mémoire - · pdf file24-janv tupolev 154 mashhad, iran taban air 0 25-janv boeing 737...

46
1 UNIVERSITE TOULOUSE 1 CAPITOLE Sciences sociales MASTER 2 DROIT DES TRANSPORTS Année Universitaire 2009/2010 Mémoire ACCIDENTS AERIENS : PREVENTION ET ENQUETE JUDICIAIRE Présenté par Madame Claudine OOSTERLINCK Directeur de recherches : Monsieur Christophe PAULIN

Upload: leminh

Post on 25-Mar-2018

226 views

Category:

Documents


3 download

TRANSCRIPT

Page 1: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

1

UNIVERSITE TOULOUSE 1 CAPITOLE Sciences sociales MASTER 2 DROIT DES TRANSPORTS Année Universitaire 2009/2010

Mémoire ACCIDENTS AERIENS : PREVENTION ET ENQUETE JUDICIAIRE

Présenté par Madame Claudine OOSTERLINCK Directeur de recherches : Monsieur Christophe PAULIN

Page 2: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

2

Remerciements Mes remerciements s’adressent :

- à Monsieur Christophe Paulin, directeur du Master

- à mon époux pour son précieux soutien personnel et professionnel - à mes collègues, partenaires et amis du monde aérien et du monde judiciaire.

Page 3: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

3

Introduction Un accident aérien est un événement qui suscite toujours l’émotion – bien légitime – de la société, de par le nombre de victimes, la brutalité de sa survenance, mais aussi parce qu’il touche à un domaine qui reste mystérieux pour la quasi totalité de la population, le vol humain. Le mythe d’Icare n’est souvent pas loin… La définition de l’accident aérien est donné par l’annexe 13 de l’Organisation de l’Aviation Civile internationale (OACI) (1) : L’accident aérien est ainsi défini : un événement lié à l’utilisation d’un aéronef, (…) dans lequel :

a. une personne est mortellement ou grièvement blessée (…) b. ou l’aéronef subit des dommages ou une rupture structurelle (…) c. ou l’aéronef a disparu ou est totalement inaccessible.

A contrario, l’incident aérien est ainsi défini :

d. Evènement, autre qu’un accident, lié à l’utilisation d’un aéronef, qui compromet ou pourrait compromettre la sécurité de l’exploitation.

L’annexe 13 distingue en outre la notion d’ « incident grave », défini comme un incident dont les circonstances indiquent qu’un accident a failli se produire, la différence entre un incident grave et un accident ne résidant que dans le résultat. Bien que les accidents aériens soient particulièrement spectaculaires ne serait-ce que de par le nombre des victimes, le transport aérien demeure un moyen de transport très sûr. Le taux de passagers tués par rapport au volume d’activité global du transport aérien a été divisé par 10 de 1968 à 1997. On dénombre actuellement un accident par million d’heures de vol effectuées. Le risque zéro n’existe pas, il en est de l’aérien comme de toute activité humaine. Seule une grande rigueur et un encadrement structuré à tous les échelons de la chaîne du transport aérien, depuis les états et leurs autorités régulatrices jusqu’à l’exploitation locale, permettront d’améliorer la sécurité. Les institutions internationales aussi bien que nationales s’y emploient au travers de grands programmes. (1) Organisation de l’Aviation Civile Internationale – L’OACI a publié 19 annexe, dont l’annexe 13 consacrée aux accidents aériens

Page 4: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

4

Statistiques des accidents d’avions de transport Il ne sera ici question que des accidents d’avions de transport, exclusion faite des accidents d’avions militaires -dont le traitement judiciaire et technique est fondamentalement différent – et des avions dits d’aviation générale (avions légers) qui, s’ils suscitent systématiquement une enquête technique et l’intervention du ministère public, ne donnent pas toujours lieu à une information judiciaire. Durant les vingt dernières années, le nombre d’heures de vol a plus que doublé, le nombre d’avions en service est 2,5 fois plus important.

statistiques Boeing L’IATA (International Air Transport Association) vient de publier ses statistiques pour l’année 2009 : dix-huit accidents ont été enregistrés l’année dernière, qui ont fait 685 victimes. Ces chiffres sont à rapproches des 35 millions de vols qui ont transporté 2,3 milliards de passagers au cours de la même période. Par rapport à 2008, le nombre de victimes est en augmentation (502 en 2008). Néanmoins, l’IATA ne prend pas en compte les vols intérieurs, ni les vols charters.

Page 5: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

5

Les accidents de l’année 2010

Date type avion Lieu Compagnie Vict. *

02-janv Boeing 727 Kinshasa, Congo CAA 022-janv Beech 1900 Sand Point, Alaska Aaska Central Ex. 224-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 025-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90

22-mars Tupolev 204 Aviastar Moscou, Russie 022-mars Embraer 120 Airnorth Darwin, Australie 2

13-avr Boeing 737 Merpati Nusantara airl. Rendani, Indoné. 013-avr Airbus 300 AeroUnion Monterey, Mexiq. 521-avr Antonov 12 Interisland airlines Mexico, Philipp. 3

12-mai Airbus 330 Afriqiyah airways Tripoli, Libye 10315-mai Antonov 28 Blue Wing Airlines Poeketi, Surinam 817-mai Antonov 24 Pamir Airways Salang Pass,Afgh. 4422-mai Boeing 737 Air India Express Mangalore, Inde 158

* il s’agit des victimes se trouvant à bord, sans compter les éventuelles victimes hors de l’avion

Seul l’accident du 12 mai à Tripoli a fait une victime de nationalité française. Les accidents marquants concernant la France depuis 1992

Date Type avion Compagnie Lieu Vict. *

20/01/1992 Airbus 320 Air Inter Mont Ste Odile 87 25/05/2000 MD83/Short Air Liberté/Streamline Paris CDG 1 27/05/2000 Concorde Air France Gonesse 109 03/01/2004 Boeing 737 Flash airlines Charm el Cheikh 148 02/08/2005 Airbus 340 Air France Toronto 0 16/08/2005 MD 82 West Carribean Venezuela 160 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0 09/08/2007 DHC 6 Air Moorea Moorea 20 20/08/2007 MD 82 Spanair Madrid 154 27/11/2008 Airbus 320 XL Airways Perpignan 7 01/06/2009 Airbus 330 Air France Atlantique 228 30/06/2009 Airbus 310 Yemenia Airways Comores 152

L’accident le plus meurtrier de l’histoire du transport aérien est celui qui a eu lieu le 27 mars 1977 à Tenerife, où deux Boeing 747 – l’un de la compagnie américaine Pan Am, l’autre de la compagnie hollandaise KLM, se sont heurtés sur la piste alors qu’il y régnait un épais brouillard. La catastrophe avait fait 583 victimes et 64 survivants.

Page 6: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

6

On distingue deux catégories principales de causes d’accidents aériens : les causes exogènes et les causes endogènes. Les causes exogènes Ce sont les causes indépendantes de l’équipage. Les principales sont les suivantes :

- les causes mécaniques : leur occurrence est en régression à mesure des développements technologiques et de l’augmentation de la fiabilité des appareils ;

- les incendies à bord : cet événement rare peut avoir de graves conséquences, citons pour mémoire l’accident du MD-11 de la Swissair le 2 septembre 1998

- les dysfonctionnements de la circulation aérienne : c’est une causalité qui est en régression, en raison notamment de l’apparition du système TCAS, système embarqué par lequel les avions gèrent eux-même leur trajectoire d’évitement.

- les défauts de maintenance : c’est une cause très rare mais non encore inexistante ;

- le risque aviaire ; - la vétusté des aéronefs : ceci concerne particulièrement certains pays en voie

de développement, notamment le continent africain. Les causes endogènes Ce sont les causes dépendant de l’équipage, mais aussi des intervenants humains en amont du vol : préparation du vol par les services d’opérations aériennes, information de l’équipage sur l’état de l’avion, gestion de situations particulières (météorologiques, aviaires) par le personnel aéroportuaire. Le pourcentage d’accidents liés aux causes endogènes est important : plus de 70%. En ce qui concerne les équipages, l’étude des causes d’accidents imputables à au comportement de l’équipage a mis en lumière la nécessité de l’étude des facteurs humains, et d’une sensibilisation des équipages aux problèmes qui peuvent survenir du fait de ces facteurs humains.

- La première de ces causes est l’erreur : soit la représentation inexacte ou l’absence de prise de conscience d’un événement (système défaillant, alarme ignorée, incohérence des paramètres, mauvaise lecture ou mauvais calage altimétrique… la liste est non exhaustive), soit une méconnaissance d’une règle ou d’une procédure dont la non observation entache la sécurité.

- Relèvent également de l’erreur humaine deux causalités assez fréquemment rencontrées : les incursions de piste (il s’agit de la pénétration d’un avion sur une piste déjà occupée par un avion au décollage ou à l’atterrissage, elle peut résulter d’une mauvaise interprétation des instructions du contrôle par l’équipage, ou d’une erreur du contrôle ), et les CFIT (Controlled Flight Into

Page 7: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

7

Terrain), où un avion entre en collision avec le sol par suite d’une erreur de trajectoire et en l’absence de tout dysfonctionnement de l’avion.

- La prise de décision est un processus qui se construit, et fait appel dans un premier temps à l’information, puis à l’analyse, puis au jugement. Plusieurs mécanismes sont mis en œuvre lors de la prise de décision : recherche de la réponse dans la base cognitive de l’individu (transposition), appel à une situation déjà vécue (biais de conformité), décision réflexe (celle qui est attendue de la part des pilotes devant l’urgence d’une situation).

- Il est certain que la « mauvaise décision » est souvent cause d’accident, mais il est aussi très difficile de savoir si une décision sera la bonne avant d’en connaître les conséquences… La bonne décision est loin d’être évidente à prendre. C’est pour cette raison que les équipages disposent d’outils sous la forme de procédures qui permettent de faire face à toutes les situations pouvant se présenter.

- Ou presque…. Et c’est ce presque, dont l’occurrence est chiffrée par une probabilité de 10 puissance moins 9 (voire puissance moins 16), qui peut parfois entraîner une catastrophe.

- La fatigue des équipages est un sujet de préoccupation pour la communauté aéronautique qui se préoccupe de l’amélioration de la sécurité des vols. Les étapes courtes et répétitives, les heures de lever très matinal, le décalage fréquent par rapport au rythme circadien sont des facteurs à prendre en compte.

Le CRM (Crew Resource Management) est également un « outil » très efficace pour réduire les erreurs et aider au processus de prise de décision. Suivant le principe connu de la synergie « 1+1 supérieur à 2 », le travail en équipage est un facteur de sécurité important. Les deux pilotes d’un équipage d’avion de transport sont de qualification égale, l’un d’eux est plus expérimenté que l’autre, c’est le commandant de bord qui endosse la responsabilité du vol, et qui de ce fait dispose de l’autorité en matière de décision. Néanmoins, projets d’action et décision sont pris en concertation entre les deux membres d’équipage. L’étude des facteurs humains en accidentologie aérienne est prise en considération compte tenu de la fréquence d’occurrence de cette causalité. Il faut savoir en effet qu’un accident a rarement une cause unique, il existe généralement une cause constitutive (par exemple : un système de l’avion est défaillant) et une cause contributive (l’équipage n’a pas pris l’action appropriée en réponse à cette défaillance). Le modèle de Reason (2) décrit cette aspect de la causalité : quand les failles (représentées par des trous dans les plaques) coïncident, l’accident est au bout de la chaîne.

(2) James Reason, Professeur à l’Université de Manchester

Page 8: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

8

En France, le docteur René Amalberti a été le précurseur de l’étude et de la formalisation des facteurs humains en aéronautique et de l’interface homme-machine ; ils font à présent l’objet d’un enseignement obligatoire tant dans le cursus initial de la formation des pilotes que dans le maintien des compétences assuré par les compagnies aériennes. Etudier les mécanismes accidentogènes en aviation civile permet d’élaborer des stratégies pour tenter de gérer le risque, sachant que le risque zéro n’existe pas. Cette gestion du risque s’inscrit dans un cadre plus global de prévention des accidents aériens .

Page 9: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

9

Néanmoins, des accidents surviennent. Ils font l’objet d’une enquête technique, parfois dénommée « enquête administrative » suivant les textes, qui est normée sur le plan mondial par l’annexe 13 de l’Organisation de l’Aviation Civile internationale (OACI). Les textes européens et nationaux assurent un cadre juridique structuré à cette enquête technique, qui a pour objectif , au travers de la compréhension et de l’explication de l’accident, l’émission de recommandations afin que l’évènement ne se reproduise pas. Une enquête judiciaire est également lancée, et le Procureur de la République informé sans délai aux termes de l’article R. 142-4 du Code de l’aviation civile qui dispose que « si l’accident ou l’incident entraîne des dommages aux personnes ou aux biens transportés, le procureur de la République est tenu informé ». Ces deux enquêtes n’ont pas la même finalité, et cette dualité a des partisans et des détracteurs. Dans un colloque tenu en octobre 2007 (3) M.Dider Boccon-Gibod, avocat général à la Cour de Cassation, déclarait : « Pour qui est des raisons de recourir à l’enquête pénale, j’en vois plusieurs, au moins au nombre de quatre.

a) La première de ces raisons est très ancienne. Elle remonte à des temps où aucun avion ne volait, mais à gardé toute son actualité dans un monde moderne marqué par l’idée qu’il n’y a pas de responsabilité sans culpabilité : il serait faux de croire que les victimes ne recherchent que des dommages-intérêts. Elle sont d’abord légitimement intéressées par la manifestation de la vérité sur laquelle va se fonder leur éventuelle demande d’indemnisation. Or, dans ce domaine, l’enquête pénale ouvre aux victimes des facilités que ne permet pas la procédure civile. En effet, en matière pénale, la recherche de la vérité est menée par une partie publique, qui non seulement dispose d’outils juridiques inaccessibles aux particuliers mais aussi assume les frais de l’enquête et de la procédure.

b) Il reste que l’obtention de dommages-intérêts est un motif légitime de l’action des victimes. Ces victimes pourraient certes orientées vers la juridiction civile. Mais, à cet égard, la reconnaissance d’une faute pénale peut être de nature à faire allouer des dommages-intérêts supérieurs à ceux que prévoit la Convention de Varsovie

c) Les victimes peuvent aussi, de manière plus ambiguë dans une société censées avoir renoncé à toute idée de vengeance privée, rechercher la punition d’un coupable.

d) Un autre motif du recours au juge pénal tient, me semble-t-il, à un sorte de « hiérarchie de al confiance ». C’est un sujet sur lequel je veux m’exprimer avec nuance et prudence, car il n’est pas question de faire à qui que ce soit un procès d’intention. Il demeure que, par nature, l’administration, d’une manière générale, n’est pas indépendante : ce qui vient d’elle peut, même à

tort, encourir le soupçon de subir les interférences de telle ou telle autorité supérieure »

(3) « Le traitement judiciaire des accidents aériens majeurs », dans le cadre du programme AGIS, Roissy-Charles de Gaulle, 24 au 26 octobre 2007

Page 10: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

10

A contrario, M.Jean Paries, PDG de Dédale SA (4), ancien rapporteur général de la commission d’enquête sur l’accident du Mont Sainte-Odile (5), exprimait dans le journal « Le Monde » du 9 novembre 2006 ses doutes quant à l’opportunité de l’enquête judiciaire : « L’enquête judiciaire profite-t-elle a la sécurité ? Qu’a-t-on appris sur l’accident au bout de ces quatorze ans qu’on ne savait pas au bout de deux ? (NB. Il s’agit de l’accident du Mont Sainte Odile) J’ai assuré à l’époque la coordination technique de l’enquête dite « administrative » conduite par la France au titre de ses obligations internationales. Fruit du travail d’environ soixante experts sur deux ans, elle établit des faits incontournables, qui pour tout analyste de bonne foi amènent peu ou prou les mêmes hypothèses et conclusions. Elle a été approuvée dans le monde entier. Quelles chances avaient quelques experts judiciaires de découvrir une autre « vérité » ? Soyons clairs : aucune ! » «… Dans tout système complexe, donc incertain, la gestion du risque suppose un principe de responsabilité des individus. On attend d’eux, à proportion de leurs compétences, une certaine intelligence de la situation et des conséquences de leurs actes, des jugements basés sur une éthique de la sécurité inscrite dans les valeurs profondes du métier. La pénalisation des défaillances prétend renforcer la conscience de ces responsabilités. Elle obtient exactement le contraire…. « La responsabilité intériorisée cède la place à la responsabilité devant le gendarme. » «… Il faut réduire le nombre des enquêtes pénales consécutives aux catastrophes aériennes (et plus généralement industrielles) dans les pays comme la France, où le droit les prévoit systématiquement. C’est le sens d’un appel lancé en commun le 18 octobre dernier par quatre organismes spécialisés dans la sécurité aérienne » (6) Les détracteurs de l’enquête pénale sont généralement ceux qui privilégient le droit anglo-saxon par rapport au droit romain qui prévaut dans notre pays et dans de nombreux pays européens ( France, Espagne, Portugal, Grèce, et dans une certaine mesure les pays pratiquant en la matière un système mixte se rapprochant de la procédure inquisitoire : Belgique, Luxembourg, Autriche, Allemagne). Ils prônent une procédure de type accusatoire, les victimes n’ayant pas leur place au pénal et devant viser exclusivement une indemnisation, la plus forte possible. Dans une première partie, nous examinerons les actions entreprises par les institutions et autorités régulatrices ou simplement consultatives pour la prévention des accidents aériens. Une seconde partie sera consacrée aux deux enquêtes, et à leurs interactions. La cohabitation entre les deux est-elle possible, souhaitable ou tout simplement inévitable ?

(4) Dédale : société d’étude et de conseil en facteurs humains (5) Accident d’un Airbus 320 de la compagnie Air Inter survenu le 20 janvier 1992 (6) Il s’agit de : l’Académie de l’Air et de l’Espace (ANAE), France ; la Royal

Aeronautical Society (Grande-Bretagne), la Civil Air Navigation Services organization (USA ) et la Flight Safety Foundation (USA)

Page 11: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

11

1 ère partie : La prévention des accidents aériens Au lendemain de la seconde guerre mondiale, est apparu le besoin de structurer une activité presque nouvelle mais en tout état de cause en expansion rapide : le transport aérien. Chapitre 1 – Les institutions régulatrices Section 1 – Les institutions internationales § 1 : L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) A l’issue de la seconde guerre mondiale, les représentants de 54 états, ressentant le besoin d’une structuration du transport aérien face aux progrès technologiques rapides de l’aéronautique, se sont réunis en novembre 1944 à l’occasion de la Conférence internationale de l’aviation civile. A l’issue de cette conférence, 32 des états participants signèrent la Convention relative à l’aviation civile, dite Convention de Chicago, le 7 décembre 1944. Trois grands principes sont clairement établis : la souveraineté des états sur l’espace aérien s’étendant au-dessus de leur territoire, l’égalité des états quant au droit de participer au transport aérien international, et le principe de non ingérence dans les affaires intérieures. La convention s’efforce cependant d’uniformiser les pratiques nationales mais les états restent souverains. Une organisation destinée à réglementer l’aviation civile est créée en 1945 l’OPACI, ou Organisation Provisoire de l’Aviation Civile, qui sera remplacée en 1947 par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale). L’OACI est une institution spécialisée des Nations Unies. Son objectif est de développer un transport aérien sûr, régulier et efficace. Le siège de l’OACI est à Montréal, et depuis sa fondation, le nombre des états membres s’est considérablement accru, et atteint à présent 190 membres. Elle est composée de trois organes principaux : l’Assemblée, le Conseil (organe exécutif) et le Secrétariat. Le conseil est formé de 36 état, et s’appuie sur différents organes auxiliaires, dont le Comité du transport aérien. Le secrétariat comporte cinq divisions : navigation aérienne, transport aérien, coopération technique, affaires juridiques, administration et services. Dix-neuf annexes ont été publiées par l’OACI pour réglementer l’ensemble des activités de l’aviation civile : l’annexe 13 est celle qui concerne les enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation ; elle a été publiée en 1951 et plusieurs fois complétée depuis (annexe 1) Depuis 1996, l’OACI conduit un programme volontaire d’évaluation des moyens de supervision de la sécurité des transporteurs par les états.

Page 12: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

12

L’OACI est également à l’origine du système ADREP (cf. chapitre 2, section 2) De plus, la fatigue des équipages étant un facteur accidentogène reconnu – notamment avec l’émergence des compagnies dites « low cost » dans lesquelles les équipages travaillent à la limite des temps de service autorisés par les réglementations – l’OACI a mis en place un programme de travaux de « Fatigue Risk Management ». La conférence sur la sécurité aérienne Du 29 mars au 1er avril 2010, 600 experts se sont réunis pour examiner les problèmes récents affectant la sécurité du transport aérien, et notamment l’accident du vol AF447 Rio-Paris le 1er juin 2009, accident qui reste à ce jour inexpliqué. L’OACI vise à réduire encore le nombre d’accidents d’avions mortels, et souhaite intégrer de nouveaux pouvoirs qui lui permettraient d’inciter les états défaillants à se conformer aux normes internationales. A l’ordre du jour de cette conférence figuraient deux thèmes principaux : « les fondements de la sécurité mondiale de l’aviation » et « Vers une gestion proactive de la sécurité » (annexe 2) Il a donc été convenu de mettre en place une nouvelle méthode de surveillance des états ; les renseignements actualisés seront collectés en permanence, alors que jusqu’alors l’OACI ne procédait que par audits ponctuels. La transparence de l’information sera accrue – sur demande d’ l’Europe et plus particulièrement de la France – afin que le public soit informé du niveau de sécurité des compagnies aériennes. La question de la sauvegarde des données et du suivi des vols a été également abordée. § 2 : L’IATA (International Air Transport Association) Si l’OACI concerne les états, l’IATA est un organisme de droit privé international qui assure la défense et la représentation des intérêts des transporteurs aériens réguliers, notamment dans leurs relations avec l’OACI. Elle regroupe 231 compagnies, représentant 93% du trafic régulier international. Elle s’attache à établir la conformité des compagnies à des normes de sécurité qu’elle a définies, sur la base de règlements internationaux mais aussi des « bonnes pratiques » reconnues par les compagnies aériennes. L’IATA délivre aux compagnies aériennes un label de qualité dit « IOSA », à la suite d’un audit conduit par des auditeurs désignés, il est valable pour une durée de deux ans. La liste des compagnies titulaires du label IOSA peut être consultée en ligne sur le site Internet de l’IATA (7).

(7) www.iata.org

Page 13: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

13

§ 3 : La Flight Safety Foundation Fondée en 1947 aux Etats-Unis par Jérôme F.Lederer, la Flight Safety Foundation est une association qui s’est donnée pour but de réduire le risque et d’améliorer la sécurité de l’aviation dans le monde entier. Pour ce faire, elle met en œuvre des moyens de recherche, de formation et de communication. Elle regroupe plus de 1200 organisations réparties dans 150 pays. Basée à Alexandria (Virginie, USA), elle dispose d’un bureau régional à Melbourne et entretient un réseau d’organisations affiliées à travers le monde. Ses membres sont issus de l’industrie, des administrations et de la communauté des enquêtes techniques. Elle organise de nombreux colloques et se penche sur tous les problèmes sécuritaires rencontrés par les acteurs de l’aviation en général et du transport aérien en particulier. La Flight Safety Foundation n’a pas de rôle régulateur. Elle a souvent affiché des positions défavorables à l’enquête judiciaire et au traitement judiciaire des accidents d’avions.

Section 2 – Les institutions européennes

§ 1 : L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) L'Agence européenne de la sécurité aérienne a été instituée par le règlement (CE) n° 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2002, abrogé par le règlement (CE) n° 216/2008 L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA, en anglais EASA), est une agence de l’Union Européenne qui traite la sécurité aérienne, basée à Cologne (Allemagne) et qui est entrée en fonctions en septembre 2003. L’Agence emploie déjà quelques 400 agents issus de tous les pays d’Europe. Elle est un développement logique des Joint Aviation Authorities (JAA) qui avaient été créées en 1970 pour établir des normes européennes en matière d’avions de transport et de moteurs, avec la naissance d’une industrie européenne (Airbus). Ses prérogatives se sont ensuite étendues aux opérations, à la maintenance, aux licences du personnel navigant et aux normes de certification de tous types d’avions civils. La création et l’implémentation de l’EASA a vu le transfert du pouvoir régulateur des JAA vers l’AESA L’AESA a parmi ses missions la promotion du plus haut niveau possible de sécurité et de protection environnementale de l’aviation civile. Elle fournit son expertise technique à l’Union Européenne.

Page 14: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

14

§ 2 : La CEAC Fondée en 1955 par le Conseil de l’Europe, la Conférence européenne de l’aviation civile a pour objectif de promouvoir le développement d’un système de transport aérien sûr, efficace et durable. On remarque que cet objectif est très proche de celui annoncé par l’OACI… avec laquelle elle entretient des liens étroits. La CEAC compte 44 membres, et travaille en étroite collaboration avec l’industrie et divers organismes représentatifs de l’industrie aéronautique. Un programme volontaire, le programme SAFA (Safety Assessment of Foreign Aircraft) a été lancé en 1996 en partant du principe que le développement continu d'un système de transport aérien performant et fiable était intimement lié à la possibilité de se fier à la supervision de la sécurité assurée par les États tiers. (cf. chapitre 2, section 2, §2) Extrait du Programme de travail de la CEAC pour la période 2010 – 2012 (source : site CEAC ) Sécurité Cible : Renforcer les capacités de supervision de la sécurité des Etats membres de la CEAC dans l’ère post-JAA

Objectif Maintenir un haut niveau de sécurité à l’échelle paneuropéenne Cible : Promouvoir l’amélioration de la sécurité dans le système mondial de l’aviation Objectifs

• Poursuivre les travaux relatifs aux sujets susceptibles de véhiculer le concept européen de « culture sécuritaire » de l’aviation civile, par le biais d’un partage d’expériences et de savoir-faire.

• Dans le cadre des actuels MoU signés entre la CEAC et les organisations jumelles, renforcer la connaissance mutuelle entre la CEAC et les autres régions sur leurs activités respectives de supervision de la sécurité.

Enquête-accidents Cible : Accentuer les synergies européennes dans le domaine des enquêtes Objectifs

• Harmoniser l’approche des Etats membres de la CEAC à l’égard des modalités d’enquête sur les accidents/incidents, en tenant compte des développements au sein de l’UE.

Page 15: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

15

Section 3 – Les institutions nationales

§ 1 : Les organes

a) la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) La DGAC dépend du Ministère de l’Energie, de l’Ecologie, du Développement durable et de la Mer. Elle a pour mission fondamentale d’assurer la sécurité du transport aérien. La direction de la sécurité de l'Aviation civile(DSAC) et la direction des services de la Navigation Aérienne (DSNA) sont deux piliers majeurs de cette sécurité active.

• La DSAC organise la certification des aéronefs et le suivi du contrôle technique tout au long de la vie des avions.

• La DSNA assure un suivi permanent de tous les événements qui surviennent en matière de navigation aérienne et effectue toute analyse de sécurité, a priori et a posteriori.

Implantée en région parisienne, à Issy-les-Moulineaux, la DGAC a des directions régionales des antennes locales en métropole et dans les départements et collectivités territoriales d’Outre-Mer.

b) le Bureau d’Enquêtes et d’ Analyses

Le BEA est l’organisme officiel français en charge de l’enquête technique ( cf. Partie 2, chapitre 1 section 1)mais joue un rôle préventif important en émettant des recommandations pour qu’un accident donné ne puisse se reproduire. Ces recommandations sont transmises sans délai à la DGAC, ou à l’EASA ; ces organismes décident de l’opportunité d’une mesure à prendre ; ces mesures peuvent prendre des formes diverses : de la consigne de navigabilité au retrait du certificat de navigabilité d’un type d’avion. La suite donnée aux recommandations du BEA est à présent accessible sur le site du Ministère de l’Energie, de l’Ecologie, du Développement durable et de la mer. (8) Un exemple de suivi des recommandations est donné en annexe (annexe 3) s’agissant d’un accident survenu en 2006 à Besançon, le crash au décollage d’un Beech C90 transportant deux médecins et pour lequel des dysfonctionnement sérieux avaient été relevés lors de l’enquête technique. Il est ainsi possible de tracer le suivi donné par les autorités aéronautiques aux recommandations consécutives à l’enquête technique. Les recommandations dans ce cas précis portaient sur l’obligation d’équipage à deux et d’emport d’enregistreurs en transport public quelle que soit la taille de l’avion.

(8) www.developpement-durable.gouv.fr

Page 16: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

16

§ 2 : Le cadre juridique des accidents aériens en France

a) Le Code de l’Aviation Civile Sur l’enquête technique :

• articles L 711-1 à L-711-3 • articles L-722-1 à L 722-4 • article L 723-1 • articles L 731-1 à L-731-5 • articles L 741-1 à L-741-3 b) Les Règles du Code Pénal

Sur l’application territoriale de la loi française :

• article 113-4 • article 113-11

Sur la responsabilité des personnes morales :

• article 121-2

Sur la mise en danger de la vie d’autrui et la faute « d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » :

• article 121-3 Sur l’homicide involontaire conséquence de la faute prévue à l’article 121-3 :

• article 221-6 Ces différentes institutions ont établi l’architecture d’un système de surveillance, de suivi, de retour d’expérience et de recommandations visant à améliorer la sécurité. Plusieurs grandes actions sont en cours de réalisation, et leur implémentation de même que leur contenu est en évolution en fonction des évènements mais aussi – et il s’agit là plus précisément de l’Europe – de l’organisation économique et politique des pays.

Page 17: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

17

Chapitre 2 – Les grandes actions de prévention des accidents Les grands principes directeurs des programmes visant à améliorer la sécurité du transport aérien sont généralement élaborés au niveau mondial ; on les retrouve dans les différentes actions mises en œuvre au niveau européen et au niveau national. Section 1 – La gestion de la sécurité, un programme international

La croissance du transport aérien conduit à une exigence toujours plus grande en matière de sécurité. L’OACI fait obligation aux états membres d’établir un programme de sécurité afin d’atteindre un niveau de sécurité acceptable des exploitations aériennes nationales : le SMS (Safety Management System), en français SGS (Système de Gestion de la Sécurité)

En France la DGAC a émis une exigence sur la mise en œuvre d’un Système de Gestion de la Sécurité (SGS) dans l’arrêté et l’instruction du 22 décembre 2008 (annexe 4) pour les exploitants de transport aérien public, les organismes de gestion de maintien de navigabilité et organismes d’entretien. A la date du 01 janvier 2012, toutes les dispositions de l’arrêté complétées par l’instruction devront être satisfaites.

Il s’agit d’une « approche structurée de la gestion de la sécurité qui englobe les structures, les responsabilités, les politiques et les procédures organisationnelles en vue d’assurer une exploitation sûre et la navigabilité des aéronefs » L’arrêté fixe l’obligation et les modalités relatives à la mise en œuvre de gestion de la sécurité pour les entreprises de transport aérien public ainsi que pour les entreprises assurant la maintenance des aéronefs. Une personne doit être nominativement désignée et acceptée par l’autorité de tutelle pour gérer le système de gestion de la sécurité ; elle reporte directement au dirigeant responsable. Section 2 – Le Système ADREP L’OACI a commencé à publier des statistiques sur la sécurité en 1951 à partir d’une banque de données appelée ADREP (Accidents Data Reporting Experts Panel), Depuis, le système ADREP a évolué pour centraliser les données de sécurité

Page 18: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

18

concernant les circonstances et les causes des accidents et incidents établies par les autorités nationales, et les communique aux états contractants. Les dispositions sur la communication de renseignements au système ADREP ont été introduites dans la 4e édition de l’annexe 13 en 1976. Plusieurs actualisations d’ADREP ont été implémentées en 1976, 1979, 1992 et 2000. Au départ deux éléments étaient codés : l’événement déclencheur et l’événement corrélatif. Ce nombre ayant été jugé trop limitatif, le système a été révisé pour permettre le codage de cinq évènements. La taxonomie ADREP ainsi modernisée a été mise en application en 1987. La dernière version(ADREP 2000) intègre le modèle SHELL (9) Le Modèle SHELL propose une méthodologie analytique basée sur quatre grands thèmes :

- interface homme-machine, homme-système - interactions homme :systèmes de soutien et d’aide - composante humaine - interactions hommes/hommes - interactions homme/environnement

Un système de base de données européen, l’ECCAIRS (10) a été créé, qui fonctionne avec la taxonomie ADREP de l’OACI depuis janvier 2004. Section 3 – Les actions spécifiques européennes § 1 : La « Liste Noire » de l’Union Européenne

Dans le but de renforcer la sécurité en Europe, les ministres des transports des pays de l’Union européenne ont décidé en 2005 – à la suite notamment d’une exceptionnelle « série noire » d’accidents : A340 d’Air France à Toronto, MD 83 de la WEST Caribbean au Venezuela… - de mettre en place un processus commun d’interdiction ou de restriction d’exploitation dans l’espace aérien européen de compagnies aériennes jugées peu sûres.

Les décisions d’interdiction ou de restriction d’exploitation prises à l’encontre des compagnies aériennes étrangères font suite à une évaluation des compagnies concernées vis-à-vis des normes minimales de sécurité, établies par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), que les Etats signataires de la Convention de Chicago se sont engagés à respecter pour leurs vols internationaux.

(9) SHELL : Software Hardware Environment et Liveware. (10)Centre européen de coordination des systèmes de notification des incidents d’aviation

Page 19: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

19

Ce pouvoir de décision a été conféré à la Commission européenne par un règlement n°2111-205 du Parlement et du Conseil du 14 décembre 2005. Aux côtés des autorités des États membres chargées de la sécurité aérienne, la Commission étudie le cas du niveau de sécurité des compagnies aériennes étrangères lors de comités consultatifs appelés comités «sécurité aérienne».

Ces comités « sécurité aérienne » ont lieu très régulièrement (environ tous les trimestres) et réunissent notamment des représentants de l’aviation civile de l’ensemble des Etats Membres de l’Union Européenne, de l’Agence Européenne pour la Sécurité de l’Aviation Civile (AESA) et de la Commission européenne.

L’établissement de cette « liste noire » se base sur trois critères :

- les informations reçues par la commission relatives à de sérieux manquements en matière de sécurité, ou d’une incapacité de la part du transporteur à remédier à des manquements décelés lors d’inspections au sol, ou encore si la Commission a eu connaissance d’un accident ou d’un incident grave révélateur de manquements en matière de sécurité ;

- un manque de transparence ou de communication de la part d’un transporteur à la suite de lacunes constatées lors d’une enquête menée par l’autorité de l’aviation civile d’un état membre ;

- un manque de coopération d’un état quant au contrôle d’un exploitant ressortissant de cet état, ou l’incapacité des autorités de cet état à surveiller les aéronefs du transporteur concerné, ou à faire respecter les normes de sécurité.

La liste des compagnies dont le cas a été examiné dans le cadre des comités « sécurité aérienne » de la Commission européenne est publiée sur plusieurs Internet, notamment celui de la DGAC, et régulièrement mise à jour. Elle est à la disposition des passagers qui sont fortement encouragés à ne pas embarquer sur ces compagnies, notamment à l’occasion de forfaits touristiques proposés par les voyagistes, qui ont par ailleurs obligation d’informer leurs clients de l’identité et de la nationalité de la compagnie sur laquelle ils comptent les faire voyager (décret du 17 mars 2006, abrogé par un décret du 6 octobre 2006, mais les dispositions ont été reprises dans les articles R211-15 et suivants du code du tourisme).

Le comité sécurité aérienne examine régulièrement le cas de plusieurs compagnies qui n’ont pas nécessairement fait l’objet d’interdictions soit parce que les défauts de sécurité rapportés s’avèrent, après analyse approfondie, non pertinents, soit parce que l’Etat ou la compagnie concernés ont pris des mesures correctives dont l’efficacité a été reconnue par le comité.

L’article 6 du règlement du 14 décembre 2005 prévoit qu’en cas d’urgence, un état membre peut prononcer une interdiction d’exploitation immédiate concernant son propre territoire ; cet état soumet sans délai à la Commission une demande de mise à jour de la liste communautaire.

Page 20: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

20

§2 : Le programme SAFA (Safety Assessment of Foreign Aircraft)

En 1996, la CEAC (Conférence Européenne de l’Aviation Civile) a, dans le prolongement des évaluations de l’OACI, initialisé un programme d’inspection sur les aires de trafic des aéronefs qui atterrissent dans des états membres de la CEAC. Le programme SAFA est appliqué par les 38 états membres de la CEAC, et porte sur tous les aéronefs étrangers, d’un pays membre ou non membre. Sont inspectés : la documentation de l’aéronef, les licences de l’équipage, l’état apparent de l’aéronef, la présence et l’état des équipements obligatoires. Les informations recueillies sont intégrées dans une base de données.

L’Union européenne participe activement au programme SAFA, qui a été transféré à l’AESA fin 2006.

Entre 1996 et ce transfert du programme SAFA à l'AESA, plus de 36 000 inspections ont été menées et introduites dans la base de données § 3 : Le programme SAFO En répondant aux exigences qui leur incombent, les autorités européennes (AESA) ont considéré utile, en particulier à l’aune des débats budgétaires à l’échelon national, de disposer d’un référentiel sur les différentes manières dont, ailleurs, la supervision de la sécurité est organisée et dotée en moyen. Fournir un tel référentiel est l’objet de l’étude SAFOBench, qui est conduite au profit de la CEAC par des consultants sous la gouverne d’un Groupe d’orientation de la CEAC. Cette étude s’est donnée pour but de promouvoir la compréhension mutuelle et à renforcer un peu plus la sécurité de l’aviation en Europe. Grâce à tous ces programmes, de nombreux accidents peuvent être évités, et la participation des compagnies à l’activité du transport aérien mondial verra peu à peu l’élimination de compagnies dont le niveau sécuritaire n’a pas passé les filtres des évaluations. Il n’en demeure pas moins vrai que des accidents continueront à se produire, à l’aune du nombre croissant d’heures de vol effectuées et de passagers transportés.

Page 21: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

21

2e partie : L’enquête en accidentologie aérienne : le principe de la double enquête Dans le cadre juridique défini Partie 1, chapitre1, section 3, §2, deux enquêtes sont déclenchées simultanément suite à un accident d’avion de transport - l’enquête technique, ou enquête administrative, confiée au Bureau d’Enquêtes et Analyses, le BEA ; elle trouve ses sources dans l’annexe 13 de l’OACI (annexe 1) : « Enquêtes sur les accidents et incidents de l’aviation directive communautaire 94/56/CE du Conseil de l’Union Européenne du 21 novembre 1994 (annexe 5) et la loi 99-243 du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et incidents aériens en aviation civile (annexe 6) - l’enquête judiciaire, confiée sur requête du Procureur de la République à la Gendarmerie des Transports aériens ou à la Police aéronautique, suivant la compétence territoriale ; en matière d’accidents d’avions de transport c’est la Section de Recherches de la Gendarmerie des Transports aériens basée à Roissy Charles de Gaulle qui est chargée de l’enquête. Le principe de la double enquête prévaut dans tous les pays signataires de la Convention de Chicago. Les modalités et les interactions entre les deux enquêtes peuvent cependant différer suivant les pays.

Chapitre 1 – L’enquête technique ou enquête administrative Section 1 - Les textes

§1 : L’annexe 13 de l’OACI

Ce texte précise la responsabilité de l’ouverture et de la conduite de l’enquête : dans le cas d’un accident ou incident survenu sur le territoire d’un état contractant à la Convention de Chicago (1) : état d’occurrence et état d’immatriculation. Si l’accident est survenu sur le territoire d’un état non contractant et si cet état n’a pas l’intention de mener un enquête conformément à l’annexe 13, l’état d’immatriculation ou à défaut l’état de l’exploitant s’efforce d’ouvrir et de mener une enquête en collaboration avec l’état d’occurrence ou si impossibilité, seul. Dans le cas où il soit impossible d’établir avec certitude le lieu de l’accident, l’état d’immatriculation ouvre

Page 22: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

22

l’enquête avec l’assistance des états les plus proches du lieu de l’accident s’il se situe dans les eaux internationales. L’annexe 13 dispose des modalités de l’enquête, des moyens d’investigation et des participants à l’enquête §2 : La directive communautaire 94/56/CE du Conseil de l’Union Européenne du 21 novembre 1994 La directive 94/56/CE du 21 novembre 1994 (annexe …) établit les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile. Son objectif est d’ « améliorer la sécurité aérienne en facilitant la réalisation diligente d’enquêtes techniques, dont l’objectif exclusif est la prévention de futurs accidents ou incidents. » Elle s’applique aux accidents qui se sont produits sur le territoire de l’Union Européenne (alors de la Communauté), et en dehors du territoire de la communauté : aux enquêtes impliquant un aéronef immatriculé dans un état membre, ou exploité par une entreprise établie dans un Etat membre, dès lors qu’elles ne sont pas effectuées par un autre Etat. Les dispositions de la loi du 29 mars 1999 reprennent les principes de la directive §3 : La loi 99-243 du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et incidents aériens en aviation civile Cette loi modifie le livre VII du Code de l’Aviation Civile : « L’enquête technique menée à la suite d’un accident ou d’un incident d’aviation civile a pour seul objet, dans le but de prévenir de futurs accidents ou incidents et sans préjudice, le cas échéant, de l’enquête judiciaire, de collecter et d’analyser les informations utiles, de déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de cet accident ou incident et, s’il y a lieu, d’établir des recommandations de sécurité » Le but de l’enquête technique est ainsi clairement énoncé. Il diffère donc de celui de l’enquête judiciaire.

Page 23: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

23

Section 2 – Organisation de l’enquête technique § 1 : Principes de fonctionnement du BEA (Bureau d’enquêtes et analyses)

Le BEA se prononce sur les causes de l’accident mais n’aborde jamais les responsabilités ; il est également chargé d’émettre des recommandations à but sécuritaire comme mentionné plus haut.

Le Bureau d'Enquêtes et d'Analyses (BEA) pour la Sécurité de l'Aviation civile est l'organisme chargé pour la France des enquêtes techniques sur les accidents ou incidents dans l'aviation civile et intervient à ce titre aussi à l'étranger.

L'enquête technique a pour seul objet de collecter et d'analyser les informations utiles, de déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l'accident ou de l'incident et, s'il y a lieu d'établir des recommandations de sécurité afin de prévenir de futurs accidents et incidents. (source : BEA)

Le BEA a également vocation internationale, Il est associée par les organismes étrangers aux accidents ayant eu lieu à l’étranger si l’avion est de nationalité ou de conception française, ou si des victimes françaises se trouvaient à bord. Le BEA est directement rattaché au Ministère de l’Energie, de l’Ecologie, du Développement Durable et de la Mer. Ses modalités de fonctionnement et ses attributions sont définies par le décret n°2001-1043 du 8 novembre 2001 modifiant le livre VII du Code de l’Aviation Civile, enquête technique relative aux accidents ou incidents.

Organigramme du BEA

Le Directeur du BEA est depuis octobre 2009 Monsieur Jean-Paul Troadec, il succède à Monsieur Paul-Louis Arslanian qui fut longtemps la figure emblématique – autant que médiatique – du BEA.

Le BEA dispose d’antennes locales, d’enquêteurs techniques hautement spécialisés, et son effectif dépasse la centaine de personnes. Les enquêteurs du BEA sont généralement des Ingénieurs des Etudes et de l’Exploitation de l’Aviation Civile (IEEAC). Ils travaillent en collaboration avec des représentants des constructeurs et des exploitants.

Page 24: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

24

§2 : La Commission d’enquête Dans certains cas, le Ministère de tutelle peut décider de la formation d’une commission d’enquête lorsque la gravité de l’accident est considérée comme le justifiant de par son retentissement, notamment international. Sa composition est définie par l’article 711-10 du décret n°2001-1043 du 8 novembre 2001. Ses membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’aviation civile. Elle est tenue informée du déroulement de l’enquête technique et travaille en étroite collaboration avec le BEA, auquel elle peut proposer des recherches complémentaires. Le rapport d’enquête lui est soumis, et son activité cesse avec la publication du rapport d’enquête.

Page 25: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

25

§3 : Moyens de recherche

Une idée de l’importance des moyens mis en œuvre lors de l’enquête technique est donnée par la description des trois phases de recherche en mer menées pour tenter de récupérer les enregistreurs de l’Airbus A330 d’Air France (vol AF447 Rio-Paris) disparu en mer le 1er juin 2009. (source : BEA)

Opérations de recherches en mer, phase 1 : 10 juin - 10 juillet 2009

La France a déployé deux bâtiments et un sous-marin de la Marine nationale :

o les Bâtiments de la Marine Nationale

et trois navires affrétés par le BEA :

o le navire océanographique "Pourquoi pas ?"

Le navire océanographique « Pourquoi Pas »

o deux remorqueurs Louis Dreyfus Armateurs

Cette première phase consistait à rechercher les enregistreurs de vol à partir des signaux émis par les balises.

Page 26: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

26

Opérations de recherches en mer, phase 2 : 27 juillet - 17 août 2009

Une deuxième phase a débuté sur zone le 27 juillet 2009. Les balises acoustiques des enregistreurs de vol ayant cessé d'émettre, cette phase consistait à détecter et localiser l'épave de l'avion, à l'aide d'un Système Acoustique Remorqué (SAR) et des engins sous-marins Victor 6000 et Nautile.

Système Acoustique Remorqué

Les recherches n'ayant pas permis de localiser l'épave de l'avion, le gouvernement français a décidé de lancer une nouvelle phase de recherches sous-marines. Pour préparer cette troisième phase, le BEA a constitué un groupe international, auquel il a associé Airbus et Air France.

Opérations de recherches en mer, phase 3 : 2 avril – 24 mai 2010

Au cours des travaux préparatoires (septembre 2009 – janvier 2010) l'analyse des données des phases précédentes et la modélisation des structures de courants marins

ont permis d'estimer la dérive des débris de l'avion entre la date de l'accident le 1er juin, et la date de leur récupération à partir du 6 juin 2009. à réduire

Page 27: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

27

sensiblement la surface de la zone de recherches, qui est passée ainsi de près de 17 000 km2 à environ 2 000 km2.

La zone est située à environ 1 100 km des côtes du Brésil sur la dorsale atlantique au relief sous-marin très accidenté qui présente des variations de profondeurs allant de 700 à 4 600 mètres environ.

Pour toutes les opérations de recherche en mer, étaient présents à bord des navires un ou plusieurs officiers de police judiciaire, et pour la phase 3, un expert commis par les magistrats. En effet, lors de la phase « recherches » les moyens de l’enquête technique et de l’enquête judiciaire sont mis en commun.

§ 4 : Moyens d’investigation

a) Les enregistreurs de vol : CVR, DFDR Pour le public, ils sont dénommés – improprement – « boîtes noires », mais ils sont en réalité de couleur orange, afin de faciliter leur repérage sur les lieux ou à proximité du crash, ou dans des environnements hostiles, et enfin en mer.

1. Le DFDR (Digital Flight Data Recorder), enregistreur numérique des données de vol

Le DFDR enregistre durant les dernières 25 heures entre 28 à 1300 paramètres. Leur fréquence d’enregistrement est de 1 seconde.

La norme ARINC 717 spécifie les interfaces entre le DFDR et son environnement ; il est relié aux différents calculateurs et capteurs de l'avion par l'intermédiaire d'un boîtier d’acquisition le FDAU (Flight Data Acquisition Unit).

Page 28: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

28

Son exploitation nécessite des équipements particuliers, dont le BEA est doté, mais également d’autres laboratoires utilisés pour les besoins de l’enquête judiciaire, tels que le laboratoire RESEDA, dépendant de la DGA (Délégation Générale de l’Armement).

La technologie des DFDR évoluant rapidement afin de leur assurer le maximum de performances et de fidélité de récupération des paramètres, il peut arriver que l’assistance de leur constructeur soit nécessaire.

2. Le CVR (Cockpit Voice Recorder)

Les CVR enregistrent les voix du cockpit : communications radio, échanges entre l’équipage, bruit d’ambiance du poste, on peut notamment entendre toutes les alarmes sonores déclenchées lors d’un accident, ainsi que le bruit des moteurs et certaines bruits caractéristiques (pompes hydrauliques, sortie du train d’atterrissage)…. Quatre pistes magnétiques sont généralement enregistrées. Le CVR conserve les 30 dernières minutes d’enregistrement.

Les deux enregistreurs sont équipées d’une balise ULB (Underwater Locator Beacon) qui se déclenche en cas d’immersion ; cette balise émet un signal à ultrasons afin d’aider à localiser l’enregistreur. Sa durée d’émission est de 30 jours, ce qui dans le cas du vol AF 447 rend leur localisation très difficile dans la mesure où elle n’a pas été réalisée dans ce laps de temps. La survivabilité des enregistreurs aux chocs, au feu et à l’immersion est très importante, les données sont protégées par trois couches de matériaux destinées à assurer leur survie.

Page 29: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

29

Statut juridique des enregistreurs de vol : Les enregistreurs sont des pièces figurant en procédure, sous scellés. Ils sont donc confiés au BEA pour les besoins de l’enquête technique, mais restent sous la garde des OPJ qui assistent aux opérations de décodage au lieu de dépouillement et les emportent lorsque les opérations nécessaires sont terminées. Selon la loi n°99-243 du 29 mars 1999, titre II, Chapitre 1er « Pouvoirs des enquêteurs » : « … les enregistreurs et les supports d’enregistrements sont, selon les modalités prévues aux articles 97 et 163 du code de procédure pénale, préalablement saisis par l’autorité judiciaire et mis, à leur demande, à la disposition des enquêteurs techniques qui prennent copie, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire, des enregistrements qu’il renferment » L’annexe 13 de l’OACI précise dans son paragraphe 5.10, note 2 : « Il est possible de résoudre d’éventuels conflits entre les services d’enquête et les autorités judiciaires, en ce qui concerne la garde des enregistreurs de bord et de leurs enregistrements, en confiant ces derniers à un représentant des autorités judiciaires qui les apportera au lieu de dépouillement, assurant ainsi la continuité de la garde. » Il faut avoir présent à l’esprit la situation antérieure à l’accident d’un Airbus 320 à Habsheim en 1988 lors d’un vol de démonstration(accident qui avait fait trois morts et de nombreux blessés). C’étaient alors les enquêteurs techniques qui emportaient et traitaient directement les enregistreurs. On vu alors le pilote de l’Airbus accidenté contester leur authenticité. En l’absence de scellés judiciaires sur les enregistreurs, il avait fondé sa stratégie de défense sur l’incrimination des enquêteurs et du constructeur, qui était très lié avec l’organisme d’enquête technique via l’Etat, autorité de l’organisme d’enquête technique mais aussi actionneur dudit constructeur. Une procédure de garde des enregistreurs par l’autorité judiciaire a été mise en place postérieurement à cet accident. Un projet : la sauvegarde des données et le suivi des vols par transmission électronique Lors de la Conférence de Montréal sur la sécurité aérienne qui s’est tenue du 29 mars au 1er avril 2010, il a été abordé par l’OACI la question du suivi des vols, des communications avec l’avion et des systèmes d’alerte au-dessus des zones océaniques ou isolées. Bien que le remplacement, ou le doublement, des enregistreurs de vol par un système de stockage informatique des données soit à l’étude depuis longtemps, la problématique du vol AF 447 Rio-Paris, pour lequel les enregistreurs n’ont pas été récupérés ni même localisés, a mis cette question à l’ordre du jour.

Page 30: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

30

b) L’écoute des enregistrements des tours de contrôle et tous organismes de contrôle de la circulation aérienne L’écoute des communications radio entre l’avion accidenté et les organismes de la circulation aérienne est généralement riche d’enseignements sur le déroulement des évènements. Les bandes d’enregistrement des tours de contrôle, du contrôle d’approche ou éventuellement du Centre de Contrôle régional sont saisies et mises à la disposition du BEA, dont le laboratoire est bien équipé pour ces écoutes ; les techniciens du BEA réalisent alors une transcription des échanges radio. Il en est de même pour les images radar des organismes de la circulation aérienne.

§5 : Rapports intermédiaire et rapport final

Conformément à l'Article L731-3 (loi n° 99-243 du 29 mars 1999), le BEA « rend public au terme de l'enquête technique un rapport sous une forme appropriée au type et à la gravité de l'événement. Ce rapport n'indique pas le nom des personnes. Il ne fait état que des informations résultant de l'enquête nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident ou de l'incident et à la compréhension des recommandations de sécurité » Le BEA diffuse en cours d’enquête un ou plusieurs rapports d’étape. Un rapport final est diffusé en fin d’enquête. Ces rapports font l’objet d’une large communication au grand public par voie de presse ou tous moyens appropriés, selon le décret n°2001-1043 (annexe 7) Titre III, Art. R.731-1 : « Le directeur du BEA et, le cas échéant, le président de la commission d’enquête, habilités en application du II de l’article L.731-1, à communiquer sur les constatations faites, le déroulement de l’enquête technique et éventuellement se conclusions provisoires, utilisent les moyens qu’ils estiment appropriés tels que communiqués, conférences de presse, entretiens avec des journalistes ou insertions d’informations par tout support d’information à distance. Ils peuvent recevoir les victimes d’accidents d’aviation civile, leurs familles et leurs associations représentatives. » Article R.731-3 : « Les rapports d’enquête ainsi que les études et les statistiques établies par le BEA sont publics. Ils sont communicables dans les conditions prévues au titre 1er de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public. Ils sont mis à la disposition du public par tout moyen. »

Page 31: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

31

Les rapports du BEA sont à la disposition du public sur le site Internet du BEA (11) Les parties civiles sont fortement intéressées et parfois influencées par les communications du BEA, qui leur fournit des informations durant des phases où la justice ne peut pas communiquer, ces informations peuvent parfois constituer une gêne au bon déroulement de l’enquête judiciaire. La circulaire CRIM2005-02 E1/18-02-2005 aborde ce problème, en demandant notamment que, au nom de la coordination entre l’autorité judiciaire et le BEA, un représentant du ministère public soit présent lors des réunions avec les victimes, leurs familles et les associations représentatives. Ces personnes et associations pouvant d’ailleurs s’être constituées parties civiles dans le cadre de l’information judiciaire. La finalité de l’enquête technique est de manière inhérente l’émission de recommandations à but sécuritaire. Le BEA propose ses recommandations, à la DGAC et plus récemment à l’EASA ; ce sont ces organismes qui décideront de l’opportunité des mesures à prendre.

Chapitre 2 – L’enquête judiciaire Section 1 – Les acteurs de l’enquête judiciaire en France Dès que survient un accident aérien – de quelque nature que ce soit et a fortiori un accident d’avion de transport – le parquet est immédiatement saisi ; une pluralité d’acteurs interviennent sur les lieux pour rechercher et porter secours à d’éventuels survivants,(12) ce qui constitue la priorité dans les actions entreprises, et sécuriser les lieux afin d’en interdire l’accès au public et à la presse, faciliter l’accès aux équipes de secours et assurer la préservation des preuves. Le parquet est immédiatement prévenu et le procureur de la République (ou un membre du parquet) se rend le plus rapidement possible sur les lieux. Dès l’ouverture de l’enquête de flagrance (13) se met en place une organisation parfaitement rodée .

(11) www.bea-fr.org (12)décret n° 88-531 du 2 mai 1988 portant organisation du secours, de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer (13)article 53 et suivants du Code de Procédure Pénale

Page 32: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

32

Dans l’urgence, interviennent en outre

- les différents services de secours : SMUR, SAMU, - les services de la préfecture - les représentants de la DGAC et les enquêteurs de première

information - le Bureau d’Enquêtes Analyse, - la compagnie aérienne concernée, - les représentants des constructeurs et des motoristes, - les délégations consulaires concernées par la nationalité des

victimes

Ces différents intervenants ne sont pas impliqués dans l’enquête judiciaire. Les acteurs de celle-ci sont :

c) Le Procureur de la République d) Les Officiers de Police Judiciaire e) Le Juge d’Instruction f) Les experts g) Les parties civiles

§1 : Le Procureur de la République L’article R. 142-4 du Code de l’Aviation Civile dispose que « si l’accident ou l’incident entraîne des dommages aux personnes ou aux biens transportés, le procureur de la République est tenu informé ». Une enquête de flagrance, (article 53 du Code de Procédure pénale) d’une durée maximale de huit jours est menée sous le contrôle du Procureur de la République par les officiers de police judiciaire (14) A l’issue de l’enquête de flagrance est initialisé le processus d’enquête préliminaire (15) dont la durée est fixée par le Procureur de la République. (14) article 16 code de procédure pénale. Ne participent toutefois à l’enquête que les officiers de police judiciaire professionnels du maintien de l’ordre, à l’exclusion des maires et de leurs adjoints qui ont néanmoins la qualité d’OPJ (15) article 75 et 75-1 du Code de Procédure Pénale

Page 33: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

33

§2 : Les officiers de police judiciaire En matière d’accidents aéronautiques, la police et la gendarmerie sont les seuls officiers de police judiciaire auxiliaires des magistrats. Des unités spécialisées ont reçu une formation spécifique aéronautique. Il s’agit :

- de la police aéronautique - de la gendarmerie des transports aériens -

La répartition géographique des responsabilités en matière d’enquête sur un accident aérien est fixé par arrêté (16) La Gendarmerie des Transports Aériens a été créée par décret du 31 mars 1953. Depuis l’année 2009, elle dépend – comme l’ensemble de la Gendarmerie Nationale – du Ministère de l’Intérieur et non plus du Ministère de la Défense, bien que les gendarmes soient toujours des personnels militaires. Une Section de Recherches spécialisée de la Gendarmerie des transports Aériens a une compétence étendue à l’ensemble du territoire national en matière d’ enquêtes sur les accidents aériens majeurs, elle peut intervenir à l’étranger lorsque la compagnie est de nationalité française, ou que des français figurent parmi les victimes . Elle est basée sur l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, comporte une vingtaine de membres dont trois officiers, et compte dans ses rangs plusieurs Techniciens en Investigation Criminelle (TIC). Un OPJ particulier : le COCRIM Une récente réorganisation de la Gendarmerie Nationale (17) a créé une nouvelle fonctionnalité : le Coordinateur des opérations de criminalistiques (COCRIM). Intégrés aux sections de recherches et à certaines brigades, ils deviennent les coordonnateurs de l’enquête judiciaire et de l’enquête technique, mais également des secours, et de tous les intervenants de la scène de l’accident en toute première urgence. Les COCRIM sont des TIC (Techniciens en investigation Criminelle), ils ont également reçu une formation aéronautique de base, et sont rodés aux situations de crise pour lesquelles ils participent régulièrement à des simulations de crash ; sur la scène de l’accident, ils sont des facilitateusr de l’enquête judiciaire mais également de l’enquête technique. (16) arrêté du 7 janvier 2000 du Ministre de l’Intérieur (17) circulaire n°65.000 DEF/GEND/SDPJ du 25 juin 2004

Page 34: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

34

§3 : Le Juge d’Instruction Une instruction sera toujours ouverte pour un accident d’avion de transport, ne serait-ce que par l’existence systématique de parties civiles : ayants droits des victimes, victimes survivantes mais également organisations professionnelles, syndicats, et toute personne ayant subi un préjudice du fait de l’accident. Une commission rogatoire est délivrée par le Juge d’Instruction, généralement à la Section de Recherche de la GTA, qui nomme un Directeur d’Enquête qui sera l’interlocuteur du Juge d’Instruction dans le cadre de cette enquête.(18) En accidentologie aérienne, il est fréquent qu’apparaisse la nécessité d’enquêter à l’étranger. Ceci ne peut se faire qu’au travers d’une commission rogatoire internationale, dont la procédure est assez longue et peut différer sensiblement suivant qu’il s’agisse de se rendre dans un pays ayant des accords avec la justice française – dans ce cas peu de difficultés à prévoir- ou n’ayant pas de tels accords. Le processus peut être très long, sans aucune certitude d’aboutir, c’est le cas lorsque la France est impliquée dans des accidents survenus dans des pays du Tiers-Monde. Le principe de la souveraineté nationale réserve aux états le droit de refuser la demande de commission rogatoire internationale. Si elle acceptée, les enquêteurs français, accompagnés éventuellement des Juges d’instruction et des experts judiciaires, se rendront dans le pays concernés, mais les actes seront accomplis par les policiers ou les magistrats du pays récepteur, généralement sans intervention active des enquêteurs français. La délai imposé par les formalités imposées par la commission rogatoire : rédaction de l’acte par le magistrat demandeur, transmission à la Chancellerie et au Ministère des Affaires Etrangères, transmission aux autorités du pays récepteur et acceptation par ce pays – peut être très long : plusieurs mois, voire une année, au bout de laquelle la réponse positive n’est pas forcément acquise. Ceci contribue à la présumée lenteur des procédures judiciaires dont les détracteurs de l’enquête judiciaire se font un argument privilégié. Il est vrai que les enquêteurs techniques ont la possibilité de se rendre sur les lieux où que ce soit, sans délai s’ils participent à l’enquête technique de leurs collègues étrangers. . §4 : Les experts Les magistrats ne sont pas des techniciens, et en matière aéronautique il n’existe pas de pôle d’instruction spécialisé comme c’est le cas dans d’autres disciplines. Or l’aéronautique est une spécialité hautement technique, les magistrats choisissent le plus souvent – et en tout cas lors de la survenance d’accidents aériens majeurs – de faire appel à un ou plusieurs experts. (18) art 151 du Code de Procédure Pénale

Page 35: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

35

Ces techniciens sont inscrits sur la liste d’une Cour d’appel, et pour certains d’entre eux sur la liste nationale établie par la Cour de Cassation. Ce sont des professionnels ayant acquis un niveau élevé de connaissance et d’expérience dans leur domaine d’expertise, et leur candidature a été soigneusement examinée par leur Cour d’Appel lors de leur demande d’inscription. Ils sont nommés par le Juge d’instruction qui rédige une ordonnance de commission d’expert précisant leur mission et les questions auxquelles celle-ci doit apporter une réponse. Le statut des experts de justice (19) est défini par l’article 156 du Code de Procédure Pénal. Un accident aérien implique toujours plusieurs aspects : mécanique (état de l’avion, état de la maintenance), conceptuel (conception de l’avion, un domaine très pointu avec l’importance croissante des calculateurs dans l’architecture des systèmes) opérationnel (procédures de la compagnie, respect de celles-ci par l’équipage), météorologique, mais aussi humain, et nous avons vu que les facteurs humains jouaient un rôle prépondérant en accidentologie aérienne. Il est rare qu’un seul et même expert réunisse des compétences étendues dans tous ces domaines, aussi la tendance est-elle à la nomination de collèges d’experts. Une autre solution consiste, pour l’expert, à s’adjoindre un « sapiteur », qui est un technicien non inscrit sur une liste d’expert mais dont le rôle va consister à éclairer l’expert sur un point précis nécessitant des connaissances plus approfondies. Il ne s’agit par pour l’expert de déléguer une partie de son travail, ce qui est formellement interdit, mais d’acquérir une compréhension plus fine d’un domaine spécifique. A la fin de leur mission, les experts rendent leur rapport. Ils prêtent serment lors de leur première inscription. Ceci nous conduit à envisager l’aspect déontologique de la fonction expertale. Cette déontologie fait couler beaucoup d’encre à l’aune d’accidents récents et fortement médiatisés, mais son respect est un réel devoir pour l’expert, qui soit notamment n’accepter une mission que dans le cadre de ses compétences, et qui est également astreint aux même règles d’indépendance par rapport aux parties que les magistrats. Une obligation majeure de la déontologie de l’expert est naturellement le respect du secret de l’instruction. (19) La dénomination «expert de justice » s’est récemment substitué à celle d’ « expert judiciaire », car ces experts peuvent être nommés par des magistrats de l’ordre judiciaire comme de l’ordre administratif, d’où élargissement de leur dénomination. Ils redeviennent « experts judiciaires » lorsqu’ils sont commis par un magistrat de l’ordre judiciaire

Page 36: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

36

Bien que l’expert ne doive pas dire le droit, il n’est pas inutile qu’il ait une certaine connaissance des règles de procédure, et le suivi de formations – généralement assurées par les magistrats et organisées par les compagnies d’expert – est devenu depuis 2004 (20) une obligation sous peine de suspension ou de radiation. Il existe dans plusieurs universités un Diplôme Universitaire d’Expertise Judiciaire, ce cursus est loin de constituer une pratique généralisée, bien que certains experts aient choisi d’aller encore plus loin…. Il existe actuellement en France une cinquantaine d’experts inscrits dans les spécialités aéronautique et transport aérien de la nomenclature officielle : on y trouve des ingénieurs, des mécaniciens, quelques pilotes de ligne et quelques pilotes d’essai. Deux Compagnies d’expert leur sont ouvertes : la Compagnie Nationale des Experts de Justice du Transport (CNEJT) et la toute nouvelle Compagnie Nationale des Experts de Justice en Aéronautique et Espace (CNEJAE). § 5 : Les parties civiles Un phénomène nouveau est apparu depuis environ deux décennies : l’organisation des victimes ou ayants-droit des victimes qui se sont constitués en associations, et de nombreux avocats se sont spécialisés dans la défense de leurs droits. A partir de 1999 sont nées de telles associations : ECHO (accident du Mont Saint Odile) « Crash Quiberon » (accident de Proteus Airlines), TWA 800….qui se sont regroupées en une fédération, la FIVAA (Fédération des Victimes des Accidents Aériens). Elle s’est donnée pour but l’accompagnement et le soutien aux familles des victimes, qui sont ainsi accompagnées dans leur démarche juridique qui est toujours ressentie comme une étape vers l’accomplissement du deuil Une autre association, la FENVAC (Fédération Nationale des Victimes d’Accidents Collectifs) a obtenu du législateur la possibilité de se porter partie civile, sous certaines conditions, en vertu de la loi du 8 février 1995 ; l’article 2-15 du Code de Procédure Pénale en dispose :

« Toute association régulièrement déclarée ayant pour objet statutaire la défense des victimes d’un accident survenu dans les transports collectifs ou dans un lieu ou local ouvert au public ou dans une propriété privée à usage d’habitation ou à usage professionnel et regroupant plusieurs de ces victimes peut, si elle a été agréée à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne cet accident lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »

(20) loi du 11 février 2004 et décrets du 23 décembre 2004

Page 37: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

37

L’agrément est accordé après examen de leur représentativité, leur gestion désintéressée et leur engagement à la défense des droits des victimes.

§ 6 : De l’apparition du contradictoire dans la procédure pénale des accidents aériens : la loi du 5 mars 2007 et ses conséquences

La loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale modifie et/ou créée plusieurs articles du Code de Procédure Pénale qui concernent directement le traitement judiciaire des accidents aériens, et plus particulièrement l’expertise. Tout d’abord, la décision ordonnant une expertise doit être communiquée aux avocats des parties, qui disposent d’un délai de 10 jours pour demander au juge d’instruction - de modifier ou compléter les questions posées à l’expert - ou d’adjoindre à ou aux experts désignés un expert de leur choix figurant sur les listes. (21) S’agissant du rapport d’expertise, le juge d’instruction donne connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après les avoir convoqués ; il fixe un délai aux parties pour présenter des observations ou demander un complément d’expertise ou une contre-expertise. Le juge d’instruction peut également demander à l’expert de déposer un rapport provisoire avant son rapport définitif ; le ministère public et les parties disposent d’un délai minimal de 15 jours pour adresser à l’expert et au juge leurs observations écrites. (22) Avec l’implémentation de la loi du 5 mars 2007, on a donc vu apparaître le contradictoire dans une procédure de type inquisitoire. Ce nouveau modus operandi va-t-il endiguer le flot de polémiques suscitées par des « experts » souvent auto-proclamés, agissant généralement pour le plus grand bonheur des journalistes, mais dont on peut douter qu’elles contribuent efficacement à la manifestation de la vérité ? On ne peut en tout état de cause que le souhaiter. (21) article 161-1 (22) article 167

Page 38: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

38

Section 2 – Les moyens techniques à la disposition de l’enquête judiciaire Il est parfois difficile de faire un partage net entre les moyens mis en œuvre par l’enquête technique et ceux que met en œuvre l’autorité judiciaire, car il existe tout naturellement une communalité de mise en œuvre des moyens lorsqu’il s’agit de récupération de l’épave et des corps. La séparation est beaucoup plus nette lorsqu’il s’agit des moyens techniques d’investigation.

§ 1 : Les moyens de relevage de l’épave, des corps, de tous moyens de preuve Tous moyens sont mis en œuvre – une fois terminées les opérations de recherche et de sauvetage d’éventuels survivants - pour la récupération Des pièces de l’épave, des corps et de leur identification, de la récupération des effets personnels qui seront sur décision du magistrat restitués aux familles, et sur la recherche de tout moyen de preuve destiné à contribuer à la manifestation de la vérité. Ces moyens sont souvent très importants, notamment si l’avion a disparu en mer. Une fois l’épave localisée, la zone est balisée par des bouées et le préfet maritime la déclare zone interdite à la navigation par arrêté. Des opérations de plongée sont organisées, et en fonction de la profondeur à laquelle se trouve l’épave, il est fait appel à un navire cablier doté d’un bras robot capable d’opérer à des profondeurs importantes. Ce fut le cas notamment lors de l’accident du Boeing de Flash Airlines à Charm el Cheikh, en 2004, et de l’accident du Twin-Otter d’Air Moorea en 2007.

Récupération de quelques pièces du Twin Otter d’Air Moorea, août 2007

Page 39: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

39

§ 2 : Les laboratoires spécialisés

a) l’IRCGN L’Institut de Recherches Criminelles de la Gendarmerie Nationale est implanté au Fort de Rosny sous bois. Il effectue des examens scientifiques ou des expertises à la demande des magistrats et des directeurs d’enquête. L’IRCGN comporte trois divisions : la division physique et chimie (incendie, explosifs, toxicologie), la division ingénierie et numérique, la division identification humaine.

b) RESEDA (Restitution d’Enregistreurs d’Accidents) Ce laboratoire, dépendant de la Délégation Générale à l’Armement, réalise pour les besoins de l’enquête judiciaire la transcription des données du DFDR (la transcription effectuée par le BEA pour les besoins de l’enquête technique ne peut pas être versée à la procédure, néanmoins les magistrats et les experts la consultent à titre de document de travail). Il dispose également d’un logiciel lui permettant de réaliser une animation corrélant les données du CVR et celles du DFDR, ces animations présentent à la fois le tableau de bord et une vue extérieure dynamique de l’avion, avec en sonorisation le CVR.

c) DGA Essais Propulseurs (ex Centre d’Essais des Propulseurs) Implanté à Saclay en région parisienne, DGA Essais Propulseurs examine les moteurs ou leurs composants, ils reçoivent notamment les échantillons de carburant ou autres fluides recueillis sur l’épave de l’avion. Leur laboratoire et leurs techniciens hautement qualifiés sont mis contribution dans le cadre d’une ordonnance de commission d’expert. Leurs domaines d’intervention sont variés :

• Essais militaires et civils de turbomachines en conditions d’altitude simulée • Essais en conditions givrantes de turbomachines, entrée d’air de moteurs, profils

aérodynamiques • Essais de sous-ensembles de moteurs : compresseurs, chambres de combustion • Essais de systèmes carburant (circuit complet et composants) y compris en givrage • Investigations après accidents ou incidents sur les moteurs aéronautiques et exploitation des

données des enregistreurs de vol (source : site DGA)

d) DGA Technique Aéronautique (ex Centre d’essais aéronautiques de

Toulouse) Implanté à Toulouse, DGA Technique Aéronautique (longtemps connu sous l’appellation CEAT) est spécialisé dans les structures. Leurs compétences sont presque systématiquement requises pour l’examen des pièces de l’avion accidenté, et ils peuvent faire « parler » les pièces métalliques pour

Page 40: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

40

obtenir des informations relatives à leur rupture, les charges supportées, le comportement des structures, et permettent de savoir par exemple si une pièce d’avion a cassé en vol ou bien sous l’effet de l’impact, si un avion est tombé entier ou s’est désintégré en vol…. Les domaines d’intervention de DGA Technique Aéronautique sont nombreux :

• Analyse du comportement mécanique des structures en statique, fatigue et dynamique, suivi des flottes en service

• Analyse et évaluation du comportement des systèmes, des sous-systèmes et des armes et munitions face aux agressions électromagnétiques

• Analyse de la sûreté de fonctionnement des systèmes et logiciels embarqués • Analyse des performances et expertise des matériaux pour applications structurales et

moteurs • Investigations après accidents ou incidents sur matériaux, cellules et systèmes • Expertise et évaluation d'équipements de mission (sécurité sauvetage équipage et vision

nocturne) et de signatures optiques • Essais d’aérotransport et d'aérolargage (source : site DGA)

Ces deux laboratoires travaillent sur les accidents aériens civils et militaires. § 3 : Les reconstitutions d’épaves

Pour la compréhension du déroulement des évènements et la manifestation de la vérité, il est parfois nécessaire de reconstituer l’avion, autant que faire se peut, au moyen des pièces récupérés lors du relevage. Ce fut le cas du Concorde, « reconstitué » dans un hangar du Bourget, ou du Canadair accidenté en Corse en 2005.

Reconstitution du Boeing 747 après l’accident du vol TWA 800

Page 41: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

41

§ 4 : L’ANACRIM L’analyse criminelle (ANACRIM) est un outil informatique dont disposent les officiers de police judiciaire pour procéder à des corrélations de données, en analysant les différentes auditions de témoins réalisées lors de la commission rogatoire. Cet outil permet des rapprochements par mots-clés et l’exploitation d’une base de donnée étendue. Chapitre 3 - Les difficultés de cohabitation entre les deux enquêtes ll est facile de dégager des différences fondamentales entre les deux enquêtes : -sur le fond ; l’enquête technique a pour but de déterminer les causes d’un accident et d’émettre des recommandations sécuritaires afin que l’accident ne se reproduise pas ; elle ne se prononce jamais sur les responsabilités. Ses résultats ne peuvent être utilisés à des fins d’établissement des responsabilités contrairement à l’enquête judiciaire dont c’est l’objectif. -une différence fondamentale existe entre les deux enquêtes : l’enquête judiciaire est dominée par l’obligation du secret de l’instruction, (23); a contrario, l’enquête technique répond à des impératifs de communication (24) -sur la forme : les enquêteurs techniques travaillent en collaboration avec les constructeurs et les exploitants, contrairement à l’enquête judiciaire où, suivant le principe du secret de l’instruction, on n’associe pas des personnes ou des organismes susceptibles d’être mis en cause ; s’il est possible et même indispensable d’obtenir auprès d’eux des informations, ils ne sont pas tenus au courant du déroulement de l’enquête. De plus, l’accès librement ouvert aux enquêteurs techniques peut parfois entraîner une altération de preuves ou indices utiles à l’enquêteur judiciaire et a fortiori au juge pour l’élaboration de son intime conviction.

- Un antagonisme est donc inévitable ne serait-ce que sur les implications de la communication et de l’exploitation extensive qui en est faite par les médias. Des éléments figurant au rapport issu de l’enquête technique peuvent présenter un intérêt pour l’enquête judiciaire et même figurer dans la procédure, a fortiori leur divulgation peut entraver la bonne marche de l’enquête judiciaire.

(23) article 11 CPP (24) décret n°2001-1043

Page 42: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

42

Section 1 - En France : Les textes fixant les modalités de coopération entre les deux enquêtes La loi N°99-243 du 19 mars 1999 dans son Titre II, chapitre 1er « Pouvoirs des enquêteurs » définit très précisément les prérogatives des enquêteurs techniques. Il y est fait plus précisément référence sur le traitement des enregistreurs de vol (Chapitre 2, Section 1, § 4) Une circulaire relative aux relations entre l’autorité judiciaire et le Bureau d’enquêtes et analyses pour la sécurité de l’aviation civile a été publiée par le Ministère de la Justice le 18 février 2005 (CRIM2005-02E1/18-02-2005) (annexe 8) pour attribution aux Procureurs Généraux près les cours d’appel, aux Procureurs de la République près les tribunaux de Grande Instance, aux Premiers Présidents de cours d’appel, et aux présidents des tribunaux de grande instance. Les points principaux traités sont

- la coordination entre l’autorité judiciaire et le BEA e) facilitation de la mission du BEA par l’autorité judiciaire f) réciprocité dans les échanges entre l’autorité judiciaire et le BEA

- la maîtrise de la communication par l’autorité judiciaire et le BEA g) le BEA dispose de larges compétences en matière de communication h) relations avec les victimes et leurs ayants droit

Cette circulaire souligne le caractère dérogatoire au droit commun de l’enquête technique, notamment en matière de communication. Les relations entre le BEA et l’autorité judiciaire ont été formalisées par la loi 99-243 du 19 mars 1999 ; un premier bilan de son application a fait apparaître la nécessité de développer un certain nombre de principes nécessaires à une collaboration efficace. L’antagonisme évoqué plus haut sembla avoir été à l’origine de cette mise au point. Si les prérogatives des enquêteurs techniques par rapport à l’accès aux pièces et aux lieux sont clairement normées, il est remarqué que « la loi du 29 mars 1999 est peu prolixe en ce qui concerne la transmission d’informations par le BEA à l’autorité judiciaire ». La transparence des éléments résultant de l’enquête technique au bénéfice de l’autorité judiciaire est présentée comme une nécessité, qu’il s’agisse des magistrats ou des experts désignés par ceux-ci. Section 2 – Au plan international L’annexe 13 de l’OACI , paragraphe 5 .10 , précise : « L’Etat qui mène l’enquête reconnaîtra la nécessité d’une coordination entre l’enquêteur désigné et les autorités judiciaires. On prête une attention particulière aux indices qui doivent être consignés et analysés rapidement pour que l’enquête

Page 43: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

43

puisse être menée à bien, par exemple à l’examen et à l’identification des victimes et au dépouillement des enregistrements des enregistreurs de bord. » La proposition de règlement du parlement européen et du Conseil sur les enquêtes et la prévention des accidents e des incidents dans l’aviation civile (annexe 9) Cette proposition s’appuie sur la constatation d’un état de fait : « Le système communautaire actuel d’enquêtes sur les accidents d’aéronefs civils et de comptes-rendus d’évènements ne fonctionne pas de manière optimale ». La directive 94/56/CE est considérée comme n’étant plus adaptée aux exigences des états, pour les raisons suivantes :

- disparité de capacités d’investigation entre les états membres ; - complexité croissante des aéronefs et de leurs systèmes

nécessitant des compétences et des ressources plus diversifiées ;

- forte croissance du marché de l’aviation civile dans l’Union rendant difficile la surveillance de la sécurité ;

- augmentation de la taille et de la complexité du marché intérieur de l’aviation.

Le projet s’articule autour de quatre thèmes :

- création d’un réseau européen des autorités d’enquête ; - rôle de l’AESA dans les enquêtes ; - articulation entre l’enquête de sécurité et l’enquête judiciaire ; - assistance aux enquêtes.

On remarquera que le terme « enquête technique » est ici remplacé par celui de « enquête de sécurité », traduisant l’objectif avant tout sécuritaire de la proposition. L’article 4 de la proposition rappelle l’obligation d’ouvrir une enquête de sécurité pour tout accident ou incident grave. L’article 5 dispose de l’obligation d’indépendance de l’autorité responsable des enquêtes de sécurité – désignée par chaque Etat - par rapport à toute autorité ou partie dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission confiée à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité ou influencer son jugement. Aux termes de l’article 7, serait créé un réseau européen des autorités responsables des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile, composé des chefs des autorités responsables des enquêtes de sécurité de tous les états membres. La Commission et l’AESA peuvent être représentées à toutes les réunions de ce réseau ; à ce jour, l’AESA – qui n’existait pas lors de l’adoption de la directive 94/56/CE – est associée de facto aux enquêtes techniques sans que sa participation ne repose sur une base juridique précise. En fait, si ce règlement est adopté, on assistera à une inversion des rôles par rapport à ce qui se pratique actuellement :

Page 44: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

44

- en matière d’accès au site de l’accident : selon les dispositions de l’article 12 sur le statut des enquêteurs de sécurité, ils seront autorisés à prendre la direction du site, direction qui aujourd’hui, en France, est de l’autorité judiciaire, qui toutefois leur accorde le libre accès au lieu de l’accident, à l’aéronef ou à son épave.

- en matière de conservation des preuves, c’est l’enquêteur de sécurité qui assurerait la conservation des enregistreurs de bord et de tout élément de preuve, en demandant qu’un responsable de l’autorité judiciaire accompagne ces élément jusqu’au lieu de leur dépouillement ; le rapporteur du Parlement européen n’a laissé aucune ambiguïté quant à l’objectif de cette mesure : il s’agit de « s’assurer que les enquêteurs chargés de l’enquête de sécurité puissent travailler sans avoir à demander au juge l’autorisation d’accéder aux preuves ou de pouvoir les examiner ».

Le problème de la double enquête suscitait déjà de nombreuses controverses, et a fait l’objet de plusieurs colloques. Nul ne doute que la proposition de règlement européen, si elle est adoptée, alimentera encore ces controverses.

Conclusion L’attitude de la société face aux accidents de transport aérien a considérablement évolué depuis les deux dernières décennies. Si l’on remonte plus loin encore, l’accident aérien était considéré comme une sorte de fatalité, relevant d’un domaine pour le moins mystérieux. Il n’en est plus de même, et la conscience collective réclame une sécurisation d’un mode de transport qui a perdu son caractère exceptionnel pour être intégré dans la vie quotidienne. Les autorités répondent à ce besoin par la mise en œuvre des mesures sécuritaires évoquées dans la première partie. Le principe de précaution a fait son apparition, bien que le droit positif français n’en donne pas une définition précise et universellement admise. Son application judicieuse et mesurée, telle qu’elle est évoquée dans la loi Barnier de 1995 : « l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées » ne peut se fonder sur des normes établies.

Page 45: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

45

Un exemple de l’application du principe de précaution a été donné avec l’alerte aux cendres volcaniques que l’Europe du Nord a connue à partir du 15 avril dernier. Un phénomène mal connu, qui certes pouvait avoir des conséquences désastreuses elles, bien connues, mais dépendant de la concentration en cendres du nuage qu’il était impossible de mesurer compte tenu de l’état de l’art. De plus, on ignorait les seuils de dangerosité en termes de concentration en cendres. Il s’en est ensuivi une annulation totale d’une quelconque prise de risque, au prix d’un véritable chaos économique, et d’une démonstration de la difficulté pour les compagnies aériennes de s’adapter rapidement à une situation de crise. A quelque chose malheur est bon, et ce volcan dont tout le monde ignorait le nom et jusqu’à l’existence aura permis de faire avancer les connaissances scientifiques et techniques sur le problème du risque présenté par les cendres volcaniques sur la navigation aérienne. Le besoin du public en explications s’est accru à mesure que l’accès à l’information était élargie avec l’évolution des médias : on est au courant donc on veut comprendre. D’où une communication accrue dès lors que survient un accident, communication récupérée et exploitée par ces mêmes médias. De l’information à la polémique, la frontière est proche ; l’accident du vol 447 Rio-Paris suscite beaucoup de controverses et d’échanges pas toujours judicieux. La finalité première : permettre aux familles de faire leur deuil au travers de la manifestation de la vérité – n’est pas toujours mise au premier plan. Le projet de règlement publié par la Commission des Communautés européennes ne va d’ailleurs pas dans ce sens. Il s’inscrit dans la ligne des travaux conduits par la Commission à la suite de la publication d’un Livre Blanc sur la « politique européenne des transports à l’horizon 2010, et fait déjà l’objet de prises de position du lobby de l’industrie aéronautique, et de certains organismes – tels l’Académie de l’Air et de l’Espace . Cet organisme, dans une note récemment diffusée, considère que l’enquête pénale ne devrait en principe être engagée que lorsque existent des suspicions qu’une faute pénale est à l’origine d’un accident. Sans qu’il soit donné davantage de précisions sur la nature de la faute pénale dont il est question. Et on peut se poser la question : quid de l’article 142-4 du Code de l’Aviation Civile sur l’information du Procureur de la République dès lors que des dommages ont été causés aux personnes ou aux biens ?

Page 46: Mémoire -  · PDF file24-janv Tupolev 154 Mashhad, Iran Taban Air 0 25-janv Boeing 737 Ethiopian airlines Beyrouth, Liban 90 ... 25/01/2007 Fokker 100 Regional airlines Pau 0

46