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Maisonneuve & Larose Le Kitāb al-kāmil fī l-tā'rīkh d'Ibn al-Athīr: Entre chronique et histoire Author(s): Françoise Micheau Source: Studia Islamica, No. 104/105, Chroniques Medievales Islamiques: Temps, Narration, Usages (2007), pp. 81-101 Published by: Maisonneuve & Larose Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20141106 . Accessed: 14/11/2014 05:19 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Maisonneuve & Larose is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Studia Islamica. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.54.110.35 on Fri, 14 Nov 2014 05:19:50 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Histoire, historiographie

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Maisonneuve & Larose

Le Kitāb al-kāmil fī l-tā'rīkh d'Ibn al-Athīr: Entre chronique et histoireAuthor(s): Françoise MicheauSource: Studia Islamica, No. 104/105, Chroniques Medievales Islamiques: Temps, Narration,Usages (2007), pp. 81-101Published by: Maisonneuve & LaroseStable URL: http://www.jstor.org/stable/20141106 .

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Studia Isl?mica, 2007

Le Kit?b aUk?milfi l-tar?kh d'Ibn al-Athir : entre chronique et histoire

Le Kit?b al-k?milfil-tar?kh, ? le livre complet en mati?re d'histoire ?,

qu'Ibn al-Ath?r acheva dans la ville de Mossoul ? la fin des ann?es

1230, est uanimement consid?r? comme ? l'une des r?ussites les plus remarquables de l'historiographie pr?-moderne de quelque culture

que ce soit1 ? et son auteur comme ? l'un des plus grands historiens

du Moyen ?ge islamique2 ?. D?j?, au rx'/xv^si?cle, Ibn Hajar al

'Asqal?nT affirmait : ? C'est la meilleure de toutes les histoires par la mani?re de rapporter les ?v?nements clairement et distinctement.

[...] En outre, elle est bien ordonn?e et r?dig?e

avec talent.f...] C'est

pourquoi il m'est venu ? l'id?e d'en ?crire la continuation ? partir de l'ann?e o? elle se termine, ? savoir 628/1230-13. ? Or cette vaste

histoire universelle offre le cas embl?matique d'une source pr?cieuse

que les historiens utilisent constamment, en particulier pour la

p?riode des croisades, sans pour autant s'int?resser aux modalit?s

de sa composition4. Entre la s?che chronica, simple enumeration

1. Article ? T?'r?kh ? (R.S.Humphreys), Encyclop?die de r Islam, t. x,

col. 299b.

2. A.-M. Edd?, La principaut? ayyouhide dfAlep (57911183-658/1260), Stuttgart, 1999, p. 20.

3. Cit? par al-Sakh?w? dans al-Vl?n hi l-tawh?kh li-man dhamma ah? al

ta r?kh, trad. F. Rosenthal, A History of Muslim Historiography, Leiden, 1968,

p. 491. Il est ? noter qu'Ibn Haj?r al-'Asqal?n? (m. 852/1449) n'a jamais mis ce

projet ? ex?cution.

4. ? l'exception de l'important article de D.S. Richards, ? Ibn al-Ath?r

and the later Parts of the K?mil : A Study of Aims and Methods ?, dans

D.O. Morgan (ed.), Medieval Historical Writing in the Christian and Islamic

Worlds, London, 1982, p. 76-108. On doit aussi ? ce savant la traduction en

anglais de la derni?re partie de ces annales (voir infra, note 17).

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Fran?oise Micheau

d'?v?nements, et Y historia, r?flexion ?l?gante sur le pass?, les annales d'Ibn al-Ath?r m?ritent qu'on en d?gage les proc?d?s d'?criture et de

pens?e5. Ibn al-Ath?r (555/1160-630/1233) appartient ? une famille ais?e

de lettr?s qui s'illustra au service des princes zengides de Mossoul6, encore que lui-m?me n'ait pas poursuivi de carri?re administrarive.

Ibn Khallik?n, qui le rencontra fr?quemment ? Alep dans les ann?es

626-628/1229-1231, le d?crit comme un savant r?pur? mais modeste et retir?, s'adonnant ? l'?tude et ? l'?criture7. N?anmoins sa pr?sence en Syrie, en 584/1188-9 dans les rangs de l'arm?e de Saladin8 et en

590/1193-4 ? Damas lors du si?ge de la ville par al-'Az?z9, son s?jour ? Alep comme h?re de l'atabeg du prince10, ou encore les honneurs et cadeaux dont il dit avoir ?t? combl? par Nur al-D?n Arsl?n Shah11 laissenr ? penser qu'il mena une vie plus riche que ce qu'en dit Ibn

Khallik?n et qu'il ?tait, tout comme ses fr?res, proche des milieux du

pouvoir. Ses travaux se rattachent ? l'histoire vue sous

l'angle de la

biographie et de la chronique : al-Lub?b f? tahdh?b al-ans?b, un

abr?g? des Ansah d'al-Sam'?n? ; Usd al-gh?ba f? mdrifat al-sah?ba, une histoire des Compagnons de Muhammad ; al-Tar?kh al-b?hir

f? l-dawla al-at?bakiyya12, une histoire des princes zengides13 de 477/1084 ? 607/1210, compos?e dans les ann?es 608-615/1211-1218

5. Cette distinction entre chronique, histoire et annales se r?f?re ?videmment aux

travaux fondateurs de Bernard Guen?e pour l'historiographie occidentale.

6. Le p?re, Ath?r al-D?n, ainsi que ses trois fils, Abu 1-Sa'?d?t al-Mub?rak Majd

al-D?n, Abu 1-Fath Nasr Allah Diy? al-D?n, et l'historien Abu 1-Hasan 'Al? 'Izz

al-D?n, nous sont connus principalement par les notices que leur consacre Ibn

Khallik?n et par les renseignements que donne Ibn al-Ath?r dans ses ouvrages. 7. Ibn Khallik?n, Wafay?t al-a'y?n, ?d. Ihs?n 'Abb?s, Beyrouth, 1970, t. m,

p. 348. Trad. Mac Guckin de Slane, Ihn Khallik?n s Biographical Dictionary,

Paris, 1843, t. ii, p. 288.

8. K?mil, ?d. Beyrouth, t. xn, p. 6, 15, 25.

9. K?mil, ?d. Beyrouth, t. xn, p. 109.

10. Il s'agit de Tughril Shih?b al-D?n. Voir Ibn Khallik?n, ibidem.

11. Al-B?hir, ?d. Le Caire, p. 1.

12. ?d. trad, dans Recueil des Historiens des Croisades, t. h, 1, Paris, 1876.

Nouvelle ?d., 'Abd al-Q?dir Ahmad Tulaymat, Le Caire, 1963.

13. Il s'agit bien de l'histoire d'une dynastie, organis?e par r?gnes des principaux descendants d'al-Sunq?r. Le titre de la traduction du Recueil des Historiens des

Croisades ? Histoire des Atabeks de Mossoul ? est quelque peu r?ducteur, notam

ment en raison de la grande place qu'y tient le r?gne de Nur al-D?n.

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Le Kit?b al-kamil f? l-tar?kh d'Ibn al-Ath?r

pour 'Izz al-D?n Mas'?d, le fils de Nur al-D?n Arsl?n Shah ; enfin al

Kamilf? l-tar?kh. Il le d?dia ? Badr al-D?n Lu'lu', qui fut d'abord vizir des derniers princes zengides de la ville, puis, ? partir de 629/1232, souverain ind?pendant14. Ce type de d?dicace, que l'auteur appose apr?s la r?daction du livre, proc?de d'une forme de patronage o? le

prince, puissant et dispensateur de g?n?rosit?, fait retomber son ?clat sur l' uvre pour laquelle l'auteur attend honneurs et bienfaits15. Le

K?mil a donn? lieu ? plusieurs ?ditions16 et traductions partielles17. Le titre m?me de l'ouvrage, Kit?b al-k?mil fi l-tar?kh, ? le livre

complet en mati?re d'histoire ?, correspond

au projet de r?unir toutes

les chroniques (taw?r?kh) en une seule. L'ambition affich?e par Ibn al-Ath?r dans son introduction est en effet de rassembler tous les r?cits

dispers?s dans de multiples ?crits. Certes la volont? d'encyclop?disme, la pr?tention ? offrir en un seul ouvrage la somme des connaissances

14. Les modalit?s de la r?daction du K?mil, telles qu'Ibn al-Ath?r les rapporte dans

l'introduction, sont complexes. Il aurait r?dig?, avant le B?hir, cette chronique universelle, en lui donnant sans doute un titre diff?rent. En effet, il y a tout lieu de

penser, ? la suite de Abd al-Q?dir Tulaymat, l'?diteur du B?hir, qu al-Mustaqs? f? l-t?'r?kh, auquel le B?hir fait quelques r?f?rences, n'est pas un autre ouvrage d'Ibn

al-Ath?r, mais le premier titre du K?mil (cf. Richards, op. cit., p. 79). Il se serait

ensuite consacr? au B?hir, diff?rant la publication du K?mil pour des raisons

?voqu?es en termes vagues. Finalement, Badr al-D?n Lu'lu' lui donna l'ordre de le

publier. Richards, op. cit., p. 80-84 a montr?, par une minutieuse ?tude interne,

qu'Ibn al-Ath?r avait corrig? et compl?t? son ouvrage ? plusieurs reprises, entre

615/1218-9 et 628/1230-1. 15. Voir l'analyse de H. Touati, ? La d?dicace des livres en Islam m?di?val ?,

Annales. Histoire, Sciences Sociales, mars-avril 2000, p. 325-354.

16. Par C.J. Tornberg ? Leyde en 1851-1876 (en 14 volumes dont deux d'in

dex) ; au Caire en 1301-2/1884-5 et en 1303/1886 (en 12 volumes) ; ? Beyrouth, aux ?ditions D?r s?dir, en 1965-1967 (sur la base de l'?dition de Tornberg, en 13

volumes dont un d'index), ? laquelle renvoient toutes les r?f?rences de cet article ;

par 'Umar Tadmur? ? Beyrouth, aux ?ditions D?r al-Kit?b, en 1417/1997 (en 11

volumes dont un d'index) ; par Abu 1-Fida Abd Allah al-Q?d? ? Beyrouth, aux

?ditions D?r al-Kutub al-'Ilmiyya, en 1418/1998.

17. ?d. trad, partielles dans Recueil des Historiens des Croisades, t. i et n.

Traduction des passages relatifs ? l'Occident par E. Fagnan, Annales du Maghreb et de F Espagne, Alger, 1898. Traductions partielles par D.S. Richards : The

Annals of the Saljuq Turks. Selections from al-K?mil fil-Tdr?kh of'lzz al-D?n

Ihn al-Ath?r, Richmond, 2002, et The Chronicle of Ibn al-Ath?r for the Crusading Period from al-K?mil f?'1-ta'r?kh. Parti.The Years 491-54111097-1146. The

Coming of the Franks and the Muslim Response, Ashgate, 2006. Part 2. The

Years 541-589/1146-1193. The Age of Nur al-Din and Salaclin, Ashgate, 2007.

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Fran?oise Micheau

n?cessaires, est une orientation bien connue de la culture arabe.

Mais, chez Ibn al-Ath?r, le r?sultat est remarquable. Il a bien compos? une histoire universelle

- entendue par tous les auteurs m?di?vaux

comme une histoire qui commence avec la cr?ation sans pour autant

traiter de tous les peuples18 -

pour concentrer son int?r?t sur les

seuls pays d'Islam ? partir de la pr?dication de Muhammad et des

conqu?tes arabes. Il reprend ainsi le mod?le d'al-Tabar?, seul historien

qu'il mentionne dans son introduction, et sur lequel il s'appuie tr?s

largemenr. Jusqu'au d?but du Y /xc si?cle il reprend, tout en la r?sumant

consid?rablement, la mati?re du Ta'r?kh al-rusul wa l-muli?k19. Mais, ? la diff?rence de son illustre pr?d?cesseur, Ibn al-Ath?r tente de traiter l'hisroire de tout le dar al-isl?m, Orient et Occident. ? Les [historiens] orientaux n?gligent les r?cirs (akhb?r) sur l'Occident et les [historiens] occidentaux n?gligent

ce qui concerne l'Orient. [...] Voyant cela, je

me mis ? composer une histoire (t?'r?kh) rassemblant les r?cits relatifs aux souverains d'Orient et d'Occident. [...] Je ne

pr?rends pas ?tre

parvenu ? rassembler tous les ?v?nements de nature historique, car il

peut avoir ?chapp? ? celui qui se trouve ? Mossoul ce qui s'est pass? tout ? l'Est ou tout ? l'Ouest20. ?

L'organisation g?n?rale montre un

certain ?quilibre entre les diff?rents pays d'Islam m?me si l'histoire de la Syrie et de la Haute-M?sopotamie occupe la plus grande place pour les deux derniers si?cles. Richards a calcul? que dans le volume 11

(correspondant aux ann?es 527/1132-583/1187) l'histoire de la Syrie, de la Haute-M?sopotamie et de l'Irak occupe 250 pages, celle de l'Orient musulman 100 pages, et celle de l'Egypte et de l'Occident

musulman, 91 pages, et que, dans le volume 12 (correspondant aux

ann?es 584/1188-628/1230), on a respectivement 205, 172 (en raison de longs r?cits sur l'Inde) et seulement 24 pages21.

Le propos ?tant d'?crire une histoire de tous les pays d'Islam, de l'ensemble de la umma musulmane, une

large place est faite ? toutes

18. Surcetteconceptiondel'histoire, voir B. Radtke, ? Das Wirklichkeitsverst?ndnis

islamischer Universalhistoriker?, Der Islam 62 (1985), p. 59-70, et id.,

Weltgeschichte und Weltbeschreibung im mittelalterlichen Islam, Beyrouth

Stuttgart, 1992.

19. Sur cette d?pendance, voir C. Brockelmann, Das Verh?ltnis von lbn-El

Atfrsfit-tarik zu Tabaris Ahbar Errusul wal Mul?k, Strasbourg, 1890. On peut n?anmoins se demander si Ibn al-Ath?r n'a pas utilis? un abr?g? du tar?kh comme

il en circulait alors au Proche-Orient.

20. ?d. Beyrouth, t. i, p. 2-3.

21. Richards, op. cit., p. 85.

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Le Kit?b al-k?mil fi l-t?'r?kh d'Ibn al-Ath?r

les grandes dynasties de l'Islam. Ainsi des Fatimides qui, bien que shiites, sont longuement ?voqu?s22 : ? Cette dynastie [qu'il appelle al-dawla al-'alawiyya] ?tendit au loin les limites de son pouvoir et eut une

longue dur?e. Elle s'empara du pouvoir cette ann?e-l?

[296/908-9] en IfrTqiya et s'?teignit en Egypte en 567/1171. Il nous

faut donc en parler d'une mani?re approfondie

?. Il commence

par discuter leur g?n?alogie : il ?voque bri?vement les divergences sur l'ascendance de 'Ubayd Allah, puis s'attarde sur les preuves avanc?es par les uns pour affirmer l'authenticit? de l'ascendance

alide, par les autres pour la r?futer. ? J'ai moi-m?me interrog? plusieurs des principaux Alides ? ce sujet ?. Il cite ensuite un tr?s

long passage du Kit?b al-jam wa l-bay?n d'Ibn Shadd?d qui all?gue que 'Ubayd Allah ?tait juif, tout en d?clinant la responsabilit? de cette accusation. Dans la suite de sa

chronique, il rapporte faits et

gestes des califes du Caire, en utilisant des sources ?gyptiennes, al

Quda'? entre autres. Lorsqu'il traite de la fin des Fatimides, avec la mort d'al-'?did, il adopte un vocabulaire empreint de termes soufis

pour exprimer sa perplexit? devant la chute d'une grande dynastie, mais en aucune mani?re son hostilit? ? l'encontre d'un pouvoir shi'ite : ? Leur dynastie, depuis le moment o? le Mahdi est apparu ? Sijilm?sa en dh? l-hijja de l'ann?e 259 jusqu'? la mort du calife

al-'?did, a dur? 272 ans et approximativement un mois. Ainsi va le cours du monde. Il ne donne pas sans

reprendre. Il n'est doux sans

devenir amer. Il n'est pur sans devenir sale. [...] Nous demandons ?

Dieu le Tr?s-Haut de tourner nos c urs vers Lui, de nous montrer

le monde dans sa r?alit?, de nous y faire renoncer et de nous faire d?sirer l'au-del?23. ?

Comment expliquer cette attitude ? Moins, me semble-t-il,

par une sorte d'exceptionnelle impartialit? chez ce lettr? sunnite

de Mossoul que par la volont? de restaurer par la plume une unit? du dar al-isl?m ? laquelle les faits historiques obligent ? renoncer

d?finitivement. L'?clatement du califat des origines en une multitude de pouvoirs rivaux, la rupture entre un Orient domin? par les Turcs et un Occident gouvern? par les Berb?res, les succ?s des Francs ? l'ouest et des Mongols ? l'est ont bris? le r?ve d'une umma unifi?e. Il revient ? l'historien de la restaurer.

22. ?d. Beyrouth, t. vm, p. 24 et s.

23. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 370-371. Voir un bref commentaire de ce passage dans

T. Khalidi, Arabie historical thought in the classic period, Cambridge, 1994,

p. 215.

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Fran?oise Micheau

Les pages c?l?bres d'Ibn al-Ath?r sur l'origine de la Premi?re croisade24 doivent ?tre lues dans cette perspective. S'il relie l'arriv?e des crois?s en Syrie aux autres agressions des Francs contre le territoire de

l'Islam, en al-Andalus avec la prise de Tol?de, en Sicile et sur les cores

d'Ifr?qiya, c'est avant tout pour affirmer l'unit? du dar al-isl?m. Ce

sont les attaques ext?rieures, plus encore que les divisions int?rieures,

qui menacent l'int?grit? de la umma. De m?me, la prise de Damiette

par la Cinqui?me croisade ouvre une m?ditation inqui?te devant ce

qui n'est pas encore nomm? comme un d?clin de l'Islam : ? L'Islam,

tous ses habitants et tous ses territoires furent sur le point d'?tre

submerg?s. Les Tatars s'avanc?rent de l'Orient jusqu'aux r?gions de

l'Irak, de l'Adharbayj?n, d'Arr?n, etc. comme nous l'exposerons, si

Dieu le veut. Les Francs s'avanc?rent depuis l'Occident et s'empar?rent

d'une [ville] telle que Damiette en Egypte, faute de fortifications pour la prot?ger des ennemis. Tout le pays, en Egypte et en Syrie, fut sur le

point d'?tre conquis, et tous les gens furent saisis de crainte face [aux Francs], s'attendant nuit et jour au d?sastre25. ? L'histoire universelle

est l'histoire d'un Islam qui se pense universel et dont l'historien doit assurer l'universalit?.

Il est ?vident pour quiconque feuillette le K?mil qu'il s'agit d'une

chronique si l'on entend par l? que la mati?re est strictement ordonn?e ann?e par ann?e, ? partir de l'an 1 de l'H?gire. Chaque ann?e commence

par la formule : thumma dakhalat sanat...? puis d?buta l'ann?e ? et les

?v?nements sont ensuite rapport?s en autant de d?veloppements, plac?s les uns apr?s les autres, pr?c?d?s d'un titre qui en indique le contenu et

introduits par la mention : waf? h?dhihi l-sana...? et cette ann?e-l? ?.

La succession respecre parfois une

chronologie interne ? l'ann?e (quand le mois pr?cis

- voire le jour - est connu), mais le plus souvent elle n'est

que simple juxtaposition sans logique apparente. ? la fin de chaque ann?e sont rassembl?s en un seul paragraphe, introduit par dhikr 'iddat hawad?th... ? r?cit d'un certain nombre d'?v?nements ?, les ?v?nements

de moindre importance ainsi que les d?c?s des notables. Voici, exemple pris au hasard, la composition de la dizaine de pages consacr?e ? l'ann?e

482/1089-9026: ? R?cit (dhikr) de la r?volte (fitna) du peuple (bayn al-'?mma) ?

Bagdad

24. ?d. Beyrouth, t. x, p. 272.

25. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 327.

26. ?d. Beyrouth, t. x, p. 170. Les titres sont la traduction de ceux donn?s par Ibn al-Ath?r.

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Le Kitab al-kamilfll-ta?kli d'Ibn al-Ath?r

R?cit de la conqu?te de la Transoxiane par Maliksh?h R?cit de la r?bellion ?isyan) de Samarcande R?cir de la seconde conqu?te de Samarcande R?cit du retour de la fille du sultan, ?pouse du calife, vers son

p?re R?cit de la conqu?te d'Acre par l'arm?e d'Egypte et d'autres

[?v?nements] de Syrie R?cit de la seconde r?volte des habitants de Bagdad R?cit de la ruse de l'?mir des croyants et de sa d?couverre de

mani?re ?trange27 R?cit de la conqu?te de Sous par les Arabes et du butin qu'ils y

prirent R?cit de divers ?v?nements [ravage de brigands dans la r?gion

d'Alep, le?ons donn?es par Abu Bakr al-Sh?sh? dans la madrasa de

Bagdad, d?c?s d'Ahmad b. Muhammad b. S?'id b. Muhammad, d?c?s d'Ab? 1-Q?sim al-Alaw? al-Dabb?s?] ?.

Ibn al-Ath?r avait pr?venu dans l'introduction qu'il sortirair de ce

cadre trop rigide si c'?tait n?cessaire pour la bonne compr?hension des ?v?nements28. C'est le cas lorsque le r?cit relatif ? un seul sujet est tr?s court, et ne supporte pas d'?tre ?clat? entre

plusieurs ann?es.

Pour l'histoire de la Sardaigne par exemple. Il place sous l'ann?e

92/710-11 une premi?re exp?dition qui eut lieu cette ann?e-l?, puis les razzias de 135/752-3, 323/934-5 et 406/1015-6, ajoutant : ? Nous avons jug? bon de r?unir ici ces faits minimes, que l'on ne peut saisir aussi bien quand ils sont pr?sent?s isol?ment29. ? C'est encore

plus souvent le cas

lorsque la dispersion entre

plusieurs ann?es nuit ? la

compr?hension de l'encha?nement des faits. Ainsi la p?riode troubl?e de l'histoire d'al-Andalus, marqu?e par les tentatives des Hammadides de s'emparer du pouvoir califal et celles des Omeyyades de le

reprendre, est rapport?e d'une seule traite sous l'ann?e 407/1016-7.

Pour Ibn al-Ath?r c'est la disparition d'Umayya en jum?d? n 424/mai 1033 qui marque la fin de l'unit? d'al-Andalus et le morcellement du

pays : ? Les chefs et seigneurs des diverses localit?s se partag?rent al

27. Sous ce titre quelque peu ?nigmatique, Ibn al-Ath?r rapporte les vaines ten

tatives de Y?suf ibn Tashf?n pour emprisonner par ruse Muhammad b. Ibr?h?m

al-Jaz?l?. 28. ?d. Beyrouth, t. i, p. 4.

29. ?d. Beyrouth, t. iv, p. 568.

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Fran?oise Micheau

Andalus30. ? Il consacre alors plusieurs pages ? l'histoire des principaux

royaumes avant de reprendre le fil des ?v?nements survenus durant l'ann?e 407 avec le r?cit de la guerre entre les princes bouyides Sultan

Dawla et Abu 1-Faw?ris. Un autre exemple est le r?cit de la Cinqui?me croisade, int?gralement plac?e sous l'ann?e 614/1217 : ? Du d?but ? la fin de ces ?v?nements [arriv?e des Francs en Syrie, prise de Damiette, victoire d'al-Mansura, reconqu?te de Damiette par les musulmans], il

s'?coula quatre ans moins un mois. Mais nous en ferons ici le r?cit, ? la

date o? les Francs apparurent [en Syrie] en le poursuivant de mani?re

continue, afin que [les ?pisodes] se suivent les uns les autres31. ?

Il arrive ?galement ? Ibn al-Ath?r de ne pas respecter l'ordre

chronologique ? l'int?rieur d'une ann?e, l? encore par souci de coh?rence. Ainsi il rejette ? la fin de l'ann?e 584/f?vrier 1189 le r?cit de la victoire de Tughril sur les troupes envoy?es par al-N?sir, qui eut

pourtant lieu le 8 rabt ill mai 1188, afin de ne pas interrompre la

longue relation des campagnes de Saladin durant cette ann?e. En effet,

explique-t-il, ? il aurait convenu de pr?senter plus haut cet ?pisode, mais je l'ai retard? afin que les ?v?nements relat?s pr?c?demment se

suivent les uns les autres, et que chaque ?v?nement soit reli? ? un

aurre32 ?. D'autres exemples33 pourraient ?tre avanc?s de ces ruptures

dans le strict agencement chronologique, simplement destin?es ? donner au r?cit plus de clart? et de coh?rence.

Ibn al-Ath?r consacre en moyenne une dizaine de pages ? l'expos? des ?v?nements d'une ann?e, exception faite du premier si?cle de

l'h?gire, o? la biographie de Muhammad, les conqu?tes et les luttes

pour le califat fournissent une ample mati?re. Ensuite il n'y a pas d'?cart notable d'une p?riode ? l'autre. Seules quelque 25 ann?es sur

plus de 500 d?passent la vingtaine de pages, en raison de l'importance des faits relat?s34 ou de la contraction sur une m?me ann?e d'une

histoire plus longue35. Cet ?quilibre d'ensemble est maintenu jusqu'? la fin de l'ouvrage qui se d?marque ainsi de nombreuses chroniques o? s'enfle d?mesur?ment la p?riode contemporaine de l'auteur.

30. ?d. Beyrouth, t. ix, p. 284.

31. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 320.

32. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 26.

33. Ainsi l'av?nement des Almohades sous l'ann?e 514/1120-1 ou le r?cit du

r?gne du Khw?rizm-Sh?h Sultan Shah sous l'ann?e 568/1172-3 (voir infra). 34. Ainsi la R?volution abbasside, la fondation de Bagdad, la guerre entre les fils

de H?r?n al-Rash?d, etc.

35. Comme on l'a d?j? mentionn?.

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Le Kitab al-k?mil fi l-tar?kh d'Ibn al-Ath?r

Contrairement, par exemple, ? Ibn al-Jawz?, Ibn al-Ath?r en reste ?

une narration des ?v?nements m?morables et se garde de nous livrer

souvenirs personnels et notations prises sur le vif36.

Ce cadre annalistique exclut une histoire pens?e en fonction d'un

ach?vement, construite en vue d'une conclusion. M?me un cataclysme

comme celui de la conqu?te mongole -

qu'Ibn al-Ath?r d?crit sous

l'ann?e 617/1220 comme ? une tr?s grande calamit? qui a d?chir? les

jours et les nuits comme jamais37

? - n'a pas pour autant de port?e

eschatologique. Le K?mil s'arr?te en 628/1230-1, n?anmoins cerrains manuscrits comportent le titre de l'ann?e suivante 62938, ce

qui laisse

? penser que l'ouvrage devait ?tre continu? si l'auteur en avait eu la

possibilit?. Le temps (zam?n) est ainsi con?u de mani?re lin?aire, et

l'?poque de l'auteur (waqt) n'est qu'un instant, sans signification

particuli?re, appelant l'instant suivant. ? Je donne [dans cet

ouvrage] le r?cit des ?v?nements (haw?dith) et des choses survenues (k?'in?t)

depuis l'origine du temps (awwal al-zam?n), les uns se succ?dant aux

autres, jusqu'? notre ?poque (waqt)59. ? La t?che de l'historien est pour Ibn al-Ath?r d'abord et avant tout celle d'assigner

aux ?v?nements leur

juste place sur l'?chelle du temps. Comme l'illustre cette notation,

gliss?e ? la fin de l'ann?e 560/1164-5 : ? Quand il me raconta cette anecdote (hik?ya), je ne lui en ai pas demand? la date (t?'r?kh). N?anmoins elle se situe ? cette p?riode (mudda) et dans ce pays. C'est pourquoi je la place (athbat) cette ann?e-ci, par supposition et

conjecture40. ? Cette conception lin?aire exclut toute tentative de

p?riodisation (par exemple par dynastie) telle qu'on peut la trouver chez les auteurs chr?tiens (Bar Hebraeus par exemple) et surtout

telle que la mettra en uvre Ibn Khald?n. Mais elle impose d'?rablir l'encha?nement des faits.

Ibn al-Ath?r commence souvent le r?cir d'un ?pisode important

par un retour en arri?re qu'il introduit avec les mots : wa sabab

dh?lika... ? en voici la cause ?. Un exemple entre autres : ? En shaww?l

[de l'ann?e 593/ao?t-septembre 1197] al-'?dil Abu Bakr ibn Ayy?b s'empara de la ville de Jaffa, sur le littoral syrien, qui ?tait alors aux

36. Voir dans ce volume les remarques de Vanessa Van Renterghem ? la fin de

sa contribution.

37. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 358.

38. Cette addition n'est pas reprise dans l'?dition de Beyrouth, mais se trouve dans

l'?dition de Tornberg, t. xn, p. 330.

39. ?d. Beyrouth, t. i, p. 2.

40. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 320 (? propos d'un raid isma?lien contre Qazw?n).

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Fran?oise Micheau

mains des Francs ? qu'Allah les maudisse. En voici la cause (wa sabab

dh?lika anna...)41. ? Ibn al-Ath?r rappelle alors bri?vement la tr?ve

conclue par Saladin laissant Jaffa aux Latins, le renouvellement de cette tr?ve par al-Malik al-'Az?z, les agissements de l'?mir de Beyrouth, l'organisation d'une nouvelle croisade par l'empereur Henri VI, la

mobilisation par al-'Adil d'une arm?e qui reprit et d?mantela Jaffa, l'arriv?e trop tardive des Francs en raison de l'annonce de la mort de

l'empereur Henri. On le voit, il s'agit moins d'une cause ? proprement parler,

au sens d'une explication rationnelle, que de l'encha?nement

des faits qui a conduit ? l'?v?nement rapport?42. Etymologiquement sabab signifie la corde, le lien, l'attache, et nous ne disons pas autre

chose lorsque nous

parlons d'encha?nement historique, les faits ?tant

consid?r?s comme les maillons d'une cha?ne.

Ibn al-Ath?r se veut concis ; dans l'introduction il reproche aux

auteurs dont il a lu de nombreux ouvrages d'histoire (kutub al

tawar?kh) d'?tre trop prolixes : ils noircissent des pages en relatant des faits sans int?r?t ? ses yeux, tels que la remise d'une robe d'honneur

? un dhimm?, l'augmentation du prix des denr?es, la v?n?ration ou le

m?pris dans lequel fut tenu un personnage43. Ibn al-Ath?r d?signe ici ses

pr?d?cesseurs par le terme de muarrikh, qu'il me semble ?tre, avec

son conremporain Y?q?t, le premier ? utiliser. Dans les premiers si?cles, les auteurs de textes ? teneur historique ?taient d?sign?s par d'autres

mots44 ; ainsi dans le Fihrist d'Ibn al-Nad?m, ils rel?vent de trois

cat?gories : akhb?riyy?n, nass?b?n et ash?b al-siyar wa l-ahd?th. On

peut supposer que cet emploi de muarrikh, m?me fortuit, r?v?le une

rupture d'avec la transmission de l'histoire sur le mode des akhh?r. En effet, Ibn al-Ath?r rompt avec la m?thode des traditionnistes,

qui avait ?t? celle d'al-Tabar? et que suivaient encore nombre de ses

contemporains, Ibn As?kir et Ibn al-Ad?m entre autres. Al-Tabar? - ?crit-il dans l'introduction45 - ? a mentionn? pour la plupart des ?v?nements (haw?dith) des recensions (riw?y?t) en grand nombre, chacune ?tant semblable ? la pr?c?dente, ou plus concise, parfois ajoutant

ou omettant une petite chose. Je me suis propos? de

41. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 126.

42. Pour cette raison Richards traduit souvent l'expression wa sabab dh?lika par ? this came about as follows ?.

43. ?d. Beyrouth, t. i, p. 2.

44. A. Cheddadi, Les Arabes et l'appropriation de l'histoire, Paris, 2004.

Chap. h. Les noms de l'histoire, p. 70 et s.

45. ?d. Beyrouth, t. i, p. 3.

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Le Kit?b al~k?milfi l-tar?kh d'Ibn al-Ath?r

parachever les recensions, je les ai transcrites et j'y ai ajout? ce

qui n'y ?tait pas, pla?ant chaque chose ? sa place. Ainsi tout [ce qui concerne] cet ?v?nement, malgr? la diversit? des voies, est devenu une narration

unique ?. Son propos est donc de donner un seul r?cit. S'il lui arrive de rapporter diff?rentes versions, ce n'est que lorsque la synth?se lui

para?t impossible. Ainsi sous l'ann?e 568/1172-3, il relate l'histoire du r?gne mouvement? du Khw?rizm-Sh?h Sultan Shah, selon deux

r?cits, celui d'al-Bayhaq? dans Mash?rib al-Taj?rib et celui d'un autre historien dont il ne pr?cise pas le nom, puis conclut : ? Ce qui est ainsi relat? dans cette version (riw?ya) diff?re de ce qui pr?c?de. S'il avait ?t? possible de rassembler ces deux versions, je l'aurais fait.

Mais l'une place avant ce que l'autre place apr?s. C'est pour cela que

nous les avons rapport?es int?gralement. ? cause de l'?loignement du

pays, nous ne [pouvons] pas savoir lequel des deux propos (qawl) est le plus correct, lequel

nous rapporterions et

lequel nous laisserions.

De plus, nous avons pr?sent? ces deux [versions] en un seul endroit

car le r?gne de Sultan Shah n'a pas ?t? assez long, ainsi que celui de ses successeurs, pour ?tre r?parti sur

plusieurs ann?s. C'est pourquoi nous le pr?sentons de mani?re continue46. ? Ou, autre

exemple, il fait

suivre un premier r?cit de la mort de Qilij Arsl?n en 588/1192 d'un second ainsi introduit : ? Quelqu'un de confiance, qui conna?t ce dont il parle et qui s'est rendu dans ce pays, m'a fait un r?cit diff?rent, que nous

rapportons47. ?

Ces cas de juxtaposition de versions restent rares48 et l'histoire

qu'offre le K?mil esr une histoire chronologique et lin?aire. Ibn al Ath?r ne recopie pas textuellement ses sources, mais les choisit, les

r?sume, voire les recompose, exceptionnellement les critique49. En

cons?quence il juge impropre de donner les isn?d-s de textes qu'il ne

46. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 385.

47. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 88.

48. On pourrait aussi citer la conqu?te des forteresses kurdes par Zeng? (?d. Bey routh, t. xi, p. 14-15), la d?faite du sultan Sanjar face aux Turcs Qar?khit?y en 536/1141-2 (?d. Beyrouth, t. xi, p. 81-86), ou la fin de la dynastie ghazn?vide (?d. Beyrouth, t. xi, p. 170).

49. ? propos de l'effectif des arm?es de Sayf al-D?n, Ibn al-Ath?r critique 'Im?d

al-D?n qui, dans Barq al-Sh?m? (rare cas o? il mentionne sa source), affirme que Saladin a vaincu les 20 000 cavaliers de Sayf al-D?n avec 6 000 cavaliers. Ibn al

Ath?r juge exag?r? ce chiffre, car il a vu le r?le d'enregistrement des troupes (entre 6 000 et 6 500 pr?cise-t-il), et ajoute ce commentaire pertinent : l'intention de

'Im?d al-D?n ?tait ?videmment de magnifier l'action de son ma?tre (?d. Beyrouth, t. xi, p. 419).

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Fran?oise Micheau

rapporte pas textuellement. On rel?vera qu'il proc?de de m?me dans

Usdal-gh?ba, o? il reprend les ouvrages ant?rieurs, mais en supprimant

les r?p?titions et les longues cha?nes ?'isnad. Ce v?ritable travail de

recomposition explique le fait, qui lui a ?t? si souvent reproch? de ne

pas donner ses sources50. Car les historiens contemporains, surtout

sensibles ? l'apport factuel d'une chronique, portent un regard critique sur ce mode d'?criture : s'ils soulignent l'int?r?t d'Ibn al-Ath?r, quand les chroniques qu'il utilise sont

perdues51, ils estiment n?cessaire de se

reporter aux sources originales, plus compl?tes, lorsque celles-ci sont

conserv?es52.

Le K?mil offre ainsi un expos? clair et ordonn?, coh?rent et concis, sans d?tails inutiles. Il est ?crit en une prose agr?able et vivante gr?ce ? un

large recours aux

dialogues que l'on peut penser avoir ?r? largement

recompos?s. La po?sie, les anecdotes, les effets litt?raires y occupent

peu de place ? la dif?rence des ouvrages d'histoire qui rel?venr de la litt?rature ?'adab, tels que les Mur?j al-dhahab d'al-Mas'ud? ou al

Fath al-quss? de 'Im?d al-D?n al-Isfah?n?. La mati?re rel?ve d'une histoire que l'on peut qualifier de politique, centr?e sur les hauts faits des princes. Au-del? d'une narration tr?s ?v?nementielle se dessine une

r?flexion sur le pouvoir qu'il convient d'analyser. ? la fin de son introduction, Ibn al-Ath?r expose les m?rites de

l'histoire, r?pondant ainsi ? des d?tracteurs qui consid?rent cette mati?re comme futile. L'utilit? pour les souverains est son

principal

argument : ? Si les princes et ceux qui d?tiennent le pouvoir

50. Encore qu'il lui arrive - mais c'est exceptionnel - de mentionner son informa

teur, s'il le juge n?cessaire.

51. Cl. Cahen, dans sa remarquable analyse des sources qui ouvre sa th?se sur la

principaut? d'Antioche, concluait : ? [Il reste] bien d'autres passages dont il n'y a nulle part de parall?le et dont par cons?quent l'origine est tout ? fait obscure.

C'est dire qu'il nous faut nous r?soudre ? utiliser Ibn al-Ath?r comme une source

originale ?. La Syrie du Nord ? l'?poque des croisades et la Principaut? franque d'Antioche, Paris, 1940, p. 60.

52. Ainsi H.A.R. Gibb, dans deux ?tudes comparant l'une Ibn al-Ath?r et Ibn

al-Qal?nis?, l'autre Ibn al-Ath?r et 'Im?d al-D?n, affirmait que le K?mil n'apporte tien par rapport ? ces sources et qu'il ne doit ?tre utilis? que secondairement pour l'histoire des croisades. H.A.R. Gibb, ? Notes on the Arabie Materials for the

History of the Early Crusades ?, Bulletin of the School of Oriental and African Studies 7 (1935), p. 739-754 et ? The Arabic Sources for the Life of Saladin ?,

Speculum 25 (1950), p. 58-72. Cette position est reprise par E Gabrieli, ?The

Arab Historiography of the Crusades ?, dans Historians of the Middle East,

B. Lewis et P.M. Holt (ed.), London, 1962, p. 103.

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Le Kitab al-kamil f? l-ta'r?kh d'Ibn al-Ath?r

d'ordonner et d'interdire connaissent les biographies des tyrans et des

oppresseurs, et voient qu'elles sont consign?es dans des livres que les

gens font circuler et se transmettent de g?n?ration en

g?n?ration, ils

peuvent constater les cons?quences d'un tel comportement : mauvaise

r?putation, ?v?nements d?testables, pays ruin?s, sujets fauch?s par la

mort, richesses disparues, m urs corrompues. Alors ils d?sapprouvent

une telle conduite, s'en d?tournent et l'?vitent. S'ils voient les belles

biographies des gouverneurs justes et la bonne r?putation qui les suit apr?s leur mort, ainsi que la prosp?rit? de leur pays et de leur

royaume, tout comme l'abondance de leurs biens, ils approuvent cette

conduite, veulent l'imiter de mani?re constante, et d?laissent ce qui serait contraire53. ?

L'histoire, comme source ?'exempta pour les princes : l'id?e n'est

pas neuve, on la trouve d?j? formul?e avec force chez Miskawayh54. Ibn al-Ath?r n'en donne pas moins ? son K?mil une fonction que l'on

peut qualifier d'?thico-politique et qui l'apparente ? cette longue tra

dition persane des ? Miroirs aux princes ?55. Ces ouvrages rel?vent ? la

fois de la morale (enumeration des vertus), de l'histoire (biographies des rois offertes comme mod?les), de la science politique (portrait du roi juste et de son bon gouvernement). Les ouvrages d'histoire comme

les miroirs aux princes participent du devoir de nas?ha, de conseil au

prince.

Or, loin d'?tre seulement un argument rh?torique all?gu? au d?but de l'ouvrage, la volont? d'offrir au souverain un motif de r?flexion

guide Ibn al-Ah?r dans son mode d'?criture. Ainsi il introduit le

portrait de Nur al-D?n Mahmud par le souhait que ? celui qui d?tient le pouvoir le lise attentivement et le prenne comme mod?le56 ?. De ce

r?le des livres d'histoire comme guidance pour le prince, un passage

significatif d'Ibn al-Ath?r nous fournit, si besoin ?tait, le t?moignage. Majd al-Dawla, gouverneur bouyide de Rayy, avait ?t? fait prisonnier

53. ?d. Beyrouth, t. i, p. 7. Trad, dans A.-M. Edd? et F. Micheau, L'Orient au

temps des croisades, Paris, 2002, p. 302.

54. Voir M. Arkoun, ? ?thique et histoire d'apr?s les Taj?rib al-umam ?, r??d.

dans Essais sur la pens?e islamique, Paris, 1973, p. 51-86.

55. Ce terme a ?t? utilis? ? l'?poque moderne (il appara?t en 1902 sous la forme

allemande de ? F?rstenspiegel ?) pour d?signer les trait?s qui ont pour objet de

d?crire le prince id?al, son r?le, son comportement. De tr?s nombreux ouvrages, arabes et persans, rel?vent de ce genre litt?raire. Voir ? Nas?hat al-Mul?k ? dans

Encyclop?die de l'Islam, 2e ?d., t. vu, p. 985 et s. (CE. Bosworth).

56. ?d. Beyrouth t. xi, p. 403.

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Fran?oise Micheau

par Mahmud de Ghazna. Celui-ci le convoqua et lui demanda : ? As tu lu le Sh?h-n?mah, qui est l'histoire (ta'r?kh) des Perses ? - Oui - Et le Ta'r?kh d'al-Tabar?, qui est l'histoire (ta'r?kh) des musulmans ? - Oui. Et Mahmud de r?torquer : Pourtant ta conduite n'est pas celle d'un homme qui les a lus57. ?

Ibn al-Ath?r place les souverains au centre de ses r?cits, car ce sont

eux les acteurs de l'histoire. Si l'histoire est une source ?'exempla ? m?diter par les princes, c'esr bien parce qu'ils ont ? suivre des r?gles de comportement qui assurent prosp?rit?, justice et victoire. Parce

qu'il consid?re califes er sultans, rois et princes, gouverneurs et ?mirs

comme comptables de leur r?ussite militaire et politique, il accorde une

place centrale ? leurs faits et gestes au point que sa

chronique, comme la plupart des chroniques m?di?vales, est essentiellement une

histoire politique et militaire. Les traits dont il accompagne souvent

l'annonce de leur mort, justice, simplicit?, courage, magnanimir?,

discernement, ?verg?tisme soulignent tout autant les vertus morales

et religieuses du d?funt que les marques d'un bon gouvernement58. Ces valeurs sont celles-l? m?mes qu'exposent les miroirs des princes, ?

commencer par le Trait? de gouvernement du vizir seljoukide Niz?m

al-Mulk, elles rel?vent plus d'un code que d'une peinture pr?cise. Le

mod?le ainsi mis en avant est un ? mod?le royal ?.

L'aspect religieux, ? rravers la pi?r? propre du souverain, n'est pas absent, mais second.

Jamais il ne conduit ? esquisser un caract?re sacr? ou divin, encore

moins rh?ocratique, du pouvoir59. La question de la l?gitimit? de ce

pouvoir n'affleure pas, ainsi que le montre le cas de Saladin. Il a ?t? souvent affirm? qu'Ibn al-Ath?r portait un jugement s?v?re

sur Saladin, souverain illig?time qui avait usurp? le pouvoir des

Zengides. Ainsi, pour H.A.R. Gibb, son appartenance ? une famille de lettr?s au service des Zengides ferait de l'historien de Mossoul ? l'avocat du diable ? et ses ouvrages refl?teraient l'hostilit? des milieux de Syrie du Nord et de Haute-M?sopotamie envers Saladin dont les ambitions contrariaient les int?r?ts zengides60. Cette affirmation

57. ?d. Beyrouth, t. rx, p. 371-2. Voir dans ce volume l'article d'H. Touati, p. 11.

58. Niz?M al-MuLK, trad. Ch. Schefer, Trait? de gouvernement, r??d. Paris,

1984. 59. Sur la tradition proprement politique du pouvoir en contexte musulman,

voir J. Dakhlia, Le divan des rois. Le politique et le religieux dans l'islam, Paris,

1998.

60. Gibb estime qu'Ibn al-Ath?r r?interpr?te les passages ?'al-Barq al-Sh?m? :

? Playing the useful, if rarely attractive, part of devil's advocate, he portrays for us

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Le Kit?b al-k?mil f? l-tar?kh d'Ibn al-Athir

couramment reprise, entre autres par E Gabrieli61, doit ?tre est r?vis?e.

Il est exact qu'Ibn al-Ath?r fait preuve de partialit? dans le B?hir,

ouvrage organis? autour de l'histoire des atabegs zengides et ?crit pour

prouver la reconnaissance de l'auteur envers Arsl?n Shah qui lui avait accord? ses bienfaits62. Son caract?re pro-zengide appara?t surtout dans

les portraits ?logieux qu'il offre de Zang? (521/1127-541/1146), Nur al-D?n (541/1146-569/1174), Arsl?n Shah (589/1193-607/1211). Et plus encore dans ses silences: les ann?es 570/1183 ? 587/1191, 589/1193 ? 594/1197 et 597/1200 ? 606/1209 sont d?lib?r?ment laiss?es de c?t? car peu glorieuses pour les Zengides. Dans le d?tail, bien des passages du B?hir montrent une tendance nette ? l'id?alisa tion des atabegs63.

Au contraire, dans le K?mil une large place est faite ? la geste de

Saladin, car c'est, pr?cis?ment, la r?flexion sur le pouvoir, les modes

d'acc?s, les modalit?s d'exercice, les conditions de r?ussite et d'?chec

qui int?ressent l'historien de Mossoul. Dans ces longues pages, on ne

d?c?le aucune hostilit? ? l'encontre de Saladin, mais plut?t la volont? de comprendre ce qui a conduit le sultan d'Egypte au succ?s et les

Zengides ? l'effacement. H.A.R. Gibb avait raison de souligner que les ouvrages de Tm?d al-D?n, al-Barq al-Sh?m? et Kit?b al-Fath al

quss?, ?taient la source principale du K?mil pour les campagnes de Saladin en Syrie. Mais, ici comme ailleurs, Ibn al-Ath?r recompose un r?cit clair, coh?rent, chronologique, r?pondant ? sa conception de

l'histoire. L'image de Saladin n'est donc pas celle d'un proche servi et

admir?, comme la donnait son chancelier en un style fleuri, mais celle

d'un sultan dont il convient d'exposer et

d'analyser la fortune, sans

complaisance et sans hostilit?. Ainsi la prise du pouvoir en Egypte rel?ve d'un heureux concours de circonstances64, mais aussi d'une

habile politique. Lorsque Nur al-D?n menace d'intervenir pour r?tablir

the hostility and party-spirit with which Saladin had to contend in building up his political and military force ?. (? The Arabic Sources for the Life of Saladin ?,

article cit? supra n. 52).

61. Voir infra, n, 69.

62. Al-B?hir, op. cit., p. 1.

63. Sur le caract?re nettement pro-zengide du B?hir, voir D.S. Richards, ? Some

Consideration of Ibn al-Ath?r's al-T?'r?kh al-B?hir and its relationship to the

K?mil ?, dans C. V?zquez de Benito et M.A. Manzano Rodr?guez (ed.), Actas

XVI Congreso VEA!, Salamanca, 1995, p. 443-446.

64. Ibn al-Ath?r se fait m?me l'?cho de la tradition hagiographique qui veut que Saladin n'e?t ? l'origine aucune ambition et accompagn?t Sh?rk?h en Egypte contre son gr?. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 342-3.

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Fran?oise Micheau

sa suzerainet?, une r?union oppose les ?mirs, pr?ts ? prendre les armes,

? Najm al-D?n Ayy?b, le p?re de Saladin, qui conseille de feindre une soumission humble et totale en d?p?chant un envoy? aupr?s de Nur al-D?n afin de le d?rourner de la roure de l'Egypte. Et Ibn al Ath?r de conclure : ? Saladin agit selon ce qui lui avait ?t? conseill?. Nur al-D?n renon?a ? son

projet et

s'occupa d'autres choses. Il en fut

ainsi qu'Ayy?b l'avait pr?sum?. Nur al-D?n mourut sans s'?tre tourn?

contre [Saladin], et celui-ci r?gna sur le pays. Ce [conseil d'Ayy?b] fut au nombre des conseils les meilleurs et les plus remarquables65.

? En

d'aurres termes, il s'agit d'un beau coup, appr?ci? ? la hauteur de son

efficacit? et non de sa valeur morale.

La main-mise sur Damas est expliqu?e par le choix des ?mirs

pr?occup?s de leurs seuls int?r?ts66 et la conqu?te d'Alep en 579/1183

par l'erreur de Tzz al-D?n Mawd?d qui avait remis la ville ? son fr?re 'Im?d al-D?n. Celui-ci se r?v?la en effet incapable de la d?fendre et

accepta de la ? vendre pour le prix le plus vil : il livra une forteresse d'une si grande importance

et re?ut en compensation des bourgades

er

des champs cultiv?s. [.,.] Le pouvoir de Saladin, auparavant ?branl?, fur affermi par la conquere d'Alep ; son pied fut consolid? par la soumission de cerre

place. Quand Dieu veur quelque chose, personne ne peut l'emp?cher67.

?

La campagne conrre les Francs de l'?t? 583/1187 fait l'objet d'un

long r?cit puis?, l? encore, aupr?s des proches de Saladin, qu'Ibn al Ath?r conclut sobrement mais clairement par ce

jugement : ? Cette

noble action de la conqu?te de J?rusalem ne fut accomplie depuis 'Umar ibn al-Khatt?b que par Saladin. Cela lui suffit comme titre de

gloire et d'honneur68. ? En revanche, la lev?e du si?ge de Tyr suscite non la d?sapprobation morale mais une tentative d'explication. Pour Ibn al-Ath?r, l'erreur de Saladin est d'avoir accord? aux habitants des villes conquises Yaman, ce qui leur a permis de se r?fugier en grand nombre ? Tyr et d'y cr?er, en quelque sorte, un foyer de r?sistance : ? Nous rapporterons plus tard, s'il pla?t ? Dieu, la suite de l'affaire, afin

qu'on sache qu'un souverain ne doit pas renoncer ? la fermet? m?me si

65. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 373.

66. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 415.

67. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 497. L'expression fa-thabbata qadamahu se r?f?re

explicitement au verset coranique (xlvii, 7) : ? O croyants ! Si vous faites triom

pher [la cause] de Dieu, il vous fera triompher et raffermira vos pas (wa yuthabbit

aqd?makum). ?

68. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 552.

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Le Kitab al-k?milf? l-tar?kh d'Ibn al-Ath?r

le sort lui est favorable. Car il est pr?f?rable pour lui et plus excusable aux yeux des gens de succomber dans la fermet? que de vaincre avec

n?gligence et sans fermet?69. ?

Le propos est clair. Du prince, de sa capacit? ? gouverner selon des

principes de justice et de bienfaisance, d'habilet? et de discernement, de fermet? et de pr?voyance70, d?pendent l'acc?s et le maintien du souverain au pouvoir. Au contraire l'incapacit? ? administrer et ?

d?fendre son territoire conduit ? sa d?ch?ance. Et c'est bien l'incurie des souverains qu'Ibn al-Ath?r d?nonce pour expliquer les graves succ?s des Francs et des Mongols. ? Quand les Francs - que Dieu les confonde

- s'impos?rent

sur les terres d'Islam qu'ils avaient conquises, cela co?ncida avec le fait que les arm?es et les souverains de l'Islam ?taient occup?s ? se combattre, car les musulmans ?taient alors

d'opinions oppos?es, leurs vues divergeaient et leurs biens ?taient

gaspill?s71. ? Al-Sulam?, ce juriste de Damas qui tenta d'appeler au

djih?d contre les Francs dans les ann?es 1105, ?crivait d?j? la m?me chose pour mobiliser les souverains de son

temps72. Cette accusation

est assur?ment une explication historique recevable, d'ailleurs souvent

mise en avant dans les histoires des croisades, mais elle vise avant tout

? ?veiller la conscience des princes de l'Islam ? leur devoir. Ibn al-Ath?r propose la m?me explication des succ?s de la

Reconquista : ? Il ne resta dans ces r?gions [les environs de Tortose] aucune place poss?d?e par les musulmans qui n'ait ?t? prise par les

Francs, en raison des dissensions entre les musulmans, et qui ne soit

69. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 556. Voir aussi la traduction de ce passage dans

F. Gabrieli, Chroniques arabes des Croisades, Paris, 1977, p. 205, qui ajoute ce

commentaire : ? Voil? un passage - et ce n'est pas le seul - o? l'historien irakien

trahit une hostilit? mal dissimul?e ? l'?gard de Saladin, toujours en raison de son

affection pour la dynastie Zenghide qu'il avait supplant?e ?. Je propose de lire ces

reproches sur la conduite de la guerre non comme l'expression d'une hostilit? mais

comme ?l?ment d'une analyse politique. 70. La n?cessit? d'assurer la r?tribution des troupes est souvent ?voqu?e par Ibn

al-Ath?r. Voir sur ce point G. Hoffmann, ? Milit?rhistorisches bei Ibn al-At?r ?,

dans Gedenkschrift Wolfgang Reuschel. Akten des III. Arabischen Kolloquiums.

Leipzig 21.-22. november 1991, Stuttgart, 1994, p. 157-164 (Abhandlungen fur die Kunde des Morgenlandes LI,1).

71. ?d. Beyrouth, t. x, p. 373.

72. E. Sivan, ? La gen?se de la contre-croisade : un trait? damasquin du d?but du

xiic si?cle ?, Journal asiatique 254 (1966), p. 207 (texte arabe) et 215-216 (trad,

fr.).

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encore aujourd'hui entre leurs mains73. ? De m?me, il accompagne

la mention de la prise de Mar?gha par les Tatars en 628/1231 avec ces mors : ? Puisse Dieu le Tr?s Haut venir en aide ? l'Islam et aux

musulmans pour les d?livrer. Mais nous ne voyons aucun souverain de

l'Islam qui ait le d?sir [de mener] le djih?d et de venir en aide ? la religion. Car tous s'adonnent au

plaisir et au divertissement en opprimant leurs

sujets. Et cela est ? mes yeux plus redoutable que l'ennemi. Dieu le Tr?s Haut a dit : 'Craignez une ?preuve/s?dition (fitna) qui n'atteindra pas sp?cialement

ceux d'entre vous qui sont injustes. Sachez que Dieu est

implacable en son ch?timent' (Coran vin, 25)74.

?

Ici appara?r l'affirmarion, r?currente dans toute l'historiographie m?di?vale, chr?tienne comme musulmane, occidentale comme

orientale, du d?cret irr?vocable de Dieu. La question th?ologique, fondamentale en contexte monoth?iste, de la contradicrion entre

le d?cret divin et la responsabilit? individuelle dans la conduite des ?v?nements n'affleure pas chez Ibn al-Ath?r, ? la fois respectueux d'une volont? sup?rieure qui le d?passe er soucieux d'engager les princes ? suivre les bons exemples.

Ibn al-Ath?r conclut, de temps ? autre, ses r?cirs par l'affir

mation d'une volont? divine. Par exemple, il ?crit, ? propos de la reddition inattendue de la forreresse d'al-'Im?diyya ? Badr al-D?n en 622/1225-6 : ?

Lorsque Dieu veur une chose, rien ne peur l'?carter75. ? Ou plus explicitement encore : ?

Quand Dieu veut

quelque chose, il en pr?pare les causes (asb?b)76 ? pour expliquer que Saladin n'ait pu emp?cher les troupes de la Troisi?me croisade de prendre position devant Acre. Un relev? syst?matique, effec

tu? sur les romes x et xi, qui correspondenr aux ann?es 451/1059 ? 583/1187, permer de pr?ciser les convictions de l'historien. Ce sont essentiellement deux types de situation qui le conduisent ? en appeler au d?cret divin. D'abord un d?nouement impr?vu et

improbable, venu en

quelque sorte bouleverser l'encha?nement

pr?visible des faits. Ainsi, en 519/1125-6, alors que Tughril, alli? au

Mazyadide Dubays b. Sadaqa, marchair conrre Bagdad avec toutes

73. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 136 (sous l'ann?e 543/1148-9) ? propos de la conqu?te de Tortose. Voir aussi sous l'ann?e 540/1145-6 un jugement similaire pour expli

quer la perte des villes de Santarem, Beja, Merida et Lisbonne (?d. Beyrouth, t. xi,

p. 106).

74. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 497.

75. ?d. Beyrouth, t. xu, p. 446.

76. ?d. Beyrouth, t. xn, p. 34.

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Le Kitab al-kamilf? l-tankh d'Ibn al-Ath?r

les chances de succ?s, c'est sa maladie ? voulue par Dieu ? qui

sauva

le calife et le sultan77. Ou, autre exemple, lorsque le calife al-Mustanjid

?chappa de mani?re inattendue ? un complot ourdi contre lui, c'est

parce que ? Dieu l'avait prot?g? ?78. Constatant que les Isma?liens

auraient pu ?tre d?finitivement ?limin?s dans le Khur?s?n si les

troupes n'?taient pas alors occup?es ? combattre les Oghuz, il ?crit : ? Mais Dieu atteint le dessein qui est le sien79. ? De telles occurrences restent rares, une douzaine tout au

plus pour les deux volumes

?tudi?s. Elles n'ouvrent pas ? une r?flexion th?ologique sur le sens des ?v?nements, au contraire elles ram?nent le chroniqueur ? sa fonction,

premi?re et modeste, de consigner les faits. On trouve en beaucoup

plus grand nombre la r?f?rence ? l'intervention divine dans un second

type de circonstances : les victoires sur les ennemis de l'Islam sunnite,

B?tinites, Arm?niens, Byzantins et surtout Francs. Le massacre de

plusieurs milliers de B?tinites ? Damas en 523/1129 appelle cette conclusion : ? Dieu sauva les musulmans de leur sc?l?ratesse et

tourna leur ruse contre les infid?les80. ? Lorsqu'Ibn al-Ath?r rapporte

la d?faite inflig?e ? Baudouin en 495/1102 par les troupes d'Egypte, il ajoute

? Dieu donna la victoire aux musulmans81. ? Le r?cit des

op?rations men?es par les musulmans contre la flotte sicilienne qui assi?ge Alexandrie en 570/1174 est ponctu?e par ces phrases : ? Dieu leur envoya Son aide et Ses signes furent manifest?s ?, ? Dieu d?livra les musulmans de leur m?chancet?82. ? Les occurrences se

multiplient ?videmment avec les succ?s de Saladin, Ibn al-Ath?r reprenant ? son

compte la vision qui accompagne la geste de Saladin, celle du djih?d men? contre les Francs. Les victoires des musulmans sur les Infid?les manifestent ainsi le plan de Dieu qui pr?side ? la p?rennit? et ?

l'int?grit? du dar al-isl?m. En de?? d'un Dieu dirigeant le cours de toutes les affaires

humaines, s'impose une

explication temporelle et

politique, celle de

la responsabilit? individuelle du souverain. L'?criture de l'histoire chez Ibn al-Ath?r rel?ve ainsi de la siy?sa entendue comme politique,

77. ?d. Beyrouth, t. x, p. 626-627.

78. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 257 {wa dafaa Allah 'anhu).

79. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 199, avec une allusion ? Coran LXV, 3. On a vu plus haut que l'?tonnante erreur politique de 'Izz al-D?n Mawd?d conduit ? la m?me

conclusion,

80. ?d. Beyrouth, t. x, p. 657.

81. ?d. Beyrouth, t. x, p. 346.

82. ?d. Beyrouth, t. xi, p. 413 et 414.

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Fran?oise Micheau

ou plus exactement comme bon gouvernement. Il y aurait lieu de

s'interroger, plus qu'on ne l'a fait, sur cette tension entre sharta et

siy?sa qui traverse ? partir du XIe si?cle le champ religieux, culturel et politique83. Retenons seulement que la siy?sa, comme art de

gouverner, implique l'habilet? politique, qui n'exclut pas un certain

r?alisme, voire un certain cynisme. Ibn al-Ath?r ne d?passe gu?re cette perception d'un pouvoir

personnel pour analyser les m?canismes politiques ? proprement

parler. Il lui arrive pourtant de prendre quelque recul par rapport ? une narration tr?s ?v?nementielle. Ainsi il constate que dans nombre

de dynasties de l'Islam, le ? pouvoir dynastique ? (dawla) est pass? de son fondateur ? une branche collar?rale. Comme pour les Omeyyades, puisque le pouvoir passa des descendants de Mu'?wiya aux fils de

Marw?n, pour les Abbassides, puisque le pouvoir passa d'al-Saffah ? son fr?re al-Mans?r, pour les Samanides, puisque le pouvoir passa

de Nasr b. Ahmad ? son fr?re Ism?'?l, pour les Saffarides puisque le

pouvoir passa de Ya'q?b al-Saff?r ? son fr?re 'Umar, et de m?me pour les Bouyides, les Seldjoukides et les Ayyoubides. ? Il en fut ainsi des

plus grandes dynasries (duwal pi. de dawla) de l'Islam. Par crainte d'?tre trop prolixe,

nous ne donnons pas d'autres [exemples]. Quant

? la cause de ceci, je pense que le premier d'une dynastie multiplie les ex?cutions84 et s'empare du pouvoir (mulk) ; les c urs de ceux qui sont avec lui ne se pr?occupent plus que du pouvoir. Pour cela, Dieu

en prive ses descendants et ceux qui agissent ainsi, ? titre de punition

et pour leur salut85. ?

Avec cette derni?re phrase, nous voici ramen?s ? une

explication

sapientiale, qui place Dieu en ma?tre de toute chose et vise ?

l'?dification du lecteur. Mais ce passage peut aussi ?tre lu comme

l'amorce d'une r?flexion sur les m?canismes de transmission du

pouvoir. Les deux termes employ?s, mulk pour d?signer le pouvoir au sens propre de pouvoir de commander, punir, contraindre, avec

l'id?e sous-jacente d'un pouvoir qui se prend et se garde par la force, dawla pour d?signer le pouvoir acquis par un prince et conserv? dans sa lign?e, rel?vent bien d'un vocabulaire propremenr politique. La

r?flexion ici engag?e par Ibn al-Ath?r pr?sage la rh?orie d?velopp?e

83. Voir ? ce sujet les pages suggestives de Khalidi, Arabie historical thought,

op. cit., p. 193 et s.

84. Traduction selon la variante 3.

85. ?d. Beyrouth t. xi, p. 345. Voir aussi la traduction que propose Khalidi,

Arabie historical thought, op. cit., p. 217.

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Le Kitab al-k?mii f? ?-tar?kh d'Ibn al-Athir

par Ibn Khald?n selon laquelle le pouvoir comporte en lui-m?me les

germes de sa d?g?n?rescence. Il reviendra ? Ibn Khald?n de reprendre les m?mes interrogations, mais de d?placer le propos des princes aux

peuples : c'est l? toute la force et l'originalit? d'une interpr?tation selon

laquelle c'est la 'asabiyya qui permet aux hommes de s'emparer du

pouvoir et de le garder, c'est sa disparition qui leur fait perdre force et

l?gitimit?86.

Fran?oise Micheau

(Universit? Paris 1 Panth?on-Sorbonne)

86. Voir dans ce m?me volume les contributions de Abdesselam Cheddadi et de

Gabriel Martinez-Gros.

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