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La mobilité et notre budget CO2 Guide de planification pour des voyages touristiques et scolaires durables © hep verlag ag Berne, 2011 16 Module 4 : Compensation des émissions CO 2 Que faire lorsque le voyage en avion est inévitable ? Un nombre toujours plus grand d’agences de voyage et de compagnies aériennes offre, lors de la réser- vation d’un voyage en avion, la compensation CO 2 au titre d’option supplémentaire Voici comment se présente par exemple le site Internet de la compagnie aérienne Swiss : «Cette plate-forme a été créée pour proposer aux passagers aériens l’option consistant à compenser les émis- sions inévitables d’un vol. Le client peut verser une contribution financière volontaire (…). Cette somme calculée sur la base de modèles scientifiques, grâce auxquels des sources d’énergie nocives pour le climat (comme par ex. un groupe électrogène fonctionnant au diesel) sont remplacées par d’autres respectueuses du climat (comme par ex. électricité issue de la biomasse).» (SWISS, 2011) Peut-on ainsi prendre l’avion en étant rassuré puisque l’on a opéré ce paiement volontaire ? Il vaut la peine de considérer plus en détail cette question car on parle toujours de commerce bon marché des in- dulgences lorsqu’on aborde la question de la compensation du CO 2 En 2007, « compensation climatique » a même été élu mot indésirable suisse de l’année avec comme justification que la « compensation cli- matique » suggère une amorce de solution qui est en réalité une publicité mensongère Le client n’a pas besoin de changer son comportement, l’économie n’en subira aucun contrecoup et la politique ne donne pas l’impression de n’avoir rien fait Où est la vérité : une solution pratique pour des consommatrices et des consommateurs conscients de l’environnement ou une publicité mensongère pour justifier le statu quo ? Pour répondre à cette question, un petit regard en arrière sur la naissance de l’idée de compensation peut être utile L’origine de l’idée de compensation C’est en 1997 que, lors de l’approbation du protocole de Kyoto au Japon, il a été convenu que les pays industriels pourraient satisfaire à une partie de la réduction des émissions à laquelle ils se sont engagés par des investissements dans des projets dans des pays en développement et émergents L’idée de base est simple : si les émissions de CO 2 doivent être réduites sur le plan mondial, il faut que cela se produise là où le plus grand effet possible puisse être atteint avec l’argent investi Tous les pays bénéficient de cette possibilité : les pays en développement et les pays émergents sont ga- gnants grâce à des investissements supplémentaires, par ex dans l’utilisation de sources d’énergie renou- velables ou dans la modernisation de centrales électriques âgées et donc inefficaces La pression à prendre des mesures est moins grande dans les pays industriels, elle est impopulaire sur le plan politique et elle est en partie onéreuse (par ex l’abord économique de l’énergie ou la production d’énergies renouvelables) L’idée que les émissions puissent être réduites dans un endroit par des mesures prises dans un autre endroit a été aussi prise rapidement en considération par le secteur privé La raison est que le protocole de Kyoto a écarté le trafic aérien international des indications préalables en vue de la réduction des émissions nationales parce qu’il ne pouvait être décidé quel pays était responsable de ces émissions Les personnes engagées dans la protection climatique ont soutenu cette idée Si, sur le plan politique, les émissions du trafic aérien en fort développement ne peuvent pas être limitées, il faut au moins assumer la responsabilité qui relève du transport aérien Une réflexion centrale a tourné autour de la compensation pour des situations dans lesquelles il n’existe aucune autre possibilité de réduire ou d’éviter les émissions C’est justement dans les voyages intercontinentaux qu’aucune alternative n’existe à l’avion Dans l’intervalle, la compréhension relative à la compensation s’est largement écartée de sa signification d’origine Il est ainsi possible de compenser, auprès des différents fournisseurs, sa consommation en pro- duits alimentaires ou même la totalité des émissions quotidiennes en dehors des vols et des kilomètres en voiture

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Page 1: Module 4 : Compensation des émissions CO présente par exemple le site Internet de la compagnie aérienne Swiss : «Cette plate-forme a été créée pour proposer aux passagers aériens

La mobilité et notre budget CO2 – Guide de planification pour des voyages touristiques et scolaires durables © hep verlag ag Berne, 2011 16

Module 4 : Compensation des émissions CO2

Que faire lorsque le voyage en avion est inévitable ?

Un nombre toujours plus grand d’agences de voyage et de compagnies aériennes offre, lors de la réser-

vation d’un voyage en avion, la compensation CO2 au titre d’option supplémentaire . Voici comment se

présente par exemple le site Internet de la compagnie aérienne Swiss :

«Cette plate-forme a été créée pour proposer aux passagers aériens l’option consistant à compenser les émis-

sions inévitables d’un vol. Le client peut verser une contribution financière volontaire (…). Cette somme calculée

sur la base de modèles scientifiques, grâce auxquels des sources d’énergie nocives pour le climat (comme par ex.

un groupe électrogène fonctionnant au diesel) sont remplacées par d’autres respectueuses du climat (comme par

ex. électricité issue de la biomasse).»

(SWISS, 2011)

Peut-on ainsi prendre l’avion en étant rassuré puisque l’on a opéré ce paiement volontaire ? Il vaut la

peine de considérer plus en détail cette question car on parle toujours de commerce bon marché des in-

dulgences lorsqu’on aborde la question de la compensation du CO2 . En 2007, « compensation climatique »

a même été élu mot indésirable suisse de l’année avec comme justification que la « compensation cli-

matique » suggère une amorce de solution qui est en réalité une publicité mensongère . Le client n’a pas

besoin de changer son comportement, l’économie n’en subira aucun contrecoup et la politique ne donne

pas l’impression de n’avoir rien fait .

Où est la vérité : une solution pratique pour des consommatrices et des consommateurs conscients de

l’environnement ou une publicité mensongère pour justifier le statu quo ? Pour répondre à cette question,

un petit regard en arrière sur la naissance de l’idée de compensation peut être utile .

L’origine de l’idée de compensation

C’est en 1997 que, lors de l’approbation du protocole de Kyoto au Japon, il a été convenu que les pays

industriels pourraient satisfaire à une partie de la réduction des émissions à laquelle ils se sont engagés

par des investissements dans des projets dans des pays en développement et émergents . L’idée de base

est simple : si les émissions de CO2 doivent être réduites sur le plan mondial, il faut que cela se produise

là où le plus grand effet possible puisse être atteint avec l’argent investi .

Tous les pays bénéficient de cette possibilité : les pays en développement et les pays émergents sont ga-

gnants grâce à des investissements supplémentaires, par ex . dans l’utilisation de sources d’énergie renou-

velables ou dans la modernisation de centrales électriques âgées et donc inefficaces . La pression à prendre

des mesures est moins grande dans les pays industriels, elle est impopulaire sur le plan politique et elle

est en partie onéreuse (par ex . l’abord économique de l’énergie ou la production d’énergies renouvelables) .

L’idée que les émissions puissent être réduites dans un endroit par des mesures prises dans un autre

endroit a été aussi prise rapidement en considération par le secteur privé . La raison est que le protocole

de Kyoto a écarté le trafic aérien international des indications préalables en vue de la réduction des

émissions nationales parce qu’il ne pouvait être décidé quel pays était responsable de ces émissions . Les

personnes engagées dans la protection climatique ont soutenu cette idée . Si, sur le plan politique, les

émissions du trafic aérien en fort développement ne peuvent pas être limitées, il faut au moins assumer la

responsabilité qui relève du transport aérien . Une réflexion centrale a tourné autour de la compensation

pour des situations dans lesquelles il n’existe aucune autre possibilité de réduire ou d’éviter les émissions .

C’est justement dans les voyages intercontinentaux qu’aucune alternative n’existe à l’avion .

Dans l’intervalle, la compréhension relative à la compensation s’est largement écartée de sa signification

d’origine . Il est ainsi possible de compenser, auprès des différents fournisseurs, sa consommation en pro-

duits alimentaires ou même la totalité des émissions quotidiennes en dehors des vols et des kilomètres

en voiture .

Page 2: Module 4 : Compensation des émissions CO présente par exemple le site Internet de la compagnie aérienne Swiss : «Cette plate-forme a été créée pour proposer aux passagers aériens

La mobilité et notre budget CO2 – Guide de planification pour des voyages touristiques et scolaires durables © hep verlag ag Berne, 2011 17

Elément de solution ou élément du problème ?

Nous nous heurtons ici à un premier point de critique : si notre contribution à la protection climatique

se réduit à des dons pour des projets dans les pays en développement et si rien d’autre ne change, nous

ne pourrons pas nous rapprocher de la quantité d’émissions de CO2eq à long terme par tête qui peut être

supportée par le climat . Or des solutions éprouvées sont prêtes depuis longtemps afin de réduire les émis-

sions de 30 % et plus sans perdre un quelconque confort (voir OFEV, 2008) . Des mots-clés tels que maison

passive, la voiture à 3 litres, des appareils domestiques hautement efficaces mais aussi des habitudes

différentes en terme de mobilité et d’alimentation (consommation réduite de viande) sont utilisés .

Le défi ne consiste pas à compenser la plus grande partie de ses propres émissions, mais à appliquer

les solutions existantes de préservation climatique . Tout le monde peut assumer ses responsabilités, les

consommateurs, les électeurs ou dans la vie quotidienne . Sans cette preuve par les actes, il sera impos-

sible de convaincre les individus dans les pays en développement qu’ils doivent aussi fournir leur contri-

bution en termes de protection climatique .

Compenser – tout dépend de l’attitude !La compensation n’a de sens que si elle n’encourage pas à conserver ou même à accroître un niveau d’émissions (déjà trop) élevé. Si l’on veut compenser les émissions des voyages aériens et se restreindre en même temps pour ne pas voler trop souvent, on fournit déjà une contribution logique à la protection cli-matique. Ceux qui compensent et qui se disent qu’ils peuvent ainsi voler à la même fréquence parviennent au but contraire !

Il vaut la peine de tout prendre en considération

Un deuxième point critique consiste en la question de savoir si la prestation de compensation escomptée

est effectivement fournie avec l’argent donné . Même avec les projets qui sont déployés dans le cadre du

protocole de Kyoto et qui sont contrôlés par le biais d’une procédure lourde, l’expérience montre que près

de 20 % de la réduction escomptée n’est pas atteinte . Estimer la réussite des projets menés par des entre-

prises privées qui sont réalisés sans contrôles indépendants est encore plus difficile .

Ce qui rend particulièrement sceptique, c’est le fait que les quantités d’émissions de gaz à effet de serre

qui ont été calculées et les coûts de compensation diffèrent fortement en fonction du fournisseur . Ainsi,

une étude réalisée à la demande de l’Office allemand de l’environnement (UBA, 2010) indique que les

quantités d’émission pour un vol qui va de Berlin à Milan variaient d’un facteur 4 en fonction du four-

nisseur alors que les prix à payer pour la compensation de ces émissions variaient d’un facteur de 6,5 ou

supérieur !

Deux raisons peuvent permettre d’expliquer ces différences : d’une part tout le monde ne comprend pas

la même chose sous le concept de « émissions dégagées » . Alors que certains fournisseurs ne tiennent

compte que des émissions de CO2 qui sont liées directement à la consommation de carburants, d’autres

intègrent également l’effet d’autres gaz sur le climat . Pour être sûr que l’ensemble de l’effet sur le climat

soit pris en compte avec la compensation, il faut donc faire plus fortement confiance à une valeur su-

périeure d’émission . Ensuite, l’argent versé est consacré à des projets de qualité différente, ce qui a éga-

lement une influence sur les coûts . Par exemple, la compensation avec des projets de reboisement dans

les pays en développement est souvent très bon marché . Mais il existe alors le risque que la prestation

escomptée de compensation ne soit pas fournie, par ex . du fait du manque de soins apportés aux jeunes

forêts ou en raison d’un déboisage illégal . Même les projets très onéreux dans le secteur énergétique (par

ex . la promotion de l’énergie solaire ou du biogaz) connaissent des différences de prix qui ne sont pas

compréhensibles pour les amateurs . Le Gold Standard, un label initié par le WWF, aide à faire la part des

choses . Le prix par tonne de CO2 compensée est certes supérieur, mais les clientes et les clients ont ainsi

la garantie que leur argent est investi dans des projets qui sont surveillés avec tout le sérieux voulu et qui

offrent une forte utilité à la fois pour les individus et pour l’environnement .

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Exercice 1 : Déterminez, sur le site Internet http://swiss.myclimate.org/FR (calculateur de CO2 de la compagnie aérienne SWISS) les émissions ainsi que les coûts compensatoires d’un vol entre Genève et Lisbonne et retour. Lancez ensuite la même requête sous https://www.myclimate.org/nc/fr/compensation/compensation-de-co2/compensation-de-vol.html(calculateur de CO2 de la société Myclimate) ainsi que sous http://www.co2solidaire.org/fr/component/hob_co2/?view=calculateur&task=form&type=avion (calculateur de CO2 de l’organisation CO2Solidaire). Portez les résultats de vos requêtes dans le tableau ci-dessous. Vous pouvez distribuer cet exercice et vous partager les résultats. Quelles sont les raisons possibles aux différents chiffres que vous obtenez ?

Exercice 2 : Comment comprendre la déclaration sur le site Internet de la compagnie aérienne SWISS (voir la citation au début du module) selon laquelle l'entreprise propose aux passagers aériens l’option consistant à compenser les émissions inévitables d’un vol?

Exercice 3 : La société Climat Mundi offre des bons cadeaux (chèques-cadeau) et des « lots » (packs) à l’adresse http://www.climat-mundi.fr/lng_FR_srub_15-compensation-emissions-co2.html avec lesquels on peut compenser en partie ou en totalité les émissions pour soi-même ou pour des tiers. Discutez avec vos camarades sur la validité de cette offre, par exemple le lot « Facteur 4 ».

Discussion : Une charte sur les « Voyages scolaires et développement durable » a été élaborée dans un collège du canton de Genève. On peut y lire le texte suivant:

« Dorénavant, les déplacements aériens sont strictement limités dans le cadre scolaire. Des exceptions sont autorisées pour

des raisons d’ordre culturel, social (humanitaire) ou sportif, pour autant qu’aucune alternative à l’avion ne soit possible.

Dans ce cas, les émissions de CO2 dues aux déplacements aériens sont compensées par l’achat de billets climatiques dont le

montant est intégré au coût global du voyage ».

Que penseriez-vous d'un règlement pareil dans votre école?

Principes de compensation des voyages en avion1. Les paiements compensatoires ne remplacent pas le fait d’agir en ayant conscience de ses responsa-

bilités. Le vol en avion à compenser est-il compatible avec le fait que nos émissions par tête devraient diminuer ? Existe-t-il une alternative qui préserve mieux l’environnement ?

2. En matière de compensation de vols, il faut tenir compte de l’ensemble de l’effet sur le climat (et pas seulement de la consommation de carburant). Les offres bon marché ne sont pas crédibles !

3. Choisir des entreprises qui calculent le plus précisément possible les émissions et qui n'utilisent les paiements compensatoires que pour des projets avec le label Gold Standard. Les fournisseurs recom-mandés sont : – Atmosfair : http://www.atmosfair.de (meilleur fournisseur, site Internet malheureusement disponible

seulement en allemand et en anglais)– Myclimate : https://www.myclimate.org/fr.html– CO2Solidaire : http://www.co2solidaire.org

Vol Genève – Lisbonne et retour Quantité d’émissions Coûts compensatoires

Calculateur de CO2 de SWISShttp://swiss.myclimate.org/FR t de CO2 CHF

Calculateur de CO2 de Myclimatehttps://www.myclimate.org/nc/fr/compensation/ compensation-de-co2/compensation-de-vol.html

t de CO2 CHF

Calculateur de CO2 de CO2Solidairehttp://www.co2solidaire.org/fr/component/hob_co2/ ?view=calculateur&task=form&type=avion

t de CO2

EUR après conversion en CHF

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Tu dors encore ? C’est midi passé !

Quoi ?

Et tu vas vivre de quoi ?

Je ne dors pas. Je fais une journée de respect

de l’environnement.

Quand je suis au lit, je ne gaspille pas les

précieuses ressources de la terre !

J’ai un site Internet où les gens peuvent acheter mes certificats de CO2.

Ils peuvent voler dans tous les sens et rouler en

tout terrain, ils me paient pour rester au lit !

Je ne me déplace pas dans tous les sens et je ne provoque aucune émission de gaz à effet de serre, je ne fais aucun voyage de consommation… je consomme

même moins d’oxygène !