sont suspendues les armes

de Dolon , Ulysse arrête les coursiers , Diomede.s’élance avec rapidité, s’empare de ces dépouilles ,1

les remet au fils de Laërte, qui se Sert de son arc.pour animer les légers coursiers; ils obéissent à

la main qui les guide , volent vers les vaisseauxdes GreCs. Le bruit de leur course rapide par-vient aux oreilles du vieux Nestor. Élevant lavoix:

Ô mes amis, dit-il, chefs et conseils de la na-tion des Grecs, est-ce une illusion? je ne croispas me tromper ; j’ai un sûr pressentiment: unbruit de chevaux qui courent avec rapidité , a

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132 L’ILIADE,frappé mon oreille.Le sage Ulysse , le vaillant Dio-

mede , ont-ils enlevé ces coursiers aux Troyens?les conduisent-ils vers le camp des Grecs? Uneterreur, peut-être, hélas I trop fondée , s’empare

de mon esprit; je crains que ces héros , le plusferme rempart de la Grèce, ne soient poursuivispar la foule des Troyens.

A peine a- t-il prononcé ce peu de paroles, queDiomede et Ulysse arriventau camp; ils s’élancent-

de dessus les coursiers. Les Grecs les voient; lajoie renaît dans leurs ames; ils les embrassent, lesfélicitent. Le vieux Nestor adressant le premier laparole aux deux héros : ç

Sage Ulysse , la gloire de la nation des Grecs ,lui dit- il , quels sont ces coursiers d’une blan-cheur aussi éclatante que les rayons du soleil? Lesavez-vous enlevés aux Troyens , ayant pénétré

dans leur armée? Un dieu vous les a - t-il donnés?

Quoique vieux , je ne demeure pas oisif dans nosvaisseaux; je prends part à tous les combats : je neme rappelle point d’avoir vu de tels coursiers dansl’armée des Troyens. Sans doute quelque divinité

vous a fait ce superbe présent; car Jupiter et Mi-nerve, la fille du dieu qui assemble les nuées,vous chérissent l’un et l’autre.

Ô Nestor, fils de N élée, la gloire des Grecs,

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CHANT X. 13,3répond le sage Ulysse , un dieu pourroit aisémentnous donner des coursiers meilleurs que ceux-ci ;’

car la puissance des dieux surpasse celle de tousles mortels : mais ils sont arrivés de Thrace danscette même journée ; leur maître et douze de ses

compagnons sont tombés sous les coups du vail-lantDiomede. Un espion qu’Hector et les Troyensenvoyoient pour épier nos mouvements, s’estoffert à notre vue; déja il touchoit les remparts ducamp: nous l’avons précipité dans les sombres de-

meures.Il dit; et, triomphant, il fait franchir aux deux

coursiers le large fossé. Les Grecs accourent enfoule; la joie est dans leurs ames. Ils emmenentles coursiers de Rhésus dans le lieu où ceux dufils de Tydée se nourrissent de pur froment ; ilsles attachent avec de forts cordages. Les armesensanglantées du malheureux Dolon , destinées à

être consacrées à Minerve dans un sacrifice so-lemnel, sont suspendues par Ulysse à la pouppede son vaisseau. Pour étancher la sueur qui dé-coule de leurs jambes , de leurs cuisses , de leurstêtes, les deux héros se plongent dans la mer.Purifiés par le sel de l’humide élément, ils se

baignent dans une onde pure , versent sur leurscorps une huile parfumée qui rend la souplesse

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134 L’ILIADE, CHANT x.à leurs membres fatigués: assis à la table dufestin , ils puisent dans l’urne sacrée le vin à’

pleine coupe , et font à Minerve de fréquentes li-bations.

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L’ILIADE.

CHANT XI.

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ARGUMENT.L A bataille s’engage entre les Grecs et les Troyens. Jupiter envoie

Iris ordonner à Hector de se borner à soutenir le courage des siens ,jusqu’à ce qu’il ait vu Agamemnon blessé abandonner le champ de

bataille. Les Grecs ont l’avantage jusqu’à çe moment. Blessure d’A-

gamemnon par Coon. Hector promet aux Troyens la victoire. Dio-mede , Ulysse , Eurypyle , Machaon , sont blessés. Achille , assis près

de la pouppe de son vaisseau, est spectateur du combat. Il envoiePatrocle à la tente du roi de Pylos s’enquérir quel est le héros qu’il

ramene dans son char. C’est Machaon. Nestor raconte au fils deMénétius le désastre des Grecs; il l’exhorte à tenter de nouveaux

efforts pour déterminer Achille à combattre , ou au moins à lui con-

fier ses armes et ses Thessaliens , dans l’espoir que les Troyens,trompés par la seule image d’Achille, prendront la fuite. Patrocle

rencontre Eurypyle qui se traîne vers sa tente : il panse sa blessure.

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L’ILIADE,

CHANT-XI.Les compagnons d’ Hector olifant les plus valeureux

de l’armée des Grecs.

L’AURORE sortoit du lit du vieux Tithon , por-.tant la lumière aux dieux et aux hommes, quandJupiter envoya l’affreuse Discorde dans les vais-seaux des Grecs; Agitant dans sesmains le sym-bole de la guerre, cette détestable furie s’arrête.au centre de l’armée, sur le vaisseau d’Ulysse,-

d’où sa voix terrible retentit jusqu’aux limites du.

camp des Grecs, jusqu’aux tentes d’Ajax, fils deTélamon, jusqu’aux tentes d’Achille; car ces hé-

ros, se confiant dans leurs forCes et dans leur cou-rage , ont mis à sec leurs vaisseaux aux deux extré-mités du camp. De ce lieu élevé, haussant la voix,

la Discorde répand au loin sa fureur, in3pire àtous un violent desir de combattre; les travaux,les périls de la guerre, ont des charmes à leursyeux; ils les préfèrent au retour dans leur patrie.Le fils d’Atrée ordonne à tous de s’armer; le pre-

2. 18

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138 L’ILIADE,mier il revêt l’airain étincelant, couvre ses jam-

bes et ses cuisses de superbes brodequins qu’atta-chent des agraffes d’argent; il endosse cette épaisse

cuirasse que lui donna Cinyras, pour gage des:nœuds de l’hospitalité qu’ils contractoient. La Re-

nommée ayant porté jusques dans l’isle de Cypre

la grande nouvelle que les Grecs se préparoientà fendre le sein des mers , à marcher contreTroie; effrayé de cette guerre sanglante, Cinyrasenvoya au roi des rois cette superbe cuirasse. Dixlames d’acier rembruni, douze d’or, vingt d’étain ,.

appliquées l’une sur l’autre , partagent sa surface ;

trois dragons d’acier, aussi brillants, aussi variés

que les couleurs de l’arc d’Iris , de cet arc mer-

veilleux que le fils de Saturne affermit sur la voûteéthérée pour instruire les mortels de l’ordre du

Destin , s’élevent au -dessus de sa contexture, etembrassent le cou du guerrier qui la porte. L’épée:

du roi des rois est suspendue à son épaule; la poi-gnée en est d’or, la lame est renfermée dans unfourreau d’argent parsemé de clous d’or: un bau-

drier d’or la soutient. Agamemnon prend en mainson vaste et impénétrable bouclier, dont la solide:épaisseur est formée de dix cercles de cuivre en-lacés, sur lesquels brillent vingt clous d’étain ; le

centre est d’un noir acier; on y voit une Gorgone

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CHANT XI. 139à l’œil louche, couronnée de serpents; la Terreur

et la Fuite l’accompagnent; sur la courroie d’ar-

gent qui y est attachée, brillent les replis tortueuxd’un dragon d’un bleu foncé , à trois têtes , qui s’é-

levent, en forme de cercle , du cou de ce terribleanimal. Le fils d’Atrée ceint sa tête d’un casque à

quatre pans , surmonté d’un vaste panache de crin

de cheval, qui flotte au gré des vents; il agite danssa main deux javelots armés de l’airain étincelant,dont l’éclat s’éleve jusqu’aux nues. Une voix ter?

rible se fait entendre ; Minerve et Junon crientaux enfants de la Grece de rendre honneur au roi ’de l’opulente Mycenes. Chacun des chefs ordonne

à son écuyer d’arrêter ses coursiers sur le reversdu fossé. Couverts d’épaisses cuirasses, les gens

de pied sont placés au premier rang; les chars lesprécedent; les cavaliers suivent à peu de distance :un bruit terrible devance le lever de l’aurore. Maisle fils de Saturne ne tarde pas à répandre une fu-neste confusion dans les rangs : une rosée de sang,descendue de la voûte éthérée, souille les bou-

çcliers , souille les éclatantes armures des enfants

de la Grèce, présage funeste de la mort des va-leureux combattants que le dieu qui lance le ton-nerre va précipiter dans les sombres demeures.

D’autre part, les Troyens se rangent en bataille

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140 L’ILIADE,sur une éminence ; plusieurs chefs renommés sontà leur tête, Hector , l’irréprochable Polydamas,

Énée que le peuple honore comme un dieu, lestrois fils d’Anténor, Polybe, le divin Agénor, et

le jeune Acamas , semblable aux immortels. A latête de ces chefs célèbres , Hector porte de touscôtés son éclatant bouclier. Tel, sur la voûte éthé-

rée, un astre porteur de funestes présages , tantôtbrille de tout son éclat, tantôt caché sous la nuese dérobe à la vue des mortels : tel le’fils de Priam,

tantôt se montre au premier rang, et soudain seconfond dans la foule des siens , donnant ses or- idres à tous; l’airain étincelant dont il est couvertbrille comme l’éclair sur la voûte azurée. Semblaa

bles à d’ardents moissonneurs armés de faux tran-

chantes , qui parcourent les champs couverts d’é»

pis d’un homme riche; les gerbes tombent enfoule : tels les Troyens et les Grecs, semblables àdes loups affamés , fondent l’un sur l’autre. Leurs-

têtes altieres s’élèvent à une égale hauteur ; aucun

ne médite une fuite honteuse. La Discorde jouitdu carnage dont ses yeux sont témoins ; car cettedivinité est la seule qui préside à ce terrible com-

bat. Toutes les autres , retirées sur le sommet du, vaste Olympe , oisives dans leurs superbes palais ,

n’osant porter secours ni aux Grecs ni auxTroyens,

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CHANT’XI. 141se plaignent hautement des séveres décrets du fils

de Saturne, du dieu qui assemble les nuées, qui aformé le projet d’accroître la gloire des Troyens.

Le pere des dieux et des hommes méprise leursimpuissantes clameurs ; assis sur son trône , à l’é-

cart des autres divinités, rayonnant de gloire, ilporte ses" regards sur la ville de Troie et sur lesvaisseaux des Grecs ; il voit l’airain briller sur lesarmures des guerriers, applaudit au triomphe desvainqueurs, jouit du désespoir des vaincus. Depuisle lever de l’aurore jusqu’à ce que le soleil, parvenu

au sommet de la voûte éthérée , darde à plomb ses

rayons sur la terre, les traits volent: les hommestombent en foule dans les deux armées. A l’heureà laquelle le bûcheron, ayant abattu de grands chê-

nes au sommet des montagnes , accablé de sueur etde fatigue,-prépare le repas du matin, contraintpar la nécessité de suspendre ses travaux pour réa

parer par la nourriture ses forces épuisées , à cetteheure l’intrépide courage des Grecs, qui s’animent

l’un l’autre, rompt les phalanges troyennes. Aga-

memnon, s’élançant le premier hors des rangs ,

perce de son javelot un homme puissant, Biénor,le pasteur des peuples , et son écuyer Oïlée. Voyant

tomber Biénor, le vaillant Oïlée abandonne sescoursiers, s’élance de dessus son char, marche

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142 -L’ILlADE,Contre le roi des rois. Le fils d’Atrée, Agamem-

non, vole à sa rencontre, le frappe dans le front :le casque d’un airain solide est impuissant pourgarantir sa tête ; l’os est brisé , la moëlle répandue

souille la surface in térieure du casque étincelant:il tombe. Le fils d’Atrée s’empare des cuirasses de

ces deux guerriers ; abandonnant leurs corps san-glants, il marche contre Isus et Antiphus , deuxfils de Priam, montés sur.un même char, l’unfruit de l’amour, l’autre né d’un hymen légitime.

Celui dont la naissance est plus obscure dirige lescoursiers , l’illustre Antiphus déploie sa valeurdans les combats. Achille rencontra autrefois cesdeux freres qui gardoient les troupeaux de leurpere sur le mont Ida; formant un solide cordageà l’aide des branches flexibles des arbres de laforêt, il les enchaîna l’un et l’autre : une riche

rançon fut le prix de leur liberté. Le fils d’Atrée,

Agamemnon , frappe Isus de son javelot dans lapoitrine , sous la mamelle gauche. Armé du glaive,il s’élance sur Antiphus , l’atteint au. dessus de

l’oreille, le précipite de son char, s’empare des

riches dépouilles des deux freres. En cet instantle roi des hommes , Agamemnon, les reconnoît;car il les vit autrefois dans les vaisseaux des Grecs,quand Achille descendit avec eux du sommet de

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CHANT x1. 143l’Ida.Tel un lion , sorti de l’antre qu’il habite , ren-

contre sur son passage de tendres faons, s’en saisit,les égorge sous les yeux de leur mere ; elle les voit

palpiter sous la dent meurtrière; elle est près’ d’eux, et ne peut les défendre; la terreur s’empare

de ses sens; elle fuit d’une course rapide , s’enfonce

dans la profondeur de la forêt; la sueur découle del tons ses membres : ainsi aucun des Troyens n’osesecourir Isus etAntiphus, qu’ils voien t tomber sousles coups du fils d’Atrée ; tous fuient l’impétueuse

ardeur des enfants de la Grèce. Non loin , le roi deshommes, Agamemnon , rencontre Pisandre etHip-polochus,deux vaillants guerriers, fils du belliqueuxAntimaque, de ce même Antimaque qui, gagné parl’or et les dons de Pâris ,. s’opposa, dans l’assem-

blée des Troyens, au sage conseil de rendre Hé-lene à son époux. Montés sur un même char , ces

deux freres dirigent ensemble leurs coursiers. A lavue d’Agamemnon, les rênes échappent de leurs

mains ; troublés, ils font effort pour les reprendre.Semblable à un lion, le fils d’Atrée fond sur eux.

Fléchissant le genou sur leur char, ils lui adresj

sent ces humbles prieres : ,i Fils d’Atrée, rends-nous tes captifs ; reçois uneriche rançon. Des trésors immenses, de l’or, del’airain , de l’acier poli, sont renfermés dans le paf

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.44 L’ILIADE,lais de notre pere Antimaque ; il les partagera avectoi, s’il apprend que ses fils sont vivants dans lecamp des Grecs.

Ainsi ils s’efforcent, par leurs larmes, par leursprieres, d’émouvoir la pitié du roi des rois : ils en

reçoivent cette terrible réponse:Fils de l’injuste Antimaque qui ouvrit, dans l’as-

semblée des Troyens , le perfide conseil de donnerla mort à Ménélas et au divin Ulysse, revêtus dusacré caractere de députés des peuples de la Grece,

sans leur permettre de reporter à leurs frères la ré?

ponse des Troyens, vous subirez la peine due au

crime de votre pere. 4Il dit; et enfonçant son javelot dans la poitrinede Pisandre, il le précipite de son char ; il tombele front collé dans la poussière. Hippolochus s’é-

lance: ses mains tiennent embrassé le char du filsd’Atrée ; elles tombent sous le glaive homicide:d’un second coup Agamemnon fait voler cette tête

ennemie; elle roule comme une boule dans l’ar-mée des Troyens. Abandonnant les corps san-glants de ces deux guerriers qu’il laisse étendus

sur le champ de bataille, il marche où les phalan-ges troyennes sont plus serrées ; les valeureux en-fants de la Grece, qui le suivent, engagent un san-glant combat. Gens de pied contre gens de pied,

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CHANT x1. 145chars contre chars , les Grecs poursuivent lesTroyens qui fuient devant eux; ils en font unaffreux Carnage; la poussiere qui s’élevede des-

sous les pas bruyants des coursiers, couvre lesdeux armées d’un nuage épais. Le roi des hom-

mes, Agamemnon , commande par-tout, porte detoutes parts des coups meurtriers. Ainsi, lorsqueles souffles impétueux des vents s’engouffrentdans les arbres d’une forêt embrasée, les troncs,les branches épaisses, détachées par l’impétuosité

de la flamme et de la tempête, tombent avec fra-cas: telles , sous les coups du fils d’Atrée , tom-

bent les têtes des Troyens qui fuient devant lui.Leurs coursiers effrayés , secouant leurs vastes cri-

nieres, entraînent, avec un bruit horrible, leschars vuides de leurs conducteurs qu’ils cherchenten vain dans la mêlée ; ces hér05, étendus sur la

poussière, destinés à être la proie des vautours,

ne reverront plus leurs chastes épouses. Jupiterenveloppe Hector d’un nuage épais pour le déro-

ber aux traits des enfants de la Grèce , à ces meur-tres , à ce carnage : Agamemnon le cherche en vain;en vain il ordonne aux Grecs de le poursuivre. Déja

les Troyens , impatients de cacher leur honte, at-teignent le figuier sauvage et l’antique tombeaud’Ilus, qui s’éleve au milieu de la plaine: le fils

2. l9

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146 L’ILIADE,d’Atrée, Agamemnon , les poursuit avec de grands

cris; ses mains victorieuses-Sont souillées de sanget de poussiere. Parvenus à la porte Scée , prèsdu hêtre consacré à Jupiter , les Grecs s’arrê-

tent, s’attendent pour se rallier : les Troyens fuient

devant eux. Tels des bœufs fuient devant un lionqui les poursuit, portant de toutes parts l’épou-vante et la mort ; le monstre s’élance sur le pre-mier qui s’offre à sa vue ; il le saisit par l’échine ,

broie ses os sous ses terribles mâchoires, se repaît

de son sang, déchire ses entrailles : tel Agamem-non, semant de tous côtés la terreur, enfonce soninvincible javelot dans le corps de tous ceux que-leur fuite rapide ne peut dérober à ses coups; ren-versés de leurs chars , ils tombent ; aucun n’é-

chappe au redoutable javelot. Déja les Grecs sedisposent à escalader les remparts de Troie. Acette vue , le pere des dieux et des hommes , des-cendant de la voûte éthérée, s’assied sur l’undes

sommets de l’Ida , d’où se précipitent des sources

nombreuses; la foudre est dans sa main ; il appelle:

Iris aux ailes d’or : .Vole, légere Iris, lui dit-il; hâte-toi de porter"

mes ordres à Hector. Tant qu’il verra Agamem-non, le pasteur des peuples . combattre hors des?rangs, détruire des bandes entieres de Troyens,

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CHANT x1. - 147qu’il se borne à ranimer le courage des siens, àsoutenir leur ardeur. Mais lorsque le fils dlAtréeblessé, soit par une flèche, ou par un javelot, re-montera sur son char , en ce moment je lui ac-corde la victoire ; qu’il porte le carnage dans l’ar-

mée des Grecs; qu’il repousse les enfants de laGrece jusques dans leurs vaisseaux ; qu’il ne cesse

de les percer, que la nuit ne couvre la terre de sesombres sacrées.

’ Il dit. Docile aux ordres du maître des dieux, lalégere Iris s’élance du sommet de l’Ida sur les

champs troyens. Debout sur son char, au milieudes siens , le fils de Priam, le divin Hector, portede tous côtés des regards inquiets; ses coursiersimmobiles attendent ses ordres. Iris l’aborde, luiparle ainsi :

Hector, fils de Priam , dont les conseils égalenten sagesse Ceux du maître des dieux, je t’apporte

les ordres de Jupiter. Tant que tu verras le pasteurdes peuples, Agamemnon, combattre avec fureurhors des rangs, détruire des bandes entieres deTroyens , borne-toi à ranimer le courage des tiens,à soutenir leur ardeur. Mais lorsque le fils d’Atrée

blessé , soit par une fleche, ou par un javelot, re-montera sur son char , Jupiter te donne la victoire;porte le carnage dans l’armée des Grecs; repousse

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14s L’ILIADE,les enfants de la Grece jusques dans leurs vais-seaux; ne cesse de les percer, que la nuit ne cou-vre la terre de ses ombres sacrées.

Ayant ainsi parlé , la légere Iris disparoît. S’é-

lançant de son char, couvert de son éclatante ar-

mure, agitant dans ses mains deux javelots , legrand Hector court de rang en rang, ranime lecourage des Troyens, excite un affreux carnage.Ils se reploient, tiennent ferme , doublent lesrangs; les Grecs fortifient leur phalange; le com-bat recommence avec fureur. Agamemnon fond lepremier sur l’ennemi : il auroit honte de demeu-rer confondu dans la foule.

Muses, qui habitez les palais sacrés de l’Olympe,

dites-moi lequel des Troyens ou de leurs illustresalliés osa le premier provoquer au combat le roi deshommes, Agamemnon? Iphidamas, le valeureux filsd’Anténor. Né dans la fertile Thrace, nourrice de

nombreux troupeaux , Cissé , son aïeul maternel,le pere de la belle Théano, l’éleva dans son palais.

Quand ce jeune guerrier fiit en âge de signaler savaleur dansles combats , le voyant épris de l’amour

de la gloire ,’ Cissé le retint dans son palais, luidonna sa fille. A peine les nœuds de l’hymenétoient formés , que la Renommée , couriere de la.-

gloire des Grecs, le força d’abandonner sa jeune

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CHANT.x1. 149épouse , pour voler, avec douze vaisseaux , au se-cours de sa patrie. Parvenu à Percope , il y laisseses vaisseaux, prend la route de terre , s’enfermeavec les Troyens dans Ilion. Tel est le guerrier ’qui, le premier, s’engage dans un périlleux com-bat contre le fils d’Atrée, Agamemnon. Les deuxhéros s’avancent l’un sur l’autre. Agamemnon

lance le premier son javelot; il s’égare, tombeloin du corps de l’ennemi. Iphidamas, se confiantdans sa force , imprime à. sOn javelot un mouve-ment rapide, atteint le fils d’Atrée à la ceinture,

au défaut de la cuirasse, et ne peut le percer; sem-blable à du plomb, la pointe aiguë est émousséepar la lame d’argent. qui couvre l’impénétrable

baudrier. Tel qu’un lion avide de carnage, Aga-memnon saisit l’arme meurtrière, l’arrache, fond

sur le Troyen avec le glaive qu’il plonge dans sonsein; il tombe ; les ombres de la mort s’étendentsur ses yeux: infortuné! il s’endort dans l’éter-

nelle nuit, et n’a point encore goûté les douceursde l’hymen avec sa jeune épouse, qu’il combla de

présents ; il lui donna cent bœufs , lui promit mille

chevres et mille moutons, partie de ses immensestroupeaux. Agamemnon le frappe de son glaiveavant qu’il ait pu acquitter ses promesses; s’em-

parant de ses belles armes, il les porte en triomphe

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150 L’ILIADE,à l’armée des Grecs. L’aîné des enfants d’Anténor,

l’illustre Coon , voit tomber son frère; des larmesameres, semblables à un nuage épais, s’étendent

sur ses yeux. Se dérobant, par une marche obli-que, aux regards du fils d’Atrée, il lance son jave- ’

lot; la pointe aiguë s’enfonce dans le bras du filsd’Atrée au-dessus du coude. Le roi des hommes ,

Agamemnon, frémit de rage et de douleur, et necesse de Combattre. Tandis que Coon , appellant àgrands cris les plus valeureux d’entre les Troyens,

’ étend son bouClier sur le corps de son frere Iphi-damas , et fait effort pour l’entraîner hors de la mê-

lée , le fils d’Atrée , imprimant par des secousses

réitérées un mouvement rapide à son javelot, l’en-

fonce dans le corps du valeureux Coon ; il tombeexpirant sur le corps de son frere: Agamemnonfond sur lui, sépare sa tête du tronc qui la portoit.Ainsi les deux fils d’Anténor, ayant rempli leurdestinée, descendent ensemble dans les sombresdemeures , sous les coups du roi des hommes,Agamemnon. Tant que le sang qui coule de sablessure conserve sa chaleur, insatiable de com-bats, le fils d’Atrée vole de rang en rang dans l’ar-

mée des Troyens , frappe de tous côtés, perce deson javelot, perce de son épée, accable l’ennemi

sous le poids des énormes rochers qu’il lance d’un.

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CHANT XI. 151bras nerveux: mais lorsque le sang refroidi a cesséde couler, que la plaie est desséchée , son ameest

percée par les pointes aiguës de douleurs aussicuisantes que celles que ressent une jeune beautéqui devient mere pour la premiere fois, dont lesflancs sont déchirés par les cruelles Ilithyes, filles

de Junon, ministres d’affreux tourments; aussifortes, aussi vives sont les douleurs qu’éprouve lefils d’Atrée. Remontant sur son char, il ordonne à

son écuyer de le reporter aux vaisseaux des Grecs.Son ame est affaissée sous le poids de la douleur;et cependant il s’efforce de soutenir le courage des

siens.Ô mes amis, chefs et conseils de l’armée des

Grecs, dit-il élevant la voix , ne vous lassez pas decombattre ; repoussez la flamme prête à consumer

nos vaisseaux: Jupiter ne permet pas que je ter-mine cette glorieuse journée par la défaite entierede l’armée des Troyens.

Il dit. Son écuyer hâte, avec le fouet, la marche

de ses coursiers ; dociles à la main qui les guide,leur poitrail est couvert d’une blanche écume;leur criniere flottante est imprégnée de sueur etde poussiere ; ils s’empressentde porter le fils d’A-

trée hors du champ de bataille. Voyant Agamem-non abandonner la mêlée, Hector s’écrie:

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152 L’ILIADE,Troyens, Lyciens , Dardaniens, montrez-vous

des héros; rappellez votre indomtable valeur. Leplus puissant des héros de la Grece abandonne lechamp de bataille; le fils de Saturne, Jupiter,m’accorde la victoire. Que vos coursiers agiles por-

tent le désordre dans les phalanges des descen-dants de Danaüs: une gloire immortelle sera votre

récompense. . VIl dit, et souffle l’ardeur du combat dans tous

les cœurs. Comme un chasseur lance une meutelégère ethardie contre un lion ou un énorme san-

glier; ainsi le fils de Priam, Hector, occupé devastes projets, semblable à l’homicide Mars, mar-che à la tête des siens contre l’armée des Grecs.

Une nuée de Troyens, respirant le carnage, fond.sur la redoutable phalange des Grecs : telle uneviolente tempête agite les profondeurs de l’hum’ide

élément. Quels héros tomberent les premiers sous

les coups du fils de Priam , à qui Jupiter accorde lavictoire? Assæus, Autonoüs, Opitès , Dolopès,Critidès, Opheltius, Agélas, Asymnès, Orus, etle valeureux Hipponoüs : tels sont les chefs de l’ar-

mée des Grecs, qu’Hector précipite dans les som-

bres demeures , et avec eux une multitude innom-brable. Comme le vent d’ouest et01e vent du midiréunis, agitant les nuées, fondent avec la rapidité

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CHANT XI. 153de la tempête sur les abymes de la plaine liquide,roulent ses flots, couvrent la mer d’écume: ainsi

Hector agite les grouppes nombreux des enfantsde la Grèce; les têtes tombent sous ses coups; samain verse des flots de sang. Horrible fléau de lanation des Grecs, il les eût poursuivis jusques dansleurs vaisseaux, les perçant de ses traits vain-queurs , si Ulysse n’eût appellé à son aide l’invin-

cible fils de Tydée , le vaillant Diomede :Fils de Tydée, lui dit- il, à la vue de ce carnage ’

affreux des enfants de la Grèce, ne nous souvien t-il plus de notre indomtable courage? Réveille-toi,vaillant Diomede; marche à mes côtés. Quelle se- I

roit notre honte , si Hector s’emparoit de nos vais-

seaux! lJe ne fuirai point, répond l’intrépide fils de Ty-

dée; je soutiendrai avec toi les traits de l’ennemi :

mais quel sera le succès de nos efforts, si Jupiternous refuse son secours, s’il donne la victoire aux

Troyens ?Il dit, et lance son javelot, frappe Thymbré sous

la mamelle gauche , le renverse de son char.Ulyssefrappe et tue Molion , l’écuyer de Thymbré. Lais-

sant ces guerriers étendus sur le champ de bataille,ils s’élancent sur d’autres, portent le trouble dans

les rangs. Semblables à-deux sangliers qui se re-

2. 20

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154 L’ILIADE,tournent avec fureur sur les chiens qui les pour-suivent : tels Diomede et Ulysse , rappellés au com-bat, portent le carnage dans l’armée des Troyens.

Les Grecs opprimés, qui fuyoient devant Hector,respirent enfin. Déja Ulysse et le fils de Tydéese Sont emparés du char des deux fils de Méropsde Percote tombés sous leurs coups. Mérops sur-passoit tous les devins dans la connoissance de l’a-venir. Il voulut retenir ses enfants ; il leur défenditde s’engager dans cette guerre meurtrière: sourds

aux prudents conseils de ce pere affligé , ils refu-serent de lui obéir ; car les Destins avoient mar-qué leur trépas aux champs troyens. Diomede lesprécipite l’un et l’autre dans les sombres demeu-

res, et s’empare de leurs armures. Ulysse donne-la mort à Hippodamas et à Hyperochus. Jupiter,portant, du sommet de l’Ida, ses regards sur lesdeux armées , soutient avec égalité ses immortelles

balances au-dessus du champ de bataille: le car-nage se compense. Le javelot du fils de Tydéefrappe et atteint à la cuisse le vaillant Agastrophusfils de Péon, qui cherche son char pour hâter safuite. Il ne le trouve pas ; son écuyer le retientloin du champ de bataille: intrépide, il combatà pied hors des rangs, et tombe sous l’ai me meur-

triere de l’ennemi. Hector, volant de rang en rang

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CHANT XI. 155dans l’armée des Troyens , appelle les siens àgrands cris: les phalanges troyennes le suivent. Lafureur de Diomede accroît à cette vue. Adressantla parole à Ulysse , qu’il voit près de lui :

Ô Ulysse, lui dit-il , ce fléau de l’armée des

Grecs , le vaillant Hector, s’avance vers nous; te-nons ferme, prêts à nous secourir , prêts à nous dé-

fendre.Il dit; et balançant son javelot, il le lance sur le

fils de Priam , atteint le sommet de son casque :l’airain jaillit repoussé par l’airain; la pointe aiguë

ne’peut percer la triple enveloppe du casque pe-sant dont Apollon orna le front d’Hector. Recu-lant avec précipitation pour se confondre dans lafoule des Troyens qui l’environnent , Hectortombe sur ses genoux; troublé , il appuie sa maincontre la terre pour se soutenir ; un nuage épaiss’étend sur ses yeux. Tandis que le fils de Tydée

cherche dans la poussière son javelot qui, volantloin de lui, y est demeuré enseveli, le fils de Priam

reprend ses sens , remonte sur son char, se con-fond dans la foule des Troyens pour éviter la mort.Agitant l’arme meurtrière, le fils de Tydée le pour-

suit : ses efforts sont vains; il ne peut l’atteindre.Lâche! s’écrie- t-il, ta fuite te dérobe au tré-

pas: mais ton’heure fatale approche; Apollon,

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156 .L’ILIADE,que tu invoques quand tu marches au combat, tesauve en ce moment. Tremble une autre fois det’offrir à ma vue ; ta mort seroit certaine, si quel--que divinité propice daignoit venir à mon aide. Jemarche contre les tiens : malheur à celui que j’at-

teindrai dans ma course rapide !Il dit, et s’empare des dépouilles du fils de

Péon. Cependant, caché derrière une colonne quisurmonte le tombeau d’Ilus, vénérable vieillard ,

l’un des anciens rois des Dardaniens , chéri de lanation, Pâris bande son arc sur le fils de Tydée, lepasteur des peuples, qu’il voit occupé à détacher

l’éclatante cuirasse du vaillant Agastrophus, son

bouclier, son casque pesant. La flèche homicidene s’égare pas dans le vague de l’air ; l’airain dont

elle est armée atteint le pied de Diomede , et lecloue à la terre. Fier de sa victoire , s’élançant de

l’asyle où il se tenoit en embuscade , Pâris s’é-

Crie:Tu es blessé ! le trait que ma main a lancé ne

s’est point égaré: plût aux dieux que, perçant tes

entrailles, il t’eût précipité dans les enfers! les.

Troyens respireroient, délivrésd’un monstre de.-

vant lequel ils frémissent comme de timides che-vres à la vue d’un lion.

l Lâche séducteur , vil archer, qui ne sais manier

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CHANT XI. 157que la corne des arcs, lui répond l’intrépide Dio-

mede; couvert de plus nobles armes , ose te me-surer avec moi, tu connoîtras l’impuissance deton arc et’de tes fleches. Tu te glorifies d’avoir ef-

fleuré mon pied. Que m’importe cette foible bles-

sure , semblable à celle que pourroit faire unefemme ou un enfant? L’arc est l’arme traîtresse

d’un homme vil. Les coups de mon javelot sontplus sûrs ; celui qu’il atteint tombe sous la faux de

la mort; sa veuve, ses enfants orphelins déchirentleurs joues dans l’excès de leur douleur; son sang

abreuve la terre; son cadavre, objet d’horreur,livré aux oiseaux du ciel, demeure sans sépul-

ture. -Il dit. Cependant Ulysse se place devant lui.Diomede arrache la flèche qui l’a percé, remonte

sur son char, ordonne à son écuyer de le rameneraux vaisseaux; car son ame est affaissée sous lepoids de la douleur. A la vue de Diomede con-traint’d’abandonner le champ de bataille, l’effroi

s’empare des Grecs; aucun n’ose tenir ferme;Ulysse demeure seul poussant de profonds sou-

pirs: .Que ferai-je? se dit-il à lui-même: fuirai-jehonteusement devant cette multitude d’ennemis?demeurerai-je seul, au risque d’être accablé par le

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158 L’ILIADE,nombre? car le fils de Saturne a semé la terreurdans l’ame des Grecs. Qu’est-il besoin de délibé-

rer? Le lâche fuit: mais rien n’ébranle la cons-tance de l’homme courageux; il tient ferme , frappe

Ou succombe.Tandis que ces pensées se succedent avec rapi-

dité dans son esprit, les bandes troyennes, héris-sées de longs javelots , arrivent en foule ; elles en-veloppent de tous côtés le vaillant Ulysse , le ter-rible fléau des Troyens. Tels de jeunes dogues sepressent autour d’un énorme Sanglier qui, sorti de

sa bauge , aiguise ses défenses crochues ; l’horrible

bruit de ses mâchoires retentit au loin; malgré la

terreur que leur imprime la vue du monstre fu-rieux, ils tiennent ferme : tels les Troyens se pres-sent autour d’Ulysse , l’ami de Jupiter, qui s’élance

sur eux. Le fils de Laërte perce au-dessous de l’é-

paule Déiopite; il tombe: Thoon et Ennome lesuivent. Chersidamas s’élance de son char; le ja-velot d’Ulysse l’atteint sôus le bouclier, s’enfonce

dans les entrailles du Troyen , l’étend sur la pous-

siere qu’il embrasse de ses mains défaillantes.Ulysse les laisse expirants, fond sur Charops filsd’Hippasius, frere germain du généreux Socus, le

perce de son javelot. L’intrépide Socus, égal aux

immortels, s’avance pour venger son frère.

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CHANT x1. 159Infatigable Ulysse , illustre par tes travaux, cé-

lebre en toutes les ruses de guerre , dit-il, aujour-d’hui tu te glorifieras d’avoir donné la mort aux

deux fils d’Hippasius, et ravi leurs dépouilles, ou

tu tomberas toi-même sous les coups de mon ja-

velot. ’Il dit, et lance l’arme meurtriere. Elle traversele bouclier d’Ulysse, s’enfonce dans sa cuirasse,

effleure sa peau: mais Minerve en amortit l’acti-vité ; la déesse ne permet pas que la pointe aiguëpénètre jusqu’aux entrailles du héros qu’elle pro-

tege. Reconnoissant que sa blessure n’est pointmortelle , Ulysse recule. Adressant la parole àSocus:

Téméraire, lui dit-il, la faux de la mort est sus-pendue sur ta tête : tu as détourné sur toi seul des

coups qui se fussent égarés dans la multitude; tun’échapperas pas à la mort qui t’attend sous les

coups de mon javelot; ton trépas accroîtra magloire; ton ame descendra dans les sombres de-meures.

Il dit; et saisissant l’instant que Socus se re-tourne pour échapper au trépas par la fuite, il lefrappe entre les deux épaules ; la pointe aiguë pé-

nètre dans la poitrine ; il tombe avec fracas : Ulyssetriomphe.

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160 L’ILIADE,Fils du sage, du vaillant Hippasius . ô Socus,

dit-il, tes efforts sont vains ; mon arme t’a frappé;

tu es parvenu aux bornes de la vie. Infortuné ! niton pere, ni ta respectable mère, ne fermeront tespaupieres ; les vautours étendront leurs ailes surton corps pour le déchirer: si la mort tranche lefil de mes jours, les enfants de la Grece me feront

» d’honorables obseques.

Il dit, et retire le javelot de Socus enfoncé dansses chairs, suspendu à son bouclier qu’il a percé;

le sang coule à gros bouillons de sa plaie ; il souffredes douleurs aiguës. L’ardeur des Troyens accroît

à la vue du sang qui jaillit de la blessure d’Ulysse ;ils s’animent l’un l’autre , fondent sur lui, l’acca-

blent par le nombre. L’intrépide fils de Laërte est

forcé de reculer; il appelle à grands cris ses com-pagnons; trois fois il éleve la voix avec force ; troisfois l’ami du dieu de la guerre , Ménélas, l’entend.

Adressant la parole à Ajax, qu’il voit près de lui z

Divin Ajax, fils de Télamon, lui dit- il , la voixdu malheureux Ulysse a frappé mon oreille ;je jugeà ses cris que, seulcontre une foule de Troyens, ilest enfermé dans un cercle étroit, réduit à un com-

bat trop inégal. Volons à son aide ; écartons cettefoule d’ennemis. Malgré son intrépide valeur, ac-

cablé par le nombre , le fils de Laërte ne pourroit

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CHANT XI. 161résister à ceux qui l’environnent; sa mort seroit

le sujet des éternels regrets des enfants de laGrèce.

Il dit, et marche le premier. Ajax, l’émule de

Mars , le suit; les deux héros se font jour à travers

les bandes troyennes qui entourent Ulysse , et leserrent de toutes parts. Ainsi l’on voit des loupscarnassiers fondre du sommet des montagnes surun cerf qu’une flèche lancée par des chasseurs ablessé ; une fuite précipitée le dérobe à la mort,

tant que le sang conservant sa chaleur maintient leressort de ses jarrets ; domté enfin par la douleur,les loups le dévorent au centre d’une épaisse forêt,

au sommet des montagnes ; le Destin conduit ence lieu un lion affamé; les loups fuient, le lions’empare de leur proie : tels les plus valeureux, lesplus forts d’entre les Troyens environnent le vail-lant, le sage Ulysse, qui s’élance sur eux , et lesécarte de son javelot pour échapper au trépas;Ajax approche , le couvre de son bouclier sembla-ble à une tour ; la terreur s’empare des Troyens ,

les disperse,les met en fuite. Prenant le fils deLaërte par la main , Ménélas l’entraîne hors de la

mêlée, attendant que son écuyer lui amène sescoursiers et son char. L’émule du dieu Mars,Ajax, fond sur l’ennemi, perce de son javelot

2. 21

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162 L’ILIADE,Doryclès, un des fils de Priam , né d’un commerCe

illégitime ; Pandocus , Lysandre , Pyrasus , Pylar-tès, l’accompagnent dans les sombres demeures.Tel un torrent débordé dont les neiges et les pluiesde l’hiver ont accru la rapidité, plein d’un gravier

fangeux , entraînant les sapins et les chênes, se:précipite dans la mer avec fureur: tel, dans cetteplaine sanglante, le vaillant Ajax perce hommes etchevaux , portant de toutes parts le carnage et lamort.

Les cris des mourants ne sont point encore par.venus aux oreilles d’Hector , qui combatsur la gau-

che , près des rives du Scamandre. La les têtestombent en foule ; les cris sont affreux; l’acharne-ment des guerriers ne peut être comparé qu’à un

vaste incendie que rien ne peut éteindre. Près dugrand Nestor et de l’intrépide Idoménée , Hector,

tantôt à pied , tantôt sur son char, détruit des pha-

langes entieres; etcependant il n’eûtpu forcer lesGrecs d’abandonner le champ de bataille , si Pâris,l’époux de la belle Hélène, lançant une flèche sur

Machaon , le pasteur des peuples , qui combat aveccourage , n’eût réprimé l’impétueuse ardeur de ce

héros. Armée de trois pointes , la fleche aiguëatteint le savant Machaon à l’épaule droite, et ré-

pand l’alarme dans l’ame des Grecs ; ils tremblent

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CHANT x1 lmque l’utile Machaon ne leur soit enlevé. Adressant

la parole à Nestor :

Nestor, fils de Pelée, la gloire des Grecs, luidit le sage Idoménée, hâte- toi de remonter surton char: que Machaon prenne place à tes côtés;

anime tes coursiers ; reporte aux vaisseaux desGrecs ce héros qui arrache de nos plaies les fleches

homicides, qui les couvre de simples salutairesdont les sucs bienfaisants appaisent les plus vivesdouleurs : la vie d’un tel homme est plus précieuse

que celle d’un grand nombre.

Il dit. Le vieux Nestor monte sur son char, faitasseoir à côté de lui l’irréprochable Machaon, fils

d’Esculape. Le fils de Nélée anime ses coursiers

avec le fouet ; ils volent avec légèreté aux vaisseaux

des Grecs; le desir du repos, l’abondante pâturequi les attend, hâtent leur course rapide. L’écuyerd’Hector, Cébrion , assis sur le char à côté du fils

de Priam, voit les Troyens qui plient devantAjax.Adressant la parole à son frère :

Hector, lui dit-il, ici les guerriers fuient soustes coups, tandis qu’à l’autre extrémité du champ

de bataille Ajax fils de Télamon fait un horriblecarnage d’hommes et de chevaux, et met en fiiiteles Troyens. Je reconnois le fils de Télamon aularge bouclier qui couvre ses épaules. Dirigeons

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164 L’.ILIAD E,nos coursierssur ce héros ; hommes et chars, quetoute l’armée nous suive: car la faux de la mortmoissonne les héros dans cette horrible mêlée;les cris des vainqueurs, le désespoir des vaincus,retentissent au loin, semblables à un incendie.

Il dit, et presse ses coursiers à la vaste crinière;le fouet siffle; ils s’élancent, portent avec rapidité

le char léger à travers les cadavres qu’ils foulent

aux pieds ; le timon, l’aissieu, les roues, sont souil-lés du sang qu’ils font jaillir dans leur course ra-pide. Impatient d’entrer dans la mêlée, de rompre

les bataillons serrés des enfants de la Grece, Hec-tor s’élance de son char, attaque les Grecs ; armé-

du glaive , il les poursuit, lance sur eux des jave-lots , de lourdes pierres: les rangs sont confondus,les Grecs dispersés; et cependant Hector n’oses’engager dans un périlleux combat contre l’invin-

cible Ajax. Mais Jupiter , du hautde son trône , im-prime la terreur dans l’ame du fils de Télamon ;1il s’arrête , se retourne épouvanté. Rejetant sur ses-

épaules son vaste bouclier, portant de tous côtésdes regards inquiets, semblable à une bête férocepoursuivie par des chasseurs, tantôt il fuit, tantôtil fait face à l’ennemi. Tels de vigoureux limiers etd’intrépides pasteurs repoussent de l’étable où les

bœufs sont renfermés, un lion affamé qui s’apprête

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CHANT XI. 165à les dévorer pendant l’obscurité de la nuit; chiens

et pasteurs veillent à la garde du troupeau; l’en-nemi s’avance, mais ses efforts sont vains ; des tor-ches enflammées, de formidables épieux, maniés

par des bras nerveux, effraient le monstre, l’em-pêchent d’approcher; il rugit pendant la nuit en-tiere, et fuit tristement au lever de l’aurore : telAjax, le cœur percé d’une douleur profonde, trem-

blant pour les vaisseaux des Grecs, recule forcé-ment, à pas lents, repoussé par les Troyens. Ainsi,malgré les bâtons qui tombent sur son corps, unâne recule devant une troupe d’enfants qui le chas-

sent d’un champ couvert d’une abondante mois-

son dont il tond les tendres épis ; de jeunes pâtresl’environnent, le frappent à coups redoublés ;mais leurs membres n’ont point acquis la vigueurque l’âge seul peut donner ; ils ont peine à le met-

tre en fuite qu’il ne se soit rassasié de l’abondante

pâture: tels les fiers Troyens et leurs nombreuxalliés , armés de longs javelots , poursuivent legrand Ajax, fils de Télamon. Une foule de traitsfrappe son bouclier. Se confiant dans sa force, l’in-

trépide Ajax se retourne , dissipe les phalanges en-tières ,échappe à tous les coups ; ses mouvements

rapides contiennent les Troyens, les écartent desvaisseaux ; environné des bandes nombreuses des

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166 L’ILIADE,Troyens et des Grecs, le seul Ajax résiste à l’en-

nemi et l’effraie: les dards, les javelots, ne peu-vent l’atteindre ; les uns s’arrêtent dans son vaste

bouclier; les autres repoussés s’égarent, et s’en-

foncent dans la terre ; tout l’espace qui le séparede l’ennemi en est hérissé. Le fils d’Évemon, le

vaillant Eurypyle, le voit accablé par les traits desTroyens; il s’approche, lance son javelot, frappeApisaon fils de Phausée , le pasteur des peuples ;la pointe aiguë pénètre dans le foie, au-dessous de

la poitrine ; les genoux du Troyen fléchissent. Eu-rypyle s’élance, s’empare de ses armes. Le beau

Paris le voit détacher l’armure d’Apisaon; il bande

son arc, décoche une fleche: l’arme meurtrierepénetre dans la hanche du héros , et s’y brise. Ap-

pesanti par sa blessure , contraint de fuir pour évi-ter la mort, Euryper recule , se confond dans lafoule des Grecs. Élevant la voix , il s’écrie :

Ô mes amis, chefs et conseils de la nation desGrecs, cessez de fuir; faites tête à l’ennemi; dé-

fendez le grand Ajax accablé par les javelots desTroyens; je tremble qu’il ne succombe dans cettesanglante mêlée : tenez ferme près d’Ajax fils de

Télamon.

Ainsi parle Euryper blessé. Les Grecs appro-chent, environnent le grand Ajax, le couvrent de

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CHANT XI. 167leurs boucliers , présentent leurs javelots auxTroyens. A la vue de ses compagnons qui s’em-pressent autour de lui, l’intrépide Ajax s’arrête,

fait face à l’ennemi; le combat se ranime comme

un vaste incendie.Cependant les chevaux écumants du vieux Nes-

tor le portent hors du champ de bataille, et aveclui Machaon, le pasteur des peuples. Debout à lapouppe de son vaisseau , Achille voit les travauxdes Grecs et leur fuite honteuse. ReconnoissantNestor, il appelle son compagnon Patrocle. Lavoix du fils de Pélée pénétré dans la tente du va-

leureux fils de Ménétius; semblable au dieu Mars ,

il accourt: ce fut le commencement de ses mal-heurs.

Pourquoi m’appelles- tu, ô Achille? lui dit- il;

quel besoin as-tu de moi?Divin fils de Ménétius, cher à mon cœur, lui

répond le fils de Pélée, c’est maintenant que je

verrai les enfants de la Grece, prosternés à mespieds, implorer ma clémence : car la nécessité les

y contraint; les maux qu’ils souffrent sont intolé-

rables. Patrocle, marche à la tente de Nestor,l’ami de Jupiter: demande-lui quel est ce hérosblessé qu’il ramene dans son char. Je n’ai pu le

voir en face; les coursiers légers l’ont emporté loin

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168 L’ILIADE,de moi : mais il ressemble, par la taille , à Machaonfils d’Esculape.

Il dit. Docile aux ordres de son cher compa-gnon, Patrocle s’éloigne des tentes et des vais-

seaux des Thessaliens; il parvient à*la tente dufils de Nélée. Nestor et Machaon arrivent en cetinstant. Eurymédon , l’écuyer du vieux Nestor,

dételle ses coursiers. Assis au frais sur le rivagede la mer, les deux héros ont étanché la sueurdont leurs tuniques étoient. imbibées; ils ren-trent dans la tente de Nestor , prennent place surdes trônes : la belle Hécamede mêle du vin dans

une urne. Le vieux Nestor obtint cette esclavedans le partage du butin de Ténédos , quandl’intrépide fils de Pélée eut conquis cette isle

voisine de Troie. Hécamede est fille du magna-nime Arsinoüs; les Grecs la choisirent entretoutes les captives, avant le partage du butin,pour la donner à Nestor, récompensant ainsi lasagesse de ses conseils , qui surpasse celle detous les autres enfants de la Grèce. Cette bellecaptive place devant les deux guerriers une tablepolie que soutiennent des pieds azurés ; une cor-beille d’airain, pleine d’oignons propres à ex-citer la soif, pleine d’un miel exquis et de la farine

du plus pur froment, est posée sur cette table par

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CHANT x1. 169les mains de la belle Hécamede, près d’une coupe

superbe à deux fonds que le vieux Nestor ap-porta de Pylos. Cette coupe est ornée de clousd’or; quatre anses servent à la porter; chacunesoutient deux colombes d’or qui semblent cueil-ilir l’herbe des prés fleuris ; au - dessous sont deux

autres colombes de même métal et de mêmebeauté. Pleine de vin , elle est si pesante, qu’unhomme d’une force commune la soulève avecpeine; le vieux Nestor la porte à sa bouche, etla vuide aisément. Hécamede, dont la beautéégale celle des immortelles, emplit cette couped’un vin de Pramne, y mêle du fromage de che-vre qu’elle a râpé avec un instrument d’airain, et

de la farine du plus pur froment. Ayant ainsi pré-paré ce délicieux breuvage, elle invite les deuxhéros à se désaltérer. Ils étanchent, en buvant,

la soif qui les tourmente: un utile entretien oc-cupe leur loisir. Patrocle, mortel égal aux dieux,paroît en cet instant à l’entrée de la tente du roi

de Pylos. Le vieux Nestor se leve du trône où ilest assis, présente la main au compagnon d’A-Chille, l’introduit dans sa tente, l’invite à s’as-

seoir sur un trône. Le fils de Ménétius le refuse.

Ô vieillard, fils de Jupiter, dit-il, tu ne me per-suaderas pas de m’arrêter dans ta tente; tu connois

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170 L’ I L I A D E ,l’impatienCe de celuiqui m’env0ie.Achille,dont je

re5pecte les ordres,m’achargé de te demander quel

est ce héros blessé que tu as ramené dans ta tente.

Je le vois de mes yeux; je reconnois Machaon ,le pasteur des peuples. Je me hâte de retournersatisfaire Achille: tu sais. ô vieillard, combien estterrible la colere du fils de Pelée; avec quellepromptitude elle s’enflamme , même sans sujet.

Quel soudain intérêt pour nos blessés troublele repos du fils de Pélée? répond le vieux Nestor z

ignore-t-il les mauxqui accablentl’armée des Grecs?

Les plus courageux sont hors de combat; le vail-lant Diomede est blessé ; l’intrépide Ulysse et Aga-

memnon sont blessés; une fleche amère a atteintEuryper à la cuisse ; une autre a percé ce héros,que j’ai soustrait à la fureur des Troyens , le rame-

nant dans mon char. Cependant, insensible auxmalheurs des Grecs, l’inexorable filslde Pélée at-

tend en paix que la flamme consume nos vais-seaux, que ces restes infortunés soient réunis à la

foule des morts. Plût aux dieux que ma force fûttelle qu’autrefois! puissé-je revenir’aux brillantes

années de ma jeunesse ! pussent mes membres re-prendre leur ancienne vigueur ! Tel j’étois- quandune guerre sanglante s’éleva entre les Eléens et-les-

Pyliens, qui punirent d’une juste représaille l’en-

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CHANT XI. 171levemènt de leurs troupeaux : je précipitai dansles sombres demeures le vaillant Itymonée , fils,d’Hypèrochus, qui habitoit dans l’Élide ; mon ja-

velot perça Itymonéè qui combattoit hors desrangs, défendant ses bœufs; il tomba sous mescoups; les pâtres sauvages qu’il commandoit pri-

rent la fuite. Un immense butin fut le prix denotre victoire; Cinquante troupeaux de bœufs,cinquante de moutons , Cinquante de porcs,cent cinquante cavales à crinière flottante , sui-vies d’unî grand nombre de poulains qui suçoient

le. lait de leurs’merès. Nous enlevâmes toutes ces

richesses; nous les conduisîmes, à l’entrée de la

nuit, à Pylos, la ville de Nélée. L’ame du vieux

Nélée fut réjouie de mes premiers exploits ,voyant, au lever de l’aurore, les riches dépouillesdont je m’étois emparé, apprenant que j’avois

marché à la guerre dès mes plus jeunes ans. Deshérauts publièrent que tous ceux à qui les Éléèns

avoient fait tort eussent à se présenter. Les hom-mes les plus puissants entre les Pyliens réclame-rent le partage du butin: car les Éléens nousavoient opprimés pendant long-temps; les Py-liens, moins nombreux, avoient souffer-t de cepeuple de longues injures. L’invinciblè Herculeavoit été le premier auteurdè nos maux; les plus

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172 L’ILIADE,courageux avoient succombé. L’irréprochablè N é-

lée eut douze enfants : je restois seul; mes onze fre-’ res avoient été tués. Enhardis par notre apparente

foiblesse , lès’Éléèns nous avoient souvent insul-

tés ; ils nous avoient fait de fréquentes injustices.Le vieux Nélée s’adjugèa à lui-même, avant tout

partage du butin, trois cents bœufs , trois centsmoutons avec leurs pâtres, juste indemnité d’une

grande dette qu’il réclamoit contre l’Élide, de

quatre coursiers célèbres dans les combats, queles Éléèns lui avoient enlevés avec leurs chars,

quand il se disposoit à disputer dans le cirque untrépied de grand prix. Augéè , roi des Éléèns, s’é-

toit emparé des coursiers, renvoyant leurs con-ducteurs affligés. Irrité des outrages de cette na-tion , le vieux N éléè retint une immense rançon,

abandonnant le reste à son peuple pour le parta-ger. Aucun ne put se plaindre de n’avoir pointobtenu la réparation des pertes qu’il avoit es-suyées; nous rendîmes à tous la justice qui leurétoit due. Montant à la citadelle, nous offrîmes

aux dieux de pompeux sacrifices. Le troisièmejour les Éléèns reviennent en forces ; une infan-

terie nombreuse, des chars superbes, nous me-naçoient d’une ruine prochaine; les deux Mo-lion, encore enfants, peu accoutumés aux travaux

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CHANT XI. 173guerriers, commandoient l’armée ennemie. Il estune ville située sur un mont escarpé , loin de l’Al-

phée, à l’extrémité du territoire de la sablonneuse

’APylos; on la nomme Thryoësse: les Éléens ten-

tent de la dévaster. Déja ils déploient sur nos ter-.

res leur nombreuse armée. Descendant du som-met de l’Olympe pendant l’obscurité de la nuit,

Minerve nous avertit de cette entreprise , no-usarrache aux douceurs du sommeil, inspire à tousun violent desir de repousser l’ennemi. Néléene permet pas que je m’armè dans cette guerre;

il dérobe mes coursiers à mes recherches: jen’étois pas, disoit -il, assez accoutumé aux tra-

vaux guerriers pour hasarder une telle entreprise.Minerve me guida: sans chevaux, sans char ,je me joins à nos hommes de Cheval , et acquiersune gloire immortelle. Un fleuve Se précipitèdansla mer, près d’Arène, le Minyas ; les cavaliers py-

lièns , parmi lesquels j’étois , attendent en ce lieu

que la divine Aurore se montre sur l’horizon. Lelendemain les bandes serrées de notre infanteriese réunissent à nous: couverts de nos armes,nous nous mettons en marche. Le soleil est àpeine parvenu au milieu de sa carrière, quandnous atteignons les rives de l’Alphéè. Nous of-

frons en ce lieu de pompeux sacrifices à Jupiter

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174 L’ILIADE,’dont la puissance est sans bornes, un taureau àl’Alphée, un taureau à Neptune, une génisse in-

’ domtéè à Minerve. Partagés par bandes, nous

goûtons les douceurs du festin , et reposons toutarmés sur les rives de l’Alphéè. Cependant les

Éléèns, impatients de partager nos dépouilles,

entourent Thryoësse; une seule journée dissipeleurs espérances. A peine, du sommet de son char

doré, le soleil darde ses rayons sur la terre,qu’ayant adressé nos vœux à Jupiter et à Minerve ,

nous nous réunissons pour combattre avec cou-rage. Le premier de tous, je perce, de mon jave-lot, l’un dès chefs de l’armée ennemie, le vail-

lant Mulion, gendre d’Augéè, et m’empare de

son char et de ses coursiers. Mulion épousa la filleaînée d’Augéè, la blonde Agamèdè, qui connois-

soit toutes les plantes répandues sur la surface dela terre. M’approchant de ce héros, je le frappede mon javelot; il tombe dans la poussiere: m’é-

lançant sur son char, je combats hors des rangs,entre nos plus vaillants guerriers. Les Éléens,ayant vu tomber le plus célèbre de leurs chefs ,celui qui marchoit à la’tête de leurs chars, effrayés,

prennent la fuite. Je m’élance sur eux avec la rapi-

dité de la foudre ; j’enlève cinquante chars: deux

héros , précipités de chacun de ces chars, mor-

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CHANT x1. 175dent la poussière ’sous les coups de mon javelot.Les fils d’Actor , les deux Molion, n’èussent point

échappé à la mort, si leur père, le puissant Nep-

tune, les couvrant d’un nuage épais , ne les eûtdérobés à ma poursuite. En ce jour, Jupiter ac-corda aux Pylièns une grande victoire. Recueillantles boucliers, et les armes éparses sur le champde bataille , nous poursuivîmes les Éléens us-qu’aux portes de la grande ville de Buprasium,jusqu’à la rochèçOléniènne et à la colline d’Alésie.

Là, Minerve, nous arrêtant, nous força de retour-ner sur nos pas : en ce lieu tomba la dernière vic-time de notre vengeance. Les enfants de la Grèceramènent leurs coursiers rapides de Buprasium àPylos; tous rendent de solemnèllès actions de’graces à Jupiter, le plus grand des dieux, à Nes-

tor , le plus grand des mortels. Tel je fus dans mesjeunes ans en tre les héros de la Grèce. Et mainte-nant le couraged’Achillè demeure oisif! il jouitseul de son intrépide valeur! Des pleurs amèresinonderont son visage, si l’armée des Grecs estdétruite. mon fils, souviens-toi des conseils quete donna Ménétius le jour que , partant de Phthie ,il t’envoya avec Agamemnon. J’étois présent, et

le divin Ulysse ; nous entendîmes les ordres que.ç Péléè donna à son fils dans son palais. Parcourant

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176 L’ILIADE,la fertile Achaïè pour rassembler les héros de laGrece, nous parvînmes au superbe palais de Pé-léè; le vaillant Ménétius y étoit, et toi, ô moncher fils , le compagnon d’Achillè! Le vieux Pélée

offroit, dans l’enceinte de son palais, un solemnèl

sacrifice à Jupiter: une graisse abondante brûloitsur les autels du dieu qui lance le tonnerre. Pélée ,

tenant dans ses mains une coupe d’or, arrosoit defréquentes libations les entrailles des victimes : tusoulageois le fils de Pélée dans le partage des ani-maux immolés. Nous paroissons à l’entrée du ves-

tibule: Achille s’élance vers nous. La joie dontson ame est remplie éclate dans ses yeux ; il nousprend par la main , nous place sur des trônes , nousoffre les dons de l’hospitalité, comme la justicel’exige.Ayant goûté les douceursdu festin, èprènds

la parole, je le demande à Pélée son père ; e fais à

Péléè de vives instances pour qu’il l’envoie avec

nous. Le vieux Péléè me l’accorde. Tu t’offrès pour

marcher avec lui ; Pélée et Ménétius vous donne-

rènt à l’un et à l’autre de salutaires conseils. Com-

battre sans cesse entre les héros de la Grèce, se dis-

tinguer parmi les guerriers les plus intrépides , telsfurent les ordres que le vieux Pelée donna à sonfils. Ménétius fils d’ACtor t’adressant la parole:

Ô mon cher fils, te dit-il, ta naissance est moins

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CHANT x1. i 177illuStrè. Quoique plus jeune , Achille l’emporte de

beaucoup sur toi par sa force invincible. Donne-lui de sages conseils; guide ses démarches ; qu’il

reçoive de toi des avis salutaires. Ainsi te parloitce vieillard; et tu as oublié ses ordres! Rappelleen ce moment tous ces faits à l’irréprochable fils

de Pélée ; qu’il se laisse persuader. Qui sait si,

avec l’aide des dieux , tu ne toucheras pas soncœur? Les conseils d’un ami sont précieux. Siquelque oracle l’effraiè , si sa respectable mère lui

a dévoilé les décrets de Jupiter, que ses Thessa-

liens marchent sous tes ordres; tu paroîtras auxGrecs comme un astre bienfaisant. Qu’Achille teprête sa divine armure; les Troyens fuiront à lavue de l’image du fils de Péléè. Les enfants de

Mars ,lès valeureux enfants de la Grece , opprimés

maintenant, respireront; une courte trève auxmaux qui nous accablent suffira pour rappeller lecourage dans nos aines. Dès troupes fraîches rè-pousseront aisément des ennemis épuisés de tra-

vaux; les Troyens seront forcés de se renfermerdans leurs murs ; tu sauveras nos vaisseaux et nos

tentes. iIl dit. Ses paroles excitent de vifs regrets dansl’amè de Patrocle. Parcourant le rivage, il se hâtede rejoindre le descendant d’AEacus.

2. 23

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178 L’ILIADE,Parvenu devant la tente et le vaisseau du divin

Ulysse , où les enfants de la Grèce ont coutumede s’assembler, où l’on rend la justice, où sontplacés les autels consacrés aux dieux, le généreux

fils d’Évemon, Eurypyle , blessé, s’offre à sa vue.

Il se traîne avec peine ; la pointe aiguë , enfoncée

dans sa cuisse, l’accablè de vives douleurs; unesueur froide découle de tous ses membres; elleinonde ses épaules; sa tête en est imbibée; un;Sang noir sort en bouillonnant de sa plaie; et Cè-pendant sa constance n’est point ébranlée. Le gé-

néreux Patrocle en prend pitié: il lui adresse cesdouces paroles qu’intèrrompènt ses sanglots, et:

s’écrie : .Ô rois, conseils infortunés de l’armée des

GreCs, qui avez abandonné les lieux qui vous vi-rent naître, êtes-vous destinés à devenir, loin de

votre terre natale , la proie des chiens et des vau-tours! Divin Eurypyle, parle-moi avec vérité:conçois-tu quelque espoir que les Grecs repoussentde leurs vaisseaux le vaillant Hector? tous les en-fants de la Grece tomberont-ils sous le javelotd’HèCtor ?

Tout espoir est perdu, ô Patrocle, le rempart desGrecs , lui répond Eurypylè poussant un profondsoupir; les enfants de la Grèce tomberont sous les

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CHANT XI. 179coups d’Hèctor dans leurs vaisseaux embrasés. Les

plus intrépides ont reçu de profondes blessures ;.

ils reposent dans leurs tentes, loin du champ de.bataille; laforce de nos ennemis prend un accrois-sement rapide. Mais secours - moi, ô Patrocle ; rè-

porte-moi dans mon vaisseau; arrache la flècheaiguë enfoncée dans ma cuisse ; verse sur mables-

sure une 0nde pure ; sonde ma plaie; couvre-la deces simples bienfaisants qu’Achille, instruit parChiron , le plus juste des Centaures, te fit connoî-tre autrefois : car les deux enfants d’Esculape, Po-dalire et Machaon, ne peuvent m’être d’aucun se-

cours. Blessé lui-même, Machaon a besoin d’un

habile médecin; Podalire est sur le champ de ba-taille, en butte à la fureur des Troyens.

Que faire, quel parti prendre en de telles extré-mités, ô mon cher Eurypyle? lui répond le vaillantfils de Ménétius: je m’empresse de porter à Achille

la réponse du sage Nestor; et cependant je ne t’a-

bandonnerai pas en cet état de souffrance.Il dit; et soulevant dans ses bras le pasteur des

peuples , il le serre contre son sein , le reporte danssa tente , l’étènd sur de vas tes peaux de bœufs qu’un

fidèle serviteur, voyant arriver son maître blessé , a

étendues sur la terre. Patrocle arrache, avec sonépée, la flèche aiguë, verse sur la plaie une onde

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180 L’ILlADE, CHANT XI.pure, broie dans ses mains une racineamere, l’en-.fonce dans la blessure : son suc dessechè la plaie ,étanche le sang, appaise les douleurs du valeureuxfils d’Évemon.

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L’ILIADE.

CHANT XII.

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ARGUMENT.

L12 s Troyens , arrêtés par le fossé et la palissade , descendent de

leurs chars , se partagent en cinq bandes. Jupiter leur envoie unaigle, présage de ses éternels décrets. Hector rejettè les sages con-

seils de Polydamas. La haute muraille est battue de toutes parts. Sar-pédon détache seul un pan de mur. Hector brise les portes , ouvreaux Troyens un libre accès dans les vaisseaux des Grecs.

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L’ILIADE.

CHANT XII.Les Troyens font breaks à la muraille des Grecs.

T A N D IS que , dans la tente d’Eurypylè blessé, le

divin Patrocle lui prodigue ses soins officieux, lesGrecs et les Troyens combattent dans la plaine;car les Destins ont décidé que ni le large fosséque les Grecs ont creusé, ni la haute muraille qu’ils

ont élevée, contre l’ordre des immortels , avant

d’avoir offert aux dieux de saintes hécatombes, ne

pourront garantir leurs vaisseaux et le riche butinqu’ils renferment. Ce monument est menacé d’une

ruine prochaine ; et cependant il subsista tantqu’Hector vécut, aussi long-temps qu’Achillè con-

serva son courroux, tant que la ville du roi Priamne fut point anéantie. Mais lorsque les plus’valèu-

reux d’entre les Troyens et grand nombre deGrecs eurent été précipités dans les sombres dè-

meures, que les uns. eurent péri, que les autreséchappés au trépas eurent dévasté dans la dixième

année la superbe cité de Priam, que , remontant

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184 L’ILIADE,sur leurs vaisseaux, les Grecs eurent repris la routede leur patrie , Neptune et Apollon résolurent laruine de ce mur orgueilleux. Tous les fleuves,dont les sources cachées dans les sommets escar-pés de l’Ida se précipitent dans la mer, le Rhésus,

l’Hèptaporè , le Carese, le Rhodius, le Graniquè ,

l’Ésépus, le divin Scamandre et le Simoïs, roulant

dans leurs flots les boucliers, les casques , les corpssanglants de tant de demi-dieux, dont cette guerrecruelle a éteint la. race, gonflés par les torrents,fondirent, par l’ordre des immortels , sur le soliderempart des Grecs. Apollon réunit leurs embouvchurès ; leurs courants rapides battirent, pendantneuf jours , la haute muraille, et la submergèrent;Neptune, marchant à la tête des fleuves, armé de

son trident, déracina le vaste rempart des Grecs,le mit au niveau des flots de la mer; les énormespieux que les enfants de la Grèce avoient enfon-cés dans la terre , ne purent le défendre; les r0,chès accumulées par d’immenses travaux furent

. applanies; rien ne s’éleva au-dèssus des rives del’Hèllespont; la haute muraille fut détruite jusques

dans ses fondements; Neptune couvrit les rives dela mer d’une énorme quantité de sables; les fleu-

ves rentrèrent dans leur lit; leurs ondes limpidesroulerent comme auparavant.

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CHANT XII. i 185Neptune et Apollon devoient un jour opérer

ces prodiges; mais alors les Troyens assiégeoientle solide rempart des Grecs. Leurs cris se font en-tendre au loin; les énormes poutres des toursqu’ils ont élevées retentisSènt des coups redou-.

blés qui leur sont portés. Accablés du terriblefléau dont Jupiter punit leur orgueil, renfermésdans leurs vaisseaux, les Grecs frémissent au seulnom d’HeCtor, artisan de terreur, aussi rapideque la tempête. Semblable à un sanglier ou à unlion qu’ènvironnent une troupe de Chasseurs etune meute nombreuse; étroitement serrés, telsque des tours, les chasseurs lui présentent la pointeaiguë de leurs longs épieux ; le monstre, à qui la

terreur est inconnue, jetant de toutes parts desregards enflammés, se retourne, disperse les ban-des attroupées, succombe enfin victime de son

1 intrépide courage : tel Hector, courantdè rang enrang, exhorte les siens à escalader le rempart desGrecs. Ses coursiers vigoureux hennissent sur lebord du large fossé , dont la pente escarpée n’offre

de toutes parts qu’un précipice affreux ; les hautes

palissades qui le bordent le défendent des attaquesde l’ennemi; les coursiers attelés aux chars nepeuvent ni le descendre ni le fi’anchir; les gensde pied oseroient à peine hasarder cette périlleuse

2. ’ 24

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186 L’ILIADE,entreprise. Adressant la parole au grand Hector,Polydamas lui parle ainsi:

Hector, et vous tous, chefs des Troyens et deleurs braves alliés, il seroit imprudent de forcernos coursiers à franchir ce fossé. Ce passage estimpraticable, défendu par une palissade de pieuxaigus. Au-delà est la haute muraille des Grecs; sé-parée du fossé par un défilé étroit, où nos cour-

siers et nos chars ne pourroient nous être d’aucuneutilité, nous tenterions en vain de l’escaladèr. Si

Jupiter, dont la foudre effraie les mortels, a résolula ruine entière de la nation des Grecs, s’il daignenous protéger, les enfants de la Grèce périrontsans gloire dans cette terre étrangère, loin de leurpatrie. Plaise aux immortels qu’il soit ainsi! Mais

pour peu que le courage rentre dans leurs amès,que sortis de leurs vaisseaux, où ils se tiennentmaintenant renfermés, ils nous attaquent quand.nous serons engagés avec nos chars dans ce défilé ,.

je doute qu’il reste un seul d’entre nous pour por-

ter à la ville la nouvelle de notre défaite. Suivezdonc mes conseils : que nos écuyers retiennentnos coursiers sur le bord du fossé; descendons denos chars ; serrons les rangs ; couverts de nos cui-rasses et de nos vastes boucliers, hâtons-nous demarcher sur les pas d’Hector: si l’heure fatale des

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CHANT xn. lmGrecs est arrivée, ils ne soutiendront pas notre

choc. .Ainsi parle Polydamas , et ce sage conseil plaîtà Hector. Couvert de ses armes, il s’élance de son

char; les Troyens le suivent, ordonnant àleursécuyers de retenir leurs coursiers sur le bord dufossé : partagés en cinq bandes, sous des chefs ex-périmentés, ils se forment en ordre de bataille.

Hector et l’irréprochablè Polydamas comman-

dent lès plus nombreux, les plus aguerris, ceuxqu’enflammè un désir plus ardent de faire brèche

à la haute muraille, d’attaquer les Grecs jusquesdans leurs vaisseaux. Cébrion est avec eux ; carHector a commis à la garde de son char un guèr-rier moins intrépide.

Pâris , Alcathoüs et Agènor commandent la se-

conde bande.A la tête de la troisième sont deux fils de Priam ,

Hélénus et Déiphobus, l’image des dieux. Asius,

fils d’Hyrtacus, les accompagne; des coursiers,couleur d’alezan brûlé, d’une taille élevée ( le feu

s’exhalè de leurs vastes narines), apportèrent ce ihéros d’Arisbé sur les rives du Selléis.

Le fils d’Anchise, Énée , conduit la quatrième

bande : les deux fils d’Antenor , Archiloque et.Acamas, savants dans l’art des combats , l’accom-

pagnènt.

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’188 L’ILIADE,Sarpédon marche à la tête des braves alliés de

Troie. Il choisit lui-même, pour le seconder, Glau-cus ètAstéropéè, les émules de Mars, les plus vail-

lants des Lydièns; mais le divin Sarpédon brilleconnue un astre par- dessus tous les autres.

Telles sont les troupes nombreuses, aguerries,qui marchent contre les restes infortunés de l’ar-mée des Grecs. Leurs boucliers serrés ressemblentà un mur d’airain; ils pensent que les enfants de laGrèce n’oseronr sCutenir leur choc , qu’ils les ver-

ront se précipiter dans leurs vaisseaux, et tombersous leurs coups.

Tous les Troyens, tous leurs braves alliés, ontsuivi le sage conseil de l’irréprochablè Polydamas.

Le seul Asius , fils d’Hyrtacus, le chef de la jeu-nesse , refuse d’abandonner son char et son écuyer;

il marche avec ses coursiers contre les vaisSèauxdes Grecs. Insensé ! ce char, ces coursiers dont ils’enorgueillit, ne le remèneront pas dans Ilion;son heure fatale est arrivée; il tombera sous le ja-velot d’Idoménéè , fils de Deucalion; le voile de la

mort s’étendra sur ses yeux.

Détournant sur la gauche , Asius s’élance dans la

route par laquelle les restes de l’armée des Grecs

fuient avec leurs coursiers et leurs Chars. Les pou-tres solides qui forment l’assemblage des portes de

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CHANT xn. lmla haute muraille ne sont pas fermées; les lourdsleviers n’ont pas été abaissés: des hommes coura-

geux, les gardes du camp , tiennent ces portes ou-vertes pour donner un asyle dans les vaisseaux auxenfants de la Grèce qui fuient après ce terriblecombat. Asius dirige ses coursiers vers ce côté ,qu’il croit d’un facile accès: une troupe nombreuse

de Troyens le suit avec de grands cris ; flattés duvain espoir de voir les Grecs tomber sous le jave-lot homicide usquès dans leurs vaisseaux, ils nepensent pas qu’aucun d’eux ose soutenir leur choc.

Insensé ! la garde de ces portes est confiée à deux

hommes d’une force peu commune , valeureuxdescendants des belliqueux Lapithes , le vaillantPolypètès , fils de Pirithoüs, et Léontéè , l’émule

de Mars, le destructeur de la race humaine : ils setiennent devant la porte élevée. Tels, au sommet

des montagnes, deux chênes affermis sur leursvastes et profondes racines, cachant dans les nuesleurs têtes. altières, affrontent la tempête et lesouffle impétueux des vents: ainsi les deux gardesdu camp, .sè confiant dans la force plus qu’hu-mainè de leurs invincibles mains, attendent sanscrainte le choc impétueux du grand Asius. Éle-vant leurs boucliers, Iaménus, Orestè, Acamas,Thoon, OEnomaüs, valeureux combattants que

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190 L’ILIADE,commande Asius, s’avancent vers la porte avec de

grands cris. Les deux Lapithes appellent à hautevoix les enfants de la Grèce renfermés dans lavaste enceinte de leur camp , enflamment leurcourage pour la défense de leurs vaisseaux. A lavue des Troyens prêts à pénétrer dans leur camp ,

les Grecs effrayés fiiient avec de grands cris. Lesdeux géants s’élancent hors des portes pour re-

pousser l’ennemi. Tels deux énormes sanglierssoutiennent, dans un épais taillis, le choc des Chas-

seurs et des chiens qui fondent sur eux du sommetdes montagnes; les deux monstres déracinent leschênes, se font jour à travers les arbres qu’ils ren-versent, s’élancent d’une course oblique sur les

chiens,’sur les chasseurs; le bruit de leurs horri-bles mâchoires retentit au loin, jusqu’à ce que,

frappés du Coup mortel, tombant sous le javelotennemi, leur vie s’exhalè dans les airs : ainsi ré-

sonne, sous les coups redoublés des Troyens,l’airain luisant qui couvre la vaste poitrine des gar-

diens des portes. Se confiant dans leurs forces , seconfiant dans la multitude qui les soutient de des...sus les remparts , les deux Lapithes tiennent ferme,combattent avec vigueur. Du haut des tours, lesGrecs, lançantd’énormès rochers, défendent leurs

vies, leurs vaisseaux et leurs tentes. Tels , dans une

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CHANT x11. .9.violente tempête, les tourbillons impétueux desvents précipitent sur la terre les neiges qui cou?vrènt le sommet des montagnes: aussi nombreuxsont les traits et les pierres que les Grecs font pleu-voir sur les Troyens ; aussi serrés sont les coupsredoublés par lesquels les Troyens font effort pours’ouvrir un passage ; les casques, les boucliers, re-tentissent de la chûtè des rocs, des coups des jave-lots. Alarmé de cette résistance imprévue, l’intré-

pide fils d’Hyrtacus, frappant sa cuisse, poussantde longs gémissements, adresse à Jupiter ces re-proches amers:

Ô Jupiter, dit-il , ainsi tu fais concevoir aux mor-tels de fausses espérances : je ne croyois pas queles Grecs pussent soutenir le Choc de nos mainsvietorièuSès ; cependant, semblables à des guêpesqui, ayant placé leurs ruches dans un défilé rabo-

teux , défendant avec courage leurs timides ès-saims, s’élancent sur le laboureur qui tente des’emparer de leurs asylès , ces deux hommes, quoi-

que seuls, défendent ces portes avec intrépidité ,et n’en peuvent être séparés que par la mort ou la

’captivité.

Il dit. Mais Jupiter est sourd à ses vœux; car cedieu a résolu, dans ses éternels décrets, d’accroî-

tre la gloire d’Hector.

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192 L’ILIADE,Quel mortel oseroit raconter les exploits des

Troyens et des Grecs qui combattent à toutes lesissues de la haute muraille? une grêle de traits etde pierres frappe à coups redoublés les portes etles remparts; le feu jaillit du choc des javelots etdes rocs; les Grecs consternés font effort pour re-pousser la flamme prête à consumer leurs vais-seaux ; les divinités protectrices des enfants de laGrèce gémissent des ordres absolus de Jupiter,qui ne leur permet pas de porter secours à ceux quileur sont chers.

Cependant les deux Lapithes soutiennent unsanglant combat. Le fils de Pirithoüs , l’intrépide

Polypetès, atteint de son javelot le casque d’airain

de Damasus ; il est brisé; la pointe aiguë fend lecrâne du Troyen ; la moëllè qu’il renferme est ré-

panduè; la cavité intérieure du casque est souillée ;

l’ardeur martiale du vaillant Damasus est réprimée.

Pylonè et Orménus ont le même sort. Léontée ,

fils d’Antimaquè, rejeton de Mars, perce Hippo-maque de son javelot; la pointe aiguë se fait jour àtravers le large baudrier qui couvre le Troyen. Ti-rant son glaive redoutable, Léontée s’élance sur’

Antiphate, le perce au milieu de la troupe nom-breuse qui l’environne; il tombe le front collédans la poussière. Menon, Iaménus, Orestè, tome

Page 206: Notes du mont Royal ←  · 2017. 11. 28. · de l’Olympe , disposeront de la victoire. Il dit, et revêt sa brillante armure. Hector eût tranché le fil de tes jours, ô Ménélas,

CHANT XII. .193’.bènt l’un sur l’autre. Tandis que les deux Lapithes

s’emparent des brillantes armures de ces héros, les

guerriers plus nombreux , plus aguerris , qui mar-chent sous les ordres d’Hector et de Polydamas,s’efforcent de faire brèche à la muraille, de porter

le feu dans les vaisseaux. Pendant que les chefs dé-libèrent sur..lè bord du fossé, un prodige suspend

leur ardeur. Un aigle, volant sur la gauche, a en-levé un énorme serpent ; le reptile palpitant se dé-

bat, se reploie , déchire et le sein et lè.cou de l’oi-

seau de Jupiter, qui le serre de ses ongles crochus;contraint par la douleur, l’aigle laisse échapper sa

proie; elle tombe au milieu des Troyens ; l’oiseaude Jupiter fuit jetantdès cris perçants.LesTroyènsfrémissent à la vue de l’énorme dragon, couvert

de taches livides, qui tombe au milieu d’eux: c’est

un présage que le dieu qui porte l’égide leur en-

voie. S’approchant d’Hèctor, Polydamas lui parle

a1nsr :

Accoutumé à résistera mes salutaires remon-trances, ô Hector, n’espère pas que, pour accroî-

tre ton autorité, ma lâche complaisance trahissema pensée, ni dans l’assemblée de la nation, ni-

dans le conseil: je dirai donc ce qui me paroit le»plusutilè. N’allons pas plus avant ; n’entrèprenons-

pas decombattrelès Grecs jusques dans leurs vais-

2. 25

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194 L’ILIADE,seaux. Si cet aigle, qui a volé près de nous quandnous nous efforcions de franchir le large fossé , estun augure certain , je ne pense pas que le succèsréponde à notre espoir. L’oiseau de Jupiter , tenant

dans ses serres un énorme dragon qu’il avoit pris

vivant, nous traçoit notre route sur la gauche; sesentrailles ont été déchirées; forcé de lâcher sa

proie avant de parvenir à son nid, il n’a pu en re-paître ses tendres aiglons. Tel sera notre sort, sinous réussissons , par d’incroyables travaux, à faire

brèche à la muraille des Grecs. Quand ils fuiroientmaintenant et nous céderoient la victoire , parve-nus dans leurs vaisseaux , le retour dans Troie noussera fermé ; précipités dans les sombres demeures

par les enfants de la Grece, qui défendront leursnavires avec la fureur du désespoir, nous verronsleur camp jonché des corps sanglants d’un grand

nombre des nôtres. Ainsi expliqueroit ce présagetout devin instruit dans la science des augures, et

- les peuples se laisseroient persuader.Polydamas , répond le vaillant Hector jetant sur

lui un regard de fureur, ta harangue me déplaît; tu

pourrois nous donner de meilleurs conseils ; ou situ penses ce que tu dis , les dieux ont troublé taraison. Quoi donc! je perdrois le souvenir des pro-messes que me fit le dieu qui lance le tonnerre!

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CHA-NT,XII. 195Jupiter lui-même m’a promis la victoire par ce signe

de sa volonté suprême qui ne trompe jamais. Pré-férerai-jè aux oracles du maître des dieux le vol des

oiseaux, qui parcourent, dans leur course incer-taine, le vague de l’air, tantôt sur la droite , vers les

lieux que le soleil éclaire de ses premiers rayons,1 et tantôt sur la gauche , vers ceux où la nuit étend

ses voiles? Je ne tiens compte de tels présages.Obéissons aux ordres du grand Jupiter qui règnesur les dieux et sur les hommes: la victoire est dueà qui combat pour sa patrie ; c’est le plus sûr des

augures. Si tu redoutes, ô Polydamas, les fureursde la guerre, le sang, le carnage; si tu ne sais ni te-nir ferme contre l’ennemi, ni combattre avec in-trépidité ; ’si tu fuis dans le combat, ou que tu sé-

duises la multitude par tes pernicieux conseils ,apprends le sort qui t’attend. Dussions - nous touspérir dans les vaisseaux des Grecs , n’espère point

un trépas si glorieux: frappé de mon javelot, unemort honteuse sera la peine de ta lâcheté et de ta

révolte. ’Il dit, et marche à la tête des siens; tous le sui-

vent avec de grands cris. Le dieu qui se plaît à lan-

cer la foudre excite une violente tempête ; les ventsse précipitentidès sommets sourcilleux de l’Ida;

d’immenses tourbillons de poussière couvrèutlles

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196 L’ILIA’DE,vaisseaux des Grecs : pour accroître la gloire d’Hèc-

tor et des Troyens , Jupiter énerve le courage desenfants de la Grèce. Se confiant dans leurs forces ,soutenus par ces signes de la volonté du maître des

dieux, les Troyens battent à coups redoublés lahaute muraille , en détruisent les crenèaux , en font

crouler les remparts , arrachent les pieuxènfoncésprofondément dans la terre , soulèvent avec de forts

leviers les pesantes colonnes sur lesquelles lesGrecs affermirent leurs tours ; elles tombent; unejuste confiance enflamme le courage des Troyens.

’ Les Grecs frémissent; mais ils ne fuient pas : cou-

vrant leurs remparts de leurs vastes boucliers, ilsaccablent l’ennemi sous les roches immenses, sousles javelots , sous les torches ardentes qu’ils préci-

pitent du haut de leurs tours. Courant çà et là ausommet de la haute muraille , les deux Ajax les ani-ment par leurs discours, par leurs exemples, exci-tent l’ardeur des uns par des louanges, par de ten-

dres conseils, rappellent par des reproches amersl’intrépidité dans l’ame de ceux qui fléchissent:

Ô mes amis , en quelque ordre que le sort vousait placés; soit que vous vous soyez signalés jus-qu’ici par vos exploits; soit que , confondus usqu’à

ce jour dans la foule, aucune action mémorablen’ait manifesté votre courage; car tous les hommes:

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CHANT XII. 197d’une grande armée ne peuvent être égaux: cepen-

dant des travaux communs sont imposés à tous ence jour; qu’aucun ne l’ignore; qu’aucun, effrayé

par les vaines menaces des Troyens, ne soit assezlâche pour fi1ir dans nos vaisseaux. Marchez enavant; soutenez-vous l’un l’autre: essayons si ledieu qui habite l’Olympe , qui lance sa foudre surles mortels , nous donnera la force de repousser lesTroyens , de les poursuivre usquès dansleur ville.

Les deux Ajax soutiennent ainsi le courage desleurs. Avec autant d’abondance que les neiges et lagrêle tombent dans la saison de l’hiver, quand J u-

piter, effrayant les mortels par les éclats de sontonnerre, les verse du haut des nues sur la terre,tandis que les vents dorment dans leurs antresprofonds , attendant que les sommets des monta-gnes , les promontoires , les champs fleuris, les tra-vaux des hommes, en soient couverts , que , fon-dues par les pluies envoyées par le maître des dieux,

elles se précipitent d’un cours orageux dans laplaine liquide , d’où, resserrées par les ports, parles rives qui bordent l’humide élément, elles s’é-

tendent sur les campagnes qu’elles inondent :ainsi les pierres lancées par les Grecs, heurtant lespierres lancées par les Troyens, résonnent danstoute l’étendue de la haute muraille. Et toutefois,

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198 L’ILIADE,ni le grand Hector , ni les Troyens, n’èussent pu

rompre le solide rempart des Grecs, si Jupiter,dont les décrets sont immuables, n’eût suscité

contre eux l’intrépide valeur de son fils Sarpédon.

Semblable à un lion qui s’élance sur un troupeaude bœufs , le roi de la vaste Lycie s’élance sur les

Grecs, portant devant lui son large bouclier, surlequel brille une lame épaisse d’airain étincelant.

L’habilè artiste revêtit d’une surface brillante les

cuirs solides qui forment la contexture de ce bou-clier: deux rameaux d’or enlacés l’environn-ent.

Agitant deux javelots dans ses mains, l’intrépideSarpédon fond sur les Grecs. Semblable à un lion

montagnard que la faim tourmente ; furieux , im-patient de se rassasier de Chairs sanglantes , sanourriture ordinaire, le monstre s’apprête à dévo-

rer de timides agneaux; ni la clôture des parcs, niles pâtres armés-de longs épieux, ni les Chiens

qui veillent à la garde du troupeau, ne peuventl’arrêter ; il fait effort pour pénétrer dans l’étable ;

bondissant, il se saisit de sa proie, ou tombe sousles longs épieux des pasteurs: avec autant d’ar-deur, le divin Sarpédon s’efforce de faire brèche

à la han te muraille des Grecs. Adressant la paroleà Glaucus fils d’Hippolochus:

Glaucus, lui dit-il , pourquoi sommes-nous res-

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CHANT xu. -1Wpectés par-dessus tous les Lyciens ? De que] droit,dans notre patrie , jouissons-nous du premier trône?Pourquoi la portion la plus distinguée des victimesest-elle placée devant nous dans les festins publics?Honorés à l’égal des dieux, pourquoi nos coupes

sont-elles toujours pleines? A quel titre les Lyciensnous ont-ils donné, sur les rives du Xanthe, undomaine immense , fertile en vins, fertile en bleds?Il est donc de notre devoir de combattre sans cessehors des rangs,.d’affron tertous les périls dèla guerre.

Les rois qui nous gouvernent,diral’un desLycièns ,

ne sont pas insensibles à la gloire ; ils boivent desvins exquis , préparés avec le miel ; ils se nourris-sent dè troupeaux engraissés par nos soins : maisleur force est invincible ; ils partagent avec nousles dangers , et marchent les premiers au combat.Ô mon ami, si la fuite des périls de la guerre nouspréservoit du trépas et des infirmités inséparables

de la vieillesse , tu ne me verrois point combattresans cesse , ni t’engager dans ces travaux meurtriers

qui illustrent les héros ; mais les parques environ-nent les humains de périls sans nombre. Puisqu’au-

cun ne peut éviter ni retarder leur fatal ciseau ,marchons à l’ennemi ; que mon vainqueur soit ho-noré comme un dieu , ou que Sarpédon acquieme

une gloire immortelle.

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200 L’ILIADE,Il dit. Une égale ardeur enflamme le vaillant

Glaucus; ils s’avancent suivis des bandes nom-breuses des Lyciens. Le fils de Pé téus , Ménes théè,

les voit et frémit. Déja ils atteignent la tour confiée

à sa garde; la mort les précede. J etant de tous côtés

des regards inquiets ,’ Ménesthéè cherche des yeux

quelqu’un des héros de la Grèce, assez fort pour

défendre ses compagnons en ce péril extrême.Appercevant à peu de distance les deux Ajax, in-satiables de combats, et Teucer qui sort de satente, il veut les appeller; mais le bruit des bou-Clièrs et des casques d’airain qui se heurtent, le-fracas des rocs lancés parles Troyens con tre toutesles portes qu’ils battent en même temps, ne luipermettent pas de se faire entendre. Adressant laparole au héraut Thoon, il l’envoie vers les deux

Ajax: ’Pars, lui dit-il; cours aux deux Ajax ; tous deuxsont ici nécessaires , car je prévois un grand car-.

nage: les chefs des Lyciens, Sarpédon, Glaucus,.dont nous avons tant de fois éprouvé la force et la.

constance, s’avancent vers nous. Si l’un d’eux est.

aux prises avec l’ennemi, que le valeureux fils de.Télamon vienne seul , accompagné de Teucer.adroit a tirer de l’arc, de Teucer dont les fleches.

sont inévitables. , , , :-

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’CHANT XII. 201Il dit. Le héraut obéit, parcourt avec rapidité la

haute muraille des Grecs. S’approchant des deux ç

Ajax, il leur parle ainsi :Fils de Télamon, fils d’Oïlée, chefs des valeu-

reux enfants de la Grèce, Ménesthée, le fils du di-

vin Pétéus, me députe vers vous; il vous invitel’un et l’autre à venir partager ses travaux; tousdeux vous êtes nécessaires, car il prévoit un san-

glant carnage: les chefs des Lyciens, Sarpédon ,Glaucus, dont nous avons tant de fois éprouvé laforce et la constance , s’avancent vers nous. Si l’un

de vous est aux prises avec l’ennemi, que le valeu-reux fils de Télamon vienne seul, accompagné deTeucer adroit à tirer de l’arc, de Teucer dont lesflèches sont inévitables.

Il dit. Le grand Ajax fils de Télamon adressantla parole à son compagnon :

Fils d’Oïléè , lui dit-il, demeure ici près du brave

Lycomede , tiens ferme ; que ton exemple sou-tienne le courage des Grecs: je cours repousserl’ennemi de la tour que défend le vaillant Ménes-

théè, et reviens à toi.

Ainsi parle le fils de Télamon, et il emmène sonfrere Te ucer , et Pandion qui porte l’arc de Teucer.Parcourant à grands pas l’enceinte intérieure de la

muraille , ils paroissent comme desdieux tutélaires

2. 26

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202 L’ILIADE,sur la tour que le vaillantMénesthéedéfènd contre

les efforts des Lyciens, qui, semblables à la tem-pête , s’élancent sur les crèneaux. L’attaque et la

résistance sont égales ; les cris des assiégeants, les

cris des assiégés , retentissent au loin. Détachant

du sommet du crènèau une pierre lourde , rabo-teuse, qu’un homme dans la force de l’âge, telqu’ils sont aujourd’hui, pourroit à peine soulever

avec ses deux mains, le fils de Télamon élève ceroc immense , le précipite sur l’un des compagnons

de Sarpédon, le magnanime Épiclès : le casque duLycièn est brisé; les os du crâne sont fracassés ; il

tombe du sommet de la tour, semblable à un plon-geur; son ame s’exhalè dans les airs. Teucer apper-

çoit Glaucus , le vaillant fils d’Hippolochus, dont

le bras nud atteint déja le sommet de la muraille;il décoche une flèche; la pointe aiguë perce le bras

du compagnon de Sarpédon , réprime son ardeur.S’élançant en arrière, dans la crainte que les Grecs.

le voyant blessé n’insultènt à son malheur, le ly-

cien Glaucus échappe secrètement. Sarpédon gé-

mit de la retraite forcée de son vaillant compagnon ;mais son activité n’est point ralentie. Étendant son

javelot, il frappe Alcmaon fils de. Thestor , arracheavec force l’arme meurtrière engagée dans le corps

de l’ennemi : Alcmaon tombe aux pieds de son

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CHANT XII. ’203vainqueur; ses armes d’airain retentissent au loin,S’élançant de nouveau, l’intrépide Sarpédon saisit

d’un bras nerveux l’un des créneaux de la muraille,

le détache , l’entraîne ; sa chûte ouvre une brèche

assez vaste pour que plusieurs hommes puissent ymonter. Ajax et Teucer accourent. Teucer déco-che une flèche; elle perce le large baudrierquisoutient l’immense bouclier sur la poitrine du roide Lycie: mais Jupiter écarte la faux de la mortsuspendue sur la tête de son fils ; car ce n’est pas

sur la brèche , ni devant les vaisseaux des Grecs ,que le Destin a marqué le terme de ses jours. Ajaxlance son javelot, atteint le bouclier de Sarpédon;la pointe aiguë pénètre : le fils de Jupiter estébranlé; sa fougue impétueuse est réprimée; il

recule, mais il ne fuit point ; l’espoir d’une gloire

immortelle ne l’abandonne pas. Se reployant, iladresse la parole à ses braves compagnons :

Ô Lyciens , leur dit-il , qu’est devenu ce courage

indomtable qui vous précipitoit dans les combats?Seul, j’ai abattu ce pan de mur; et cependant, mal-gré l’ardeur qui m’ènflamme , j’aurois peine à vous

frayer un passage jusqu’aux vaisseaux des Grecs, si

vous ne joignez vos efforts aux miens : les travauxd’un grand nombre ont un succès plus assuré.

. . Il dit. Sensibles aux reproches de leur roi, les

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204 L’ILIADE,Lyciens s’empressent autour de lui. Les Grecs ren-

forcent leur phalange , et se livrent à de durs tra--vaux. Ni les braves Lyciens ne peuvent pénétrerdans l’enceinte défendue par les Grecs , ni les va-

leureux enfants de la Grèce repousser les Lyciensde leurs remparts. Tels les possesseurs d’un ter-rain contesté s’approchent, se serrent; tenant leurs

mesures dans leurs mains , ils font effort pour rè-culer la ligne qui les sépare: ainsi les Lyciens etles Grecs, bouclier contre bouclier, cuirasse con-tre cuirasse , s’attaquent, se repoussent sur les crè-

neaux de la muraille. Grand nombre tombent sousl’airain meurtrier : celui-ci, que son bouclier n’apu défendre , tenant ferme , est frappé dans la poi-

trine; celui-là , en se retournant, estpèrcé dans les

reins: les tours , les crenèaux, sont teints du sangdes Grecs et des Troyens. Comme les bassins sus-pendus au fléau d’une balance, qu’une femme la-

borieuse , équitable , quivitdu travail de ses mains,

soutient avec justesse pour fixer le prix de la lainequ’elle destine à la subsistance de sa triste famille,s’égalisent’ par leurs mouvements alternatifs ; ainsi

l’attaque et la résistance sont égales dans ces com-

bats meurtriers, jusqu’au momènt auquel Jupiter.

accordè la victoire au grand Hector fils de Priam.S’élançant sur la muraille , il franchit le premier les:

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CHANT. XII. 205remparts. Elevant la voix, il crie aux Troyens:

La brèche est faite; accourez, magnanimesTroyens ; portez la flamme dans les vaisseaux des

Grecs. .Il dit. Tous l’entendent; tous, armés de longsjavelots, fondent sur le rempart des Grecs, s’élan-

cent sur les crenèaux. Saisissant un roc énormequ’il apperçoit à l’extrémité de la porte , masse pe-

sante et aiguë, que deux hommes du peuple lesplus forts, les plus vigoureux, tels qu’ils sont au-jourd’hui, auroient peine à soulever à l’aide d’un

levier pour la poser sur un char( le fils de Saturne,dont les conseils sont immuables, l’allege dans lesmains d’Hèctor ) , il l’élève, la manie avec la même

facilité qu’un berger soutient d’une seule main,sans être surchargé, l’épaisse toison d’un bélier.

S’approchant des portes élevées, fermées par un

double levier que fait mouvoir une seule clef, lefils de Priam mesure son coup, recule, lance leroc raboteux ; il brise les gonds, brise les ais, sé-pare les poutres qui forment l’assemblage de cesportes immenses, se fraie un chemin à travers lesdeux vantaux qui mugissent au loin , et découvrentlegrand Hector. Les traits de son visage , la majestéde son port, l’airain étincelant dont il est couvert,

impriment la terreur; deux javelots sont dans ses

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206 L’ILIADE,CHANT XII.mains : semblable à la nuit , il s’élance dans le camp

des Grecs ; ses yeux ressemblent à des lampes ar-dentes; nul mortel ne pourroit l’arrêter. Appellant

à haute voix la multitude des Troyens, il leur or-donne de pénétrer dans l’enceinte des enfants de

la Grèce , de franchir leurs remparts. Ils obéissent:les uns montent sur le mur; d’autres s’empressent

autour des portes brisées. La terreur s’empare de

l’amè des Grecs; le tumulte est dans leur camp;ils fiiiènt, cherchant un asyle dans leurs vaisseaux,

FIN DU DOUZIÈME CHANT.

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NOTES’DE L’ILIADE.

TOME SECOND.

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NOTESLFTTÉRALESETIHSTOBIQUE&

ILIADE.CHANT VII.

(PAGE 14. Que la terre s’entr’ouvre sous vos,

pas, etc. )Le grec porte: Puissiez-vous devenir eau et terre, chacun de-

vous étant assis ici dans une lâche oisiveté !

(Page 16. Du grand Aréithoüs ,’ etc. )

, Le: grec porte: Du terrible Aréithoüs, que les hommes et lesfemmes nommoient, par surnom , l’homme à la massue , parcequ’il

ne combattoit ni avec l’arc ni avec le javelot, mais qu’il rompoit les

phalanges avec sa massue de fer.

Pausanias, racontant les longues guerres qui subsistèrent entreles Arcadiens et les Pyliens , nomme Arétus ce même prince qu’Ho-

mere nomme Aréithoüs. Lycurgue son fils s’empara du trône par un

parricide.

Madame Dacier remarque, avec raison , que ce combat de Nes-tor, dans sa jeunesse, contre le géant Éreuthalion, a, une grande:ressemblance avec le combat de David contre le géant Goliath. Ilest d’autant plus vraisemblable qu’Homere emprunta cette tradition

des Égyptiens, qui la tenoient des Juifs, que David est, suivant le

2 ’ .274

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210 NOTES LITTÉRALEScalcul ordinaire , antérieur d’environ cent ans à la guerre de Troie.

Pope et M. de Rochefort, qui comparent le défi d’Hector à celui de

Goliath , remarquent que la description de ce géant et de son ar-

mure, qui se trouve au premier liv. des Rois, chap. 17, v. 4 etsuiv. semble avoir servi de modelée Homère.

(Page 17. Chacun donne son signe.)Ces signes étoient un caillou , un morceau de bois, tout ce qu’ils

rencontroient sous leurs mains; ilsy traçoient leurs marques. Il n’en

faut pas conclure, dit madame Dacier, que les lettres fussent alorsinconnues aux Grecs; Cadmus , qui les apporta dans la Grece, estantérieur de plus de cent ans à la guerre de Troie.

(Page 23. Le fils d’Atréè...... honore Ajax de la

partie la plus distinguée de la victime. )Les peaux et le dos entier de la victime étoient, chez les Lacédé-

moniens , la portion des rois. Hérodote, liv. 6.

(Page 28. Le soleil, s’élevant des profondeursde l’océan pacifique. )

J’ai traduit le plus littéralement qu’il m’a été possible ces vers,

flûta; Mir inti-ra riot vrpénCaÀMv cipalpæc ,

ÎLE d’anafij’iil’mo Qualifiés 1311147340

Oùpavov 1111111111.

qui se trouvent répétés dans le dix-neuvième chant de l’Odyssée ; ils

prouvent qu’Homere a non seulement connu l’océan occidental,

mais l’océan oriental, la mer pacifique , puisqu’il en fait sortir le

soleil, et désigne cette mer’par l’épithete qui lui est propre,duAafiriu-rao, pacifique. D’où notre poëte avoit- il pu acquérir la con-

noissance de cette mer, dont on ne fait remonter la découvertequ’au quinzieme siècle de notre ere ? Des Phéniciens sans doute;

car c’était alors la nation la plus commerçante du monde connu.Ces peuples avoient donc pénétré dans l’Inde par la mer rouge (au-

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ET HISTORIQUES. CHANT VIL 2l!jourd’hui l’isthme de Suez), et de-là jusqu’à l’océan oriental,

qui fut connu aussi des Juifs dès le temps de David, plus de cin-quante ans avant la naissance d’Homere. Les versets 9 et 10 dupsaume 138 , qui répondent parfaitement à ces vers d’Homère, en

renferment la preuve : ce Quand je prendrois des ailes pour habitera le rivage de l’extrémité de l’océan, ce seroit votre main, ô mon

(r Dieu , qui m’y conduiroit, et votre droite qui m’y guideroit n.

Si sumpsero pennas meas diluculo , et habitavero in extremis maris ;etenim illuc manas tua deduœt me, et zenebit me damera tua.

( Page 31. Eunée , fils de Jason. )Jason , revenant de la conquête de la toison d’or avec ses Argo-

nautes , s’arrêta à Lemnos : il y eut deux enfants d’Hypsipyle , fille

de Thoas, roi de Lemnos; Eunée , l’aîné, lui succéda. C’est à ce

voyage qu’Homere fait allusion en cet endroit; car il n’est antérieur

à la guerre de Troie que d’environ quarante ans. Eunée envoie ce

vin en secret aux Grecs, de peur qu’il ne soit intercepté par les

Troyens.

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212 NOTES LITTÉnALES

fisCHANT VIII.

( Px G E 35. En vain il se flatteroit d’échapper à ma

vengeance. )Le grec porte : Celui que je découvrirai abandonnant les portes de

l’Olympe , à l’insu des autres dieux , pour porter secours aux Troyens

ou aux enfants de Danaüs, reviendra sur l’Olympe couvert de hon-

teuses blessures, ou je le précipiterai dans le Tartare ténébreux.

(Page 36. Liez une chaîne d’or à mon trône.)

Un traducteur moderne , digne, à beaucoup de titres , de la répu-tation qu’il s’est acquise , a rendu ainsi ce morceau :

a En douterez - vous encore? attachez à la voûte céleste la chaîne

cc d’or qui embrasse le monde. Que tous les dieux et toutes les(c déesses unissent leurs efforts; jamais vous ne pourrez entraîner(c sur la terre et votre maître et votre roi : moi , si j’étends le bras,

(c j’enleverai et la chaîne , et les dieux , et la terre , et les ondes; j’at-

(a tacherai la chaîne au sommet de l’Olympe , et l’univers entier ne

(c sera plus qu’un météore suspendu devant moi, tant mon pouvoir

(c surpasse le pouvoir des mortels et des dieux. a)Sans me livrer à l’examen de ce style, trop éloigné de l’antique

et noble simplicité d’Homere , ce traducteur a suivi, en cet endroit,

l’opinion de Platon , qui explique cette allégorie de l’action du

soleil sur tous les êtres. Pope enchérit sur cette idée: il prétend que

Newton n’a fait que ressusciter le système de la gravitation , quePythagore et Homère avoient reçu des Égyptiens.

Je ne me livrerai pas à ces discussions; j’ai cru devoir traduire ce

morceau d’autant plus littéralement, qu’il n’en est aucun, dans les

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ET HISTORIQUES. CHANT v111. 213’deux poèmes d’Homere , qui prouve plus clairement que ce peuple ’

de divinités, dont le père de la poésie épique et de la mythologie

remplit le ciel, la terre et les enfers , n’est autre que les ministres du

Dieu suprême , dont la force et la puissance sont sans bornes, pourparler le langage de notre poële.

L’Olympe est pris, en cet endroit, pour cette voûte d’airain à

laquelle les anciens croyoient tous les astres attachés.

(Page 38. Suspend ses balances d’or. ).Nous verrons , dans le vingt-deuxième chant, Jupiter peser dans

l’étemelle balance la destinée d’Achille et celle d’Hector. Ainsi Da-

niel dit à Balthazar qu’il a été pesé dans la balance du Seigneur, et

trouvé trOp léger : Appensus es in statera, et inventas es minus ha-

bens. Daniel, ch. 5, v. 27.Milton, appliquant cette idée sublime au signe du zodiaque

nommé la Balance, l’a rendue gigantesque et ridicule. (Voyez les

Imitations. )

(Page 39. Le tonnerre gronde sur l’Ida. )Ce morceau est imité presque littéralement du premier livre des

Rois , chap. 7 , v. 4. Comme Samuël offroit l’holocauste , les Philis-

tins engagèrent le combat contre Israël: la foudre envoyée par le

Seigneur gronda sur la tête des Philistins avec un grand fracas; ilsfurent effrayés , et taillés en pièces à la face d’Israël. Factum est au-

tem,cùm Samuel offerret holocaustum, Philisthiim inierepraelium. . .et exterruit eos, et cacsi sant a facie Israel.

(Ibid. Divin fils de Laërte..... où fuis-tu?)Le grec porte : Divin fils de Laërte , industrieux Ulysse, où fuis-

.tu, tournant le des Comme un lâche , lançant des traits qui s’égarent

dans la foule? crains, dans ta fuite précipitée , que quelqu’un ne te

perce de son javelot par derrière. Mais plutôt éloignons du vieillard

cet homme cruel. V

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214 NOTES LITTÉRALESAinsi les anciens Grecs, comme les Numides , lançoient des traits

par derriere, en fuyant.

(Page 43. Puis, enfant foible et timide. )Le grec porte : Fuis, fille timide.

(Page 44. Elle place devant vous le plus pur fro-ment. )

Le grec porte: Elle vous prépare, avant tous les autres, du purfroment, et vous mêle du vin, pour que vous buviez autant que ledesir vous y convie.

(Page 49. Sois... . .. la joie de ton pere Télamon.)Teucer étoit fils de Télamon et d’Hésione , sœur de Priam, em-

menée captive par Hercule , et donnée par ce héros à Télamon.

( Page 52. Semblable à un limier. )Madame Dacier traduit : Tel qu’un généreux chien de chasse

poursuit un lion ou un sanglier, et le joint de si près qu’il lui enfonce

en plusieurs endroits sa dent meurtriere.M. Bitaubé et le traducteur anonyme de l’lliade donnent le même

sens à ces vers. Il m’a paru que le mot ËÂld’Uo’pwor se devoit rapporter

au lion ou au sanglier, non au chien , et que cette image de l’animalpoursuivi de si près qu’il déchire de rage et ses cuisses et ses flancs,

avoit beaucoup de force.

(Page 56. Mais ton impudence m’étonne. )Le grec porte: Mais toi, chienne impudente , oseras-tu lever ton

énorme javelot contre ton pare?

(Page 57. Neptune s’empresse de dételer les I

coursiers de son frere. )Jupiter est l’air qui se brise contre les ondes de la mer.

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ET HISTORIQUES. CHANT v111. 215J’ai traduit littéralement ce vers :

. a g w I t w IAppwra 4’ deCUflOICl heu , un Ana. mustang.

Car le char de Jupiter n’est pas appuyé sur les murs brillants du palais

des dieux, comme celui des autres divinités; il repose sur la mer comme sur

sa base.

(Page 62. Daignent Jupiter et les autres immor-tels. . . . )

Le grec porte : J’ai cette confiance , avec l’aide de Jupiter et des

autres dieux, de chasser d’ici ces chiens, porteurs de la mort, queles Destins ont amenés dans leurs noirs vaisseaux.

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216 NOTES LITTÉRALES

CHANT IX.

(PAGE 67. Quand le vent du nord et le vent ducouchant, s’élevant subitement des montagnes de

Thrace. )La Thrace est au nord de la Grece et de l’Asie; mais elle forme un

angle : le vent du nord souffle de l’extrémité supérieure; le vent

d’ouest souffle des isles de Lemnos, Imbrum et Samothrace , à l’op-

posite de la mer Égée ( la mer de l’Archipel ).

(Page 69. Fils d’Atrée.... tu abuses, par ces or-dres insensés. )

Le grec porte : Fils d’Atrée , je combattrai d’abord ta folie , comme

il est permis, ô roi, dans le conseil de la nation; ne t’en irritepas.

(Ibid. Tu me fis injure à la face de l’armée des

Grecs. )Voyez, dans le quatrieme chant, les reproches d’Agamemnon,

auxquels ces paroles sont relatives.

(Ibid. Il te donna le sceptre et les honneurs. )Le grec porte: Il t’a donné le sceptre pour être honoré au-dessus

de tous; mais il ne t’a pas donné la force dont la puissance estla

plus grande.

(Ibid. Car nous ne sommes pas arrivés ici sansl’ordre des dieux. )

Le grec porte: Car nous sommes venus avec Dieu. Ainsi dans

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ET HISTORIQUES. CHANT IX. 217Isaïe, chap. 36, .v. 10, Rabsacès dit à Êzéchias : cc Ne suis je pas

(a monté sur cette terre avec le Seigneur a)? Numquid sine Domina

ascendi ad terrant istam P

(Page 7o. Cependant tu n’as pas atteint le butde nos délibérations.)

Le grec porte: Mais tu n’as pas atteint le but des paroles. Ma-dame Dacier traduit: Mais vous n’avez pas achevé d’expliquer ce

que vous avez pensé.

( Page 72. Car à toi seul appartient l’empire. )Madame Dacier traduit: Le bon avis , dès que vous l’aurez suivi,

deviendra le vôtre , et vous fera autant d’honneur qu’à celui qui l’aura

donné. C’est paraphraser Homere et l’affoiblir, non le traduire.

(Page 73. Ô vieillard, etc.)Madame Dacier remarque qu’Agamemnon ne prononce pas une

seule fois dans ce discours le nom d’Achille : il code à la nécessité ;

mais ce nom lui est odieux.

( Ibid. Ne prenant conseil que des mouvementsinconsidérés de mon cœur, etc. )

Madame Dacier ajoute ici, d’après Athénée , un vers qui ne se

trouve dans aucune édition d’Homere.

Ê 5’170 put-315m , î p’ïCÀa-Çav 310i aïno].

Soit que le vin eût troublé ma raison , ou que les dieux m’eussent frappé.

(Ibid. Sept trépieds dont le feu n’a point appro-ché. )

Sous le nom de trépied, on entendoit non seulement une based’airain à trois pieds sur laquelle on plaçoit des urnes ou cuvettes ,

mais ces urnes mêmes qui servoient de sieges ou de trônes; tels

2. 28’

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218 f NOTES LITTÉRALESétoient les trépieds que Vulcain forgeoit pour le palais de Jupiter",

lorsque Thétis arriva à Lemnos. Voyez le dix-huitieme chant. Ontrouve la ligure de ces anciens trépieds dans les médailles. Il y enavoit de si beaux , de si bien travaillés ., qu’ils servoient d’ornements

dans les palais des rois. On ne les approchoit pas du feu : leur usagele plus ordinaire étoit de servir , comme les urnes, à mêler le vin avec

l’eau dans les festins. -(Page 74. Trois filles habitent mon superbe pa-

lais. )Iphianasse, ou Iphigénie. Le sacrifice de cette princesse , et son

enlevement dans la Tauride, sont donc des fables inventées par lespoètes postérieurs à Homere.

Laodice est, selon madame Dacier, la même qui fut nomméeÉlectre par les poëles tragiques ,rdu mot grec a’Am’arpov, sans lit, parce-

qu’elle ne fut mariée que très tard.

(Ibid. J’y joindrai une dot immense, etc. )Le pere dotoit sa fiËle , et le mari devenoit tellement propriétaire

de la dot , qu’il la transmettoit à ses enfants dans sa succession ,même du vivant de la veuve , comme on le voit dans le premier chantde l’Odyssée. C’est cette dot qu’Homere nomme ici irlluu’Àla.

De leur côté , ceux qui recherchoient une fille en mariage faisoientdes présents et à la fille et à son pere pour l’obtenir. C’étoit le pere

de la fille qui régloit l’étendue de ces présents; coutume que les

Grecs avoient prise des Hébreux. Ainsi le serviteur chargé par Abra-

ham de demander Rebecca en mariage pour Isaac , lui porte des col-liers et des bracelets. Gen. chap. 24, v. 22. Sicliem, fils d’Hémor,

demandant à Jacob sa fille Dina ,idit à Jacob et à ses freres : a Mettez

et un prix , ajoutez aux présents de noces; vous donnerai tout cea que vous me demanderez a). Augete dotem , et maltera postulate , et

Iibenler lribuam quad petieritis. Gen. chap. 34 , v. 12. Sniil donnantà David sa fille Michol, le dispense , comme Agamemnon , des pré.

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ET HISTORIQUES. CHANOT IX. 219seuls accoutumés : Non habet res: sponsalia necesse. (c Le. roi n’a

a pas besoih de présents de noces a). Bois, livre 1 , chap. 1 8 , v. 25.

( Page 75. Qu’Achille se soumette à .mon em-

pire, etc. ) lLe grec porte : Qu’il m’obéisse , d’autant que je suis plus roi que

lui, d’autant que je me fais gloire d’être plus vieux.

L ( Page 77. Prépare un vin exquis. )Le grec porte , Mêle un vin plus pur; car les anciens regardoient

commelun signe de débauche de boire le vin sans mélange.

(Page 79, Il se promet de couper avec. la hacheles pouppes de nos navires-)

Pour les suspendre aux voûtes des temples en signe de victoire.Ces pouppes étoient ornéesdes images de plusieurs divinités.

(Page 8o. Souviens - toi des conseils que Pélée

ton pere te donna , etc. )On voit, par ce discours d’Ulysse et par celui de Phénix, ainsi

que par celui de Nestor à Patrocle ,,au onzieme chantde l’lliade , que

la fable d’Achille déguisé en fille dans le palais de Lycomede est pos-

térieure à Homere , ou que le poète l’a supprimée , comme peu digne

de son, héros.

(Page 86. Je le méprise comme un vil esclave.) VLe grec porte : Je le méprise à l’égal d’un Carien. lLa Carie (aujourd’hui Aîdinelle) est une province de l’Asie mi-

neure, dont les peuples, guerriers par état, vendoient leurs vies àceux qui les prenoient à leur solde : commerce alors très méprisé.

(Page 89. Embrassant mes genoux, ma mereme conjuroit de me faire aimer de cette femme,etc.)

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220 NOTES LITTÉRALESCe conseil est le même que celui que le perfide Achitophel donne .

à Absalom , pour le rendre odieux à David son pere , et’ l’entraîner

dans la révolte : Ingredere ad concubinas patris tai, quas dimisit adcustodiendam domum , ut cùm audierit omnis Israel quàdfœdaveris

patrem tuam, roborentur tecum manas earum. Rois, liv. 2, chap.

16, v. 21. ’(C Fais- toi aimer des concubines de ton pere , à qui il a commis

(c la garde de son palais , afin que , tout Israël sachant que tu aurascc souillé le lit de ton pere , il se forme un parti puissant en ta faveur. a

( Ibid. Pluton, la cruelle Proserpine, etc. )Le grec porte : Et Jupiter souterrain. ’Les Grecs, pour faire entendre que la divinité regne dans le ciel,

sur la terre et dans les enfers, donnoient le nom de un; aux troisfreres Jupiter , Neptune et Pluton.

( Ibid. Je pris en dégoût le palais de mon pere;mes compagnons, les jeunes hommes de mon âge ,

etc. )Madame Dacier ajoute ici quatre vers :

I h ’ I a.Tàv [air rye: Renan: uaranTœpw 5561 guru».

I I 1AM4; Tl; 460417114» 010cm poiler , 3’; p in 911,45

I N .Aiips flint par", à ôyu’J’w min: dv9pu’wm ,

à; pin 711909670; la": Axaloïa’lr xaMoiluro

Je conçus le criminel projet de le percer de mon javelot; un dieu calma mafureur, offrant à mon esprit l’affreux tableau des discours des hommes , l’ignomi-

nie dont je me couvrirois à la face des mortels , le nom de parricide qui me se-roit donné par les Grecs.

Plutarque a pensé que ces vers étoient d’Homere.

(c Aristarchus , dit-il, ayant en horreur une telle abomination , ôtau: ces vers en Homere; mais ils ne sont pas mal-à-propos en ce lieu-ce là , pour ce que Phénix en cet endroit-là enseigne à Achille comme

ce la colere est une violente passion , et comme il h’est chose que les

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ET HISTORIQUES. CHANT IX. 221u: hommes n’osent commettre quand ils sont enflammés de courroux,

cc quand ils ne veulentpas user de raison , nicroire ceux quiles adou-

a cissent a). (Plutarque, Comment il faut lire les poëtes, traduction

d’Amyot. ) h ’Nonobstant cette réponse , comme ces quatre vers ne se trouventni dans les plus anciens manuscrits que nous ayons, ni dans le doctecommentaire d’Eustathe , ni dans l’édition de Henri Étienne , ni dans

celles de Clause et d’Ernesti , j’ai cru devoir les retrancher, sauf à les

insérer en note en cet endroit.

M. le Beau , qui nous a donné une édition fort correcte des deuxpoëmes d’Homere , s’appuyant sur l’autorité d’Eustathe etde Henri

Étienne, a retranché ces quatre vers, se contentant de les insérer,par forme d’avertissement, à la suite de sa préface de l’lliade.

(Page 92. L’Injure, dont la force est grande et lepied léger. )

Le poëte’ personnifie ici l’Injure, la Discorde; il en fait, comme

au dix-neuvieme chant , la furie Até; ce qui m’a déterminé , au dix-

neuvieme chant, à réunir ce mot grec au mot fiançois: cette licence

ne m’a pas paru nécessaire ici. Voyez la note du dix-neuvieme chant

sur le discours d’Agamemnon.

(Page 97. Il dit, et fait signe à Patrocle, etc. )Le grec porte: Il dit; et, sans parler, il fait signe à Patrocle de

dresser un lit à Phénix.

(Page 98. Le guerrier le plus terrible reçoit larançon de la mort d’un frère, etc. )

L’homicide , soit involontaire, ou de dessein prémédité , donnoit

droit aux parents du défunt de poursuivre le meurtrier et de le tuer,s’ils le rencontroient avant l’expiration du temps fixé par la loi pour

expier le meurtre. Cette coutume venoit des Hébreux. Voyez lechap. 35 des Nombres, versets 19 et 26. De là les villes de refuge

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222 - NOTES LI’TTÉRALES’

que la loi de Moïse accordoit à ceux qui avoient commis un homicide

involontaire; ils étoient obligés de demeurer dans ces villes jusqu’à.

la mort du grand prêtre. Cet usage est ancien chez tous les peuples.Homere en fait encore mention au quinzieme chant de l’Odyssée.Il eut lieu parmi les Germains , nos ancêtres; l’homicide se rachetoit

par des compositions envers la famille du défunt. Voyez la loi sali-

que, et autres , rapportées dans les Capitulaires de Baluze.

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"ET HISTORIQUES- 223

CH.ANT X-( FA G E 105. Présage de la pluie, de la grêle, de

la neige, etc. ) . I y lLe poëte accumule dans cette comparaison tousles phénomen’es

qui accompagnentla foudre , la pluie , la grêle , en été , la neige en hi-

ver: car, malgré la critique de Joseph Scaliger, il n’est nullementcontraire à l’ordre de la nature, qu’il tonne et qu’il neige en même

’temps ; c’est une vérité que l’expérience confirme , qui ne contre-

dit point les loix de la physique, la neige renfermant beaucoup dematiere électrique.

( Ibid. Au bruit confus des instruments guerriers

qui retentissent à son oreille. ) ,De ce que les trompettes ne paroissent pas avoir été connues des

Grecs ni des Troyens du temps d’Homere, on ne doit pas conclure

que ces peuples n’eussent aucun instrument de guerre z mais ilsn’en connoissoient d’autres que les instruments champêtres ; c’est

ce qu’Homere exprime par ces mots : Âuxây appl’yrüv T’ivaaniy : le son des

flûtes et des chalumeaux.

(Page 108. Abaisse ta fierté devant tous, etc.)Le grec porte: Ne t’enorgueillis point: mais travaillons nous-mé-

’mes ; car c’est ainsi que Jupiter nous a imposé, à notre naissance,

un pesant fardeau de maux. I(Page 1 12. Le fils de Tydée n’a pointquitté son

éclatante armure , etc. ) ’«A la nuit qu’il fallut passer en présence des ennemis, comme un

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224 NOTEs LITTÉRALESa vigilant capitaine , il ( le prince de Condé) reposa le dernier; maiscc jamais il ne reposa si paisiblement. A la veille d’un si grand jour,

(c et dès la premiere bataille, il est tranquille , tant il se trouve dansa: son naturel; et l’on sait que le lendemain, à l’heure marquée, il

a fallut réveiller d’un profond sommeil cet autre Alexandre r. Bas.

me: , Oraison fanebre du prince de Condé.

(Page 113. Le glaive est suspendu Sur nostêtes. )

Le grec porte : Car le tranchant du rasoir est maintenant sur nontre gorge.

(Page 1 16. Ma confiance seroit plus grande , lesuccès moins douteux, etc.)

Ainsi, dans le livre des Juges , Gédéon est envoyé par Dieu même

pour épierles discours des Madianites: cc Et si tu crains de pénétrer

ce seul dans l’armée ennemie (porte le texte sacré), prends ton ser-

(c viteur Phara avec toi a). Sin autem salas ire formidas , descendattecurn Phara puer tuas. Juges, chap. 7 , v. 10.

( Page 1 17. Déja les astres ont parcouru les deux

tiers de leur carriere, etc. )a Il paroit, par ce passage et par plusieurs autres, dit madame

cc Dacier, qu’Homere a connu que l’univers, ou, pour parler plus

(c juste , la terre , étoit de figure ronde; car il ne seroit pas possible

z; que les astres se couchassent et se levassent, si le soleil ne passoit(c sous la terre pour achever son tour a). En apparence ; mais, dansla vérité , si la terre ne tournoit sur son axe en vingt-quatre heures.

(Page 118. Minerve ordonne à un héron devoler sur la droite. )

Ce présage étoit doublement favorable: 1°. en ce que le héron

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ET HISTORIQUES. CHANTX. 225vole sur la droite des deux héros; 2°. en ce que c’est un oiseau de

proie qui chasse pendant la nuit.

.(Page 122. Dolon...... les devance de tout l’es-

pace que le laboureur laisse entre deux charruesattelées de mules vigoureuses , etc. )

Telle étoit, dit M. Bitaubé , la méthode de labourer chez les

anciens: ils donnoient la premiere façon avec les bœufs, et la se-conde avec les mules, qui, étant plus légeres, vont plus vite dansun champ quia eu une premiere façon. Cette explication de ces vers

difficiles est en partie celle de madame Dacier. Cette savante tra-ductrice ajoute : Lorsque les anciens mettoient deux charrues dansun champ, ils mesuroient l’espace qu’elles pouvoient parcourir en

un jour; et plaçant les deux charrues aux deux extrémités de cet es-

pace , ils’labouroient en se rapprochant : en sorte que l’espace qu’on

laissoit entre deux étoit toujours fixe, moins grand pour deux char-rues attelées de bœufs , que pour deux charrues attelées de mules,

parceque les bœufs sont plus lents , qu’ils peinent davantage dans

un champ qui n’a pas encore été remué. ’Le célebre académicien qui a traduit en vers les deux poëmes

d’Homere ( M. de Rochefort) n’adopte pas cette explication , quin’est appuyée , dit - il, d’aucune autorité : il préfere l’interprétation

de Didyme , qui explique cette comparaison de la différence d’éten-

due du terrain labouré dans le même temps par les bœufs et par lesmules. C’est celle que j’ai suivie , comme plus naturelle.

(Page 129. Le roi des Thraces tombe le trei-zieme...... il dort, et croit voir,ldans un songe,hélas ! trop véritable, etc. )

Le grec porte: Le treizieme auquel Diomede ôta la vie, futRhésus; il palpite sous le glaive du petit-fils d’OEnéus, suspendu

2. ’ 29

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226 . NOTES LITTÉRALESsur sa tête; car il fut pour lui , pendant cette nuit, un songe fiineste;

par le conseil de Minerve. ’(Page 1 30. Apollon à l’arc d’argent a vu Mi-

nerve , etc.)Sublime allégorie du soleil, qui, dissipant les ombres de la nuit,

éveille les Troyens.

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ET HISTORIQUES. 227

r.-CHANT XI.

il

( Px e E 137.Agitant dans ses mains le symbole dela guerre, etc. )

Le grec porte: Tenant en ses mains le signe de la guerre , ou descombats.

Ce signal des combats étoit, dit madame Dacier, une pique, unjavelot, ou une cuirasse; car on n’avoit point encore l’usage des

drapeaux. Leur usage est très moderne. Les aigles romaines étoient

des masses solides qui servoient de base aux images des dieux queles Romains portoient dans les batailles. Entre les mains de la Dis-corde, ce signe des combats peut être considéré comme le fimeste

flambeau dont les poètes postérieurs à Homere ont armé cette divi-nité.

( Page 1 39. Minerve et Junon crient aux enfantsde la Grece, etc. )

Le mot iyé’e’ænnr exprime plutôt le bruit des armes que les cris ; ce

qui détermine madame Dacier à traduire : La déesse Minerve et la

déesse Junon , qui toutes deux favorisent le roi de la riche Mycenes,

font entendre autour de lui le bruit de leurs armes, et animent lesGrecs. Mais cette tournure ne m’a pas paru rendre ni la lettre , ni l’al-

légorie sublime d’Homere.

( Ibid. Couverts d’épaisses cuirasses, les gens de

pied sont placés au premier rang. )C’est ainsi que j’ai cru devoir rendre ces vers difficiles. A

Voyez, sur la cavalerie de ce temps, les notes historiques du

chant Il. I

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228 NOTES LITTÉRALESMadame Dacier observe que cet ordre de bataille est contraire à

celui que Nestor avoit prescrit dans le quatrieme chant. La différenteposition des armées est la cause de cette diversité. Dans le quatrieme

chant, il s’agit de rompre en rase campagne la phalange troyenne ;les chars sont plus propres à cet usage. L’infanterie convient mieux

pour soutenir le premier choc de l’ennemi ; les chars , pour porter le

désordre dans les rangs et poursuivre les fuyards.

(Page 141. Depuis le lever de l’aurore jusqu’à

ce que le soleil, parvenu au sommet de la voûteéthérée , etc. )

Long- temps. avant la guerre de Troie , les Hébreux divisoient le

jour et la nuit en vingt-quatre heures; les livres saints en renfermentla preuve : mais les Grecs ne connaissoient encore d’autre division

du temps que celle du lever, du coucher du soleil et des astres , dumilieu de leur course, ou des époques fixes de la journée, commel’heure à laquelle le juge descendoit de son tribunal, ainsi qu’on le

voit dans le dixieme chant de l’Iliade , dans celui-ci, et dans le dou-zieme chant de l’Odyssée.

(Page 142. Le fils d’Atrée...... abandonnantleurs corps sanglants, etc.)

Le grec porte : Le roi des hommes, Agamemnon , les laissa res- ’

plendissants par la blancheur de leurs poitrines , lorsqu’il les eutdépouillés de leurs tuniques. Madame Dacier traduit: Les laissetout nuds montrer , par la blancheur éblouissante de leurs corps ,.que c’étoient de jeunes guerriers toujours nourris à l’ombre jusqu’à

cette fatale journée.

(Page 144. Fils de l’injuste An timaque, etc. )Le grec porte , Si vous êtes les fils du sage ( du belliqueux) Anti-

maque; car on peut donner ces deux sens au mot hmm; : mais

Page 242: Notes du mont Royal ←  · 2017. 11. 28. · de l’Olympe , disposeront de la victoire. Il dit, et revêt sa brillante armure. Hector eût tranché le fil de tes jours, ô Ménélas,

ET HISTORIQUES. CHANT XI. 229cette épithete est ici ou une ironie , ou l’une de ces épithetes d’hon-

neur que le grade détermine , comme l’épithete qupéroç Aigle-9110 , de

I’inéprochable Ëgisthe , donnée au meurtrier d’Agamemnon, dans

le premier chant de l’Odyssée. Voyez la note y relative.

( Page 145. Ainsi, lorsque les souffles impétueux

des vents, etc. )Je me suis efforcé d’approcher dans cette comparaison , autant

que notre langue peut le permettre , de la poésie imitative des versd’Homere.

(Ibid. Leurs coursiers effrayés.............. entraî-

nent, avec un bruit horrible, les chars vuides deleurs conducteurs, etc. )

C’est la traduction de ce vers ,

Ku’r’ il»: xpwa’né’or n’ai moh’pm 73015941»,- ,

qui prouve que l’art de la ferrure étoit connu du temps de la guerre

de Troie.

(Ibid. Ces héros...... ne reverront plus leurschastes épouses, etc. )

Le grec porte z Beaucoup plus chéris des vautours que de leursépouses.

(Page 152. Que vos coursiers agiles portent ledésordre dans les phalanges des descendants deDanaüs. )

Le nom de descendants de Danaüs est celui que Virgile donneaux Grecs, pour les rendre odieux par la perfidie de l’un de leursancêtres , fondateur du royaume d’Argos , qui, feignant de se récon-

cilier axe c son frereÉgyptus etlui donnant ses cinquante filles en mac

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230 NOTES LITTÉRALESriage pour ses cinquante fils, exigea de ses filles la promesse d’assas-

siner leurs époux la premiere nuit deleurs noces. Toutes se rendirent

coupables de ce crime , excepté Hypermnestre , qui sauva sonépoux Lyncée , et lui procura le royaume d’Argos, dans lequel il

succéda à Danaüs son beau-pere. Ce nom qu’Homere donne ici aux

Grecs convient dans la bouche d’Hector : il est vrai que l’épithete

1.11,1... , courageux, qu’il y joint, semble en diminuer l’horreur; cequi m’a engagé à l’affoiblir, en traduisant les fiers descendants de

Danaüs. -(Page 155. Lâche...... ta fuite te dérobe au tré-

pas, etc. )Le grec porte : Chien, tu échappes maintenant à la mort.

(Page 156. Lâche séducteur, vil archer, etc.)Le grec porte : Pernicieux archer, brillant par les cornes , direc-

teur de nymphes. Madame Dacier traduit, Qui brilles par tes beauxcheveux; car , dit cette savante traductrice , les Troyens parta-geoient leurs cheveux de maniere qu’ils s’élevoient en pointe , et

formoient comme des cornes: c’est pourquoi ceux qui avoient debeaux cheveux étoient appelles unpus’ra’l, numéral, camus, chevelus.

Le sens que j’ai donné à ces mots m’a paru plus naturel et plus con-

forme à la suite du discours de Diomede.

(Page 157. Son cadavre, Objet d’horreur, livré

aux oiseaux du ciel, demeure sans sépulture. )Le grec porte: Et il y a plus d’oiseaux autour de son corps que

de femmes.

(Page 159. Tu as détourné sur toi seul des coupsqui se fussent égarés dans la multitude. )

Le grec porte: Tu m’as arrêté comme je combattois contre les

Troyens. ’

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11T HISTORIQUES. CHANT x1. 231

(Page 160. Trois fois il éleve la voix avec force,

etc. )Le grec porte : Trois fois il cria aussi haut que la tète d’un homme

le peut soutenir. C’est de là que nous avons tiré l’expression prOf-

verbiale crier à me tête.

(Page 161. Ainsi l’on voit des loups carnas-siers , etc. )

Auponoi 68x signifie littéralement des loups o cerviers , mangeurs

de chairs crues: sur quoiles commentateurs observent en .cet endroitl’exactitude d’Homere a car, selon Aristote , dit madame Dacier, les

loups- cerviers et les lions sont ennemis. Mais tous les animaux car-nassiers le sont pour se ravir une proie qu’ils convoitent ; c’est ce qui

m’a déterminé à traduire , des loups carnassiers , expression qui

m’a paru avoir plus de noblesse et de grace dans notre langue.

i. (Page 165.Mais leurs membres n’ont point ac-quis la vigueur que l’âge seul peut donner.)

M. Bitaubé traduit, cetâge estfoibnle; ce qui est peut-être plus lit-

téral, mais ne me semble pas répondre à la force de cette sublime

comparaison que Perrault a osé tourner en ridicule, reprochant àHomere d’avoir comparé Ajax à un âne. ’11 paroit que ce ridicule

a fait impression jusqu’ici sur tous les traducteurs de ce grand poète;

car ils emploient tous une périphrase pour exprimer le mot am, l’a-

nimal lent et paresseux, mais patient et robuste: C’est ôter au perede la poésie-épique cette simplicité auguste qui le caractérise. Pas-

cal s’éleve , avec bien de la raison, contre ces périphrases qui dégra-

dent les images, sous prétexte d’ennoblir les mots.lC’est ainsi que ,

dans la bénédiction de Jacob, Moïse compare Issachar à un âne:

Issachar asinusfiirtis, accubans inter terminas. Genes. chap. 49. Lesublime historien de la nature est le premier quiait osé venger l’âne

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232 NOTES LITTÉRALESde ce mépris; V oyez le tom. 6 de l’Histot’ne naturelle de M. de Buf-

fblz,pag. i3 , éd. in- 12. i( Page 170. Avec quelle promptitude elle s’en-

flamme , même sans sujet. )Le grec porte : Il accuse promptement , même celui qui n’est pas

c0upable. ’( Page 17 i . L’invincible Hercule avoit été le pre-

mier anteur de nos maux. )La ’cause de cette guerre d’Hercule contre les Pyliens est le sujet

des disputes des commentateurs. Quelques uns prétendent que cehéros ravagea le territoire de Pylos pour se venger de Nélée, quiavoit refusé de l’expier du meurtre d’lphitus , dont il est parlé dans

le chant XXI de l’Odyssée. Mais ces expiations-n’étoient pas con-

nues du temps d’Homere: la peine du meurtre étoit la vengeance

privée, l’exil, ou le rachat de la peine en satisfaisant les parentsdu mort. Selon d’autres , Hercule exerçoit cette vengeance sur Né-

lée, parcequ’il ne l’avoit pas reçu dans sa ville à son retour de la

conquête du bouclier d’Hippolyte : selon d’autres enfin , parcequ’il

avoit refiisé de secourir les habitants d’Orchomene contre les Thé-

bains.

(Page 172. Quatre coursiers célebres dans les-combats. )

Premiere origine des jeux olympiques fondés par Hercule , lors»qu’il eut tué Augée, et remis le royaume à Phylée son fils.

(Ibid. Les deux Molion , etc. )Eurytus et Ctéatus fils d’Actor, ou , selon d’autres, de Neptune et

de Molione fille de Molus.

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ET HISTORÏQUES. CHANT x1. 233

(Page 1 75. En ce lieu tomba la derniere victimede notre vengeance. )

Le grec porte : Mais le grand œuvre de Mars leur apparut.

(Ibid. Et maintenant le courage d’Achille de-meure oisif! etc. )

Le grec porte: Mais Achille sera seul aidé par sa vertu.

2. 3o

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234 NOTES LITTÉRALES

"Il! .H!!!.,!!!!!! H ! E l ! lCHANT XII.

(Px G E 188. Le seul Asius....... refuse d’abandon-

ner son char. )Ainsi les chefs de chacune des bandes n’étoient subordonnés , ni

les uns aux autres , ni à la discipline générale.

(Page 191 . Semblables à des guêpes qui, ayantplacé leurs ruches, etc. )

Moïse , dans nos livres saints, place cette comparaison dans labouche de Dieu même : cc Ainsi l’Amorrhéen , qui habitoit les mon-

« tagnes , est sorti de sa terre, a marché contre vous, vous a pour-« suivis, comme les abeilles poursuivent ceux qui veulent s’emparer

(c de leurs ruches n. [taque egressus Ainorrhaeus , qui habitabat inmontibus, etobviàm veniens, persecutus est vos, sicutsolent apesper-

sequi. Deutéronome, chap. 1 , v. 44. ’J’ai préféré, en cet endroit, la traduction littérale du mot «plus; ,

dont notre fiançois guêpes est dérivé, à celui d’abeilles, dont se ser-

vent [madame Dacier et la plupart des autres traducteurs, parcequece nom m’a paru trop doux pour la situation d’Asius, furieux de la.résistance qu’il éprouve.

(Page 192. Quel mortel oseroit raconter les ex-ploits des Troyens et des Grecs? etc. )

Le grec porte z Il me seroit difficile de raconter toutes ces choses ,comme un dieu; car un feu divin, pierreux , s’élevoit de tous côtés

autour de la muraille.

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ET HISTORIQUES. CHANT xrr. 235. ( Page 193. Accoutumé à résister à mes salutai-

res remontrances, ô Hector , etc. )Le grec porte z Hector, tu me reprends toujours dans mes ha-

rangues, lorsque je donne de sages conseils ; car il ne me convientpas, non il ne me convient pas, lorsque le peuple est assemblé , decacher la vérité, ni dans le conseil, ni à la guerre, et d’accroître ta

puissance. ’

(Page 195. Si tu redoutes, ô Polydamas, les fu-reurs de la guerre , etc. )

Le grec porte: Pourquoi crains-tu la guerre et le carnage? Quandnous serions tous tués dans les vaisseaux des Grecs, tu n’as pas à

craindre d’y périr , car ton cœur est lâche , tu ne sais pas combat-

tre; mais si tu t’abstiens du combat , ou que tu détournes un autre de

la guerre par tes discours, frappé de mon javelot, tu perdras la vieà l’instant.

Ç Page 198. Semblable à un lion montagnard que

la faim tourmente, etc. )Je me plais , avec madame Dacier, à rapprocherles images qu’Ho-

mere a empruntées de nos livres saints : ce Comme le lion et le lion-

a: ceau rugissent sur leur proie, malgré une troupe nombreuse dea pasteurs qui marchent contre lui; leur nombre ne l’effraie point :

cc ainsi le Dieu des armées paroîtra sur la montagne de Sion pour

(c combattre l’Égyptien n. Quomodo si rugiat Ieo et catqus leonis

super pracdam suam, et cùm occurrerit et multitudo pastorum , avoce corum non fonnidabit eta multitudine eorùm non pavebit: sicdescendet Dominus exercituum ut praelietur super montem Sion etsuper collem ejus. Isaïe, chap. 31 , v. 4.

( Page 199. A quel titre les Lyciens nous ont-ilsdonné, sur les rives du Xanthe , un domaine im-mense? etc. )

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236 NOTES LITTÉRALES ET HISTORIQUES.

Dans les temps les plus reculés, les peuples consacroient auxdieux des domaines pris sur le public. Dans les temps postérieurs ,ils récompenserent de la même maniere les héros et les rois quiavoient bien mérité de la patrie : c’est la plus ancienne origine de

ce que nous nommons le domaine du souverain.

FIN DES NOTES LITTÉRALES ET HISTORIQUES»

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NOTESGÉOGRAPHIQUES

DE M. MENTELLE,HISTORIOGRAPHE DE M" COMTE D’ARTOIS.

ILIADE.VC H A N T VI I.

(PAGE9.Arna.)Il y a eu dans l’antiquité plusieurs villes de ce nom. Strabon pré-

tend que celle dont il s’agit ici, est la même qu’Araplzium en Béotie.

La position en est inconnue.»

(Page i5. Céladon.)Quelques auteurs ont cru que , par ce nom , Homere vouloit dési-

gner l’Alphée; je ne suis pas de cet avis, puisque les anciens con-

noissoient un fleuve de ce nom. Le Céladon ou Céladus est indiqué

très positivement par Pausanias dans un petit canton de l’Arcadiequ’il nomme fi Bancal»: , ou territoire de Thessoa. Ce petit canton se

trouvoit, ce me semble , entre l’Alphée au nord-est et le montÉlaius

à l’ouest. Cette montagne servit pendant quelque temps de bornesà l’Arcadie et à l’Élide. C’étoit du côté opposé au Céladus que cou-

loit le fleuve Jardanus dont Homere parle en ce même endroit.

(Ibid. Phéès. )

Je ne puis dissimuler que cet endroit d’Homere oille des difficul-

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238 nous GÉOGRAPHIQUES.tés de géographie que je ne me flatte pas de résoudre , à moins que

d’admettre une autre ville de Phéès ou Pheia que celle dont la posi-

tion est généralement reconnue. I1°. En nommant ensemble le Céladon , la ville de Phéès et le Jar-

danus , il est clair qu’Homere les regardoit comme étant près les uns

des autres. I2°. Le cours du Céladon et. celui du Jardanus sont très bien dési-

gnés par Pausanias. Le Céladon se rendoit en Arcadie dans l’Alphée;

le Jardanus, en Élide, se joignoit à l’Acidon. Sa source, selon l’au-

teur que je viens de citer, étoit si infecte , que l’on ne trouvoit au-

cun poisson dans ses eaux , et que même les poissons qui y entroient,en sortant de l’ACidon, y périssoient promptement. Selon les my-thologues grecs , les eaux du Jardanus ne s’étOient ainsi altérées que

depuis que le centaure Nessus , blessé par Hercule , y avoit lavé ses

plaies. D’autres disoient que Mélanippe , ayant guéri les filles de

Prétus, avoit jeté dans le fleuve le chancre qui les tourmentoit.

3°. Si la ville qu’Homere nomme ici Qu’a: est la même que Strabon

nomme un, la seule que l’on connoisse en Élide , le poète a rappro-ohé des endroits très éloignés l’un de l’autre. La ville de Phéès, ou

Phia, ou Pheia, étoit bien plus au nord sur le golfe Chélonite , ayant

au nordouest le promontoire de ce nom, et, dans les temps recu-lés , la ville de Letrini au sud-est.

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CHANT VIII.(Pa G E 37. Gargare.)

Homere, en disant que Jupiter vient au mont Ida ou Gargare, adonné lieu de supposer que par le Gargare il entendoit la sommitéde l’Ida la plus élevée.Et en effet Hesychius dit : rainant» , n’upuniptov spa;

Un, le Gargurus, la partie la plus élevée du mont Ida. Mais pour avoir

une idée du local, il ne faut pas prendre l’Ida pour une seule mon-

tagne , telle que le Pic du Midi ou le Canigou ; mais se représenter ,ainsi que je l’ai déja fait Observer, une chaîne de montagnes , telles

que les Vosges, ou les montagnes du Vivarais : car la montagne deGargara et la ville de ce nom se trouvoient à un promontoire quiformoit de ce côté l’entrée du golfe d’Adramytte. Cette situation est

très bien indiquée par Strabon, Pline , Pomponius Mela. MacrObe ,

qui en parle dans ses Saturnales, ne la place pas non plus dans leterritoire de Troie, mais dans la Mysie.l Au reste , ce mont Gargarus, dont Homere semble indiquer la

fertilité par l’épithele de molwrid’axa, qui abonde en fontaines , avoit la

même réputation chez les Romains. Virgile dit:

Nullo tantùm se Mysia cultu

Jactat, et ipsa suas mirantur Gargara messes.Georg. lib. x, v. roc.

Ce que M. l’abbé de Lille rend ainsi z

C’est alors que , surpris de leur fécondité,

Et le riche Gargare , et l’heureuse Mysie ,

4, En fautent des moissons qui nourrissent l’Asie.

Seneque le tragique a d1t aus51 :

Hinc grata Cereri Gargara , et dives solum.In Phœn. net. 1V, v. 608

Le sol du Gargare , riche et agréable à Cérès.

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240 NOTES GÉOGRAPHIQUES.

(Page 45. Aigues. )En grec A1714. C’étoit une ville. du Péloponnese en Achaie , sur la

côte que baigne le golfe de Corinthe , entre Égire et Égium. C’est

sans doute parcequ’Aigues étoit une ville maritime qu’elle révéroit

particulièrement Neptune , ainsi que le dit Homere. Dans la suite,les eaux ayant fortement gagné de ce côté , submergerent la ville, et

couvrirent son terrain au point que Pausanias, se trouvan t surles lieux,dans le second siecle de notre ere , n’en put découvrir les ruines.

(Page 5o. AEsyme. )Cette ville étoit, selon Étienne de Bysance qui cite ce vers d’HO.

mere , située dans la Thrace. Sa position est incertaine. Si cette villeest la même qu’Étienne de Bysance nomme ailleurs 01015,11.» , OEsyme,

elle se trouvoit , selon Thucydide qu’il cite , dans l’Émathie. On au-

roit tort de regarder comme un Obstacle à l’admission de ce sen-timent , l’usage Où l’on est d’attribuer l’Êmathie à la Macédoine. I

Pendant long-temps la Thrace s’étendit bien au.delà de ce côté ,-

toute l’Émathie y étoit autrefois comprise.

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a

’CHANTIX

( P AC E 75. Cardamyle. )Ville de la Messénie dans la partie du sud-est. Elle étoit à quel-

que distance du bord de la mer sur un lieu élevé. Au temps de Pau-

sanias, on y voyoit un temple de Minerve et une statue d’ApOllonCarnéen, dont le culte , dit cet auteur , étoit commun à tous les DO-

riens. Cette ville fut détachée de la Messénie par Auguste , et attri-

buée aux Éleuthéro-Lacons , ou Laconiens restés libres.

(Ibid. Énopée. )

Ville du Péloponnese dans la Messénie. Cette ville, selon Pausa-

nias, est la même que celle à laquelle ce géographe donne le nom

de Gerenia, sur une hauteur , à peu de distance de Cardamyle.Étienne de Bysance nomme Éro’m , et cite ce vers d’Homere.

(Ibid. Hira.)Comme Homere parle ici de villes voisines l’une de l’autre, j’a-

dopte volontiers le sentiment de Pausanias, qui dit que cette villeest la même qui fut, dans la suite , nomméeAbia, sur la même côte ,à l’extrémité méridionale de la Messénie , presque à l’embouchure

du Pamisus. Cet auteur écrit Ira sans aspiration ; mais ce mot estécrit avec un esprit rude dans Homere et dans Étienne de Bysance.

Strabon racoute qu’on lui montra , dans ses voyages, une ville nom-

mée Ira, située sur une montagne voisine de la route qui conduitd’Andanie à Mégalopolis en Arcadie. Il ne faut pas confondre Hira

dont Homere parle en cet endroit, avec une forteresse dè ce nomqu’on rencontroit au nord -ouest de Messene.

(Ibid. Anthée.)On n’est pas d’accord sur la position de cette ville. C’est par

2. 31

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242, NOTES GÉOGRAPHIQUES.erreur qu’Étienne de Bysance la suppose voisine d’Argos. Cette posi-

tion ne peut convenir aux villes dont Homere parle ici. Il est éton-nant que le commentateur Eustathe n’ait pas fait cette réflexion.Quelques auteurs pensent qu’Anthée est la même que Thuria sur

le golfe de Messénie. L’objection , qu’on trouve dans plusieurs au-

teurs Anthée dite en Laconie , ne détruit pas cette Opinion; car ilfut un temps Où toute la Messénie appartenoit aux Lacédémo-

niens.

(Ibid. AEpea. )On ignore la position de cette ville. Strabon la confond avec

Thuria dont j’ai parlé dans l’article précédent. Il ajoute que le nom

Âmu n’est qu’une épithete qui indique la situation de cette ville.

Pausanias , qui écrivoit plus de cent ans après Strabon , croit trou-

ver la ville d’AEpea dans celle de Corone. C’est transporter la posi-tion d’AEpea de l’autre côté du golfe, et par conséquent l’éloigner

du canton indiqué ici par Homere. Le sentiment de Strabon paroitplus conforme au texte d’Homere; on peut l’appuyer de celui d’É-

tienne de Bysance , qui attribue AEpea à la Laconie, dont on sait queles limites se sont étendues de ce côté.

(Ibid. Pédasos. ) ACette ville, à laquelle Homere donne l’épithete d’afinexéma,

vignoble abondant, n’a pas été plus connue de l’antiquité que la

ville précédente. Strabon pense que Corone fut nommée ainsi au-

trefois.

(Page 76. La ville d’Éétion. ) tLa ville d’Étion , ou d’Éétion , comme dit Homere en cet endroit,

«un leiuvoh est la ville de Thebe ravagée par Achille.

Acia’rtô’oç 75; exigu. GnCala min;

0119 woô’ïûwv «in WoÂuXpUd’tp xAtJî

lIl tu, a Tri anar 394w 1’ me cr.P F F

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CHANT 1x.- 243Ô ville de Thebe, l’honneur de l’Asie , Où je vivois dans les délices , d’où je

sortis autrefois avec une riche dot pour venir habiter la maison de Priam ........(Euripide , Andromaque. )

(Page 86. Thebes, la capitalede l’Égypte. )Les vers d’Homere donnent la plus grande idée de cette ville ,

1 sur-toutces mots , inculpant; du , où sontcentportes. Cette ville estunedes plus célebres de l’antiquité. Je ne ferai que rapprocher ici cequ’il n’est pas permis d’ignorer. Cette ville est indiquée par Ptolé-

mée au 25d 3’ de latitude, et au 62me de longitude. Ses ruines ac-

tuelles donnent la même latitude; mais la longitude est au 49d 3’ ou

environ , à compter du premier méridien de l’isle de Fer. Les an-

ciens ont varié sur l’étendue de ThebesÇBegardée pendant long-

temps comme la capitale de toute l’Égypte , et depuis de la haute

Égypte seulement, elle avoit de circuit, selon Diodore , 140 stades;

selon Caton , 400 de longueur; selon Eustathe, sur le 248" vers etsuiv. de Denys le Périégete , 420. Strabon, qui avoit accompagné

en Égypte le gouverneur Élius Gallus , ne donne de longueur à cette

ville que 8o stades. Pour concilier ces divers sentiments, M. d’ ’ -

ville , 1°. suppose qu’il faut substituer , dans quelques uns de ces au-

teurs , le mot de circuità celui de longueur , et l’on aura, au lieu de

«longueur, un circuit de 400 , selon Caton , ou de 420 , selon Eusta-

the , dont le diametre est de 140 ou environ , tel que le donne Dio-dore, pour la.longueurdela ville. 2°. Il pense que, pour rapprocherles 140 stades indiqués par Diodore des 80 donnés par Strabon , il

ne faut que considérer de quel stade ces deux auteurs entendoientparler. Diodore dit que ce qu’il rapporte est tiré des monumentségyptiens. Il est donc probable qu’il employoit le stade de 51 toises:

donc les 140 font 7140 toises, à-peu- près trois lieues. Strabon em-

ploie le stade olympique de 94 toisesg; ce qui donne 7260 toises.Or ces deux grandeurs sont assez rapprochées pour être regardées

i comme étant relatives au même objet qui n’aura pas été mesuré ri-

goureusement. Au temps de Strabon, cette ville étoit déja détruite :

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244 NOTES GÉOGRAPHIQUES.il ne vit que des hameaux dans son emplacement. Elle avoit d’abordété pillée par Cambyse; elle fut dépouillée de ses richesses par Pto-

lémée Philométor, en punition de ce qu’elle avoit pris le parti de sa

mere contre lui; enfin, sous le regne d’Auguste , Gallus la punit desa rébellion. Depuis cette époque, elle est tombée dans un état de

dépérissement, dont elle n’a pu se relever. Tacite, dans ses annales,

liv. a , n. 60 , en parle comme d’une ville ruinée; et Juvénal dit z

Thebe jacet , centum Obruta portis.

Thèbes est tombée ensevelie sous les ruines de ses cent portes.

Quoique particulièrement située sur la rive droite du Nil , elleavoit un quartier considérable à la gauche de ce fleuve , quartier qui,

selon Strabon, portoit le nom de Memnonium. De là l’espaceénorme qu’occupent les vestiges qui donnent l’idée de la plus ma-

gnifique construction.

(Page 90. Dolopes. )On sait peu de détails concernant ce peuple, qui habitoit en partie

dans la Thessalie , en partie dans l’Épire , ou du moins très près de

ce royaume, entre la chaîne de montagnes qui portoit le nom dePinde. Thucydide dit que l’Achéloiis , qui prenoit sa source dans

cette montagne , traversoit le pays des Dolopes. Il faut qu’ils aient,

de bonne heure, fait partie du corps hellénique, puisqu’Harpocra-tion les compte entre les peuples qui députoient à l’assemblée des

Amphictyons. Il est vrai que leur nom ne se trouve pas entre ceuxdont Eschine fait l’énumération: mais comme il annonce que douze

peuples forment cette assemblée, et qu’il n’en nomme que onze,

on peut croire que ce sont les Dolopes qui ont été omis par quelques

copistes.

(Page 93. Curetes. )Je ne m’étendrai pas ici sur les différentes significations de ce

nom. On peut voir, sur ce sujet, un morceau très intéressant du

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CHANT 1x. ’ 245savant Fréret. ( Mém. de Litt. tom. XXII, p. 4o. )Dans le passaged’Homere , le nom de Curetes désigne un peuple voisin de Calydon

en Étolie.

( Page 99. Lesbos. )Est une isle de l’Archipel assez près de l’Asie , au. sud-ouest de

la Mysie, et placée à l’entrée du golfe d’Adramytte: elle est une

des plus grandes de la mer Égée. Selon Hérodote, elle contenoit six

villes; Pline dit qu’elle en avoit eu huit: mais Pomponius Mela etScylax n’en comptentque cinq. Mitylene en étoit la capitale. Il n’est

pas possible de s’étendre davantage sur cette isle. Je dirai seulementqu’après s’être gouvernés eux-mêmes , les Lesbiens furent soumis à

des tyrans. Alexandre le Grand leur rendit la liberté. Ils la conserve-* rent jusqu’au temps de Pompée , qui réduisit l’isle de Lesbos en pro-

vince romaine. Cependant, peu après, ce général rendità Mitylene

ses anciens privileges. A(Ibid. Scyros. )Cette isle, qui conserve encore son ancien nom( 81;er ) , est

Située à l’est de l’isle d’Eubée , dont elle est très proche. Les anciens

prétendoient qu’Achille y avoit passé les premier-es années de sa

vie , déguisé en fille , à la cour de Lycomede: fable inconnue à Ho-

mere ou dont il n’a pas cru devoir faire mention. Les Athéniens cru-

rent , dans la suite , avoir retrouvé dans cette isle les os de Thésée.

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246 NOTES GÉOGRAPHIQUES.

CHANT X.(Px G E 118. Scandie.)

Ou Scandia, étoit dans l’isle de Cythere au sud. Selon Pausanias ,,

c’étoit un port, unhavre , 21:46er in" brimai ; ce que les Latins appel-

lioient Navales. Mais Thucydide, qui paroit s’exprimer d’une ma-

nière positive , traite ce lieu de 76mn... On peut croire que ce n’étoit

qu’un grand. arsenal pour la marine. M. d’Anville l’a indiqué sur sa:

carte de Grèce.

(Ibid. Cythere. )Aujourd’hui Cérigo , est une isle très près et au sud du Pélopon-

nèse. Cette isle est plus fameuse dans la mythologie que dans l’his-

toire. On croyoitque Vénus y avoit paru pour la premiere fois en soro

tant des eaux de la mer. (Voyez la petite hymne à Vénus. )SelonHérodote, le culte de cette déesse y avoit été apporté par des Phé-

niciens. Il y avoit sur la côte méridionale une ville de même nom ,

avec un temple de Vénus Uranie , regardé comme le plus ancien etle plus respecté de toute la’Grece.

Cette isle estactuellement aux Vénitiens, qui y entretiennent ungouverneur : si vantée autrefois par la fertilité de son sol et par sescharmes , elle n’offre plus que de vastes rochers.

(Page 1 19. Asopus. )Fleuve du Péloponnèse. Il prenoit sa source au mont Cyllene,

remontoit au nord par l’est de Sicyone, et se jetoit dans le golfe deCorinthe. Il ne faut pas le confondre avec l’Asopus de la Béotie.

(Page 126. Thy111bré. )Ou Thymbru. Selon Étienne de Bysance, c’étoit une ville de la

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CHANT x. .247Troade, qui avoit été fondée par Dardanus , qui lui donna le nom

de Thymbrius son ami. On y avoit bâti un beau temple d’ApOllon ,

d’où le surnom de Thymbrien avoit été donné à ce dieu. Selon Stra-

bon, c’étoit un champ au travers duquel couloit lé ruisseau appellé

Thymbrius. Il se jetoit, selon le même auteur , dans le fleuve Sca-mandre , près du temple d’ApOllon. M. d’Anville a marqué ce fleuve

sur sa carte. Selon Servius , ce fut dans ce champ qu’Achille fut blessé

par Pâris; ce qui fit dire que le fils de Pélée avoit été blessé par

Apollon.

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248. NOTES GÉOGRAPHIQUES.

- CHANT XI.(PA G E 138. Cypre.)

Cette isle , l’une des plus considérables du Levant, est connue au-

jourd’hui sous le nom de Chypre , au 35"" degré de latitude, et en-

viron au 51me de longitude du méridien de l’isle de Fer. Elle n’est

pas très éloignée , au nord , de la terre ferme , qui autrefois renfermoit

la Cilicie raboteuse. Son terroir est très fertile; elle produit d’excel-

lent vin, et avoit des mines de cuivre très abondantes. Elle fut d’a-

bord peuplée par des Phéniciens , et soumise au gouvernement m0-

narchique. On y comptoit plusieurs villes florissantes; elle a passé

successivement sous la domination des Perses, des Égyptiens et des

Romains, enfin des Turcs.

(Page 149. Percope. )Selon Étienne de Bysance , ancien nom de Percote.

(Page 169. Pramne. )Lieu inconnu.

(Page 173. Thryoësse. )On ne connoît, ce me semble, cette ville que par ce qu’en dit

Homère. Elle est plus connue sous le nom de Thryon, qu’elle avoit

pris des joncs qui naissoient dans ses environs. Du temps de Stra-bon , elle se nommoit Epitalium. Selon Homere, Thryoësse étoitsur les bords de l’Alphée. En effet les auteurs, et M. d’Anville d’a-

près eux , y placent Épitalium sur la rive gauche à l’est d’Olym pie.

(Page 175. La roche Olénienne. )Cette roche , à en juger par ce que dit Homere, et par le texte

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CHANT x1. 249de Pausanias ( Elia, c. 20), étoit sur les confins de l’Élide ; on voit

que ce devoit être au nord, du côté de l’Achaïe. Peut-être ai-je eu

tort de la placer près d’Olénie en Achaïe. Alésia devoit être dans le

même canton.

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250 NOTES GÉOGRAPHIQUES.

CHANT x11.( P A G’E 184. Le Rhésus. )

Petit fleuve de la Dardanie. Il se jetoit dans le Granique.

( Ibid. L’Heptapore.)Autre fleuve de la Mysie. M. d’Anville place sa source au nord-

est de Thebes , d’où il se rend , par le nord et le sud-ouest de cette

ville , dans le golfe d’Adramytte.

(Ibid. Le Carese. )Petit fleuve un peu plus au nord. Il prend sa source dans le mont

Ida, coule à l’est par le sud de Scepsis, et se rend dans l’Ésépus.

Au confluent de ces fleuves avoit été bâtie une ville qui portoit le

nom de Carese.

’( Ibid. Le Rhodius. )Deux fleuves de cette contrée portent ce nom. Je pense qu’il s’a-

git ici du Rhodius qui se rendoit à la mer près d’Abydos.

(Ibid. Le Granique. )Autre fleuve de la Mysie , qui prend sa source dans le mont Ida ,

et coule vers le nord-est, pour se rendre dans la Propontide au sud-est du canton appellé l’Adrastée. Ce fut au passage de ce fleuve que

Clitus sauva la vie à Alexandre , en parant un coup de hache qui me-naçoit la tête de ce conquérant.

1111 pas NOTES GÉOGRAPHIQUES.

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IMITATIONSDHOMERE

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IMITATIONS D’HOMERE

PAR. LES PRINCIPAUX POËTES

LATINS, ITALIENS, FRANÇOIS

ET ANGLOIS,

AVEC LA TRADUCTION.

CHANTAVII.(PAGE 12. Hector s’avance entre les deux ar-mées, etc. )

Va, dice ad un araldo , or colà gi’uso ,

Ed al duce d’e’ franchi, udendo l’oste ,

Fa queste mie non picciole proposte :

Ch’ un cavalier , che d’appiattarsi in queste

Forte cinto di muri a sdegno prende ,Brama di far con 1’ armi or manifesta

QuantO la sua possanza Oltre si stende zE ch’a duelle di venirne è presto,

Nel pian ch’ è fra le mura e l’alte tende ,

Per prova di valore; e che disfid’a

Qual più de’ franchi in sua virtù si fida.

Ger. lib. c. 6 , st. 14 et 15.

Pars (dit Argant à l’un des hérauts), descends dans la plaine, parle au roi

des François en présence de toute son armée , porte-lui ce défi , qui, sans doute,

ne plaira pas à. son peuple: dis-lui qu’un chevalier qui s’indigne de demeurer

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254. IMITATIONS.enfermé dans ces murs brûle de mesurer ses forces avec l’un d’eux ; qu’il leur

propose un combat singulier , dans l’espace qui sépare la ville du camp ; que,

pour faire preuve de son courage , il défie celui des François qui a le plus de

confiance dans sa valeur.

De Paris à l’instant il fait ouvrir la porte ,

Du peuple qui l’entoure il éloigne l’escorte :

Il s’avance ; un héraut, ministre des combats ,

Jusqu’aux tentes du roi marche devant ses pas ,

Et crie à haute voix : Quiconque aime la gloire ,Qu’il dispute en ces lieux l’honneur de la victoire.

D’Aumale vous attend; ennemis, paroissez.Tous les chefs , à ces mots , d’un beau zele poussés,

Vouloient contre d’Aumale essayer leur courage;

Tous briguoient, près du roi, cet illustre avantage ;Tous avoient mérité ce prix de la valeur :

Mais le vaillant Turenne emporta cet honneur.Henriade , c. 10.

( Page 13. Ici est le tombeau d’un héros, etc.)Hic situs est, vitæ jampridem lumina linquens,Qui quondam hectoreo percu’sus cecidit euse.

F abitur hoc aliquis; mea semper gloria vivet.Cic. Fragm. du liv. Il du traité DE GLOR 1A,

Ces vers sont la traduction littérale de ceux d’Homere.

( Ibid. Tous gardent le Silence, l’ame percéed’une douleur profonde , etc.)

A] silenzio, all’ aspetto , ad ogni segno ,

Di lor temenza il capitan s’ accorse;

E, tutto ’pien di generOSo sdegno ,

Da] loco ove sedea repente sorse,E disse: Ah ben sarei di vita indegno,Se la vita negassi or porre in forse,

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CHANT v11. 255Lasciando ch’ un pagan cos’1 vilmente

Calpestasse I’ onor di nostra gente.

Sieda in pace il mio campo , e da sicuraParte miri oziôso il mio periglio:Su su datemi 1’ arme. El’ armatura, etc.

Ger. lib. c. 7 , st. 6° et 61.

Au silence qui regne dans l’assemblée , à l’air dont ils reçoivent le défi ,

Godefroi reconnaît la terreur imprimée dans leurs ames. Rempli d’un géné-

reux courroux , il se leve du trône 01’1 il est assis. Je serois indigne de vivre, dit-

il , si la crainte de la mort m’arrétoit quand il s’agit de soutenir l’honneur de la

nation , que ce Mahométan Ose fouler aux pieds.

A l’abri des dangers , spectâteurs oisifs des périls que je vais affronter, de-

meurez dans le camp. Qu’on se hâte de m’apporter mes armes et ma cuirasse ,

etc.

( Page 1 4. Que la terre s’en tr’ouvre sous vos pas l

que votre nom s’écoule comme l’onde! etc. )Quæ tibi terra velim quæ tibi fie’t aqua.

I Propert.(le vers est la traduction littérale de celui d’Homere.

( Page 1 5. Nestor se leve ; adressantla parole aux

Grecs, etc. ) LDixerat AEneas. Olli obstupuere silentes ,

Conversique oculos inter se atque ora tenebant.Tum senior semperque odiis et crimine DrancesInfensus juveni Turno , sic 0re vicissim

Orsa refert, etc. lAEneid. lib. 11 , v. 120.

Ainsi parle Énée. Tous se regardent l’un l’autre , gardant un silence pro-

fond. Ennemi du jeune Tumus , accoutumé depuis long-temps à l’accabler

de ses reproches amers , le vieux Drancès prend la parole , etc.

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256 IMITATIONS.(Ibid. Plût à Jupiter, à Minerve, à Apollon,

que mes membres eussent la vigueur de la jeu«messe! etc. )

O mihi præteritos referat si Jupiter annos !Qualis eram cùm prima’m aciem Præneste sub ipsa

Stravi , scutorumque incendi Victor acervos l etc.AEneid. lib. 8 , v. 560.

Oh! si Jupiter me rendoit mon ancienne vigueur! si j’étois tel aujourd’hui

qu’au temps de ma jeunesse , quand je vis tomber, sous les efforts de monbras , tout le premier rang de l’armée qui assiégeoit Préneste , et que je livrai

aux flammes des monceaux de boucliers ennemis l

( Page 1.7. Sensibles aux reproches du fils deNélée, neuf héros se Ievent, etc. )

Cosl parla il grau vecchio; e sproni acutiSon le parole , onde virtù si desta.

Quei che fur prima timorosi e muti,Hanno la lingua or baldanzosa e presta.Nè sol non v’ è chi la tenzon rifiuti ;’ .

Ma ella ornai da molti a gara è chiesta.Ger. lib. c. 7, st. 66.

Ainsi parla ce respectable vieillard , et ses paroles sont des pointes aiguës qui

rappellent la vertu dans leurs ames. Ace morne silence succedent des cris de joie

et de confiance ; il n’est aucun d’eux qui refuse de mesurer ses forces contre

Argant; ils sollicitent à. l’envi ce dangereux honneur.

(Ibid. Tirez au sort, leur dit-il , etc. )E lascia che degli altri in picciol Ivaso

Pongansi i nomi , e sia giudice il caso;

Anzi giudice Dio , delle cui voglieMinistra e serva è la fortuna e ’l fato.

Ma non pero dal suo pensier si toglie

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Souffrez , dit Godefroi , que ce casque enferme les noms des guerriers quibriguent un tel honneur ; que le sort , ou plutôt I’Être suprême, dont la for-

tune et le destin ne sont que les ministres , nomme notre vengeur. Il dit ; maisil ne peut empêcher que Raymond n’exige que son nom soit placé parmi ceux

de ces nobles rivaux de gloire. Godefroi reçoit les billets dans son casque, lesagite , les retourne , tire; on lit, sur le premier billet qui sort du casque, le nom

CHANT VII.Raimondo, e vuOl anch’ egli esser notato.

Nell’ elmo suo Gotfredo i brevi accoglie :

E , pOi che l’ ebbe scosso ed agitato,

Nel primo breve , che di là traesse ,

Del conte di Tolosa in nome lesse.Ger. lib. c. 7 , st. 69 et 70.

du comte de Toulouse.

Al fin veggiamo in cuila sorte cada,( Disse Agramante) e non sian più parole:Veggiam quel che fortuna ne disponga,E sia preposto quel, ch’ ella preponga.

Steron taciti al detto d’ Agramante

E Ruggiero , e Gradasso, ed accordarsi ,Che qualunque di loro uscirà innante ,E l’ una briga , e l’ altra abbia a pigliarsi,

Cos’1 in duo brevi, ch’ avean simigliante,

Ed ugual forma , i nomi lor notarsi;E dentro un’ urna quelli hanno rinchiusi ,

Versati mOlto , e sozzopra confusi.

Un simplice fançiul ne l’urna messe

La mano , e prese un breve , e venue a caso ,Ch’ in questo il nome di Ruggier si Iesse,

Essendo que] del Serican rimaso,

Non si pub dit quanta allegrezza avesse ,Quando Ruggier si senti trar del vaso ,

33

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258 IMITATIONS.E d’ altra parte il Sericano doglia;

Ma quel, che manda il ciel, forza’ è , che toglia.

l Orland. fur. c. 3o , st. 2o , 23 et 24.Voyons , dit Agramanl , sans plus de paroles , sur lequel des deux le sort tom-

bera : que la fortune choisisse : que icelui-là soit préféré qu’elle proposera ........

Roger et Gradasse écoutent en silence ces paroles d’Agramant : ils demeu-

rent d’accord que celui sur lequel le sort tombera , vuide les deux querelles.-

Leurs noms sont écrits sur deux billets de même lbrme, semblables en tout.

On les enferme dans une urne ; on les agite; on. les retourne; on les confond.Un enfant enfonce dans l’ume sa main tremblante , en retire un billet ; le sortveut qu’on lise dessus le nom de Roger. L’autre demeure au fond du vase. On

ne peut exprimer ni l’alégresse de Roger à la vue de son nom sorti du vase,ni l’afflictiou de Gradasse; mais il est forcé de se soumettre à l’ordre du ciel.-

Le sort, dit le prélat, vous servira de loi.Que l’on tire au billet ceux que l’on doit élire.

Il dit; on obéit, on se presse d’écrire.

Aussitôt trente noms , sur le papier tracés,

Sont au fond d’un bonnet par billets entassés.

Pour tirer ces billets avec moins d’artifice,

Guillaume , enfant de chœur , prête sa main novice;

Son front nouveau tondu , symbole de candeur,Rougit , en approchant, d’une honnête pudeur.Cependant le prélat, l’œil au Ciel, la main nue ,

Bénit trois fois les noms , et trois fois les remue.

Il tourne le bonnet, l’enfant tire, et Brontin

Est le premier des noms qu’apporte le destin.

Boileau , Lutr. c. 1.

(Page 19. Cependant Ajax revêt l’airain étince-

lant : couvert de toutes ses armes , il s’avance , sem-

blable au dieu Mars, etc. )Qualis apud gelidi cùm flumina concitus Hebri

Sanguineus Mavors clypeo increpat, atque furentes

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CHANT VII. 259Bella movens immittit equos ; illi , æquore aperto ,

Ante notoszephyrumque volant; gemit ultima pulsuThraca pedum, circùmque atræ Formidinis ora ,Iræque, Insidiæque, dei comitatus, aguntur:Talis equos alacer media inter prælia TurnusF umantes sudore quatit.

i AEneid. lib. 12, v. 331.Tel , sur les bords glacés de l’I-Iebre , le sanguinaire Mars , agitant avec fracas

son immense bouclier , souille dans tous les cœurs le feu de la guerre; plus vîtes

que le vent du midi, plus légers que le zéphyr , ses coursiers s’élancent dans les

plaines de Thrace; la Terreur, les Embùches , la Discorde impie, cour dignede ce dieu , l’accompagnent : tel Tumus, animant au combat. ses coursiersagiles, se fait jour à travers les phalanges qu’il disperse ; une épaisse fumée,

effet de la sueur dont leurs membres sont imprégnés , s’exhale dans les airs.

(Page 20. Il dit ; et retirant son bras en arriere,

etc.) t ’’ - S’ odon lor colpi dispietati, e cr’udi

Intorno rimbombar con suono orrendo,Ora levando i canti a’ grossi scudi ,

Schiodando or piastre, e quando maglie aprendo,Nè qui bisogna tauto , che si studi

A ben ferir, quanto a parar, volendoStar l’uno a l’altro par.

Orl. fur. c. 31 , st. a:Les coups horribles et cruels qu’ils se portent retentissent avec un bruit

affreux ; ils saisissent des portions de rochers qu’ils enlevent et lancent sur leurs

boucliers, sur leurs cuirasses , qu’ils brisent; les masses de leurs plastrons sontfracassées ; égaux en force , égaux en courage , chacun d’eux est moins occupé

à frapper qu’à parer les coups de son ennemi. .

( Page 21. Les deux guerriers eussent combattuavec l’épée, si deux hérauts, messagers des rois et

de Jupiter, etc. )Già lassi erano entrambi, e giunti forse

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260 IMITATIONS.Sarian , pugnando, ad immature fine;Ma si oscura la nette intanto sorse ,Che nascondea le cose anco vicine.Quiuci un araldo , e quindi un altro accorsePer dipartirgli, e gli partiro alfine.L’ uno il franco Arideo, Pindoro è l’ altro ,

Che porto la disfida, uom saggio e scaltro.

I pacifici scettri osar costoroFra le spade interpor de’ combattenti ,

Con quella sicurtà che porgea loroL’antichissima legge delle genti.

Siete , o guerrieri , incominciè Pindoro ,

Con pari onor, di pari ambo possenti.Dunque cessi la pugna, e non sian rotteLe ragioni, e ’l liposo della notre.

Risponde Argante : A me , per ombra oscura ,La mia battaglia abbandonar non piace :Ben avrei caro il testimon del giorno;Ma che giuri costui (li far ritorno.

Ger. lib. c. 6, st. 5o , 51, 52.Épuisés l’un et l’autre, peut-être auroient- ils succombé, contre l’ordre du

Destin, àla fatigue de cette terrible journée, si une nuit tellement épaisse qu’elle

cachoit les objets les plus voisins , n’eût étendu ses voiles sur la terre. Un hé-

raut de chacune des deux armées arrive pour les séparer. Celui (les François se

nomme Aridée z celui des Mahométans est le sage, l’adroit Pindorus, quiaporté le défi à l’armée des chrétiens.

.Avec cette sécurité qu’inspirent les loix antiques des nations, les deux hé-

rauts interposent leurs sceptres entre les glaives des combattants. Guerriers ma-gnanimes, leur dit Pindorus, égaux en force , égaux en courage , même hon-

neur vous est dû. Que le combat cesse. Ne troublez pas le repos de la nuit ......Les ténebres, répond Argant , ne seroient pas pour moi un motif d’abandon-

ner le champ de bataille : cependant j’aime à avoir le soleil pour témoin de mes

exploits. Que Tancrede s’engage par senne nt à revenir terminer ce combat.

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CHANT VIL 261(Page 22. Ajax, dit- il, les dieux t’ont donné la

force, le courage et la sagesse , etc. )Fu quel da Mont’ Albano il primo a dire ,

Che far battaglia non denno a l’ oscuro.

Orl. fur. c. 31 , st. 26. lLe héros que Montauban vit naître , fut le premier à dire qu’on ne devoit

pas combattre dans les ténebres.

(Ibid. Demain nous combattrons sans relâche,jusqu’à ce que le Destin nous sépare, etc. )

Disse Ruggier , non riguardiamo a’ questo;

Facciam noi quel, che si pub far per nui,Abbia chi regge il ciel, cura del resto.

I Or]. fur. c. 22 , st. 57.Ne regardonspas à cela , dit Roger; faisons ce qui dépend de nous: que celui

qui regne dans le ciel prenne soin du reste.

(Page 23. Le fils d’Atrée........ honore Ajax de

la partie la plus distinguée de la victime , etc. )Vescitur AEneas, simul et. trojana juventus,Perpetui tergo bovis et lustralibus extis.Postquam exempta famés et amor compressus edendi , etc.

AEneid. lib. 8 , v. :82.Le dos entier d’un bœuf immense, ses entrailles consacrées aux dieux,

sont donnésà Énée et à la jeunesse troyenne. Quand leur faim est appaisée ,

etc.

(Page 26. Au lever de l’aurore , Idée marche aux

vaisseaux des Grecs. )Jamque oratores aderant ex urbe latina,Velati ramis oleæ , veniamque rogantes,

Corpora par campos ferra quæ fusa jacebantRedderet, ac tumulo sineret succedere terræ.

AEneid. lib. n, v. 100.

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262 AIMITATIONS.I Déja les députés du peuple latin sont arrivés. Ils portent des branches d’oli-

vier dans leurs mains ; ils demandent une treve ; que les corps de leurs compa-gnons , étendus sur le champ de bataille , leur soient rendus; qu’il leur soit per-

mis de leur donner la sépulture.

(Page 28. Aussitôt les Troyens se partagentpour remplir le triste devoir qui leur est imposé,

etc.)Bis senos pepîgere dies, et, pace sequestrâ ,

Fer sylvas Teucri , mixtique impunè Latini ,

Erraveœ jugis. F erro sonat alta bipenni

F raxinus : evertunt actas ad sidera pinus.AEneid. lib, 11., v. 133.

Une treve de douze jours est promise avec serment. Les Troyens et les La-tins, confondus , parcourent la forêt , errent dans les gorges des montagnes; lefrêne tombe sous la cognée de fer; les pins orgueilleux , qui. élevoient jusqu’aux

astres leurs têtes altieres , sont abattus.

, (Ibid. Le soleil s’élevant des profondeurs del’océan pacifique, etc. )

Aurora interea miseris mortalibus almamExtulerat lucem , referens opera aique labores.Jam pater AEneas , jam curvo in littore Tarchon ,Constituere pyras : huc corpora quisque suorumMore tulere patrum , subjectisque ignibus atrisCondimr in tenebras altum caligine cœlum.

AEneid. lib. 11 ,v. 182.Cependant l’Aurore , apportant la lumiere aux malheureux mortels , les rap.

pelle aux travaux, aux douleurs. Le vieux Énée et Tarchon ont construit desbûchers sur le rivage. Chacun y dépose les corps des siens, observant les cou-tumes de ses peres. L’épaisse fumée qui s’éleve de la flamme introduite dans ces

masses énormes , voile la voûte éthérée.

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CHANT VIII.

(PAGE 35. Le dieu qui se plaît à lancer le ton-nerre assemble les immortels, etc. )

A Panditur interea domus omnipotentis Olympi,Conciliumque vocat divûm pater atque hominum rex

. Sideream in sedem , terras unde arduus omnesCastraque Dardanidum aspectat, populosque latinos.Considunt tectis bipatentibus, incipit ipse , etc.

AEneid. lib. 10, v. 1.

Cependant les portes de la vaste demeure du dieu tout-puissant qui regnesur l’Olympe sont ouvertes. Le pere des dieux et le roi des hommes appelle lesimmortels au conseil sur la voûte étoilée , dans ce palais élevé d’où il porte ses

regards sur toute la terre , sur la ’ville des Troyens , sur le peuple latin. Lesdieux s’asseient: sur leurs trônes: Jupiter prend la parole.

E ’l fine ornai di quel piovoso inverno,

Che fea 1’ arme cessar , lunge non era ;

Quando dall’ alto soglio il Padre eterno ,-,

Ch’ è nella parte più de] ciel sincera ,

E quanto è dalle stelle a] basso inferno,Tanto è più in su della stellata spera ,

Gli occhi in giù volse , e in un sol punto e in una-Vista miro cib che ’n se il monde aduna.

Miro tutte le cose, ed in SoriaS’ allissô poi ne’ principi cristiani.

Ger. lib. c. 1 , st. 7 et 8.La fin de ce pluvieux hiver , qui suspendoit les combats , n’étoit pas éloignée ,

quand du haut de ce trône placé dans la partie la plus calme du ciel, autantélevé au-dessus-de la sphere étoilée qu’il y a de distance de la voûte céleste aux

enfers, le I’ere éternel porte ses regards sur la terre; il voit d’un coup d’œil ,

comme réuni dans un seul point, tout ce que le monde renferme; tous les

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264 IMITATIONS.êtres sont sous ses yeux ; il fixe ses regards sur la Syrie et sur les princes chré-

tiens.Sedea colà , dond’ egli e buono e giusto

Dà legge al tutto , e ’l tutto orna e produce

Sovra i bassi confin del mondo angusto ,

Ove senso , o ragion non si conduce :E della etemità nel tronc augustoRisplendea con tre lumi in una luce.Ha sotto i piedi il fato e la natura ,Ministri umlli e ’l moto , e chi ’l misura ,

E ’l loco , e quella che , qual fumo o polve ,

La gloria di quà giuso , e l’ oro , e i regni,

Corne place là su , disperde e volve.

Ger. lib. c. 9, st. 56 et 57.L’Étemel est assis sur cetrône élevé , d’où il donne à tout ce qui existe des loix

dignes de sa bonté et de sa justice, d’où il produit et orne tous les êtres. Au-

dessus des bas confins de ce monde étroit d’où le sens et la raison sont bannis,

de l’éternité de ce trône auguste , il brille comme trois lumieres en une seule , et

voit sous ses pieds ses ministres , le destin , la nature, l’espace , le mouvement,

et le temps qui mesure le mouvement. Il agit, et distribue , comme il lui plaît ,

cette gloire du monde, ces richesses , ces empires, qui ne sont, à ses yeux,que poussiere et fumée.

(Ibid. Je le précipiterai dans le Tartare téné-breux , etc. )

Mœnia lata videt , triplici circumdata muro ,

Quæ rapidus flammis ambit torrentibus amnis

Tartareus Pl1legethon , torquetque sonantia saxa.Porta adversa , ingens , solidoque adamante columnæ ;Vis ut nulla virûm , non ipsi exscindere ferro

Cœlicolæ valeant. Stat ferrea turris ad auras.

’ AEneid. lib. 6, v. 549.Énée voit ce terrible palais qu’une triple muraille environne, autour duquel

le rapide Phlégéthou mule avec fracas ses ondes enflammées et ses rocs retentis-

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CHANT VIII. 265sants. Une porte immense , soutenue par des colonnes de diamant, s’offre à sa

vue. Des leviers de fer , soutenus par les dieux eux»mémes , ne pourroient l’é-

branler. Une tour de fer s’éleve jusqu’aux nues.

Torni aile notti d’ Acheronte oscure ,

Suo degno alberge, alle sue giuste pene :Quivi sè stessa , eil’ anime d’ abisso

Crucj : cosi comando , e cosi ho fisso.

Ger. lib. c. 9, st. 59.( Que) l’armée infernale recule , dit l’Étemel; qu’elle s’enfonce dans la nuit

de l’Achéron , empire digne d’elle; qu’occupée à se tourmenter elle-même et

les ames précipitées dans cet abyme , elle subisse les peines que ma justice lui a

infligées. Ainsi je le commande : ainsi le prescrivent mes éternels décrets.

Here their prison ordain’d ,

In utter damness , and their portion setAs far remov’d from God and light of heav’n ,

As from the centre thrice to th’ utmost pole.

Parad. lost, bon: 1.Cet abyme ténébreux , leu’r partage , est éloigné de Dieu et du séjour lumi-

neux trois fois autant que le centre de l’univers est éloigné du pole le plus élevé.

(Page 36. Fils de Saturne, notre pere, etc. )0 pater, o hominum divûmque æterna potestas,

( Namque aliud quid sit quod jam implorare queamus? )Cernis ut insultent Rutuli , Turnusque fera turPer medios insignis equis , tumidusque secundo

Marte mat, etc.n AEneid. lib. I0 , v. 18.

O notre pere , ( car quel autre nom pourrions-nous implorer? ) tu vois lesinsultes que nous font les Rutules; Tumus, qu’enorgueillissent ses succès ,guide ses fiers coursiers jusqu’au centre des phalanges troyennes qu’il dis- ’

perse. t(Page 38. Le pere des dieux et des hommessuspend ses balances d’or , etc. )

Jupiter ipse duas æquato examine lances

2. 34

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266 IMITATIONS.Sustinet , et feta imponit diversa duorum ,Quem damnet labor , et quo vergat pondere letum.

Alineid. lib 12 , v. 725.La main de Jupiter soutient dans un parfait équilibre le fléau de la céleste

balance. Le destin de Tumus, le destin d’Énée, sont posés dans ses bassins.

L’éternelle balance décidera quel est celui dont les travaux obtiendront la vic-

toire , lequel tombera sous la faux de la mort.

Nor only paradiseIn this commotion , but the starry copetheav’n perhaps , or ail the elementsAt least had gone to wracx, disturb’d and torn

With violence of this conflict, had net soonTh’ Eternal t0 prevent such horrid fray

Hung forth in heav’n .his golden scales, yet seen

Betwixt Astræa and the Scorpion sign ,Wherein all things created first he weigh’d ,

The pendulous round earth , with ballanc’d air

ln counterpoise; now ponders all évents ,

Battels and realms: in these he put two weightsThe sequel each ofparting , and offight -,The latter quicx up flew , and xicx’d the beam.

Parad. lost, boa: 4.Non seulement le paradis terrestre , mais peut-être la voûte étoilée du ciel

eussent été ébranlés , du moins tous les éléments eussent été confondus, si

l’Éternel n’eût pris en main ses balances d’or , qu’on voit encore entre Astrée et

le Scorpion, dans lesquelles , pesant tous les êtres qu’il créa , il suspendit le

globe de la terre et le mit en équilibre avec l’air , où il pese maintenant tous

les événements qui surviennent sur la terre , le sort des atrpires et celui descombats. L’Éternel pesa alors l’un et l’autre; d’un côté la révolte de Satan , de

l’autre sa fuite. Le premier poids monte en haut avec une telle rapidité , qu’il

heurte le fléau de l’éternelle balance.

(Page 39. La terreur s’empare de tous lescœurs,etc.)

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CHANT VIII. 267Tum verô tremefacta novus per pectora cuuctisInsinuat pavor.

Afincid. lib. 2 , v. 228.En ce moment une terreur non encore éprouvée s’insinue dans tous les

cœurs.

(Page 42. Le tonnerre gronde avec un bruitaffreux , etc. )

Hic pater omnipotens ter cœlo clams ab alto

Intonuit, radiisque ardentem lucis et autoIpse manu quatiens ostendit ab ætliere uubem.

AEncid. lib. 7 , v. 141.Alors le pere des dieux et des hommes, le dieu à qui tous les êtres sont sou-

mis , tonne par trois fois au sommet de la voûte éthérée; sa main puissante

agite la nue , et fait briller la foudre qu’environnent des rayons de lumiere etd’or.

(Ibid. Diomede.................... ne reconnois -tupas à ces traits le courroux du fils de Saturne?etc. )

Dl me terrent, etJupiter hostis.AEneid. lib. 12 , v. 895.

Les dieux m’effraient ; Jupiter irrité porte l’effroi dans mon ame.

(Ibid. Hector s’efforceroit en vain de donneratteinte à ta gloire, etc. )

Pulsus ego? aut quisquam meritè , fœdissime, pulsum

Arguet , iliaco tumidutn qui crescere TybrimSanguine , et Evandri totam cum stirpe videbitProcubuisse domum , atque exutos Arcadas armis?

AEneid. lib. 1 1 , v. 392.

Je fuis, dis-tu. Qui oseroit me reprocher une fuite honteuse? Le Tybregonflé du sang des Troyens , la maison d’Évandre anéantie dans son dernier

rejeton, les Arcadiens dépouillés de leurs armes , démentiroient cet odieux

reproche.

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268 IMITATIONS.( Page 44. Adressant ensuite la parole à ses cour-

siers, etc. )Indi va mansueto a la donzellaCon umile sembianle , e gesto umano;Come intorno al patrone il can saltella ,Che sia due giorni, o tre stato lontano;Bajardo ancora avea memoria d’ ella ,

Ch’ in Albracca il servia già (Il sua mano

Nel tempo, che da lei tanto era amatoRinaldo, aller crudele, allora ingrato.

Orland. fur. c. 1 , st. 75.( Bayard ) s’approche doucement de la donzelle. Son regard est humble ; ses

mouvements ressemblent aux gestes de l’homme. Tel le chien saute de joie auretour de son maître qu’il revoit après une absence de deux ou trois jours. Bayard

se souvient que , dans Albracque , Angélique le servit de sa. main , dans le temps

qu’elle portoit à Renaud , alors cruel et ingrat, un amour si tendre.

( Page 47. Un aigle, le plus certain des augures ,

etc. )His aliud majus Juturna adjungit, et altoDat signum cœlo; quo non præsentius ullum

Turbavit mentes italas , monstroque fefellit. .Namque volans rubra fiilvus Jovis ales in æthra ,.

Littoreas agitabat aves , turbamque sonantemAgminis aligeri; subito cùm lapsus ad undas

Cycnum excellentem pedibus rapit improbus uncis.Arrexere animos Itali: cunctæque volucresConvertunt clamore fugam ,7 (mirabile visu! )I

AEtheraque obscurant permis , hostemque pet auras-Factâ nube premunt; donec vi victus et ipso

Pondere defecit, prædamque ex ungnibus alesProjecit fluvio, penitùsque in nubila fugit.

AEneid. lib. 12, v. 244

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O

CHANT VIII. A269.Du haut des cieux J utume fortifie le conseil qu’elle donne à Tumus , par un

signe manifeste de la protection des dieux , par celui de tous les augures que les

Latins regardent comme le plus certain. Les ames des peuples de l’ltalie ensont troublées; tant est vive l’impression qu’il laisse dans les esprits. Un aigle ,

perçant la nue enflammée, poursuivoit dans les airs la troupe bruyante desoiseaux épars sur le rivage: se précipitant dans l’onde , il enleve en ses serres

crochues un cygne d’un poids énorme. Les Italiens suivent de l’œil ses mou-

vements. Ô prodige! la volatile engeance se retourne, se rassemble , fond surl’ennemi avec des cris perçants ; leurs ailes , semblables à une nue épaisse, dé-

robent au jour sa lumiere. Fatigué enfin du lourd fardeau qu’il a peine à sou-

tenir , l’oiseau de Jupiter laisse échapper sa proie; elle tombe dans le fleuve zl’aigle fuit d’un vol rapide.

(Page 48. Caché sous le vaste contour de cetimmense bouclier , etc. )

Quotque emissa manu contorsit spicula virgo ,Tot phrygii cecidere viri.

AEneid. lib. n , v. 676.Autant ( Camille) décoche de fleches, autant elle perce de héros phrygiens.

E col grave suo scudo , il qual di sette

Dure cuoja di tauro era composto,E che aile terga poi di tempre eletteUn coperchio d’acciajo ha sopraposto;

Tien dalle spade, e tien dalle saette,Tien da tutte arme il buon Raimondo ascosto zE col ferro i nemici intorno sgombraSi, che giace sicuro, e quasi all’ ombra.

Ger. lib. c. 20 , st. 86.Il dit ( Tancrede ) ; et repoussant les ennemis avec le fer , il dérobe Raymond

à leurs coups, le couvrant de son vaste et épais bouclier, formé de sept cuirs-

enlacés que revêt un acier poli de la trempe la plus fine. A l’ombre de ce rem-

part, le comte de Toulouse est en sûreté.

(Page 5o. Elle s’égare , frappe dans la poitrine...

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270 IMITATIONS.Gorgythion........ Tel dans nos jardins un superbepavot, etc. )

Volvitur Euryalus leto, pulch rosque per artusIt cmor, inque hum-eros cervix collapsa recumbit.Purpureus veluti cùm flos succisus aratroLanguescit moriens; lassove papavera colloDemisere caput, pluviâ cùm fortè gravantur.

AEneid. lib. 9 , v. 433.Euryale se roule expirant; le sang découle de ses membres épuisés ; l’éclat

de sa beauté est terni; sa tête , qu’il ne peut soutenir, cherche un appui sur

son épaule. Telle une fleur brillante que le soc de la charrue a détachée de la

racine qui la portoit, languit mourante : tels des pavots que surchargent l’huvmidité et les pluies, penchent leurs têtes altieres.

Come purpureo fior languendo muore ,Che ’l vomere al passar tagliato lassa ,

O coma carco di superchio umoreIl papaver nel’ orto il capo abbassa;

Cosi giù de la faccia ogni colore

Cadendo , Dardinel di vita passa.Orl. fur. c. 18 , st. 153.

Telle une fleur brillante que le soc de la charrue a coupée dans sa tige , lan-

guit et meurt; ou tel, dans un jardin , un superbe pavot surchargé d’une hu-

midité superflue abaisse sa tête altiere : ainsi tombe Dardinel; les couleurs deson teint sont effacées; il passe de la vie à la mort.

(Page 52. Semblable à un limier qui...... pour-suit un sanglier ou un lion qu’il a lancé, etc. )

Quale il leon si sferza e si percote ,Per isvegliar la ferità nativa ;

Tale ei suoi sdegni desta , ed alla coteD’ amor g! i aguzza, cd aile flamme avviva.

Tutte sue forze aduna , e si ristringeSotto l’ arme all’ assalto , e ’l destrier spinge.

Ger. lib. c. 2o, st. 1 14. 1

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CHANT VIII. 271Tel un lion bat ses flancs pour réveiller sa férocité naturelle: ainsi Tisa-

pherne ranime son courroux , l’enflamme , l’aiguise à la queue de l’Amour. Il

réunit ses forces , se rassemble , se prépare à l’assaut , aiguillonne son cour-

sier.

Corne il leon , che tolto su le cornaDal bue sia stato, e che ’l doler non senta ,

Si sdegno , ed ira , ed impeto l’ affretta ,

Stimola, e sferza a far la sua vendetta.Orl. fur.c. 26, st. 12.0.

Semblable à un lion que les cornes d’un taureau ont lancé dans l’air; le

courroux qui l’enflamme le rend insensible à la douleur ; il s’irrite , devient fus-

rieux , hâte sa course rapide , s’aiguillonne lui-même, bat ses flancs, s’anime à

lavengeance.

Tels, au fond des forêts, précipitant leurs pas,

Ces animaux hardis, nourris pour les combats ,Fiers esclaves de l’homme et nés pour le carnage ,

Pressent un sanglier , et raniment sa rage ;Ignorant le danger, aveugles, furieux ,Le cor excite au loin leur instinct belliqueux;Les antres, les rochers, les monts, en retentissent.

Henriade , ch. 8.

( Page 60. Cependant le flambeau du our s’éteintdans l’océan, etc.)

Vertitur interea cœlum , et ruit oceano nox,Involvens umbrâ magnâ terramque , polumque,

Myrmidonumque dolos.AEneid. lib. 2 , v. 250.

Cependant la nuit s’éleve des profondeurs de l’océan, couvrant de son voile

obscur et le ciel, et la terre , et les ruses des Grecs.

N 0x ruit, et fuscis tellurem amplectitur alis.AEneid. lib. 8, v. 369.

La nuit descend de la voûte éthérée , et couvre la terre de ses ailes

noires.

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272 IMITATIONS.( Page 61. Cédons à la nuit; préparons le repas

du soir, etc. )N unc adeo , melior quoniam pars acta diei,Quod superest , læti benè gestis corpora rebus

Procurate , viri, et pugnam sperate parati.AEneid. lib. 9 , v. 156.

Maintenant , puisque le soleil penche vers son déclin , vous confiant dans votre

courage , ô mes compagnons, passez en joie ce qui nous reste de jour, goûtezles douceurs du repos , vous préparant au combat , assurés de remporter la vic-

toire.

(Page 62. Demain , au lever de l’aurore , couverts

de nos armures , nous renouvellerons un sanglantcombat. )

Noi raccorrem moite vittorie in una zNè fia maggiore il rischio o la fatica.

Non sia , non sia tra voi temenza alcunaIn veder cosi grande oste nimica.

Ger. lib. c. 2o, st. 15.Nous remporterons plusieurs victoires en une seule , sans que le risque ou la

fatigue en soient plus grands. Que la vue de cette nombreuse armée ne portepoint l’effroi dans vos’ames.

( Page 63. Réunis par pelotons sous les pouppes

des vaisseaux de l’ennemi, etc. ) rDiscurrunt, variantque vices, fusique per herbamIndulgent vino , et vertunt crateras ahenos.Collucent igues: noctetn custodia ducitInsomnem ludo.

AEneid. lib. 9 , v. 164.’ Ils arrivent en foule, se partagent les emplois. Dispersés sur l’herbe par pe-

lotons , le vin ranime leurs forces abattues; ils vuident de grands crateres d’ai-

rain. Les feux qu’ils ont allumés répandent au loin une éclatante lumiere ; la

garde veille pendant toute cette nuit ; les jeux , les exercices auxquels ils selivrent, éloignent de leurs yeux les pavots du sommeil.

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l

CHANT IX.(P son 67. Semblables aux ondes de la mer,quand le vent du nord, etc. )

Adversi rupto ceu quondam turbine ventiConfligunt , zephyrusque, notusque, et lætus coisEurus equis : stridunt sylvæ; sævitque tridentiSpumeus, arque imo Nereus ciet æquora fundo.

AEneid. lib. 2, v, 416Ainsi, lorsqu’échappés de leurs prisons , le vent d’ouest, le vent du sud, le

vent d’est , qui s’enorgueillit de ses rapides coursiers , formant des tourbillons ,

se livrent de rudes combats; les forêts sifflent avec un bruit affreux; la merécume; armé de son trident , Neptune bouleverse la plaine liquide jusques dansses profonds abymes. I

(Page 69. Ô roi, j’oserai le premier te résister

dans le conseil, etc. )Dicam equid em , licèt arma mihi mortemque minetur.

AEneid. lib. 1 1 , v. 348.Je parlerai, quoique je voie les armes dirigées sur moi; je ne craindrai point

la mort dont on me menace.

(Page 7 1 . Les jeunes hommes...... s’empressent

de se rendre à leur poste, etc. )Interea vigilum excubiis obsidere portasCura datur Messapo, et mœnia cingere flammis.Bis septem , rutulo muros qui milite servent,Delecti: ast illos centeni quemque sequunturPurpurei cristis juvenes , auroque corusci.

AEneid. lib. 9, v. 159.

Cependant Messapus est chargé de veiller à la garde du camp. Il allume

des feux autour des murailles. Quatorze Rutules choisis commandent chacun

2. 35

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274 IMITATIONS.à cent jeunes héros , dont les casques , que surmontent des panaches de pour-pre , brillent de l’éclat de l’or.

(Page 75. Le dieu des enfers est seul inexora-ble , etc.)

Tænarias etiam fauces, alla ostia Ditis ,Et caligantem nigrâ formidine lucum ,

Ingressus , manesque adiit , regemque tremendum,Nesciaque humanis precibus mansuescere corda.

i Georg. lib. 4, v. 467.Orphée osa même franchir les bouches du Ténare , pénétrer dans le palais

de Pluton, traverser ces bois que noircit une nuit qui imprime la terreur ,aborder les mânes et leur roi formidable , tenter de fléchir ces cœurs impitoya-

bles , inaccessibles aux prieres des mortels.

(Page 83. Ayant conquisidouze villes dans lesisles , onze sur le continent, etc. )

Quoi! seigneur , se peut-il que d’un cours si rapideLa victoire vous ait ramené dans l’Aulide?

D’un courage naissant sont-ce là les essais?

Quels triomphes suivront de si nobles succès Z

La Thessalie entiere ou vaincue ou calmée ,Lesbos même conquise en attendant l’armée,

De toute autre valeur éternels monuments,Ne sont d’Achille oisif que les amusements.

Racine, Iphig. act. l , se. 2.-

(Page 84. Quel est le sujet de cette guerre?)Sunt et mea contrà

Fata mihi, ferro sceleratam exscindere gentem ,Conjuge præreptâ : nec solos tangit Atridas

Iste dolor , solisque licet capere arma Mycenis.AEneid. lib. 9 , v. 136.

J’ai aussi mes destins contraires à ceux d’Énée. Ils me donnent une juste

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CHANT 1x. 275confiance de venger, par la ruine de cette nation coupable, le rapt de monépouse. Les Atrides ne sont pas seuls sensibles à la perte d’une épouse chérie;

Mycenes n’a pas seule le privilege de prendre les armes pour punir une telleoffense.

Et quel fut le dessein qui nous assembla tous?Ne courons- nous pas rendre Hélene à son époux?

Depuis quand pense-t-on qu’inutile à moi-même

Je me laisse ravir une épouse que j’aime?

Seul, d’un honteux affront votre frere blessé

A-t- il droit de venger son amour offensé?

Iphig. act. 4, sc. 6.

.( Page 87. On ne peut rappeller l’ame humaine ,

quand elle a franchi la fatale barriere.)La vita sol mai non ripara il danno.

Orl. fur. c. 22, st. 60.

La vie est le seul bien dont on ne répare jamais la perte.

On ne voit point deux fois le rivage des morts,Seigneur: puisque Thésée a vu les sombres bords,

En vain vous espérez qu’un dieu vous le renvoie ,

Et l’avare Achéron ne lâche point sa proie.

Phed. act. 2 , sc. 5.

( Ibid. Thétis aux pieds d’argent m’a dévoilé ma

destinée, etc. )

Les parques à ma mere , il est vrai, l’ont prédit, I

Lorsqu’un époux mortel fut reçu dans son lit:

Je puis choisir, dit-on , ou beaucoup d’ans sans gloire,On peu de jours suivis d’une longue mémoire.

Mais, puisqu’il faut enfin que j’arrive au tombeau,

Voudrois-je , de la terre inutile fardeau ,Trop avare d’un sang reçu d’une déesse,

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276 IMITATIONS.Attendre chez mon pere une obscure vieillesse ,Et, toujours de la gloire évitant le sentier,

Ne laisser aucun nom, et mourir tout entier?lphig. act. 1 , sc. 2.

u

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CHANT X.( P A c E 1 05. Un doux repos délasse les membresfatigués, etc.)

Nox erat , et placidum carpebant fessa soporemCorpora per terras, sylvæque et sæva quierant

AEquora; cùm medio volvuntur sidera lapsu ,V

Cùm tacet omnis ager, pecudes pictæque volucres,Quæque lacus latè liquidos, quæque aspera dumis

Rura tenent, somno positæ sub nocte silentiLenibant curas , et corda oblita laborum.At non infelix animi Phœnissa. .. ..

’ AEneid. lib. 4, v. 522..

Il étoit nuit : tous les animaux épars sur la. terre étoient plongés dans un pai-

sible sommeil; aucune haleine de vent n’agitoit les forêts; les astres avoient

parcouru la moitié de leur carriere; les races des oiseaux que distinguent Letleurs mœurs et l’immense variété: de leurs plumages, tant ceux qui habitent

les lacs que ceux qui peuplent les buissons , avoient oublié et leurs amours et

leurs travaux; ils goûtoient en paix les douceurs du sommeil; mais nonl’inwfortunée Phénicienne , etc.

Cetera per terras omnes animalia somnoLaxabant curas , et corda oblita laborum:Ductores Teucrûm primi , et délecta juventus ,-

Consilium summis regni de rebus habebant.AEneid. lib. 9 , v. 224.-

Tous les animaux qui peuplent la surface de la terre avoient oublié leursamours et leurs travaux; le sommeil délassoit leurs membres fatigués. Leschefs des Troyens, l’élite de la jeunesse, tenoient conseil sur les affairesd’état.

( Page 106. Aussitôt il se leve , revêt sa tunique ,

etc.)

Page 291: Notes du mont Royal ←  · 2017. 11. 28. · de l’Olympe , disposeront de la victoire. Il dit, et revêt sa brillante armure. Hector eût tranché le fil de tes jours, ô Ménélas,

278 ’ IMITATIONS.Consurgit senior , tunicâque inducitur artus ,Et tyrrhena pedum circumdat vincula plantis.Tum lateri atque humeris tegeæum subligat ensem ,

Demissa ab læva pantheræ terga retorquens.AEneid. lib. 8 , v. 457.

Le vieux (Évandre) se leve , revêt sa tunique; une chaussure tyrrhénienne

est ajustée à ses pieds; sa redoutable épée est suspendue à son baudrier; une

peau de panthère , attachée à son épaule gauche , se reploie sur la droite.

(Page 1 1 4. Diomede , couvrant ses épaules d’une

vaste peau de lion. )Hæc fatus , latos humeros , subjectaque colla

Veste super , fulvique insternor pelle leonis.AEneid. lib. 2 , v. 721.

Ayant ainsi parlé, je couvre et mon cou et mes épaules d’une vaste peau de

lion.

( Ibid. Parvenus aux gardes avancées, ils trou-vent les sentinelles éveillées, etc’. )

Omnis per muros legio,,sortita periclum ,

Excubat, exercetque vices, quod cuique tuendum est.AEneid. lib. 9, v. 174.

Ils tirent au sort le poste que chacun doit garder , et se partagent les périls ç

aucun ne goûte les douceurs du sommeil. v

(Page 1 15. Le vieux Nestor prenant le premierla parole. )

Raimondo, che-gli siede appresso ,E che, parlando lui , fra sè discorre ,Disse : Al consiglio da Gofli’edo espresso

Nulla giunger si puote , e nulla torre.Lodo solo , oltre ciô, ch’ alcun s’ invii

Nel campo ostil , che i suoi secreti spii.

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CHANT x. 279E ne ridica il numero , e ’l pensiero

( Quanta raccor potrà-) certo e verace.Ger. lib. c. 18, st. r56, 57.

Raymond, qui est assis près de Godefroi, et qui a médité en lui -même le

conseil qu’il doit donner : On ne peut rien ajouter, dit-il, au parti que Go-defroi vient d’ouvrir; on ne peut rien en retrancher. Je désirerois seulementqu’on envoyât quelqu’un dans le camp ennemi, épier leurs desseins, nous

rapporter ce qu’il pourra en découvrir , reconnoltre le nombre des guerriers qui

composent leur armée.

Who shall tempt with wand’ring feet

The dam unbottom’d in infinité abyss?

Parad. lost , boox 2.-

Qui sera assez hardi pour sonder, de ses pieds errants, cet abyme obscur ,profond , infini ?

( Page 1 17. Le vaillant Thrasymede donne aufils de Tydée une épée à deux tranchants , etc-)

Dat N iso Mnestheus pellem horrentisque leonisExuvias : galeam fidus permutat Alethes.

AEneid. lib. 9,1l. 306-.Mnesthée donne à Ni’sus la dépouille d’un lion formidable ; Alethès échange

son casque contre celui de Nisus.

Depon Clorinda le sue spoglie intesteD’ argento, e l’ elmo adorno , e l’ armi altere:

7E senza p1uma o freglo, altre ne veste(, Infausto annunzio! ) rugginose e nere.

Ger. lib. c. 12, st. 18.Clorinde dépose sa cuirasse tissue d’argent , son casque étincelant , et toute

sa brillante armure. Un casque sans panache, sans ornement, couvre sa tête :( funeste présage! ) elle revêt une armure et noire et rouillée.

( Page 1 19. Semblables à deux lions cachés sous

le voile obscur de la nuit, etc. )Inde lupi ceu

Raptores , atra in nebula, quos improba ventris

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280 IMITATIONS. rExegit cæcos rabies, catulique relictiFaucibus exspectant siccis; per tela , per hostesVadimus haud dubiam in mortem ......

AEneid. lib. 2, v. 355.Déja semblables à des loups ravisseurs , affamés, que leurs petits attendent

la gueule béante , qui parcourent les campagnes par un brouillard épais , cer- I

tains de succomber sous une grêle de traits, nous marchons au milieu des ja,

velots , au milieu des ennemis. - s

( Page 120. Il se nommoit Dolon, fils d’Eumé-dée, etc. )

Parte aliâ , media Eumedes in prælia fertur ,

Antiqui proles hello præclara Dolonis ,

Nomine avum referens, animo manibusque parentem;Qui quondam , castra ut Danaùm speculator adirer,Ausus Pelidæ pretium sibi poscere currus,lllum Tydides alio pro talibus ausisAffecit pretio : nec equis aspirat Achillis.

AEneid. lib. 12, v. 346.D’autre part, au centre de la mêlée , paroit Eumédée, noble progéniture de

l’ancien Dolon. Son nom rappelle celui de son aïeul; son courage, l’intrépide

valeur de son pere qu’Hector engagea autrefois à pénétrer dans le camp des

Grecs pour épier leur conseil. Il osa demander , pour récompense de ce service ,

et le char et les coursiers du fils de Pélée : mais avant qu’il pût prétendre aux

divins coursiers d’Achille , Diomede paya sa témérité d’un autre prix.

(Page 121. Aucun autre entre les Troyens nesera possesseur des coursiers d’Achille , etc. )

Vidisti , quo Tumus equo, quibus ibat in armisAureus : ipsum illum clypeum cristasque rubentesExcipiam sorti, jam nunc tua præmia, Nise.

AEneid. lib. 9, v. 269.Tu vois quels coursiers monte Tumus; tu connois son armure d’or. Après

la victoire , je ne souffrirai pas que le sort dispose de ce bouclier, de ce casque

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CHANT x. 281que surmonte un panache de couleur de pourpre. Je les excepterai du partagedu butin : ils seront ta récompense , ô Nisus.

(Page 123. Déja ils sont à la portée du jave-

lot.)Dixit: et extemplo. . . . . . . .* . .

sensit, medios delapsus in hostes.AEneid. lib. 2, v. 376.

Il dit , et . . . . . . il ne tarde pasà s’appercevoir qu’il est au mi-

lieu d’un grouppe d’ennemis. ’

(Ibid. Tels deux lévriers à la dent sculptée,

etc.)Inclusum veluti si quando flumine nactus

Q Cervum , aut puniceæ septum formidine pennæ,Venator curSu canis et latratibus instat:Ille autem , insidiis, et ripa territus altâ,

Mille fugit refugitque vias; at vividus UmberHæret hians, jam jamque tenet,’similisque tenenti

lncrepuit malis , morsuque elusus inani est.AEneid. lib. 12 , v. 749.

Tels un chasseur et sa meute légere poursuivent un cerf que le limier a dé-bouché dans un fleuve, ou qui, échappé des toiles , hâte sa course rapide; le

vigoureux Ombrois le poursuit, la gueule béante , est prêt à le saisir; il aboie,croit le serrer dans ses mâchoires , et ne mord qu’une ombre vaine.

(Page 125. Certes , lui répond Ulysse avec unsourire amer, etc, )

Dunque , rispose sorridendo il conte ,’ Ti pensi a capo nudo esser baStante

Far ad Orlando quel, che in Aspramonte ’Egli già fece al [3in0 d’Agolante?

Anzi credo i0 , se le ’l vedessi a fronte,

Ne tremeresti dal capo a le piante ;

2. 36

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282 IMITATIONS.Non che volessi 1’ elmo, ma daresti

L’altre arme a lui di patte , che tu vesti.

Orl. fur. c. 12 , st. 43.Ainsi répond le comte avec un sourire amer: Tu te flattois de triompher de

Roland , comme Roland triompha autrefois dans Apremont du fils d’Agolant.

Je crois bien plutôt que , le voyant à visage découvert, tu tremblerois de la tête

aux pieds; et , loin de lui ravir son casque , tu consentirois de lui abandonnerton armure toute entiere pour échapper à ses coups.

(Page 126. Rhésus, leur roi, fils d’Éionée, oc-

cupe le centre, etc. )Nec procul hinc Rhesi niveis tentoria velisAgnoscit lacrymans: primo quæ prodita somnoTydides multâ vastabat cæde cruentus:

Ardentesque avertit equos in castra , priusquanrFabula gustassent Trojæ Xanthumque bibissent.

AEneid. lib. 1 ,v. 473.Non loin, Énée gémit à la vue des tentes de Rhésus , remarquables par l’é-

clatante blancheur de leurs voiles plus brillants que la neige. Le fils de Tydées

fait un affreux carnage des troupes de ce roi, que livre entre ses mains le pre-mier somme dans lequel elles sont plongées. Ses vêtements sont teints de sang.

Il détourne les coursiers agiles de Rhésus , les emmene au camp des Grecs ,avant qu’ils aient goûté les pâtures de Troie , avant qu’ils se soient abreuvés des

ondes limpides du Xanthe.

(Ibid. J’ai vu ses coursiers...... aussi blancs quela neige, etc. )

Hæc ubi dicta dédit , rapidusque in tecta recessit,

Poscit equos , gaudetque tuens ante ora frementes :.Pilumno quos ipsa decus dedit01ithyia ;Qui candore nives anteirent, cursibus auras.

AEneid. lib. 12, v. 81.Il dit, rentre dans le palais , demande ses coursiers , se plaît à les voir expri-

mer leur ardeur par de hardis frémissements. Orithye donna autrefois à Pilum-

nus ces coursiers plus vites que les vents, plus blancs que la neige.

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CHANT x. 283(Page 128. Ils dorment accablés de fatigue ,

etc.)Tutta la gente alloggiar fece al bosco ,E quivi la posé pet tutto ’1 giorno,

Ma poi che ’l sol, lasciando il mondo fosco,

A la nutrice antica fe ritorno;Ed orsi , e capre, e serpi senza tosco ,E l’ altre fere ebbeno il cielo adorno ,

Che state erano ascose al maggior lampo;Mosse Rinaldo il taciturno campo.

E venne con Grifon , con Aquilante ,Con Vivian, con Alardo, e con Guidone,Con Sansonetto, a gli altri un miglio innante ,

A cheti passi, e senza alcun sermone,Trovô dormir 1’ ascolta d’ Agramante ,

Tutta 1’ uccise , e non ne fe un prigione;

Indi arrivé tra l’ altra gente Mora,

Che non fu visto , nè sentito ancora.

Orl. fur. c. 31, st. 50 et 51.Renaud loge sa troupe dans le bois. Quand le soleil, abandonnant la voûte

céleste, retourne à la mere commune , que les ours, les chevres , les serpents

sans poison , et les autres animaux qui ornent le firmament, et avoient fui de-vant une lumiere plus vive , ont reparu sur la voûte éthérée , Renaud se met en

marche à petit bruit , accompagné de Griffon , d’Aquilant , de Vivien , d’Alard,

de Guy , de Sansonnet, et des autres. Ils marchent à pas lents jusqu’à un mille

en avant. Ils trouvent la garde d’Agramant endormie , et la tuent toute entiere,sans faire un seul prisonnier. N’étant vus d’auCun , aucun n’étant averti de leur

arrivée , ils passent de là jusqu’au camp des Maures.

(Ibid. Fils de Tydée.... voilà ce guerrier. )Prior Hyrtacides sic 0re locutus :

Euryale , audendum dextrâ ; nunc ipsa vocat res.AEneid. lib. 9, v. 319.

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284 IMITATIONS.Le fils d’Hyrtacus adressant le premier la parole àson compagnon : Euryale ,

lui dit-i1, la fortune nous appelle; c’est ici que nous devons signaler notre cou-

rage.

( Page 129. Le sang ruisselle sur la terre. )Atro tepefacla cruore

Terra, torique madent.AEneid. lib. 9, v. 333.

La terre , les superbes tapis ( sur lesquels repose Rhamnès ) sont imbibés de

sang.

(Ibid. Tel un lion ayant pénétré dans une éta-

ble, etc.)Impastus ceu plena leo per ovilia turbans( Suadet enim vesana fames) manditque , trahitqueMolle pecus , mutumque metu : frémit 0re cruento.

AEneid. lib. 9 , v. 339.Tel un lion affamé, ayant pénétré dans une bergerie , égorge, entraîne la

muette et timide proie : sa gueule ensanglantée pousse d’affreux rugissements.

Qual lupo predatore all’ aer bruno

Le chiuse mandre insidiando aggira ,Secco 1’ avide fauci , e nel digiuno

Da nativo odio stimolato e d’ira.

Ger. lib. c. 19, st. 35.Tel un lion ravisseur, avide de sang, poussé par la faim qui le tourmente,

par sa rage , par sa férocité naturelle , caché sous les voiles de la nuit , tourne

autour des étables , les assiege , fait effort pour rompre la clôture qui s’oppose au

courroux qui l’enflamme. ’Corne la tigre , poi ch’ in van dîscende

Nel voto albergo , e per tutto s’aggira,

E i cari Egli a 1’ ultimo comprende

Esserle tolti; avvampa di tant’ ira -,

A tante. rabbia, a tal furor s’ estende,

Che nè a monte, nè a rio , ne a notte mira;

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CHANT x. 285Nè lunga via, nè grandine raffrena ,

k L’ odio, che dietro al predator la mena.

Orl. fur. c. 18, st. 35.Telle une tigresse , de retour dans son antre qu’elle trouve vuide , tourne de

tous côtés, cherchant ses petits qu’elle aime tendrement : reconnoissant enfinqu’ils lui ont été. ravis , elle s’enflamme d’un tel courroux, sa rage est si forte ,

sa fureur est si extrême , que ni les montagnes , ni les précipices , ni les torrents ,

ni l’obscurité de la nuit, ni la longueur du chemin, ni la grêle , ni la tempête,

ne peuvent l’arrêter; sa haine effrénée la fait voler sur les pas du ravisseur.

( Ibid. Le roi des Thraces tombele treizieme......il dort, etc.)

Sic memorat, vocemque premit: simul euse superbumRhamnetem aggreditur, qui, fortè tapetibus altisExstructus , toto proflabat pectore somnum.

i AÉneid. lib. 9, v. 324.Il dit ; et s’avançant en silence, il perce , de son glaive , l’orgueilleux Rham-

nés , qui, couché mollement sur de pompeux tapis , ronfloit profondément.

(Page 130. Magnanime fils de Tydée..... songeà ton retour. )

Breviter cùm taliaNisus z

Absistamus, ait : nam lux inimica propinquat.AEneid. lib. 9 , v. 353.

Appellant son compagnon : ........ Mettons fu1 au carnage , lui dit Nisus; lalamiere ennemie approche;

(Ibid. Apollon à l’arc d’argent...... éveille le plus,

sage des Thraces, etc. )At non-hæc nullis hominum sator atque deorumObservans oculis, summo sedet altus Olympo.Tyrrhenum genitor Tarchonem in prælia sæva

- Suscitat, et stimulis haud mollibus incilat iras.AlÎneid. lib. 1 1 , v. 725.

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286 IMITATIONS.Assis au sommet de l’Olympe , le pere des dieux et des hommes voit cet horri-

ble carnage; il appelle au combat le tyrrhénien Tarchon , excite son courrouxpar les pointes aiguës de la douleur qu’il enfonce dans son cœur.

N ec minor in castris luctus, Rhamnete repertoExangui, et primis unâ tot cæde peremptis.

AEneid. lib. 9 , v. 452.Le trouble n’est pas moindre dans le camp ennemi à la vue de Rhamnès mort ,

à la vue du carnage des premiers de la nation.

Jam sole infusa, jam rebus luce retectis ,Tumus in arma viras , armis circumdatus ipse ,Suscitat.

AEneid. lib. 9 , v. 461.

Le soleil , dardant ses rayons sur la terre , découvre aux Latins cet aflreux car-

nage. Couvert d’armes étincelantes , Tumus éveille les siens , les appelle au

combat.

(Page 131. O mes amis.... un bruit de chevauxqui courent avec rapidité a frappé mon oreille.)

O friands, I hear the tread of nimble feetHasting this way , and now by glimps discemIthuriel and Zephon through the shade.

Parad. lest , boa: 4.Amis , j’entends un bruit de pieds légers; on vient à nous : Ithuriel et Zéphon

brillent d’un assez grand éclat pour que je les reconnaisse.

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CHANT’XI.

( PA G r. 137. L’Aurore sortoit du lit duvieux Ti-thon , etc. )

Et jam prima novo spargebat lumine terrasTithoni croceum linquens Aurora cubile.

AEneid. 111.. 4, v. 584.

Déja l’Aurore, quittant le lit safrané du vieux Tithon , versoit ses rayons sur

la terre.

(Page 1 40. Hector porte de tous côtés son écla-

tant bouclier , etc. )Ipse agmine Pallas

In media, chlamyde et pictis conspectus in armis;Qualis , ubi oceani perfusus Lucifer undâ,

Quem Venus ante alios astromm diligit igues ,Extulit os sacrum cœlo , tenebrasque resalvit.

AEneid. lib. 8, v. 587.Au centre de la phalange , Pallas , remarquable par sa luisante cuirasse , par

. son armure de diverses couleurs , brille du même éclat que l’astre du matin ,que0Vénus préfere à tous les célestes flambeaux, lorsque, s’étant baigné dans

les flots de l’océan , il éleve sur l’horizon sa tête sacrée et dissipe les ténebres.

( Ibid. Tels les Troyens et les Grecs , semblablesà des loups affamés, etc. )

Cædebant pariter, pariterque ruebantVictores victique : neque his fuga nota , neque illis.

AEneid. lib. 1o , v. 756.Tour à tour vainqueurs et vaincus , les guerriers des deux armées fondent

l’un sur l’autre, se provoquent, se poussent : aucun ne cannoit la fuite hon-

teuse.

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288 IMITATIONS.(Ibid. La Discorde jouit du carnage... . .)

Sævit media in certamine MavorsCælatus ferra , tristesque ex æthere Diræ ;Et scissâ gaudens vadit Discordia pallâ ,

Quam cum sanguineo sequitur Bellona flagella.AEneid. lib. 8 , v. 700.

Mars , hérissé de fer, exerce ses fureurs : descendues de la voûte éthérée , de

tristes furies l’accompagnent. La Discorde , qui se complaît dans sa tunique

déchirée et sanglante, précede le dieu de la guerre ; Ballone la poursuit , armée

d’un fouet ensanglanté.

Pallida Tisiphone media inter millia Sævit.AEneid. lib. 10, v. 761.

La pâle Tisiphone exerce ses fureurs sur des milliers de guerriers.

( Page 142. Agamemnon vole à sa rencontre , lefrappe dans le front, etc.)

111e securi

Adversi frontem mediam mentumque reductâDisjicit , et sparso latè rigat arma cerebro.

AEneid. lib. 12 , v. 306.(Podalire ) Ieve sa hache , frappe ( Alsus )au milieu du front : l’arme meur-

triere pénetre jusqu’au menton ; la moelle , qui emplit la cavité du crâne, se,

répand sur ses armes qu’elle souille.

(Ibid. Il marche contre Isus et Antiphus. )Interea bijugis infert se Lucagus albis

In medias , fraterque Liger : sed frater habenisFlectit equos ,I strictum rotat acer Lucagus ensem.Haud tulit AEneas tanto fervore furen tes :Irruit , adversâque ingens apparuit hastâ.

AEneid. lib. 10 , v. 575.

Sur un char attelé de deux coursiers blancs , Lucague et son frere Liger en-trent dans la mêlée. Liger manie les rênes ; Lucague agite le glaive flamboyant.

Enée ne souffre pas cette fureur insensée: armé du javelot, il s’élance contre

ces deux freres.

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CHANT x1. 289(Page 145. Ainsi, lorsque les souffles impétueux

des vents...... les troncs, les branches épaisses.....tombent avec fracas. )

Ac velut, optatô ventis æstate coortis ,

Dispersa immittit sylvis incendia pastor;Correptis subito mediis, extenditur unàHorrida per latos acies vulcania campos.

AEneid. lib. 1o, v. 405.Ainsi, dans les jours d’été , le pasteur se réjouit à la vue de la flamme qu’il a

répandue dans les campagnes: les vents, qui s’élevent et se précipitent avec

impétuosité , s’engouffrent dans les arbres touffus: la puissance de Vulcain s’é-

tend sur les terres qu’elle desseche.

Tel, sur les monts glacés des farouches Gelons,

Tombe un chêne , battu des voisins aquilons ;Ou tel, abandonné de ses poutres usées ,

Fond enfin un vieux toit sous ses tuiles brisées.

Boileau , Lutr. c. 4.

(Page 147. Hector..... je t’apporte les ordres de

Jupiter. )Ipse deûm tibi me Clara demittit Olympo

Regnator , cœlum et terras qui numine torquet:Ipse hæc ferre jubet celeres mandata per auras.

AEneid. lib. 4 , v. 268.Le dieu qui regne sur l’Olympe , qui ébranle et régit par sa volonté suprême

et le ciel et la terre , me députe vers toi, du sommet de la sainte montagne. Parses ordres , j’ai fendu , avec rapidité, le vague de l’air.

(Page 1 48. A peine les nœuds de l’hymen étoient

formés. )Nè te, Altamoro, entra al pudico lettoPatuto ha n’tener la sposa amata.

2. 37

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290 IMITATIONS.Pianse, percosse il bionda crine e ’l petto

Per distornar la tua fatale andata.Ger. lib. c. 17 , st. 26.

Altamore , une épouse chere à ton cœur ne put te retenir dans le chaste lit

(le l’hymen. Elle pleure , arrache ses blonds cheveux , meurtrit et son seinet ses joues , fait effort pour te détourner de cette fatale entreprise.

Un seul guerrier s’oppose à ses coups menaçants :

C’est un jeune héros à la fleur de ses ans,

Qui, dans cette journée illustre et meurtriere ,Commençoit des combats la fatale carriere.D’un tendre hymen à peine il goûtoit les appas;

Favori des Amours , il sortoit de leurs bras,Honteux de n’être encor fameux que par ses charmes r

Avide de la gloire , il voloit aux alarmes.Ce jour, sa jeune épouse , en accusant le ciel,

En détestant la ligue et ce combat mortel,

Arma son tendre amant, et d’une main tremblanteAtt’acha tristement sa cuirasse pesante ,

Et couvrit, en pleurant, d’un casque précieux,

Ce front si plein de grace , etsi cher à ses yeux.Il marche vers d’Ailly dans sa fureur guerriere ,

Parmi des tourbillons de flamme et de poussiere

a o o e a a a a c . a v v ç r. . . . . . . Ledémondelaguerre,La mort pâle et sanglante , étoient à ses côtés.

Henriade, c. 8.

(Page 149. Infortuné! il s’endort dans l’éter-

nelle nuit. ).NB. Le grec porte : Ainsi tombant, il dormit d’un sommeil d’airain.

Olli dura quies oculos et ferreus urget

Somnus ; in æternam clauduntur lumina noctem.AEneid. lib. 1o , v. 745.

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CHANT x1. 291Un dur repos, un sommeil de fer s’appesantit sur ses yeux; ils se ferment

pour l’éternelle nuit.

Cade ; e gli occhi, ch’ appena aprir si panna,

Dura quiète preme e ferreo sonna.Ger. lib. C. 3, st. 45.

Il tombe; un dur repos, un sommeil de fer s’appesantit sur ses yeux, qu’à

I peine il peut entr’ouvrir.

( Page 155. Hector tombe sur ses genoux; trou-blé , il appuie sa main contre la terre, etc. )

Substitit AEneas, et se collegit in arma ,Poplite subsidens.

AEneid. lib. 12 , v. 491.Énée s’arrête , se rassemble sans les armes , s’affermit sur ses jarrets.

(Page 158. Tels de jeunes dogues se pressentautour d’un énorme sanglier, etc. )

Ac velut ille canum morsu de montibus altis

Actus aper, multos Vesulus quem pinifer annosDefendit , multosque palus Laurentia, sylvâ

Pascit amndiueâ; postquam inter retia ventum est,Substitit , infremuitque ferox, et inhorruit armas;Nec cuiquam irasci propiùsve accedere virtus ,Sed jaculis tutisque procul clamoribus instant;111e autem impavidus partes cunctatur in omnes,Dentibus infrendeus , et tergo decutit hastas :Haud aliter , justæ quibus est Mezentius iræ ,

Non ulli est animus stricto concurrere ferra;Missilibus longé et vasto clamore lacessunt.

AEneid. lib 1o , v. 707.

Tel , au sommet des montagnes , un sanglier, forcé par les morsures des li-miers , d’abandonner la bauge qui le défendit long-temps , tandis qu’il se tenoit

caché dans l’épaisse forêt de pins qui couronne le Vesule , ou dans les fanges

du marais Laurentin qui le nourrirent, exhale sa fureur de se voir engagé dans

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292 IMITATIONSles toiles; l’air retentit de ses gémissements; ses soies se hérissent; les chas-

seurs le poursuivent à grands cris et l’accablent de traits , aucun n’ose l’appro-

cher ;x inaccessible à la crainte , frémissant de rage , il développe l’émail de ses

dents , secoue les javelots enfoncés de tous côtés dans le cuir épais qui le cou-

vre , fait effort pour échapper : ainsi les Tyrrhéniens provoquent Mézence par

leurs cris, par les javelots qu’ils lancent sur lui ; et cependant , malgré la juste

haine qu’ils lui portent , aucun n’ose s’engager contre ce héros dans un péril- v

leur: combat.

(Page 160, Fils du sage , du vaillan tHippasius. . . .)Heu 1 terrâ ignotâ, canibus data’præda latinis ,

Alitibusque , jaces!AEneid. lib. 9, v. 485.

(Euryale ) destiné à devenir la pâture des chiens et des vautours , tu expires

sur une terre qui te fut inconnue l

Istîc nunc, metuende , jace : non te optima mater

Condet humi , patriove onerabit membra sepulcro.AEneid. lib. 10, v. 557.

Terrible ennemi, tombe en ce lieu; ta tendre mere ne t’enfermera point dans

le sépulcre de tes peres.

(Page 162. Tel un torrent débordé , etc. )Non sic , aggeribus ru ptis cùm spumeus amnis

Exiit , oppositasque evicit gurgite moles,F ertur in arva furens cumula , camposque per omnesCum stabulis armenta trahit.

AEneid. lib. 2 , v. 496.Plus rapide qu’un fleuve débordé , qui, ayant rompu ses digues , furieux, se

répand dans les campagnes , entraînant et les bœufs et les étables.

Qual gran sassa talor, che o la vecchiezzaSalve d’ un monte , o svelle ira de’ venti,

Ruinoso dirupa: e porta , e spezzaLe selve , e con le case anco gli armenti.

Ger. lib. c. 18 , st. 82.Tel un énorme rocher que le temps au la fureur des vents ont détaché de la

montagne , roule ruineux dans la vallée , déracinant, entraînant les forêts, les.

troupeaux et les pâtres.

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CHANT x1. 293Non cosi freme in su lo scoglio Alpino

Di ben fondata rocca alla parete,Quando il fierI’ di Borea , e di Garbino

Svelle da i monti il frassino, e 1’ abete;

Corne freme d’ orgoglio il Saracino.

Orl. fur. c. 18, st. r 1.La haute muraille d’un rocher des Alpes , déracinée jusques dans ses solides

fondements par la fureur de Borée ou du vent d’ouest, entraînant dans sa chûte

et les chênes et les hêtres , n’éclate pas avec autant de fracas que l’orgueil de ce

fier Sarrasin.

(Page 164. Tels de vigoureux limiers et d’intré-

pides pasteurs , etc. )Ceu sævum turba leonem

Cùm relis premit infensis; at territus ille,

Asper, acerba tuens, retro redit, et neque tergalIra dare aut virtus patitur; nec tenderie contrà ,Ille quidem hoc cupiens , potis est per tela virosque:Haud aliter retro dubius vestigia TumusImproperata refert, et mens exæstuat irâ.

AEneid. lib. 9, v. 792.Ainsi, tandis qu’une troupe de chasseurs accable de traits un lion cruel;

effrayé , mais terrible , lançant de tous côtés des regards furieux , il recule lente.

ruent ; le courroux qui l’enflamme ne lui permet pas de fuir; la honte l’arrête ;

et toutefois il n’ose , malgré son desir , affrontant la grêle de traits qui fondent

sur lui, s’élancer sur la foule d’ennemis qui l’environnent: tel Tumus , incer-

tain du parti qu’il doit prendre , recule à pas lents; le courroux vit dans son

cœur. »Con qual romor la setolosa frotta

Correr da monti suole, o da campagneSe ’l lupo uscito (li nascosa grotte ,

O l’orso sceso a le rninor montagne ,

Un tener perco preso abbia talotta ,Che con grugnito, e gram stridor si lagne :

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294 IMITATIONS.Con tal lo stuol barbarico era mossoVerso il conte, gridando : A dosso, a dosso.

Lance , saette, e spade ebbe l’usbergo

A un tempo mille, e Io scudo altrettante ;Che gli percote con la mazza il tergo ,

Chi minaccia da lato , e chi davante.Ma quel, ch’ al timor mai non diede alberge ,

Estima la vil turba , e l’ arme tante,

Quel, che dentro a la mandra, a l’aer cupo,Il numer de l’agnelle estimi il lupo.

Orl. fur. c. 12 , st. 77 et 78.

Avec autant de fracas qu’une troupe de limiers poursuit, sur les monts et

dans les plaines, un loup sorti de sa retraite obscure, ou un ours descendu desmontagnes moins élevées, emportant un jeune porc qui grogne et se plaint;avec autant d’ardeur la troupe des barbares pourSuit (Roland ) , criant: Alerte !

alerte ! Mille javelots , mille fleches , mille épées , se brisent contre son casque,

mille s’enfoncent dans son bouclier : celui- ci le frappe par deniere de sonénorme massue ; celui -là se dispose à enfoncer le glaive dans son flanc; unautre est prêt à le percer dans la poitrine. Cependant la terreur n’a point accès

dans son ante: il regarde, d’un œil aussi tranquille, les vains eEorts de cettevile troupe et les armes dont elle est hérissée , qu’un loup qui a pénétré dans

une étable pendant l’obscurité de la nuit, dédaigne le nombre des brebis qui

y sont renfermées.

(Page 165. Ainsi, malgré les bâtons...... un âne

recule, etc. )Qual perle selve Nomadi, o MassileCacciata va la generosa Belva ,Ch’ ancor fuggendo mostra il cor gentile ,

E minacciosa, e lenta si rinselva;Tal Rodomonte , in nessun’ atto vile ,

Da strana circondato, e fiera selvaD’ aste , e di spade, e di volanti dardi,

Si tira al fiume a passi lunghi, e tardi.

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CHANT x1. 295E si tre volte , e più l’ira il sospinse ,

Ch’ essendone già firor vi torno in mezzo;

Ove di sangue la spada ritinse ,E più di cento ne levô di mezzo.

Orl. fur. c. 18 , st. 22 et 23.Tel, dans les forêts de la Tartarie , ou dans les déserts de l’Afrique , un zebre ,

chassé de l’asyle où il se tenoit renfermé , montre, même en fuyant, un cœur

généreux; il s’enfonce, à pas lents , dans la forêt, menaçant l’ennemi qui le

poursuit : ainsi Rodomont, entouré de cette nue de piques , d’épées , de dards ,

de javelots , ne peut se résoudre à une fuite honteuse. ll s’approche lentement

des rives du fleuve. Trois et quatre fois il suspend les effets de son courroux.Hors de danger, il se retourne , fond sur l’ennemi, teint son glaive de sang, enprécipiteplus de cent dans les sombres demeures.

( Page 179. Il dit;let soulevant dans ses bras lepasteur des peuples , etc. )

Apre Tancredi gli occhi , e poi gli abbassaTorbidi e gravi: ed ella pur si lagna.Dice Vafrino a lei: Questi non passa;

’ Curisi adunque prima, e poi si piagna.

Egli il disarma : ella tremante e lassaForge la mano all’ opere compagna.

Mira, e tratta le piaghe , e di feruteGiudice esperta , spera indi salute.

Vede che ’l mal dalla stanchezza nasce,

E dain umori in troppa copia sparti.Ma non ha , firor che un velo , onde gli fasceLe sue ferite in si solinghe parti.Amor le trova inusitate fasce ,E di pietà le insegna insolite arti :

Le asciugb con le chiome , e rilegollePur con le chiom e che troncarsi volle;

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296 IMITATIONS.Perocchè ’l velo suo bastar non puote ,

Breve e sottile, alle si spesse piaghe.Dittamo e croco non avea; ma notePer uso tal sapea potenti e maghe.Già il mortifero sonno ei da se scuote :Già pub le luci alzar mobili e vaghe.

Vede il suo servo , e la pietosa donnaSopra si mira in peregrina gonna.

Ger. lib. c. 19,st. 1:1,112et 113.Tancrede souleve ses mourantes paupieres , et soudain il les abaisse. ( Her-

minie ) en pleurs , est à ses côtés. Il n’est pas mort, s’écrie Vafiin: songeons à

le guérir; nous pleurerons ensuite. Ildit , et le désarme. Herminie , tremblante ,épuisée , met la main à l’œuvre. Savante dans l’art de panser les blessures, elle

les manie, en sonde la profondeur. L’espoir renaît dans son cœur: elle recon-

noit que la fatigue , et le sang écoulé avec trop d’abondance, sont les seules

causes de la foiblesse de son amant. Elle n’a , dans ces lieux solitaires , que son

voile pour bander les plaies de Tancrede ; l’amour et la pitié lui enseignent’cet

appareil inusité. Ses cheveux , qu’elle coupe , lui servent à étancher le sang , et

suppléent à l’insuffisance du voile léger. Elle n’a ni dictame ni safran; mais

elle emploie des paroles magiques qu’un long usage lui a apprises: ainsi elle dis-

sipe le sommeil morbifere de son amant. Tancrede ouvre ses yeux flottants ,égarés: il voit, près de lui, son fidele écuyer, et admire la tendre compassion

de cette étrangere , qui, penchée sur lui , est occupée à panser ses plaies.

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CHANT XII.( Pa G E 184. Et le Simoïs, roulant dans leurs flotsles boucliers , les casques, etc. )

Ubi tot Simoïs correpta sub undisScuta virûm, galeasque , et fortin corpora volvit.

AEneid. lib. 1 , v. 104.

.NB. Le latin est la traduction littérale du texte grec.

(Page 185. Hector...... aussi rapide que la tem-pête. Semblable à un sanglier ou à un lion, etc. )

Ut fera, quæ densâ venantûm septa coronâ

Contra tela furit, seseque baud nescia rnortiInjicit, et saltu supra venabula fertur:Haud aliter juvenis medios moriturus in hostesIrruit; et, quà tela videt densissima, tendit.

AEneid. lib. 9, v. 551.Avec une fureur égale à celle d’une bête féroce , qui, environnée d’une

troupe nombreuse de chasseurs, s’irrite des traits qui fondent sur elle de touscôtés; certaine de mourir, elle franchit les toiles d’un saut rapide, et s’offre

elle-même aux javelots de l’ennemi : tel le jeune ( Hélénor ) , certain de succom-

ber , se précipite au milieu des traits des Latins , où le danger est plus grand , où

les traits sont plus serrés.

As when a prowling wolf,VVhom hunger drives to seeK new haunt for prey ,

VVatching where shepherds pen their flocxs at eveIn hurl’d cotes amid the field secure ,

Leaps o’er the fence with ease into the fold.

i Parad. lost, boox4.Un loup dévorant , à qui la faim fait chercher de quoi la satisfaire , ayant ob-

servé les parcs fermés de claies , dans un champ que les bergers croyoient sûr,

franchit aussi légèrement les claies , saute au milieu du parc.

2. t 38

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298 IMITATIONS.(Page 190. Ainsi résonne, sous les coups redou-

blés des Troyens, l’airain luisant, etc. )It clamer totis pet propugnacula muris :

Intenduut acres arcus, amentaque torquent zSternitur onme solum telis : tum scuta, cavæqueDant sonitum flictu galeæ : pugna aspera surgit.

AEneid. lib. 9 , v. 664Les remparts retentissent des cris des assiégés , des cris des assiégeants. Tous

les arcs sont tendus; tous les javelots frappent à la fois les murailles ; la terreen est jonchée. L’horrible fracas des boucliers et des casques , frappés dans le

même instant, répand au loin la terreur: un affreux combat s’engage.

Injectis sic undique telisObruitur. Strepit assiduo cava tempera circùmTinnitu galea , et saxis solida æra fatiscunt.

AEneid. lib. 9 , v. 807.( Tumus ) est accablé des traits qu’on lance sur lui de toutes parts : son cas-

que retentit des coups de javelots qui l’atteignent. L’airain solide qui couvre le

roi des Rutules fléchit sous le poids des rocs qu’on précipite sur lui du haut

des murailles.

Telaque conjiciunt , proturbantque eminùs hostemMissilibus.

AEneid. lib. 10, v. 801.Une grêle de traits porte le trouble dans la phalange ennemie.

Fundunt simul undique telaCrebra , nivis ritu, cœlumque obtexitu’r umbrâ.

AEneid. lib. 1 1 , v. 610.

Les traits volent de tous côtés aussi serrés que la neige : l’éclat des célestes

flambeaux en est obscurci.

Grandine sembran le spesse saette ,Dal muro sopra gl’ inimici sparte,

Il grido in fin’ al ciel paura mette ,

Che fa la nostra , e la contraria parte.Orl. fur. c. 16, st. 19.

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CHANT XII. 299L’énorme quantité. de traits précipités du haut des murs ressemble à la grêle.

Les .cris que la peur fait jeter aux deux armées s’élevant jusqu’à la voûte éthérée.

(Page 193. Un prodige suspend leur ardeur. Unaigle, etc. )

thue volans altè raptum cùm fulva draconem

Fert aquila, implicuitque pedes , atque unguibus hæsit;Saucius at serpens sinuosa volumina versat ,Arrectisque horret squamis , et sibilat ore ,Arduus insurgens : illa baud minus urget obuncoliuctautem rostro , simul ælllera verberat alis.

AEneid. lib. 11, v. 751.

Ainsi, dans son vol rapide , un aigle enleve un énorme serpent, et franchitavec lui le vague de l’air. Enfermé dans les serres crochues de l’oiseau de Ju-

piter , le reptile furieux développe les vastes contours de sa queue immense : sesécailles se hérissent ; l’air retentit de ses sifflements. L’aigle ne s’effraie point

de ses cris impuissants; il enfonce son bec recourbé dans les flancs du reptile,et l’entraîne dans la nue.

Hic Jovis altisoni subito pinnata satelles ,

Arboris e trunco , serpentis saucia morsu ,Subjugat 1psa feris transfigens unguibus anguem

Semianimum , et variâ graviter cervice micantem ,

Quem se intorquentem lanians rostroque cruentans ,Jam satiata animos, jam duros ulta dolores ,Abjicit efflantem , et laceratum aflligit in unda ,

Seque , obitu a solis , nitidos convertit ad ortus.Cicero , de Divinatione , lib. 1.

Tel on voit cet oiseau qui porte le tonnerreBlessé par un serpent élancé de la terre z

Il s’envole , il entraîne au séjour azuré

L’ennemi tortueux dont il est entouré; ’

Le sang tombe des airs ; il déchire , il dévore

Le reptile acharné qui le combat encore;

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300 IMITATIONS.Il le perce; il le tient sous ses ongles vainqueurs ;Par cent coups redoublés il venge ses douleurs:

Le monstre , en expirant, se débat, se replie;Il exhale en poisons le reste de sa vie ;Et l’aigle , tout sanglant, fier et victorieux ,

Le rejette en fureur , et plane au haut des cieux.Voltaire, préface de Catilina.

(Page 195.11 dit, et marche à la tête des siens...)En, ait: et jaculum intorquens emittit in auras,Principium pngnæ , et campo sese arduus infert.

Clamore excipiunt socii , fremituque sequunturHorrisono.

AEneid. lib. 9 , v. 52.Il dit; et imprimant à son javelot un mouvement rapide par les cercles qu’il

lui fait décrire , il le lance dans l’air , signal du combat, et marche d’un pas

ferme vers son camp. Ses compagnons applaudissent , et le suivent avec des cris

qui portent au loin la terreur.

(Page 196. Les Troyens battent à coups redou-blés la haute muraille, etc. )

On saisit , on reprend par un contraire effortCe rempart teint de sang, théâtre de la mort.

Dans ses fatales mains , la Victoire incertaineTient encor près des lis l’étendard de Lorraine.

Les assiégeants, surpris , sont par-tout renversés ,

Cent fois victorieux et cent fois terrassés :Pareils à l’océan, peussé par les orages ,

Qui couvre à chaque instant et qui fuit ses rivages.Henriade , c. 6.

( Page 198. Glaucus..... pourquoi sommes-nousresPectés par-dessus tous les Lyciens P etc. )

But I should ill become this throne , o Peers,And this impérial sov’reignty , adom’d

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CHANT x11. 301With splendor, arm’d with pow’r, if ought propos’d

And judg’d of public moment, in the shape

Of difficulty or danger could deterMe from attempting. Wherefore do IassumeThese royalties, and not refuse to reign,Refusing to accept as great a slrare

thazard as of honor, due aliseTo him who reigns , and so much to him duethazard more , as he above the restHigh honor’d sits?

Parad. lost, boox 2.Compagnons,je serois indigne de ce trône , de cet empire , qu’arme la force ,-

que la splendeur accompagne , si quelque apparence de difficulté et de périlétoit capable de m’empêcher d’entreprendre ce qui a été proposé et décidé ,

comme important au bien public. Quoi! j’aurois reçu ces marques de dignité ,

je serois honoré du titre de roi, et je refuserois de prendre sur moi la plus grande

part des périls, qui , plus encore que celle des honneurs , est due à celui quirogne l

(Page 199.Ô mon ami, si la fuite des périls de la

guerre, etc. ) L;Stat sua cuique dies, breve et irreparabile tempusOmnibus est vitæ ; sed famam extendere factis ,

Hoc virtutis opus.AEneid. lib. 10 , v. 467.

Le jour qui doit terminer la vie de chaque homme est réglé par le Destin:le temps en est court pour tous , la perte irréparable. Mais étendre sa renommée"par ses exploits , c’est l’ouvrage de la vertu.

(Page 202. TeuCer apperçoit Glaucus........ ),Il primo cavalier ch’ ella piagasse

Fu 1’ erede minor del regev Inglese.

Da’ suoi ripari appena il capo ei trasse ,.

Che la mortal percossa in lui discese.Ger. lib. c: 11 , st. 42..

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302 IMITATIONS.Le premier des chevaliers qu’elle frappe ( Clorinde) , c’est le jeune héritier

du royaume d’Angleterre. A peine il découvre sa tête au-dessus de son bou-

clier, qu’il est atteint de la fleche meurtriere.

(Page 204. Les tours , les créneaux , sont teintsdu sang des Grecs, etc. )

Expellere tenduntNunc hi, nunc illi z certatur limine in ipsoAusoniæ.

AEneid. lib. Io, v. 354.Les deux armées se provoquent, se poussent : ils combattent sur le seuil de

l’Ausonie.

(Ibid. Comme les bassins suspendus au fléaud’une balance, etc. )

Cùm femina primùm ,

Cui tolerare colo vitam , tenuique Minervâ .,

lmpositum cinerem et sopitos suscitat igues ,Noctem addeus operi , famulasque ad lumina longeExercet penso, castum ut servare cubile

Conjugis, et possit parvos educere matos.AEneid. lib. 8 , v. 408.

A l’heure à laquelle une femme laborieuse , à qui les fuseaux et les arts de

-Minerve foumissent ce qui est nécessaire à ses besoins , pour conserver chaste le

lit de son époux et élever les tendres fruits de son hymen , donnant à son ouvrage

une portion de la nuit, ranime le feu caché sous la cendre , allume une lampe ,dont la pâle lumiere éclaire son attelier , et distribue la tâche à ses esclaves.

(Page 205. Tous, armés de longsjavelots....)Accelerant actâ.pariter testudine Volsci , I lEt fossas implere parant, ac vellere vallum.Quærunt pars aditum, et scalis ascendere muros ;Quà rara est acies, interlucetque coronaNon tain spissa viris. Telorum effundere contrà

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CHANT x11. 3030mne genus Teucri , ac duris detrudere contis ,Assueti longo muros defendere bello , etc.

AEneid. lib. 9, v. 505.Les Volsques arrivent formant la tortue. Ils se disposent à combler les fossés.

Partie cherche des yeux quelle portion de la muraille est défendue par des troupes

moins nombreuses, moins serrées : ils y appliquent les échelles. Accoutumés

par une longue expérience à défendre des remparts , les Troyens les repoussent

avec de longs épieux , et font pleuvoir sur eux une grêle de traits.

E (li macchine e d’ arme han pieno innante

Tutto quel muro a cui soggiace il piano.E quinci ,l in forma d’ orrido gigante ,

Dalla cintola in su sorge il soldano;Quiudi tra’ marli il minaccioso Argante

Torreggia, e discoperto è di lontano :E in su la torre altissima angolare,

Sovra tutti, Clorinda eccelsa appare.Ger. lib. 11, st. 27.

La muraille qui domine surla plaine est couverte d’armes et de machines. Ici ,

semblable à un énorme géant, Soliman se montre à découvert jusqu’à la cein-

ture. Là , on apperçoit , entre les creneaux , le redoutable Argant , qui , semblable

à une tout , l’œil en feu , menace les chrétiens. Clorinde paroit sur la tout la plusélevée , etc.

(Ibid. Saisissant un roc énorme , etc. )lnstat vi patriâ Pyrrhus; nec claustra , nec ipsiCustodes sufferre valent. Labat ariete crebroJanua, et emoti procnmbunt cardine postes.Fit via vi , etc.

AEneid. lib. 2, v. A91.

Héritier de la force de son pere, Pyrrhus presse le siege : ni les portes ni lesgardes ne peuvent l’arrêter. Les coups redoublés du bélier ébranlent les deux

vantaux; les gonds cedent enfm , la porte tombe; les Grecs s’ouvrent, par laforce , un passage ( dans le palais de Priam. )

In disparte giacea ( qual che si fosseL’ uso a cui si serbava ) eccelsa trave :

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304 IMITATIONS.Nè cosi alte mai, ne cosi grosse

Spiega l’ antenne sue Ligure nave.

Ver la grau porta il cavalier la mosse

Con quella man , cui nessun pondo è grave;

E recandosi lei di lancia in modo ,Urto d’ incontro impetuoso e sodo.

Restar non pub marmo o metallo innantiAl duro urtare, al riurtar più forte.Svelse dal sasso icardini sonanti :Huppe i serragli , ed abbattè le porte.Non l’ ariéte di far più si vanti,

Non la bombarda fulmine di morte.Perla dischiusa via la gente inonda ,Quasi un diluvio , e il vincitor seconda.

Ger. lib. c. 19, st. 36 et 37.Non loin étoit une poutre d’une grande élévation ( n’importe à quel usage elle

fut destinée ); les mâts qui soutiennent les antennes d’un vaisseau ligurien ne

sont ni si élevés , ni si pesants. ( Renaud ) s’en empare; il s’en sert comme d’un

javelot; et, de cette main pour laquelle aucun poids n’est lourd , il en frappela porte à grands coups. Ni le marbre ni le métal ne résistent à ces chocs re-

doublés , dont la force prend un accroissement rapide. Les gonds sont arrachés

avec fracas , les serrures brisées, les portes abattues ; le belier , la bombe qui,semblable à la foudre , porte la mort sur nos têtes , n’ont pas des effets si sûrs

ni si prompts. L’armée chrétienne , semblable à un déluge , afflue par ce passage

qui lui est ouvert , et seconde le vainqueur.

FIN DU TOME SECOND.

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l

il

TABLE.C n A N T VI I. Combat singulier entre Ajax et le divin Hector.

Page 9.

C a A n T VI I I. Conseil des dieux. Les Troyens sont vainqueurs;Hector est comblé de gloire. 35.

C11 ANT IX. Ambassade à Achille. Inflexibilité du fils de Pélée. 67.

C n A N T X. Le fils de Tydée tranche la tête à Rhésus. 105.

Cu AN T XI. Les compagnons d’Hector défont les plus valeureuxde l’armée des Grecs. 137.

CH A n T XII. Les Troyens font breche à la muraille des Grecs. 1 83.:

Nous LITTÉRALES 11T ursroruquzs. 209.

NOTns ortocnarnrquas de M. Mentelle. 237.IMITATIONS D’HOMERE par les principaux poètes latins , italiens ,

fiançois et anglois. 253. i