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No 46 Études sur la dynamique, les structures et les conséquences des migrations, I Industrialisation, migration et population active à Mexico, 1930-1 970 v) a, CII O O VI v) 4) O c a, O v) a, U v) c a, - .I .I w E 8 2 P Q

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No 46 Études sur la dynamique, les structures et les conséquences des migrations, I Industrialisation, migration et population active à Mexico, 1930-1 970

v) a, CII O O VI v) 4) O c a, O v) a, U v) c a,

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2 P Q

RAPPORTS ET DOCUMENTS DES SCIENCES SOCIALES

Les rapports et documents du Centre d’information de sciences sociales sont destinés à fournir un matériel documentaire à un public restreint de spécialistes, au fur et à mesure de l’exécution du programme de l’Unesco dans le domaine des sciences sociales. Il s’agit soit de rapports concernant le programme ordinaire de l’Unesco et ses programmes opérationnels d’aide aux Etats membres soit de documents fournissant des renseignements sous forme de bibliographies, répertoires et annuaires.

Le contenu de ces rapports et documents engage la seule responsabilité de leurs auteurs dont les opinions ne reflètent pas nécessairement celies de l’Unesco.

Les documents publiés par le Centre d’information de sciences socides paraissent sans périodicité stricte. Sont actuellement disponibles :

SS/CH

SSKH

SS/CH 11 - Répertoire international d’institutions qui s’oc- cupent d’études de population (bilingue : français/ anglais), 1959.

5 - Coopération internationale et programmes de dive- loppement économique et social (bilingue : français/ anglais), 196 1.

7 - Répertoire international des instituts d’enquête sociale par sondages (en dehors des Etats-Unis d’Amé- rique) (bilingue : français/anglais), 1962.

SS/CH 18 - Activités cn matière de sciences sociales de certaines académies de sciences d’Europe orientale, 1963.

SS/CH 19 - La modification des attitudes. Inventaire et biblio- graphie de certains travaux de recherche, 1964.

SS/CH 20 - Répertoire international des centres de recherche sociologique (en dehors des Etats-Unis d’Amérique) (bilingue : français/anglais), 1964.

SS/CH 21 - Les organisations internationales de sciences sociales. Edition revis& avec une introduction de T. H. Marshall (bilingue : français/anglais), 1965.

SS/CH 22 - Institutions effectuant des travaux dans le domaine de la planification économique et sociale en Afrique (bilingue : français/anglais), 1966.

SS/CH 23 - Répertoire international des institutions spécialisées dans les recherches sur la paix et le désarmement, 1968.

SS/CH 24 - Guide pour l’établissement de centres nationaux de documentation en sciences sociales dans les pays en voie de développement, 1969.

SS/CH 25 - Les données écologiquesdans la recherche comparée : Compte rendu d’un premier séminaire in ternational de confrontation de données, 1970.

SS/CH 26 - Archives de données de sciences sociales : Objectifs, fonctionnement et problèmes, 1973.

SS/CH 27 - DARE Système de dépistage automatique des données pour les sciences sociales et les sciences humaines de l’Unesco, 1973.

SS/CH 28 - Répertoire international des institutions de re- cherches sur la paix et les conflits, 1973.

SS/CH 29 - Le modèle de simulation de l’Unesco pour l’éduca- tion (ESM), 1974.

SS/CH 30 - Les indicateurs sociaux : problèmes de définition et de sélection, 1974.

SS/CH 31 - DARE - Système de gestion de données. SS/CH 32 - L’infrastructure des sciencessocialesen Asie, 1. 1976. SS/CH 33 - L’infrastructure des sciences socialesen Asie, II. 1978. SS/CH 34 - Quatre applications choisies du modèle de simulation SS/CH 35 - L’infrastructure des sciences sociales en Asie, 111. SS/CH 36 - La coopération interrégionale en sciences sociales, SS/CH 37 - Les indicateurs du changement économique et social SS/CH 38 - Indicateurs de la qualité de l’environnement et de SS/CH 39 - La couse aux armements et le désarmement : leurs SS/CH 40 - Dangers des armements modernes pour l’homme et SS/CH 41 - Effcts de l’exode rural sur le rôle et la condition SS/CH 42 - L’infrastructure des sciences sociales en Asie, IV. SS/CH

SS/CH 44 - Les programmes nationaux de jeunesse en Afrique axés sur l’emploi : situation, problèmes et perspec- tives.

de l’Unesco pour l’éducation.

1978.

1978.

et leurs applications, 1978.

la qbalité de la vie, 1978.

conséquences sociales et économiques, 1979.

son environnement. Bibliographie analytique, 1979.

de la femme en Amérique Latine.

1980. - La recherche sur la Paix.

43/49

.SS/CH 45 - Etude de faisabilité - Arkisyst. SS/CH 46 - Etudes sur la dynamique, les structures et les cons&

quences des migrations, industrialisations, migrations et population. Mexico (1930-1970).

\\ Études sur la dynamique, les structures et les conséquences des migrations, I Industrialisation, migration et population active à Mexico, 1930-1 970

Par Humbert0 Mufioz Orlandina de Oliveira Claudio Stern

ISBN 92-3-201855 - 1 Edition anglaise 92-3-101855-8 Edition espagnole 92-3-301855-5

Publié en 1982 par l’organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy - 75700 Paris Composé et imprimé dans les ateliers de l’Unesco O Unesco 1983 Printed in France

Industrialisation, migrations et population active à Mexico, 1930- 1970

par Humberto Mufioz, Orlandina de Oliveira et Claudio Stern*

Préface

Les “Etudes sur la dynamique, les structures et les consé- quences des migrations” présentent les conclusions d’un certain nombre de monographies par pays établies dans le cadre du programme de la Division de la population intitulé “Développement et promotion de la recherche sur la dyna- mique de la population”. Les recherches sur les migrations s’inscrivent de plus en plus dans le cadre plus large des perspectives du développement national, où il est extrê- mement important de mieux comprendre le phénomène généralisé des mouvements migratoires.

Le programme de recherche sur les migrations a d’abord pour but l’étude des variations des courants migratoires, de leurs causes et de leurs conséquences pour les régions d’origine et de destination. Abstraction faite du Mexique, les études déjà achevées portent sur les pays suivants : République arabe d’Egypte, Etats-Unis d’Amérique, République du Ghana, République italienne, République du Pérou, République-Unie du Cameroun et Royaume de Thailande ; d’autres sont en cours en Inde, en Mauritanie et au Nigéria. Certaines d’entre elles seront publiées dans la série des “Rapports &t documents de sciences sociales”.

La présente étude, réalisée par Humberto Mdoz, Orlandina de Oliveira et Claudio Stern, est une analyse des tendances migratoires à Mexico de 1930 à 1970. Cette

ville, qui s’est développée à un rythme extraordinaire au cours des dernières décennies, doit en grande partie son expansion à des migrations internes. Les déterminants des flux migratoires et leur incidence sur ses structures démo- graphiques ainsi que sur son marché du travail figurent parmi les questions examinées. Les auteurs se sont efforcés de comprendre le phénomène migratoire dans le contexte des interactions villes-campagnes de manière à tenir compte des aspects particuliers du processus de développement considéré. Les conclusions permettent de prédire un cer- tain nombre de tendances d’évolution et aident à mieux comprendre comment les migrants s’intègrent aux marchés urbains du travail.

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’Unesco.

* DI. Humberto Mufioz, Institut0 de Investigaciones Sociales de l’Université nationale autonome du Mexique (Mexico); DI. Orlandina de Oliveira, Centro de Estudios Sociol6gicos, El Colegio de México (México); Rofessor Claudio Stern, direc- teur du Centro de Estudios SociolOgicos, El Colegio de México, et Secrétaire exécutif du Programme de recherches sociales SUI la population de l’Amérique latine (PISPAL).

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Table des matières

Liste des tableaux .................................................................. 5

Listedescartes .................................................................... 7 Listedesgraphiqu es ................................................................. 8 Introduction ...................................................................... 9

1 . Migrations et urbanisation dans le contexte latino-américain .................................. 10 2 . Les migrations et l’évolution de la population active ........................................ 1 1 3 . L’analyse de cohortes, trait d’union entre l’évolution démographique et

les changements économiques ...................................................... 12 4 . L‘analyse sectorielle de la population active : comment relier les aspects économiques et

démographiques des inégalités urbaines ................................................ 13

Première partie : Les migrations vers Mexico : perspective historique ................................. 15 1 . Survivance des anciens modes de peuplement ............................................ 15 2 . Développement économique et changement social au Mexique. 1876.1970 ......................... 16 3 . Redistribution de la population mexicaine au X X e siècle ..................................... 20 4 . Incidence des migrations sur la croissance et sur la structure par âge et

par sexe de la population de Mexico .................................................. 21 5 . Evolution de la composition régionale de la population immigrée à Mexico ......................... 24 6 . Ebauche d’un modèle explicatif des différences régionales de volume

des flux migratoires à destination de Mexico ............................................. 30 7 . Evolutiori de la répartition sectorielle de la population active au Mexique et

àMexico, 1930.1970 ............................................................ 36

Deuxième partie : Migrations et marché du travail à Mexico ....................................... 39 1 . L’incidence des migrations internes sur la population active ................................... 39 2 . Mobilité professionnelle des effectifs masculins de migrants et d’autochtones ....................... 42 3 . Niveaux d’instruction et répartition professionnelle ........................................ 44 4 . Instruction scolaire et inégalités sociales ................................................ 47 5 . Formes d’organisation de la production et pauvreté en milieu urbain ............................. 49 6 . Hétérogénéité interne des branches d’activité ............................................ 51 7 . Influence de la syndicalisation sur les rénumérations ....................................... 51

Conclusions ...................................................................... 55 1 . Les migrations internes ........................................................... 55 2 . Industriaikation, migrations et population active .......................................... 57 3 . Perspectives d’évolution à court terme des migrations à destination de Mexico ...................... 59

Annexes : A . Caractéristiques de l’enquête sur les migrations à Mexico ..................................... 61 B . Aperçu géoéconomique des différentes régions du Mexique contemporain ......................... 65 C . Méthodes de calcul du poids relatif des diverses composantes de l’expansion

démographique de la ville de Mexico .................................................. 73 D . Classification des professions ....................................................... 75 E . Usure des cohortes : note méthodologique .............................................. 77 F . Régression multiple et variables supplétives ............................................. 83 G . Données des recensements de la population active : 1930, 1950,1970 ............................ 85 H . Variables utilisées dans le modèle de régression des différences régionales

de volume des flux migratoires à destination de Mexico ...................................... 87

Bibliographie ..................................................................... 91

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Liste des tableaux

1-1 Répartition de la population mexicaine par régions géo-économiques. 1900-1970 .................... 21 1-2 Solde des migrations inter-étatiques finales en 1950 et solde migratoire net entre

deux recensements. 1950-1960 et 1960.1970. chiffres récapitulatifs par région ...................... 21 1-3 Principaux courants migratoires interrégionaux. 1955-1959 et 1959-1970 ......................... 21 1-4 Poids respectif des éléments naturel. social et physique dans l’expansion démographique de

l’agglomération de Mexico. 1940-1970 ................................................ 22 1-5 Principales régions natales des migrants vivant à Mexico en 1970. classées suivant

le nombre fourni par chacune ...................................................... 25 1-6 Tendances migratoires suivant le type de région migratoire ................................... 26 1-7 Origine des migrants. selon la taiiie de la localité de naissance. par cohorte d’arrivée à Mexico ............ 26 1-8 Origine des migrants. selon le niveau de développement socio-économique de la région

natale. par cohorte d’arrivée à Mexico . Effectif total de migrants ............................... 26 1-9 Déterminants des différences régionales de volume des flux migratoires à destination

de Mexico. par cohorte d’arrivée . Effectif total de migrants ................................... 26 1-10 Déterminants des différences régionales de volume des flux migratoires à destination

de Mexico. par cohorte d’arrivée . Migrants d’origine rurale ................................... 33 1-1 1 Déterminants des différences régionales de volume des flux migratoires à destination

de Mexico. par cohorte d’arrivée . Migrants d’origine urbaine .................................. 33 1-12 Répartition par branche d’activité de la population mexicaine. 1930-1970 ......................... 3 4 1-13 Répartition de la population active par branche d’activité . District fédéral. 1930-1970 ................. 35 1-14 Taux de croissance annuel moyen par branches d’activité : District fédéral et Mexique. 1930.1970 ......... 35 1-15 Répartition de la population active par branches d’activité : Part du District fédéral dans l’ensemble

dupays. 1930.1970 ............................................................. 35 11-1 Répartition en pourcentage des effectifs transférés des cohortes d’entrants. selon le dernier

emploi antérieur . Mexico. 1930.1969 . Effectifs masculins .................................... 40 11-2 Répartition en pourcentage des effectifs. transférés et non.transférés. des cohortes d’entrants.

selon le type d’activité antérieure et le premier emploi à l’entrée . Mexico. 1930.1969 . Effectifs masculins .... 40 11-3 Répartition par branche d’activité des cohortes d’entrants. transférés ou non.transférés.

41 11-4 Répartition par branche d’activité des cohortes d’entrants transférés recrutés pour des emplois sans

qualification. selon le type d’emploi antérieur . Mexico. 1930.1969 . Effectifs masculins ................ 41 11-5 Répartition par génération des effectifs mobiles de la population masculine adulte (21-60 ans).

migrante et autochtone. selon le niveau du premier emploi . Mexico. 1970 (en pourcentage) .............. 4 3 11-6 Répartition des effectifs masculins de migrants et d’autochtones âgés de 21 à 60 ans. par catégorie

professionnelle . Agglomération de Mexico. 1970 (en pourcentage) .............................. 4 3 11-7 Durée moyenne de la scolarité et niveau moyen d’emploi selon la situation en matière de migration et

l’âge . Mexico. 1970 . Effectifs masculins ................................................ 44 11-8 Fraction de la variance des niveaux d’emploi des cohortes d’entrants expliquée par certaines caractéristiques .

Mexico. 1930.1969 . Effectifs masculins ................................................ 45 11-9 Moyenne des années de scolarité des cohortes d’entrants par catégorie professionnelle . Mexico. 1930.1969 .

Effectifs masculins .............................................................. 45 11-10 Durée moyenne de la scolarité des cohortes d’entrants transférés et non-transféréd répartis. selon

le premier emploi à l’entrée . Mexico. 1930.1969 . Effectifs masculins ............................. 46

recrutés pour des emplois sans qualification . Mexico. 1930-1969 (en pourcentage) . Effectifs masculins ......

5

11-1 1 Répartition en pourcentage des cohortes d’entrants transférés et non-transférés par catégorie d’emploi à l’entrée. Mexico, 1960-1969. Effectifs masculins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

11-12 Durée moyenne de la scolarité des migrants, par cohortes d’arrivée à Mexico et par groupes d’âge (actuels), par rapport à celle des autochtones (Population masculine et féminine). Mexico, 1970 . - . . . . . . . . . . . . . . . 48

11-13 Pourcentage de la variance de la durée de la scolarité des cohortes d’entrants expliqué par certaines caractéristiques. Mexico, 1930-1 969. Effectifs masculins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

11-14 Gains mensuels moyens et proportion de travailleurs indépendants dans certaines branches. Mexico, 1970. Effectifs masculins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

11-15 Niveaux moyens d’emploi, d’instruction et de rémunération par branche d’activité. Effectifs masculins . . . . . . 5 0 11-16 Répartition de la population active par groupes de rémunération et branches d’activité. Mexico, 1970.

Effectifs masculins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 0 11-17 Pourcentage de la variance des rémunérations expliqué par les niveaux d’emploi, l’instruction et

l’âge, selon la taille des entreprises et les branches d’activité. Mexico, 1970. Effectifs masculins . . . . . . . . . . . 5 2 11-1 8 Pourcentage de la variance des gains expliqué par la syndicalisation, selon la taille des entreprises et

les branches d’activité (corrigé en fonction de la profession, de l’instruction et de l’âge). Effectifs masculins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 2

A-1 Répartition par âge de la population de l’agglomération de Mexico, selon l’échantillon A effectif, l’échantillon A pondéré et les données d u recensement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 1

A-2 Coefficients de pondération utilisés pour charger l’échantillon de la phase B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3 C-1 Données destinées au calcul du poids relatif des composantes de la croissance

démographique de la ville de Mexico, 1940-1 970. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 E-1 Probabilités de survie, selon la période d’entrée et l’âge à l’entrée sur le marché du

travail de Mexico. Effectifs masculins. 1930-1970 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 E-2 Mexico. Répartition en pourcentage des cohortes d’entrée sur le marché du travail, selon l’âge à l’entrée.

Effectifs masculins. 1930-1969 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 E-3 Mexico. Répartition en pourcentage des cohortes d’entrée sur le marché du travail, selon la situation

du point de vue migratoire. Effectifs masculins. 1930-1969. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

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Liste des cartes

1- 1 1-2 1-3 1-4 1-5 1-6 B- 1 B-2 B-3 B-4 B-5

Mexique : Tendances des migrations interétatiques par région. 1950.1970 ......................... 17 Mexique : Principaux courants migratoires inter.régionaux. 1955-1 959 ........................... 17 Mexique : Principaux courants migratoires inter.régionaux. 1959-1970 ........................... 23 Répartition en pourcentage de la population immigrée à Mexico (1 970). selon l’origine régionale .......... 28 Répartition de l’effectif de la population immigrée à Mexico (1970). selon le région natale .............. 29 Tendances d’évolution de la répartition des migrations vers Mexico. selon le région natale ............... 33 Mexique : Divisions administratives et grandes régions géoéconomiques .......................... 66 Mexique : Orographie ............................................................ 67 Mexique : Hydrographie et trois grandes régions naturelles ................................... 68 Mexique : Grandes routes et villes principales ............................................ 70 Densité de la population par régions. 1950 .............................................. 71

Liste des graphiques

1-1 Redistribution régionale de la population mexicaine. 1900-1970 ............................... 22 1-2 Croissance de la population de Mexico. 1500-1970 ........................................ 22 1-3 Modèle d’interaction des facteurs déterminant les différences régionales de volume des flux

migratoires à destination de Mexico .................................................. 32 A-1 Banlieue et région de Mexico ....................................................... 62

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Introduction

La ville de Mexico est aujourd‘hui parmi les grandes villes du monde dont la croissance aura été la plus rapide. De trois cent cinquante d e habitants au début de ce siècle, elie passait à un million environ en 1930, cinq en 1960, huit en 1970 et près de quatorze en 1980. Cet accroissement numérique est allé de pair avec un

phénomène de concentration croissante de la population nationale dans la capitale, dont la part, qui n’était en 1900 que de 2,s pour cent s’établissait à 6,3 pour cent en 1930 et à 17 pour cent en 1970.

L’expansion démographique qu’a connue la capitale aura tenu pour une large part aux migrations internes. Celies-ci en ont en effet représenté 73 pour cent entre 1940 et 1950, 44 pour cent la décennie suivante et 46 pour cent entre 1960 et 1970. Sur l’ensemble de cette période, plus de quatre millions de personnes ont quitté leur lieu d’origine, tant dans les campagnes que dans d’autres villes, pour s’établir à titre permanent dans la capitale, moyennant quoi, en 1970, ces migrants de l’intérieur représentaient plus de la moitié de sa population adulte (vingt et un ans et plus).

Ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que des pro- jets de recherche de grande envergure ont été entrepris pour étudier les phénomènes démographiques et urbains dont le Mexique était le théâtre. Le présent rapport se fonde sur l’un de ces projets: “Migrations internes, structure professionnelle de la population et mobilité sociale dans l’agglomération de Mexico”, pour lequel avaient été utilisées des données provenant de diverses enquêtes effectuées au début des années 70, et, en particulier de l’enquête sur les Migrations intemes et les structures professionnelles à Mexico, menée sous les auspices du Centre d’études écono- miques et démographiques du Colegio de México et de l’Institut de recherche en sciences sociales de l’université nationale autonome du Mexiquel. Comme cette enquête comprenait des “fiches biographiques”, il a été ppssible de faire appel à l’analyse de cohortes, qui, complétée par l’utilisation de sources secondaires diverses, a permis de reconstituer le déroulement de ces processus au moins pour la période 1930-1970, durant laquelle le dévelop- pement économique s’est accéléré.

Dans une perspective contemporaine, il ne fait guèrre de doute que les mouvements de population et l’évolution de la population active à Mexico sont essentiellement fonction des caractéristiques propres au processus d’indus- trialisation du Mexique, qui a entraîné des changements tant dans la structure et la répartition de la population que dans les structures de production.

C’est pourquoi la première partie du présent rapport est consacrée aux divers aspects de ces transformations sociales à l’échelle natioqde. Tout d’abord, une esquisse

historique du processus de peuplement du pays et de son développement socio-économique récent a paru pouvoir fournir un cadre utile pour comprendre les liens existant entre les migrations internes et la transformation des structures de l’économie mexicaine. Deuxièmement, les phénomènes migratoires observés à Mexico sont remplacés dans le contexte des mouvements de redistribution de la population intervenus au Mexique depuis le début du XXe siècle et, plus concrètement, d’autres courants mi- gratoires internes importants qui ont marqué ces dernières décennies. Suivent une évaluation de l’importance relative des migrations pour la croissance de la capitale et ses structures démographiques au cours des trois dernières décennies et une analyse sommaire de l’évolution de la composition et des différences de volume des effectifs de migrants selon l’origine régionale. Enfin, cette première partie s’achève sur un bref aperçu des transferts intersec- toriels de population active intervenus dans l’ensemble de la population active du pays et à Mexico entre 1930 et 1970.

La seconde partie du rapport est d’abord axée sur l’incidence que les migrations internes ont exercée sur les effectifs de l’industrie et sur le développement du secteur tertiaire à Mexico au cours des dernières décennies. Ce sont les variations de la répartition professionnelle et sectorielle des cohortes de main-d’œuvre entrant sur le marché du travail de Mexico entraînées par les transformations de ses structures économiques, sociales et démographiques intervenues entre les années 1930 et 1960 qui ont été retenues pour montrer les effets que des processus sociétaux comme la croissance démographique, les migrations internes, l’évolution des structures de production et les changements éducationnels ont sur les structures de la population active de Mexico. La suite est consacrée à une analyse sommaire des inégalités de niveau professionnel et de rémunération, ainsi que du rôle joué à cet égard par l’enseignement de type scolaire, en liaison avec la segmentation du marché du travail et la croissance du secteur tertiaire à Mexico. Il s’agit ainsi de montrer que le contexte économique vane selon les branches d’activités et leur structure interne (la taille des entreprises par exemple) et qu’à son tour il inflé- chit les rapports entre les caractéristiques socio-démocra- tiques de la population active (profession, éducation, âge) et les rémunérations.

1. Voir Migracibn y desigualdad social en la Ciudad de México (1977), recueil d’articles concernant le projet établi par les auteurs du présent rapport et publié par le Colegio et l’Uni- versité. On bouvera à 1’Anexe un aperçu général de l’enquête sur les migrations à Mexico.

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L‘analyse des liaisons entre les caractéristiques et les écarts de rémunération au sein d‘un même secteur (indus- tries manufacturières, bâtiment, tertiaire ~ services pro- ductifs, distribution, services sociaux, individuels) a pour but d’élucider quelques-uns des mécanismes de fonction- nement du marché du travail d’une agglomération où les migrations ont joué un rôle capital dans la constitution de la population active. Elle est suivie pour conclure d’une brève analyse de l’incidence de la syndicahsation sur les rénumérations. Les auteurs estiment que l’appartenance à un syndicat est un critère fondamental de classement de la main-d’œuvre, car elle entraîne vraisemblablement un clivage en ce qui concerne l’accès aux fruits de la croissance économique.

Dans la dernière partie de cette introduction sont présentées les principales hypothèses théoriques et mé- thodologiques qui ont permis de relier le développement économique, la redistribution de la population et l’évolution de la population active.

1. Migrations et urbanisation dans le contexte latino-américain

Les changements que le développement économique a apportés dans certains pays d’Amérique latine se reflètent dans les structures sociales à travers des transformations démographiques comme l’accroissement de la population, les migrations internes et l’urbanisation qui, à leur tour, modifient la composition de la population active.

L‘expansion démographique est plus rapide en Amérique latine qu’en aucune autre région du monde. Avant la fin du siècle, la population actuelle du sous-continent aura probablement doublé. En dépit de la diversité des types de pays qui le composent, on peut prédire sans grand risque d’erreur que les problèmes fonciers, tant en dieu rural qu’en milieu urbain, vont s’aggraver.

Le rythme de l’urbanisation est également très rapide en Amérique latine. Bien que 50 pour cent environ de la population actuelle du sous-continent puisse être qualifiée de rurale, l’extrapolation des tendances observées ces trois ou quatre dernières décennies permet de prévoir qu’à la fin du siècle, la population urbaine sera supérieure, en chiffres absolus, à celle de l’Europe occidentale ou des Etats-Unis d’Amérique.

Dans la plupart des pays de la région, ce phénomène d’urbanisation a été très concentré (indices élevés de prépondérance urbaine), en ce sens qu’un petit nombre de villes, qui sont en général les capitales des divers pays, se sont développées à une cadence extraordinaire. Certaines figurent parmi les plus grandes du monde (Buenos Aires, SZo Paulo, Mexico). Si la tendance actuelle persiste, les problèmes urbains risquent fort de s’aggraver considéra- blement. Au cours des deux dernières décennies, les centres urbains ont représenté 80 à 90 pour cent de l’augmentation de la population.

En dépit de son urbanisation et de sa concentration rapides, la population de nombreux pays de la région reste néanmoins essentiellement rurale et très dispersée, avec des &ers de très petits établissements humains. Et ce qui est sans doute plus important encore, cette population rurale, malgré une forte émigration vers les d e s , continue d’aug- menter en chiffres absolus dans la plupart de ces pays. Ceux-ci ayant dans leur quasi-totalité suivi une stratégie

de développement (fortement inspirée du modèle d’indus- trialisation capitaliste très concentrée dans l’espace) qui

privilégiait les investissements et les programmes urbains, la situation des zones rurales se détériore à vive allure, du moins relativement. La stagnation et l’abandon des éléments les plus pauvres

du secteur primaire, ainsi que la rigidité des structures foncières, ont entravé l’expansion des possibilités d’emploi dans les zones rurales, en dépit de la persistance de taux élevés de croissance démographique. La situation a été aggravée par le transfert vers les villes des excédents pro- venant de l’activité économique, d’investissements plus lucratifs dans la spéculation foncière, la construction et les industries de biens de consommation. En conséquence, l’économie rurale a eu plus de mal à nourrir la population restée attachée à la terre et à lui offrir des conditions de vie acceptables. Rares sont les établissement ruraux, voire les petits établissement urbains, qui peuvent mettre des services même rudimentaires à la disposition de leurs habitants, et en dehors de ces établissements, l’emploi au milieu rural est souvent si dispersé en Amérique latine que les conditions de vie sont nécessairement très primitives. Ce sont là des facteurs d’affaiblissement des populations

rurales, qui réduisent encore davantage leur capacité de produire les éléments nécessaires à leur subsistance ou à celle des zones urbaines en expansion rapide. Le résultat le plus évident et le plus immédiat en a été l’émigration, et en particulier celle des éléments les plus jeunes, les plus capables et les plus dynamiques de la population. Même lorsque les ressources sont exploitées plus

“rationnellement” dans les zones rurales et périphériques d’Amérique latine, leurs habitants jouissent rarement des fruits des actions qui y sont menées. Dans les cas où des programmes d’exploitation agricole moderne ont été réalisés, le recours à des méthodes hautement mécanisées à forte intensité de capital a souvent privé d’emploi des couches importantes de la paysannerie qui avaient jusque-là travaillé dans des conditions sociales et techniques dif- férentes. Suivant la logique de l’économie de marché tributaire de l’extérieur, l’industrialisation et la commercia- lisation des ressources locales, qui fournissent l’essentiel des revenus, ont lieu dans les régions les plus développées des pays de la périphérie ou dans les pays industrialisés qui possèdent les entreprises. Ce sont ces facteurs de rejet qui poussent les populations

des campagnes et des vdles de province à affluer vers les très grandes villes.

Outre la migration des campagnes vers les grandes villes, la plus visible et la mieux connue, il existe plusieurs autres types de migrations très importantes et qui s’inscrivent dans le même processus de changement. C’est ainsi que les migrants ruraux, pour une bonne part d’entre eux, ne vont pas directement vers les grandes villes, mais vers des d e s de faible ou moyenne importance qui envoient elles-mêmes des migrants vers les grandes métropoles, ou bien conservent leurs racines, pour ainsi dire, dans leur communauté rurale traditionnelle et émigrent temporairement vers les zones d’agriculture capitaliste (sur le territoire national ou de l’autre côté de la frontière) ou vers les grandes d e s pour se procurer des revenus monétaires, après quoi ils retournent à leur lopin de terre. Ce type de migration temporaire ou pendulaire est

extrêmement important, non seulement parce qu’il concerne un grand nombre d’individiis, mais aussi en raison des fonctions qu’il remplit dans le système économique et social. D’un certain point de vue, il peut être considéré comme

un mécanisme ou une stratégie de défense employé par la classe paysanne pour survivre en tant que telle. 11 y a vingt

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ou trente ans, un agriculteur ayant une famille de cinq ou six personnes ou même davantage pouvait subsister en cultivant sa propre terre avec l’aide de sa f a d e ; à l’heure actuelle, du fait que les progrès de la médicine permettent à un plus grand nombre d’enfants de paysans de survivre et que la productivité relative de la terre baisse alors que les dépenses monétaires augmentent, le paysan ne produit plus suffisa- ment pour subvenir aux besoins de sa f a d e .

Ainsi, l’une des “stratégies de survie” conçue par les paysans et la classe paysanne consiste à envoyer, à titre temporaire ou permanent, quelques membres de la famille à la viUe - une fille comme domestique, ou un fis dans l’industrie du bâtiment, par exemple -, ou dans une région d’agriculture capitaliste, pour pouvoir, d’une part, réduire la consommation au foyer et, d’autre part, obtenir un revenu supplémentaire qui permette à la famille de survivre.

D’un autre point de vue, le maintien de l’économie paysanne remplit aussi une double fonction utile pour l’accumulation de capital dans les villes, en fournissant une main-d’œuvre bon marché et en préservant la modicité des prix des denrées alimentaires et des matières premières nécessaires au développement industriel. Un troisième type de migration, lui aussi trop mal

connu, est la migration dite “de retour”. Un nombre indéterminé d’individus et de f a d e s , qui avaient émigré vers une grande ville et y avaient vécu un certain nombre d’années, retournent à leur communauté d’origine. Les uns reviennent après un séjour relativement court à la viüe, sans avoir atteint leur objectif; d’autres ne le font qu’au bout de longues années d’efforts après avoir atteint le leur: ayant économisé assez d’argent pour revenir à leur communauté d’origine et y monter une affaire, commer- ciale en général, ce qui les place souvent dans une classe sociale différente de celle d’où ils étaient issus.

Les migrations de retour jouent aussi un rôle important en période de crise économique, lorsque la dynamique du procesus de développement se ralentit, assurant ainsi dans une certaine mesure la régulation de l’offre et de la demande d’emploi dans les villes.

Enfin, il y a aussi des migrations interurbaines ou in- termétropolitaines dans certains pays en développement, bien qu’elles y soient numériquement bien moins impor- tantes que dans les sociétés industrielles. Comme ailleurs, il s’agit au fond de migrations liées à l’éducation et à la carrière: des membres de la moyenne ou haute bour- geoisie quittent une viue de province pour une grande agglomération, ou l’inverse, pour avancer dans leur carrière, soit en faisant des études supérieures, soit en améliorant leur salaire ou leurs conditions de travail.

En résumé, l’industrialisation, dans les conditions actuelles, tend à créer dans les pays en développement de grands flux migratoires en direction d’un petit nombre de villes, à partir des deux types de zones rurales, en stag- nation ou en développement. Il s’agit de flux complexes comportant différentes sortes de mouvement - par étapes, de retour et pendulaires - qui tous se combinent avec les mouvements directs et permanents. Dans les pays de la région, les différents types de mi-

gration vers une grande agglomération ont pour trait commun de concerner souvent de préférence les individus les plus capables ; dans les régions peu évoluées, les villes comme les campagnes souffrent d’un exode tant de main- d‘oeuvre que de capital économique.

La concentration de capital humain et économique dans certaines zones a aggravé les écarts régionaux en matière de niveaux de revenus, et de perspectives d‘éducation et

d’emploi, favorisant ainsi l’accélération de la concentration démographique. Dans ces conditions, les migrations ont rempli une fonction fondamentale en servant de mécanisme de transfert de main-d’œuvre vers les grandes agglomé- rations, dont elles ont ainsi contribué à renforcer le rôle dans l’espace économique national.

C’est pourquoi le processus de concentration démogra- phique dans les zones urbaines est un facteur important du processus d’industrialisation : les centres urbains repré- sentent un important marché pour les biens, les services et la main-d’œuvre (Kuznets, 1968) ; la concentration de la population et des activités économiques permet des économies d’échelle et des économies externes pour le fonctionnement des grandes entreprises, lesquelles, à leur tour, contribuent à accroître l’accumulation de capital (Singer, 1973).

2. Les migrations et l’évolution de la population active

La plupart des discussions théoriques concernant les rap- ports entre l’industrialisation, les migrations et l’affectation des ressources humaines ont mis en relief la concentration croissante de la population active dans le secteur tertiaire ou des services (Quijano, 1968; Castells,1972). Selon la thèse centrale qui relie ces processus, la rapidité de l’ex- pansion démographique, la stagnation de l’économie agricole dans certaines zones et la mécanisation des activités agricoles dans d’autres ont toutes contribué aux migrations des campagnes vers les villes, qui ont abouti à un afflux de travailleurs ruraux sur les marchés du travail urbains, Cet accroissement de l’offre de main-d’œuvre sans qualification a créé un excédent de ressources humaines en raison de l’incapacité du secteur secondaire à forte intensité de capital d’absorber une population active en expansion. Cette situation a stimulé la création d’activités indépen- dantes dans le secteur tertiaire : gardiens, cireurs de chaus- sures, marchands ambulants, etc. Ainsi, la “tertiarisation” a contribué à accentuer les inégalités sociales et à faire progresser la “marginalité” dans les principaux centres urbains d‘Amérique latine (CEPAL, 1966 ; Quijano, 1970 ; CEPAL, 1970 ; Nun, 1969 ; Castells, 1972). La croissance disproportionnée du secteur tertiaire a donc été liée à une hausse du nombre des activités n’exigeant pas de qualification dans ce secteur et elle a abouti à une répartition régressive des revenus par suite de l’augmentation des effectifs employés à des activités peu productives et mal rémunérées.

Le schéma général a été largement critiqué. O n a fait marquer, d’une part, que la concentration de main-d’œuvre dans le secteur tertiaire est liée au processus d’industriali- sation par différents biais, dont certains correspondent à des besoins véritables engendrés par ledit processus, telle la demande croissante de services dans certaines branches comme la banque, les transports, l’éducation, la santé et autres services rendus par les administrations publiques (Cardoso et Reyna, 1968 ; Singer, 1971 ; Browning, 1972). D’autre part, il est nécessaire de différencier la composition socio-démographique des courants migratoires parce que ceux-ci ne constituent pas la masse homogène que nombre d’auteurs prennent pour une réalité. Des caractéristiques comme l’expérience professionnelle, l’origine rurale ou urbaine, le niveau d’instruction et l’âge, contribuent, toutes, beaucoup à expliquer la répartition professionnelle des travailleurs migrants (Balin, Browning et Jelin, 1973). O n a également signalé que l’hypothèse de sa forte intensité

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de capital ne permet pas de rendre compte de l’insuffisance de la technologie dans les pays en développement, car ce n’est pas vraiment prouvé pour tous les secteurs de l’activité économique. D’autre part, les activités à forte intensité de capital peuvent absorber plus d’effectifs que les industries de main-d’œuvre, si elles sont plus dynamiques et mieux intégrées au processus de production (Mendez Vdiareal, 1974).

Bref, l’ambiguïté de la notion de “marginalité”, l’homo- géneité supposée des courants migratoires, l’analyse du secteur tertiaire en bloc, la forte intensité de capital attribuée au secteur secondaire sont autant de raisons qui impliquent que se soient répandues des généralisations non étayées par l’analyse de situations historiques concrètes. Tout cela n’a fait qu’obscurcir la perception des relations d’interdépendance existant entre les migrations internes, l’industrialisation et l’évolution de la population active dans les pays d’Amérique latine.

Les aspects controversés des rapports entre l’indus- trialisation, les migrations, l’urbanisation, les progrès de la technologie et la croissance démographique, comme de leur influence sur la redistribution de la main-d’œuvre et l’évolution de la population active, révèlent la complexité de ces processus et montrent bien la nécessité de mener des études empiriques qui aient une utilité théorique pour pouvoir aboutir à une explication plus complète. Plusieurs auteurs qui envisagent l’absorption de main-d’œuvre dans des perspectives différentes ont récemment apporté des éléments propres à faire progresser l’intelligence des rapports entre l’industrialisation, les migrations et la redis- tribution professionnelle et sectorielle de la main-d’œuvre. Ainsi, Oliveira (1972: 19-31) explique comment la crois- sance dans les villes d’une économie “de subsistance”, qui se manifeste par celle des activités de services non capitalistes, absorbe une proportion de plus en plus forte de la population active et constitue un ‘élément de l’ac- cumulation urbaine de capital qui favorise l’expansion du système capitaliste. En ce sens, il voit le développement du secteur tertiaire, non comme un obstacle à l’expansion de l’économie, mais comme l’un des ressorts de l’essor du capitalisme au Brésil. Cela tient au fait que ces services, qui se caractérisent par une forte intensité de main-d’œuvre, sont très peu rentables, mais n’en assurent pas moins au profit des activités capitalistes le transfert d’une partie de la valeur du travail. Des études récentes sur l’évolution sectorielle de la

main-d’œuvre en Amérique latine ont également fourni des indications importantes pour un réexamen des tendances sectorielles. Miller (1972), par exemple, a soulevé un point intéressant en signalant que, dans plusieurs pays d’Amérique latine, les faits ne corroborent pas vraiment la thèse selon laquelle l’emploi augmente dans les activités de services peu productives et le commerce lorsqu’il baisse dans le secteur primaire.

En outre, certains auteurs ont cherché à préciser les caractéristiques particulières des processus migratoires dans les sociétés d’Amérique latine et à montrer comment les courants migratoires, en tant que mécanisme de transfert de main-d’œuvre, contribuent à l’évolution de la répartition professionnelle et sectorielle de la population active dans tout le processus de développement (Singer, 1972). Les analyses d’Oliveira et de Singer visent encore implicitement un autre objectif, longuement commenté par Faria (1972) et qui pour nous est fondamental, à savoir redéfinir les rapports entre les changements économiques et les change- ments démographiques en Amérique latine à partir de la

transformation historique des structures de production et de son incidence sur la redistribution de la population et la répartition des effectifs de main-d’œuvre.

3. L’analyse de cohortes, trait d’union entre l’évolution démographique et les changements économiques

L‘analyse de cohortes permet d’étudier les flux migratoires rt l’évolution de la population active comme des éléments du processus de transformation des structures sociales, et elle sera largement utilisée tout au long du présent rapport. Selon Ryder (1965), la cohorte est un ensemble d’individus partageant une expérience déterminée à la même époque, qui traduit dans son comportement les circonstances de son histoire. Dans le cas qui nous occupe, la notion de cohorte - cohortes de migrants et cohortes d’actifs - permet de situer un agrégat démographique à l’époque de son arrivée à Mexico et de son entrée dans la vie active de cette agglomération. A chaque époque retenue pour définir une cohorte correspond l’intervention de facteurs différents dans l’immigration et l’accès au marché du travail à Mexico, comme on le verra plus loin.

Nous retiendrons l’exemple des cohortes d’actifs pour mieux souligner l’importance de cette méthode d’analyse. Elle a, sur l’analyse synchronique des effectifs actuels de main-d‘œuvre l’avantage de permettre, en considérant les cohortes d’entrants, d‘observer l’effet conjugué des modifications, tant des caractéristiques des actifs que de l’économie, sur l’évolution de la répartition professionnelle des nouveaux venus dans le temps. La principale hypothèse méthodologique est que l’analyse

de la population d’entrants à partir de la notion de cohorte permet d’étudier le processus de transformation de la popu- lation active, sans perdre de vue les tendances économiques et démographiques particulières qui se sont manifestées à différentes époques, en comparant les cohortes arrivées successivement sur le marché du travail. A l’aide des géné- rations, il n’est pas possible de faire exactement le même type d’analyse, du fait que les membres de la même géné- ration pouvant entrer dans la vie active à des moments différents, l’interprétation des résultats est plus malaisée et oblige à prendre aussi en considération la période d’entrée. L‘analyse de cohortes se fonde sur des données recueillies

pour les mêmes individus à différents moments (technique du “panel”), sur des données recueillies auprès d’individus différents à différents moments (Evan, 1959 : 59 ; Hyman, 1972 : 274-275) et, plus récemment, sur des données rétros- pectives concernant les mêmes individus grâce à l’utilisation de fiches biographiques (Balin, Browning et Jeiin, 1973). L‘avantage de ces fiches est qu’elles permettent de recons- tituer les agrégats de population qui ont existé dans le passé. Dans ce cadre, les données réunies par la technique de l’enquête deviennent une source d’information importante pour l’analyse des changements sociaux. Balin, Browning et Jelin (1973: 26) voulaient savoir “comment un grand nombre d’individus vivent une période de développement économique rapide” en replaçant “l’histoire de leur vie dans le contexte plus vaste de la modernisation et du déve- loppement économique du Mexique”. Ils ont eu recours à la fois à l’analyse de cohortes et à la reconstitution biographique pour comprendre les incidences “de la trans- formation structurelle de la société sur l’existence des individus”. Ils ont mis au point une technique qui leur a permis d’établir des fiches biographiques partielles sur mille six cent quarante personnes pour des aspects essentiels

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de leur vie, à savoir, migrations, instruction, formation de la fade et travail.

L‘existence des individus n’est pas au centre de la présente étude: les données y afférentes ne servent pas à analyser les changements professionnels intervenus tout au long de leur vie, mais à reconstituer les cohortes de main-d’œuvre qui sont entrées dans l’appareil économique de Mexico à différents moments. Dans notre perspective théorique, la délimitation du contexte structurel dans lequel s’inscrivent l’immigration et l’arrivée sur le marché du travail à Mexico est capitale. Comme il ne s’agit pas seulement de décrire les changements, mais de les inter- préter dans le cadre du processus de transformation qu’a connu l’ensemble de la société, il importe de retenir pour l’analyse des périodes précises, marquées par des processus de changement différenciés.

4. L‘analyse sectorielle de la population active : comment relier les aspects économiques et démographiques des inégalités urbaines

Les changements intervenus dans la composition par âge, par niveau d’instruction et par sexe de la population active, qui sont liés à la dynamique de la population, relèvent des caractéristiques des nouvelles cohortes entrant sur le marché du travail. La promotion professionnelle et l’élévation du niveau d’instruction de la population active sont des phénomènes parallèles à l’industrialisation et à l’urbanisation. Néanmoins, certains pays d’Amérique latine ont encore de graves problèmes à resoudre, surtout ceux qui touchent aux inégalités, en dépit de leur croissance économique, de l’intensification du processus d‘industriali- sation, des transformations importantes intervenues au sein des grandes branches industrielles par suite des innovations technologiques et des modifications de la composition socio-démographique de la population active. Dans une situation marquée par l’extrême dénuement

des masses rurales, de gros écarts de revenus entre les régions, une forte concentration des activités économiques dans un petit nombre de centres urbains et celle des profits entre les mains de quelques individus, les migrations internes vers ces agglomérations ont contribué à la fois à accroître les effectifs et à affaiblir les rémunérations. Toutefois, la coexistence du développement et de la pauvreté n’est pas due aux migrations en elles-mêmes, mais aux caractéristiques de l’économie capitaliste latino-américaine.

Les études de la répartition des revenus en Amérique latine aboutissent systématiquement à la conclusion que le développement n’a pas entraîné d‘égalisation. La concentration et la régressivité des revenus sont parmi les caractéristiques principales de la croissance économique dans les pays en développement (Pinto, 1967, 1972).

Les données disponibles pour les grandes métropoles latino-américaines (CEPAL, 1970) ont révélé l’existence de très fortes disparités de rémunérations entre les branches. Ces différences intersectorielles sont liées, notamment, au coefficient d’intensité de capital et à la composition professionnelle et socio-démographique de la main-d’œuvre, qui correspondent à des différences de productivité, mais elles peuvent être supérieures à ces dernières. Au sein d’une même branche, les gains varient selon l’âge, le niveau d’instruction et la catégorie professionnelle et selon les mécanismes institutionnels (syndicats) qui influent sur le fonctionnement du marché du travail. Le développement économique est en corrélation

avec le changement technologique et avec les formes plus complexes d’organisation de la production dont la dimension de l’entreprise rend particulièrement compte. Il existe des différences de technologie et d’organisation au sein de toutes les branches, et elles sont liées au jeu des forces du marché du travail aussi bien qu’aux rapports sociaux de production, tels qu’ils se manifestent dans les règles qui régissent l’embauche, l’affectation et la rémunération du personnel. Ainsi, l’analyse des écarts inter et intra-branches de

rémunération est précieuse pour l’étude de la population active. C’est l’un des moyens les plus directs de montrer comment l’influence du développement économique varie selon les groupes sociaux. Certes, les démarches axées sur l’économie ont généralement abouti à des modèles fermés pour analyser ce problème, mais on a rarement tenté de comprendre et d’interpréter la stratification sociale à l’aide de la répartition sectorielle et de la division sociale du travail d’un bout à l’autre de la hiérarchie professionnelle. Or, ces éléments devraient faciliter la mise en évidence des rapports complexes qui existent entre l’offre et la demande de main-d’œuvre au sein de l’économie, la structure de l’emploi et la répartition des fruits de l’expansion. On verra que, si les industries accordant des rémuné-

rations plus élevées ont vu leur effectifs croître à un rythme rapide et provoquer en outre un mouvement d’ascension professionnelle, des groupes importants n’en restent pas moins toujours occupés, dans toutes les branches, à des activités très mal rémunérées. Dans chaque branche il y a des activités économiques que la modernisation du système de production laisse à la traîne. La coexistence d’activités différentes et de formes différentes d’organisation de la production, dont les caractéristiques de fonction- nement en matière de technique et de travail sont dissem- blables, correspondent à des écarts de rémunérations au sein de chaque branche de même qu’entre les branches.

Sachant comment fonctionnent certains marchés du travail urbains, il sera donc possible d’élucider l’un des paradoxes les plus importants du processus de croissance économique observé à Mexico, à savoir la coexistence d’un vaste phénomène d’ascension sociale et du paupérisme persistant d’un segment très important de la population.

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Partie 1

Les migrations vers Mexico : perspective historique

Pour analyser le processus des migrations vers Mexico, pour en saisir les causes et les conséquences, il est apparu néces- saire de le replacer dans un cadre plus large. Nous avons donc été amenés à plusieurs reprises à rappeler brièvement certaines données historiques et certaines circonstances générales indispensables pour introduire l’analyse concrète des rapports entre les courants migratoires et le marché du travail à Mexico, qui fera l’objet de la seconde partie.

On peut considérer que les phénomènes migratoires contemporains sont essentiellement fonction des processus antérieurs de peuplement, des caractéristiques régionales du pays et des tendances récentes de son développement, qui ne peuvent se comprendre que dans le contexte des relations politiques et économiques internationales.

Le cadre du présent rapport ne permettait pas d’intégrer tous les résultats d’une réflexion approfondie sur ces questionsl, mais il nous a paru indispensable d’évoquer au moins certaines de ces données générales. Quelques paragraphes seront donc consacrées à un aperçu des modes de peuplement hérités de l’ère coloniale et même d’une époque plus reculée, rappel nécessaire, à notre sens, pour comprendre les courants migratoires contemporains vers Mexico. On trouvera par ailleurs à l’Annexe B une descrip- tion succincte des différents régions qui composent le Mexique d‘aujourd’hui, complétée par diverses cartes.

Pour ce qui est du contexte plus récent des phénomènes migratoires, plusieurs paragraphes analysent brièvement l’histoire sociale et économique du Mexique au XXe siècle, les tendances de la redistribution de la population sur tout le territoire et les courants migratoires interrégionaux, la croissance de la ville de Mexico et le rôle que les migrations y ont joué, l‘évolution de la population émancipée à Mexico du point de vue de l’origine socio-géographique et les ten- dances de la répartition sectorielle de la population du pays et de elle de Mexico observées depuis les années 30.

1. Survivance des anciens modes de peuplement

Il ne faut pas oublier que le peuplement de ce qui constitue aujourd’hui le territoire mexicain remonte à plusieurs milliers d’années et qu’à l’époque de la conquête espagnole, c’est-à-dire au début du XVIe siècle, on estime que ce terri- toire comptait entre trente-deux et cinquante millions d’habitants (Borah et Cook, 1963 : 4), soit une population comparable à celle du pays entre 1940 et 1960.

Qui plus est, la répartition de cette population sur l’ensemble du territoire n’est pas sensiblement différente en l’an 1500 de ce qu’elle sera en 1870. Les auteurs susmen- tionnés (Borah et Cook, 1963 : 28) ont estimé qu’à l’époque de la Conquête, elle était menée pour près de la moitié sur

le plateau central (voir l’Annexe B, carte B-2, et la rubri- que Régions du Centre) et que onze d o n s de person- nes environ peuplaient la bande relativement étroite du Centre-Est du pays qui correspond au territoire actuel des Etats d’Hidalgo, Mexico, Tlaxcala, Puebla et Morelos et du District fédéral (voir Borah et Cook, 1963 : 79 et, pour les références géographiques, l’Annexe B, carte B-1). Par ailleurs, pour la même époque, la population de la

vallée de Mexico (où s’étend l’actuelle région ou agglomé- ration de Mexico) a été estimée à un demi-don de personnes (Batdon, 1973 : 11).

Il n’entre pas dans notre propos de procéder à une analyse historique détaillée des modes de peuplement, de leurs transformations et des causes des uns et des autres, mais deux faits au moins nous paraissent à retenir pour l’étude des migrations contemporaines vers Mexico. Tout d’abord, cette ville, depuis le XVe siècle au moins, est non seulement le centre urbain le plus important du pays sur les plans politique, économique et culturel, mais encore l’entité autour de laquelle se structure l’ensemble de la nation (sauf, peut-être, pendant une période relativement courte, avant et après la conquête de l’indépendance politique au début du XIXe siècle). D’autre part, elle a toujours été entourée, là encore, au

moins depuis le XVe siècle, par des zones rurales fortement peuplées et par une multitude de villages et de petites villes (voir l’Annexe B, carte 5). Hormis un important mouvement de population vers l’ouest, et des migrations de moindre ampleur vers la région du Centre-nord et du Golfe au cours de la période coloniale (1521 à 1821), les modes de peuplement régionaux n’ont pas vraiment beau- coup changé entre l’ère précolombienne et le dernier quart du XIXe siècle. Les vastes régions qui s’étendent au nord du pays sont demeurées pratiquement vides jusqu’à l’époque où le Mexique a renforcé ses liens économiques avec les Etats-Unis (après 1870) ; quant aux régions méridionales, quoique partiellement peuplées par d‘importants groupes indigènes, elles sont restées très isolées du Centre, jusqu’à ce que, bien après le début du XXe siècle, des moyens de communication soient enfin mis en place2.

1. Pour plus de détails sur notre perspective théorique, voir Stern, 1977, ch. 2, “Migrations and Structural Change: His- torical Perspectives”. Parmi les ouvrages de référence fondamentaux pour l’étude de l’évolution des modes de peuplement au Mexique (dont on trouvera la liste complète dans la bibliographie qui figure à la fin du présent rapport), citons : Bassols, 1973 ; Moreno Toscano, 1972 ; El Colegio de México, 1976; Bonfil Batalla, 1973 ; Bataillon, 1973 ; Moreno Toscano y Florescano, 1976.

2.

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2. Développement économique et changement social au Mexique, 1876-1970

Les migrants sur lesquels portait l’enquête réalisée en 1970 (voir l’Annexe A) étaient venus vivre à Mexico à différentes époques de l’histoire récente du pays. Quelques-uns étaient arrivés à la fin du siècle dernier, sous le régime de Porfirio Diaz (1876-1910), au moment où la capitale retrouvait sa suprématie sur toutes les autres villes du pays (Moreno Toscano, 1972) ; d’autres étaient venus y chercher refuge contre le danger et l’insécurité durant la longue période de révolution et de troubles politiques que le Mexique avait connue ensuite (1 910-1925).

L’ère des réformes institutionnelles et agraires accélérées qui s’ouvrit sous les présidents Calles et Chdenas (1925- 1940) libéra un grand nombre de paysans de la servitude de la terre, et beaucoup de propriétaires fonciers, pris de peur, préférèrent venir se réfugier et investir dans les grandes villes. Le processus d’industrialisation accélérée déclenché par la deuxième guerre mondiale (1 940-1945) s’accompagna à son tour d’une grande vague d’arrivées, et depuis lors, nombreux sont ceux qui, fuyant les cam- pagnes appauvries ou les villes de province en déclin et attirés par la concentration croissante des possibilités qu’elle offre dans l’industrie, le commerce, l’enseignement supérieur, et les différents types de services, sont venus s’instiller dans la capitale. C’est, incontestablement, une période où le pays a COMU

de profondes transformations économiques et sociales, qui ont eu des effets importants sur la répartition de la population à travers tout le territoire national. Naguère proche du modèle de l’économie d’exportation

reposant sur les produits des quelques enclaves laissées par l’agriculture de subsistance i l’industrie minière, l’élevage et aux cultures de rapport, le Mexique s’est transformé en un pays qui a fait progresser son intégration nationale et ses réseaux de communication et s’est doté d’une économie plus diversifiée, où la demande intérieure joue un rôle croissant. Depuis le début du siècle, la population a plus que triplé,

la production agricole a sextuplé et la production indus- trielle s’est elie aussi trouvée plusieurs fois multipliée. La fraction de la population employée dans l’agriculture a diminué du tiers et celui des effectifs qui tirent l‘essentiel de leurs revenus des industries manufacturières presque doublé (Reynolds, 1973 : 20-21). La population urbaine est passé de 20 pour cent à plus de 50 pour cent du total, en augmentant, en chiffres absolus de plus du quintuple, cependant que la population rurale doublait (Unikel, 1976: 24).

Il est indéniable que ces transformations, jointes à d’autres, ont conduit le pays à un niveau de développement social et économique plus élevé mais il est non moins vrai que ce processus est allé de pair, tant dans les villes que dans les campagnes, avec une très grande pauvreté, dont on ne saurait escompter la disparition dans un avenir proche. Malheureusement, aucune tentiitive systématique n’a

encore été faite pour étudier le rapport entre les mouve- ments migratoires et les processus de développement économique au Mexique dans une perspective historique, et l’on sait très peu de chose sur les conséquences concrètes que différentes politiques sociales et économiques peuvent avoir pour les mouvements de population.

Etant donné toutefois que les processus migratoires peuvent être considérés comme partie intégrante des grandes transformations sociales et économiques d’un

pays, il nous a paru utile de donner un aperçu des aspects essentiels de l’évolution qu’a connue le Mexique au cours de son histoire récente.

Dans le résumé qui suit, nous nous sommes efforcés de retenir les éléments du développement socio-économique les plus significatifs à notre sens pour la compréhension des mouvements de population3.

a) La période 1876-1935 Après la conquête de l’indépendance politique et la fin de la domination espagnole en 1821, le Mexique a connu une période presque ininterrompue de soulèvements politiques intérieurs et d’interventions étrangères qui ont à maintes reprises anéanti tous ses efforts d’indus- trialisation et de développement. Il a fallu attendre le Porfriiat (c’est-à-dire le régime de Porfirio Diaz, qui dura de 1877 à 1910) pour qu’un effort plus durable d‘indus- trialisation soit entrepris, avec la construction accélérée d’un réseau ferroviaire et la mise en place d’une certaine infrastructure industrielle, et avec le développement d’une agriculture moderne à grande échelle.

Sous ce régime, le pays devait connaître une croissance économique lente mais soutenue (Hansen, 1971 : 13), qui s’accompagna d’une augmentation substantielle de la population, d‘une lente hausse des taux de migration et d’une certaine redistribution de la population sur tout le territoire national (Reynolds, 1973 : 37). La ville de Mexico, qui avait quelque peu perdu de

sa suprématie de l’ère coloniale, réaffirma son rôle pré- pondérant en devenant le centre le plus dynamique du pays et le cœur de la nation. Cette période vit également l’essor de l’industrie minière et de la production de coton dans les régions septentrionales du pays, ainsi que le dé- veloppement des plantations de canne à sucre et de sisal respectivement dans le Golfe du Mexique et la péninsule du Yucatin, régions qui devinrent des pôles d’attraction (Moreno Toscano, 1972, carte 2).

Les régions centrales du pays connurent en revanche une crise, due à la fois à l’implantation du réseau ferroviaire et à l’absence d’investissements dans l’agriculture, qui en fit, depuis lors, une zone d’émigration (Moreno Toscano,

La dégradation des conditions de vie enregistrée dans la plupart des zones rurales durant les dix dernières années environ du Porfiriat, jointe à la saturation des marchés du travail urbains, incapables de résorber tout le chômage créé par la mécanisation de la production dans les nouvelles entreprises manufacturières, engendrèrent des pressions assez fortes pour la première grande vague d’émigration

1972 :181-182).

3. On trouvera une justification et une analyse plus détaillée du découpage de l’histoire récente du Mexique retenu ici dans Stern, 1977, ch. 4. Pour les besoins de ce résumé, nous avons ramassé en un seule des périodes bien distinctes de l’histoire du Mexique entre 1876 et 1935. C o m m e il apparaîtra tout au long de notre analyse, les années 1935 et 1954 marquent des tournants décisifs dans le comportement du système éco- nomique mexicain. C’est pourquoi nous les avons prises c o m m e références et c o m m e repères pour définir les différentes cohortes d’arrivée de migrants dans la capitale (voir les sections 5 et 6 de cette première partie). Quand les données disponibles le permettaient, nous avons opéré des distinctions plus fies à l’intérieur de ces grandes périodes; dans d’autres cas, nous avons utilisé un découpage par décennie (1930-1940; 1940- 1950; 1950-1960; 196Ck1970) ou par groupe de décennies (1930-1950; 1950-1970), afin de pouvoir utiliser les données d’information générale (essentiellement les renseignements fournis par les recensements) pour l’interprétation des ten- dances observées.

16

Léoendes :

immigration continue

émigration continue n passage de l'immigration a l'émigration 1 passage de l'émigration à l'immigration dans les deux dernières décennies

dans la dernière décennie

O

Carte 1-1 Mexique : Tendances des migrations interétats par région, 1950-1970

O

*r

Carte 1-2

Mexique : Principaux courants migratoires interrégionaux, 1955-1959 Echelle: 4% = 1 mrn

17

vers les Etats-Unis (Clark, 1976 : 52). Cette même détério- ration, conjuguée à l’incapacité du régime Diaz à offrir des perspectives d’ascension sociale à une classe moyenne en expansion, et aux divisions qui, au sein de l’élite au pouvoir, opposaient les cienrificos (cercles éclairés) et les caciques régionaux (chefs politiques), est parmi les facteurs qui contribuèrent à l’éviction de Diaz en 1911 et au déclenchement de la guerre civile (la Révolution mexicaine), laquelle allait durer pratiquement jusqu’au milieu des années 20 (Hansen, 1971 : 20-23).

Entre 1922 et 1928, l’économie du pays fut profon- dément secouée. Le système ferroviaire fut en grande partie détruit, la production diminua, tant dans l’agri- culture que dans la industrie, sauf dans quelques enclaves minières et pétrolières qui n’avaient pas directement subi les conséquences des affrontements militaires de la Révolution (Reynolds, 1973 : 45).

Dès 1930, cependant, l’essentiel de la production agri- cole commerciale (sisal, canne à sucre et café, notamment) avait dépassé les niveaux de 1910. Mais la production de maïs et celle de haricots, aliments de base traditionnels du Mexicain, n’avaient pas retrouvé leur niveau antérieur. La crise économique en région rurale avait surtout frappé les petits producteurs de céréales, non les grands proprié- taires pratiquant l’agriculture commerciale. C’étaient les régions du centre du pays qui avaient été les plus touchées, directement et indirectement, par la Révolution et par le lancement de la réforme agraire prévue par le Constitution de 19 17. C’est également dans ce secteur que les mouvements de population rurales vers les vilies prirent le plus d’ampleur, paysans et propriétaires fuyant le chaos qui régnait dans les campagnes (Reynolds, 1973 : 132-137).

Entre 1910 et 1930, la population urbaine du pays (définie, selon les critères du recensement, comme la popu- lation résidant dans les localités de deux d e cinq cents habitants ou plus) avait progressé de plus de 40 pour cent, alors que la population rurale était restée stable ou avait légèrement fléchi, ce qui donne une idée de l’incidence conjuguée, pour les campagnes, des morts de la guerre civile et de l’exode rural intervenu pendant cette période (Unikel, 1976 : 30-31). La guerre civile avait également infléchi la répartition

régionale de la population: c’était dans les régions du Centre (à l’exclusion du District fédéral) et du Nord, les plus touchées par le conflit armé, que ses taux d‘accrois- sement étaient le plus faibles. Le Nord-ouest, la région du Golfe et le District fédérai avaient connu une forte expansion démographique (Reynolds, 1973, note 14).

Pendant toute cette période, la ville de Mexico avait servi de refuge aux paysans et surtout aux propriétaires terriens des bourgades et d e s de province.

En 1930, le réseau routier desservant Mexico était encore embryonnaire. Il se composait essentiellement de deux axes reliant la capitale aux deux principaux ports maritimes, Acapulco sur le Pacifique et Vera Cruz sur le Golfe, et d’une route de moindre importance conduisant à l’Etat minier d’Hidalgo (Secrétariat des travaux publics, 1975: 55). Pour une part importante (près de 40 pour cent), la population immigrant à Mexico (selon l’échantillon de notre enquête de 1970) venait de villes d’une taille considérable pour l’époque (douze d e habitants ou plus) et dans bien des cas des grands centres urbains des régions du Centre ou de l’Ouest (Puebla, Guadalajara, Morelia et Guanajuato, notamment4). Les migrants d’origine rurale, en revanche, venaient en majorité des alentours immédiats de Mexico (MUnoz, Oliveira et Stern, 1977: 115-128).

Une fois la paix revenue, vers la seconde moitié des années 20, alors que le pays s’efforçait de retrouver le niveau économique d’avant la révolution et d’appliquer les réformes prévues par la Constitution de 1917, l’effon- drement des marchés mondiaux par la grande crise de 1929-1933 réduisit à néant la plupart des efforts entrepris. Du jour au lendemain, les marchés des principaux produits mexicains d’exportation s’effondrèrent, entraînant dans leur chute les revenus et la demande intérieure. Le PNB baissa entre 1925 et 1930, pour ne retrouver son niveau antérieur qu’après 1940. Les importations et les exportations diminuèrent de moitié entre 1929 et 1932 (Reynolds, 1973 : 54).

Pire encore, les effets de la récession enregistrée aux Etats-Unis aboutirent à un rapatriement massif des Mexicains: entre 1929 et 1937 plus de quatre cent mille Mexicains furent repatriés, de gré ou de force (Clark, 1976 : 54). C’est ainsi qu’au début des années 30, la condition socio-économique de la grande majorité de la population mexicaine n’était guère meilleure que vingt ans plus tôt, à l’aube de la révolution.

b) La période 1935-1954 De grands changements structurels s’imposaient au début des années 30 pour modifier les données de la situation socio-économique, dont beaucoup allaient marquer la période antérieure. Ce furent d’abord la nationalisation des chemins de fer et l’accélération des expropriations de grands propriétaires terriens. Ainsi, sous le Gzrdénisrne (régime du Président Lazaro Cirdenas, 1934-1940), le rôle de l’Etat dans le développement économique allait être renforcé par une politique d’investissements économiques et sociaux (barrages, routes, organismes de crédit, éducation, sécurité sociale). L‘industrie pétrolière fut nationalisée en 1938 (Wi?kie, 1970 : 71-78). La généralisation et l’intensification de la réforme

agraire restera l’une des transformations structurelles les plus temarquables réalisées par Cirdenas. Il redistribua aux paysans près de vingt d o n s d’hectares, résultat absolument sans égal dans l’histoire du Mexique. Ce chiffre est en effet plus de trois fois supérieur aux quantités redistribuées par les régimes post-révolutionnaires pré- cédents et dépasse celui qui sera atteint dans les vingt années suivant la fin de son mandat (WiuUe, 1970: 188).

En fait, c’est la réforme agraire de Cirdenas qui permit enfin à la population rurale de se libérer véritablement du joug des hacendados (grands propriétaires), créant ainsi les conditions indispensables au développement d’un marché “libre” du travail (Hansen, 1971 : 36). A court terme, l’intensification de la réforme agraire

eut pour effet de retenir à la campagne des centaines de milliers de paysans qui, autrement, auraient sans doute émigré vers les villes, sans guère de chances d‘y trouver un emploi puisque le processus d’industrialisation n’était pas encore amorcé (Reynolds, 1973 : 220). En accroissant la productivité agricole et en améliorant

le régime alimentaire des paysans, la réforme agraire mise en œuvre par le régime de Cirdenas a aussi abouti à une redistribution des revenus et à une réduction des inégalités entre les villes et les campagnes. En outre, les grands inves- tissements d‘infrastructure rurale effectués à cette époque ont probablement eu pour effet d’atténuer la concentration économique sur tout le territoire national. En outre, cet

4. Voir la carte B-4 de l’annexe B, qui indique l’emplacement des principales villes du pays.

18

Pour ce qui est des migrations vers Mexico, dans cette période, on peut supposer que la capitale n’attire qu’une partie de l’effectif potentiel de migrants originaires des régions du centre puisqu’il existe des possibilités importantes dans le Nord depuis la mise en irrigation de nouvelles terres et l’essor de centres industriels. D’autre part, l’industriali- sation rapide de Mexico attire probablement vers la capitale non seulement une partie des agriculteurs appauvris des régions du Centre, du Sud et de l’Ouest, mais aussi un nombre important de migrants originaires des villes qui, dans ces régions, ne connaissent pas de croissance écono- mique sensible.

En somme, le Mexique connaît pendant la période 1935-1954 une certaine décentralisation des investissements productifs, due à des facteurs toutefois radicalement différents sous Cirdenas et sous Alemin, qui se traduit probablement, d’abord par une capacité accrue des régions à retenir leur population d’origine, et ensuite, par une diversification des courants migratoires, qui n’aboutissent que partiellement à Mexico.

effort pour instaurer une plus grande justice sociale n’a pas porté préjudice à la croissance industrielle : en 1940, la production manufacturière avait doublé de valeur par rapport à 1934 (Wdlue, 1970 : 193-197).

En ce qui concerne les mouvements migratoires vers Mexico, ces différents processus ont sans doute joué dans le sens d’un fléchissement du taux d’accroissement de la population immigrée (d’origine rurale notamment), de sa diversification du point de vue de l’origine géographique et d’une atténuation des différences d’effectifs selon les régions d’origine, en raison d’une répartition plus équilibrée des possibilités d’emploi sur l’ensemble du territoire national.

Avec les années 40, l’économie mexicaine entre dans une phase d‘expansion accélérée (Reynolds, 1973 : 59), déclanchée par le brusque réveil de la demande extérieure après le début de la deuxième guerre mondiale (Vernon, 1963 : 94-95) et rendue possible par une coalition d’intérêts qui assure le maximum de profits aux élites économiques et politiques du pays, tout en limitant à un minimum les revendications sociales des paysans, des ouvriers et de larges fractions des classes moyennes. La demande croissantede produits mexicains, jointe aux

difficultés que l’économie mexicaine éprouve à importer des produits industriels pendant la seconde guerre mondiale, favorise une croissance rapide de l’agriculture commerciale comme des industries manufacturières, à travers un pro- gramme de substitution de productions nationales aux importations et d’investissements dans l’infrastructure agricole et industrielle, assorti de nombreuses mesures de protection et d’incitation.

Les bases idéologiques d’une industrialisation rapide de type capitaliste seront renforcées durant le mandat de Miguel Alemin (1947-1952), où sont mis en application plusieurs amendements constitutionnels à la loi agraire, destinés à protéger la propriété et les investissements privés contre l’intervention de l’Etat. Ainsi protégés, la production agricole et l’élevage marquent un accroissement substantiel, notamment dans les zones récemment irriguées du Nord-Ouest. La distribution de terres au profin des ejidos (terres

communales) se ralentit beaucoup, et les investissements sont rares dans les régions d’agriculture de subsistance (Solis, 1970, ch. 4). Quant aux investissements dans les industries manufacturières, ils intêressent essentiellement les centres urbains déjà dotés d’une infrastructure suf- fisamment développée, et plus particulièrement Monterrey, dans le Nord, et Mexico.

Dans les Etats fortement peuplés des régions du Centre, le problème du minifindisme (démembrement en parcelles de plus en plus petites) s’aggrave du fait que les taux d’accroissement àe la population ont augmenté - résultat indirect de la réforme agraire cardéniste qui a entraîné une amélioration de la nutrition et facilité l’accès aux services médicaux et éducatifs (Solis, 1970: 158). L‘absence d’investissements productifs dans ces régions dominées par l’agriculture de subsistance se traduit par l’accentuation des pressions sur les terres et sur les ressources en général. Par ailleurs, avec la concentration des investissements

productifs dans les Etats faiblement peuplés du Nord et dans la capitale, ainsi que l’institutionnalisation en 1942 du programme Brucero (accord réglementant l’envoi d’une main-d’œuvre mexicaine aux Etats-Unis à titre officiel et temporaire), les conditions d’un acroissement de la mobilité géographique de la population se trouvent réunies (Clark, 1976: 54).

c) La période 1955-1970 La période de croissance économique fondée sur le dé- veloppement du secteur extérieur et financée par des capitaux intérieurs et des déficits budgétaires prend fin quand l’économie mexicaine subit le contrecoup de la récession enregistrée aux Etats-Unis au lendemain de la guerre de Corée (Gollis et Garcia Rocha, 1976: 410-417). La baisse des cours des matières premières exportées

par le Mexique et le déficit budgétaire temporaire provoqué par la politique du nouveau gouvernement qui tente de corriger les effets de la récession par les dépenses publiques se soldent rapidement par une baisse considérable des réserves internationales du pays, hâtant la dévaluation en 1954 du peso mexicain, dont le taux de change passe de 1/8,5 à 1/12,5 de dollar des Etats-Unis (Solis, 1970:

Cette crise sera suivie d’une période relativement longue de stabilité des prix, marquée par un recours croissant aux financements extérieurs et par une intensification du programme de substitution de productions nationales aux importations, centrée sur le marché intérieur et stimulée par une modernisation et une capitalisation croissantes de l’appareil industriel grâce à une participation accrue des capitaux extérieurs et, notamment, des entre- prises multinationales. Cette période est aussi marquée par une réduction

sensible des investissements publics dans l’agriculture, entraînant à long terme une baisse du taux de croissance de ce secteur qui, pour la décennie 1960, parvient tout juste à égaler le taux d’accroissement démographique, ce dernier ayant connu une hausse très rapide au cours des deWt décennies précédentes (Bueno, 1977 : 89).

L‘opposition entre agriculture commerciale et agriculture de subsistance s’était en outre déjà accentuée au début des années 50: l’emploi de semences améliorées et de gros investissements en machines et engrais avaient permis une augmentation considérable de la productivité et de la production totale dans les zones privjiégiées d’agriculture capitaliste (en particulier dans le Nord-ouest et le Nord-est), cependant que de vastes zones d’agriculture saisonnière étaient abandonnées à leur sort. Ce dualisme croissant ne fit bien entendu qu’accentuer les inégalités régionales. De l’autre côté, les baisses des coûts de production des

matières premières (et des coûts de main-d’œuvre), résultat

115-116).

19

de la politique de subventions et de la politique du crédit mises en œuvre par le Gouvernement, jouent en faveur du secteur industriel, qui connaît une croissance deux à trois fois plus rapide que celle du secteur agricole entre 1957 et 1967 (Solis, 1970: 113). De plus, l’industrialisation se caractérise au cours de cette période par l’emploi de plus en plus fréquent de méthodes de production à fort coefficient d’intensité de capital : tout en permettant une certaine amé- lioration des rémunérations d’une catégorie restreinte de travailleurs privilégiés (Bueno, 1977 : 8), cette pratique contribue à une hausse généralisée des taux de chômage et de sous-emploi, qui atteignent des niveaux extrêmement élevés en fin de période (Urquidi, 1974: 141-153). Le problème se trouve encore aggravé en 1964 par la fermeture de la frontière américaine aux migrants temporaires. Pour les processus migratoires, l’action conjuguée de

tous ces facteurs s’est sans doute soldée, entre autres conséquences, par une accentuation de la pression sur les terres, notamment dans les régions à forte densité de population du Centre, de l’Ouest et du Sud, où elle a entraîné une hausse des taux d’émigration; ces flux ont probablement abouti surtout à Mexico, car les régions qui précédemment avaient attiré beaucoup de migrants (en particulier le Nord-ouest et le Nord-est) étaient plus ou moins arrivées à saturation par suite du ralentissement de l’irrigation de nouvelles terres et d’une technicisation accrue de la production.

On peut donc postuler un rapport plus étroit entre les conditions socio-économiques régionales et le volume des flux migratoires orientés vers Mexico, sauf dans les cas où le dynamisme industriel urbain laisse supposer l’existence d’autres destinations possibles comme dans certaines régions proches de Guadalajara, Monterrey et de quelques autres villes du Centre, qui ont connu un certain essor pendant la période considérée.

3. Redistribution de la population mexicaine au XXe siècle

L‘analyse de la répartition régionale de la population mexicaine entre 1900 et 1970 révèle une concentration démographique croissante dans la petite région dominée par la ville de Mexico (pour une description et une carte des différentes régions, voir la figure 1-1 et l’Annexe B).

En soixante-dix ans, la part de la région de Mexico dans la population totale a pratiquement doublé, passant de 12 pour cent à 23,4 pour cent (voir le tableau 1-1). Dans le même temps, deux autres régions seulement enregistraient un accroissement appréciable, quoique beaucoup plus modeste, de la leur : le Nord-Ouest, où elle est passée de 5,3 pour cent à 8 pour cent, et le Nord-Est, qui la voit passer de 4 pour cent à 6,5 pour cent.

Comme le montrent aussi la figure 1-1 et le tableau 1-1, cette concentration croissante de la population dans la région de la capitale va de pair avec une baisse très sensible de la part des régions avoisinantes (Ouest, Centre et Sud). Ces deux tendances complémentaires vont s’accentuer après les années 30, avec le déclenchement de la grande vague d’industrialisation.

La plupart-de ces modifications de la répartition de la population mexicaine sont le fruit de migrations internes de plus en plus orientées vers la région de Mexico. 11 ressort des données disponibles sur les migrations finales qu’en 1950, les Etats composant la région de la capitale enre- gistraient un solde migratoire positif plus de quatre fois supérieur à celui des Etats du Nord-Est, deuxième pôle

d’attraction de migrants à l’époque. L‘agglomération de Mexico va conserver sa prééminence entre 1950 et 1960 et l’accentuer considérablement au cours de la décennie suivante, où l’immigration nette y sera plus de huit fois plus élevé que dans le Nord-Est, celui-ci conservant son deuxième rang. Le tableau 1-2 et la carte 1-1, qui retracent les tendance migratoires de 1950 à 1970, permettent de constater que les régions entourant celle de Mexico se caractérisent par une émigration continues. Ces tendances se dégagent encore plus nettement de

l’analyse des courants migratoires récents (voir le tableau 1-3 et les cartes 1-2 et 1-3). Si l’on compare les courants migratoires interrégionaux les plus importants6 observés au cours des deux périodes 1955-1959 et 1959-1970, on constate un accroissement de tous ceux qui sont dirigés vers la région de la capitale et un fléchissement des autres. La région de la capitale a donc exercé de plus en plus d’attraction par rapport aux autres, à la fois parce qu’elle a drainé un proportion toujours croissante des migrants originaires des régions traditionnelles d’émigration et parce que les autres pôles de croissance n’ont pas su attirer autant de migrants qu’auparavant.

Il n’existe de données permettant d‘étudier les migrations internationales au Mexique que pour les deux dernières décennies. Jusqu’en 1940, il était demandé aux individus recensés de préciser s’ils étaient nés dans l’Etat où ils résidaient au moment du recensement (d’où la possibilité d‘estimer l’ordre de grandeur global des migrations interétats), mais c’est à partir du recensement de 1950 seulement qu’ils ont été invités à indiquer le nom de leur Etat natal. Ce n’est donc que pour la période ultérieure qu’on peut évaluer le volume de l’immigration et de l’émigration finales par Etat, pour étabiix le solde migratoire net. A partir du solde migratoire net par Etat en 1950, ainsi que des soldes migratoires nets par Etat entre deux recensements (1950-1950 et 1960-1970), tirés des études disponibles (Wright, 1976), nous avons déduit les principales tendances d’évolution des dix régions considérées. C o m m e les données disponibles portent sur les migrations interétats et n’ont pas été calculées pour les dix régions qui nous intéressent, nous avons récapitulé les tendances régionales au tableau 1-2, à partir de celies des différents Etats qui composent chaque région.

Pour la lecture du tableau 1-2, il convient de noter que la première colonne concerne les migrants finals, pour lesquels la date de la migration n’est pas connue, alors que les deux autres colonnes formaient des estimations du nombre (net) de migrants qui ont changé d’Etat dans l’intervalle entre deux recensements. E n d‘autres termes, la première colonne offre un tableau “statique” du résultat cumulé des migrations inter- états intervenues avant 1950 qui porte sur la population encore en vie au moment du recensement de 1950; les deux autres colonnes, en revanche, présentent des estimations du solde net des mouvements migratoires effectivement enregistrés dans les intervalles inciiqués entre deux recensements, corrigées pour tenir compte des probabilités de survie. (En ce qui concerne la méthode employée pour calculer le volume des migrations intervenues entre deux recensements, voir Wright, 1976 : 43). Nous avons défini c o m m e les courants migratoires “les plus importants” ceux qui mettent en jeu 2 pour cent ou plus de tous les mouvements migratoires interrégionaux observés dans chacune des périodes analysées. Pour plus de détails, voir Stern : 102-116.

20

Tableau 1-1

Répartition de la population mexicaine par régions géo-économiques

(en pourcentage) 1900-1 970

Région 1900 1910 1921 1930 1940 1950 1960 1970

1. Nord-ouest 5,25 5.35 5,86 5.88 6.12 6.70 7,48 8,07

1 II. Nord-est 4,02 436 4,35 4.60 5.09 5,66 6,02 6.51 IV. Centre-nord 7.63 7.29 5,76 6,27 6.33 5.90 5,34 4.62

Sous-total : Nord 24.21 24,96 23,87 24,80 25.97 26,78 27.13 26,77 V. Ouest 24,39 22,93 22.28 21.06 19.79 18,62 18.44 17.51 VI. Centre 14.93 14.39 14.27 13,70 12,9 1 11,82 10,51 8,52 VII. Région de Mexico 12.03 12.46 13,21 14.22 15.70 18,28 20.49 23.4 1 VIII. Golfe 8,38 8.71 9.56 9,68 9.69 9,32 9.23 9.48

Sous-total : Centre 59,73 58.49 59.32 58.66 58,09 58,04 58,67 59.92 Ix. Sud 13,14 13.68 13,70 13.64 13.26 12,60 11,82 11.04 X. Péninsule du Yucatin 2,92 2.87 3,l 1 2.90 2.68 2.58 2.38 2.27

Sous-total : Sud 16.06 16.55 16.8 1 16.54 15.94 15.18 14,20 13,31

I I . Nord 7,31 8.26 7.90 8.05 8.43 8,52 8.29 7.57

TOTAL 100,oo 100,oo 100,oo 100.00 100.00 100.00 100,oo 100.00

Source: D'après Unikel, 1976, Tableaux Il-Al ; ll-A2: II-A3; ll-A4.

Tableau 1-2

Solde des migrations interétats finales en 1950, et solde migratoire net entre deux recensements,

1950-1960 et 1960-1970, chiffres récapitulatifs par région* (en milliers)

~ ~~

Solde net des

en 1950 Région migrations finales

1. Nord-ouest 134 II. Nord 37 I I 1. Nord-est 21 1 IV. Centcemord -226 V. Ouest -684 VI. Centre -315 vil. Région de Mexico 997 VI II . Golfe -1 6 Ix. Sud 112 x. Péninsule du Yucatin -25

Solde migratoire net entre deux recensements 1950-1960 1960-1970

78 85 -105 -1 76 108 122

-185 -296 -31 2 -363

410 846 19 -29

-181 -292 -34 10

-24 1 -293

Les chiffres régionaux globaux correspondent en chaque cas à la somme des soldes nets des différents Etats composant la région considérée.

Source: D'après Wright, 1976. Tableaux 3.4, 3.7 et 3.9.

4. Incidence des migrations sur la croissance et sur la structure par âge et par sexe de la population de Mexico

a) Incidence des migrations sur la croissance de la population La ville de Mexico, on l'a vu7, a connu au cours des der- nières décennies une expansion démographique spectaculaire (voir la figure 1-2). De moins de cinq cent d e habitants dans les premières décennies du siècle, sa population est passée à près d'un million en 1930, à trois d o n s en 1950, ePà huit d o n s et demi en 1970, pour atteindre actuellement plus de treize d o n s (Unikel, 1971 : 510).

Tableau 1-3

Principaux courants migratoires interrégionaux, 1955-1959 et 1959-1970

Régions d'origine et de destination

I I vers I V vers I IV vers I I

I I vers I I I IV vers I I I V vers I I I IV vers V VI1 vers V IV vers VI1 V vers VI1 VI vers VI1

Vlll vers VI1 IX vers VI1 VI vers Vlll IX vers Vlll

TOTAL

Pourcentage de l'effectif total de migrants

1955-1959 1959-1 970

2,08 6,20 2,45 3,29 4,09 1,97a * * *

15.18 10,99 3,56 6,17 2,26 2,32

2- 32 5,OO

231 4,32

2.62 2-36 2-93 16,05 12,31 3,99 9,59

2,12

*

*

*

60,56 66,42

* Moins de 2 % de l'effectif total. a) Chiffre arrondi à 2 %. Source: C. Stern, 1977: 109.

Cet essor démographique est la résultante de trois phénomènes : a) la reproduction de sa propre population, (nombre des naissances diminué de celui des décès, soit

7. Sauf indication contraire, Mexico désigne dans cette étude l'agglomération formée par la région de la capitale (voir l'Annexe A, figure A-1). Sa configuration spatiale varie au cours des décennies, mais dans tous les cas cette zone recouvre l'ensemble des districts et des municipalités qui constituent autour de la ville une agglomération urbaine ininterrompue. Pour plus de détails, voir Stern, 1977: 120-123 et Unikel, 1971.

21

Tableau 1-4

Poids respectif des éléments naturel, social et physique dans l’expansion démographique de l‘agglomération de Mexico,

(en milliers d’habitants et en pourcentage) 1940- 1970

25 -

D

O

C C O

- 2 20- .- 4-

.- 4-

~ ~ ~ ~

Elément de 1940- 1950 1950-1960 1960-1970 l’accroissement Nombre % Nombre % Nombre %

“Naturel” 301 8 23,l 10155 46.7 17625 47,8 “Social” 959 8 73,3 957 5 44,l 1 793 1 46,l “Physique“ 47 3 35 199 O 9 2 224 4 6,1

Source: Tableau établi à partir des données présentées par Unikel, 1971.

‘.

l’accroissement “naturel”) ; b) des soldes migratoires positifs (immigration moins émigration, soit l’accroissement “social”) ; c) l’absorption de localités avoisinantes par suite de l’extension de la capitale (croissance “physique” ou croissance par “incorporation”).

Faute de données, il n’est pas possible de mesurer le poids de chacun de ces trois éléments dans l’expansion démo- graphique de Mexico pour les quatre premières décennies de ce siècle. Nous avons pu l’évaluer approximativement pour les trois dernières (en ce qui concerne la méthode employée, voir i‘hnexe C). Les résultats figurent au tableau 1-4.

Comme on peut le constater, c’est l’élément “migrations” qui a joué le rôle le plus important entre 1940 et 1950, et l’accroissement naturel de la population au cours des deux décennies suivantes. Il vaut toutefois la peine de noter

15-

10 -

5-

Graphique 1-1

Redistribution régionale de la population mexicaine, 1900-1970

- _ Centre

. ._ .. .. -. --.

.-

- - - . Région de Mexico ‘. . .-

.

O hi 1900 1910 1921 1930 1940 1950 1960 1970

qu’eri dépit des dimensions que la capitale avait atteintes en 1960 (près de cinq millions d’habitants), les migrations ont encore représenté près de 50 pour cent de l’accroissement de sa population pendant la décennie suivante, où eile a accueilli près de un million huit cent milie migrants. Ces estimations ne reflètent cependant que la contri-

bution directe de l’immigration à l’accroissement général de la population de Mexico, mais les ‘immigrants y parti- cipent aussi indirectement par leur descendance. Selon des estimations concernant-la période 1960-1970 (Goldani, 1977), l’accroissement naturel de la population de la région de la capitale était dû pour 52 pour cent à la descendance des générations antérieures d‘immigrants, l’apport direct et indirect de l’immigration au cours de la décennie repré- sentant ainsi au total 69,4 pour cent de son expansion démographique.

Graphique 1-2

Croissance de la population de Mexico, 1500-1970

w’

’0 l é

Source: Tableau V-1. Source: Bataillon et Rivière d’Arc: 1973

22

23

On ne saurait donc douter de l’influence considérable que l’immigration a eue sur la croissance démographique de la capitale, non seulement dans le passé (comme beaucoup le pensent), mais encore de nos jours. En 1970, résultat de ce processus continu, près de 35 pour cent de la population de l’agglomération et plus de 50 pour cent de ses habitants âgés de vingt ans ou plus n’étaient pas nés à Mexico (Mufioz, Oliveira et Stern, 1977, tableau 5-1).

b) Incidence des migrations sur la structure par âge et par

Comme il est assez courant dans la plupart des dies d’Amérique latine, la population immigrée à Mexico se compose dans sa grande majorité de personnes relativement jeunes et célibataires (voir El Colegio de México, 1970 : 97-98). C’est ainsi qu’en 1970, au sein de la population de la capitale, les imthigrants sont sous-représentés dans les groupes d’âge les plus jeunes (0-10 ans, 10-20 ans) et sur- représentés chez les jeunes adultes et dans les catégories plus âgées. Cette sur-représentation des migrants dans les groupes en âge de procréer (20-49 ans) entraîne globalement un rajeunissement de la population (Goldani, 1976 : 44-47).

Autre point commun avec la plupart des grandes viles d’Amérique latine (Elizaga, 1970, tableau 4), les femmes sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes parmi les immigrants surtout dans le groupe d‘âge dix à dix-neuf ans. Du point de vue de la répartition par sexe, les migrations ont donc contribué globalement à faire baisser l’indice de masculinité de la population de Mexico, notamment chez les jeunes adultes (Goldani, 1976 : 56-61).

sexe de la population de Mexico

5. Evolution de la composition régionale de la popdation immigrée à Mexico8

Ayant établi la prépondérance des flux migratoires dirigés vers la région de la capitale par rapport aux autres migrations internes observées à travers le pays, ainsi que l’influence de cette immigration sur l’expansion démographique de Mexico, nous nous attacherons maintenant à la question de l’origine régionale des migrants.

Cette analyse est importante du double point de vue théorique et pratique. Sur le plan théorique, d’abord, la mise en évidence des circuits spatiaux que comportent les migrations vers Mexico pourrait permettre de mieux comprendre la dynamique régionale qui sous-tend le phé- nomène. Où la ville de Mexico recrute-t-elle ses immigrés ? Est4 possible d’observer des différences tant soit peu sensibles dans les effectifs provenant des diverses régions suivant les périodes ? Dans l’affirmative, à quoi sont-elles liées ?

D’un point de vue pratique, on peut espérer qu’une meilleure connaissance de l’origine régionalé des migrants, des tendances y afférentes et des facteurs qui y sont associés aidera à concevoir des actions plus adéquates pour réduire l’immigration vers la capitale. Ce ne sont ni les grands ensembles régionaux considérés

jusqu’ici, ni même les trente-deux circonscriptions fédé- rales qui correspondent au découpage politique et admi- nistratif du territoire mexicain qui offrent le meilleur cadre d’analyse du phénomène des migrations vers Mexico. D’une part, en effet, la zone d’où proviennent la plupart des migrants installés dans la capitale est beaucoup plus restreinte que le territoire national (comme il ressort de notre analyse des migrations interrégionales et comme on

l pourrai le voir plus en détail dans les pages qui suivent) ;

d’autre part, les Etats (et à plus forte raison les ensembles régionaux) sont trop hétérogènes sur le plan économique et social pour qu’il soit possible, comme nous le souhaitons, d’analyser correctement les facteurs qui expliquent les différences de volume des effectifs immigrés dans une zone déterminée.

8. L’analyse qui suit se fonde sur des données recueillies lors de la phase A de notre enquête (voir l’Annexe A). Quelques remarques méthodologiques s’imposent ici. a.

b.

C.

d.

e.

- _ Sont définis c o m m e “migrants” tous les individus qui ne sont pas nés dans la région de Mexico, telle qu’elle était définie en 1970 (voir l’Annexe A). Le choix d’une zone fixe pour déterminer quels sont les migrants, indépendamment de leur date d’arrivée, infléchit bien évidemment nos esti- mations. Essentiellement, cette procédure conduit à sous- estimer de plus en plus le nombre effectif de migrants à mesure qu’on remonte dans le temps, puisque la ville de Mexico occupait au début du siècle une superficie bien plus réduite qu’en 1970. Les individus nés dans certains des actuels faubourgs de Mexico auraient donc été considérés c o m m e des migrants si les limites de la ville avaient été définies différemment pour les diverses périodes, alors qu’ils sont classés c o m m e natifs de Mexico dans notre enquête. S’il y a là une limitation méthodologique, on peut également y voir un avantage, puisque par définition nous excluons des migrations effectives la plupart des déplacements de population intervenant sur une courte distance. Notre analyse portant sur les migrations internes, nous en avons exclu les immigrants nés à l’étranger, mais comme, d’après le recensement de 1970, les immigrants étrangers rcprésentaient à cette date 0,45 pour cent de la population totale du pays et 1,l pour cent de la population du District fédéral, cela n’a guère d’incidence en pratique. Nous utilisons la notion de “lieu de naissance” plutôt que celle de “communauté d’origine’’ ou de lieu de résidence avant l’émigration parce que nous n’avons pas pu réunir les données nécessaires à l’emploi de ces deux dernières définitions dans la Phase A de notre enquête, mais seulement dans la Phase B, qui comprenait un nombre trop limité de cas pour ‘permettre une telle analyse. L‘inconvénient majeur de ce choix est d’amener à négliger le fait qu’un nombre indéterminé de personnes ne sont pas venues directement de leur lieu de naissance à Mexico, mais ont connu un ou plusieurs lieux de résidence intermédiaires. Puisque nous considérerons certaines des caractéristiques du lieu de naissance c o m m e des “déterminants” des mi- grations vers Mexico, ou c o m m e des facteurs influençant le devenir des migrants après leur arrivée dans la capitale, on pourrait soutenir que la “communauté d’origine’’. ou le lieu de résidence avant l’émigration vers la capitale constituerait un meilleur indicateur. A cela on peut aussi rétorquer que, quel que soit le profil migratoire d’un individu, le phénomène a son origine au lieu de naissance et prend fin (en que qui nous concerne) à Mexico en 1970. Le fait qu’un individu ait quitté son lieu de naissance et se soit installé à Mexico en 1970 est important pourreconstruire la dynamique régionale en jeu dans les flux d’émigration de la région considérée vers Mexico. De ce point de vue, il peut donc être avantageux de travailler à partir de lavariable “lieu de naissance”. La date d’arrivée a été définie c o m m e l’année civile au cours de laquelle l’individu est venu s’installer pour la dernière fois à Mexico, “l’installation”, c o m m e le fait d’être venu vivre, ou d’avoir établi sa résidence dans la capitale pendant six mois ou plus. Pour l’analyse de l’évolution des effectifs de migrants à destination de Mexico selon l’origine régional, nous avons supposé tout au long que ia population immigrée dans la capitale en 1970 constituait un échantillon représentatif des arrivées enregistrées à différentes périodes. Le problème méthodologique de “l’usure des cohortes” et de son inci- dence éventuelle sur nos résultats est abordé à l’Annexe de ce rapport.

24

Tableau 1-5

Principales régions natales des migrants vivant à Mexico en 1970, classées suivant le nombre fourni par chacunea

Numéro de région

Nom de la région Nombre d'immigrants nés dans la région

67 55 54 63 68 78 69 83 76 47 70 59 82 95 79 49 77 41 75 93 72 53 80 85 65 73 46 71 37 58 60

1 O0 108 57

Hidalgo, estado Guanaiuato, bajio Guanajuato, centro Michoacan, Mes. Tarasca Edo. de México, norte Puebla, area metropolitana Edo. de México, centro Ver. Llanuras de Sotav. Tlaxcala, estado Jalisco, Guadalajara Edo. de México, Toluca Mich. Ciénaga de Chap. Veracruz, La Sierra Oaxaca, centro Puebla, centro Jalisco, centro Puebla, Sierra San Luis Potosi, sur Morelos, estado Baxaca, Mixteca Edo. de México, noreste Guanajuato, norte Puebla, sur Guerrero, centro Michoacdn, Tierra Caliente Edo. de México, este Jalisco, Bolanos-Los Altos Edo. de México, sur Zacatecas, resto estado Querétaro, sur Michoacdn, bai 1'0 Chiapas, centro Yucatin, Mérida-Progreso Querétaro, Ciudad

TOTAL

Pourcentage de la population totale

des migrants échantillon

initial expansion estiméeb

357 196 163 168 123 1 1 1 120 115 104 102 104 95 91 103 86 92 84 66 69 62 72 76 64 57 44 56 50 53 52 49 55 47 42 43

3 203

212 959 113 551 96 077 95 957 70 475 69 645 68 279 65 094 62 970 61 080 60 086 59 747 57 695 56 866 51 773 51 225 50 840 49 030 45 929 43 488 43 058 41 394 41 021 34 662 34 344 32 785 32 044 30 650 30 343 27 639 26 820 24 771 24 325 22 749

1888 372

9,0 4.8 4.1

3,0

2,9 2,7 2.7 2,6 2.5 2.5 24 2.4 2.2 22 2.2 2.1 1.9 1.8 1.8 1.7 1.7 1 3 1.5 1,4 1,4 1.3 1.3

1 2 1,1 1 .O 1 .O 1 .O

79.9

4,1

2,9

Source: Enquête sur les migrations, Phase A, Mufioz, Oliveira et Stern, 1977 : 117.

a. Régions ayant fourni au moins 1 96 du nombre total de migrants vivant à Mexico. b. Estimation de l'expansion de la population de l'échantillon initial, permettant d'évaluer l'effectif

correspondant de la région de Mexico.

25

Tableau 1-6

Tendances migratoires suivant le type de région (en pourcentagela

~

Tendance migratoire

Type de région Croissante Décroissante Instable Total

A.

0.

C.

D.

E.

Villes ou agglomérations 0,o 11,3 1,3 12,5

Régions ayant d'importantes structures urbaines et des activités économiques diversifiées 3,O 5,l 0,o 8,l

Régions relativement urbanisées mais économiquement peu diversifiées 9,l 7,5 28 19,4

Régions d'agriculture commerciale 14,6 Oro 13 16,4

Régions d'agriculture de subsistance 23,8 14,9 43 43,5

TOTAL 50.5 38,3 10,7 100.0

a.

Source: Enquête sur les migrations, phase A, Stern, 1977 : 158.

I I s'agit seulement des 34 régions qui ont fourni chacune au moins 1 % de l'effectif total d'immigrants vivant a Mexico en 1970. L'univers de ce tableau est le nombre total de migrants venus de ces 34 régions.

Tableau 1-7

Origine des migrants selon la taille de la localité de naissance, par cohorte d'arrivée à Mexico. 1970.

(en pourcentage)

Taille de la localité de naissance

Moins de 5 O00 habitants 5 O00 - 19 999 20 O00 - 99 999 1 O0 O00 et plus (Absence de données)

Cohorte d'arrivée

Avant 1935 1945 1955 1965 1935 1944 1954 1964 1970 -----

41,3 40,l 47,7 50.9 53,3 21,l 24,2 16,O 17,6 15,5 24,O 18,7 18.9 16,6 13,2 4,6 5,9 6,7 6,9 4,8

9.0 11,O 10,7 8,O 13,2

Tableau 1-8

Origine des migrants selon le niveau de développement socio-économique de la région natale, par cohorte d'arrivée à Mexico. 1970.

(en pourcentage)

Rang de la Cohorte d'arrivée région suivant le niveau de Avant 1935 1945 1955 1965

développement 1935 1944 1954 1964 1970

I et I I (rang le plus élevé) 26.0 21.8 22,3 15,6 11,5 I I I , IV et V 50,O 48,3 48.6 55,2 49,8 VI et VI1 23.9 30.0 29.1 28.5 38,7

- -----

Source: Présentation nouvelle de résultats de l'Enquête sur les migrations à Mexico, Phase A, H. Mufioz, O. de Oliveira et C. Stern, 1977 : 106. Idem pour le Tableau 1-8 : 107.

Tableau 1-9

Déterminants des différences régionales de volume des flux migratoires à destination de Mexico,

par cohorte d'arrivée Effectif total de migrants

(Coefficients Beta)

Facteursa Cohorte d'arrivée

Avant 1935-1954 1955-1 970 1935

Régionaux : Popu I at io n 0,565* 0,783' 0.806" Pression sur les res-

Diversification sources foncières 0,019 - 0,169 - 0.1 77

C économique 0,107 - - 0,045 " I nd ige n ismo" 0.220" - 0.087 - 0,033 Concentration

C urbaine 0,383 0.654' -

Relationnels : Distance 0,524*b - 0,461 * - 0,412'

d Communications 0.31 6" 0,334* - Autres possibilités

R2 0.71 6 0,640 0.61 6 d'immigration 0.314" - 0,234 - 0,363"

* Variable significative au niveau 0.10. a. Voir à l'Annexe H la description des indicateurs utilisés. b. Le signe est positif car on a utilisé dans ce cas l'inverse de la

distance. c. L'ordinateur a éliminé cette variable de l'analyse de régression

par pas, car elle est trop peu significative. d. Ce facteur n'a pas été pris en considération pour cette cohorte,

toutes les régions sauf une étant alors reliées à Mexico. Source: Stern, 1977 : 203.

Nous avons donc décidé de retenir des unités territoriales plus petites et plus homogènes pour étudier les variations de l’origine régionale des migrants allant à Mexico. A cet effet, nous avons utilisé le schéma de régionalisation élaboré par la Commission nationale du salaire minimum pour en fixer le niveau sur tout le territoire. Ce schéma présente par rapport aux autres l’avantage de retenir la notion d’homogénéité socio-économique comme critère de base pour delimiter les régions, ce qui cadre bien avec notre propre hypothèse, à savoir qu’il faut utiliser des unités d’analyse assez homogènes pour rendre compte des différences de comportement migratoire9. Mexico a accueilli des migrants en provenance de presque

tous les coins du territoire national, Toutefois, selon une analyse portant sur 1970, la plupart d’entre eux sont originaires de régions relativement proches de la capitale, ainsi qu’on peut le voir sur la carte 1-4, où la viüe de Mexico correspond à la région no 74. En comparant cette carte et la carte B-5 de l’Annexe B, on constate en outre que l’origine régionale des migrants correspond d’assez près à la densité de population.

Etant donné cette assez grande concentration, nous avons sélectionné les régions d’où proviennent la majorité des migrants vivant à Mexico pour analyser les variations dans le temps de l’origine géographique des migrants. La carte 1-5 indique l’emplacement des trente-quatre régions qui ont fourni chacune au moins 1 pour cent de l’effectif total de migrants. Comme le tableau 1-5 permet de le constater, près de 80 pour cent d’entre eux viennent de ces trente-quatre régions, sur les cent onze retenus en tout par la Commission nationale du salaire minimum. Pour décrire les variations du volume des flux migratoires

selon les régions d’origine, nous avons procédé comme suit: a) nous avons réparti les migrants originaires des trente-quatre régions entre les trois cohortes d’arrivée précédemment mentionnées, c’est-à-dire avant 1935-1954 et 1955-1970 ; b) nous avons classé ces régions par ordre décroissant suivant leur part dans l’effectif de chacune des trois cohortes ; enfin, c) nous avons comparé les rangs des différentes régions pour les trois cohortes en vue de déterminer les tendances régionales, lesquelles, selon le cas, sont: i) croissante, quand la région se classe à un rang de plus en plus élevé pour les trois cohortes suc- cessives ; ii) décroissante, quand l’importance relative de la région du point de vue de l’effectif de migrants diminue avec le temps ; ou iii) instable, quand la tendance s’inverse d’une cohorte à une autre. Les résultats obtenus sur 1ô base de cette typologie

ont été reportés sur la carte 1-6. Les observations les plus importantes que suggère la comparaison des trois cohortes d‘arrivée sont les suivantes :

a) Les régions caractérisées par une tendance décroissante de l’effectif de migrants fourni à Mexico sont généralement situéés à la périphérie de l’agglomération de la capitale (dans un rayon de cent cinquante km environ à partir du centre de la capitale) et dans un couloir qui s’étend du nord-est de cette zone à l’Etat de Guanajuato (régions 53 et 54). La seule exception est la région de Guadalajara (47), plus éloignée.

b) La majorité des autres régions qui envoient des migrants à Mexico se classent à un rang de plus en plus élevé avec le temps. Elles forment pour la plupart une deuxième couronne autour de l’agglomération de la capitale, large de six cents à huit cents km, qui n’est interrompue que par le couloir de Querétaro-Guanajuato mentionné ci-dessus, par deux

régions où s’observe une tendance fluctuante (no 60 et 93), et par quelques régions exclues de la présente analyse parce que leur effectif d’émigrants est trop faible.

c) LES rares régions caractérisées par une tendance instable sont relativement éloignées de Mexico: deux se situent à la périphérie de la ville de Guadalajara (46 et 49). l’une jouxte la ville de Michoacin (60), une quatrième est proche de la ville d’Oaxaca (93) et les deux autres se trouvent dans le Chiapas et le Yucatin (100 et 108).

Dans les régions de la première catégorie, celles qui pré- sentent une tendance décroissante, Mexico a recruté 50,8 pour cent de ses immigrés de la première cohorte, et 23,l pour cent seulement de la dernière. Les régions où s’observe une tendance croissante ont fourni à la capitale 26,7 pour cent de son effectif de la première cohorte, et 46 pour cent de celui de la dernière (voir Stern, 1977, tableau 7-2). Dans un deuxième temps, nous avons entrepris d’analyser

les carattéristiques socio-économiques des 34 régions rétenues, pour voir si elles étaient en correspondance avec les tendances observées en matière d’émigrationlo.

Les résultats obtenus (voir le tableau 1-5) indiquent que les tendances ascendantes sont généralement le fait des régions où domine l’agriculture (surtout l’agriculture de subsistance, mais aussi, dans certains cas, une agriculture moderne et commerciale) ; en revanche, les tendances décroissantes s’observent le plus souvent dans des régions formées en majeure partie de villes ou de grandes agglomé- rations, ou qui ont une structure urbaine très développée et des activités économiques diversifiées.

Il ressort d’analyses parallèles de l’origine des migrants du point de vue de la taille de la communauté de naissance et du niveau de développement de la région natale que, de plus en plus, les effectifs immigrés à Mexico viennent de communautés rurales et de régions déshéritées (voir tableau 1-7 et I-8)11. La t d e de la communauté de naissance et le niveau de développement de la région natale étant en rapport avec le niveau d’instruction (MUnoz, Oliveira et Stern, 1977, ch. 8), les tendances décrites ci-dessus ont des conséquences importantes pour la compétitivité des migrants sur le marché du travail et leur aptitude à s’élever dans l’échelle sociale une fois installés à la ville. Nous y reviendrons.

9. Si nous avons utilisé le schéma de régionalisation de 1962-1963 (voir Cornision Nacional de los Salarios Minimos, 1964) au lieu des schémas ultérieurs, c’est essentiellement parce que nous avions déjà travaillé sur ce document et réuni une mane appréciable d’information à son sujet (voir Stern, 1973), mais aussi parce que les données concernant la région natale pour notre échantillon de 1970 avaient été codées en fonction de ce découpage. Pour plus de détails, voir Stern, 1977, note 7.

10. Les données concernant les caractéristiques socio-économiques des régions se réfèrent aux alentours de 1960. On trouvera une typologie des régions, et les données correspondantes, dans Stern, 1977 : 152-156. La taille de la localité de naissance est mesurée par le nombre d’habitants indiqué par le recensement effectué à la date la plus proche de l’année de naissance de l’individu interrogé. Le niveau de développement socio-économique correspond aux données de la situation dans chacune des régions vers 1960. U n indice des niveaux de développement a été établi pour chacune des 111 régions définies par la Commission nationale du salaire minimum. Il s’agit d’un indice non pondéré qui comprend quatre éléments : pourcentage de la population vivant dans des centres urbains, proportion de la population active employée dans le secteur secondaire, fraction de la m ê m e population employée dans le secteur tertiaire, revenu moyen des salariés. Pour plus de détails, voir Stern, 1973.

11.

al P

m w t

al 3

O a

28

0004)

O0

0004)

II

I

O0

88

g

c"

"

G8

O

-0

80

O

0

3

Q

29

Les remarques exposées ci-dessous résument l’essentiel de nos conclusions les plus importantes en ce qui concerne l’origine régionale des migrants vivant à Mexico :

1. Les migrations à destination de la région de Mexico ont leur point de départ dans un nombre relativement restreint de régions. Le quart de l’effectif total de migrants vivant dans la capitale se répartit entre cinq régions natales sur les cent onze délimitées par la Commission nationale du salaire minimum et quinze régions en ont fourni à elles seules plus de 50 pour cent.

2. Les régions d’origine de la plupart des migrants installés à Mexico sont relativement proches de la capitale : près de 30 pour cent d‘entre eux sont nés dans les régions situées à la périphérie de la capitale, dans un rayon de 150 k m environ (par la route), et près des trois quarts sont originaires de régions sitées dans un rayon qui ne dépasse pas 800 km.

3. Dans le temps et du point de vue de la dynamique migratoire, l’importance des régions immédiatement limi- trophes ou très proches de la capitale va nettement en diminuant (à l’exception de l’Etat d’Hidalgo, qui maintient sa prépondérance tout au long des trois périodes analysées). Les zones où le volume de l’émigration vers la capitale augmente très sensiblement en sont beaucoup plus éloignées : certaines parties des Etats de Michoacin et de Guanajuato à l’ouest, la chaîne montagneuse de Veracruz dans la région du Golfe, et la région centrale de l’Etat d’Oaxaca au Sud, entreautres.

4. De façon générale, les régions qui ont pris de l’importance comme les zones de l’émigration vers la capitale sont très souvent des régions agricoles, qu’il s’agisse d’agriculture commerciale ou d’agriculture de subsistance. Celles qui ont connu l’évolution inverse sont constituées soit par des d e s qui se sont elles-mêmes beaucoup développées au cours des dernières décennies, soit par des zones d’agri- culture de subsistance situées à proximité de la capitale.

5. Les migrants à destination de Mexico sont de plus en plus souvent originaires de communautés rurales et de régions déshéritées.

A partir de ces conclusions, on peut avancer une série d‘hypothèses préliminaires générales pour interpréter le phénomène des migrations vers Mexico. La demande de main-d’œuvre créée au cours des dernières

décennies par le développement industriel national, lequel s’est concentré principalement à Mexico, a engendré des phénomènes de migration “massive”, où peuvent se dis- tinguer au moins deux phases, suivant leurs effets à l’échelon régional. Dans un premier temps, la main-d’œuvre requise provient essentiellement de deux sources: i) les villes relativement proches de la capitale et bien desservies (Toluca, Querétaro, Puebla, Guadalajara), où le processus d’industrialisation est décalé par rapport à Mexico ; ü) les zones d’agriculture de subsistance situées à la proximité de la capitale et qui, parallèlement au développement urbain et industriel de Mexico, et sans doute par contre coup, souffrent de désinvestissement, d’une désintégration de l’économie paysanne, de surpopulation par rapport aux ressources exploitées localement, etc. Elles se caractérisent tout au long de cette phase par un courant d‘émigration interne vers la capitale, en raison de leur forte densité démographique, de la facilité des communications avec

Mexico et de l’absence d’autres lieux de destination pos- sibles à proximité (abstraction faite de la très forte demande de main-d’œuvre non qualifiée qui marque les premières étapes de l’industrialisation de la capitale). Dans la seconde phase, une fois que le processus pré-

cédent s’est confirmé et que la capitale a résorbé beaucoup des excédents de population des zones voisines, on voit apparaître d’autres phénomènes qui viennent pour partie se surajouter aux premiers (l’émigration des zones périphé- riques ne cesse nullement), et pour partie les modifier.

D’une part, d’autres villes se trouvent dynamisées et se transforment lentement en ‘‘pôles de développement” et en zones d’attraction. Ces villes sont celles qui, dans la première phase, ont subi le contrecoup de la concentration industrielle intervenue dans la capitale (à l’exception de Monterrey et de quelques autres villes situées le long de la frontière nord, mais en dehors de la zone de recrutement de Mexico). Ces villes deviennent donc nettement moins importantes comme sources de flux migratoires dirigés vers la capitale.

D’autre part, comme la demande de main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée demeure très forte dans la capi- tale (parce que la concentration des services productifs essentiellement, y est de plus en plus poussée et que les conditions de vie de larges secteurs de la paysannerie se dégradent, les zones où se recrutent les candidats à l’émigration se diversifient et elles s’étendent, d‘abord aux régions rurales plus éloignées de la capitale (et relativement distantes des autres villes qui ont connu pendant cette phase un développement dynamique), puis à d’autres d e s , le plus souvent de tade intermédiaire, qui ne sont pas devenues des pôles de développement.

En ce qui concerne les zones rurales, il n’est pas inutile de souligner qu’elles comprennent apparemment aussi bien des régions qui ont connu une évolution des structures agraires et un développement agricole notable que des régions où l’agriculture de subsistance est restée ou devenue l’activité prédominante.

6. Ebauche d’un modèle explicatif des différences régionales de volume des, flux migratoires à destination de Mexico

La description et l’interprétation de l’évolution des effectifs émigrant à Mexico selon l’origine régionale nous a conduits à tenter une formalisation plus poussée ; et une vérification empirique de certaines de nos hypothèses, en tenant compte, entre autres, des questions suivantes: a) quels sont les facteurs qui expliquent les différences de volume des mi- grations en provenance des différentes régions ? b) sont-ce les mêmes pour toutes les périodes, ou varient-ils sensi- blement selon les périodes? c) sont-ce les mêmes pour l’immigration rurale que pour l’émigration urbaine ?

Pour répondre à ces questions, nous avons élaboré un modèle explicatif qui rend partiellement compte de ces différences (Stern, 1977, ch. 8, et Stern et Cortés, 1978).

D’un point de vue analytique, on peut supposer que trois grands types de facteurs entrent en jeu : a) les facteurs liées à “l’attraction” variable qu’exerce Mexico suivant le type de région et suivant l’époque ; b) les facteurs liés au volume global des courants migratoü-es partant de chaque région; c) les facteurs liés à la fraction de ces courants migratoires qui s’oriente vers Mexico, à l’exclusion de toute autre destination.

Nous n’avons pas expressément retenu les facteurs de la première catégorie pour notre modèle, où nous avons en revanche intégré plusieurs sortes de facteurs relevant

30

des deux autres catégories. Ainsi, parmi ceux qui sont liés au volume des flux migratoires provenant des régions elle-mêmes, que nous avons appelés “régionaux”, nous en avons retenu trois, respectivement liés aux structures économiques, démographiques et sociales. Parmi les facteurs afférents aux flux dirigés vers Mexico, ou facteurs “relation- nels”, nous avons diktingué entre ceux qui peuvent être considérés comme agissant directement sur l’intensité des liaisons et, partant, des courants migratoires entre deux régions, comme la distance, l’existence de réseaux de com- munication et de moyens de transport et ceux qui exercent indirectement une influence, telle l’existence ou l’absence d’autres lieux de destination possibles pour les candidats à l’émigration originaires de ces régionsl2.

Notre analyse se fonde sur la technique statistique de la régression multiple13. La figure 1-3 offre une représentation graphique du type de modèle utilisé et des variables qu’il intègre. Faute de place, nous ne pouvons diustrer que quelques-uns des principaux résultats (voir tableau 1-9 à 1-1 1), dont nous nous bornerons à proposer une interpré- tation assez générale.

L‘analyse empirique des facteurs déterminant les écarts régionaux en matière de migrations vers Mexico a corroboré notre hypothèse générale que les facteurs et les mécanismes en jeu accusent d’importantes variations dans le temps, et qu’il n’est pas possible de recourir au même schéma d’explication pour rendre compte des différences entre migrations rurales et migrations urbaines.

Dans l’ensemble, il ressort de cette analyse que plus la cohorte d’arrivée est récente, plus les facteurs régionaux - et moins les facteurs relationnels - pèsent dans les différences de volume de l’émigration à destination de Mexico selon les régions. Par rapport à l’effectif total immigrant à Mexico (voir tableau 1-9), les deux facteurs qui expliquent le plus souvent les différences migratoires régionales pour les trois cohortes de migrants considérées sont le volume de la population régionale et la distance séparant la région de la ville de Mexico. Dans le temps, toutefois, ces deux facteurs jouent en sens contraire : plus la cohorte d’arrivée est récente, plus l’incidence du volume de la population régionale tend à croître, et plus l’influence de la distance va en diminuant. On peut donc en déduire qu’avec le temps, la distance

fera de moins en moins obstacle à l’émigration vers Mexico et qu’en conséquence, les migrants originaires des régions éloignées, surtout si elles sont assez peuplées, tendront à affluer en plus grand nombre dans la capitale. Toutefois, un autre facteur entre en jeu, à savoir la possibilité pour les candidats à l’émigration originaires des diverses régions de s’orienter vers d’autres lieux de destination que Mexico. Comme le montrent les résultats de notre analyse empirique, l’existence de ces solutions de rechange a pris un peu plus d’importance entre la première cohorte de migrants et la plus récente (sans pourtant compenser le poids croissant du volume de la population régionale). Dans la mesure- où l‘action des pouvoirs publics (choix des lieux d’implantation des investissements publics, par exemple) peut influer directement sur l’existence d’autres possibilités d’immigra- tion, beaucoup plus que sur les autres facteurs précédem- ment discutés, nous tenons à souiigner le rôle important que cette variable pouraait jouer pour réduire dans un avenir proche les effectifs de migrants venant s’installer à Mexico. Ceci étant, il ressort aussi de notre analyse que l’existence

de solutions de rechange n’a apparemment joué que pour les migrants d’origine urbaine, sans changer grand chose

pour les ruraux candidats à l’émigration (voir tableaux 1-10 et 1-1 1). Cela tient sans doute au nombre et à la nature des emplois offerts dans les autres zones possibles d’immigra- tion. Notre hypothèse serait que jusqu’ici, seules les très grandes villes ayant une économie diversifiée ont été capables d’attirer beaucoup de migrants d’origine rurale et que les villes plus petites, dont les activités sont plus spécialisées, attirent de plus en plus de migrants d’origine urbaine, sans pouvoir encore recruter des effectifs impor- tants dans les campagnesl4.

Par ailleurs, les résultats de notre analyse semblent indiquer que la série des facteurs qui déterminent les différences de volume des migrations peut varier très sensiblement selon les époques. A cet égard, il importe de noter que les facteurs qui sont déterminants pour la période 1935-1954, notamment dans le cas des migrants d’origine rurale, sont totalement différents de ceux qui valent pour les autres cohortes de migrants. Pour la période 1935-1954, comme on peut le voir aux tableaux 1-10 et 1-1 1, aucun des facteurs relationnels n’a d‘incidence sur les différences d’effectifs (quelque soit l’origine, rurale ou urbaine des migrants), et ni le volume de la population régionale, ni la pression sur les ressources foncières n’ont le moindre effet sur le volume de l’émigration rurale à destination de Mexico.

Notre hypothèse est que les changements radicaux intervenus dans la politique sociale et économique sous la présidence de Cirdenas (1934-1940) ont eu des effets durables sur les mouvements migratoires à l’intérieur du pays. La réforme agraire mise en œuvre à cette époque a probablement eu pour conséquence immédiate de réduire l’exode rural dans certaines régions, et de l’accélérer dans d’autres15 . Cette différence probable expliquerait que des régions ayant à peu près la même population mais ayant réagi différemment à la réforme agraire enregistrent une émigration quantitativement dissemblable (ce qui se traduit dans notre modèle de régression par une baisse de la valeur explicative de la variable population).

D’autre part, il apparaît que cette cohorte est la seule pour laquelle la possibilité d’immigrer ailleurs qu’à Mexico n’influe pas sur les variations constatées dans les flux migra- .toires d’origine urbaine. A notre sens, cela pourrait tenir également au processus de réforme sociale et économique entrepris dans la première partie de cette période. La nationalisation des principales ressources et l’effort fait pour assurer un développement industriel géographique- ment plus équilibré, joints à la tentative de décentralisation des services publics, font que l’existence de solutions de recherche a probablement perdu de sa valeur pour expliquer les différences de volume des migrations d’origine urbaine.

- 12. 13. 14.

15.

Pour une description des variables utilisées, voir l’Annexe H. Voir l’Annexe F. Dans les très grandes villes, la demande de main-d’œuvre non qualifiée correspond probablement à un besoin beaucoup plus prononcé et elle est bien plus simple que dans)es petites villes, ce qui explique qu’elles attirent beaucoup plus les migrants d’origine rurale. L’étude entreprise dans l’Ouest du Mexique sur les migrants vers la ville de Guadalajara a abouti à certains résultats qui corroborent partiellement cette hypothèse. Voir W. Winnie, 1977. Malheureusement, à notre connaissance, aucune étude n’a été entreprise au Mexique pour évaluer les incidences régionales de la réforme agraire sur les mouvements de population. Des études effectuées au Chili (voir Arguello, 1974) et ?i

Cuba (voir Morejon, 1977) donneraient à penser que ces effets peuvent être variables suivant les régions, en fonction, notamment, du type d’agriculture précédemment pratiqué.

31

FACTEURS REG I ONAUX

Volume de l'émigration

FACTEURS R E LATlON NE LS

Volume des migrations dirigées

vers Mexico

Structures sociales (Degré d' "indigenismo")

Structures économiques (Degré de diversification économique)

(Répartition sectorielle de la population) (Niveau de développement socio-économique)

4 m

Structures démographiques (Effectif de la population) (Densité de la population) (Degré d'urbanisation)

(Degré de concentration urbaine)

Déterminants directs (Distance)

(Communications)

Déterminants indirects (Existence d'autres

possibilités d'immigration)

J

Graphique 1-3

Modèle d'interaction des facteurs déterminant les différences régionales de volume des flux migratoires à destination de Mexico

32

Carte 1-6

Tendances d'évolution de la répartition des migrations vers Mexico selon la région natale

Tableau 1-10

Déterminants des différences régionales de volume des flux migratoires à destination de Mexico, par cohorte d'arrivée

Migrations d'origine rurale (Coefficients Beta)

Facteu rsa

Régionaux : Population rurale Pression sur les res- sources foncières

Diversification économique

"1 ndigenismo" Concentration

Relationnels : Distance Communications Autres possibilités d'immigration

urbaine

R2

Cohorte d'arrivée Avant 1935-1954 1955-1 970- 1935

0,401 * - 0.266 0,631 *

0,265" 0.043 0,224

0.076 1.205" - 0,221 0,195' 0,090 - 0,210' 0,072 0.236 - 0.090

- 0,123 0,521'b - b e 0,191 0,193 -

- 0,073 0.070 - 0,058 0.748 0,749 0,813

* Variable significative au niveau 0.10. a. Voir à l'Annexe H la description des indicateurs utilisés. b. Le signe est positif car on a utilisé dans ce cas l'inverse de la distance c. Le signe est positif car o n a utilisé pour cette cohorte un indicateur

qui est l'inverse du degré de diversification économique. d. L'ordinateur a éliminé cette variable de l'analyse de régression par

pas, car elle est trop peu significative. e. I I n'a pas été tenu compte de ce facteur pour cette cohorte, toutes

les régions sauf une étant alors reliées à Mexico. Source : Stern, 1977 : 213. Enquête sur les migrations vers Mexico, Phase A.

Tendance croissante

Tendance décroissante

0 Tendance instable

Tableau 1-11

Déterminants des différences régionales de volume des flux migratoires à destination de Mexico,

par cohorte d'arrivée Migrants d'origine urbaine

(Coefficients Beta) ~ ~~

Facteursa

Régionaux : Population Pression sur les res- sources foncières Diversification économique

"1 ndigenismo" Concentration urbaine

Cohorte d'arrivée Avant 1935:1954 1955-1970 1935

0.816" 0,985" 0,730'

-

- 0,241 * - 0,361 - 0.21 2 - 0,330 0,035 -0,318 0.1 39 - b 0,029

0,264 0,225" 0.442"

Relationnels : Distance 0,204' 0,145 0,028 Communications 0,199* 0,099 - C Autres possi blil ités

R2 0,822 0,835 0,730

* Variable significative au niveau 0.10. a. Voir a l'Annexe H la description des indicateurs utilisés. b. L'ordinateur a éliminé cette variable de l'analyse de régression

par pas, car elle est trop peu significative. c. I I n'a pas été tenu compte de ce facteur pour cette cohorte,

toutes les régions sauf une étant alors reliées à Mexico. Source: Stern, 1977: 213.

d'immigration - 0.21 6" - 0.036 - 0.276"

33

Tableau 1-12

Répartition par branche d'activité de la population mexicaine, 1930- 1970

Secteur et branche en milliers 1930 1950 1970 - -

Extraction 3 677 4 909 5 249 Agricliiture 3 626 4 819 5 103 Industrie minière 51 95 146 Transformation 566 958 2 295 Produits alimentaires, boissons, tabacs 159 173 452 Textiles, cuir, chaussure Articles et meubles en bois Papier et produits en papier Produits c h i miques Produits minéraux Produits métalliques et machines Métallurgie de base Equipements collectifs Autres Construction Distribution Commerce Transports Services productifs Financiers A u x entreprises Services sociaux Education et santé Administrations pub1 iques Services individuels Domestiques Blanchisserie Réparations Spectacles, hôtellerie, restauration

Autres services TOTAL

231 72 1 1 21 26 15 5 15 1 1 62 375 267 108 5

5 20 1 201

257 190 10 31

5 21

5 143

-

-

355 119 24 40 48 127 24 24 24 222 863 657 206 55 31 24 356 158 198 554 308 24 48

126 48

7 917

488 208 122 220 146 39 1 73 49 146 574

1 599 1 196 403 269 110 159 916 513 403

1 306

134 195

354 85

12 208

538

1930

71,5 70.5 1 .O 11.0 3.1 4.5 1,4 0.2 0.4 0.5 0.3 O 1 0.3 0#2 1.2 7.3 5.2 2.1 0.1

0.1 3,9 3.9

5,O 3,7 0.2 0.6

0.1 O ,4

100.0

-

-

-

en pourcentage 1950 1970 - 62.0 60.8 1.2 12.1 2.2 4.5 1 3 0.3 0.5 0.6 1.6 0,3 0.3 0,3 2.8 10,9 8.3 2,6 0.7 0.4 0,3 4.5 2.0 2,s 7,O 3.9 0.3 O. 6

1.6 0.6

100.0

42.0 41.8 12 18.8 3,7 4.0 1,7 1.0 1.8 182 3,2 0.6 0.4 1.2 4.7 13.1 9,8 3.3 2,2 0,9 1,3 7,5 4.2 3.3 10,7 4,4 1,l 1,6

2.9 O, 7

100,o

Source: Mufioz, 1975: 45. Voir l'Annexe G.

34

Tableau 1-13

Répartition de la population active par branches d’activité, District fédéral 1930-1970

Part (en pourcentage) Pourcentage d’accroissement Branches 1930a 1950a 1970a 1930-1950 1950-1 970 1930-1970

(1 ) (2) (3) (4) (5) (6)

Industries extractives 11.5 5.7 2.6 31.1 -2.3 28.2 Industries manufacturières 25.0 27.9 32,7b 195.1 152.4 644,6 Construction 3,8 6,3 5.7 343.4 94.3 761,5 Distri bution 22.0 23,O 19.6 176.3 83.8 407.8

Services sociaux 15,8 13.5 14.9 126.2 137.4 437.0 Services individuels 21,lC 20.6 19.1 156.6 100.1 4 13,2

Services productifs 0.8 3.0 5.4 894.9 2932 3 812.4

TOTAL 100,o 100.0 100.0 164.3 115.6 469.8 (376 249) (993 361 ) 2 143 770)

a. A l‘exclusion des activités mal délimitées. b. Y compris une partie des industries minière et pétrolière. c. Y compris les forgerons, ferblantiers et plombiers (pour plus de détails concernant b et c, voir l’Annexe G). Sources:

Colonnes 1, 3: México, Direccion General de Estadisticas, V Censo General de Poblacion, 1930. Distrito Federal, Tableau X Vlll IX Censo General de Poblacion, 1970. Resumen general, tableau 38. Colonne 2: adapté de Browning (1962), tableau VII-1 : 219-223. Colonnes 4,5,6: Pourcentages déduits des chiffres absolus utilisés pour les colonnes 1, 2 et 3.

Tableau 1-14 Tableau 1-15

Taux de croissance annuel moyen par branches d‘activité, District fédéral et Mexiquea

Répartition de la population active par branches d’activité : Part du District fédéral dans l’ensemble du pays

1930- 1970 1930- 1970

Branches

Industries extractives Indust. de transform. Construction Distribution Services productifs Services sociaux Services individuels

1930-1950 District Mexique fédéral -- 1.3 1.4 4.9 1.8 6.3 5.5 4.7 3.7 8.2 7.3 3.9 2.3 4.4 33

1950-1970 District Mexique fédéral -- -0.1 0.4 4.3 4.0 3.2 4.7 3P 3.1 59 7.3 4.1 4.6 33 4A

a. A l’exclusion du District fédéral . Source: Mufioz, Oliveira et Stern, 1977: 145, tableau 11-2.

Branches Part du District fédéral

1930 1950 1970

Industries extractives 1.2 1.2 1.1 Industries manufacturières 16.6 29.1 30.5 Construction 23.1 28.0 21,4 Distribution 22.1 26.6 26.4 Services productifs 44.6 55.6 43,6 Services sociaux 29.7 37.7 34.3 Services individuels 31.3 36.7 31.3

TOTAL 7.3 12.6 17.6

Source: Mufioz, Oliveira et Stern, 1977, tableau 11.5 : 149.

35

Lorsque ces transformations prirent fin et que se concré- tisa la stratégie de développement fondée sur une indus- trialisation intensive et centralisée, essentiellement pendant et après le mandat du président Miguel Alemin (1947-1952), les disparités régionales s’accentuèrent. II en résulta pro- bablement une situation dans laquelle la variable population et la création géographiquement sélective de possibilités d’emploi jouèrent une fois de plus un rôle important dans les différences de volume des migrations d’origine rurale et urbaine respective ment.

Si notre interprétation est correcte, elle signifie que l’adoption d’une stratégie de développement radicalement différente peut entraîner d’importantes modifications, non seulement du volume et de l’orientation des mouvements migratoires, mais aussi de la nature et du fonctionnement de l’ensemble des facteurs qui les régissent.

7. Evolution de la répartition sectorielle de la population au Mexique et à Mexico, 1930-197016

Pour analyser les interactions qui lient les migrations .d‘origine rurale et urbaine et la capacité d’absorption de main-d’œuvre, il est primordial d’établir comment l’évolution démographique et économique du Mexique et de Mexico a déterminé les caractéristiques tant de la demande que de l’offre de main-d’œuvre.

L‘ampleur des migrations internes et la rapidité de l’ac- croissement naturel de la population ont contribué, on l’a vu, à une forte concentration démographique dans la capitale et agi sur l’offre de main-d’œuvre. D’autre part, les particularités des structures de production de Mexico ont eu une incidence sur l’évolution du volume et des caractéristiques de la demande de main-d’œuvre. A mesure que l’ensemble du pays s’industrialisait et s’urbanisait, les structures économiques de Mexico devenaient plus complexes et plus spécialisées, et ces changements se sont reflétés dans sa structure sectorielle. Nous avons donc été amenés à étudier la croissance des effectifs de main- d’œuvre par branche d’activité, dans le cadre des trans- formations des structures économiques nationales.

Dans un premier temps, de 1936 environ à 1955, le développement industriel du Mexique est centré essentiel- lement sur la production de biens de consommation non durables (Solis, 1970), encore qu’il confère un certain dynamisme au secteur des produits manufacturés et aux services complémentaires. Il reste que la part des industries manufacturières dans l’emploi augmente relativement peu de 1930 à 1950 (voir le tableau 1-12). De fait, au cours de cette période, c’est dans les services productifs17 que le taux annuel moyen de croissance de l’emploi augmente le plus dans tout le pays. A Mexico, à la différence de ce qui se passe à l’échelon

national, les industries manufacturières voient leurs effectifs s’accroître fortement entre 1930 et 1950 (voir le tableau 1-13). En outre, le taux annuel moyen de croissance de l’emploi dans les différentes branches du secteur tertiaire y est beaucoup plus élevé que dans le reste du pays ( voir le tableau 1-14). Il y a donc lieu de penser que le processus d’industrialisation national est étroitement lié à l’essor des industries manufacturières à Mexico, qui devait aussi entraîner la concentration dans la capitale de toutes les branches du secteur tertiaire. C’est ainsi que vont se préciser la physionomie du

système productif de Mexico et son influence croissante sur l’ensemble de l’économie nationale. Par la suite, la capitale

renforcera sa position de principal centre de l’industrie et des services au sein de l’ensemble national. A partir du milieu des années 50,le secteur manufacturier

connaîtra d’importantes transformations de ses structures internes aboutissant à un essor de la quasi-totalité des branches de ce secteur, et surtout des industries des biens d’équipement, qui s’adjugeront la plus grosse part de l’en- semble de la production industrielle (Solis, 1970; Reynolds, 1973). L‘importance de ce secteur à Mexico après 1950 est également attestée par un accroissement très net de ses effectifs (voir le tableau 1-13), même si cette tendance s’accompagne d’un recours accru à la technologie et d’une diminution du travail qualifié. De 1950 à 1970, le taux annuel moyen de croissance de

l’emploi dans les industries manufacturières, qui progresse sensiblement par rapport aux deux décennies précédentes pour l’ensemble du pays, décroît en revanche dans le District fédéral (voir le tableau 1-14). Ce fléchissement peut s’expliquer en partie par l’essor dans le reste du pays de nouveaux centres urbains industriels (Unikel, 1970), qui réclament davantage de main-d’œuvre. Néanmoins, les effectifs des industries manufacturières restent toujours pratiquement aussi concentrés à Mexico (voir le tableau 1-15>. Après 1950, l’infrastructure industrielle de la capitale continue de se développer et commence à s’étendre avec la création de grandes entreprises modernes situées en dehors du District fédéral, mais dans la région de Mexico. Dans l’ensemble du pays, comme dans la capitale, la pro- duction devient peu à peu tributaire d’une demande de biens de consommation durables plus élaborés, qui, quoique assez faible, n’en stimule pas moins un développement économique vigoureux.

Entre 1950 et 1970, à la différence de l’évolution observée au cours des deux décennies précédentes, l’ab- sorption de main-d’œuvre dans chacune des branches du secteur tertiaire est moindre à Mexico que dans l’ensemble du pays (voir le tableau 1-14). La branche des services sociaux est la seule où le taux d’accroissement de l’emploi ait progressé dans la capitale entre 1950 et 1970. Au cours de cette période, la part de Mexico dans les effectifs du secteur tertiaire a donc diminuée (sauf dans la distri- bution) par rapport à l’ensemble du pays.

16. On trouvera i l’Annexe G quelques commentaires concernant les statistiques de la population active établies à partir des recensements. Dans cette section, “Mexico” désigne exciusi- vement le District fédéral, puisque les données relatives à la population active fournies par les recensements ne s’appliquent qu’aux circonscriptions fédérales et non aux villes ou aux agglomérations urbaines. 11 importe de ne pas l’oublier, dans la mesure où l’essor de la ville de Mexico dans la période réccnte, et surtout depuis 1950, a été le fait de communes qui font partie de ïEtat de Mcxico et non du District fédéral.

17. Il importe de noter que l’expression “secteur tertiaire” regroupe une grande variété d’activités économiques liées de différentes façons au secteur manufacturier. Prendre le secteur tertiaire c o m m e un tout, c’est s’interdire de pouvoir déceler les dif- fkrences de tendance en matière de croissance de l’emploi entre les branches. D’où la nécessité de ventiler le tertiaire en différents typcs de services. Nous avons repris dans la présente 6tude la classification établie par Harley Browning et Joachim Singelmann (1 972), qui distingue : la distribution (commerce, transports et communications), les services productifs (banque, finance, assurances, immobilier, autres services professionnels et services aux entreprises), les services sociaux (éducation, santé, administrations publiques, etc) et les services individuels (domestiques, blanchisserie, réparation, spectacles, hôtellerie et restauration).

36

On peut avancer que cette baisse relative des possibilités d'emploi à Mexico se retrouve à travers tout le système économique. Il reste que les industries manufacturières et, plus encore, les services sociaux et les services pro- ductifs ont joué un rôle important dans l'absorption de main-d'œuvre à Mexico durant cette période, cependant que la part de la distribution et des services individuels ne cessait de décroître.

L'apport continu de capitaux extérieurs, l'essor du inarché intérieur et l'existence d'une main-d'œuvre bon

marché ont grandement contribué au développement industriel et à l'expansion des branches modernes du tertiaire dans la capitale. L'énorme réserve de main-d'œuvre, loin de faire obstacle à l'accumulation de capital, semble bien l'avoir au contraire facilitée, en permettant au pro- cessus de développement de se poursuivre sans redistri- bution tant soit peu notable des revenus depuis vingt ans. Les hausses du PNB, pourtant très appréciables, n'ont pas sensiblement modifié l'importance relative de la participation des catégories les plus modestes aux fruits du développement (voir Navarrete, 1970).

37

Partie II

Migrations et marché du travail à Mexico1

1. L‘incidence des migrations internes sur la population active

Les migrations à destination de Mexico s’analysent surtout comme un mécanisme de transfert de population active. C’est dans cette perspective théorique que nous avons cherché le groupe de population à retenir comme agrégat pour étudier l’incidence des migrations internes sur la population active de Mexico.

Les possibilités étaient variées. La population migrante, définie par le lieu de naissance ou la communauté d’origine2 (Balan, Browning, Jelin, 1973) est couramment utilisée comme indicateur du transfert de main-d’œuvre. Pour distinguer entre effectifs transférés et non transférés, nous utilisons le critère de l’emploi, ou de l’absence d’emploi antérieur, avant l’entrée dans la population active de Mexico : ainsi les premiers sont ceux qui ont, les seconds, ceux qui n’ont pas occupé un emploi en dehors de la capitale avant de rejoindre les rangs de la population active de Mexico. Selon nous, c’est là un indicateur qui définit mieux la main-d’œuvre transférée que la localité de naissance ou d’origine en dehors de la capitale. Pour faire la différence entre travailleurs ruraux et urbains, nous avons retenu la dernière occupation avant l’entrée dans la population active de Mexico parce qu’elle donne une idée plus précise du genre d’activité professionnelle de ces migrants.

Bref, notre unité d‘analyse est la population active entrante, qui désigne les nouveaux venus sur le marché du travail de Mexico, qu’ils aient ou non préalablement occupé un emploi en dehors de la capitale. En distinguant entre ces deux cohortes d’entrants, transférés ou non transférés, nous cherchons à déterminer si l’incidence des migrations sur la structure professionnelle a évolué dans le temps, sous l’effet des modifications tant des caractéristiques des flux migratoires que de la demande de main-d’œuvre. De même, nous voulons voir s’il existe des mécanismes d’absorption différents pour les travailleurs transférés et pour les autres entrants.

Nous définissons les cohortes d’entrants par intervalles de dix ans, à partir de 1930. Ce découpage a été choisi pour des raisons de commodité, à savoir la possibilité d’utiliser des analyses démographiques fondées sur les changements intervenus dans les intervalles entre deux recensements. Nous comparons quatre cohortes d’entrants successives: la première se situe entre 1930 et 1939, soit avant la période où l’industrialisation nationale et les migra- tions internes ont atteint leur point culminant, la deuxième entre 1940 et 1949, phase la plus dynamique de l’industria- lisation, caractérisée par la substitution aux importations de biens de consommation finals produits localement, une intense urbanisation et une augmentation des migrations

internes ; la troisième cohorte est celle des années 1950 à 1959, marquées par une réduction des taux d’urbanisation et de migration des campagnes vers les villes, phase de transition où le pays passe à un modèle de développement axé sur la production nationale de biens d’équipement en remplacement des importations (Solis, 1970 ; Reynolds, 1970) ; la dernière correspond à la période de 1960-1969, qui voit la reprise des migrations internes à destination de Mexico et la consolidation du type de développement amorcé au cours de la décennie précédente (voir à l’Annexe E l’analyse du problème de l’usure des cohortes).

Etant donné les changements intervenus, comme on l’a vu, dans le volume et la composition des flux migratoires vers Mexico au fil des ans, la proportion de travailleurs transférés, de même que leurs caractéristiques, varient selon les cohortes (voir le tableau 11-1). La proportion de “cols blancs” (tous les non manuels) diminue entre les années 40 et les années 60, alors que celle d’ouvriers agri- coles augmente fortement, en particulier des annnées 50 aux années 60. Cette évolution des caractéristiques de la population active transférée se retrouve dans sa répartition professionnelle, qui fait apparaître d’impor- tantes différences selon les cohortes, ainsi que par rapport aux effectifs non transférés (voir le tableau 11-2).

Chez les actifs non transférés, on constate une nette tendance à la promotion professionnelle et chez les autres, une régression provenant, en partie, des différences de caractéristiques entre les cohortes. Au cours des années 40, où les migrations de “cols blancs” sont importantes (voir le tableau 11-1), les effectifs transférés embauchés pour des emplois non manuels passent de 13,3 à 22,5 pour cent entre les années 30 et les années 40. Dans les années 60, les effectifs transférés à Mexico viennent surtout du secteur agricole et continuent dans une grande proportion à occuper des emplois non qualifiés, ce qui réduit fortement leur représentation dans les emplois non manuels, où leur part tombe de 20,7 à 10,9 pour cent les années 60.

1. Il importe de ne pas oublier que les études présentées ici sur l’intégration de différentes cohortes d’actifs dans la vie éco- nomiquc de Mexico (mobilité professionnelle, instruction et répartition professionnelle), c o m m c celles qui traitent des écarts de revenus par secteurs économiques, concernent exclu- sivement la population masculine. Il est bien évident que pour obtenir des résultats complets, il faudrait tenir compte des fcmmcs, étant donné qu’clles représentent 32,9 pour cent de la population active (âgée de vingt et un soixante ans) de l’agglomération de Mexico. Il faut donc ne pas perdre de vue que certaines des tendances examinées pourraient être modi- fiées si l’analyse englobait Id population féminine. On entend par communauté d’origine le lieu où un individu a passé la plus grande partie de sa vie entre les âges de cinq et quinze ans.

2.

39

Tableau 11-1

Répartition en pourcentage des effectifs transférés des cohortes d'entrants, selon le dernier emploi antérieur

Mexico : 1930-1969

Effectifs masculins

Dernier emDloia

Cols blancs Ouvriers qualifiés et spécialisés Manœuvres Ouvriers agricoles TOTAL

Non transférés Transférés

Cohortes d'entrants Totalité des 1930- 1 939 1940-1949 1950-1959 1960-1969 cohortes

11.8 15.1 14.6 9.7 12.9 19.7 17.4 13,l 12.2 14,9 446 25.0 29.3 22.4 27,3 27.9 42.6 43,O 55,7 44.9 100.0 (99Ib

69,2 30,8

63.4 36,6

100.0 (221) - 68.9 31,l

100, O (248) - 74.3 25.7

100.0 (794) - 69.7 30,3

a. Voir l'Annexe E pour la classification des professions. b. Les chiffres figurant entre parenthèses dans le présent tableau c o m m e dans tous les autres tableaux de ce rapport se réfèrent, sauf indication

contraire, à l'échantillon représentatif de la Phase B (voir l'Annexe A). Source: Oliveira, 1975, tableau V-1 : 173. Enquête sur tes migrations 5 Mexico, Phase B.

Tableau 11-2

Répartition en pourcentage des effectifs, transférés et non transférés, des cohortes d'entrants, selon le type d'activité antérieure et le premier emploi à l'entrée

Mexico : 1930-1969

Effectifs masculins

Effectifs transférés Effectifs Cohorte d'entrants Premier emploi Activités Activités Total non transférés

non agricoles agricoles partiel 1930-1 939

13.3 15.6 17.5 3.5

Cols b I ancs 16.4 Ouvriers qualifiés et spécialisés 21.6 Manœuvres 61 7 85.6 69,2 81 .O

1 14.3 TOTAL 99, I

(71 1 -

1940-1 949 Cols blancs 34,6 Ouvriers qualifiés et spécialisés 19.3 Manœuvres 46.0 TOTAL 99.9 0 1950-1959 Cols blancs Ouvriers qualifiés et spécialisés Manœuvres TOTAL

33.6 16.5 50.0 100,l - (126)

99.9 (28)

100,o (99) - 100.1

0

15.5 22.5 19.1 15,5 15.2 5.7 84,6 62,2 75.2

100.0 - 100,l 99,9 (97 1 (227) (393)

110.5

89,5 100.0 (95)

20.7 12,2 67,l 100 O O

25.9 5,3 68.8 100.0 - (490)

1960 -1 969 10,9 27.0 19.2 8.5

C o I s bi an cs Ouvriers qualifiés et spécialisés 33.7 Manœuvres 41.4 92,7 69.8 64.6 TOTAL 99,9 100.0 99.9 100.0

24,8

(1 10) 0 (248) (720) Source: Muhoz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 12.2 : 165. Enquête sur les migrations à Mexico, échantillon représentatif de la Phase B.

40

Tableau 11-3 Répartition par branche d’activité des cohortes d’entrants, transférés ou non transférés,

recrutés pour des emplois sans qualification Mexico, 1930-1969 (en pourcentage)

Effectifs masculins

8 ranches d’activité

Industries manufacturières Services Bâtiment Divers Total Cohortes Biens Biens de Total Individuels Autres Total d’entrants d’équipement consommation partiel perso na1 partiel

finals - - Transférés 1930-1939 - 27.9 27.9 19.1 29.4 48.5 23.5 - 99.9( 68) 1940-1949 9.2 135 22 7 14.9 30.5 45.4 26.2 5.7 100.0 ( 141) 1950-1 959 18.2 14,2 32.4 20.2 21.6 41.8 19,6 6.1 99.9 ( 148) 1960-1 969 38.7 17,3 56.0 923 16,8 26.6 17.3 3.0 100.0 ( 530) Tot. des cohortes 20.4 16.8 37.2 15.5 23.4 38.9 20,9 3.0 100.0 ( 530) Non transférés 1930-1939 21.6 21.0 42.6 18.8 16.0 34.8 10.5 12.2 100.1 ( 181) 1940-1949 17.3 20,3 37.6 19.7 24,l 43.8 16.6 2.0 100.0 ( 295) 1950-1 959 28,l 21.8 49.9 20.9 21.5 42.4 4.8 3.0 100.1 ( 335) 1960-1969 30,5 22.0 52.5 19.7 21.8 41.5 5.0 1.0 100.1 ( 463) Tot. des cohortes 25,6 21.4 47.0 20.0 21.4 41.4 8.4 3.3 100.1 (1274)

Source: Mufioz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 7-5 : 98. Enquête sur.les migrations à Mexico, échantillon représentatif de la Phase A.

Tableau 11-4

Répartition par branche d‘activité des cohortes d‘entrants transférés recrutés pour des emplois sans qualification,

selon le type d‘emploi antérieur Mexico, 1930-1969

Effectifs masculins

Cohortes Branche d‘entrants / d’activité 1930-1 939 Industries manufacturières Services Bâtiment T O T A L

1940-1 949 Industries manufacturières Services Bâtiment T O T A L

1950-1 959 Industries manufacturières Services Bâtiment T O T A L

1960-1 969 Industries manufacturières Services Bâtiment T O T A L

Travailleurs transférés activités activités

non agricoles agricoles

38,6 8.3 38.6 66,7 22,7 25.0

(44) (24) - 100,o 1oO.o

29,8 18.9 52,6 46,O 17.5 35,l - 99.9 1O0,o (57) (74)

44.8 26.8 36.2 51.2 19.0 22,o

(58) (82) - 100.0 1oO.o

62.2 53.9 22.2 28,l 15,6 18.0 100,o 100.0 (45) (128) -

Source: Mufioz, 0-liveira, Stern, 1977, tableau 12.3 : 167. Enquête sur les migrations à Mexico, échantillon représentatif de la Phase B.

Le fait que cette diminution de la proportion d’actifs transférés qui rejoignent les rangs des “cols blancs” ne s’accompagne pas d’une augmentation importante de celle des autres entrants correspond peut-être à une réduction globale des emplois non manuels disponibles pour les nouveaux venus sur le marché du travail.

hrsqu’on approfondit l’analyse des travailleurs non qualifiés, en distinguant entre les industries manufacturières, les services et le bâtiment (voir le tableau 11-3), on constate que, transférés ou non, les entrants sont proportionnellement beaucoup moins nombreux parmi eux dans les années 40 que dans les années 30, mais que leur part augmente des années 40 aux années 60. Ilexiste, cependant, d’importantes différences au sein de chacun des deux groupes : 1. Dans les services, le nombre d’entrants non transférés dans les emplois non qualifiés s’élève au fil du temps, notamment des années 30 aux années 40, dors que la pro- portion de travailleurs transférés absorbés par ce secteur diminue nettement tout au long des quatre décennies, en particulier des années 50 aux années 60, période où elle tombe de 41,3 à 26,6 pour cent. C’est dans les services individuels que le recul est le plus prononcé.

2. Dans les industries manufacturières, la proportion d’entrants non transférés embauchés pour des emplois non qualifiés ne varie guère des années 50 aux années 60, alors que dans le cas des travailleurs transférés, elle s’accroît fortement pour passer de 32,4 à 56,O pour cent, la progression étant surtout sensible dans les industries de biens d‘équipement.

C’est au cours des années 60, où 55,l pour cent de leurs effectifs viennent directement du secteur agricole, que la proportion de travailleurs transférés s’élève dans les emplois non qualifiés du secteur manufacturier. De fait, leur répartition selon qu’ils viennent ou non du

secteur agricole, dans les emplois non qualifiés des industries manufacturières, des services et du bâtiment (voir le tableau 11-4) indique qu’au cours des années 30 les ouvriers agricoles se retrouvant surtout dans les branches de services, alors qu’après les années 40, ils sont proportionnellement plus

41

nombreux à entrer dans les industries manufacturières, lesquelles, dans les années 60, en absorbent pour la première fois la majorité. Par deux fois, dans les années 40 et 60, la proportion d’anciens ouvriers agricoles se réduit fortement dans les services, la première, parce que les entrants non transférés et ceux qui viennent des autres secteurs s’em- ploient davantage dans les services, la seconde parce que ce secteur enregistre un recul global de l’emploi par rapport aux taux de croissance de la période 1930-1950 et que, sauf dans la branche des services productifs, il s’y crée moins d’emplois que dans les industries manufacturières entre 1950 et 1970, ainsi qu’on l’a vu dans la Première partie.

Dans l’ensemble, il apparaît que pour toutes les décen- nies, sauf les années 40, les anciens ouvriers agricoles sont proportionnellement plus nombreux dans les emplois de services sans qualification que les autres entrants transférés, mais que l’écart se réduit, pour revenir de 28,l pour cent dans les années 30 à 5,O pour cent dans les années 60. Le fait que les industries manufacturières absorbent une partie des effectifs provenant du secteur agricole contredit divcrses généralisations concernant la répartition de la main-d’œuvre en Amérique latine. Il n’est pas forcément vrai que les travailleurs agricoles migrants soient habituellement em- ployés dans les grandes villes à des activités de services, individuels surtout, ne demandant pas de qualification, que les industries manufacturières aient absorbé moins de travailleurs non qualifiés, préférant des hommes d’un niveau d‘instruction plus élevé, plus jeunes et possédant une expérience professionnelle dans d’autres secteurs que l’agriculture. Les résultats de nos travaux donnent à penser qu’il n’est

pas possible de postuler a priori, sans analyses spécifiques des variations dans le temps, que les ouvriers agricoles transplantés à Mexico trouvent à s’employer surtout et de plus en plus dans les services individuels, contribuant ainsi à une “surtertiarisation” de l’économie de la capitale. Que traduisent ces résultats du point de vue de l’évolution

des mécanismes d’absorption de main-d’œuvre ? La prépon- dérance globale des deux groupes d’entrants dans les industries manufacturières constatée pour les années 60 semble indiquer que la création d’emplois non qualifiés y a été relativement plus importante que dans les autres branches durant cette décennie. Pour les années 40, la répartition sectorielle de la cohorte d’entrants témoigne de la suprématie du secteur des services comme créateur d’emplois. Ces tendances cadrent avec l’évolution de la totalité de la population active du District fédéral analysée dans la première partie. La répartition de la cohorte des années 40 donne en outre à penser que durant cette dé- cennie, le secteur manufacturier a surtout créé des emplois qualifiés, et celui des services, probablement, des emplois non qualifiés aussi bien que qualifiés. La faiblesse de l’effectif d’entrants transférés dans les

services pendant les années 60 tient peut-être, d’une part, à la contraction de l’emploi intervenue à l’époque dans ce secteur par rapport aux deux autres et, d’autre part, à l’augmentation des effectifs féminins dans les emplois de services non qualifiés. Si, par ailleurs, les industries manufacturières ont absorbé des ouvriers sans qualification, c’est parce que l’offre de cette catégorie de main-d’œuvre était plus forte et, sans doute, parce que les nouveaux venus sur le marché du travail, même pou:vus d’une certaine instruction, n’ont pas accès aux emplois qualifiés. Ces ouvriers se sont répartis dans ce secteur en fonction des besoins et en tant que main-d’œuvre bon marché, ils ont

contribué à l’accumulation de capital, surtout dans les industries des biens d’équipement, les plus dynamiques de l’économie mexicaine.

En résumé, les migrations masculines auront eu un double effet sur la structure professionnelle de la main- d’œuvre de Mexico. Dans un premier temps, de 1930 à la fin des années 40, le transfert de techniciens et de cadres supérieurs et membres des professions libérales, conjugué aux transformations des structures économiques de la capitale, contribue à accroître les effectifs de travailleurs non manuels. A partir de 1950, et notamment pendant la décennie qui suit, les entrants transférés vont se retrouver dans des emplois de niveau moins élevé qu’auparavant. Ainsi, dans cette seconde phase, les migrations de main- d’œuvre masculine jouent plutôt dans le sens d’un essor des activités manuelles et contribuent en particulier à la naissance du prolétariat industriel. Ce phénomène, ajouté au fait qu’il y a eu à peu près

les mêmes proportions d’entrants non transférés dans les emplois non manuels pour les années 60 que pour les années 50 (voir le tableau 11-2), semble indiquer une diminution relative des emplois non manuels disponibles pour les nouveaux venus sur le marché du travail de la capitale. Il se peut que les postes créés à ce niveau aient été pourvus par le jeu des promotions de travailleurs recrutés antérieurement.

2. Mobilité professionnelle des effectifs masculins de

L‘essor de l’industrie et l’expansion de ses services complé- mentaires ont contribué à des transformations de la structure professionnelle de la main-d’œuvre de Mexico qui sont liées à une forte mobilité professionnelle ascendante.

Il importe de noter que la mobilité professionnelle des diverses cohortes de main-d’œuvre est la résultante des changements socio-économiques intervenus à Mexico à travers tout le long processus de développement que la capitale a connu, des différences qualitatives existant entre les effectifs de migrants et d’autochtones et du niveau professionnel du premier emploi.

Il apparaît à l’analyse3 que les cohortes récentes de migrants débutant dans des emplois manuels non qualifiés ont eu moins de possibilités de promotion que les migrants plus anciens et que les autochtones (voir le tableau 11-5).

Il semble donc que certains obstacles au plein emploi, découlant des caratéristiques du système économique de Mexico au cours des dernières décennies, aient limité les possibilités de promotion Professionnelle des travailleurs manuels dépourvus de qualification. Le fait que la propor- tion de migrants d’origine rurale ait augmenté ces dernières années et que, par conséquent, ils aient généralement occupé, avant et immédiatement après leur arrivée, un emploi de caractère agricole, aide à clarifier les différences de mobilité professionnelle ascendante existant entre les divers groupes de migrants, ainsi qu’entre migrants et autochtoiies.

L‘hétérogénéité socio-économique des flux migratoires aboutissant à 1a capitale transparaît dans la répartition pro- fessionnelle des migrants comparée à celle des autochtones. Les premiers sont proportionnellement mieux représentés tant dans les catégories où les rémunérations sont élevées (professions libérales, cadres supérieurs et personnel de direction salarié) que dans celles qui sont au bas de la hiérarchie (voir le tableau 11-6).

migrants et d’autochtones

3. L’analyse de la mobilité professionnneiie repose sur une échelle à sept degrés ou niveaux. Voir l’Annexe D.

42

Tableau 11-5

Répartition par génération des effectifs mobiles de la population masculine adulte (21-60 ans), migrante et autochtone, selon le niveau du premier emploi

Mexico, 1970 (en pourcentage)

Niveau du Migrantsa Autochtones premier emoloi

1910-19 1920-29 1930-39 1940-49 1910-19 1920-29 1930-39 1940-49

N o n manuels Supérieur 0.0 0.0 0.0 O, O 0-0 0,O 0.0 0.0 Moyen 14.3 0.0 16.0 54.4 26,8 0,O 66.4 0.0 Inférieur 66,1 45,6 47,5 41.8 50,8 28,4 44,6 21,7 Manuels Ouvriers qualifiés

spécialisés 69,O 44,l 49.3 32,l 59.2 38.2 43,O 30.4 Ouvriers spécialisés 75,6 59,8 37.6 40.0 99.3 47.3 61.9 55,7 Manœuvres 70.6 77,1 66.8 62.7 59,4 75,6 81,5 73,8

a. Le migrant est défini par la communauté d'origine. Voir en note (2). Source: Mufioz, Oliveira. Stern, 1977, tableau 7-5 : 98. Enquête sur les migrations a Mexico, échantillon représentatif de la Phase A.

Tableau 11-6 .

Répartition des effectifs masculins de migrants et d'autochtones âgés de 21 à 60 ans, par catégorie professionnelle Agglomération de Mexico, 1970

(en pourcentage)

Catégorie professionnelle Migrantsa Autochtones Total

Cadres supérieurs et professions libérales Techniciens et cadres moyens Parlementaires et fonctionnaires Patrons (propriétaires) Directeurs (salariés) Employés de bureau Commis vendeurs et agents commerciaux Commis vendeurs (détail) Conducteurs de véhicules Ouvriers qualifiés (production) Ouvriers qualifiés (bâtiment) Personnel qualifié (services) Ouvriers spécialisés (production) Ouvriers spécialisés (bâtiment) Ouvriers non qualifiés (production) Employés non qualifiés (services) Manœuvres (bâtiment) Marchands ambulants Divers TOTAL

5.2 6.4 0.6 8,6 6,6 6.6 2,8 4.4 5.9 7.1 0.6 5,7 12,7 3.0 9 2 8,O 2.2 2,6 2.0

100,2 (555 552)

3,7 7.9 O, 2 9.8 4.9 11,5 ,' 3,6 5. O 6.7

11,l O. 7 3,7 12.6 1.4 7.4 5.7 1 .O 1,4 2.0

100.3 (724 1 IO)

4,4 7,2 O. 4 9.1 5,6 9,4 3.3 4.7 6,3 9,4 0,6 4.6 12.6 2,l 8,2 6,7 1,5 1.9 2 ,O

100.0 (1 279 662Ib

a. Les migrants représentent 43.4 % des effectifs masculins âgés de 21 à 60 ans. b. Les chiffres absolus se réfèrent a I'echantillon élargi. Source: Mufioz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 7-1 : 92. Phase A.

43

Tableau 11-7

Durée moyenne de la scolarité et niveau moyen d‘emploi selon la situation en matière de migration et l‘âge Mexico, 1970

Effectifs masculins Caractéristiques Migrants ayant résidé à Mexico

Durée dela scolaritéa 21 -30 31-40 41-50 51 -60 Movenne Niveau d‘emploib Scoreb

31 -40 21-30

41-50 51 -60 Movenne

A B C

1 O years years more years moins de 10 ans entre 10 et 19 ans 20 ans et plus

6.82 6.68 - 5.36 6.09 6.22 5.88 4.88 4.94 5.17 5.50 5.75 - 6,26 6,03 5,51 - -

1,69 1,81 - 1,59 2,13 2.23 2,oo 2.4 1 2.16 1.69 1.82 ‘2.42 1.70 - - 2.05 2,27 -

Autochtones par adoptionc

D

Autochtones de naissance

C

7.05 6,54 6.08 6.69 6,73 -

1.91 2.17 1,95 2,44

8.45 7.86 6.50 5,94 7,80 -

2,14 2,42 2.04 1,99 2.19 -

a. Nombre d’années de scolarité accomplies. b. Echelle à sept niveaux : de O (travailleurs sans qualification) à 6 (non manuels, catégorie supérieure). c. La situation en matière de migration est définie par la communauté d’origine. Voir la note (2). Les autochtones par adoption sont ceux qui

sont nés hors de l‘agglomération de Mexico mais y sont arrivés avant l‘âge de 1 1 ans. Source: Mufioz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 5-5 : 67. Phase A, échantillon élargi.

La double évolution de la création d’emplois dans l’économie et des caractéristiques des flux migratoires est génératrice de différences parmi les migrants en fonction de la durée de leur présence dans l’agglomération de Mexico4. Ce sont les migrants établis de longue date et, à un

moindre degré, ceux qui sont arrivés il y a une vingtaine d’années, qui se sont assuré les positions les plus élevées dans la hiérarchie professionnelle de Mexico, peut-être parce qu’ils s’y sont intégrés à l’activité économique à une époque où il était plus facile d’accéder au départ à des catégories supérieures, et aussi parce que, il y a vingt ans ou plus, les migrants d’origine urbaine issus des classes moyennes étaient proportionnellement plus nombreux et avaient donc en majorité déjà été employés en dehors du secteur agricole. Pour les migrants de fraîche date, les conditions d’emploi ont été nettement moins favorables, à la fois parce qu’étant moins qualifiés, ils n’ont pas l’expé- rience nécessaire pour occuper les emplois urbains exigeant une certaine spécialisation (voir le tableau 11-7) et parce que les données de la situation économique ont changé à Mexico. Il semble, en outre, que la plupart de ces migrants, et notamment les ruraux auparavant employés surtout dans l’agriculture, soient allés grossir les rangs des catégories défavorisées de la capitale. Ce dernier fait nous amène à nous pencher sur quelques-

uns des mécanismes de base qui influent sur le premier emploi obtenu dans la capitale et sur les possibilités de promotion.

3. Niveau d’instruction et répartition professionnelle

Le niveau d’instruction a été retenu dans la présente étude pour caractériser à la fois l’offre et la demande de main- d’œuvre. Cet attribut de la population active dépend en partie de l’origine socioéconomique ainsi que de la situation migratoire, qui tous deux déterminent les chances ou les inégalités en matière d’éducation. L‘éducation, à son tour, influe sur les qualifications acquises et sur celles qui sont requises, suivant les circonstances.

L‘éducation, au meilleur sens du terme, joue un rôle important dans l’affectation professionnelle lorsque des postes de haut niveau sont disponibles. Dans le cas contraire (soit qu’il n’y en ait pas, soit qu’ils soient déjà pourvus), elle a moins de poids, moyennant quoi des travaiüeurs instruits

4. En ce qui concerne le marché du travail, il est fort possible qu’avec le temps les caractéristiques des migrants jouent un rôlc accru dans l’accès à l’emploi et i’obtention de meilleures rémunérations, cn particulier dans les secteurs de l’économie où les techniques de production se sont modernisées par suite de la création de grands établissements, entreprises ou institutions (voir Mufioz, 1975 et 1977). Ainsi, le marché s’est structuré avec de plus en plus de rigidité et continuera dans cette voie au fur et à mesure de la spécialisation des emplois, ce qui suppose une valorisation des études et des mécanismes de formation professionnelle. Pour plus de détails sur les facteurs qui influent sur le fonctionnement du marché du travail, voir Oliveira, 1975.

44

Tableau 11-8

Fraction de la variance des niveaux d’emploi des cohortes d’entrants expliquée par certaines Caractéristiques Mexico, 1930-1969

Effectifs masculins (exprimée en effets nets conjugués)a

Effet net de : Cohorte Durée de la Age a Antécédents d‘entrants scolarité l’entrée socio-économiques

1930-1 939 16.0 0,3 (ns) 3.6 1940-1 949 8.9 6 3 2,o 1950-1959 28,2 2.2 0,8 1960-1 969 20.5 2.3 23 TOTAL 20, O 2.6 1,4

Situation migratoire

1.3 0.2 (ns) O. 5 0.3 (ns) 0,4

Somme des Effet Variance effets nets conjugué totale

21.2 18.3 39.5 17,9 26.3 44.2 31.7 27.8 59.5 25.4 27,2 52,6 24,4 25.4 49,8

-- -

ns : Non significatif au niveau de 5 %. a. Voir à l‘Annexe méthodologique F les distinctions établies entre effets net, brut et conjugué. Source: Oliveira, 1975, tableau IV-3 : 144. Enquête sur les migrations à Mexico, échantillon représentatif de la Phase B.

Tableau 11-9

Moyenne des années de scolarité des cohortes d’entrants par catégorie professionnelle Mexico, 1930-1969

Effectifs masculins ~~

Cohorte d‘entrants

1930-39 1940-49 1950-59 1960-69 TOTAL

Catégorie professionnellea Personnel non qualifié

Industries manufacturières Services Bâtiment

d‘équipement consom- mation finals

Cadres Employés de Travailleurs supérieurs, bureau, qualifiés et professions employés de spécialisés libérales commerce et

inspecteurs

Biens Biens de Individuels Autres

-- 13.6 5,6 3,6 4,9 3.6 3,5 3.5 2.8 12.1 6,7 52 46 4.0 3,6 3,5 3.3 12,4 8.4 6.9 5.2 5,O 4.2 4.0 2.9 13.1 8,3 7.1 5.5 5.2 5.4 6.5 3.3 12.7 7.7 6.2 4.6 5,2 4.6 4.4 3.1 insi (ns) iris)

ns : Non significatif au niveau de 5 %. a. Pour plus de détails sur la classification des catégories professionnelles, se reporter à l’Annexe D. Source: Oliveira, 1975, tableau IV-6 : 160. Enquête sur les migrations à Mexico, échantillon représentatif de la Phase B.

occupent, au début du moins, des emplois qui n’exigent aucune qualification. Il ressort des données dont nous disposons qu’en général, l’élévation des niveaux d’instruc- tion a progressivement devancé la création de possibilités d’emploi dans les catégories supérieures où les intéressés auraient pu la mettre à profit. Autrement dit, l’influence de l’éducation sur les niveaux d’emploi a déclirié entre les années 50 et les années 60 (voir le tableau 11-8). Du côté de la demande, l’éducation est liée à l’impératif

du diplôme5. Les données relatives à Mexico ont été utilisées pour déterminer si l’hypothèse d’une valorisation accrue des diplômes dans les industries manufacturières peut être retenue. La principale conclusion qui s’en dégage est que ce phénomène ne peut être considéré comme caractéristique

d’aucun secteur. La possession de diplômes devient une exigence impérative lorsqu’une contraction de la demande dans une branche déterminée coïncide avec des disponi- bilités de main-d’œuvre ayant un niveau d’éducation assez élevé et qui ne peut trouver d’emploi dans les catégories supérieures. Si les niveaux d’instruction avaient plus pro- gressé dans les industries manufacturières, et notamment dans les industries des biens d’équipement, que dans toutes les autres branches, cela aurait indiqué une demande de diplômes, mais il n’en a rien été (voir le tableau 11-9).

5. “L‘impératif du diplôme” est l’exigence d‘un certificat de fin d’études comme condition d’embauche.

45

Tableau 11-10

Durée moyenne de la scolarité des cohortes d‘entrants transférés et non transférés répartis selon le premier emploi à l‘entrée Mexico, 1930-1969

Effectifs mascu 1 i ns Premier emploi - Travailleurs non qualifiés

Cohortes d‘entrants

Transférés 1930-1 939 1940-1 949 1950-1 959 1960-1 969 TOTAL

N o n transférés 1930-1 939 1940-1949 1950-1959 1960-1 969 TOTAL

Industries manufacturières Services Cadres Travailleurs Biens Biens de Individuels Autres

qualifiés et d‘équi- consommation spécialisés pement finals

* 7.5 2.8 3.4 2.6 2.4

7,8 5,5 3.4 3,5 2,6 3.1 5,9 3,8 2.2 1,7 2.7 3,4

9.9 63 2,7 3.7 3,6 5.5 3.2 iris) - 2.8 - 5.0 - 7.5 -

8,3 5.2 4.9 3.7 3,9 4.3 10.8 7.2 5.2 4,7 4,O 3.6 10.9 8,2 5.8 5,4 5.0 4.4 10,5 7,8 6.9 5,6 5,7 6.8

5,1 10,5 - 7.6 - 6,l - - 4.9 - 5.1 -

Bâtiment Total partiel

0.8 2.4 2,3 3.0 2.3 m

4.4 4.0 4.0 3.6 4 ,O iris) -

2.3 2,7 3, O 3.5 3 .O

4.2 4,3 5.1 6,2 5.2 -

ns : Non significatif au niveau 5 %. Moins de dix cas.

Source: Oliveira, 1975, tableau V-8 : 191. Enquête sur les migrations a Mexico, échantillon représentatif de la Phase B.

La raison en est, semble-t-il, qu’au cours des années 50 et 60, il y a eu plus d’emplois créés dans les industries manu- facturières que dans le reste de l’économie (abstraction faite des services productifs) et de plus grandes disponibilités de main-d’œuvre peu instruite d‘origine rurale.

Les données n’ont pas corroboré notre hypothèse initiale, à savoir que les travailleurs peu instruits ont vu leurs possibilités d‘emploi se réduire au cours de la dernière décennie, surtout dans les industries de main-d’œuvre. En effet, il semble que les possibilités d’emploi à un niveau plus élevé se soient faites plus rares pour ceux qui ont une certaine instruction (sept à neuf ans de scolarité) mais ne peuvent accéder aux catégories superieures, ce qui confirme l’élévation des niveaux d’instruction des entrants dans les emplois non qualifiés des branches de services autres qu’individuels. La préférence de cette catégorie de travailleurs pour ces emplois dans le tertiaire s’explique, à notre avis, par le fait qu’ils mènent plus facilement à des postes de “cols blancs” que ceux de manœuvres dans les industries manufacturières (voir le tableau 11-9).

Il suffit de comparer les deux séries d’entrants des années 60 pour constater que les autochtones étaient alors plus instruits dans les industries des biens d’équipement que dans les autres branches d’activité (sauf les services autres qu’individuels) et que dans toutes les branches, le niveau des migrants était inférieur au leur (voir le tableau 11-10). Nous avons aussi constaté qu’à la même époque, les migrants entrant dans les industries manufacturières étaient

affectés à des postes qui n’étaient pas directement liés à la production dans’des proportions plus fortes que les autres entrants (voir le tableau 11-11). Ces deux observations tendraient à prouver que les mécanismes de sélection varient selon les tâches à remplir. Notre hypothèse est que les travailleurs ayant une certaine instruction préfèrent des activités liées à la production qui s’inscrivent dans la chaîne de fabrication parce qu’elles impliquent une formation “sur le tas” qui leur permet d’accéder à des postes d’ouvriers qualifiés et spécialisés. Il n’en va pas forcément de même, croyons-nous, des travailleurs plus âgés et peu instruits affectés a leur entrée dans ces branches d’activité à des tâches qui ne sont pas liées à la production. Il importe donc de pousser plus loin l’analyse de la répartition fonctionnelle des effectifs des différentes branches, en s’attachant aux changements d‘emploi après l’entrée.

Selon nous, l’élévation du niveau d‘instruction des effectifs d’entrants autochtones non qualifiés de l’industrie lourde ne correspond pas précisément à une valorisation des diplômes mais à des modifications du marché du travail comportant une différenciation plus poussé des emplois de début et des activités ultérieures. L‘absence de qualification est typique des premiers (Jelin, 1968), que les entrants aient un niveau d’instruction non négligeable ou extrêmement faible. C’est là un phénomène dont la permanence peut être considérée comme un facteur qui tend à restreindre la promotion professionnelle des cohortes d‘entrants.

46

Tableau 11-11

Répartition en pourcentage des cohortes d'entrants transférés et non tranférés par catégorie d'emploi à l'entrée

Mexico, 1960-1969

Effectifs masculins

Premier emploi Travailleurs non transférés

Cols blancs Cadres supérieurs, professions libérales et techniciens

Employés de bureau Vendeurs Divers

Travailleurs qualifiés

Qualifiés Spéciaiisés

et spécialisés

41.1 26.6 29,2 3.2

100.1 (195)

63,2 36,9 100.1 (61 1

N o n qualifiés (Industries manufacturières)

Activités liées au processus de production 77.0

Autres activités 23.0

Non qualifiés 100.0 (243)

(Services) Réparation 30.2 Autres activités 69.8

100.0 (192)

Travailleurs transférés

18,6 12e8 68,5

99,9 (27)

- -

47.7 52.3 100.0 (30)

69,l 30.9 100.0 (97)

28.3 71.7 100.0 (46) -

Source: Mufioz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 12-6 : 170. Enquête sur les migrations a Mexico, échantillon représentatif de la Phase B.

L'évolution de la structure professionnelle procède à la fois des modifications de la répartition des nouvelles cohortes et de la mobilité à l'intérieur des générations. Le fait que de 1950 à 1970, cette évolution ait été plus prononcée pour la totalité des effectifs que pour les seuls entrants (voir Oliveira, 1975, ch. II) confirme l'importance de la mobilité professionnelle comme mécanisme de trans- formation de la structure professionnelle. La tendance à une différenciation plus poussée des emplois de début et des activités ultérieures lorsque la taille et la complexité des efltreprises augmentent implique que la spécialisation, la bureaucratisation et l'industrialisation n'entraînent pas nécessairement la promotion professionnelle de la main- d'œuvre entrante. La succession des cohortes n'est donc pas le principal mécanisme d'évolution de la structure professionnelle, comme Duncan (1966) et J e h (1972) l'ont suggéré. La limitation de la promotion professionnelle des

entrants donne en outre à penser que la mobilité profes- sionnelle au sein de chaque génération fonctionne en partie comme mécanisme de réaffectation de la main- d'œuvre assignant à chacun la place qu'il aurait dû occuper dès le début, co'mpte tenu de son niveau d'éducation et de son aptitude à exécuter des tâches complexes, mais qui ne lui a pas été immédiatement attribuée parce qu'elle figurait parmi les emplois accessibles seulement aux travailleurs

déjà intégrés dans l'activité économique. LE barrage à l'entrée peut donc être considéré comme un facteur jouant dans le sens d'une plus grand mobilité professionnelle ascendante.

Enfin, l'allongement de la scolarité chez les travailleurs qualifiés et spécialisés est interprété comme une augmen- tation de la valeur marchande des diplômes. Vu l'hétéro- généité des niveaux d'instruction des candidats aux postes exigeant une spécialisation et le fait que ces emplois et ceux qui demandent une certaine qualification sont le plus souvent fermés aux entrants, ces derniers sont contraints, pour y accéder, d'affronter la concurrence des effectifs déjà en place, et seuls les plus instruits y parviennent.

L'évolution des structures démographiques et économi- ques, conjuguée à l'élargissement des possibilités d'éducation, a transformé la population entrante, sans que les inégalités sociales aient nécessairement diminué pour autant. Le développement implique des changements dans la répar- tition professionnelle des effectifs de main-d'œuvre, mais rares sont les individus qui, depuis les années 40, ont eu accès à une situation plus enviable à leur arrivée sur le marché du travail de Mexico.

4. Instruction scolaire et inégalités sociales

Une économie comme celle de la ville de Mexico, où les formes capitalistes de production, la technologie et la spécialisation jouent un rôle de plus en plus important à mesure que les industries manufacturières et leurs services complémentaires se développent, exige une main-d'œuvre de plus en plus qualifiée. En ce sens, la scolarité, sur un marché où l'offre de main-d'œuvre très peu qualifiée est abondante, devient l'un des principaux mécanismes qui sous-tendent les inégalités. Au Mexique, les chances en matière d'éducation sont

inégalement réparties entre les groupes sociaux et entre les diverses régions du pays. Dans ces conditions, le niveau d'instruction de la population est en partie lié à ses origines, géographique et sociale. A Mexico, on l'a vu, les migrants sont de plus en plus souvent originaires de régions rurales peu développées. Comme cette variable tend à être en rapport inverse avec Te niveau d'instruction scolaire, cette évolution tend à entraîner un abaissement du niveau scolaire moyen des migrants (population masculine et féminine) au fil du temps (voir le tableau 11-12). Les migrants se trouvent ainsi sans aucun doute en

position défavorable par rapport à leurs concurrents ci- tadins pour trouver un emploi et qui soit correctement rémunéré, étant donné que le niveau moyen d'instruction de ces derniers s'est élevé avec le temps6. Aux différences de niveau d'instruction tenant à l'origine

géographique s'ajoutent celles qui sont liées à l'origine socio-économique. L'origine de classe est un facteur très important pour l'analyse des disparités en matière d'éduca- tion, d'autant plus que son influence s'est accrue. Le fait est qu'après 1950, elle a commencé à peser davantage, plus même que la situation sur le plan migratoire (voir le tableau 11-13). On peut voir là le résultat de l'expansion nationale des possibilités éducatives au riiveau élémentaire

6. Voir Mufioz, Oliveira et Stern, 1977, ch. 8. Il convient de signaler que cette analyse porte SUI les effectifs des deux sexes. Le niveau mo;ren d'instruction scolaire des migrants de sexe masculin n'a probablcment pas diminué en soi, mais il a évidemment' baissé par rapport à celui de la population autochtone.

47

Table 11-12

Durée moyenne de la scolarité des migrants , par cohortes d'arrivée à Mexico et par groupes d'âge (actuels), par rapport à celle des autochtones (Population masculine et féminine)

Mexico, 1970

Groupes d'âge Avant 1935 1935-44

21 -30 Moyenne Ecart-type

31-40 Moyenne Ecart-type

41-50 Moyenne Ecart-ty pe

5 1 6 0 Moyenne Ecart-ty pe

60 et plus Moyenne Ecart-type

~~~

Cohortes d'arrivée

6.2 32

(29) (

5.6 4.5

(1 14) (

4.6 4.3

5.4 4.4 52)

4.4 3,9 67)

4.2 3.5

(228) (96)

3,4 4,l 3.7 4 ,O

(224) (67)

1945-54 1955-64 1965-70 Autochtones

6.1 3,8

(251)

4.8 4,3

(269)

4.6 4 .O

(1 34)

5.3 4. O

(383)

4.3 3.8

(222)

4,o 4.0

( 100)

5,o 33

(239)

5.0 4.4

(77)

3. O 2,8

(33)

78)

3,8 4,3

(76)

(57)

1.9 2.7

(35)

(26)

1.6 2.8

(14)

8.0 3.3

(1 036)

7,6 4,o

(617)

6,6 4.0

(37 1)

6.2 3.9

194)

4,7 3.4

(132)

Source: Muiioz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 8-8 : 109. Enquête sur les migrations à Mexico, échantillon effectif, Phase A.

Tableau 11-13

Pourcentage de la variance de la durée de la scolarité des cohortes d'entrants expliqué par certaines caractéristiquesa

Mexico, 1930- 1969

Effectifs masculins Situation en matière de migration

Situation en matière Antécédents socio-économiques et antécédents socio-économiques de migration corrigés de l'âge

Cohortes Effet Corrigée Effet Effet Corrigés Effet S o m m e des Effet Variance brut de l'âge net brut de l'âge net effets nets conjugué totale

(8) (9) - - - - -- (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)

1930-39 4,2 13.8 7,3 20,2 18,7 12.2 19.5 6.5 26,O 1940-49 11.0 18.4 4,5 31.6 23,O 9,l 13,6 13.9 27.5 1950-59 7.1 17.3 6.6 21,4 18,4 7,7 14.3 10.7 25.0 1960-69 7,2 10,8 1,9(ns) 21.3 22,3 13,4 15.3 8.9 24,2 TOTAL 6,8 14,5 5,2 20.9 17,7 8,4 13.6 9,3 22.9

ns : Non significatif au niveau de 5 %. a. Voir l'Annexe F. Source: Oliveira, 1975, tableau 111-16 : 124. Enquête sur les migrations à Mexico, échantillon représentatif, Phase A.

48

ou primaire intervenue au cours des deux dernières décen- pies, qui a permis aux individus nés ou élevés dans les régions rurales de bénéficier de quelques années au moins de scolarité. Mais une fois cette amélioration structurelle acquise, l’allongement de la scolarité dépend, dans une large mesure, de la condition économique des familles. De nombreux auteurs ont répandu l’idée que la pauvreté

des migrants établis dans les zones urbaines est surtout due à la faiblesse de leur niveau d’instruction, comparé à celui du reste de la population. Il est admis en outre que l’allongement de la scolarité peut réduire les inégalités sociales, puisqu’il ouvre la voie à des emplois mieux rému- nérés. Cela signifie que la pauvreté, en tant que problème individuel, peut être un état transitoire pour une certaine fraction de la population, en raison des possibilités édu- catives qui sont associées à une plus grande mobilité. Néanmoins, en tant que phénomène structurel propre à Mexico, la pauvreté semble un état de fait permanent, parce qu’elle est déterminée par les caractères que revêt l’ensemble du processus de développement à l’échelon national, et not:mment par le rythme de la création d’em- plois, l’hétérogénéité de l’économie, le volume de la po- pulation active disponible dans la capitale et les niveaux de salaires. Le poids de l’éducation dans la détermination du niveau

de rémunération dépend donc de la natuie et de la situation particulières de l’économie nationale, ainsi que du niveau d‘instruction des effectifs disponibles: Ainsi, la présence sur le marché du travail d’une abondante main-d’œuvre sans qualification et peu instruite, comme c’est le cas à Mexico, fait de l’éducation une denrée rare qui agit tel un filtre accentuant les inégalités. Le phénomène s’aggrave lorsque les entreprises “dynamiques” des différentes branches se montrent très exigeantes sur le chapitre de l’éducation pour l’embauche et l’attribution des postes, ce qui semble arriver à Mexico. Nos constatations nous amènent à penser qu’il existe un double mécanisme de concurrence sur le marché du travail et que l’éducation y joue un rôle important comme moyen, d’abord, de s’introduire dans les activités capitalistes de pointe, puis, ce résultat obtenu, d’accéder à des postes mieux rémunérés7. La complexité du problème des inégalités oblige à

analyser d‘autres caractéristiques des structures économiques et sociales qui les sous-tendent, pour pouvoir évaluer et interpréter dans une perspective plus large les possibilités pour la main-d’Euvre de bénéficier du développement dans le cadre du marché du travail.

5. Formes d’organisation de la production et pauvreté en milieu urbain

A Mexico, la mobilité sociale d’une importante fraction de la population masculine, tant migrante qu’autochtone a été le fruit des transformations des structures de production et des changements corrélatifs intervenus dans la répartition professionnelle de la main-d’œuvre. L‘ampleur du phéno- mène ne doit cependant pas masquer l’existence permanente d’une masse de travailleurs réduits à un état de dénuement persistant, lié moins à une généralisation du chômage qu’à un manque de possibilités d’emploi comportant les salaires plus élevés. La coexistence de ces deux phénomènes, mobilité et pauvreté, tient en partie au type d‘industriali- sation qu’a connu la capitale, l‘une de ses caractéristiques fondamentales étant d‘avoir laissé un système de production fonctionnant dans le cadre de structures extrêmement hétérogènes (MUnoz, 1975).

L‘hétérogénéité de l’économie et ses répercussions sur la pauvreté peuvent être établies par différents moyens. Dune part, les énormes disparités de revenus des travailleurs entre certains secteurs économiques (voir le tableau 11-14) amènent à poser l’existence au sein de l’économie de profondes différences de niveau technologique. D’autre part, dans chaque secteur et dans chaque branche, des formes non capitalistes d’organisation de la production coexistent avec des formes plus complexes totalement

Tableau 11-14

Gains mensuels moyens et proportion de travailleurs indépendants dans certaines branches

Mexico, 1970

Effectifs masculins

Branches d‘activité Gainsa

Transformation Produits alimentaires,

Textiles, cuirs, chaussure Produits du bois Papier et produits de papier Produits chimiques Minerais, produits non métalliques

Métaux de base, produits métalliques et machines

Branches manufacturières diverses

E lectr icité Bâtiment

Services de distribution Commerce de gros Commerce de détail Transports Communications

Services productifs Finance Assurances Immobilier et services aux entreprises

Services sociaux Administrations publiques

Services sanitaires Services communaux

Services individuels Spectacles Hôtelerie et restauration Services personnels et

Activités non désignées

boissons, tabacs

et défense

domestiques

2025.1 1792.1 1775.0 2506.8 2682.6

3308.1

2238,O

151 8,6 2589,4 1793.8

3578.8 1633,O 2201,l 2529,2

2974.4 2553,3

3386,5

1879.6 740,8 2385.4

1987.9 1828,7

787.4 1686.7

% Indé- pendants

6 9

6,1 11.4 14,l 4.5 2.8

4,3

5.2

7,7 1,4 17,7

25.7

28,8

16,7

6.2

2,6

24.6 1 3

- 3,6 16,2

15.3

15.9 18,9

a. Les gains, exprimés en pesos mexicains, sont ceux de la population active occupée âgée de 21 a 60 ans. Les travailleurs indépendants comprennent les actifs âgés de 12 ans et plus.

Source: Enquête sur les migrations internes, Phase A, et Direction General de Estadisticas, IX Censo General de Poblacion, Mexique, 1970.

7. On trouvera dans Mufioz, 1975, ch. IV, une analyse plus détaillée de la question.

49

Tableau 11-15

Niveaux moyens d’emploi, d‘instruction et de rémunération par branches d‘activité

Effectifs masculins

Branches d‘activité Niveau moyen Nombre moyen Gains mensuels Coefficient de Asymétrie

Industries de d’emploi d’années de scolarité moyens variabilité (gains) (gains)

transtormation 2,92 Bâtiment 2.7 1 Services de distribution 3,38

Services productifs 4,53 Services sociaux 3,87 Services individuels 2,7 1

6 6 5 8

6 0 1 1 4 10 9 57

2620 2363

2524 4941 3287 2108

1,31 5.0 1,50 4.8

1.39 5.6 1.16 2.6 1.17 3,3 1,12 3.1

Source : Enquëte sur les migrations internes. Echantillon représentatif. Phase B.

Table 11-16

Répartition de ia population active par groupes de rémunératior.: et branches d‘activité Mexico, 1970

Groupe de rémunérations Transformation mensuelles (en peso+

Jusqu‘à 1 152 26.5 1 153-1 920 33,9 1 921 -3 840 26.3 3 841 et plus 13.4 TOTAL 100,l

(1107)

Bâtiment Distribution

29.6 26.4 44,l 35.0 11,2 24.5 15,l 14,l 100 O 100 O (152) (531)

Services Services productifs sociaux

11.9 21.7 17.0 32.2 32.7 23,8 38.4 22.3 100,o 100.0

(1 55) (369) --

Services Total individuels

43,3 27.0 29.0 32.9 11.1 23.3 16,6 16.8 100.0 100,o O 0

a. 12.5 pesos mexicains valaient un dollar des Etats-Unis d‘Amérique en 1970. Source: Mufioz, 1975, tableau IV-3 : 107 (nouvelle présentation). Enquête sur les migrations a Mexico, échantillon représentatif, Phase B.

capitalistes (voir Muiioz et Oliveira, 1976). En utilisant la production de travadleurs indépendants dans un secteur comme indicateur de la présence d’activités non capitalistes, nous avons constaté que c’est dans les branches où les travailleurs indépendants sont fortement représentés que les fruits du dévéloppement, c’est-à-dire les revenus du travail, sont le plus modestes (voir le tableau 11-14). Cette tendance prédomine dans les branches de services individuels, dans la distribution et dans le bâtiment, mais elle est aussi très sensible dans le secteur manufacturier8.

Par ailleurs, les analyses que nous avons faites nous permettent d’affirmer que l’expansion tant des industries manufacturières que des branches de services complé- mentaires (services aux entreprises et services sociaux, par exemple) a été génératrice d’emplois dans les activités les mieux rémunérées. D e plus, c’est précisément dans ces secteurs que la création de postes techniques a entraîné une élévation des niveaux de spécialisation et un accroissement de l’emploi des travailleurs les plus instruits. Cela leur a permis de bénéficier des rémunérations les plus élevées (voir le tableau 11-15).

Il apparaît à l’analyse des disparités de niveaux d’emploi, d’instruction et de revenus, tant inter qu’intresectorielles, que c’est dans le secteur tertiaire, entre les branches des

services individuels et des services productifs, qu’elles sont le plus sensibles. Ce résultat souligne l’hétérogénéité de ce secteur et son rôle dans la formation de couches sociales allant des classes supérieures et moyennes aux groupes les plus défavorisés de la société.

Néanmoins, à la différence d’autres auteurs, nous avons pu établir que la pauvreté en milieu urbain n’est pas néces- sairement liée à la croissance du secteur tertiaire. Il y a de fortes proportions de travailleurs qui se situent au bas de l’échelle des revenus à travers l’appareil économique (dans tous les secteurs) (voir le tableau 11-1 6).

8. Les résultats que nous avons mentionnés ne tiennent pas comptc d’un phénomène qui a pris une certaine importance i Mexico : c’est un apport de main-d’œuvre, vraisemblablement occupée des activités relevant de la catégorie des travailleurs indépendants, qui ne réside pas dans les limites de I’agglomé- ration. Cet apport est double; il comprend, d’une part, des travailleurs qui s’intègrent au marclié du travail de Mexico i titre temporaire, lorsque l’intensité des travaux agricoles diminue, d’autre part, ceux qui y sont intégrés à titre permanent et qui font chaque jour la navette entre leur lieu de résidence et le secteur de la capitale.

50

L‘analyse des variations des rémunérations selon le groupe professionnel au sein des différentes branches9 a révélé que c’est surtout dans le tertiaire que des emplois bien rémunérés ont été créés. Ainsi, le redéploiement de main-d’œuvre vers les services productifs et sociaux doit avoir joué au fond comme un mécanisme d’amélioration des revenus. La pression des excédents de main-d’œuvre s’est fait sentir dans les branches qui emploient beaucoup de travailleurs manuels. Elle a entraîné un fléchissement de leurs gains qui s’est propagé à travers tout l’appareil économique, surtout dans le cas des manœuvres. Les industries de transformation n’ont pas été épargnées, et l’expansion des industries manufacturières n’a donc pas joué en faveur d’une augmentation des rémunérations pour une fraction substantielle de leurs effectifs. Cette analyse particulière a aussi permis de constater d’importants écarts de rémunération entre cadres supérieurs et travailleurs non manuels, ce qui indique qu’une partie de la classe moyenne a également subi une certaine dégradation de ses revenus (Muiioz, 1975 : 226). Pour ce qui est des différences de gains selon le niveau

d‘instruction, elles sont apparues supérieures à cent pour cent dans quelques branches d’activité. Dans celles qui, comme la transformation, le bâtiment et les services indivi- duels, emploient beaucoup de travailleurs non qualifiés et fort peu instruits, les inégalités de rémunérations sont particulièrement fortes, en raison de l’écart qui sépare cette majorité des quelques spécialistes qui ont été formés dans les instituts techniques ou les universités. Comme on s’arrache ces spécialistes, les industries de transformation et le bâtiment en sont venus à leur offrir des rémunérations siipérieuïs à toutes les autres (Mufioz, 1975 : 221). D’autre part, nous avons déjà montré que les salaires

tendent à diminuer dans les groupes les plus âgés et les plus jeunes de la population active (sauf dans les services productifs et sociaux ; Muiioz, 1975 : 214). L‘existence dans l’économie d‘un important contingent de jeunes et d’une offre de main-d’œuvre excédentaire semble réduire considérablement les gains des travailleurs les plus jeunes. De plus, cette main-d‘œuvre jeune et très bon marché peut provoquer des retraites anticipées, qui, à leur tour, tendent à réduire les gains des effectifs les plus âgés. A en juger par les premiers résultats de notre enquête, le phénomène ne paraît pas tenir à une tendance générale des jeunes à s’orienter vers l’emploi à temps partiel. C’est toutefois un problème qu’il faudra approfondir.

Il s’agirait, entre autres, dans notre analyse de découvrir dans quelle mesure les caractéristiques de la main-d’œuvre expliquent les écarts de gains au sein d’une même branche d‘activité. L‘hypothèse de départ était que le niveau d’em- ploi devait être le principal facteur, en partie parce qu’il canalise les effets indirects de l’iptruction et de l’âge. Connaissant son incidence, quelle fraction supplémentaire de la variance peut-on expliquer en faisant entrer les carac- téristiques socio-démographiques en ligne de compte ? Il apparaît que ce sont les niveaux d’emploi qui ont eu l’effet brut le plus important sur les gains dans toutes les branches (voir l’Annexe F), sauf le bâtiment, où c’est le niveau d’instruction. Pour l’ensemble des branches, l’analyse nous permet de conclure que la fraction de la variance des gains expliquée par le niveau d’emploi, l’instruction et l’âge est plus forte dans le bâtiment et la transformation que dans les branches de services (Mufioz, 1975: 233).

6. Hétérogénéité interne des branches d’activité

Les branches d’activité ne sont pas des ensembles homogènes. Elles présentent des disparités économiques internes mar- quées qui pèsent tant sur la composition des effectifs que sur le rapport entre leur importance numérique et leurs gains en chaque cas. Il est en général admis que la taille des entreprises est, à certains égards, liée aux différentes formes d’organisation de la production, et qu’elle a une influence sur les possibilités offertes à la main-d’œuvre de participer aux fruits du développement. S’il est vrai que, dans tous les secteurs de l’activité, les petites entreprises ont une plus forte proportion de tra- vailleurs dans les catégories inférieures de la pyramide des revenus que les grandes, il ressort de nos travaux (Mufioz, 1975 : 207) que ces dernières en comptent aussi beaucoup dans certains cas. Cela signifie que les secteurs capitalistes de pointe ont grandement profité de l’exis- tence sur le marché d’une main-d‘œuvre abondante et peu coûteuse. Apparemment, une fois qu’elles ont satisfait à leurs besoins de personnel technique qualifié, les entre- prises engagent à peu de frais des travailleurs très peu qualifiés, ce qui accroît leurs possibilités de réaliser des profits plus élevés, et partant d’accumuler du capital. Il n’est donc pas surprenant de trouver des travailleurs de cette catégorie dans les branches technologiquement très avancées ou très spécialisées.

Dans toutes les branches d’activité, il y a des unités de production dont la taille est liée à une structure déterminée des tâches, ce qui implique que la catégorie professionnelle, l’instruction et l’âge n’ont pas le même poids dans la fmation des rémunérations. Sauf dans les services productifs et les services sociaux, ces trois caractéristiques ont une incidence plus forte à cet égard dans les grandes entreprises que dans les petites, en particulier si l’on considère leur effet conjugué. Cela tient en partie aux différences de degré de capitalisation et de niveau de productivité qui existent entre les deux catégories d’entreprises et au fait que leurs activités sont plus ou moins structurées (voir le tableau 11-17).

7. Influence de la syndicaiisation sur les rémunérations

Dans certains environnements économiques, les écarts de rémunérations ne s’expliquent pas uniquement par les caractéristiques socio-démographiques de la main-d’œuvre. Il existe sur le marché du travail des tensions structurelles provoquées par les rapports entre le capital et la classe ouvrière qui favorisent l’émergence et l’action des syndicats. Pour l’analyse des inégalités économiques et sociales, les organisations de travailleurs sont particulièrement intéressantes car elles peuvent contribuer puissamment à institutionnaliser les règles de travail, ainsi qu’à réglementer les conditions de travail et la fxation des salaires. Bref, les syndicats sont parmi les institutions qui peuvent avoir le plus d’influence sur le fonctionnement du marché du travail.

9. On trouvera dans Mufioz, 1975, ch. III, une analyse sectorielle des différences de niveau professionnel, de niveau d’instruction et d’âge.

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Tableau 11-17

Pourcentage de la variance des rémunérations expliqué par les niveaux d'emploi, l'instruction et l'âge, selon la taille des entreprises et les branches d'activité

Mexico, 1970

Branche d'activité

Effets bruts Emploi Instruction Age Effets nets Emploi Instruction Age S o m m e des effets nets

Effet conjugué Variance totale

Industries de transformation

Bâtiment

Grandes Petites

57.2 51.9 37.6 23,O 18.7 11.4

--

12.5 17.7 3.3 2,o 8,4 3.0

24.2 22.7 43,O 33,5 67,2 56,2

Grandes Petites -- 55.5 47.3 74.4 43.0 28.2 17.1

0.6" 7.3 25.1 7,4 8,5 2.3"

34.2 16.0 50.6 39.4 84.8 56.4

Distribution Services productifs

Grandes Petites Grandes Petites ---- 47.8 50.0 26.3 67.7 33.5 16.2 19.9 35.4 7.4 14.4 19.9 3.7

9,6 5.7 1,6* 16.9 6,6 22,5 5,7 3.2 7.1 7.5 22.0 T1.5

23,2 35.7 29.2 31,6 35.5 24.3 22.1 52,4 58.7 60.0 51,3 84.0

Services Services sociaux individuels

Grandes Petites Grandes Petites

39.6 29.9 47,8 46,3 27.6 46,O 26,5 21.7 10.0 7.4 41,5 7.4

----

9.3 0.4" 11,5 20,3 2.6 17.8 4,7 ' 3,3 6.9 8.1 25,l 1.1"

18,8 26.3 41,3 24,7 28.9 27,8 32,7 25.6 47,7 54,l 74,O 50,3

Source: Mufioz, Oliveira, Stern, 1977, tableau 13-7 : 188. Enquête sur les migrations à Mexico. Echantillon représentatif, Phase B. Non significatif au niveau de 0.5.

Tableau 11-18

Pourcentage de la variance des gains expliqué par la syndicalisation, selon la taille des entreprises et les branches d'activité (corrigé en fonction de la profession, de l'instruction et de l'âge)

Effectifs masculins BRANCHES D'ACTIVITE

Variance Transformation Distribution Services sociaux Services individuels TOTAL Grandes Petites Total Grandes Petites Total Grandes Petites Total Grandes Petites Total

Effet net Syndicalisation

0.3 3.3 1.4 0.6 0.1 1.6 0.1 (a) 0.1 6.4 0.9 3 2 0.9 ins) (ns) (ns) (ns) (ns) (ns) (ns) (ns) (ns)

ns: Non significatif au niveau de 0.5. a. Non calculé, en raison du nombre insuffisant de cas. Source: Enquete sur les migrations à Mexico, échantillon représentatif, Phase B.

Notre objectif est ici limité puisqu'ii ne s'agit que d'examiner dans quelle mesure les syndiqués bénéficient de rémunérations plus élevées dans différents cadres de de travailIo, mais c'est une analyse qui mérite de retenir l'attention car, à ce jour, le sujet a été rarement traité par les auteurs latino-américains.

Nous voulons d'abord voir dans quelle mesure les branches à fort taux de syndicalisation offrent des rémunérations plus élevées. D'après les données dont nous disposons @lufioz, 1975, tableau IV-9 : 248j, il n'y a pas de corres- pondance exacte entre ce taux et les gains moyens, surtout du fait que les services de production font exception, ayant la moyenne de revenus la plus élevée pour le plus faible taux de syndicalisation. On constate néanmoins, que les branches (bâtiment et services personnels) où les gains moyens sont les plus faibles sont généralement aussi celles où le taux de syndicalisation est le plus faible.

Il ressort clairement de notre analyse des proportions de syndiqués selon la tadie des entreprises dans quatre branches d'activité (transformation, distribution, services sociaux et individuels; les services productifs et le bâtiment n'ont pas été retenus en raison du petit nombre de cas (Mufioz, 1975, tableau IV-10 : 252)) qu'en chaque cas, le taux de syndicalisation est élevé dans les grandes entreprises.

10. Pour les besoins de i'analyse, nous considérons comme syndiqués les travailleurs qui déclarent nuvertement l'être et comme non syndiqués ceux qui déclarent n'appartenir aucun syndicat. Les travailleurs appartenant à des assocjations professionnelles ou autres organisations du m ê m e genre n'ont pas été retenus. Sur l'effectif total de main-d'œuvre masculine considéré, il n'y a que 29 pour cent de syndiqués (voir Mufioz, 1975).

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On peut donc conclure qu’au plan macro-économique celles-ci paient mieux et emploient proportionnellement plus de syndiqués. Si leurs effectifs sont mieux rémunérés par suite de gains de productivité ainsi que d’une capacité de négociation accrue, il y a plus de chances que les fruits de l’expansion restent concentrés dans les secteurs capitalistes modernes de l’économie.

D’autre part, toutefois, on ne peut observer les effets de la syndicalisation sur les gains sans tenir compte du niveau d’emploi et d’autres caractéristiques comme l’instruction et l’âge. Elle pourrait entraîner des écarts de rémunérations différents si l’on constatait que les travailleurs organisés sont les nouveaux venus sur le marché du travail ou les travailleurs d’un certain âge possédant une expérience professionnelle. Selon nous, elle explique une fraction sensiblement accrue de la variance des gains lorsqu’on tient compte des caractéristiques socio-démographiques (profession. instruction, âge).

Le tableau 11-18 présente les résultats de notre analyse de régression multiple. Il met en évidence l’effet net sur les gains de la syndicalisation (introduite dans l’équation comme

variable supplétive, voir l’Annexe F), selon la taille des entreprises et les branches d’activité, corrigé de la pro- fession, de l’instruction et de l’âge. Dans l’ensemble, il apparaît que les écarts de revenus sont très peu sensibles à la syndicaiisation. Ce n’est que dans le cas des grandes entreprises de services individuels que cette variable prend une certaine importance.

D’après ces résultats, la syndicalisation ne joue pas dans la détermination des gains individuels ; son incidence se manifeste sans doute à d’autres niveaux d’analyse. Au niveau individuel, elle n’influe pas sur les gains en eux- mêmes, mais elle est peut-être importante pour distinguer les groupes de travailleurs bénéficiant ou non d’avantages en matière de logement, de sécurité sociale, de stabilité de l’emploi, d’éducation des enfants et de prêts.

Outre le fait que dans leur majorité les travailleurs ne sont pas organisés (29 pour cent seulement d’entre eux étant syndiqués), il nous semble donc que l’incapacité des syndicats d’assurer à leurs membres des rémunérations plus élevées est l’un des facteurs les plus importants qui permettent d’expliquer la stagnation des rémunérations.

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Conclusions

L‘un des objectifs majeurs de la présente étude était d’essayer d’analyser les migrations et la population active à Mexico. Dans les pages qui suivent, nous présenterons un résumé des principaux résultats, quelques conclusions importantes et des observations complémentaires visant à répondre à quelques-unes des questions que nous avons posées : a) quels ont été les déterminants fondamentaux de l’afflux considérable de migrants enregistré à Mexico ? b) de quelles régions ces migrants étaient-ils originaires ? c) quelle a été l’incidence des migrations sur la structure démographique de la capitale ? d) quels ont été leurs effets sur le marché du travail et comment migrants et autochtones s’y sont-ils intégrés? e) quels sont les facteurs qui déterminent les écarts de rémunérations observés dans l’ensemble de la population active ? Nous aborderons ces problèmes en tenant compte de leur rapports avec les phénomènes socio-économiques de grande ampleur que Mexico a connus au cours des quarante dernières années.

1. Les migrations internes

a) Les déterminants fondamentaux L‘apparition de l’industrialisme dans un pays agricole implique un transfert de main-d’œuvre du secteur primaire vers le secondaire et le tertiaire et partant, une mobilité géographique de la population dispersée des campagnes quittant ses villages pour les centres urbains. L‘essor du capitalisme industriel dans un pays sous-développé comme le Mexique suppose la concentration du capital dans un petit nombre de secteurs et, par conséquent, l’orientation de la plupart des courants migratoires vers quelques centres dynamiques. La convergence des mouvements migratoires à Mexico

s’explique fondamentalement par plusieurs facteurs : a) le fait que la capitale se trouve entourée de zones rurales appauvries et très peuplées ; b) son rôle prépondérant dans la vie économique, sociale et politique du pays ; c) l’inca- pacité de toutes les autres villes des environs d’exercer autant d’attrait. Considérons dans cette perspective quel- ques déterminants majeurs des flux migratoires.

Dans les régions qui entourent la capitale, on l’a vu, les paysans sont extrêmement nombreux, tant dans les communes rurales que dans les localités dites urbaines (de deux mille cinq cents habitants et plus, selon la défi- nition du recensement). En fait, plus de 60 pour cent de la population active agricole du pays vivent dans les dix Etats (sur un total de treinte-deux) oùMexico recrute la plupart de ses migrants (voir Cauthorn et Hubbard, 1976, tableau 5-1). Mais il y a des faits peut-être plus importants encore de

notre point de vue : a) la superficie des terres disponibles,

du moins dans les régions centrales qui nous intéressent, a très peu augmenté au cours des dernières décennies, b) la qualité de ces terres a, dans la plupart des cas, diminué et, ce qui est sans doute plus grave, c) la majeure partie de la production agricole de ces terres est devenue marginale, ou peu s’en faut, dans un cadre général à présent essentiel- lement axé sur les débouchés commerciaux.

Aussi importante soit-elle par ailleurs, au plan politique notamment, la réforme agraire mexicaine a eu pour consé- quence économique objective un dualisme structurel de plus en plus accentué de l’agriculture concentrant la plus grande partie de la production commercialisée dans un très petit nombre de régions, surtout en bordure des Etats du Nord. Ces régions, qui correspondent en gros aux Etats de Sonora et de Sinaloa, produisent la valeur de plus de 50 pour cent des exportations agricoles totales et de près de 30 pour cent de la consommation intérieure de produits agricoles (voir Proceso, no 2, nov. 1976, et Bueno, 1977). En outre, ce sont ces zones d’agriculture capitaliste com- merciale qui ont bénéficié, au cours des dernières décennies, de la plupart des investissements agricoles, tant publics que privés, et notamment des ressources affectées à la R & D pour la mise au point de variétés nouvelles de semences et de méthodes nouvelles de production (ce qu’il est convenu d’appeler la “révolution verte”).

En même temps, le reste des terres agricoles était en majeure partie abandonné à son sort, d’où épuisement des sols, abandon des terres, faute de crédits, dans quelques régions et surpeuplement presque partout ailleurs. L‘effectif des paysans sans terre a augmenté, passant de quelque 2,3 à plus de 3,3 millions entre 1950 et 1970, et le nombre moyen de jours ouvrés est tombé pour la population agricole d’environ 194 dans les années 50 à 100 dans les années 60 (voir Hansen, 1971 : 81 et Reyes Osorio, et al., 1974: 425 et suiv.). Alors que la population rurale continue de s’ac- croître à vive allure (de 1,s à 2 pour cent en moyenne par an au cours des trois dernières décennies), les effectifs employés dans le secteur agricole commencent apparemment à diminuer), ce qui, à notre avis, accentuera le surpeuple- ment des régions rurales, et donc leur vocation migratoire, dans un proche avenir. C’est du secteur agricole que viennent la plupart des

migrants qui quittent les campagnes pour les villes, tant à titre temporaire - pour s’employer aux Etats-Unis ou dans les zones d’agriculture commerciale du Mexique comme main-d’œuvre d’appoint (voir l’étude de Botey, et al., 1976), ou encore dans les grandes villes, surtout durant la “saison sèche”, où il y a une forte demande dans l’industrie du bâtiment - que définitivement, et il s’agit en général de jeunes qui n’ont aucune perspective d’avenir sur place. Les mouvements migratoires ne s’expliquent toutefois

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pas uniquement par l’état structurel de l’agriculture mexi- caine, ils tiennent aussi à une concentration continue des activités économiques dans la capitale. De fait, les activités manufacturières et les branches de service de Mexico ont employé, surtout depuis les années 40, de gros contingents de main-d’œuvre, aussi bien en chiffres absolus qu’en pourcentage. Ce sont les possibilités d’emploi créées dans l’ensemble du secteur économique de l’agglomération de Mexico, au moins jusqu’en 1970, qui ont été à l’origine des migrations internes (besoins de main-d’œuvre bon marché) et de leur orientation géographique.

D’un autre côté, notre analyse empirique des facteurs expliquant les différences entre les courants migratoires à destination de Mexico nous autorise à conclure, tendances à l’appui, que ce sont toujours les facteurs structurels propres aux régions d’origine qui déterminent le volume des effectifs migrants vers la capitale. En verité, le simple effectif de la population d’une région est peut-être en passe de devenir la variable essentielle pour prévoir le nombre de migrants qui la quitteront pour la capitale, et il est nombreux. De plus, nous avons découvert que des variables telles

que la distance, avaient de moins en moins de valeur quand il s’agissait de prévoir le volume des migrants originaires de chacune des régions considérées se rendant à Mexico. Bien que nous ayons surtout pris en considération les régions relativement proches de la capitale, cette constatation nous amènerait à croire que les migrants venus de régions plus éloignées devaient être désormais plus nombreux, d’autant plus que les communications entre Mexico et toutes les régions du pays s’améliorent de jour en jour.

b) L’origine régionale Les conditions dans lesquelles l’industrialisation s’est déroulée après les années 30 ont entraîné un appauvris- sement relatif des masses rurales concentrées sur le plateau central, qui, en proportions croissantes, ont été contraintes d’abandonner leur lieu d’origine pour chercher un emploi et des conditions d’existence moins précaires dans les rares endroits qui en offrent : la capitale, les régions septen- trionales des deux côtés de la frontière et, plus récemment, quelques grandes villes comme Guadalajara.

En conséquence, les courants migratoires les plus impor- tants observés au cours des quarante dernières années allaient des états pauvres des régions du Centre et du Sud du pays vers le Nord et la capitale. Au cours des trois dernières décennies, la ville de Mexico a reçu une moyenne de 40 pour cent du nombre total de migrants changeant d’Etat, et l’ampleur relative de ce flux migratoire n’a cessé de croître tout au long de cette période. Les plus importants des courants aboutissant à Mexico avaient pour origine les régions qui entourent la capitale ou en sont rela- tivement peu éloignées : le Centre et l’Ouest lui ont fourni la plupart de ses immigrants, mais le Sud et le Centre-nord n’ont cessé d’accroître leur contribution au cours des dernières décennies.

Une analyse plus fouillée de l’origine régionale des migrants révèle que l’importance relative des effectifs venus des régions essentiellement rurales et agricoles s’est nettement accrue au cours des quatre dernières décennies, alors que celle des migrants originaires de régions à pré- dominance urbaine, et en particulier des régions à structure économique diversifiée et qui comptent de grandes villes, a notablement diminué. Il apparaît en outre que l’importance

relative des migrants partis de régions situées au voisinage immédiat de la capitale a baissé avec le temps, alors que celle des migrants venus de régions plus lointaines va en augmentant. Ce qui s’est apparemment produit, c’est que quelques-uns

des centres urbains proches de la capitale ont pu absorber la majeure partie de l’accroissement de leur propre popu- lation, mais que par suite de leurs dimensions relativement modestes, ainsi que de la spécialisation et du manque d’autonomie de leur économie, ils n’ont pas été en mesure de résorber une plus forte proportion des excédents sans cesse croissants de la population rurale, qui ont donc été contraints de se diriger vers Mexico, même s’ils venaient d’assez loin.

c) Les caractéristiques des flux migratoires Les caractéristiques du cadre régional de Mexico nous ont fourni les éléments nécessaires pour comprendre qu’il ait été facile de mobiliser la main-d’œuvre nécessaire. Les régions dominées par l’économie de subsistance, où le manque de terres est accentué par l’accroissement naturel de la population, ont créé les conditions structurelles de ces disponibilités de main-d’œuvre transférable vers la capitale.

Celle-ci, on l’a vu dans les chiffres, a reçu, depuis les années 40 des apports incessants de travailleurs migrants, qualifiés ou non, répondant à l’évolution de la demande de main-d’œuvre. Les migrations ont donc joué un rôle impor- tant dans sa croissance économique en lui fournissant la main- d’œuvre dont elle avait besoin pour son industrialisation.

Les résultats de notre étude indiquent que ces migrants sont venus de plus en plus des régions rurales peu évoluées. Pendant les années 40, les travailleurs ainsi transférés avaient auparavant eu des emplois agricoles ou de “cols blancs”, par la suite, dans les années 50 et 60, les premiers sont devenus beaucoup plus nombreux cependant que l’effectif des seconds diminuait.

d) L‘incidence des migrations internes sur les structures

Notre analyse nous a permis d’indiquer que les migrations à destination de Mexico constituent l’élément fondamental de la croissance démographique générale. Nous avons démontré que, pour évaluer pleinement l’incidence de ces migrations internes sur les structures démographiques, il faut approfondir l’analyse, en mettant en lumière non seulement la contribution directe des immigrants, mais aussi leur contribution indirecte. Même si la première est la plus importante, la seconde est quantitativement très sensible.

Les flux migratoires à destination de Mexico ont aussi influé fortement sur la pyramide des âges et la structure par sexe. Dans le premier cas, cette influence est liée à des facteurs tels que l’âge à l’immigration, la période d’arrivée et les différences selon le sexe. En général, nos recherches tendent à prouver (voir Goldani, 1977) que les migrations internes ont eu pour effet de rajeunir la population de l’agglomération de la capitale et d‘en abaisser l’indice de masculinité.

D’autre part, et nous y avons insisté à plusieurs reprises, les migrations internes ont été l’un des principaux facteurs d’accroissement de la population active (âgée de 21 à 65 ans) de Mexico, dont nos travaux nous ont amenés à conclure qu’eue est en majorité constitué d’immigrants.

démographiques

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2. industrialisation, migrations et population active

a) Industrialisation et création d’emplois Il ressort de notre analyse que pour déterminer dans quelle mesure l’industrialisation a influé sur l’emploi de la po- pulation active à travers la substitution de productions nationales aux importations et le changement technologique, il importe : a) de faire porter l’analyse de l’intégration des actifs dans l’emploi sur tous les secteurs économiques, et non sur les seules industries manufacturières, et de tenir compte des rapports entre les branches d’activité ainsi que de l’effet multiplicateur de la croissance du secteur manu- facturier sur la demande de services. Le processus d’indus- trialisation implique l’expansion des activités économiques liées non seulement à la production de biens, mais aussi à leur distribution. En outre, il requiert des services fman- ciers, bancaires et professionnels qui absorbent eux aussi de la main-d’œuvre et reflètent le dynamisme du secteur manufacturier ; b) de distinguer au sein du tertiaire diffé- rentes séries d’activités diversement liées à l’essor des industries manufacturières et dont le dynamisme n’entraîne pas les mêmes conséquences en ce qui concerne la capacité d’absorption de la main-d’œuvre de l’économie (Singer, 1971 ; Browning, 1972 ; Singelman, 1974) ; c) de reconsi- dérer l’incidence du changement technologique sur la créa- tion d’emplois dans le secteur manufacturier, en n’admettant pas a priori que les industries à forte intensité de capital soient moins actives à cet égard que les industries dites de main-d’œuvre (Singer, 1971 ; Trejo, 1973; Mendez Villareal, 1974).

C’est sur la base d’une analyse détaillée des données des recensements concernant l’intégration de main-d‘œuvre dans différentes branches de services que nous avons été amenés à rejeter l’hypothèse de la “surtertiarisation” de la population active, c’est-à-dire, de sa concentration croissante dans des activités de services qui ne sont pas directement liées à la croissance industrielle, comme les services domestiques. Dans les branches qui, au contraire, le sont, tels les services productifs, la distribution et les services sociaux, le taux d’emploi a augmenté. Dans les services individuels, les activités qui ont absorbé le plus de main-d’œuvre (spectacles, restauration, blanchisserie par exemple) sont celles dont l’expansion correspond probablement à la fois à une pénétration accrue des entre- prises capitalistes dans ce secteur et à la prolifération des travailleurs indépendants non qualifiés, qui a pesé sur la structure des offres d’emplois.

Par suite de l’essor rapide des industries manufacturières assuré par la production nationale de biens de consom- mation auparavant importés, les branches de services liées à l’expansion des activités financières, Professionnelles et commerciales ont absorbé relativement plus de main-d’œuvre que les autres branches d’activité ; cela s’explique par la mise en place d’une infrastructure de services jusqu’alors pratiquement inexistante. Les productions nationales remplaçant les importations ont entraîné une diversification du secteur manufacturier qui a accru la demande de services productifs et de services de distribution, branches qui ont ainsi contribué à la progression relativement forte de l’emploi dans les services autres qu’individuels. Le contraste entre les cohortes d‘entrants des années

30 et celles des années 40 illustre bien l’incidence de ces changements économiques globaux sur l’affectation des entrants. Dans les années 40, les travailleurs non quali- fiés ont été proportionnellement plus nombreux à trouver un emploi dans les branches de services, non individuels

surtout, et dans le bâtiment, alors que leur part a diminué dans le secteur manufacturier. Le dynamisme industriel ne s’est pas traduit par un taux d’accroissement de l’emploi plus élevé dans ce secteur que dans les autres branches.

L‘énorme différence observée entre les taux de croissance de la production et celui de l’emploi dans les industries manufacturières peut s’expliquer par une utilisation accrue des capacités de production antérieurement mises en place pour répondre à la demande apparue pendant la seconde guerre mondiale. A considérer les cohortes d’entrants, il semble que le remplacement de la production artisanale par des unités de production mécanique dans les industries légères ne soit pas étranger au fait que l’emploi a relative- ment peu progressé dans ce secteur. Le développement industriel que le Mexique a connu

depuis 1950 représente une transformation des structures des industries manufacturières comportant la primauté de l’industrie lourde sur l’industrie légère, celle de la techno- logie à forte proportion de capital sur les techniques à forte intensité de main-d’œuvre et celles des grandes entreprises complexes sur la production artisanale (Trejo, 1973). Ces changements à l’échelle nationale se retrouvent dans la structure du secteur manufacturier du District fédéral, qui montre bien l’importance accrue de la grosse industrie dans la répartition des effectifs. La tendance d’évolution des cohortes d’entrants au cours des années 50 et 60, comparées à celles des années 40, indique également un changement à l’échelle nationale : en vingt ans, les industries lourdes ont ainsi absorbé une proportion plus élevée de l’effectif de travailleurs non qualifiés, cependant que les services indi- viduels voyaient leur part diminuer à peu près d’autant. Ce résultat donne à penser que l’expansion des industries manufacturières a effectivement concilié les changements structurels mentionnés avec une progression continue de l’emploi. Nos recherches vont donc à l’encontre de la généralisation selon laquelle ce sont surtout les services qui absorbent de la main-d’œuvre parce que les industries manufacturières à forte intensité de capital en emploieraient relativement moins que les autres branches d’activité. Quels facteurs peuvent expliquer cette tendance ? Ce résultat se retrouve-t-il adleurs ?

Singer explique la croissance de l’emploi dans les indus- tries manufacturières au Brésil par le fait que les innovations technologiques des années 60 étaient liées à la fabrication de nouveaux produits. Selon lui, la substitution aux impor- tations de productions nationales auparavant assurées par des unités artisanales touche à sa fm. Ainsi, au Brésil, les progrès technologiques des années 60 n’ont pas évincé la production artisanale et fait perdre des emplois, elles ont plutôt entraîné un accroissement de la demande de main- d’œuvre. Trejo (1973) va dans le même sens que Singer. Il signale qu’après 1960, ce sont les activités assez nouvelles qui se sont développées le plus rapidement au Mexique et que la part accrue que l’entreprise moderne y a prise n’a pas entraîné l’éviction des unités de production artisanales ; au contraire, elles ont été génératrices d’emplois. Quelques- unes des tendances récentes constatées par Mendez Villareal (1974) permettent de mieux comprendre ce processus. Elle fait remarquer que les activités à forte intensité de capital sont les plus dynamiques et les plus intégrées ver- ticalement, et que c’est pour cela qu’elles ont créé plus d’emplois au Mexique que les industries de main-d‘œuvre.

Nous appuyant sur ces auteurs, nous affirmons que l’accroissement de l’emploi enregistré à Mexico dans les industries lourdes n’est pas une exception inexplicable ; bien mieux, il a été rendu possible par les caractéristiques

5 7

du processus général d’essor capitaliste que le Mexique a connu. En d’autres termes, le processus d’accumulation de capital, fondé sur les investissements, intérieurs et extérieurs, sur une main-d’œuvre bon marché et sur un marché intérieur en expansion, a contribué au dynamisme des industries lourdes et à leurs possibilités d’absorption de main-d’œuvre. La question qui demeure en suspens est de savoir combien de temps persisteront encore les données structurelles qui favorisent ce dynamisme.

S’il paraît maintenant assez aisé de savoir pourquoi ces industries ont absorbé davantage de main-d’œuvre de 1950 à 1970, les raisons pour lesquelles elles ont absorbé plus de travailleurs non qualifiés appellent quelques préci- sions. Les transformations de l’économie qui sont liées à la création de catégories professionnelles découlant d’une spécialisation et d’une division du travail accrues vont généralement de pair avec une augmentation de la demande de travailleurs qualifiés. Cela n’explique certainement pas pourquoi les industries lourdes, qui fonctionnent en grandes entreprises complexes faisant appel à des techniques à forte proportion de capital, absorbent encore de gros contingents de travailleurs non qualifiés. Il y a nécessairement d’autres facteurs.

Si la proportion de main-d‘œuvre non qualifiée absorbée par les industries lourdes a augmenté, c’est peut-être parce que la demande de main-d’œuvre a limité les possibilités offertes aux nouveaux venus sur le marché du travail. En fait, le moyen le plus facile pour les travailleurs manuels d’y entrer est d’accepter un travail non qualifié, même s’ils possèdent une certaine instruction et certaines compétences. Nous pensons que dans ces industries, les emplois de début sont surtout des emplois de manœuvres, parce que les postes d’ouvriers qualifiés et spécialisés sont réservés au personnel en place qui a déjà reçu une formation en cours d’emploi. De plus, étant donné que l’activité de ces in- dustries passe par de grandes entreprises complexes, elle entraîne la création d’autres types d’emploi qui ne sont pas nécessairement liés au processus de production et qui utilisent une main-d’œuvre non qualifiée.

Toutefois, ce qui importe le plus pour nous, c’est que les variations de l’absorption de main-d’œuvre ne résultent pas seulement de celles de la demande, mais peuvent provenir aussi de la pression exercée par un excédent croissant de travailleurs non qualifiés sur la structure des possibilités d’emploi. Ainsi, l’interaction d’une demande croissante et de l’offre abondante de main-d‘œuvre non qualifiée immigrée dans les années 50 et 60 a peut-être contribué à accroître la proportion de travailleurs non qualifiés dans les industries lourdes. Cela nous amène à examiner l’inci- dence des migrations sur la répartition des effectifs.

b) Migrations et affectation de la main-d’œuvre L‘importance des migrations internes comme mécanisme de transfert de main-d’œuvre est un autre aspect de notre analyse. Nous indiquerons ici les tendances générales de la répartition dans les différentes branches d’activité des cohortes successives de migrants arrivés sur le marché urbain du travail à différentes époques. Ce n’est pas en vertu d‘une simple coïncidence que les

années 40 ont été une période d’intenses migrations vers la capitale. C’est, pour une part, à cause du dynamisme industriel de l’époque, qui exigeait à la fois des travailleurs non qualifiés et des “cols blancs” : ce sont alors les tra- vailleurs non agricoles transférés qui ont été embauchés comme employés et comme travailleurs non qualifiés dans les services autres qu’individuels, et les travailleurs

issus de I’agriculutre qui sont entrés en proportions accrues dans les industries manufacturières et le bâtiment. Ce qui a fait l’originalité des effectifs transférés pendant

les années 40, c’est le nombre accru d’emplois de bureau créés pour faire face à l’accroissement de la demande de travailleurs non manuels provoqué par l’essor des services liés à la production industrielle. Ce sont à la fois l’augmen- tation des emplois non manuels disponibles et celle des effectifs de “cols blancs” transférés dans la capitale qui ont contribué à accroître la proportion des membres de la cohorte entrante affectés à des emplois de bureau et à réduire la part des travailleurs non qualifiés. Les années 40 offrent donc un bon exemple de la façon dont un transfert de main-d’œuvre, conjugé à des changements économiques, a contribué à permettre la promotion profes- sionnelle des entrants.

Dans l’ensemble, les effectifs d’entrants des années 50 et 60 n’en ont pas bénéficié autant qu’on aurait pu s’y attendre, compte tenu du dynamisme de l’économie. Ce sont surtout les travailleurs transférés qui ont été dé- classés, et pour les autres, les améliorations n’ont pas suffi à compenser le recul. Les travailleurs agricoles transférés, particulièrement nombreux dans les années 60, ont contri- bué à l’augmentation des emplois non qualifiés, surtout dans les industries manufacturières.

Ainsi, en faisant la distinction entre travailleurs transférés et non transférés et entre travailleurs issus du secteur agricole et des autres secteurs, nous avons pu voir comment l’inci- dence des migrations avait varié des années 40 aux années 60. Il apparaît en outre qu’à l’époque où les industries manufacturières étaient en plein essor et avaient créé relativement plus d’emplois que les autres branches, les ouvriers agricoles peu instruits et plus âgés y avaient aussi été incorporés et n’étaient pas forcément entrés dans les branches de services individuels, qui comptaient une majorité de femmes. Lorsqu’il y a des activités qui manquent de main-d’œuvre, elles emploient les effectifs disponibles, qualifiés ou non. Ce sont l’évolution des caractéristiques des travailleurs transférés pendant les années 50 et 60 et l’offre accrue de travailleurs non qualifiés qui, conjuguées à une contraction relative de l’emploi et à une réduction du nombre des emplois de haut niveau ouverts aux entrants, ont limité la promotion professionnelle des effectifs masculins d‘entrants en dépit de l’élévation des niveaux d’instruction observé à mesure que les cohortes se succédaient.

L‘analyse de ces cohortes à Mexico a révélé que le problème le plus important tient au fait qu’une forte proportion de leurs effectifs s’intégrait dans des emplois non qualifiés et que ce phénomène ne s’est pas sensiblement atténué depuis les années 40. Ces nouveaux venus n’ont donc pratiquement pas profité des fruits d’un dévelop- pement économique rapide. Comme notre analyse l’a montré, il persiste d’importants écarts de revenus au sein de la population active, et les emplois non qualifiés restent assez mal rémunérés.

c) Inégalités de rémunérations Certains ont cru que la rapide accélération de l’emploi enregistrée dans le secteur tertiaire provenait de sa consom- mation intensive de main-d’œuvre, autrement dit que les services ont profité pour se créer et prospérer de l’existence d’une main-d’œuvre abondante et bon marché. Or, notre analyse met en évidence deux points importants, qui viennent partiellement contredire cette hypothèse : a) les actifs employés dans les services productifs et les

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services sociaux se situent généralement dans les catégories de rémunérations les plus élevées et ont les gains moyens les plus élevés observés dans l’ensemble de l’économie ; b) il n’y a pas de différences entre les services de distribu- tion et le secteur de la transformation en ce qui concerne la répartition de la main-d’œuvre dans les diverses catégories de rémunérations, non plus que les rémunérations moyennes en chaque cas. Les services individuels sont la seule activité tertiaire où règne une pauvreté généralisée, caractéristique qu’ils partagent avec le bâtiment. C’est dans ces deux branches qu’il y a proportionnellement le plus de travail- leurs qui se rangent dans la catégorie où les gains moyens sont les plus faibles.

Nos données indiquent de manière constante que c’est dans les branches de services comme les services productifs ou sociaux qu’il y a le plus d’emplois très spécialisés et que les travailleurs ont le plus d‘instruction. Ce sont les effectifs de ces deux branches qui ont profité le plus de la croissance économique en ce qui concerne les rémunérations. L‘expan- sion de ces activités et le fait qu’elles ont absorbé de plus en plus de main-d’œuvre ont également entraîné une concentration des revenus au profit de groupes numérique- ment restreints de la population active.

D’autre part, les tendances à la spécialisation au sein de l’économie suivent de près et elles reflètent les niveaux d’instruction de la main-d’œuvre. Les activités économiques plus spécialisées payent mieux. Nous avons constaté dans les diverses branches que plus leurs effectifs ont d’instruction, mieux ils sont rémunérés. Le problème des inégalités de rémunérations, loin

d’être une particularité du secteur tertiaire, est très large- ment répandu dans tout le système économique. Nous avons constaté en particulier que les petites entreprises emploient proportionnellement plus de travailleurs des catégories peu rémunérées (sauf dans les services sociaux) et qu’il existe peu de différences sur ce point entre les diverses branches. Il faut en conclure que, sur la proportion totale de travailleurs employés dans les petites entreprises, ceux qui se situent au bas de l’échelle des rémunérations repré- sentent une masse assez nombreuse pour donner une idée des difficultés qu’éprouve l’économie à assurer un emploi correctement rémunéré à la population laborieuse. Cette analyse a aussi démontré qu’au sein de chaque

branche coexistent des activités dont certaines sont orga- nisées selon des formes de production très modernes, alors que d’autres sont restées à la traîne du développement capitaliste. Cette division interne des branches rend plus complexe l’analyse empirique de la pauvreté en milieu urbain. La prise en considération de la taille des entreprises

comme cadre d‘analyse s’es révélée très utile pour l’étude empirique des rapports entre les caractéristiques socio- démographiques et les rémunérations dans une même branche d‘activité. Dans chaque branche étudiée, la fraction de la variance des remunérations expliquée par la catégorie d’emploi, par l’instruction et par l’âge était sensiblement différente dans les grandes et dans les petites entreprises. Ainsi, il semble qu’elles combinent différemment les critères à prendre en considération pour fixer les rémunérations de leur personnel. De grandes entreprises capitalistes modernes se sont implantées dans l’ensemble du système économique de Mexico, et il est facile de les distinguer des petites entre- prises. Ces deux types différents d’établissements offrent des conditions de travail différentes et appliquent des règles différentes en ce qui concerne l’embauche, la pro- motion et la rémunération de leur personnel. Notre étude

aura au moins fourni quelques constatations empiriques initiales à l’appui de cette affirmation.

Enfin, nos recherches ont aussi abouti à quelques résul- tats empiriques d’où il ressort que la syndicalisation ne semble pas avoir une incidence sensible sur les gains person- nels. D’autres analyses sont encore selon nous nécessaires pour déterminer comment les syndicats opèrent, tant pour faire embaucher des nouveaux venus que pour pro- téger le personnel en place contre la pression de l’offre de main-d’œuvre excédentaire et contre d’autres facteurs connexes. D’autres recherches s’imposent aussi sur la croissance du secteur tertiaire et ses implications en matière de syndicalisation.

3. Perspectives d’évolution à court terme des migrations à

Jusqu’en 1970, on l’a vu, les mouvements migratoires enregistrés au Mexique ont eu de plus en plus tendance à se concentrer dans la capitale, la population de l’agglomé- ration urbaine de Mexico s’est développée à un rythme encore plus rapide que les démographes les plus hardis ne l’avaient prévu, l’immigration a continué de contribuer fortement à cette croissance démographique, en dépit de l’effectif déjà considérable de la population de la capitale, et les migrants de fraîche date ont été de plus en plus nombreux à provenir de communautés rurales et de régions peu évoluées. On a vu aussi qu’à cause de ces faits, conjugués à une contraction apparente de l’absorption de main-d‘œuvre dans quelques-unes des branches d’activité qui offraient des rémunérations acceptables, les migrants avaient de plus en plus de mal à soutenir la concurrence sur le marché du travail. Pour discerner l’évolution probable de ces tendances

dans l’avenir, il serait nécessaire d’analyser longuement leurs principaux déterminants et les perspectives de variation de ces facteurs, tâche qui sort du cadre du présent rapport.

En gros, vu la nature de l’économie mexicaine et la manière dont elle s’insère dans l’organisation politique et l’économie mondiales, ainsi que les structures démogra- phiques et sociales et la répartition de la population mexi- caine sur l’ensemble du territoire, nous ne prévoyons pas de modification majeure des tendances évoquées ci-dessus dans un proche avenir.

Les zones de destination des migrants pourraient se diversifier quelque peu, étant donné la nécessité et la décision politique de décentraliser certaines des activités gouvernementales, économiques et culturelles actuellement concentrées dans la capitale du pays, ainsi que le dévelop- pement autonome que connaissent actuellerient d’autres régions et centres urbains. Il est toutefois possible de déduire de certaines tendances récentes que les taux d’émigration rurale pourraient augmenter dans un proche avenir, par suite, notamment, de baisses de l’emploi dans l’agriculture. Du fait que la ville de Mexico se trouve située au centre de zones rurales très peuplées, où se pratique surtout l’agriculture de subsistance, et qu’il y a fort peu d’autres villes à proximité qui soient capables de rivaliser avec la capitale comme pôles d’attraction, il y a lieu de penser que cette émigration rurale accrue sera en grande partie dirigée vers l’agglomération de Mexico.

Dans le cadre des tendances et des caractéristiques des structures de la production et de la population active, il nous semble que de gros effectifs de migrants venus des régions rurales éprouveront davantage de difficultés à trouver un emploi correctement rémunéré dans la capitale.

destination de Mexico

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11 est certain qu’à Mexico, le capitalisme va tendre de plus en plus à la spécialisation et à l’institutionnalisation de l’organisation de la main-d’œuvre et, tout en entraînant une diminution relative de la demande de main-d’œuvre, il exigera une amélioration de la formation et des compé- tences pour remplir des fonctions économiques élargies. En ce sens, il se peut que les problèmes du chômage et du sous-emploi s’aggravent dans un avenir assez proche, compte tenu en particulier du nombre considérable d’ac- tifs qui s’y heurtent déjà.

Jusqu’en 1970, le capitalisme industriel a été en mesure de se développer à Mexico sans rencontrer d’obstacles qui le contraignent à changer de cap. Dans les années 70, en revanche, une situation nouvelle a introduit une perspective

différente. La réduction des investissements, l’inflation et l’accroissement de l’offre de main-d’œuvre ont exercé une forte pression sur le secteur manufacturier qui, à son tour, a cessé de pouvoir continuer à offrir autant d’emplois. Ainsi, les activités mal rémunérées du secteur tertiaire se sont sans doute développées plus vite que dans le passé récent, aggravant le sous-emploi.

En outre, quelques chiffres donnent à penser qu’entre 1970 et 1978, le chômage déclaré a augmenté, cependant que les rémunérations continuaient de stagner et que les prix montaient. Autrement dit, Mexico n’a pas été épargné par la crise de l’économie nationale : la pauvreté y est devenue plus aigüe et l’exploitation de la main-d’œuvre plus intense.

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Annexe A

Caractéristiques de l’enquête sur les migrations à Mexico

Le projet relatif aux migrations et aux structures profes- sionnelles internationales qui a été réalisé à Mexico, était placé sous l’égide du Centre d’études économiques et démographiques du Colegio de México et de l’Institut de recherches sociales de l’université nationale autonome de Mexique. Ce projet s’est déroulé en deux temps. La Phase A a consisté en une enquête auprès d’un

6chantillon représentatif de ménages de l’agglomération ou région de México, qui englobe le Distrifo Federal (à l’exception des dekgmiones de Cuajimalpa, Tlaihuac et Milpa Alta) et cinq municipios qui font partie de 1’Etat de Mexico (Naucalpan, Tlalneplanta, Ecatepec, Netzahualc6yotl et Chimaulhaucin) (voir la figure A-1). Cet univers forme une zone urbaine continue dans le prolongement de la ville et ne comprend pas les unités à prédominance rurale. L‘échantillon de ménages a été constitué par une méthode de sondage à deux degrés stratifié. Nous avons commencé par diviser l’agglomé- ration en quatre-vingt huit strates gébgraphiques, en pre- nant le type de matériaux utilisb pour la construction des maisons et le type d’équipements collectifs comme indice général du niveau socio-économique ; cette stratification était l’actualisation d’une enquête effectuée vers 1962 par l’Institut0 Mexicano del Seguro Social. Dans chaque strate nous avons retenu un nombre proportionnel d’îlots, environ cinq cents en tout. Puis nous avons dressé la liste des ménages vivant dans les cinq cents îlots après enquête sur le terrain. Enfin, en prenant au hasard cinq ménages par îlot, nous avons obtenu un total de deux mille cinq cents ménages. Des données ont été recueillies auprès de treize mille personnes environ. L‘échantillon effectif de la phase A peut être pondéré pour donner la population totale de l’agglomération de Mexico. La comparaison entre l’échantillon effectif, l’échantillon pondéré et les données des recensements (Tableau A-1) donne une idée de la haute qualité de cet échantillon.

L‘objectif de la phase A de l’enquête était de rassembler des données démographiques et socio-économiques de base sur la population de l’agglomération de Mexico et d’obtenir une base de sondage pour la Phase B, laquelle consistait en une enquête détaillée sur les adultes des deux sexes. Le questionnaire de la Phase A portait sur les aspects

suivants : population (âge, sexe, situation matrimoniale, fécondité) ; migration (lieu de naissance, date d‘arrivée à Mexico) ; profil professionnel (emploi actuel, secteur économique et branche d’activité, propriété de biens d’équipement, personnel dépendant ou salarié) ; mobilité sociale (premier emploi, profession du père, niveau d’ins- truction des parents). Le questionnaire s’adressait à toutes les personnes vivant en permanence au sein du ménage, leurs liens de parenté ont également été enregistrés.

Tableau A-1

Répartition par âge de la population de l‘agglomération de Mexico selon l’échantillon A effectif,

l’échantillon A pondéré et les données du recensement (en pourcentage)

Groupe Echantillon A Echantillon A Recensement de 1970 d’âge effectif

0-14 39.79 40.03 41,46 15-29 29.71 29.51 29,03 30-44 1 5,36 15.39 15.31 45-64 1 1,65 1 1,73 10,44 65 et plus 3.49 3.34 3.46 TOTAL 100.00 100,00 100,00

pondéré

L‘échantillon de la phase B a été tué des données obtenues dans la Phase A par une méthode de sondage aléatoire stratifié. La population traitée dans la Phase A a été répartie en trois groupes d’âge, trois strates profes- sionnelles et deux catégories migratoires. Des dix-huit cellules ainsi obtenues, il s’agissait de tirer un échantillon aléatoire de soixante individus par cellule, contenant chacune assez de cas pour permettre des comparaisons intra et intercellulaires. Cependant, l’échantillon de la Phase A étant de dimension trop restreinte pour remplir entièrement la matrice, il a fallu recourir à des méthodes de sondage supplémentaires pour combler les trous de quelques-unes des cellules. Nous avons eu au total mille cent-quatre entretiens, tous avec des personnes de sexe masculin âgées de seize à soixante-cinq ans. Cette méthode qui consiste à sélectionner un nombre

fixe d’individus dans chaque cellule entraîne une sur- représentation de certaines d’entre elles et une sousrepré- sentation dans d’autres cas. Pour transformer l’échantillon effectif de la phase en échantillon représentatif, il fallait le pondérer. Nous avons calculé un coefficient de pondé- ration pour chaque individu en fonction de la cellule à laquelle il appartenait. Nous avons divisé l’échantillon A en dix-huit cellules selon les caractéristiques suivantes : groupe d’âge (i) ; lieu de naissance (j) ; strate profession- nelle (k). En définissant Xijk comme le nombre d’individus présentant les caractéristiques ijk dans l’échantillon effectif A et Yijk comme celui des individus possédant les caracté- ristiques ijk dans l’échantillon B, et en divisant Xijk par Yijk, nous avons obtenu Pijk, qui est le coefficient de

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Figure A-1

Banlieue et région de Mexico, 1970

r--- I / t.- Agglomération-région de Mexico

/

Municipalités de I'Etat de Mexico

Agglomération restreinte (proche banlieue) de Mexico, 1970

Ville de Mexico proprement dite

District fédéral (16 Delegaciones)

XOCH IM 1 LCO

TLALPAN

Source: Unikel, 1971: 509

__ - - Agglomération restreinte de Mexico, -.-.- District fédéral (FD)b - Ville de Mexicoc

Agglomération-région de Mexico ( M C M A )

1970 ( M C U A P

Les limites de la proche banlieue sont tracées approximativement, la photographie aérienne de 197L' n'étant pas disponible. Depuis le 29 décembre 1970, les limites du District fédéral se confondent avec celles de la ville de Mexico. Délimitation de la ville de Mexico jusqu'au 29 décembre 1970, où la ville a été divisée en quatre Delegaciones : Miguel Hidalgo, Cuauhtemoc, Venustiana Carranza et Benito Juarez. Ces quatre Delegaciones s'ajoutant aux douze qui existaient déjà forment maintenant la Ville de Mexico etlou le District fédéral.

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pondération de chaque individu ayant les caractéristiques ijk. En multipliant chaque individu à l’intérieur de chacune des dix-huit cellules par le coefficient de pondération de la cellule, nous avons transformé l’échantillon effectif de la phase B en échantillon représentatif B. On trouvera au tableau A-2 les coefficients de pondération utilisés.

Tableau A-2

Coefficients de pondération utilisés pour charger l‘échantillon de la phase B

Strates professionnelles

Groupe Supérieure Moyenne Inférieure d’âge (1) (2) (1) (2) (1) (2) - - __ - - __ - 15-29 1,15 1.09 4.25 3.95 4,64 4,81 30-34 2.08 1.83 3.47 3,47 2.52 2,61 45-64 1.11 1.45 1,92 2.38 1.61 2,20

(1) Autochtones (2) Non autochtones Source: Obtenu en divisant le nombre de cas dans chaque cellule tirée de l‘échantillon A par le nombre de cas effectivement obtenu dans chaque cellule de l’échantillon B.

Questionnaires et fiches biographiques Le questionnaire de la Phase B comprend des éléments concernant l’activité économique par profession et par branche d’activité, les migrations, les variables de strati- fication, les changements de catégorie professionnelle, les attitudes politiques et la participation sociale. Il contient également des questions sur la biographie des intéressés relatives aux migrations, à l’éducation, à la formation de la famille et à la profession. Une partie de notre analyse s’appuie sur des informations provenant des fiches biogra- phiques. L‘avantage est de pouvoir ainsi recueillir des renseignements pour différentes périodes et à différents moments de la vie du sujet. Cela nous a permis de définir les cohortes d’entrants en tenant compte de la date d’entrée dans la population active de Mexico. Par cette méthode, on obtient en outre des indications sur le niveau d’instruc- tion, l’âge et l’expérience professionnelle avant l’arrivée sur le marché du travail de Mexico, ainsi que sur l’évolution ultérieure des migrants sur le plan professionnel et éducatif. La présentation des tables biographiques est la même

pour toutes les personnes interrogées, indépendamment de l’âge. Suivant l’exemple fourni par une étude antérieure effectuée dans la ville de Monterrey, nous avons disposé les domaines d’investigation en colonnes et les années possibles (soixante-cinq en tout) en rangées. Cette méthode permettait de voir immédiatement les caractéristiques de la personne interrogée pour une année quelconque. On trouvera dans Balan, Browning et Jelin (1973: 350-352) un exposé sur la valeur des fiches biographiques.

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Annexe B

Aperçu géo-économique des différentes régions du Mexique contemporain

Pour analyser l’origine régionale variable des migrants vivant à Mexico comme pour évaluer les perspectives d’ex- pansion démographique de la capitale, il est nécessaire de connaître un peu les caractéristiques géoéconomiques des principales régions du pays.

Plusieurs classements ont été proposés dans cette pers- pective. Par bonheur, ils ne sont pas trop divergents, du moins pour ce qui est des grandes divisions. Le tableau sommaire que nous nous proposons de dresser ici s’inspire (avec des modifications mineures) du classement régional établi par Ange1 Bassols Batalla (1975), qui retient de nombreux éléments des travaux remarquables de Claude Bataillon (1969 et 1973), lequel s’est expressément attaché aux caractéristiques régionales des zones de peuplement et des mouvements de population au Mexique.

Selon Bataillon, “la disposition des principaux blocs régionaux du Mexique correspond aux principales caracté- ristiques de sa structure géologique (1969: 9)”. Pour les besoins de notre enquête, et suivant en cela la plupart des spécialistes de l’analyse régionale du Mexique, il importe de distinguer huit grandes régions: le Nord désertique, divisé en trois régions différentes par les deux grandes chaînes de montagnes de la Sierra Madre orientale (1, Nord-ouest ; II, Nord proprement dit ; III, Nordest, voir les cartes B-1 et B-2); le Centre, le long de l’axe néo- volcanique subdivisé en une partie occidentale vers le Pacifique (V, Ouest), une partie centrale (VI, Centre), et une partie orientale le long du Golfe du Mexique (VII, Golfe) ; la région méridionale vers le Pacifique (IX, Sud) ; la péninsule du Yucatan (X). A ces huit grandes divisions, dans le souci de faciliter notre exposé et notre analyse, nous en avons ajouté deux secondaires : l’une qui distingue la portion méridionale de la région II (Nord proprement dit), que nous avons appelée Centre-nord (IV), l’autre qui sépare ce que nous appelons la Région de Mexico (VII) du reste de la région du Centre.

Nous présenterons dans les pages qui suivent un aperçu géographique et économique de ces régions.

LES REGIONS DU NORD

Le Nord-ouest Bien que son sol soit surtout désertique ou semi-désertique, cette région est traversée par plusieurs rivières qui constituent la base principale de son développement régional. Coulant de la montagne vers la mer, ces rivières irriguent abondam- ment les plaines du nord du Baja California, le sud du Sonora, l’Etat de Sinaloa et le nord du Nayarit (voir la carte B-3).

Ce qui, en dehors des facteurs géographiques, unit ces états et en fait une région, c’est d’abord leur économie, fondée sur l’agriculture irriguée ; c’est une région qui produit beaucoup de coton, blé, tomates, tabac et canne à sucre pour des marchés nationaux et internationaux très vastes mais fluctuants, en utilisant de grosses quantités de ma- tières industrielles et des méthodes capitalistes modernes. L‘économie de la région est complétée par une importante industrie de la pêche, nationale et étrangère, par le com- merce frontalier et le tourisme, en particulier dans les villes en rapide expansion de Tijuana et de Mexicali (voir la carte B4), par l’élevage du bétail dans le nord du Sonora et du Sinaloa, et par les mines de cuivre toujours importantes de Cananea.

Il existe un système assez rationnel de transport des produits régionaux à travers l’Ouest vers le Centre et vers les Etats-Unis.

Le Nord Cette vaste région, essentiellement montagneuse, aride et désertique, doit son unité économique aux caractéristiques suivantes : a) l’exploitation du charbon et d’autres minerais destinés aux grandes industries métallurgiques ; b) une agriculture capitaliste moderne dans les districts isolés qui sont irrigués (en particulier la région de Laguna, voir la carte B-3) ; c) l’exploitation des mines de plomb, de zinc, de cuivre, d’argent et d‘or. L‘élevage intensif de bétail pour l’exportation constitue le complément de l’économie de la région. Le Nord est bien desservi par un important réseau de

communications et de transport, en particulier en direction de la frontière septentrionale et du centre du pays. Par les activités minières et l’élevage, le centre et le nord

du Zacatecas ainsi que le nord du San Luis Potosi se rat- tachent au Nord proprement dit, mais cette unité écono- mique est rompue dans la partie méridionale de ces Etats, formés de zones qui ont des liens plus étroits avec le Centre qu’avec le Nord, pratiquent la culture non irrigué (agri- cultura de temporal) et sont plus peuplées que le Nord. C’est pourquoi nous avons considéré ces deux états comme une région à part.

Le Nord-est Dans le Nord, à l’est de la Sierra Madre orientale (voir la carte B-2), le climat est plus humide que dans l’intérieur. Plusieurs fleuves puissants coulent vers le Golfe, et les sols désertiques font lentement place à des sols non désertiques. Une végétation mixte, qui domine sous les climats tempérés, couvre une grande partie du Nuevo Le6n et du Tamaulipas.

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Les principales activités économiques de cette région sont la transformation de produits métallurgiques dans la ville industrielle de Monterrey, l’agriculture irriguée pour la production commerciale à grande échelle de coton, canne à sucre, orange, sorgho et sisal, ainsi que l’élevage extensif de bétail pour l’exportation.

Les principales différences économiques entre cette région et le Nord proprement dit sont: une importante industrie de la pêche, l’absence de minerais et l’exploitation de pétrole et de gaz au lieu de charbon.

Routes et voies ferrées permettent des échanges com- merciaux actifs avec les Etats-Unis, notamment par les villes frontalières de Nuevo Laredo, Reynosa et Matamarros (voir la carte B-4).

LES REGIONS DU CENTRE

L‘Ouest Entièrement montagneuse, cette région est le cœur géo- graphique du pays. Par beaucoup de ces caractéristiques, elle marque une transition entre le Nord aride, le Sud tropical, le Pacifique et les hautes vallées du Centre.

Avec ses villes coloniales, comme Guadalajara et Morelia, et les anciennes splendeurs de l’époque coloniale et minière, la région se caractérise depuis le XVIe siècle par une forte densité de population, tant dans les campagnes que dans les zones urbaines. Cette densité démographique stimule aujourd’hui les activités commerciales et, de plus en plus, manufacturières dans des villes comme Leon, Salamanca, Irapuato, Celaya, Morelia, Aguascalientes, par exemple (voir les cartes B-4 et B-5).

Les croisements de races qui se sont produits très tôt dans cette région s’expliquent par sa situation stratégique de lieu de passage entre les diverses régions avoisinantes.

Les liens économiques entre les centres urbains de la région forment un ensemble relativement intégré. L‘éco- nomie repose sur une agriculture “climatique” : maïs, légumes, blé, pois chiche, alternant avec de petites zones de cultures irriguées le long du cours de la Lerma dans la région de Bajio (voir la carte B-3) et d’autres parties du Jalisco, où l’on cultive la canne à sucre, l’arachide, l’orange et la pomme de terre.

Les zones côtières du Jalisco et du Michoacin ne sont pas encore vraiment intégrées à la région sur le plan économique.

Le Centre C o m m e l’Ouest, le Centre est une zone de transition entre les terres semi-désertiques du Nord et les régions tropicales humides du Sud, englobant des régions au climat sec et semi-désertique (Hidalgo) et d’autres au climat semi-tropical (Morelos).

Une de ses caractéristiques principales est la présence de divers plateaux séparés par d’importantes chaînes de montagnes: les vallées de Mexico, Puebla et Morelos, encadrées par la Sierra Madre orientale et l’axe néo-vol- canique, sont les plus remarquables.

Ce qui fait l’unité de cette région, ce sont les modes d’habitat, dominés par l’influence de Mexico, plus que le climat et le milieu naturel, fort hétérogènes. Les éléments géoéconomiques fondamentaux qui en assurent l’intégration sont : a) une forte densité de population rurale sur la plus grande partie de son territoire, qui atteint des records nationaux dans les Etats de Tlaxcala, Querétaro et Puebla

et dans certaines zones de 1’Etat de Mexico.(plus de 80 habitants au kilomètre carré en moyenne, et plus de 150 dans les vallées les plus peuplées, (voir la carte B-5), b) l’influence directe de la Ville de Mexico qui, à cinq heures de voyage au maximum du pont le plus reculé de la région, domine la circulation des marchandises, et des personnes, dans l’ensemble de la région. Maïs, légumes, lait, œufs, volailles et viande, tous ces produits affluent vers le plus important marché du pays, cependant qu’une multitude d’articles manufacturés quittent les ateliers et les usines de la capitale pour envahir les villes et les zones rurales des Etats voisins (voir l’étude de Bataillon, 1972, sur les relations vdles-campagne dans le Centre du Mexique). Un système urbain complexe se développe rapidement

entre les grandes villes de la région: Puebla, Toluca, Pachuca, Cuernavaca, Cuautla, et Querétaro.

Pour les besoins de notre étude des migrations inter- régionales, nous avons distingué du Centre ce que nous appelons l’agglomération ou région de Mexico, constituée par le District fédéral et les Etats de Mexico et de Morelos, essentiellement parce que la population de ces trois terri- toires a constamment augmenté au cours des dernières décennies, alors qu’au contraire les autres Etats de la région ne cessent de se dépeupler depuis de nombreuses décennies.

Le Golfe Cette région se différencie nettement du reste du pays du point de vue géographique. Elle recouvre les plaines côtières qui s’étendent entre les versants extérieurs de la Sierra Madre orientale, la Sierra de Oaxaca et la mer ; elle a un climat tropical, humide et pluvieux (voir les cartes B-2 et B-3).

Ses principales caractéristiques économiques sont les suivantes : a) une agriculture tropicale non irriguée, avec plantations de canne à sucre, tabac, café, ananas, banane, cacao, noix de coco et citron, dont l’exploitation est tantôt intensive et commerciale, tantôt traditionnelle ; b) d’abondants pâturages, où l’on pratique un élevage de bovins de plus en plus productif; c) l’exploitation intensive de pétrole et de gaz (la région fournissant 90 pour cent de la production nationale), qui a entraîné la cons- truction de divers complexes de raffinage, tels ceux de Poza Rica-Tuxpan, dans le nord de i’Etat de Veracruz, de Minatitlin-Coatzacoalcos, dans le Sud du même Etat, et de Ciudad Pemex, dans le Tabasco; d) d’abondantes ressources en eau qui offrent de grandes possibilités en tant que sources d’énergie ou pour d‘autres usages et qui ont attiré une population relativement nombreuse dans les parties centrales et méridionales de l’Etat de Veracruz (voir la carte B-5) ; e) d’importanies ressources pour l’industrie du bois et la pêche, qui ne sont pas encore entièrement exploitées.

LE SUD ET LA PENiNSULE DU YUCATAN

Le Sud La région méridionale du Pacifique comprend les rudes terres montagneuses de la Sierra Madre del Sur, la Mixteca et la Sierra de Chiapas, les étroites plaines côtières qui s’étendent du sud de Puerto Vallarta dans le Jalisco jusqu’à la rivière Suchiate en bordure du Guatemala, et les paysages relativement “fermés” de dépressions intérieures dans le Tierra Caliente et dans les vallées de Guerrero, de la Mixteca et du centre de 1’Etat d’Oaxaca.

69

70

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71

Le climat est surtout tropical, avec d’assez longues saisons sèches en hiver et au printemps, et devient tempéré et relativement sec le long des crêtes montagneuses.

Dans toute cette région, on peut observer l’influence de la géographie sur l’histoire et le développement régional : l’absence de zones minières exploitées et les formidables obstacles aux communications et aux transports ont tou- jours contrarié les contacts humains et le développement économique, situation que l’on peut encore observer aujourd’hui.

Les densités de population sont relativement faibles, sauf dans les vallées centrales de Oaxaca et dans la Sierra de Chiapas. Il n’y a pas de grands centres industriels ou commerciaux dans cette région. Seule la station touris- tique internationale d’Acapulco attire une population croissante, cependant que la ville de Oaxaca, jadis centre commercial important, végète.

Le Sud se caractérise par une agriculture “climatique” primitive, sauf dans les régions côtières de Guerrero et d’Oaxaca, et dans les Soconusco dans 1’Etat du Chiapas, où des plantations commerciales de café ou de bananes introduisent différentes formes de production, et dans la Tierra Caliente de Guerrero et d’Oaxaca, où il y a une production relativement importante de sésame, de coton et de canne à sucre. L‘exploitation des ressources halieu- tiques et minérales en est à ses débuts, exception faite du complexe sidérurgique qui est en cours d’installation à Lazaro Cardenas-Las Truchas dans le Michoacan.

Les relations internes entre les diverses sous-régions du Sud sont peu développées, encore que la situation puisse évoluer dans un avenir proche en raison de progrès récents, notamment le long de la côte du Pacifique et dans l’isthme de Tehuantepec.

La Péninsule du Yucath Dépourvue de montagnes et encerclée par la mer, cette région a une grande uniformité géographique, encore que son climat, pluvieux et tropical dans les grandes forêts du Campeche et de Quintana Roo, devienne tropical, sec et sub-désertique vers le nord-ouest et le nord. Il n’y a pas de rivière importante dans cette région.

L’essor de la Péninsule au cours des âges tient aux plan- tations commerciales où se pratique la culture intensive du sisal, transformé dans le Mérida et exporté surtout par le port de Progreso qui, combinées à l’exploitation de la gomme et d’essences précieuses dans les forêts du Chiapas et du Quintana Roo, également surtout pour l’exportation, ont rendu l’économie de la péninsule fortement tributaire de marchés instables.

Cette région est restée totalement isolée (par la voie terrestre) du reste du pays jusque dans les années 50, où le chemin de fer du Sud-est a été achevé. Les communi- cations internes sont également précaires, et il n’y a pas de villes importantes dans la région. Les rares industries manufacturières qu’on y trouve sont concentrées à Mérida- Progreso, mais une grande station touristique vient d’être créée à Cancun, dans le Quintana Roo.

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Annexe C

Méthode de calcul du poids relatif des diverses composantes de l’expansion démographique de la ville de Mexico

L‘estimation du poids respectif de l’immigration et de l’accroissement naturel de la population dans le processus global d’expansion démographique d’un centre urbain ne soulève pas de problèmes techniques majeurs. La méthode habituelle consiste à appliquer le taux d’accroissement naturel tiré des statistiques de l’état-civil à la population considérée au temps “O”, et à comparer la population ainsi dérivée pour le temps “1” avec le chiffre effectif tiré du recensement, la différence obtenue donnant une esti- mation de la croissance due à l’immigration nette.

En essayant de mesurer le poids relatif de l’élément “incorporation” dans la croissance démographique d’une agglomération en rapide expansion comme celle de Mexico dans les dernières décennies, un problème se pose, néanmoins, du fait que, le plus souvent, le processus d’in- tégration à une grande agglomération qui touche une certaine zone commence avant que cette dernière ne soit officiellement considérée comme faisant partie de ladite agglomération. En conséquence, si l’incidence de 1’ “incorporation” est mesurée au moment où celui-ci est officiellement reconnue, son poids apparent pourrait sembler plus important qu’il ne l’est en réalité, puisque la croissance récente des localités incorporées résulte en général essentiellement de mouvements de population dirigés du centre de la ville vers ses faubourgs et de l’ins- tallation de nouveaux immigrants sur le territoire de l’agglomération, qui ont eu lieu avant que ces localités ne soient considérées comme partie intégrante de ladite agglomération.

Un exemple extrême dans le cas de la région de Mexico serait celui de la Ciudad Netzahualcoyotl, officiellement intégrée à l’agglomération de la capitale en 1970 et qui avait vu sa population décupler au cours de la décennie précédente (pour passer de soixante-cinq mille a six cent cinquante mille habitants). Si la population de cette com- mune en 1970 (date de son incorporation officielle) était considérée comme un élément de la croissance due à l’ex- pansion physique de la population au cours de la décennie 1960-1970, son influence dans l’expansion démographique de la région de Mexico serait fortement surestimée.

Pour calculer le poids de ce facteur, nous avons pris la population des zones incorporées d k ans avant leur incor- poration officielle, estimé leur accroissement démographique naturel au cours de la décennie suivante et considéré la somme des deux chiffres comme la population incorporée au temps “1”. Nous avons ensuite ajouté le reste de la population de ces zones incorporées au temps “1” à la population de la région de la capitale (sauf les zones incor- porées) et suivi pour finir la procédure habituelle d’esti- mation du poids respectif de l’accroissement naturel et de l’accroissement social.

On trouvera ci-dessous les données de base utilisées pour calculer le poids relatif des trois composantes. On peut suivre la méthode utilisée à l’aide des formules suivantes :

Formules utilisées pour le caicui du poids relatif des trois composantes

Augmentation due à l’accroissement naturel (ANG) = Pmao (r)10

Augmentation due à l’expansion physique (APh E) = Piao (1 t r)10

Augmentation due aux migrations (AM) = Pmal - [Pmao t (ANG tAPh E)j

Augmentation totale (AT) =ANG tAPh E +AM

où: Pma

r Piao

Pma

= population de la région de la capitale au temps “O”

= taux annuel d’accroissement naturel = population des zones incorporées

au temps “O” = population de la région de la capitale

au temps “1”

Et où “O” et “1” correspondent à la population respecti- vement au début et à la fin de la période considérée.

C’est ensuite par la méthode normale que sont calculés les poids relatifs des divers facteurs, l’accroissement de la population dû à chacun d’eux étant divisé par l’accrois- sement total et multiplié par 100 pour obtenir le pour- centage d’acroissement dû à chacun d’eux.

Tableau C-1

Données destinées au calcul du poids relatif des composantes de la croissance démographique

de la ville de Mexico, 1940-1970 (en milliers d’habitants)

1940 1950 1960 1970 ---- 1. Population de la

2. Population des zones

3. Taux annuel d’accrois-

région de Mexico 1 644 2 953 5 125 8 815

incorporées 40 148 167

sement naturel (r) 1,7 3,O 3,O Source: 1. et 2. calculés à partir de Unikel, 1971, tableau 3;

3. chiffres extraites de Unikel, 1976, tableau IA3.

73

Annexe D

Classification des professions

Pour analyser la répartition professionnelle, nous avons tenu compte à la fois du niveau et de la situation profes- sionnels des nouveaux arrivants sur le marché du travail de Mexico. Les deux séries de données ont été tirées d’une classification détaillée des professions utilisée pour coder l’occupation de chacune des personnes interrogées. Cette classification dérive de celle du “Proyecto del catilogo Mexicano de ocupaciones para la clasificacih de la po- blacion economicamente activa del IX Censo General de Poblacion de 1970” et de la “Classification internatio- nale type des professions” établie par le BIT, et dont les catégories professionnelles à trois chiffres ont été divisées en quatre-vingt quatre groupes professionnels. Cette reclassification en quatre-vingt quatre groupes selon différents critères a permis de définir sept strates profes- sionnelles qui ont servi à attribuer des niveaux à chaque profession.

NIVEAU PROFESSIONNEL

Nous avons construit les sept strates professionnelles à l’aide de données concernant le titre, les tâches exécutées, le type d’activité, l’effectif employé dans l’entreprise, la position dans l’entreprise (travailleurs indépendants, employés et employeurs), ainsi que le nombre de personnes travaillant directement sous les ordres de la personne interrogée. La distinction entre travailleurs qualifiés, spécialisés et non qualifiés a été établie en fonction de la complexité du travail, des responsabilités concernant l’utilisation des machines ou des fonctions d’autorité et de la formation de type classique. On trouvera ci-dessous une liste de professions indiquant le contenu de chaque strate.

STRATES PROFESSIONNELLES

Strate 1 (niveau 1) Soldats, garçons de bureau, portiers, vendeurs-auxiliaires, marchands ambulants, ouvriers agricoles, travailleurs des services sans qualification, manutentionnaires, ouvriers sans qualification, manœuvres du bâtiment et gardiens.

Strate 2 (niveau 2) Ejidatarios et propriétaires de très petites exploitations agricoles (de moins de cinq hectares et occupant moins de trois ouvriers), fermiers, ouvriers spécialisés des industries manufacturières et employés semi-qualifiés des services, dockers et manutentionnaires utilisant des machines et conducteurs auxiliaires.

Strate 3 (niveau 3) Propriétaires de très petites entreprises manufacturières (employant moins de trois ouvriers) ; propriétaires d’en- treprises commerciales ou de services sans personnel ; conducteurs de taxi, de camion et d’autobus ; travadleurs qualifiés du bâtiment, de l’industrie et des services, artisans, et propriétaires de petites exploitations agricoles (de cinq à vingt-cinq hectares et employant de trois à neuf ouvriers).

Strate 4 (niveau 4) Contremaîtres, techniciens et cadres subalternes (plus de six ans de scolarité), vendeurs, propriétaires de petites entreprises manufacturières (employant de trois à quatorze ouvriers), propriétaires de petites entreprises commerciales (employant de un à trois ouvriers) ; propriétaires de petites entreprises de services (employant de une à cinq personnes), caissiers, secrétaires, sténographes, dactylographes et autres employés de bureau.

Strate 5 (niveau 5) Techniciens et cadres de niveau moyen (plus de neuf ans de scolarité), propriétaires d’exploitations agricoles d’importance moyenne (de vingt-cinq à quatre-vingt dix-neuf hectares et de dix à trente ouvriers); moyennes entreprises de services (de six à quatorze ouvriers) ; moyennes entreprises commerciales (de quatre à dix ouvriers) ; sous- chefs de service, représentants, commis vendeurs (commerce de gros) et officiers subalternes.

Strate 6 (niveau 6) Cadres supérieurs (employés), techniciens supérieurs et cadres moyens (plus de douze ans de scolarité), cadres supérieurs, employés dans les forces armées, propriétaires de moyennes entreprises manufacturières (de quinze à quatre-vingt dix-neuf ouvriers), cadres dirigeants de niveau moyen.

Strate 7 (niveau 7) Membres des professions libérales (indépendants), directeurs généraux, propriétaires de grandes entreprises manufactu- rières (employant au moins cent personnes), propriétaires de grandes entreprises de services (quinze employés au moins), propriétaires de grandes entreprises commerciales (au moins onze employés), officiers généraux, propriétaires de grandes exploitations agricoles (d’au moins deux cents hectares et plus de trente ouvriers).

SITUATION PROFESSIONNELLE

La situation professionnelle a été établie essentiellement d’après le titre professionnel, les tâches effectuées et

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la branche d’activité dans laquelle l’intéressé exerçait sa profession. Dans la présente étude, nous avons groupé les situations professionnelles différemment selon le type d‘analyse à effectuer. Les grands groupes professionnels utilisés pour les diverses classifications (les définitions présentées ont été adaptées de Jelin, 1968 : 262-269) ont été définis comme suit :

Cadres supérieurs et techniciens Gzdres supérieurs et professions libérales : tous les spécia- listes exerçant des activités de niveau supérieur, qui sont titulaires d’un grade universitaire et n’exercent pas essen- tiellement des fonctions de direction. Techniciens: tous ceux qui ont reçu une formation tech- nique et exercent des activités de niveau moyen ou des activités de niveau supérieur sans être titulaires d’un grade universitaire. Directeurs: tous les hommes gérant ou dirigeant une entreprise en totalité ou en partie.

Employés de bureau, représentants et vendeurs, agents de maîtrise et inspecteurs Employés de bureau : tous ceux qui s’occupent de commu- nications écrites ou de dossiers, manipulent des fonds et exécutent des tâches administratives. Agents commerciaux et commis vendeurs: tous ceux dont la vente est l’activité principale. Sont exclus le personnel d’entretien, les livreurs, etc. Agents de maîtrise et inspecteurs: tous ceux dont l’ac- tivité principale consiste à surveiller les activités d’autres travailleurs.

Pour certaines analyses, les cadres supérieurs et membres des professions libérales, les techniciens, les directeurs et les employés de bureau, les agents commerciaux et commis vendeurs, ainsi que les agents de maîtrise et inspecteurs ont été regroupés sous la rubrique “Cols blancs”.

Employés et ouvriers qualifiés et spécialisés Cette catégorie comprend tous ceux qui occupent un poste d’ouvrier qualifié ou spécialisé dans tous les types d‘entreprise. Les postes de ces catégories sont ceux qui exigent une certaine connaissance du fonctionnement et de la réparation des machines, ou l’exécution d’opérations complexes, ou qui impliquent un type quelconque de formation institutionnalisée.

Employés et ouvriers non qualifiés Cette appelation désigne tous les ouvriers occupés à des tâches de production qui ne se servent pas de machines : les aides et apprentis, les manœuvres du bâtiment, les employés sans qualification des branches de services, les cireurs de chaussures, livreurs, employés de maison, empaqueteurs et emballeurs, portiers, dockers et manutentionnaires, garçons de courses et vendeurs ambulants. Cette catégorie comprend en outre les personnes travaillant dans des fermes soit comme aides familiales soit comme employés et les ejida- turios (à l’exclusion des gérants et propriétaires d’exploi- tations agricoles).

Les travadleurs de cette catégorie ont été classés en fonction de la branche d’activité où ils exerçaient leur profession. Les branches ont été codées selon le système de classement à trois chiffres du BIT. Nous les avons regroupées dans les cinq catégories suivantes :

Industries légères (ou industries des biens de consom- mation) : toutes industries produisant aliments, boissons, tabac, textiles, vêtements, chaussures, articles en cuir, produits du bois et mobilier.

industries lourdes du secteur manufacturier (ou industries des biens d’équipement) : toutes industries produisant produits chimiques, produits minéraux non métalliques, produits de papier, produits métalliques, machines et matériels.

Branches de services : transports, communications, com- merce de gros, commerce de détail, banque, assurances, immobilier, ingénierie, comptabilité, services aux entre- prises, services juridiques, services médicaux et sanitaires, hôpitaux, éducation, protection sociale, institutions reli- gieuses, organisations à but non lucratif et administrations publiques.

Branches de services individuels : services domestiques, hôtellerie, restauration, réparation, blanchissage, coiffure et soins esthétiques, spectacles.

Autres tranches d‘activité : agriculture et industries extractives.

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Annexe E

Usure des cohortes : Notes méthodologique

Dans le cadre de la présente étude, nous avons à diverses reprises été amenés pour les besoins de l’analyse à recons- tituer à partir d’un échantiUon pris à un certain moment dans le temps des agglomérations antérieures. Pour résoudre ce problème, nous avons recours à l’analyse de cohortes, ce qui en soulève un autre, généralement désigné par les démographes comme “l’usure des cohortes”.

Rappelons que nous avons défini des “cohortes d’arrivée” pour analyser l’ampleur relative des flux migratoires à destination de Mexico selon les régions d’origine et les périodes. Nous avons par la suite défini des “cohortes d’entrée sur le marché du travail”, ou “cohortes d’entrants’’, afin d’étudier l’évolution de la répartition professionnelle dans la capitale. Comment l’usure des cohortes peut-elle infléchir les comparaisons entre cohortes ? Celles-ci sont- elles faussées par le fait qu’il ne s’agit pas des cohortes “réelles” mais des cohortes de survivants ? L‘usure affecte- t-elle différemment chaque cohorte ? Pour résoudre le problème de l’usure des cohortes, nous avons élaboré plusieurs hypothèses pour chacune de nos analyses, comme on le verra ci-dessous.

1. L‘usure des cohortes dans l’analyse de l’origine régionale des migrants

Pour reconstituer les flux migratoires selon l’origine régionale à partir des données fournies par notre enquête de 1970, nous avons implicitement admis deux grandes hypothèses : u) que les probabilités de survie des migrants quelle que soit leur région d’origine, et b) que leurs probabilités de migration “de retour” (ou d’émigration de Mexico) sont les mêmes, quelle que soit leur région natale. Or, on le sait, les probabilités de survie sont assez sensi-

blement différentes selon les régions du pays. Toutefois, deux facteurs au moins atténuent probablement les effets de ces différences dans la perspective de notre étude. Premièrement, selon les renseignements limités que nous avons pu recueillir, les régions qui s’écartaient le plus des probabilités moyennes de survie pour l’ensemble du pays en 1960 étaient celles du Nord (dans un sens positif, c’est-à-dire que les probabilités étaient supérieures) et du Sud (dans un sens négatif). Celles du Centre-nord, du Golfe, du Centre et de l’Ouest ont apparemment des probabilités de survie très semblables (voir Tabash et Cosio, 1970 : 64, chez qui elles sont identiques pour les migrants de ces quatre régions). Près de 70 pour cent des migrants de notre échantillon étant nés dans ces dernières régions (voir plus haut le tableau 1-S), les probabilités de survie ne seraient sans doute différentes que pour une mùiorité de migrants installés à Mexico. Encore ne s’agit-il là que d’une

éventualité, puisque, d’autre part, il est à tout le moins plausible que les probabilités de survie jouent beaucoup moins pour les migrants (et en particulier ceux qui vont s’installer en milieu urbain) que pour les non migrants, ne serait-ce que pour deux raisons : a) parce que les différences de taux tiennent aux jeunes enfants et aux personnes agées beaucoup plus qu’aux autres groupes d’âge et que les migrants appartiennent en majorité au groupe d’âge 15-35 ans (voir El Colegio de México, 1970 : 104-105) ; b) parce que les conditions sanitaires et les équipements médicaux plus satisfaisants des zones urbaines tendent à égaliser les probabilités de survie des migrants venus des diverses régions.

Pour ce qui est de la seconde hypothèse, celle des proba- bilités égaies de migration “de retour”, nous ne disposons d’aucune information de nature à la confirmer ou à l’infirmer. Pour les besoins de l’analyse, nous avons supposé que les migrations “de retour” n’ont pas d’incidence sur les compa- raisons entre cohortes. Nous reviendrons plus longuement sur ce point dans la section suivante.

2. L‘usure des cohortes dans l’analyse de la répartition professionnelle de la population active

Comme il s’agit de cohortes d’entrants, le problème est de savoir comment les différences de taux de mortalité et d’émigration infléchissent les Caractéristiques des cohortes postérieurement à leur entrée en activité et dans quel sens joue, le cas échéant, la distorsion. Plus précisément, quel est l’effet de l’usure sur la composition des quatre cohortes, du point de vue de l’âge, des migrations et des caractéristiques socio-économiques, et quelle en sera l’incidence sur la présente analyse ?

Pour évaluer l’usure due à la mortalité, nous avons appliqué la méthode de la survie inversée (Sh-ryock et Siegel, 1973) pour reconstituer la structure par âge des cohortes d’entrants. Considérant que celles-ci sont constituées par les survivants de différentes générations qui n’avaient pas le même âge à l’entrée, nous avons procédé comme suit:

a) Le nombre de survivants jusqu’en 1970, date où avaient été rassemblées les données de l’enquête, a été calculé pour les individus de différents âges entrant à différents moments dans le temps. Par exemple, à supposer que cent d e individus âgés de dix à quatroze ans soient entrés dans la population active entre 1930 et 1934, nous avons calculé combien d’entre eux avaient survécu jusqu’en 1970 en utilisant les valeurs de “p” tirées des tables nationales mexicaines de survie de la population masculine pour 1930, 1940, 1950 et 1960 (Arriaga, 1968). C’est la méthode qui a été retenue pour les individus entrés dans la population

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Tableau E-1

Probabilités de survie selon la période d‘entrée et l‘âge à l‘entrée sur le marché du travail de Mexico 1930-1970

Effectifs masculins

Age d’entrée

5- 9 10-14 15-19 20-24 25-29 30-34

1930-1934 1935-1939

0,71812 0,781 04 0,68602 0,761 58 0,62637 0,70936 0,55809 0,651 70 0,483 1 4 0,589 1 1 0,401 26 0,51729

1 940- 1944

0,83827 0,82820 0,78749 0,73805 0,68793 O ,6307 5

Période d’entrée

1945- 1949 1950-1 954

0,88009 0,9261 3 0,87759 0,921 39 0,84901 0,89964 0,81207 0,87551 0,77181 0,84921 0,72943 0,81837

1955-1959 1960-1964

0,95106 0,97714 0,95283 0,97847 0,93683 0,96880 0,9191 6 0,957 16 0,9021 9 0,947 1 7 0,881 51 0,93650

1 965- 1 969

0,9861 2 0,99089 0,98747 0,981 O9 0,97561 0,97085

Source: Calculs effectués à partir des tables de survie pour le Mexique (Arriaga, 168 b)

Tableau E-2

Mexico: Répartition en pourcentage des cohortes d‘entrée sur le marché du travail selon l’âge à l’entrée 1930- 1969

Effectifs masculins

Cohortes d’entrants Age à l‘entrée 1930-1 939 1940-1 949 1950-1 959 1960- 1 969

(1) (2) (1) (2) (1) (2) (1) (2)

5- 14 49.4 45.5 38.5 36,7 37.5 36,6 25.3 25,2 15- 19 29.6 30,l 33.3 32,9 37,s 37,4 46.7 46.7 20 - 24 14,5 16.5 16.5 17,3 18.2 18,6 17,O 17,O 24 - 34 6.5 7.9 11.7 13,2 6.9 7,4 11.1 11.1 TOTAL 100,o 100,o 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100 O

(324) (479) (620) (758) (71 1) (773) (967) (989) - - I -

Indice de dissemblance 3.9 2,3 1 .O 0.1

(1) Avant correction de l‘effet de la mortalité (2) Après correction de l’effet de la mortalité

Source: Echantillon représentatif de la Phase B.

active par périodes de cinq ans de 1930 à 1969, et pour des groupes d’âge de cinq ans, de cinq à trente-quatre ans.

b) Une fois obtenu le nombre de survivants jusqu’en 1970 pour chaque groupe d‘âge entrant pour chaque période, nous avons calculé la probabilité de survie en divisant le nombre de survivants en 1970 par l’effectif à l’entrée, exprimés en centaines de milliers. Les probabilités figurent au tableau E-1 .

, 4 Ensuite, les données de l’échantillon ont été réparties par groupes d’âge de cinq ans et périodes d’entrée de cinq ans. Le nombre d’individus de chaque cellule a été divisé par la probabilité de survie de la cellule pour obtenir le nombre “réel” d‘individus arrivés sur le marché du travail de Mexico à différente époque et à des âges différents.

Faute de tables de survie pour la ville de Mexico, nous avons utilisé celles qui existent pour l’ensemble du Mexique.

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Ce faisant, nous avons sans aucun doute sous-estimé le nombre de survivants parmi les entrants à Mexico, car au Mexique, les taux de mortalité sont depuis quelque temps plus élevés dans les campagnes que dans les villes (Arriaga, 1967). Les tables de survie permettent de calculer la proba- bilité de survie d’un individu atteignant l’âge exact x à l’âge exact x +n. Nous avons donc supposé que dans chaque groupe d‘âge de cinq ans, tous les indivib étaient entrés à l’âge initial. Etant donné que les tables de survie ne sont établies que par décennie, nous avons utilisé pour chaque cohorte la table du début de période, ce qui entraîne une surestimation de l’incidence de la mortalité. NOUS avons choisi de procéder de la sorte parce que, pour montrer que l’effet d’usure dû à la mortalité ne modifie pas les tendances escomptées, il vaut mieux surestimer que sous- estimer l’effet de la mortalité.

Le tableau E-2 fait apparaître la structure par âge des quatre cohortes avant et après correction pour tenir compte

de la mortalité. Si l’on compare la structure par âge des dif- férentes cohortes, on constate que la mortalité n’a pas eu la même incidence sur les quatre. Celles de 1930-1939 et 1940-1949 ont été plus affectées que les deux dernières. L‘indice de dissemblance calculé pour la structure par âge avant et après correction de l’effet de la mortalité est de 3,9 pour la première cohorte, de 2,3 pour la deuxième, et de 1 et 0,l respectivement pour les troisième et quatrième cohortes. Néanmoins, compte tenu de la mortalité, les données mettent en évidence d’importantes variations selon les cohortes de la structure par âge à l’entrée, qui peuvent s’expliquer par d’autres facteurs que les différences de mortalité. Ainsi, du fait du développement économique, les hommes entrent plus tard dans la vie active depuis que la loi a fixé un âge minimum d’admission à l’emploi et que les possibilités d’instruction se sont accrues (Jelin, 1968).

En ce qui concerne l’incidence de la mortalité sur la structure migratoire des cohortes, l’existence éventuelle de différences de mortalité entre migrants urbains et ruraux et autochtones aurait pu aboutir à une sous-réprésentation des groupes les plus touchés par la mortalité, surtout dans la première cohorte. Néanmoins, du fait que l’incidence de la mortalité n’est considérée qu’après l’entrée dans la vie active à Mexico, il n’y a pas de raison de s’attendre à de fortes différences de mortalité entre les trois groupes, puisqu’ils ont été exposés au même environnement après l’entrée. Il pouvait y avoir certains écarts en raison de la condition socio-économique inférieure des migrants d’origine rurale. Ce point sera étudié plus loin. De même, on peut s’attendre à des différences de morta-

lité au sein d‘une même cohorte entre les migrants d’origine urbaine et rurale et les autochtones par suite des rapports entre la situation au regard des migrations et l’âge à l’entrée. Les cohortes sont composées d’individus faisant leur entrée à des âges différents. Les entrants les plus âgés sont le plus souvent des migrants, et les effets de la mortalité sont un peu plus marqués dans leurs rangs. Le tableau E-3 révèle cependant que, après correction de l’incidence de la mortalité, la structure migratoire des quatre cohortes ne change guère, comme en témoigne l’indice de dissemblance.

Cela signifie que les tendances structurelles ont contribué à réduire l’incidence de l’usure par mortalité à la fois sur la composition par âge et sur la structure migratoire de la première cohorte, parce que la proportion d’entrants assez âgés et la proportion d’immigrés à Mexico ont été plus faibles pendant les années 30 que par la suite.

L‘incidence variable de la mortalité selon la condition socio-économique est un autre point important. Il n’existe malheureusement pas de données concernant les différences de mortalité selon les groupes socio-économiques, et rien ne permet de savoir si elles ont évolué avec le temps. Vu celles qui existent entre les cohortes, la première cohorte a subi une réduction de sa population plus forte que les autres, ainsi qu’il ressort du tableau E-2. En outre, puisque la mortalité varie probablement selon le niveau socio-écono- mique, la question est de savoir si les survivants constituent un échantillon sélectif des cohortes ‘‘réelles” d’entrée sur le marché du travail dans le temps et si l’effet sélectif de la mortalité a été plus important pour la première cohorte que pour les autres.

En l’absence de données directement applicables à cette question, il ne faut pas oublier dans l’analyse qu’il convient d’accuedllr avec prudence les résultats indiquant une situation plus favorable pour la première cohorte, car les différences peuvent s’expliquer en partie par les caracté- ristiques sélectives des survivants de la première cohorte. Par bonheur, il suffit de se reporter aux caractéristiques d’origine socio-économique (tableau 11-2) pour constater que les rapports sont exactement inverses de ceux que l’on aurait attendus, uniquement à cause d’un effet sélectif de la mortalité sur les données. Les groupes issus des catégories socio-économiques supérieures dominent moins nettement dans la première cohorte que dans les autres. La proportion d’hommes ayant des antécédents de “cols blancs” était de 30,4 pour cent dans la cohorte entrée entre 1930 et 1939, et de 35,7 pour cent dans la suivante (1940-1949). En d’autres termes, si l’on pouvait tenir pleinement compte de l’effet de la mortalité, les résultats des comparaisons inter-cohortes comme celle citée ci- dessus s’en trouveraient plutôt renforcés qu’affaiblis.

Tableau E-3

Mexico : répartition en pourcentage des cohortes d‘entrée sur le marché du travail selon la situation du point de vue migratoire

1930- 1969

Effectifs masculins

Cohortes d’entrants Situation du point de vue 1930-1 939 1940-1 949 1950-1 959 1960- 1 969 migratoire (1) /2) - (1) (2) (1) (2) (1) (2)

Autochtones 61.2 58,l 55.0 53,3 60,8 60.3 62.3 62.1 Migrants d‘origine urbaine 18.6 21.0 23,5 24.5 17,O 17.5 14,4 14.7

Migrants d’origine rurale 20.2 21 ,O 21,6 22,2 22.2 22,3 23,4 23.2

TOTAL 1 00.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100.0 100,o 100,o (324) (479) (620) (758) (71 1) (773) (967) (989)

Indice de dissemblance 39 17 0 6 0 4

(1) Avant correction de l‘effet de la mortalité. (2) Après correction de l’effet de la mortalité. Source: Voir le tableau E-2.

,

La méthode de la survie inversée a été appliquée à la composition par âge et à la structure migratoire des quatre cohortes, pour estimer l’incidence de la mortalité mais non pour pondérer l’échantillon en vue d’une analyse ultérieure. En effet, les survivants des cohortes étant des portions sélectives des cohortes “réelles”, il n’y a pas de raison de reconstituer les cohortes établies d’après eux, car cela ne ferait qu’aggraver au lieu d’atténuer la distorsion, si distorsion il y a.

Quel a été-l’effet de l’émigration nette à partir de Mexico sur les caractéristiques des cohortes ? il est infiniment plus difficile de traiter ce phénomène en raison du manque d’informations sur les caractéristiques des émigrants, en particulier si elles ont évolué avec le temps. L‘émigration estelle plus courante chez les autochtones ou chez les migrants, dans les groupes socioéconomiques intérieures ou supérieures, chez les jeunes ou chez les plus âgés? Telles sont quelques-unes des caractéristiques nécessaires pour évaluer l’incidence de l’émigration.

Examinons quelques-uns de ses effets possibles sur la composition des cohortes selon l’âge, la situation du point de vue migratoire et le niveau socioéconomique. Si l’émi- gration est plus fréquente chez les migrants que chez les autochtones pour la première cohorte, elle devrait jouer dans le sens d’un rajeunissement de la première cohorte et d’une prépondérance des autochtones dans ses effectifs, compte tenu des rapports entre la situation au point de vue migratoire et l’âge à l’entrée. Il n’y a cependant pas lieu de supposer que l’émigration a été plus forte chez les migrants de la première cohorte que des autres, ce qui fausserait la comparaison entre les cohortes.

Dans l’étude relative à Monterrey, les hommes ayant fait leur entrée sur le marché du travail de cette ville au cours dei deux années précédant la collecte des données, avaient été éliminés de l’analyse parce que les données concernant Cedral (Feindt et Browning, 1972) donnaient à penser que la plus grande partie des migrations en retour de Monterrey à Cedral s’était produite dans les deux pre- mières années suivant l’arrivée des migrants dans la ville. De même, la structure migratoire des cohortes (tableau 11-11 traduit la tendance mise en évidence dans les données du recensement, à savoir : une augmentation de l’effectif des migrants dans les années 40, et une diminution dans les années 50. Il n’y a donc pas lieu de supposer que l’émigration introduit une distorsion dans la composition “réelle” des cohortes.

Qu’en est-il de l’incidence de l’émigration sur les caracté- ristiques socio-économiques des cohortes ? Elle va sans doute dans le sens d’une plus grande sélectivité de la pre- mière cohorte si l’émigration était plus courante dans les catégories socio-économiques inférieures à l’époque qu’à présent. Cependant, on l‘a vu, les données relatives aux antécédents socioéconomiques des cohortes montrent que la première n’est pas supérieure aux autres de ce point de vue.

Depuis les années 30, Mexico est le plus important pôle d’attraction de migrants du pays. Si des gens d’origine socioéconomique très modeste y viennent chercher du travail, ils ont moins de chances de quitter la capitale après avoir obtenu un emploi relativement stable qu’avant. On peut donc dire que, selon toute vraisemblance, les catégories socio-économiques les plus modestes émigrent généralement avant d’avoir trouvé un emploi stable à Mexico. Comme cette analyse part des effectifs d’entrants, composés d’hommes qui ont trouvé un emploi et sont restés dans la capitale, il est peu probable que ceux qui

l’ont quittée sans en avoir obtenu un infléchissent beaucoup les résultats.

Bien sûr, il serait très important de disposer de données sur ces émigrants pour mieux comprendre la capacité d’absorption de main-d’œuvre du système économique et analyser l’ampleur de l’offre de main-d’œuvre à différentes époques. Les données utilisées ici ne le permettent pas. Elles suffisent cependant à mieux faire comprendre les caractéristiques des effectifs qui ont trouvé un emploi et sont restés sur le marché du travail de Mexico à différentes périodes. Pour ceux qui ont quitté la capitale après coup, il n’y a pas de raison de supposer qu’ils étaient de condition économique modeste ou élevée ni que leurs caractéristiques ont varié dans le temps, introduisant ainsi une distorsion systématique dans la comparaison des cohortes d‘entrants. Pour récapituler, les cohortes “réelles” d’entrants (ceux

qui ont obtenu un emploi stable) forment elles-mêmes un groupe sélectif parmi les actifs disponibles dans la capitale au cours des différentes périodes étudiées, et l’émigration ainsi que la mortalité ont un effet sélectif sur les cohortes de survivants. Loin de s’y opposer, ce genre de sélectivité accentue la tendance à la promotion de la main-d’œuvre entrante Pour évaluer le rôle de l’émi- gration comme facteur d’usure sélective des cohortes, il importe, vu le peu d’information disponible, d’examiner les tendances structurelles observables dans la croissance industrielle urbaine de Mexico depuis 1930. Il n’y a guère de raisons de croire que l’émigration ait été plus forte dans les années 30 et 40 que dans les années 50 et 60, ni que les effectifs des catégories socioéconomiques inférieures aient été plus nombreux dans les premières cohortes. Depuis les années 30, Mexico a attiré des travailleurs qualifiés aussi bien que non qualifiés de différentes parties du pays. Le processus d’industrialisation a absorbé plus de main- d’œuvre dans les années 40 que dans les années 50 et 60. En conséquence, l’émigration devrait être plus forte maintenant qu’auparavant dans les groupes socio-écono- miques inférieurs, et non le contraire. En vue de faciliter les comparaisons entre les cohortes,

nous avons éliminé de l’analyse les individus suivants: a) ceux qui sont entrés après 1940 âgés de plus de 35 ans (l’échantillon ne comprenant que des gens âgés de 15 à 65 ans, la cohorte entrée entre 1930 et 1939 ne comptait donc personne de plus de 35 ans) ; b) ceux qui sont entrés avant 1930 (parce qu’ils ont été plus touchés par la morta- lité) ; c) les hommes entrés au cours des deux années qui ont précédé l’enquête (parce que ce sont ceux qui ont le plus de chances d‘émigrer). La conclusion à tirer de cette analyse est que les facteurs

d’usure infléchissent effectivement les caractéristiques socio-démographiques de la main-d’œuvre entrante d’une cohorte à l’autre. Les cohortes “réelles” d’entrants rendraient sans doute mieux compte de certaines tendances structu- relles comme la création d‘emplois par branches d’activité et par professions, l’expansion démographique, ou l’ascen- sion générale de la population active. Il semble, cependant, que la distorsion introduite par la mortalité et l’émigration ne doit pas être assez forte pour éliminer l’incidence des transformations des structures économiques, sociales et démographiques sur les cohortes survivantes. Celles-ci fournissent assez de données fiables pour permettre d‘ana- lyser l’importance relative d’une série de caractéristiques des effectifs pour l’évolution de leur répartition profession- nelle dans le temps, du fait que la composition selon l’âge à l’entrée des cohortes survivantes ne présente pas de très grandes différences avec les cohortes “réelles”.

80

L’usure peut entraîner une certaine distorsion qu’il ne faut toutefois pas perdre de vue dans l’interprétation des résultats. Elle joue nécessairement dans le sens d’une prépondérance des jeunes, des autochtones et des migrants d’origine urbaine, surtout dans la première cohorte, parce

que la mortalité est plus forte dans les rangs de ceux qui sont entrés entre 1930 et 1939. Comme nousl’avonssignalé, néanmoins, certaines tendances structurelles liées à l’âge à l’entrée et aux migrations vers Mexico ont contribué à atténuer considérablement son effet.

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Annexe F

Régression multiple et variables supplétives

A plusieurs reprises nous avons eu recours dans cette étude à l’analyse multivariée en appliquant des techniques de regréssion multiple qui demandent quelque explication.

Dans la section 6 de la Première partie, nous avons retenu l’analyse de régression par pas pour mesurer le poids de certains facteurs dans l’explication de la variance des effectifs de migrants venus à Mexico de différentes régions au cours de diverses périodes. Nous avons insisté sur la comparaison des coefficients normalisés de ces régressions, généralement connus sous le nom de “coeffi- cients fi ” (beta) parce que les coefficients de corrélation couramment utilisés sont sensibles aux variations d’ordre de grandeur des valeurs prises par les variables. Cherchant à comparer les poids des différentes variables dans les variations du volume des effectifs de migrants pour chacune de nos cohortes de migrants, et considérant que les valeurs prises par nos variables varient sensiblement d’une période à l’autre (le volume de la population de chaque région, par exemple), il nous fallait utiliser un coefficient normalisé pour effectuer des comparaisons entre les cohortes. Pour plus de détails sur ce problème,(voir Goldberger, 1964 : 197)

L’analyse de régression multiple peut aussi servir à distinguer les effets directs et indirects exercés par une série de variables indépendantes sur une variable dépendante (voir Blalock, 1960, ch. 19 ; Blalock 1964 : 434). Diverses analyses figurant dans la seconde partie de ce rapport ont pour objet d‘établir une distinction entre les effets brut, net et conjugué de différentes variables indépendantes sur une variable dépendante. A titre d’exemple, nous appli- querons cette méthode pour analyser l’influence que la situation au plan migratoire et les antécédents socio-écono- miques exercent sur l’âge à l’entrée en activité. Pour mesurer l’effet brut de la situation migratoire

sur l’âge, par exemple, on peut utiliser le coefficient de détermination (R2). Il donne la fraction de la variance de l’âge à l’entrée qui est représentée par les différences de situation sur ce plan. Ce simple coefficient mesure l’effet brut, c’est-à-dire, l’effet de la situation migratoire sur l’âge avant élimination de celui des antécédents socio-écono- miques. h s i , l’effet brut recouvre les effets directs et indirects d’une caractéristique sur une autre.

L‘effet net de ces deux variables sur l’âge nous intéresse également. Celui de la situation au plan migratoire sur l’âge s’obtient par élimination de l’effet des antécédents socio- économiques sur l’âge. L‘effet net représente donc l’effet

direct d’une caractéristique sur une autre. Pour le calculer, il faut soustraire de la variance totale expliquée par toutes les variables retenues dans le modèle la variance expliquée par les variables que l’on veut contrôler. Si, par exemple, la variance totale de l’âge expliquée par la situation au plan migratoire et les origines socio-économiques est égale à 33,4 pour cent et que la variance expliquée par les origines socio-économiques est de 12,2 pour cent, il suffit de sous- traire 12,2 pour cent de 33,4 pour cent pour obtenir 26,6 pour cent, l’effet net de la situation au plan migratoire sur l’âge. Les comparaisons inter et intra-cohortes de l’effet net de ces deux variables permettent de connaître leur importance relative dans la détermination de l’âge àl’entrée. Enfin, l’effet conjugué indique la fraction de la variance d’une seule caractéristique, l’âge par exemple, expliquée par les rapports entre les deux autres, la situation au plan migratoire et les antécédents socio-économiques.

Les modèles de régression, d’autre part, sont d’ordinaire censés n’admettre que la présence de variables quantitatives mesurées sur une échelle d’intervalles. En l‘occurrence, nous avons développé le nôtre en y introduisant des variables supplétives (Blalock, 1964 : 498 ; Johnston, 1972 ; Cortés et Gaugain, 1976). Pour analyser les facteurs expliquant les differences régionales de migration vers Mexico, nous avons retenu plusieurs facteurs comme variables supplétives (voir l’Annexe H) ; nous avons fait de même pour diverses analyses de la Seconde partie de notre rapport. Dans celle de la variance de l’âge à l’entrée sur le marché du travail, par exemple, la situation au plan migratoire est une classification qui englobe les autochtones, les migrants d’origine urbaine et les migrants d’origine rural ; et l’origine socio-économique recouvre cinq catégories : “cols blancs” de niveau supérieur, “cols blancs” de niveau inférieur, travailleurs qualifiés et spécialisés, travailleurs non qualifiés et ouvriers agricoles. Pour analyser la variance du niveau d’instruction, on l’a vu, nous avons introduit la situation au plan migratoire et l’origine socio-économique dans l’équation de régression et retenu quatre tranches d’âge : les entrants âgés de 5 à 14, 15 à 19, 20 à 24 et 25 à 34 ans. Dans les deux cas, la variable dépendante a été définie par une échelle d’inter- valles: l’âge dans le premier et le niveau d’instruction, défini par le nombre d’années de scolarité, dans le second.

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Annexe G

Données des recensements de la populations active 1930, 1950, 1970

Les renseignements que les recensements de la population mexicaine pouvaient fournir pour l’étude de son évolution sectorielle exigeaient quelques options pour rendre les données comparables. Pour l’analyse du Mexique et de la vue de Mexico nous nous sommes appuyés sur trois sources : les deux recensements de la population mexicaine effectués en 1930 et en 1970 ainsi que les distributions présentées par Browning (1962) pour 1950, qu’il avait établies en adaptant le “Parte Especial del VI1 Censo General de Poblacion”, publié en 1955, qui distingue les sous-groupes d’activités économiques et leur agencement selon la méthode de classification utilisée.

L‘utilisation de ces sources soulève de nombreuses difficultés et, stricto sensu, il ne peut y avoir de groupe- ment de données qui les rende parfaitement comparables. En ce qui concerne les recensements, les trois grands obstacles sont les différences de notions de définition de la population (active) et de classification des données, mais ils sont dans une certaine mesure atténués par le fait que les trois recensements de 1930, 1950 et 1970 sont les plus comparables. Lemer et Bialostosky (1970), Morelos (1972), Garcia (1973) et Altimir (1974) ont étudié les recensements mexicains dans cette optique, et l’on trouvera dans leurs articles des analyses détaillées de la question.

Pour les besoins de notre étude, nous avons reclassé les activités économiques détaillées figurant dans les trois sources mentionnées en fonction du schéma à sept secteurs d’activité présenté au tableau 1-12 en nous aidant de la classification type à trois chiffres élaborée par le BIT. Pour les regroupements, nous avons dû opérer certains choix qui demandent quelques précisions.

Recensement de 1930 Nous avons retiré des industries manufacturières au profit des services individuels, des catégories telles que forgerons, étameurs et plombiers que nous avons classés comme ouvriers des services de réparation. Nous n’avons pas tenu compte d’autres ajustements faits par Keesing dans un ouvrage non publié ; ils risqueraient finalement d’entraîner une certaine surreprésentation des industries textiles, qui comprennent des travailleurs du coton, dans le secteur manufacturier. L‘ensemble de la charpenterie et de la tonnellerie a été laissé dans le secteur manufacturier.

Recensement de 1950 Les données puisées à cette source ont été ajustées dans le cas de deux catégories : a) les services de réparation, où nous avons inclus la cordonnerie et la réparation horlogère, ainsi que celle de véhicules à moteur et de cycles, et b) les services sanitaires, rangés dans les administrations publiques.

Recensement de 1970 L‘ajustement fondamental opéré en ce cas a consisté à affecter trois cinquièmes des effectifs de l’industrie pétro- lière aux industries extractives et le reste, dans le secteur manufacturier, aux industries chimiques. Cette répartition s’inspire de l’ouvrage non publié de Kessing.

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Annexe H

Variables utilisées dans le modèle de régression des différences régionales de volume des flux migratoires

à destination de Mexico

On trouvera dans cette section un exposé sommaire des variables utilisées dans ce modèle de régression, ainsi que leur défüiition et leur mesure.

Pour les données relatives à notre variable dépendante, le volume des flux migratoires (total, d’origine rurale et d‘origine urbaine) en provenance des 34 régions du pays qui ont été enregistrés à Mexico dans chacune des trois périodes analyses, nous avons utilisé les chiffres fournis par l’échan- tillon pondéré et l’échantillon élargi de l’enquête décrite dans l’Annexe A.

Pour le reste, nous avons tiré l’essentiel de l’information directement ou indirectement, des recensements de popu- lation ou autres. Nous avons pris comme bases les années 1930, 1940 et 1960 pour la collecte des données afférentes à chacune des cohortes correspondantes: 1930 pour la cohorte de migrants arrivés avant 1935, 1940 pour la cohorte 1935-1954 et 1960 pour la cohorte 1955-1970.

Ruraux et citadins Pour définir l’origine rurale ou urbaine des migrants ainsi que la population rurale ou urbaine des différentes régions (pour les modèles qui faisaient la distinction) nous avons furé à douze mille habitants pour la première cohorte, quatorze mille pour la deuxième et vingt-cinq mille pour la troisième le seuil de la localité urbaine.

Considérant par hypothèse que ruraux et citadins constituaient deux types différents de migrants, nous devions retenir une définition assez stricte de la localité urbaine au Mexique à différentes époques. Après avoir consulté les ouvrages et articles pertinents, et compte tenu de notre propre expérience, nous avons estimé que la typologie des établissements humains selon leurs dimensions proposée par R. Wilkie (1976: 104 sq.) était la plus com- mode. Pour les besoins de notre étude, c’est sa catégorie “urbain complexe” qui nous a paru convenir le mieux comme seuil. En 1970, le chiffre de trente-cinq mille habitants ou plus, proposé par Wilkie, semblait devoir s’appliquer en moyenne à une localité dotée, outre la plupart des services jugés essentiels (centre de santé, phar- macie, école secondaire, cinéma, atelier de réparation automobile, restaurants), de beaucoup de ceux qui sont nécessaires au démarrage des secteurs et branches d’activité non agricoles (commerce, industrie, administrations pu- bliques, etc.).

Considérant une population di: trente-cinq mille habi- tants comme une ligne de démarcation adéquate entre le rural et l’urbain pour 1970, il s’agissait maintenant de définir les seuils pour 1930, 1940 et 1960: et à cet effet, nous avons recherché quelle était, à ces dates, la population des localités qui comptaient trente-cinq mille habitants en 1970, en arrondissant les chiffres moyens obtenus;

c’est ainsi que nous sommes arrivés à douze mille pour 1930, quatorze mille pour 1940 et vingt-cinq mille pour 1950.

Etant donné que la dimension de la localité de naissance l’année du recensement le plus proche de la naissance avait été codée en milliers d’habitants pour les migrants étudiés dans notre enquête, la méthode exposée ci-dessus ne présentait aucune difficulté pour le classement desdits migrants en fonction de leur origine rurale ou urbaine. Pour définir la population rurale et la population urbaine des différentes régions aux dates retenues (1930, 1940 et 1960) nous avons dû nous référer au recensement de la population, où celle-ci est classée par grandes localités, pour rechercher celles d’entrè elles qui, à ces dates, avaient une population de douze d e , quatorze mille ou vingt-cinq mille habitants et plus, en considérant la somme de leurs habitants comme la population urbaine, le reste indiquant, par différence, la population rurale de chacune des régions. Les autres variables indépendantes ont été définies comme suit :

Distance Nous avons pris comme indicateur du facteur distance la distance en kilomètres par route revêtue séparant le centre de Mexico d’une localité urbaine proche du centre de chacune des régions. Dans les cas où il y avait plusieurs itinéraires possibles, c’est le plus court qui a été retenu. Cette variable a été traitée comme une constante pour les trois périodes étudiées.

Communications L‘existence ou l’absence de communications plus ou moins directes par voie ferrée et/ou par route revêtue entre chacune des régions et Mexico en 1930,1940 et 1960 a été utilisée comme variable supplétive pour mesurer ce facteur et affectée de la valeur “1” ou de la valeur “O”, respecti- vement en chaque cas.

Nos principales sources d’information ont été : pour les voies ferrées: Lescale, 1929 et Ortiz Heman, 1970 ; pour les routes revêtues, Secretaria de Obras Publicas, 1975.

Autres possibilités d’immigration Les possibilités qui existent - en dehors de Mexico - pour les candidats à l’émigration des trente-quatre régions ont été définies, pour des raisons théoriques et historiques, comme celles qu’offrent d’assez grands centres urbains situés au voisinage de chacune des régions ou entre elles et Mexico.

Le “potentiel d’attraction” des plus grandes villes a été mesuré indirectement, par leur taux d’accroissement démographique au cours de trois périodes correspondant plus ou moins à nos cohortes de migrants: 1900-1930,

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1930-1959 et 1950-1970. En prenant comme base celui de la population totale du pays pour ces périodes (calculé à partir de Downing, 1976; tableau 3.1), nous avons classé les plus grandes villes du pays en cinq catégories:

Diminution ou rejet : si le pourcentage d’accroissement de la population de la ville considérée était de plus de 20 pour cent inférieur au taux national pour la même période.

Equilibre: si le pourcentage de la ville ne s’écartait pas de plus de 20 pour cent, en plus ou en moins, du taux national.

Croissance modérée: si le pourcentage de la ville était de 20 à 100 pour cent supérieur au taux national.

Croissance rapide: pourcentage de 100 à 400 pour cent supérieur au taux national.

Croissance très rapide : dépassant le taux national de plus de 400 pour cent.

Ces critères, approximatifs, ont été adaptés à la répar- tition et aux discontinuités “naturelles” observées dans chaque période.

Les critères de sélection des dies “les plus grandes” dans chaque période ont été les suivants: une population de trente mille habitants ou plus en 1930 pour la période 1900-1930 ; une population de cinquante d e ou plus en 1950 pour la période 1930-1950; une population de cent d e ou plus en 1970 pour la période 1950-1970. Quant une d i e figurait parmi les plus grandes au cours

d‘une période pour disparaître de la liste dans la période suivante, elle a été classée parmi les villes à population en diminution, équivalant au “rejet” de par sa capacité négative d‘attirer des migrants.

La phase suivante a consisté à transposer ces résultats sous forme de cartes, pou évaluer dans quelle mesure les migrants potentiels de chacune des 34 régions retenues dans l’analyse avaient des possibilités d‘immigrer dans d’autres villes que Mexico au cours de chacune des trois périodes.

Les régions avaient été classées à l’origine en trois catégories, selon ce que leurs émigrants potentiels avaient comme “autres possibilités” de se rendre dans d’autres zones de destination : nulles, moyennes, nombreuses, mais elles ont été ultérieurement subdivisées pour réduire le nombre des variables qualitatives dans les modèles de régression.

Pour évaluer ces possibilités, nous avons considéré simultanément plusieurs facteurs ; a) l’existence ou l’absence de grandes villes, soit à proximité de la région en cause, soit entre cette région et Mexico ; b) les relatives facilités d’accès à ces autres points de destination par les moyens de transport terrestres ; c) le nombre, la taille et le taux de croissance de ces villes au cours de la période ; 6) l’étendue relative des régions d’émigration potentielle par rapport à la capacité d’absorption des villes proches de la région ou situées entre elle et la capitale ; e) la composition approxi- mative des effectifs d’émigrants potentiels (dans le cas d’une région constituée essentiellement d’une seule grande ville, comme Guadalajara, Puebla ou Querétaro, seules les villes plus importantes, et ayant un taux d’expansion démographique analogue ou supérieur, étant considérées comme autres lieux de destination possibles).

Nous n’avons en aucun cas tenté de chiffrer systéma- tiquement les divers critères, mais nous avons évalué l’in- fluence simultanée des facteurs sus-mentionnés en nous

appuyant sur les données disponibles et sur les travaux de Stem, qui connaît bien le développement régional mexicain.

Population régionale La population régionale correspond à celle qui résidait dans les communes constituant les régions correspondantes, selon les recensements de population de 1930, 1940 et 1960 respectivement, pour chaque cohorte de migrants. L‘inté- gration des régions considérées, par communes, a été tirée de: Comision Nacional de los Salarios Minimos, 1964. La délimitation des communes change avec le temps : il s’en crée de nouvelles, ce qui sépare leur territoire de celui de communes plus anciennes, certaines localités passent d’une commune à une autre, etc. Pour prendre ces changements en considération, nous avons consulté Institut0 de Geografia, n/d.

Pour la définition des populations rurale et urbaine, voir plus haut, la section “Ruraux et citadins” de la présente Annexe.

Pression sur les ressources foncières Pour mesurer ce facteur, nous avons divisé la population active exerçant des activités agricoles et analogues par le nombre d’hectares de terres cultivables dans chacune des régions.

Pour 1960 (année de base de notre troisième cohorte de migrants), nous avons profité des données informatisées des recensements agricole et démographique du Colegio de México, qui ont permis des mesures passablement précises, puisque l’iiiformation ainsi obtenue est ventilée selon le mode de faire-valoir et la dimension des parcelles.

Les données afférentes à 1940 ont été tirées des recen- sements correspondants, mais il a fallu utiliser des agrégats, que l’on peut, au mieux, considérer comme approximatifs.

Faute de données pour 1930 (année de base de notre première cohorte de migrants), nous avons pris comme indicateur de ce facteur la densité de population de nos régions, en affectant de la valeur “O” les régions essentiel- lement formées d’un grand centre urbain, au quel cas la densité de population prend un sens très différent qui n’a aucun rapport avec la pression de la population sur les ressources en terres.

Degré de diversification des structures de la production En l’absence de données permettant de mesurer directement le degré de diversification des structures de production des 34 régions à différentes époques, nous avons eu recours à diverses mesures indirectes de ce facteur : pour la dernière cohorte, nous avons pris l’indice de développement socio- économique décrit dans la note 1 1 de la Première partie, pour la cohorte intermédiaire, le rapport de la population active occupée dans le secteur primaire aux effectifs du secondaire et du tertiaire (en tant qu’indicateur inverse) et pour la première cohorte, la proportion de la population régionale vivant dans des localités urbaines, telles qu’elles sont définies dans le recensement de la population (soit deux mille cinq cents habitants ou plus).

Degré d’indigénisme Le degré d‘indigénisme a été mesuré à la proportion de la population régionale parlant une langue indigène, les bilingues (ceux qui outre la langue autochtone parlent l’espagnol) étant considérés comme indigènes au même titre que les monolingues.

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Degré de concentration urbaine Nous avons combiné deux critères pour distinguer entre régions à forte et à faible concentration urbaine : l’existence dans la région d’une ou plusieurs “grandes” villes (c’est-à-dire comptant plus de trente mille habitants en 1930, plus de cinquante mille en 1950 et plus de quatre-vingt mille en 1960) et une proportion de population urbaine (localités de

deux milie cinq cents habitants ou plus selon la définition du recensement) supérieure à 40 pour cent du total régional.

Cette variable a été introduite dans i’analyse comme variable supplétive. Les régions à “forte” concentration urbaine sont affectées de la valeur “l”, et celles à taux faible, de la valeur “O”, dans les données mises sur ordinateur.

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