mémoire sur la corée

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Mmoire sur la CoreSocit orientaleMmoire sur la CoreRevue de lOrient, Tome cinquime, 1844 (pp. 273-293).MMOIRE SUR LA CORE[1].Origine des Corens issus de race mongole. Division par castes. Agriculture. Industrie. Ginseng. Cornes de cerf. Fourrures. Commerce avec la Chine et avec le Japon. Despotisme et faiblesse du gouvernement. Costume des Corens. Leurs maisons. Leur nourriture. Forts. Animaux. Mdecine. Murs. Langue. criture. Imprimerie. Si les nombreux voyages de circumnavigation entrepris depuis prs dun sicle par les grandes puissances maritimes nous permettent de poser en fait quil ne reste plus de terres dcouvrir dans les climats habitables, il nest pas moins vrai de dire que des pays inscrits sur nos cartes depuis quatre sicles nous sont tout aussi inconnus maintenant, quils ltaient avant leur dcouverte, sauf le trac de quelques ctes explores la hte par un petit nombre de navigateurs.Sans parler des les immenses, mieux appeles continents, que lon pourrait citer lappui de cette assertion, nous en trouvons une preuve bien frappante dans la presqule de Core, vaste royaume situ, comme on le sait, entre la Chine et le Japon.Dcouverte par les Hollandais dans les premires annes du xvie sicle, la Core nattira jamais lattention des Europens, soit parce quelle ne leur offrait pas des marchs aussi lucratifs que les contres voisines, soit parce que le gouvernement coren a toujours t plus exclusif lgard des trangers que ne le sont les Chinois et les Japonais eux-mmes.Sous lillustre empereur de Chine Kang-Hi, un des gographes europens employs la construction de la carte gnrale de lempire chinois savana jusquen Core, afin dy dterminer osition de quelques points principaux ; mais ayant t forc de se retirer promptement, son voyage najouta presque rien ans connaissances que lon avait dj sur la nature de ce pays et du peuple qui lhabite.Quelques mmoires ont t publis en hollandais par des voyageurs qui, jets par la tempte sur les ctes de Core, y avaient t retenus en esclavage pendant un temps assez considrable. Mais ces donnes, restreintes an cercle troit dans lequel leurs auteurs staient trouvs placs, nous apprennent peu de chose sur ltat gnral de ces contres lointaines.Ce nest rellement que depuis une dizaine dannes quil a t possible un petit nombre dEns engags dans la carrire des missions catholiques de pntrer en Core, et dy sjourner assez longtemps pour lever un coin du voile qui drobait ce pays nos investigations. en juger par la proximit et la dpendance o la Core se trouve de lempire chinois, on serait port croire que les mmes coutumes, les mmes murs, les mmes lois devraient y prvaloir, et que ce royaume tributaire devrait tre lorient de la Chine ce que le Tong-King et la Cochinchine sont loccident. Nous voyons, en effet, que, sauf la corruption du langage et une lgre diffrence dans le caractre de ses habitants, le royaume dAnnam, form par les deux pays que nous venons de mentionner, diffre si peu de la Chine, proprement dite, quon pourrait, sous le point de vue ethnographique, le mettre au nombre des provinces chinoises.La Core, au contraire, se prsente sous un aspect entirement diffrent ; et, chose remarquable, elle offre avec le Japon une telle analogie, quon est naturellement port attribuer aux deux royaumes une seule et mme origine.On ne saurait rvoquer en doute que les Corens nappartiennent la race mongole aussi bien que les Chinois, les Annamites et les Japonais. Le front troit, bomb et fuyant, les paupires paisses, les yeux obliques, les pommettes saillantes, le nez un peu dprim, les cheveux roides et noirs, la barbe clair seme, le teint olivtre, les extrmits des membres gnralement grles, voil les caractres distinctifs de la nombreuse race mongole ; voil aussi ceux du Coren.Cependant, de mme que, chez nous, un il exerc aperoit facilement une diffrence dans le facies des habitants des diffrentes contres europennes, de mme on voit, chez les peuples dont je viens de parler, quelques traits particuliers qui les font facilement distinguer les uns des autres. Chez les Corens, cest la rondeur et surtout laplatissement du visage que lon peut regarder comme le trait de famille : et en ceci encore ils se rapprochent beaucoup plus des Japonais que des Chinois.Le phnomne social le plus remarquable dont la nation corenne nous fournisse lexemple est la distinction des castes.Chez les autres peuples de la race tartare-mongole lgalit de naissance est gnralement admise : les dignits seules confrent ceux qui les ont mrits certains degrs de noblesse qui ne passent point leurs descendants. De l, ce passage continuel de lobscurit la grandeur, et de lopulence la misre.Les Corens sont les seuls qui fassent exception cette loi dgalit naturelle, et qui, par leur organisation sociale, se rapprochent des peuples qui habitent lIndoustan. Ces castes, nettement tranches, tablies dans lInde depuis la plus haute antiquit : ces Brames, ces Soudras, ces Chatrias dont les rivalits font le malheur du plus beau pays du monde, se retrouvent en Core sous dautres dnominations, il est vrai, mais avec les mmes prrogatives et le mme esprit dhostilit mutuelle.Les castes dont se compose la socit corenne sont au nombre de trois :La premire est forme de ce quon est convenu dappeler la noblesse. Elle a le monopole de toutes les dignits civiles et militaires du royaume, et compte, par consquent, parmi ses membres, tous les grandis de la cour, les mandarins suprieurs, les chefs de larme, etc. etc. Elle jouit, lgard des castes infrieures, du droit dimpunit, sa cependant stayer, comme la caste des brames indiens, daucun caractre sacr qui puisse lui concilier le respect, dans le cas o la fort viendrait lui chapper. Cette caste, ayant tout perdre et rien gagner dans les commotions politiques, se tient fortement attache au gouvernement, et rservant pour elle le dveloppement de lintelligence, elle tient les deux autres castes dans une ignorance salutaire ses propres intrts.La marque distinctive laquelle en reconnat un noble est une espce de bonnet carr en crin noir asses semblable celui que portent chez nous les membres du barreau, et identique avec celui dont les mandarins chinois faisaient usage anciennement.Dans les rues et les endroits publics, les nobles se cachent le visage avec un mouchoir ou avec un petit cran toutes les fois quils rencontrent des individus appartenant aux castes infrieures. Si on leur barre le chemin, ils font immdiatement signe quon leur fasse place et, au besoin, ils frappent impitoyablement sur ceux qui leur opposent quelque rsistance : malheur la main plbienne qui se lverait contre un noble !Les femmes de la premire caste ne se montrent jamais en public le visage dcouvert : elles sortent ordinairement en chaise ferme, ou, si elles sortent pied, elles se couvrent le visage avec le grand voile dont elles senveloppent le corps. Cette coutume parat remonter aux temps les plus reculs de lempire chinois ; car lhistoire nous apprend que, mme devant leurs maris, les femmes ne se prsentaient pas sans se couvrir le visage avec la manche de leur robe. Aujourdhui cet usage est en grande partie tomb en dsutude : les femmes chinoises se contentent, quand elles sortent, denfoncer leur tte dans le parasol quelles tiennent demi ferm dans ce but.La seconde caste forme ce que nous pourrions appeler la bourgeoisie. Elle se compose gnralement de propritaires, de marchands, dofficiers subalternes et dautres personnes trangres aux travaux serviles, quelle que soit dailleurs leur richesse ou leur pauvret. Tenant le milieu entre les deux extrmits du corps social, entre le pouvoir despotique et lavilissement, les honneurs et le mpris, cette caste jouit peut-tre de plus destime et de tranquillit que les deux autres. Ses privilges, restreints dans des bornes raisonnables, se rapportent plutt au crmonial qu un intrt matriel. Ain, un homme de la deuxime caste nest pas oblig de se lever quand un noble passe, il peut entrer dans la maison de celui-ci lorsquune affaire quelconque ly appelle ; il peut enfin tre lev la premire caste, sil se distingue par un grand mrite personnel ou sil rend quelque service important ltat. Cest cette classe quappartiennent la plupart des envoys qui vont tous les ans Pkin porter le tribut du roi de Core son suzerain lempereur de Chine.La troisime et dernire caste comprend les ouvriers, les marchands de comestibles, les domestiques, les satellites des tribunaux, et, en gnral, toutes les personnes livres des occupations basses et serviles. Le travail, le mpris, et ordinairement la misre, sont le partage de ceux quune malheureuse destine a fait natre dans cette caste. Leur position sociale est tout fait analogue celle des Parias dans lInde, si ce nest quil ne se rattache pas leur personne cette ide de souillure lgale, base sur des superstitions religieuses, qui appelle lanathme sur tout ce qui a prouv leur contact. Il nest mme pas rare de voir des personnes de cette caste contracter mariage dans la caste suprieure. Dans ce cas, et, en gnral, toutes les fois que les poux sont ns dans des castes diffrentes, les enfants suivent la condition du pre. Cette sage disposition de la loi tend amener insensiblement la fusion des trois castes ; car, comme on peut bien le supposer, linfriorit de caste dans les mariages mixtes se trouve presque toujours du ct de la femme ; ou si, par hasard, elle se rencontre du ct de lhomme, les parents de lpouse font tous leurs efforts pour llever la haeur de leur position, et y russissent presque toujours.La population corenne est, en gnral, fort pauvre, quelle que soit la caste dans laquelle on la considre : et, sous ce rapport, elle est infiniment au-dessous des Japonais, des Annamites, et surtout des Chinois, chez lesquels on voit souvent des fortunes colossales. Le dfaut de richesse en Core provient de ce que le pays nest presque point cultiv, de ce que lindustrie y est inactive, le commerce nul, et enfin de ce que le systme du gouvernement touffe toutes les entreprises dans leur germe.Les principaux produits agricoles qui fournissent la subsistance des Corens sont le riz, le mas, le millet et le froment pour la culture du riz, on suit peu prs la mme mthode quen Chine : on fait dabord un semis trs-serr dans de la terre dlaye jusqude bouillie, et, lorsque les jeunes pousses ont atteint 8 10 centimtres de hauteur, on les transplante, par petits paquets, dans des champs soumis dabondantes irrigations : on les sarcle souvent et on les chausse jusqu ce que le temps de la moisson soit arriv.La culture du froment se fait dune manire diffrente et assez singulire, analogue celle que jai vu employer aux les Philippines : on abat sur les montagnes peu boises toutes les plantes ligneuses qui peuvent servir de bois de chauffage, ensuite on met le feu aux broussailles et aux herbes qui recouvrent le sol. Deux ou trois jours aprs que le feu est teint, on sme la vole et on se contente de recouvrir la semence en ratissant la surface du terrain. Ce genre de culture est pratiqu de prfrence dans les provinces septentrionales, par la raison quelles sont beaucoup plus montagneuses que cette autre partie du royaume qui stend depuis la capitale Kin-Ki-Tao jusqu la cte qui avoisine le Japon, et dans laquelle on sadonne presque exclusivement la culture du riz, du mas et du millet. Dans ces principaux produits de lagriculture, les Corens trouvent de quoi satisfaire aux besoins de la consommation, mais il ne sauraient y trouver une source de richesse, parce que, dun ct, lexportation leur en est interdite, et que, dun autre ct, le dcroissement graduel de la population diminue chaque jour la consommation intrieure.Lindustrie en Core est encore moins bien partage que lagriculture. Point de ces riches tissus, de ces belles porcelaines, de ces brillants vernis que nous admirons chez les Chinois et les Japonais ; point de ces ouvrages de marqueterie et dorfvrerie dans lesquels les Chinois rivalisent avec les Europens. Lindustrie corenne se borne la fabrication de grossiers tissus de coton, de lin ou de soie pour lusage du pays. Il y a cependant des articles dans la fabrication desquels les Corens ont la rputation, mon avis, peu mrite, de surpasser leurs voisins ; ce sont le papier et les nattes.Le papier est pais, souple et soyeux ; sa consistance, ou, pour mieux dire, ladhsion des fibres vgtales dont il est form est telle, quon lemploie, non-seulement garnir des chssis de porte, mais mme faire des habits ! Il se prte assez bien lcriture au pinceau et lencre de Chine en usage dans le pays ; mais il noffre pas une surface assez lisse pour quon crive facilement avec une plume et de lencre europennes. Aussi croirai-je toujours le papier chinois suprieur au papier toffe des Corens.Quant aux nattes, elles sont en effet fort jolies, mais elles ne valent pas celles quon fait Poulo-Pinang, et dailleurs elles ne forment pas un article assez important pour que nous nous arrtions en parler.Ainsi rduite ses ressources industrielles, la Core naurait presque rien fournir au commerce extrieur ; fort heureusement la nature est venue son secours par la production spontane de plusieurs articles fort recherchs ltranger, savoir : le ginseng, les jeunes cornes de cerf et les peaux de plusieurs espces remarquables de mammifres.Le fameux ginseng nest autre chose, comme on sait, que la racine dune plante appartenant la famille naturelle des araliaces, et appele par les botanistes panax ginseng. Les Chinois attribuent cette racine des vertus mdicinales extrmement puissantes qui la font employer dans presque toutes les maladies. Que les poumons soient moiti consums par la phtisie, disent les mdecins chinois, que la chaleur naturelle soit presque teinte par la vieillesse, que les viscres aient t profondment lss par laion dltre de quelque poison, administrez du ginseng, et le malade sera bientt rendu la vie et la sant. Ce prtendu antidote des souffrances humaines est fortement recherch dans tous les pays o ces thories mdicales ont cours, et sy vend au poids de lor. Depuis quune espce de panax, trs-voisine du panax-ginseng, a t dcouverte dans lAmriqueu Nord, la pharmacie chinoise reoit de ce pays les deux tiers de ce quelle en consomme. Cependant, comme la racine amricaine est trs-infrieure en qualit, le vrai ginseng de Core na pas baiss de prix, et forme toujours la branche la plus lucrative du commerce coren avec la Chine.La plante qui fournit ce prcieux remde crot spontanment sur les montagnes dcouvertes de la Core septentrionale : sa racine est de lespce de celles que les botanistes appellent pivotantes, et prsente sa base, ainsi quau sommet, deux renflements ou bifurcations latrales qui donnent au tout lapparence dune poupe : de l le nom chinois ginseng, qui signifie homme vivant, et non pas la vie de lhomme, comme lont prtendu quelques crivains. Sur la foi des mdecins chinois, le ginseng a t employ en Europe dans le courant du sicle dernier, mais on na pas tard se convaincre que les prodiges attribus ce mdicament ne sopraient que dans limagination des Orientaux, et que (voyez Richard, Botanique mdicale), pour les proprits relles quil possde, on pouvait lui substituer cent autres plantes indignes infiniment moins chres.Les jeunes cornes de cerf forment un second article dexportation presque aussi avantageux que le ginseng. Vers le commencement de lt, peu de jours aprs que le cerf mle a perdu le bois de lanne prcdente, il se forme sur chaque cicatrice un renflement ou protubrance arrondie, qui nest que le germe du bois venir. Pendant plusieurs semaines, ces jeunes pousses sont recouvertes dune peau veloute, et leur substance est assez tendre pour quon puisse facilement les entamer avec un couteau ou mme avec les dents. Cest dans cet tat quelles sont trs-recherches par les Chinois et surtout par les Japonais, qui en font un grand usage dans leur mdecine. Le prix lev auquel on vend ce mdicament met tous les montagnards en mouvement lpoque du rut et fait livrer au cerf une chasse trs-active. Nul doute que, si la population corenne tait plus dense, elle ferait bientt disparatre des forts ces timides et lgants animaux.Les fourrures enfin fournissent aux Corens une branche de commerce dautant plus importante, quelles sont rares dans les provinces froides de la Chine, o le luxe les fait rechercher des prix souvent incroyables. Cest aussi de Core que les Chinois tirent la plus grande partie du poil de renard dont ils font leurs excellents pinceaux pour crire.Tout restreint quil est un petit nombre darticles, le commerce coren serait susceptible de prendre beaucoup dextension, si le gouvernement ne le paralysait avec tout le despotisme de son pouvoir. Ainsi, il nest permis de commercer avec la Chine que deux fois dans lanne, et une fois seulement avec le Japon. la cinquime et la onzime lune, cest--dire vers la fin des mois de juin et de dcembre, les marchands corens se runissent en caravane, et traversent le vaste dsert qui spare leur pays de la Chine, ils se rendent Fong-Pien-Menn, petit village situ la frontire du Leaotong : l, les autorits des deux pays limitrophes passent en revue et inscrivent avec soin tous les arrivants, afin de pouvoir sassurer, la fin de la foire, que chacun est rentr dans son pays respectif. Dix jours sont accords pour les transactions commerciales du semestre, aprs quoi, la frontire est de nouveau ferme, et toutes relations entre les deux peuples sont svrement interdites.Les changes avec le Japon ont lieu la septime lune, cest--dire vers la fin du mois daot, et se distinguent des prcdentes en ce que ce sont les Japonais qui viennent apporter en Core leurs marchandises, et y acheter les jeunes pousses de corne de cerf dont nous avons parl plus haut.Cest donc en suivant une politique entirement oppose la politique europenne, que le gouvernement de Core cherche tenir le peuple dans la soumission. Chez nous, cest la richesse, linstruction et la libert de la nation qui font la force du gouvernement : en Core, au contraire, cest sur la pauvret, lignorance et lasservissement du peuple que le pouvoir sappuie. Il est vrai de dire, cependant, que, malgr ses tyranniques efforts, malgr mme le puissant soutien quil trouve dans le corps aristocratique, le gouvernement coren ne jouit daucune force relle, et quil faudrait trs-peu de chose pour le renverser. Oblige, pour sa propre conservation, de sentourer du petit nombre de troupes quelle a sa solde, lautorit na ni le pouvoir, ni la volont dexercer une police salutaire et de fournir aux habitants des campagnes la scurit si ncessaire aux travaux agricoles. Il rsulte de l que le pays est infest de brigands organiss en bandes nombreuses, bien suprieures en force aux villages sans garnison, et qui sont mme capables de lutter avantageusement avec la milice, si elle osait les affronter en rase campagne. Ces brodes de voleurs parcoururent le pays lpoque o le laboureur recueille le fruit de ses travaux : elles pillent tout ce qui leur convient, ravagent ce quelles ne peuvent pas emporter, et mettent souvent le feu aux hameaux quelles ont dvasts. Le paysan sait quil est pour le moins inutile dopposer une rsistance quelconque, aussi nest-ce pas en se dfendant quil cherche se soustraire cette calamit ; cest en se retirant le plus tt possible avec sa famille et son bien dans les villes fortifies o se tiennent les mandarins et les soldats. Les fortifications de ces villes consistent en un mur continu, haut de 8 10 mtres, et garni de nombreux crneaux. Du ct intrieur, un talus de terre en pente douce sert non-seulement de soutien au mur denceinte, mais aussi de monte facile aux soldats et aux habitants chargs de dfendre la place. En cas dattaque, les sentinelles donnent le signal dalarme par un certain nombre de coups de gong ou tam-tam, et aussitt tout le monde accourt sur les remparts, les uns arms de mousquetons, les autres darcs et de flches, de pierres ou dautres projectiles plus redouts que redoutables. On conoit facilement combien lagriculture doit souffrir de ltat de crainte continuelle o se trouve le laboureur pendant quil habite les champs, et plus encore de labsence quil est oblig de faire lpoque des brigandages. Ce que lon aura de la peine concevoir, cest que les Corens nouvrent pas les yeux sur leurs propres intrts, et ne secouent pas le joug dun gouvernement en dcadence qui sait bien les opprimer, mais nullement les dfendre contre leurs ennemis.Si nous en croyons les histoires publies dans le pays, la Core tait, au xviie sicle, un des royaumes les plus florissants de lAsie orientale ; et il faut, en effet, quelle ait eu dans ce temps-l une administration bien plus sage et une force militaire bien plus redoutable, pour avoir battu tour tour les Chinois et les Japonais qui ont cherch lenvahir. Ces derniers ont t contraints, en vacuant la Core, signern trait en vertu duquel ils doivent fournir perptuit 300 hommes en otage. Le trait a t mis excution, et, prsent encore, le gouvernement coren fait scrupuleusement remplacer ceux des otages qui viennent mourir.La guerre que les Corens eurent soutenir contre la Chine a t cause par le refus quils firent de se raser la tte et dadopter le costume introduit dans ce vaste empire par la dynastie tartare qui rgne aujourdhui. Leur ancien costume, le mme quils portent encore prsent, se ressent beaucoup de la simplicit de leurs murs, ou, pour mieux dire, de ltat denfance dans lequel sont presque tous les arts en Core, ceux mme qui ont le plus de rapport avec les premiers besoins de lhomme. Imitateurs des Chinois dans quelques points de leur toilette, les Corens ne portent aussi pendant les chaleurs quun seul habit, servant tout la fois dhabit de dessus et de dessous. La forme de cet habit est peu prs celle de nos chemises dhomme, si ce nest que, sur le devant, il est ouvert du haut en bas, et dune ampleur suffisante pour quon puisse le croiser en guise de fichu, et lattacher au moyen dun cordon sous le bras gauche. Pour nous, qui voyons chaque jour notre costume se modifier sous lempire de la mode, cet inexorable tyran de la socit civilise, il paratra insignifiant de remarquer de quel ct on croise lhabit ; mais pour les peuples de lAsie orientale, cest un trait caractristique par lequel ils se distinguent, et quil est dautant plus important de signaler en ethnographie, quon peut sen servir comme dun jalon fort sr dans les recherches sur lorigine et les affinits des diffrentes branches de la race mongole.Nous voyons, en effet, que, sous la dynastie Tsi, les Chinois dsignaient les barbares qui erraient au nord-ouest de lempire par la singulire priphrase de peuples qui boutonnent leur habit sous le bras gauche, par opposition la coutume o taient ds lors tous les habitants de la Chine proprement dite de se boutonner droite. Cette circonstance, jointe plusieurs autres dont il sera question plus tard, me parat de nature prouver que la Core, et probablement aussi le Japon, ont t peupls par des colonies mongoles, venues des steppes de lAsie centrale, je veux dire du grand plateau compris entre les deux immenses chanes de lAlta et de lHymalaya.Pour en revenir au costume coren, lespce de chemise dont nous avons parl, dans les circonstances ordinaires de la vie, ne descend que jusquaux genoux ; elle a des manches troites, et ne dpassant pas la longueur du bras ; mais dans les visites et aux crmonies civiles ou religieuses, on la porte beaucoup plus longue et plus simple. Cest alors une vraie toge dont les pans descendent jusquaux pieds, et dont les manches excessivement larges ont une fois et demie la longueur du bras. Lhabit de crmonie que les Chinois portent pendant lt ressemblerait assez la toge corenne, sil t muni, comme celle-ci, dun collet droit qui protge le cou. Des pantalons fort larges, noffrant sur le devant ni pont, ni ouverture quelconque, forment la seconde partie du costume coren. On les maintient autour des reins au moyen dune ceinture aise dfaire, et, mi-jambe, on les fait entrer dans les bas, afin quils ne gnent pas la marche. Les bas sont en toile et assez semblables aux bas chinois ; mais, ils ont cela de particulier, que la couture se trouve juste au-dessous de la plante des pieds, de manire corcher les pieds des personnes non habitues ce genre de chaussure. Dans les premiers temps quil tait en Core, un missionnaire catholique a t incommod par cette singulire sorte de bas, au point de ne pouvoir pas marcher pendant plusieurs jours. La forme que nous donnons fort mal propos aux souliers chinois dans nos gravures est exactement celle des souliers corens. La partie antrieure est termine par une pointe releve, fortifie en dedans par un morceau de bois, de manire ce que, dans loccasion, ces souliers poissent servir darmes dfensives. Les sens de la classe noble, qui ne daignent pas descendre ce genre de combat, ont la pointe de leurs souliers moins leve et moins aigu. Quelle que soit cependant la forme quon est convenu de leur donner, les souliers corens ne sont pas en toffe comme les souliers chinois, mais bien en cuir comme les ntres, ou, pour mieux dire, comme les souliers indiens, avec lesquels ils ont plus de rapport. Le cuir dont on les fait est mal tann, blanchtre, mou et comme spongieux ; aussi simbibe-t-il deau trs-facilement et ne garantirait aucunement de lhumidit, si, dans les temps pluvieux, les Corens navaient le soin de porter des sabots chasses qui les lvent dun pied au-dessus du sol. Les femmes et les enfants portent des souliers en couleur, ou chamarrs de quelque ornement en couleurs vives. Tous les hommes portent les souliers ainsi que les habits entirement blancs. Et en vrit, jignore sil y a une autre nation au monde o lon voie une aussi grande uniformit dans la couleur du costume. Les enfants et les femmes peuvent bien porter des habits rouges, bleus, verts, etc. ; mais les hommes sont tous habills de blanc, quelle que soit la caste laquelle ils appartiennent.Pour se garantir du froid excessif de leurs hivers, les Corens mettent habits sur habits sans songer adopter une matire et une forme plus propres concentrer la chaleur. Ils ne se servent pas de fourrures, soit parce quils ne savent pas les prparer, soit parce quils prfrent les vendre aux Chinois, qui les leur achtent de trs-bons prix. Les tissus gnralement en usage dans le pays sont en lin et en chanvre de diffrentes espces : il y a peu de personnes qui portent du coton, encore moins de la soie.Ainsi que nous lavons dit plus haut, les Corens ont mieux aim courir les chances dune guerre dsastreuse que de se raser les cheveux la manire tartaro-chinoise. leurs yeux, une longue et paisse chevelure est un des plus beaux ornements de lhomme aussi bien que de la femme ; et, sous ce rapport, la nature les a favoriss, car ils ont les cheveux plus fournis peut-tre et plus noirs quaucun autre peuple dAsie. Malheureusement le dfaut de propret en fait un foyer de vermine abondante, qui des cheveux passe aux habits et sy multiplie dans une progression effrayante. Pauvre ou riche, le Coren nest jamais exempt de cette dgotante compagnie, dont, du reste, il ne cherche presque pas se dbarrasser : il se contente de passer ses habits sur le feu tous les deux ou trois jours pour faire prir lexcdant de leur population, sans soccuper de la graine qui doit renouveler bientt la gnration dtruite. Quelques physiologistes ont pens que, si la vermine est si gnrale chez les peuples asiatiques, cela lient la nature de leur peau et des excrtions cutanes qui, chez eux, semblent offrir des caractres particuliers. Pour moi, je crois que la malpropret en est la seule cause, car les Europens qui, allant dans lintrieur de lempire, sont obligs dadopter le costume et les habitudes chinoises, ne tardent pas tre envahis aussi par ces horribles parasites. Et sans aller si loin, ne verrait-on pas la mme chose en Europe, si on y portait la mme chemise plusieurs semaines ou plusieurs mois, comme cela se voit frquemment en Chine et en Core.Parmi les traits qui caractrisent les peuples de lAsie orientale, je veux dire les peuples appartenant la race sino-mongole, il nen est peut-tre pas de plus saillant et de moins remarqu jusqu ce jour que labsence du gnie architectural, ainsi que du penchant lever des difices durables et grandioses. Ce besoin, si paissant chez toutes les autres nations, tant anciennes que modernes, dlever grands frais des monuments imprissables et des maisons solides, lgantes et commodes, est tout fait inconnu aux Chinois, aux Annamites, aux Japonais et aux Corens particulirement.En entrant pour la premire fois dans une ville corenne, on est tent de demander o sont les maisons ; en effet, les rues sont formes par des murs en pis ou en bambou asses levs, qui drobent entirement la vue des habitations particulires auxquelles ils servent denceinte. Chaque famille a son enclos particulier qui, la sparant entirement de ses voisins, lui permet de goter les douceurs de la solitude au centre mme de la ville. En pntrant dans ces enclos, on trouve invariablement une cour ou aire plus ou moins vaste, dont le milieu est occup par la maison du propritaire, et les cts sont encombrs de bois brler, de meules de grains, dinstruments aratoires, de cabanes pour les animaux domestiques, etc.La maison est toujours construite avec la plus grande simplicit : quatre mors de 8 10 pieds de hauteur, sur lesquels slve un toit en chaume 45 dinclinaison ; voil leur. Lintrieur se compose dune seule pice sans plafond, dans laquelle les pauvres tablissent un compartiment avec des nattes lorsquils ont quelque malade isoler. Les riches multiplient les pices en construisant plusieurs maisons adosses de manire que lon puisse aller de lune dans lautre sans quitter labri du toit.Entre le plancher et le sol on laisse, dans toute la largeur de la maison, et sur une hauteur denviron 2 pieds, un espace vide formant une espce de four destin chauffer lappartement pendant les rigueurs de lhiver. Sur un des cts de la maison, une ouverture semi-circulaire aboutit dans cette cavit : cest par l que pntre la chaleur pendant quon y fait la cuisine. Du ct oppos, un petit soupirail, mnag prs de terre, donne issue la fume. Sur le devant de la maison, un prolongement du toit, soutenu par quelques piliers, forme une espce de porche ou dabri, sous lequel on peut prendre lair dam les temps pluvieux. Comme il ny a pas de marches intermdiaires et que la porte dentre est de niveau avec le plancher, cest--dire 2 pieds au-dessus du sol, on est oblig de lever le pied assez haut pour entrer dans la maison. Cest sans doute cause du raccourcissement du corps produit par ce mouvement que louverture de la porte na pas la hauteur dun homme.Lameublement des maisons corennes est de la plus grande modestie : une ou plusieurs malles pour serrer les habits, un rayon pour mettre des livres, une petite table sur laquelle on mange, voil peu prs tout le mobilier : il ny a ni lit ni chaise : le Coren sassied par terre, en croisant les jambes la mode des tailleurs ; il couche galement par terre, en t, pour tre plus au frais, et en hiver, afin de mieux concentrer sous ses couvertures la chaleur communique au plancher par le four dont nous avons parl plus haut. Malgr leur simplicit, disons mieux, leur pauvret, les maisons corennes respirent lintrieur un certain air de propret dont manquent bien souvent les maisons chinoises. Les murs sont tapisss de papier blanc que lon renouvelle aussitt quil est terni. Le plancher est couvert de nattes, dans toute la largeur de lappartement, et on se souvient que les nattes corennes sont dune beaut remarquable. Dans la crainte de salir lintrieur de la maison, on a soin de quitter ses souliers avant dentrer, et de venir la porte toutes les fois quon a besoin de cracher ou de se moucher. la grandeur des dimensions, et la solidit prs, toutes les maisons en Core sont construites sur le plan que nous venons de dcrire, sans en excepter les palais des grands du royaume et celui du roi lui-mme. Comme en Chine, on y a lhabitude de ne pas construire dtages au dessus du rez-de-chausse, dans la persuasion qu une certaine lvation du sol lair est trs-malsain. Je ne sache pas quen Europe on ait remarqu une diffrence de salubrit en faveur des tages infrieurs. Il se pourrait cependant que la pesanteur spcifique de certaines manations propres au sol de la Chine et de la Core justifit lopinion admise de temps immmorial par les trois ou quatre cent millions dindividus qui habitent ces vastes pays.Comme dans tontes les autres centres de lAsie, le riz fait en Core la base de la nourriture : mais, avec cette diffrence, quau lieu de le faire cuire la vapeur et de le manger presque sec, comme cela se fait en Chine et dans lInde, les Corens le font bouillir dans une grande quantit deau que lon garde pour boire pendant le repas. Les mets qui accompagnent ce pain asiatique se composent, suivant les fortunes, de viande de porc, de chien, de buf, de poules, de pigeons, de canards, doies, de poissons, de rats et de lgumes : parmi ces derniers on compte la moutarde blanche ou pe-tsa des Chinois, les choux-fleurs, de gros navets que lon fait macrer dans de la saumure, des piments et plusieurs espces de lgumineuses.Quant au mode de prparation de ces diffrentes substances, les Chinois et les Corens sont tout fait en opposition de principes avec nous. Il est gnralement admis en Europe que la viande bouillie, ayant abandonn leau la plus grande partie de son osmazme, est bien moins substantielle et moins facile digrer que la viande convenablement rtie, qui a conserv tous ses principes nutritifs. En Chine, au contraire, ainsi quen Core, on croit, daprs lautorit fort respectable, sans doute, mais peu hyginique, de Confucius, que la viande rtie est trs-malsaine. Cette opinion, envisage sous certains rapports, et surtout chez des peuples dun temprament diffrent, peut cependant tre vraie et admissible.Quoi quil eu soit, la cuisine corenne fait tout bouillir, sauf ensuite rehausser le got, naturellement insipide, de semblables prparations, au moyen de sauces particulires au pays, parmi lesquelles nous citerons la plus usite et la seule connue en Europe, le soya. Ce condiment, dont lusage a de la peine se rpandre dans nos pays par la persuasion o sont les gens crdules quil est prpar avec des blattes, se fabrique en grandes quantits avec de la fcule de dolichos, cuite un certain degr, et soumise la fermentation. On lui reconnat des proprits stimulantes dont les estomacs indolents se trouvent bien. Les Corens ne sont pas seuls en faire usage : le soya figure sur la table de tous les peuples dAsie, depuis le dtroit de Bab-el-Mandeb jusquau pays qui nous occupe.Ce nest pas la coutume en Core que plusieurs personnes mangent la mme table : chacun sassied par terre, les jambes croises, devant une petite table dun pied de haut, dresse exclusivement pour lui, sur laquelle sont placs les mets, une tasse pour boire, une cuiller et une paire de btonnets. Les btonnets servent saisir la viande et les lgumes qui ont t probablement coups en petits morceaux ; on se sert de la cuiller pour manger le riz, ce qui est beaucoup plus propre que de porter lcuelle la bouche et den humer le riz la mode chinoise. Jaime bien mieux aussi assister au repas solitaire du Coren quaux repas anims des Chinois, o vingt personnes puisent dans le plat commun avec des btonnets quils ont mis cent fois dans leur bouche.Nous avons dj dit que pendant le repas les Corens boivent abondamment de leau, dans laquelle on a fait bouillir le riz. Une fois le repas termin, ils se mettent boire du vin du pays, cest--dire de leau-de-vie de riz ; car le vin de raisin est une boisson fort chre dont les personnes opulentes peuvent seules se permettre lusage journalier. Ce nest aussi que chez les riches que lon voit servir du th. Les hivers de Core tant trop rigoureux pour la culture du prcieux arbrisseau qui fait la richesse du commerce chinois, on tire de Chine la petite quantit ncessaire la consommation du pays.Le menu peuple est trs-friand de ptisseries, si toutefois on peut donner ce nom certains gteaux compactes faits avec du miel, du mas, ou du millet que lon vend dans les rues, et dont le moindre dfaut est dtre extrmement indigestes.Sous le climat de Core presque tous les fruits dEurope russissent merveille, et semblent tre originaires du pays. Les pommes, les poires, les pches, les abricots, les prunes, les cerises, les fraises, le raisin et les autres fruits des pays temprs y sont excellents, malgr le peu de soin que prennent les indignes pour lamlioration des espces : les multiplications se font par semis, rarement par boutures ou par marcottes : la greffe est tout fait inconnue.Les sombres et paisses forts qui recouvrent les trois quarts du sol coren se composent en grande partie de conifres, dont le bois tendre et lger est employ de prfrence dans la menuiserie. On y trouve aussi le chne, lorme, le micocoulier, le chtaignier sauvage, et dautres arbres fort remarquables dont la connaissance intresserait vivement la botanique. Malheureusement ces forts sont trs-dangereuses parcourir cause des animaux froces sans nombre qui les habitent.En premire ligne se prsente le tigre avec toute la frocit quon lui connat. Roi des jongles touffus dont aucun ennemi ne lui dispute la suprmatie, il y dcime son gr les troupeaux de cerfs et de gazelles ; quand ceux-ci viennent loi manquer, il approche des habitations pendant la nuit, et enlve le malheureux attard quil trouve hors de sa maison.Les ours et les loups sont aussi trs-nombreux, mais ils ne sont pas aussi redouts que le tigre, ni aussi poursuivis que le sanglier. Cet animal, quon a tort dappeler froce, puisquil ne se montre tel que lorsquil est attaqu, cause de trs-grands dgts aux moissons, et sattire ainsi une chasse trs-active de la part des Corens. Ds quils ont dcouvert la piste dun sanglier, les Corens se runissent au nombre de cinquante ou de soixante, et arms de longues lances, ils environnent le fourr du bois o lanimal sest rfugi. Au signal convenu, tous les chasseurs savancent, le cercle se resserre, et bientt des cris de joie ou de douleur apprennent aux plus loigns que le redoutable pachiderme a succomb sous les coups, ou bien quil a ventr quelque chasseur inhabile plac sur son passage. Je suis port croire que le sanglier coren forme une espce diffrente du ntre, caractrise par des dimensions beaucoup plus volumineuses et des dfenses plus longues et lgrement arques. Sa chair est excellente et partant trs-recherche par les riches.On trouve aussi en Core des livres, diffrentes espces de faisans, des cailles, des tourterelles, des canards sauvages et quelques autres espces de gibier. Plusieurs de ces oiseaux sont attraps au pige, mais la plupart sont chasss au faucon. Les Corens sont peut-tre plus avancs dans ce dernier genre de chasse que ne ltaient nos seigneurs du moyen ge, car ils dressent le faucon, non-seulement saisir et rapporter le menu gibier, mais aussi attaquer les grands animaux froces et rendre leur capture aussi facile quexempte de danger. Pour parvenir ce but, ils le nourrissent pendant quelque temps dyeux de quadrupdes, puis ils lhabituent peu peu aller prendre lui-mme sa nourriture sur la tte des animaux quon destine la boucherie. Le faucon devient tellement friand de ce genre de cure, quune fois la chasse, il se prcipite comme la foudre sur les animaux froces quil peut apercevoir, sur le tigre de prfrence, il se cramponne sur leur tte, et ne les quitte pas avant de leur avoir arrach les yeux.La classe des reptiles compte en Core un trs-grand nombre de reprsentants assez dangereux, ce qui est une consquence naturelle de ltat de friche dans lequel le trouve le pays. On remarque une espce de serpent gigantesque qui a souvent 20 ou 25 pieds de long, et qui ne peut appartenir quau genre boa. Elle tait, dit-on, trs-commune autrefois, mais elle disparat insensiblement par suite de la guerre acharn que lui livre la pharmacie corenne. Suivant les thories mdicales reues dans le pays, la substance crbrale de ce grand reptile a le pouvoir de rappeler les malades la vie et la sant, quelque dsespr que soit leur tat. On conoit, daprs cette croyance, quelune semblable panace doit se vendre, et avec quelle ardeur on doit la rechercher. Cependant, autant le Coren est avide de rencontrer quelquun de ces boas si apprcis en mdecine, autant craint-il la rencontre du trigonocphale ou celle dun petit serpent fort commun dans les moissons, et dont la morsure cause la mort en moins dune demi-heure.Lorsquun de ces terribles accidents a lieu, on scarifie immdiatement la plaie et on y applique une substance dure et rouge, dont la composition mest inconnue, ou bien encore une fve de Saint-Ignace dont on fait boire en mme temps une trs-lgre infusion. Il parait que ces deux substances ont le pouvoir dabsorber ou de neutraliser le venin ; car il est de fait que, sous leur influence, les personnes mordues par les serpents les plus venimeux ne tardent pas se rtablir.Tout ce que les Corens savent en mdecine, ils lont appris des Chinois, leurs voisins et leurs matres. Cest dans les innombrables ouvrages de mdecine publis en Chine que les Corens lorient, et les Annamites loccident, puisent les notions quils ont sur lart de gurir. La science mdicale est, par consquent, aussi arrire dans ces deux royaumes que dans lempire soi-disant cleste. Ides compltement fausses sur lanatomie et sur les fonctions physiologiques des organes ; opinitret faire le diagnostic des maladies uniquement par le pouls sans interroger le malade ; ignorance profonde sur la nature intrinsque et laction des mdicaments ; traitement complexe et simultan de vingt affections diverses, dont chaque maladie est suppose tre le rsultat, voil la facult avec tous ses attributs ; ses prrogatives consistent en Core, comme partout ailleurs, pouvoir tuer impunment.Les Chinois, comme on le sait, ne pratiquent point la chirurgie ; ils se contentent, dans des cas urgents, de faire des frictions ou des scarifications, dappliquer des ventouses, des moxas, quelquefois mme des sangsues. En cela, il ne sont pas imits par les Corens, chez lesquels on voit faire des oprations chirurgicales dune grande hardiesse, telles, par exemple, que la ponction du thorax ou de labdomen dans les cas dpanchements pleurtiques ou hydropisiques. Ces oprations, repousses, je crois, par la plupart des docteurs europens, sont souvent couronnes de succs. Jai connu un jeune homme, jouissant alors dune parfaite sant, qui avait t ponctur quelques annes auparavant, un peu au-dessous et ct du sternum.Outre la science mdicale, qui est principalement relgue dans la deuxime caste, on cultive chez les grands les diffrentes connaissances requises en Chine pour le grade de docteur, telles que lhistoire, la statistique, la philosophie, la lgislation, etc. Si on sen tenait aux dispositions de la loi, personne ne devrait tre promu la magistrature avant davoir fait preuve de son savoir sur ces matires. Mais, hlas ! quel est le pays o la loi est inexorablement applique sans acception de personnes ? peine la France, aprs tant de sicles dabus et tant de luttes, peut-elle rpondre : Cest moi ! Comment la Core, cette contre place si loin du foyer civilisateur, pourrait-elle conserver la force et la puret de ses institutions ? Et, en vrit, il est trs-fcheux que la science ny reoive pas plus dencouragements de la part de lautorit, car le Coren est, de sa nature, intelligent, avide de savoir, et persvrant au travail : pour peu quon excitt son mulation, on verrait bientt la sphre de ses ides sagrandir, sa pusillanimit disparatre et faire place des sentiments levs, dont jusqu prsent il nas mme connu le nom.La nature humaine est vicieuse partout, elle lest en Core ; on croirait cependant que les mmes causes qui empchent le dveloppement de lintelligence empchent aussi laccroissement du vice, car on y voit peu de ces grands dsordres et de ces crimes affreux dont les pays les plus civiliss nous offrent de si frquents exemples. Livrognerie est presque le seul vice inhrent an pays, mais il y est gnralement rpandu, et dautant plus enracin, que le gouvernement ne cherche en aucune manire y apporter remde. Il est rare quon sorte dans la rue sans rencontrer quelques individus pris de vin. La Chinois ont au moins cet avantage sur les habitants de la Core, que, si quelquefois ils se souviennent de finire tristitiam vitque labores molli mero[2], ils ont soin de le faire dans lintrieur de leurs maisons, et de ne sortir quaprs avoir bien cuv le san-chou avec lequel ils se sont enivrs.Le vol, le mensonge, la dissolution des murs sont des vices caractristiques propres toute la race mongole, et, par consquent, aussi aux Corens, quoique cependant ils ne sen montrent pas aussi esclaves que les nations environnantes.Arrivons un fait extrmement important, dont la dcouverte pourra peut-tre faire poque dans la science ethnographique : disons quelques mots du langage coren. La nature de cet idiome doit exciter dautant plus la curiosit et les investigations des savants quil forme mou avis, le chanon si longtemps et si inutilement recherch, par lequel la race chinoise se rattache aux races indiennes. dfaut de monuments historiques qui pussent nous clairer sur lorigine des peuples formant eux seuls le tiers du genre humain, et le plus vaste comme le plus ancien empire du monde, on a t naturellement port analyser la langue la plus rpandue parmi ces peuples, je veux dire la langue chinoise, considre juste titre comme la langue mre de lAsie orientale. On a dabord analys les mots, puis la grammaire, puis les caractres, et comme il na pas t possible dy dcouvrir des lments puiss ltranger, on a conclu que la grande familo-mongole formait dans le genre humain une branche part, qui, suivant lexpression dun naturaliste plus spirituel que savant, devait avoir eu son Adam particulier distinct de celui des autres nations.Or, les points de contact que lon a raisonnablement, mais inutilement, cherchs dans la langue chinoise, se trouvent, nen pas douter, dans la langue corenne. Je nentreprendrai pas, dans cette courte notice, de dvelopper les arguments inbranlables qui, pour moi, placent une aussi importante proposition au rang des thormes : ce sera le sujet dun travail spcial que je publierai sous peu, avec une grammaire et un dictionnaire coren. Je me bornerai, pour le moment, quelques notions gnrales propres donner une ide suffisante de ce curieux idiome, et mettre les savants sur la voie des recherches.1o La langue corenne est polysyllabique, cest--dire que les mots dont elle se compose sont souvent forms de plusieurs syllabes, et quelquefois dun bon nombre.2o Presque tous les mots de la langue corenne ont une racine drive du chinois ; mais, comme les mots chinois sont toujours monosyllabiques, les syllabes additionnelles des mots corens sont empruntes dautres langues, offrant les mmes caractres de polysyllabisme.3o Les expressions corennes contiennent donc deux lments galement importants, que nous pourrions, en quelque sorte, appeler la matire et la forme.Le premier, llment radical, consistant en une syllabe dorigine chinoise, exempte dinflexion, fournit lide premire attache au mot.Le second, llment modifiant, consistant en une on plusieurs syllabes, ajoutes la syllabe radicale et sujettes variation, est destin donner lide gnrale les diffrentes fications dont elle est susceptible.Cet lment, analogue aux affixes de certaines langues orientales, ou, mieux encore, aux finales variables des mots latins, est indubitablement emprunt une langue aussi diffrente du chinois par son gnie que par sa richesse.4o Au moyen des syllabes modifiantes, places avant ou aprs la syllabe radicale, le Coren possde des dclinaisons, des conjugaisons, et en gnral toutes les catgories grammaticales qui donnent de la perfection une langue en multipliant les ides.5o Le mot chinois qui forme la racine du mot coren nappartient souvent plus lpoque actuelle, cest--dire quil est pass du style vulgaire au style sublime des Chinois modernes, ou bien quil est tomb en dsutude, et ne figure plus que dans les livres anciens. Ce fait est, mon avis, de la plus haute importance en ethnographie, dabord parce quil vient lappui de ce que jai avanc dans mon Systema phoneticum, t. i, p. 75, relativement aux fluctuations de la langue chinoise. En second lieu, parce quil peut servir fixer avec certitude lorigine de la nation corenne. Il suffirait pour cela dtablir, daprs les anciens ouvrages chinois, quelle poque la langue chinoise se prsentait sous les formes mles dans lidiome coren. Cette tche doit offrir, je lavoue, bien des difficults, mais je la crois dautant moins impossible remplir, que je me la suis propose dans le cours des recherches relatives mon Dictionnaire encyclopdique de la langue chinoise.6o Suivant la caste de celui qui on parle, le langage coren revt des formes diffrentes, soit dans le style, soit dans les mots. Un tranger qui naurait appris, par exemple, que le langage propre la troisime caste ne comprendrait presque rien au langage de la premire. Le chinois offre quelque chose danalogue mais sur une chelle beaucoup moins tendue : je ne sache pas non plus quon trouve rien de semblable dans aucune autre langue vivante.Maintenant, quels que soient les caractres daprs lesquels on jugera de laffinit des idiomes en gnral, le coren se prsentera toujours comme tenant le milieu entre celui des Indes et celui de la Chine ; car, si on admet pour base daffinit la ressemblance des formes grammaticales, llment radical est l, dans chaque mot, pour prouver que le coren a aussi une immense affinit avec une langue entirement diffrente de celle dont il a emprunt les formes grammaticales. Si, au contraire, nous admettons comme rgle de parent la ressemblance dans les mots, nous serons contraints davouer que la reconstruction des monosyllabes radicaux en mots polysyllabiques, le gnie de la langue corenne et la complication de sa grammaire sont des caractres importants quon ne saurait ngliger et qui tablissent des rapports intimes entre la langue corenne et une autre langue totalement diffrente de celle dont elle a emprunt les lments radicaux.On doit conclure de tout ce qui prcde, que la famille corenne, quoique relgue aux extrmits orientales de lAsie, vient se placer, sous le rapport ethnographique, entre les deux plus anciennes races du monde, auxquelles elle semble donner la main, je veux dire entre la race indienne et la race chinoise.Deux sortes dcritures sont en usage en Core : les caractres chinois et une espce dcriture particulire au pays, lcriture corenne proprement dite. En parlant des divers faits qui tablissent une liaison complte entre la Core, lInde et la Chine ; nous aurions pu citer aussi le systme graphique usit de temps immmorial dans le pays qui nous occupe ; car il noffre aucun rapport avec le systme chinois, quoiquil soit destin reprsenter des mots dorigine videmment chinoise. Dans lesprit des Corens, leur criture est syllabique, cest--dire que chaque signe exprime une syllabe entire : le nombre des signes graphiques, gal par consquent celui des syllabes qui peuvent se rencontrer dans le langage coren, est denviron deux cent cinquante. Ces lments primitifs forment un syllabaire divis en autant de classes quil y a dinitiales diffrentes, cest--dire en quatorze classes ; et dans chacune de ces classes il y a autant de signes syllabiques quil peut y avoir de finales ajoutes au son initial. Prenons pour exemple la premire division venue du syllabaire coren :Pa, pia, pe, pie, po, pio, pou, piou, p, p, p.La raison de cette classe syllabique se trouve dans la lettre p, laquelle on ajoute, suivant lordre adopt, les diffrentes voyelles qui se combinent avec cette consonne.La premire ide qui se prsente lesprit, en jetant un coup dil sur ce systme dcriturequau lieu dtre syllabique, ainsi que les Corens le supposent, il est purement et simplement alphabtique. En effet, chaque signe est form de deux lments, dont lun, linitial, se trouve dans tous les composs de sa classe, et lautre, le final, se reproduit dans toutes les classes en combinaison avec chaque initiale. En sparant ces deux espces dlments qui, aprs tout, ne sont autre chose que les consonnes et les voyelles, on obtient un alphabet fort simple compos de trente-deux lettres trs-facile apprendre.Ce qui prouve clairement que les Corens considrent leur criture comme syllabique, cest quau lieu dcrire lun aprs lautre les lments vraiment alphabtiques dont elle se com, ils accouplent ces mmes lments sur une ligne horizontale pour en former des syllabes compltes, quils crivent ensuite lune sous lautre, suivant une ligne verticale. Les lignes et les pages se suivent de droite gauche comme dans les livres chinois. Laspect gnral de lcriture corenne rappelle quelques critures indiennes, notamment le devanagari ; il faut avouer cependant quelle noffre de laffinit relle quavec lcriture jonaise, laquelle probablement elle a donn naissance. On pourrait y reconnatre aussi quelques lments emprunts au chinois, si la diffrence essentielle des deux critures ntait ces ressemblances graphiques toute limportance quau premier abord elles sembleraient avoir.On publie avec ce genre dcriture un grand nombre douvrages dhistoire et de mdecine, des posies, des romans, des livres de religion et de sorcellerie, dont le peuple seul est cens faire usage. Ceux qui aspirent au titre de savant vont puiser leurs connaissances dans les livres chinois, et regardent avec mpris ceux qui ne savent pas lire couramment lcriture complique du cleste empire. On sait quil en est peu prs de mme au Japon, en Cochinchine, au Camboge et jusque dans le royaume de Siam.Malgr les grandes facilits que la nature alphabtique de lcriture corenne pourrait offrir pour limpression des livres, au moyen de types mobiles, les Corens se sont contents, jusqu ce jour, du procd strotypique, quils ont emprunt des Chinois leurs voisinhaque page est grave en entier sur une planchette en bois de cerisier ; on la soumet ensuite au tirage aussi longtemps quelle continue dtre lisible ; et enfin une fois use, on la passe au rabot afin dutiliser le bois pour la gravure de quelque autre ouvrage. Le procd du tirage est de la dernire simplicit : louvrier passe sur la planche, pos horizontalement devant lui, une brosse imprgne dencre, il applique immdiatement aprs une feuille de papier sans colle, et pressant lgrement sur le revers avec un tampon de linge, il obtient, sans aucun autre embarras, une preuve claire et nette. Cette simplicit du matriel typographique permet de livrer toutes sortes de publications des prix extrmement modrs, et compense, jusqu un certain point, les avantages des caractres mobiles.La religion bizarre qui, semblable larbre des Banians, sest enracine partout o sest tendu son ombrage, le bouddhisme est en Core, comme en Chine, la religion de la majorit. Elle y a ses pagodes, ses bois sacrs, ses bonzes et ses crmonies ; mais elle y est aussi beaucoup moins raisonne que dans lInde, et entoure, plus que partout ailleurs, des superstitions les plus grossires. Combien de Corens, pleins de sens pour toute autre chose, viennent vous affirmer, de conviction, que tel magicien leur a fait voir le diable ; que tel autre les a conduits promener dans lenfer ; quil est de ces magiciens dont le pouvoir est assez tendu pour transporter soudain leurs clients jusquaux extrmits du monde ; que dautres peuvent faire apparatre volont tous les rois de lunivers, ou telles personnes habitant les pays les plus lointains, etc., etc.De croyances aussi ridicules rsultent des pratiques superstitieuses sans nombre, que mettent profit ceux dont le mtier est dengraisser aux dpens de la crdulit publique. Les bonzes, les sorciers, les astrologues, les tireurs dhoroscopes, les diseurs de bonne aventure, tous ceux enfin qui savent donner leurs simagres un air mystrieux ou surnaturel russissent parfaitement auprs des Corens. Il ny a pas encore longtemps quils russissaient galement auprs de peuples moins barbares !Ds le xvie sicle, le christianisme a tent de pntrer en Core par la voie du Japon, sans avoir obtenu des rsultats dignes de fixer lattention. Ces tentatives ont t renouveles sous lempereur Kang-Hi sans de plus grands succs.Au commencement de ce sicle, un jeune Coren ayant embrass la religion chrtienne pendant son sjour Pkin, o il tait venu en ambassade, devint, pour ainsi dire, laptre de son pays. peine de retour en Core, il commena prcher les dogmes quon lui avait appris en Chine, et en peu de jours il parvint convertir un grand nombre de ses compatriotes. Chez un peuple ennemi de tout ce qui est tranger, une religion aussi nouvelle et aussi contraire aux passions devait rencontrer de grands obstacles et succomber dans la lutte. Cest ce qui eut lieu : lautorit sempara du nophyte prdicateur et de ses disciples ; elle les soumit aux tortures les plus cruelles pour leur arracher le dsaveu de leur croyance, et les trouvant dcids y persvrer, elle noya dans leur sang le germe de la religion naissante.On suppose bien que lglise catholique ne se donna pas pour battue. Convaincue, au contraire, que le sang des martyrs est une graine fconde de nouveaux chrtiens, elle songea employer des moyens plus efficaces pour la culture de cette vigne presque dtruite par la tempte, et rien ne parut mieux rpondre lobjet quon avait en vue que lardeur et la persvrance des missionnaires franais. En consquence, la Socit des missions trangres de la rue du Bac fut investie, en 1834, de ladministration spirituelle de la Core, la charge dy entretenir un vque et des prtres en nombre suffisant. Quelque difficile et dangereuse que dt tre cette entreprise, un vque se prsenta pour la commencer, et deux missionnaires soffrirent pour compagnons de ses succs ou de ses revers. Ils partirent : mais au moment mme de pntrer dans sa nouvelle mission, et aprs avoir travers la Chine et la Tartarie, au milieu de mille dangers, Mgr Bruguires fut arrt par une mort subite, dont la vritable cause est reste un secret jusqu ce jour. Les missionnaires continurent leur route, et ils parvinrent successivement sintroduire en Core, auprs de leurs nophytes.Ds que la mort de lvque de Capse fut connue Rome, on se hta de lui donner pour successeur M. Imbert, qui se mit en route immdiatement, et fut assez heureux pour porter en Core la premire mitre piscopale quon y et vue. Mais, hlas ! le lugubre cyprs crotouvent ct du laurier triomphal : les cris de pleurs sont trop frquemment lcho des ovations humaines ! peine le gouvernement coren eut-il connaissance de larrive de plusieurs Europens dans le pays, quil en conut, pour sa propre existence, des soupons et des craintes dautant plus fondes, que la guerre entre les Anglais et les Chinois tait alors dans sa plus grande activit. On mit la police la poursuite des nouveaux venus, ainsi que de ceux qui avaient embrass leur doctrine, et au jour fix, le fer du bourreau les mit tous au nombre des martyrs de la religion chrtienne. Cet vnement, dont la nouvelle vient de nous parvenir (juillet 1843), a dtruit toute esprance de voir le christianisme prendre racine en Core dans les circonstances politiques prsentes.Plus tard, peut-tre, un changement salutaire dans la forme du gouvernement permettra aux missionnaires de recommencer lent efforts, et on peut donner comme certain quils seront alors couronns de succs.Ainsi que je lai laiss entrevoir plus haut, le roi de Core est tributaire de lempereur de Chine, auquel il envoie des prsents chaque anne. Les ambassadeurs chargs de porter Pkin cette reconnaissance de suzerainet se mettent en route au commencement de la onzime lune, cest--dire vers la fin de notre anne, avec une suite de vingt-cinq trente personnes. Bien que ce soient des gens dune naissance et dun rang lev. Ils profitent nanmoins de leur voyage la capitale de la Chine pour y commercer sur les articles dexportation, qui offrent de grands bnfices ; ce qui est, au reste, dautant moins tonnant quun gouvernement europen mme, le gouvernement hollandais, exploite rgulirement le commerce des les de la Sonde !Lempereur de Chine permet aux ambassadeurs corens de se reposer Pkin pendant un mois ; ce terme expir, il les renvoie dans leur pays chargs, pour leur souverain, de prsents plus riches que ceux quil en a reus ! Il arrive parfois que Sa Majest Impriale ajoute quelques remarques ou mme des reproches sur ladministration du royaume tributaire, mais ce ne sont en gnral que des actes de pure forme, renouvels de temps autre, pour maintenir, au moins en apparence, le droit de suzerainet.En principe, la Core, le Tonkin et la Cochinchine, le Camboge et Siam se reconnaissent comme tributaires de lempereur de Chine ; mais toutes les lois que celui-ci a voulu faire peser matriellement sur eux quelques-unes des consquences de cette sujtion, ils ont prouv, les armes la main, quils voulaient tre les matres chez eux. Dailleurs, la constitution physique de la Chine soppose ce quelle tende sou pouvoir coercitif au del des limites dans lesquelles se trouvent renfermes ses seize provinces. Elle ne peut avoir sur les royaumes voisins quune influence morale base sur la grandeur de son territoire et lantiquit de ses institutions.Macao, 1er septembre 1843.J.-M. Callery,Interprte du consulat de France en Chine.Ce mmoire a t adress par son auteur M. le ministre de linstruction publique.