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MÉMOIRE DANS LE CHAMP DU DESIGN D’INTERACTION DURABLE Charles Bail

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En 2006, la société Xerox annonce avoir créé un papier réutilisable. L’encre s’effaçant d’elle-même, il est possible d’imprimer plusieurs fois sur le même document. Xerox émet l’idée qu’il est préférable d’utiliser moins de papier. La numérisation pourrait-elle être plus polluante que le recyclage ? Cela amène aussi à se demander s’il est plus intéressant de créer une technologie permettant de réutiliser du papier ou bien de générer le réflexe d’utiliser moins de papier. Ces interrogations sur les comportements humains, sur les usages et sur la consommation posent la problématique suivante: «Le designer d’interaction peut-il inspirer des pratiques de consommation durables dans les pays développés» ?

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Page 1: Mémoire – Design d'interaction durable

MÉMOIRE DANS LE CHAMP DU DESIGN D’INTERACTION DURABLE

Charles Bail

Page 2: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 3: Mémoire – Design d'interaction durable

Sous la direction de Jonathan Munn et le tutorat de Christophe Clouzeau.

Département du Design d’Interaction dirigé par Nicolas Baumgartner.

Professeurs : Félicie d’Estienne d’Orves, Jonathan Munn, Tanguy Bizien & Alexandre Rivaux.

2014-2015

e-artsup n’endosse pas la responsabilité du contenu développé dans ce dossier. Il appartient à son auteur.

MÉMOIRE DANS LE CHAMP DU DESIGN D’INTERACTION DURABLE

Le designer d’interaction peut-il inspirer

des pratiques de consommation durables

dans les pays développés ?

Charles Bail

Page 4: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 5: Mémoire – Design d'interaction durable

V

Introduction ................................................................................. 1

i. Le design durable environnemental ........................................... 51.1 Du design environnemental à l’éco-design

1.2 Des mutations cruciales

1.3 Aujourd’hui : les nouveaux problèmes environnementaux représentent

des défis pour les designers

ii. Le rôle du designer d’interaction ............................................. 352.1 Un design d’usage

2.2 Un design centré sur l’utilisateur

2.3 Des conséquences contrastées

iii. Vers un design d’interaction durable ...................................... 633.1 Pratiquer le design de façon durable

3.2 Le green it : réduire l’impact énergétique des technologies

3.3 Le green it : comment réduire l’impact énergétique de l’humanité ?

3.4 Des limites

3.5 Conclusion générale

Annexes .................................................................................... 105Éléments graphiques

Interviews

Références

Iconographie

Remerciements

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Page 7: Mémoire – Design d'interaction durable

1

1 Xerox Invents Self-Erasing, Reusable Paper, TechWeb, 2006

2 « Of course, we’d all like to use less paper, but we know from talking with customers that many people still prefer to work with information on paper. Self-erasing documents for short-term use offers the best of both worlds », [traduction de l’auteur], Xerox Invents Erasable Paper for Paper Reuse, xerox.com

INTRODUCTIONEn 2006, la société Xerox annonce avoir créé un papier réutilisable1 ; l’encre s’efface

d’elle-même. Il est ainsi possible d’imprimer plusieurs fois sur le même document.

De tels procédés pourraient être mis au service d’entreprises et de particuliers.

Beaucoup de questions se posent. Paul Smith, responsable du laboratoire de Xerox

Corporation s’exprime en ces termes2 : « Bien sûr, nous aimerions tous utiliser moins de

papier, mais les discussions avec nos clients nous font comprendre que nombreux sont

ceux préférant travailler avec des informations inscrites sur du papier. Les documents

qui s’effacent automatiquement offrent le meilleur des compromis ». L’utilisation

du papier pourrait être un problème lié à de mauvaises habitudes. Xerox émet l’idée

qu’il est préférable d’utiliser moins de papier. La numérisation pourrait-elle être plus

polluante que le recyclage ? Cela amène aussi à se demander s’il est plus intéressant

de créer une technologie permettant de réutiliser du papier ou bien de générer

le réflexe d’utiliser moins de papier.

Alors que les recherches préliminaires étaient axées sur l’éco-design – plus dans un

contexte de recherche de l’esthétisme et de la sensibilité plutôt que l’étude du ‘comment’

et du ‘pourquoi’ de l’éco-design – elles ont été réorientées sur la façon dont les designers

pouvaient trouver des solutions à des problématiques comme celles qu’induisent un

projet comme celui de Xerox. Compte tenu du fait que cette technologie avait été

annoncée en 2006, il est apparu que l’être humain répondait souvent à ses besoins

grâce à des machines, des produits, ou des technologies. Cette recherche devait donc

s’intéresser aux usages et aux comportements des consommateurs. De fait, « le designer

d’interaction peut-il inspirer des pratiques de consommation durables dans les pays

développés ? » du point de vue de ses compétences mais aussi du point de vue de la

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Page 9: Mémoire – Design d'interaction durable

3

3 People | Bill Moggridge, ideo.org

4 John Maeda, mit.edu, 2003

faisabilité d’une telle action. En discutant avec des designers d’interaction suivis

sur le site web communautaire de designers ixda.org dont You Le Chong – une designer

d’interaction en Suède qui a commencé à s’intéresser au design d’interaction durable

en 2007 pour son sujet de mémoire – il a été plus simple de comprendre les tenants

et les aboutissants d’une telle étude.

C’est pourquoi ce mémoire s’intéresse à des sujets très vastes et n’a pas la prétention

d’accorder la même attention à tous les axes de recherche. Certaines parties sont

plus proches d’un tour d’horizon qui permet d’évoquer des principes clefs qui

mériteraient d’être tous traités individuellement. En revanche, ils témoignent

de la complexité des problèmes abordés qui, prenant place dans un contexte

contemporain, n’ont toujours pas de réponse.

Aussi, certains termes sont difficiles à définir car leur explication évolue

en fonction de l’ouverture des champs de recherche qui sont faits. Leur définition varie

selon la vision des différents acteurs du design comme Bill Moggridge3 et John Maeda4.

Cette recherche s’appuie sur la lecture d’articles universitaires et d’articles en ligne,

l’étude de données statistiques, la discussion avec des designers en France

ou à l’étranger et enfin à la conduite d’interviews de professionnels

liés au domaine de l’environnement et du design.

Dans un premier temps, il sera question de l’analyse historique et l’évolution

du discours écologique. Grâce à cela il sera possible de voir quels sont les facteurs

décisifs du xxe siècle qui ont marqué le monde. La deuxième partie, quant à elle,

portera sur la définition du design d’interaction et les outils dont dispose un designer

d’interaction pour inspirer des pratiques plus écologiques auprès de la population.

À travers les discours de différentes personnalités, la recherche tentera de montrer quels

sont les grands axes de réflexion autour du rôle de leur vis-à-vis de l’environnement et

soulèvera la question de la nécessité de la technologie. Enfin, une troisième partie

expliquera à travers des études de cas comment le designer peut concrètement

intervenir auprès de la population, ou si certaines pratiques ne vont pas

à l’encontre de sa déontologie.

Page 10: Mémoire – Design d'interaction durable

LE DESIGN ENVIRONNEMENTAL

Chapitre

Page 11: Mémoire – Design d'interaction durable

5

5 Georges-Louis Leclerc Buffon & Richard, Œuvres complètes, Pourrat frères, 1835

INTRODUCTION

L’Histoire nous donne maints exemples de constructions liées à la

nature. Cette première partie a pour but de faire un tour d’horizon

historique afin de mieux comprendre l’évolution du discours

écologique et économique. Des fractures technologiques ont lieu

grâce aux découvertes des scientifiques et des ingénieurs qui n’ont

pas anticipé leurs conséquences. En voulant résoudre des problèmes

humains, certains se spécialisent dans le design. Les problématiques

d’autrefois ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui, certains facteurs

sont intemporels et d’autres se créent chaque jour.

« Le plus grand ouvrier de la nature est le temps. »

– Georges-Louis Leclerc de Buffon5

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Page 13: Mémoire – Design d'interaction durable

7

*Les mots et concepts de couleur verte seront détaillés dans le lexique p. 108

6 Serge Chermayeff, Design and the Public Good : Selected Writings, mit Press, 1982

7 What Is Environmental Design ?, wiseGEEK

8 Définitions : Nature, Larousse en ligne

9 Définitions : Environnement - Dictionnaire de Français Larousse, Larousse en ligne

1.1 DU DESIGN

ENVIRONNEMENTAL À L’ÉCO-DESIGN

a. LE DESIGN ENVIRONNEMENTaL EST UNE SYNERGIE aVEC La NaTURE

UNE NOTION LARGELe célèbre chercheur du mit, Sergei Cherm,

définit6 le design environnemental* comme

la méthode par laquelle les humains prennent

en compte les paramètres environnementaux

lorsqu’ils ont l’intention de construire un bâtiment

ou de créer un produit7. Le but est d’analyser

l’environnement dans lequel la création évoluera

afin d’imaginer comment il est possible de tirer

profit des paramètres naturels.

Il faut faire la distinction entre les termes

de ‘nature’ et ‘d’environnement’. Dans cette

recherche la nature désigne le monde physique8

qui n’a pas – ou très peu – été transformé par

l’action humaine. Cela peut être une forêt vierge,

par exemple, qui est un lieu non urbanisé.

Un environnement est un ensemble d’éléments

qui entourent un sujet9. On peut parler

de l’environnement ‘naturel’ c’est-à-dire le lieu,

illu. 1. Paradoxes et complexité

Page 14: Mémoire – Design d'interaction durable

8

10 « Now in houses with a south aspect, the sun’s rays penetrate into the porticos in winter, but in the summer the path of the sun is right over our heads and above the roof, so that there is shade. If, then, this is the best arrangement, we should build the south side loftier to get the winter sun and the north side lower to keep out the winter winds. », [traduction de l’auteur], Xenophon, The Memorabilia, liv. 3 chap. 8

11 ecodesign - What Is ecodesign ?, ecodesign.at

12 RIBA, In Brief : A History of Sustainable Architecture

13 Richard Waite, Kengo Kuma : We Should Respect Nature and History, Architects Journal, 2013

le cadre de vie spatialisé dans lequel un humain

évolue : niveau de bruit, paysage, faune, flore, par

exemple. Mais il peut aussi s’agir, par analogie, de

l’environnement économique ou l’environnement

social eux aussi déterminés par certains facteurs.

UNE NOTION ANCIENNESocrate se demandait si lorsque quelqu’un

souhaitait construire une maison il devait tout

faire de sorte que la maison soit agréable à vivre

et si elle pouvait s’adapter à ses besoins pour être

confortable. « Avec les maisons au sud, les rayons

du soleil passent par le porche de la maison

en hiver, mais pendant l’été les rayons sont juste

au-dessus de nos têtes et au-dessus du toit, de sorte

qu’il y ait de l’ombrage. Si c’est le meilleur des

systèmes, nous devrions construire les maisons

du sud plus en hauteur pour profiter du soleil

d’hiver, et les maisons du nord plus bas

pour les protéger des vents d’hiver »10.

Les architectes grecs ont étudié les plans

de la ville afin d’orienter l’ouverture des maisons

vers le Sud et d’obtenir le résultat désiré. Les Grecs

ont pris avantage d’un paramètre naturel et s’en

sont accommodés. C’est une construction pour

un besoin humain Il est possible de parler d’une

discipline centrée sur l’humain, qui est considéré

comme un utilisateur, avec un espace dans lequel

il interagit.

B. L’ÉCO-DESIGN C’EST CRÉER TOUT EN PRÉSERVaNT La NaTURE

POURQUOI PARLER D’ÉCO-DESIGN ?Tout comme le design environnemental,

l’éco-design est un processus qui intègre

l’environnement lors d’une phase de création11.

La différence est que l’éco-design vise à préserver

les ressources naturelles qui sont utilisées pour

une construction quelconque. Cette pratique

respectueuse de l’environnement est née suite

à la réflexion sur l’épuisement des ressources

qu’il a fallu commencer à économiser12. L’apparence

d’un bâtiment peut aussi défigurer le paysage13.

Les designers et architectes doivent anticiper

l’aspect final d’une construction pour le rendre

le plus cohérent possible avec le paysage originel

s’ils veulent pratiquer correctement l’éco-design.

Ils ne doivent pas négliger les futurs habitants ni

l’économie. Ainsi, ils doivent trouver un équilibre

pour satisfaire les besoins économiques, le confort

des usagers tout en préservant l’environnement

dont ils profitent.

Page 15: Mémoire – Design d'interaction durable

9

14 TED Conference, Cradle to Cradle Design, 2005

HUANGBAIYU : EXEMPLE D’UNE VILLE VERTELors de la conception de la ville de Huangbaiyu

en Chine, William McDonough – designer

américain distingué – s’est d’abord intéressé

à la façon dont la ville s’intègre visuellement

dans le paysage, puis à son fonctionnement

avec la nature14 sans la polluer et enfin la place

des habitants dans ce système. Ses partenaires

et lui-même ont appliqué des principes d’éco-

design en se concentrant sur l’environnement,

sans oublier tous les systèmes qui lui sont

rattachés l’industrie, les commerces, l’agriculture.

Pour McDonough la réutilisation du modèle

d’autres villes chinoises était à proscrire. Il

commence par étudier l’environnement où devait

être installée la ville. Il étudie ensuite l’hydrologie

pour favoriser l’accès à l’eau fraîche ; il étudie

l’exposition au soleil pour optimiser les panneaux

solaires. Le juste équilibre entre les parcs, les

habitations, et les zones commerciales, permet

de créer de nombreux points de ralliements,

favorisant les contacts sociaux. En gérant les

déplacements de la population,

il rend l’accès aux transports publics, réduisant

l’utilisation de la voiture au maximum. Enfin,

la gestion des déchets – de consommation

ou bien déchets humains – induit un traitement

dans des centrales à l’extérieur de la ville, puis

ces déchets sont réutilisés commecombustible

ou convertis en énergie grâce à des plantes.

Pour ne pas défigurer le paysage originel,

les toits des bâtiments sont recouverts de gazon

pour servir de jardin ou de champ. McDonough

a vraiment le souci de lier la nature, ses habitants

et la nécessité d’un rendement économique15.

Il commence par intégrer son projet au paysage

naturel. Ensuite, l’architecte l’intègre de manière

technique et durable en employant des techniques

de réutilisation des déchets industriels et humain

ainsi que des méthodes de récupération de l’eau.

Page 16: Mémoire – Design d'interaction durable

10

15 Jared Flanery, From Shanghai to Huangbaiyu : Eco-Cities as an Alternative Modernity, 2013

16 Jason F. McLennan, The Philosophy of Sustainable Design : The Future of Architecture, Ecotone Publishing, 2004

17 William McDonough, Michael Braungart and Teresa Heinz Kerry, The Hannover Principles : Design for Sustainability, W. McDonough Architects, 2003

18 Jean-Francois Lejeune and Michelangelo Sabatino, Modern Architecture and the Mediterranean : Vernacular Dialogues and Contested Identities, Routledge, 2009

LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L’ÉCO-DESIGNCet élan d’éco-design comprend des principes

à appliquer lors de la phase de conception. Jason

F. McLennan – un des architectes principaux du

mouvement d’architecture écologique – 

en a dressé une liste16 :

• S’inspirer du fonctionnement de la nature

– aussi appelé bio-mimétisme. Par exemple,

le velcro a été inspiré de la plante Bardane.

• Respecter les ressources naturelles :

en utilisant des éoliennes et en se servant

de la force du vent. Respecter l’être humain

en anticipant les conséquences d’une

construction et en se souciant de son confort.

• Respecter l’environnement en s’y adaptant :

l’eco-village Huangbaiyu en Chine, ou bien

la construction d’igloos utilisant un matériau

local qui peut reprendre sa forme initiale

par la suite.

• Respecter les générations futures :

ne pas priver la population future

des ressources acquises.

Penser de façon large, ou tout comme abordé

plus tard dans le mémoire, penser en terme

de ‘systèmes’. C’est bien ce qui apparaît dans le

projetde McDonough et son souci de synergie

et d’interdépendance. Ce sont des principes

qui vont apparaître tout au long de cette recherche,

applicables dans bon nombre de domaines.

McDonough et son collaborateur le chimiste

Michael Braungart ont d’ailleurs repris ces principes

pour les appliquer au design en général. Ils sont

regroupés sous le nomdes principes d’Hannover17,

commandités par la ville dans le cadre de

l’exposition universelle expo2000 qui se tenait

en Allemagne.

Mais s’il n’est plus seulement question de design

d’environnement mais de design écologique,

qu’est-ce qui est à l’origine de cette notion ?

Y a-t-il eu une rupture à l’origine de tous ces

questionnements ? L’être humain a-t-il abusé

de ce que la nature pouvait offrir ? Comment

sommes-nous passés de l’architecture unique

des Grecs anciens à une architecture moderne

avec moins de personnalité et l’introduction

de plastique ainsi que de matériaux étrangers18 ?

Page 17: Mémoire – Design d'interaction durable

11

19 Industrial Revolution, 2013

20 10 000 ans d’économie - Cité de l’économie et de la Monnaie, citedeleconomie.fr

1.2 DES MUTATIONS

CRUCIALES

a. L’ÊTRE HUMaIN INNOVE PENDaNT La RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

QU’EST-CE QUI A DÉCLENCHÉ LA PREMIÈRE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ?Un survol historique est nécessaire afin

de comprendre comment l’être humain

est capable d’innover et de répondre

à ses besoins. Notonsque nombre des notions

abordées dans cette partie sont valables

de nos jours. Plusieurs facteursont favorisé

des innovations, et ce en plusieurs étapes.

Une révolution agricole19 a eu lieu

au Royaume-Uni à la fin du xviiie siècle.

À l’époque, les fermiers ont commencé

à s’intéresser à l’augmentation de la productivité

et de leurs rendements20. C’est le passage à

l’ère industrielle. Ceci est dû à deux inventions

majeures : l’utilisation du charbon dans la

métallurgie et la modernisation de la machine

à vapeur par James Watt. Le Royaume-Uni voit sa

population augmenter tout comme son niveau de

vie ; l’être humain avait un besoin et y a répondu

illu. 2. Des notions inséparables

Page 18: Mémoire – Design d'interaction durable

12

21 Révolution Industrielle, Encyclopédie Larousse en ligne

22 T. J. Garrett, No Way out ? The Double-Bind in Seeking Global Prosperity alongside Mitigated Climate Change, Earth System Dynamics, 2012

23 Extrait d’un article de blog intitulé The Jevons Paradox, rédigé par le bloggeur Aaronjlin, écologiste, [voir annexe]

dans son propre intérêt. Cette pratique s’est

progressivement répandue dans plusieurs pays

d’Europe, s’imposant comme un nouveau modèle.

Cette première révolution industrielle a mené

à une deuxième.

UNE DEUXIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE AVEC DE NOUVELLES MÉTHODES DE PRODUCTIONL’industrie a conduit à de nouvelles avancées

technologiques21. Si à la fin du xviiie siècle

la population a compté sur la machine à vapeur,

la deuxième se repose sur les nouvelles techniques

de forage du pétrole, l’utilisation de l’électricité

et surtout les nouveaux moyens de transport

à grande échelle qui ont créé des interfaces entre

les différents pays et une ouverture à l’international.

LE PARADOXE DE JEVONSL’augmentation des besoins en énergie a un

impact direct sur la société et l’environnement.

Il est intéressant de mettre en exergue le fait

qu’il existe un paradoxe au sein de toute cette

innovation. Pour l’économiste anglais Stanley

Jevons22, l’augmentation des capacités techniques

et technologiques produit une augmentation

de la consommation en ressources. Dans

son ouvrage The Coal Question il montre qu’au

contraire, ces améliorations devraient permettre

de consommer de façon plus durable en instaurant

une meilleure gestion de l’énergie mais que

c’est l’inverse qui se produit. Plus un service est

facilité, plus il incite à la consommation (fig. 1.1).

Ainsi, une voiture hybride consomme moins

d’essence. Elle donnera l’impressionau conducteur

qu’il peut se déplacer plus loin23. Ne serait-ce

pas un problème de comportement vis-à-vis

de l’environnement ? Et si la société avait été

transformée par ces révolutions industrielles ?

Et si elle s’était mis en tête que la nature possédait

des ressources illimitées ?

Page 19: Mémoire – Design d'interaction durable

13

(fig. 1.1.) Schéma d’explication de l’économie linéaire [D’après Walter Stahel],

The Product-Life Factor, 1982, chap. 4

+150 miles

Coût pour 25 miles parcourus

Nombre de milesparcourus par semaine

4$ pour une voiturenormale

2$ pour une voiturehybride

250 mileshabituels

400 milesgrâce à l’amélioration

technologique

Page 20: Mémoire – Design d'interaction durable

14

24 David Flacher, Industrial Revolutions and Consumption : A Common Model to the Various Periods of Industrialization, 2005, p. 8

25 André Berger, Le climat de la terre : un passé pour quel avenir ?, De Boeck Supérieur, 1992

26 Sjur Kasa, Industrial Revolutions and Environmental Problems, Transport, 1941

27 Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Éditions Les Liens qui libèrent, 2012

28 Ibid. 25

B. LES aCTIONS HUMaINES TRaNSFORMENT L’ENVIRONNEMENT

& ET La SOCIÉTÉ

LE COÛT ENVIRONNEMENTAL DES RÉVOLUTIONS INDUSTRIELLESCes révolutions industrielles ont permis

des avancées considérables24 dans la science,

la santé, l’industrie et le confort de la société.

Mais derrière tout cela se cache un important

coût environnemental25. Il y a une réelle

surexploitation des ressources naturelles26. C’était

déjà le cas avec le charbon en Angleterre, mais

d’autres besoins sont apparus avec une très forte

demande : eau, bois, pierre. Jamais auparavant il

n’aurait été question de raréfaction des matériaux.

Pour Jeremy Rifkin, économiste, « nous avons

atteint les dernières limites des possibilités

de poursuivre la croissance mondiale dans

le cadre d’un système économique profondément

dépendant du pétrole et des autres énergies

fossiles27 ». Ainsi le monde connaît des problèmes

comme la déforestation, le manque d’eau potable,

les rejets de gaz à effet de serre et de fait

le réchauffement climatique28 déjà mesurable

au début des années 60.

Si l’environnement a été à ce point affaibli,

c’est qu’à l’époque tout semblait être une question

de performance et de confort. Compte tenu

de ces conséquences, préserver l’environnement

ne semblait pas être un sujet crucial

dans la réflexion des décideurs.

L’HOMO FABER EST DEVENU HOMO ŒCONOMICUSIl y a des transformations environnementales,

mais aussi des transformations sociales.

L’apparition de la société de consommation

semble entraîner un changement de rapport entre

l’individu et l’objet, mais aussi entre l’individu

et son environnement. La croissance industrielle

a permis à la population d’obtenir un certain

confort et de subvenir aux besoins principaux :

nourriture, habits et mobilier. Puis les pièces

des habitations ont été petit à petit décorées

avec des miroirs pour leur côté pratique,

Page 21: Mémoire – Design d'interaction durable

15

29 David Flacher, Industrial Revolutions and Consumption : A Common Model to the Various Periods of Industrialization, 2005, p. 6

30 « Consumption evolves from a stocking durable goods mentality to a flow of purchase of less durable goods, which is very favorable to the industrial mass production », [traduction de l’auteur], Ibid. 29

31 Rodrigues Botelho, La société de consommation - de Jean Baudrillard, HEC, avril 2008, p. 8

32 Ibid., p. 9

mais aussi pour leur aspect purement

esthétique29. La population a préféré avoir plus

d’objets, privilégiant du matériel fragile mais

moins cher, aux autres plus résistants mais avec

un prix forcément plus élevé. Patrick Verley,

historien français, va même jusqu’à dire30 que

l’industrie dirige la consommation en ce sens :

« La consommation évolue d’une mentalité

de stockage de biens durables à un flux de

biens moins durables ce qui est très favorable

à la production industrielle de masse. »

La population ne cherche plus seulement à avoir

le minimum vital, mais à acquérir un confort

de vie. Pour le sociologue et psychologue Jean

Baudrillard, les conséquences sur le rapport

à l’objet dès les années 70 sont terrifiantes ;

le consommateur est submergé par les objets31.

L’abondance matérielle donne à ce dernier

le sentiment d’avoir un contrôle physique sur

ce qui l’entoure. Comme si un culte était voué

à ce qui était produit, le fait mêmede posséder

tel ou tel objet permet de façonner une identité

afin de se distinguer des autres. Même de nos

jours il est possible d’observer une fracture sociale

dans le comportement entre les différentes

classes : logement, voiture, vêtements, écoles

et lieux fréquentés. Et pour pouvoir toujours

être différent des autres, il faut consommer

différemment, consommer autre chose.

Baudrillard se demande même si le « possesseur

n’est pas devenu le possédé32 ». L’homo œconomicus

recherche bonheur et confort dans une optique

individualiste. Détruire, reconstruire et ainsi

de suite, pour que chaque habitant ait un nouvel

objet. Cela va tout à fait dans le sens de Verley,

puisqu’il y a toujours une production.

Page 22: Mémoire – Design d'interaction durable

16

33 Walter Stahel, The Product-Life Factor, 1982, chap. 4

34 Thomas Edison, Biography.com

35 Prêt à jeter ou l’obsolescence programmée, Arté, 2012

36 L’obsolescence programmée ou les dérives de la société de consommation, Centre Européen de la Consommation, p. 8

37 Steve Jobs, iPhone Introduction, 2007

38 John Paczkowski, Apple ceo : Don’t Fear Cannibalization, Embrace It, AllThingsD, 2013

39 Denis Collin, Comprendre Marx et le capital, Max Milo, 2011

40 Julian Simon, Demographic Caused and Consequences of the Industrial Revolution, 1994

41 Joseph H. Hulse, Science, agriculture et sécurité alimentaire, NRC Research Press, 1995, p. 20

LA FINITUDE DE L’OBJETLa société de consommation pose la question du

cycle de vie du produit. Auparavant l’objet était

sensé durer le plus longtemps possible, il semble

que dorénavant il ait une durée de vie imposée33,

c’est ce qui est appelé l’obsolescence programmée.

Il y a une obsolescence industrielle qui permet le

contrôle de la production, de la consommation et

donc du consommateur. Thomas Edison34 avait

réussi à créer des ampoules de longue durée

– 1 500 heures – améliorées par la suite au début

des années 30 avec une durée de vie de 2 500

heures. Les grands constructeurs, organisés

commedes cartels, ont finalement décidé

de réduire leur longévité35 en la limitant à 1 000

heures pour éviter un préjudice économique.

Grâce à des procédés techniques, utilisant du

temps et de l’énergie, ils se sont assurés que les

ampoules ne dépasseraient pas les 1 000 heures.

Si cela représente une obsolescence technique,

il existe aussi une obsolescence marketing

dite ‘esthétique’36.

Si l’iPod, d’Apple, représentait bien le processus

d’obsolescence programmé par l’emploi d’un coque

lisse sans vis ni rainure, laissant les premiers

acheteurs sans choix en cas d’usure ou défaillance

de la batterie : il fallait en acheter une autre.

Par la suite, Apple a exemplifier cette obsolescence

par le marketing et les générations successives

de produits chacun rendant le précédent démodé

et ringard. Presque chaque année, Apple propose

l’évolution d’un nouveau produit. Après avoir

dit « c’est une révolution37 », Steve Jobs et son

successeur auraient pu se contenter de « ce n’est

qu’une évolution ». À chaque fois, l’appareil

présente un nouvel argument marketing :

l’iPhone 5 avec ses choix de couleur, l’iPhone 6

avec un écran plus grand – que la marque souligne

avec son slogan « plus grand que grand ».

Plus grand que la version précédente. Le but

semble être de ringardiser les autres marques,

ou bien de démoder ouvertement ses propres

produits38, incitant alors à l’achat pour ne pas

être en retard sur la mode. Bien évidemment cela

entraîne un changement de regard sur la nature.

Les humains, tout puissants, ont la sensation

d’avoir le droit de tout posséder et de tout

contrôler, satisfaisant leur intérêt personnel.

Il y a une approche anthropocentrique. Marx39

parlait d’ailleurs des animaux et de la nature

comme « moyens de production ».

Il ne faut pas non plus tomber dans le rejet

de l’industrie qui a été bénéfique pour

l’humanité40 : amélioration des conditions

sanitaires, nourriture, croissance démographique

et croissance économique41. En pensant innover

pour le bien de tous, l’être humain a parfois œuvré

Page 23: Mémoire – Design d'interaction durable

17

42 Ibid. 24

43 Erik Gandini, Surplus : Terrorized Into Being Consumers, 2003

44 « The human-nature relationship The emergence of environmental ethics ». p. 1 « Market capitalism has increased wealth beyond the imagination of previous generations, but cannot, in and of itself, distribute it equally or even equitably. These are problems that cannot be solved within the terms set by modernity, for the simple reason that they are not procedural, but rather valuational or, to use the simple word, moral », [traduction de l’auteur], Gicu - Gabriel Arsene, The Human-Nature Relationship The Emergence of Environmental Ethics, p. 1

45 Ibid., p. 22

46 Gro Harlem Brundtland, Rapport Brundtland, Ministère des Affaires étrangères et du Développement international. L’Odyssée du développement durable, 1987

pour le bien de certains, creusant chaque fois un

peu plus les inégalités. Tous les apports ont amené

leur lot de problèmes. Puis, afin de les solutionner,

d’autres innovations ont vu le jour, causant elles-

mêmes de nouveaux problèmes ou bien contre

toute attente, augmentant la consommation

d’énergie plutôt que sa réduction42.

C. UNE PRISE DE CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE DÉPaSSaNT L’ÉCONOMIE

LA CRÉATION DE GROUPES DE RÉFLEXIONConditionné par le marketing et les grandes

entreprises, le consommateur est perdu mais

semble se complaire dans cette surconsommation.

Toute son éducation pourrait être à refaire,

ou à faire. De cette constatation sont nés

les mouvements tels que l’éco-design.

Les partisans de ce mouvement ont cherché

à repenser le rapport entre les humains

et la nature, sans négliger la place des humains.

Cette réflexion est illustrée43 dans le film

Surplus : Terrorized Into Being Consumers de Erik

Gandini. Mais à qui revient le rôle de solutionner

ces nouveaux problèmes dans un contexte

environnemental ? « Le capitalisme de marché

a accru la richesse au-delà de l’imagination des

générations précédentes mais ne peut pas, en

soi, la répartir de manière égale et équitable. Ce

sont des problèmes qui ne peuvent être résolus

dans les conditions fixées par la modernité, pour

la simple raison que cela n’est pas un problème

de procédure, mais un problème moral44 ». Une

éthique environnementale apparaît en réponse

à ces observations. Il faut réfléchir à concilier les

besoins humains et sa croissance avec le respect

de l’environnement. Des groupes de réflexion

se créent comme le Club de Rome45 fondé en

1968 qui se concentre sur des problématiques

comme les grands problèmes contemporains et la

problématique de limites de la croissance ainsi que

les nouvelles voies de développement durable.

UNE DÉFINITION DU DÉVELOPPEMENT DURABLEEn 1987 le Rapport Brundtland46 pose les bases

de la notion de développement durable et donne

une définition officielle : « un développement qui

répond aux besoins du présent sans compromettre

la capacité des générations futures à répondre

à leurs propres besoins ».

Page 24: Mémoire – Design d'interaction durable

18

47 Ibid. 33

48 Jad Adams, From the Cradle to the Grave, 1995

49 Ibid. 35

50 « Reuse, Repair, Recondition, Recycle », [traduction de l’auteur]

Cela induit plusieurs notions importantes.

L’emploi du terme de « besoin » fait référence

aux inégalités matérielles entre les humains qui

devraient pourtant jouir du même confort. La

référence aux « générations futures » indique qu’il

faut faire preuve d’anticipation et d’une capacité

à gérerles ressources naturelles dans l’intérêt de

la population future. Il faut donc réfléchir avec

un principe de trois termes interdépendants

qui vont revenir tout au long de la recherche :

l’économie, l’écologie, la société. Chaque sphère

a une incidence sur les autres. Il semble

impossible aujourd’hui d’omettre la nature lors

de la conception d’un projet. Comme expliqué

dans la partie précédente, il est clair que les

bouleversements industriels ont engendré

des modifications économiques ayant transformé

l’humanité et la nature. Mais vouloir s’attaquer

à ces questions semble une mission titanesque.

Et si un des angles d’attaque était de repenser

la conception d’objets asservissant parfois

les usagers ? Et s’il était possible d’insuffler

des réflexes plus durables à la population.

1.3 LES NOUVEAUX PROBLÈMES

ENVIRONNEMENTAUX REPRÉSENTENT DES DÉFIS

POUR LES DESIGNERS

a. EST-CE UNE PROBLÉMaTIQUE DE DESIGN ?

CRADLE TO CRADLE OU L’ÉCONOMIE CIRCULAIREWalter Stahel47, McDonough et Braungart

ont proposé – à des époques différentes – 

de nouveaux modèles de conception.

Ils se sont surtout intéressés au concept

de Cradle to Cradle. Cette notion fait référence

à la philosophie d’assurance santé Cradle to

Grave48 du gouvernement anglais qui promettait

d’accompagner chaque habitant littéralement

du berceau, jusqu’au tombeau. Finalement,

c’est un peu ce qui arrive à l’objet. Que se

passerait-il si l’objet était accompagné du berceau

au berceau ? Stahel dresse un rapide état des

Page 25: Mémoire – Design d'interaction durable

19

lieux en indiquant que le système économique

actuel est linéaire. Cela a déjà été décrit plus

tôt dans la recherche : la production pousse à la

consommation – en boucle – ce qui induit une

augmentation continuelle de consommation

énergétique et de production de déchets lors de

la conception ou lors de la fin de vie de l’objet

(fig. 1.2). La première solution serait de prolonger

la durée de vie de l’objet ; il faudrait produire

deux fois moins et donc utiliser deux fois moins

d’énergie pour deux fois moins de déchets.

Mais cela poserait toujours un problème de déficit

économique. Sa solution : créer une économie

qui repose sur un système circulaire49. C’est ici

que se retrouve l’analogie avec le berceau : au lieu

de jeter l’objet dès la fin de son utilisation – une

ligne droite en somme – il passe dans l’ordre par

quatre cycles différents : « Réutiliser, réparer,

reconditionner, recycler50 » qui le ramènent à

chaque fois à son état et son utilisation d’origine.

McDonough et Braungart reprennent cette idée

vingt ans plus tard avec quatre autres principes.

DÉCOMPOSITION RECYCLAGE

(fig. 1.2.) Schéma d’explication du concept « Cradle to Cradle »

Page 26: Mémoire – Design d'interaction durable

20

51 « recyclage », [traduction de l’auteur], Ibid.

52 Hans Fleischer, Waste = Food

53 « recyclé avec dégradation », [traduction de l’auteur], Ibid. 50

54 Hans Fleischer, Waste = Food, 12 :20

55 William McDonough and Michael Braungart, The NEXT Industrial Revolution, TheAtlantic.com, 1998

56 Ibid.

Ils estiment qu’il faut supprimer l’émission de

déchets toxiques pendant la phase de production,

utiliser l’énergie solaire, reconsidérer ce qu’est

un déchet et ne pas parler de recycling51 mais de

upcycling. Reconsidérer la notion de déchet, c’est

se dire que certains déchets sont biodégradables ;

ils vont se retrouver dans la nature pour nourrir

plus tard des insectes qui vont nous servir aussi

indirectement de nourriture. Le film Waste=food

s’intéresse à cette pratique52 et c’est aussi visible

dans la première partie de cette recherche avec

la ville de Huangbaiyu convertissant les déchets

humains et industriels en énergie via des plantes.

L’upcycling, c’est lutter contre le fait qu’un objet

recyclé perde de sa valeur. Selon McDonough, le

papier recyclé est souvent moins lisse et moins

blanc que le papier de base : il a été down-cycled53.

Au contraire McDonough pense qu’il faudrait

bien choisir les matériaux nécessaires en amont

– c’est-à-dire dire anticiper une conception – pour

n’avoir que des matériaux qui puissent être

réutilisés et retrouver leur valeur originelle. Le

verre, une fois fondu, reste du verre. D’ailleurs,

le livre intitulé Cradle to Cradle en est une

métaphore54 : les pages sont en plastique, il est

donc résistant à l’eau et ses pages ont la capacité

de blanchir lorsqu’il est soumis à une chaleur

intense. Il est tout à fait réutilisable et revient à

son état d’origine sans être recyclé.

Si ce procédé est applicable à une ville,

il peut l’être à une entreprise. Henry Ford55

avait bien compris que la standardisation de la

production permettait plus d’anticipation quant

à la sélection des matériaux, qu’il était alors plus

facile de désassembler et de remplacer seulement

une partie du véhicule pour l’utiliser sur un autre.

Ce n’est donc pas une méthode qui vise à réduire

la production mais à produire de façon efficace.

Efficace dans les rendements – car si Henry Ford

a travaillé la standardisation de ses usines ce

n’est pas seulement pour la nature – mais aussi

efficace vis-à-vis de la planète : ‘l’eco-efficiency’56.

Cela ne rentrerait-il pas dans une problématique

de design ? Le rôle des trois protagonistes a été de

repenser la façon même dont le produit est conçu,

allant du système de production à sa forme,

à sa composition et à son usage dans l’instant

et dans le futur. L’eco-efficiency consiste à créer

le meilleur produit en sacrifiant le moins la nature.

Page 27: Mémoire – Design d'interaction durable

21

57 Dieter Rams, Ten Principles for Good Design, Vitsoe.com, [traduction de l’auteur]

58 Écologique, [traduction de l’auteur], Ibid.

QU’EST-CE QU’UN BON DESIGN ?C’est ce qui se retrouve dans les principes

de designers minimalistes comme Dieter Rams57 :

« Un bon bon design :

• Est innovant : c’est-à-dire que l’objet

doit apporter de nouvelles opportunités

en parallèle avec les technologies actuelles.

• Rend l’objet utile : l’objet produit n’est pas

décoratif, il doit répondre à des attentes,

être utilisé dans un but bien précis. L’accent

doit être mis sur la fonction, pas l’apparence.

• Est esthétique : ce n’est pas sa fonction

première, mais il doit inciter le consommateur

à l’utiliser et doit donc éviter d’être repoussant.

• Rend le produit facilement compréhensible :

son enveloppe physique doit être la métaphore

de son utilisation – cela rejoint la notion

d’affordance, abordée plus tard dans

le mémoire.

• Est discret : l’objet est au service

de l’utilisateur, il doit se faire discret pour

ne pas empiéter sur l’expression personnelle

de celui qui le manipule.

• Est honnête : il ne doit pas décevoir

ou surprendre, ou bien dissimuler des

pratiques négatives.

• Dure dans le temps : il dépasse la mode

et les tendances pour se rendre intemporel,

et peut être utilisé des années plus tard.

• Est réalisé minutieusement : le soin

apporté à la réalisation témoigne du respect

du créateur vis-à-vis du consommateur.

• Est ‘eco-friendly’58 : il doit être pensé pour

respecter l’environnement. Conçu avec

beaucoup d’anticipation, il ne doit pas être

une pollution physique et visuelle, du début

à la fin de son utilisation.

• Est un design efficace : moins il y en a,

mieux c’est. C’est un design minimaliste

laissant place à la fonction : purement

et simplement. »

Page 28: Mémoire – Design d'interaction durable

22

59 Gary Hustwit, Objectified, 2009, 25 :25

60 Définitions : Design - Dictionnaire de Français Larousse

Dieter Rams confirme, avec ses principes,

que le designer est à la base de cette réflexion sur

l’objet et tout ce qui l’entoure. Il tient compte

des sphères indissociables que sont la demande

du consommateur, la demande du marketing

et celle de l’environnement. Mais d’où vient

ce pouvoir du designer ? Comment se fait-il que

son champ d’action semble si vaste et qu’il puisse

atteindre ces différentes sphères ? Comment

peut-il « comprendre mieux que quiconque ce

dont les gens ont besoin59 » ? La société et les

entreprises semblent parfois avoir du mal à

déterminer le rôle d’un designer dans un

processus de création.

B. LE DESIGN RÉPOND À DES PROBLÉMaTIQUES

UNE DÉFINITION SIMPLE DU DESIGN« To design » signifie « concevoir60 ». Parallèlement

avec les principes de Dieter Rams, il est clair qu’il

faut concevoir des objets, des services, voire des

expériences qui sont les réponses à des problèmes,

de vrais besoins, des usages. Les précédents

exemples de la recherche ont montré que l’être

humain s’est créé de nouveaux obstacles. Quels

sont les terrains principaux sur lesquels évolue

le designer ?

LE DESIGN GRAPHIQUELe design graphique, par exemple, répond

à un problème de compréhension d’une idée

ou d’un message : c’est une problématique

de communication. Le logo est l’identité

d’une marque ou d’une entreprise. Le logo

est une interface entre le destinataire – qui est

le plus souvent le consommateur – et l’entreprise.

Selon Paul Rand : « Le principal rôle d’un logo

est de permettre d’identifier, et la simplicité

en est un moyen… Son efficacité dépend

de sa capacité à se distinguer, la visibilité,

Page 29: Mémoire – Design d'interaction durable

23

61 « The principal role of a logo is to identify, and simplicity is its means… Its effectiveness depends on distinctiveness, visibility, adaptability, memorability, universality, and timelessness », [traduction de l’auteur], Paul Rand, Design Form and Chaos, Yale University Press, 1993

62 Jahanzeb Tahir Aziz, The Evolution of the Apple Logo, The Express Tribune Blog, 2013

l’adaptabilité, la mémorisation, l’universalité,

et l’intemporalité61 ». À travers l’évolutiondu

logo d’Apple62 il est possible de comprendreles

différentes phases de la marque (fig. 1.3). Sans

rentrer dans les détails, les changements entre

les différentes versions sont assez explicites. La

première version était plus illustrative et montrait

Isaac Newton sous son pommier, sûrement pour

évoquer la révolution technologique qui allait

arriver. Ensuite, l’accent fut mis sur la pomme.

Beaucoup plus simple, le logo va à l’essentiel,

la pomme croquée évoque le verbe « to bite »

– pour « mordre » en anglais –  et se rapproche

de « byte » – un octet. La pomme croquée fait

aussi référence référence à l’arbre divin. Mais

c’est aussi dans un souci de distinction du fruit

pour préciser que c’est une pomme et pas une

pêche ou une cerise. L’utilisateur peut ressentir

que la marque se modernise et se concentre sur

l’essentiel de son secteur d’activité. Par la suite,

le logo en relief fut surtout utilisé sur les produits

Apple pour souligner la changement de matériaux

qui composent la nouvelle gamme. Grâce à

des codes graphiques universels, le designer

a exprimé les valeurs de la marque à la pomme

au fil des années. Ce procédé peut s’appliquer

à n’importe quel autre logo. La firme pétrolière

bp, pour British Petroleum, par exemple (fig. 1.4),

est passée d’un logo métallique ressemblant à un

bouclier – incarnant donc la résistance, la force,

faisant penser qu’elle a le pouvoir envers et contre

tout – à une fleur jaune et verte pour se rapprocher

de la nature et du Soleil.

1976 1977-1998 1998 1998-2000 2001-2007 2007+

1921-1922 1922-1930 1930-1947 1947-1958 1958-1989 1989-2000 2000+

fig. 1.3. Évolution du logo d’Apple de 1976 à 2007

fig. 1.4. Évolution du logo de British Petrolum depuis 1921

Page 30: Mémoire – Design d'interaction durable

24

63 T3 Transistor Radio, dhub.org

64 Kevin Smith, Where Does Apple’s Inspiration Come From ?, Business Insider, 2012

65 Plumen : Designer Low Energy Lighting, Plumen.com

LE DESIGN INDUSTRIELLe design industriel répond à des problématiques

d’usage autour d’un objet ou d’un lieu. Lorsque

Dieter Rams créé63 la radio portable t3, il conçoit

un objet qui remplit sa fonction en permettant

tout simplement à l’utilisateur d’écouter

la radio même lorsqu’il se déplace (fig. 1.5).

La problématique de base étant de prendre

en compte la mobilité de l’utilisateur, le choix d’un

appareil de petite taille qui tient dans la main

comparé à un poste radio traditionnel se justifie

assez simplement. Cet objet inspirera plus tard

un certain iPod64. Les ampoules Plumen65 quant

à elles répondent à la problématique de l’aspect

esthétique des ampoules (fig. 1.6). Pourquoi

couvrir une ampoule d’artifices quand l’objet

même qui permet d’éclairer peut rester agréable

à voir ? Voire même donner envie d’être regardé ?

fig. 1.5. La radio T3 de Dieter Rams

fig. 1.6. Les ampoules Plumen

Page 31: Mémoire – Design d'interaction durable

25

66 The History of the Origins of the Jewish Museum Berlin, jmberlin.de

67 Schneider Ulrich, Shalechet, Kadishman.com

68 Madeleine Stix, Teen to Government : Change Your Typeface, Save Millions, CNN.com, 2014

69 John Borwnlee, Why Garamond Won’t Save The Government $467 Million A Year, CO.Design, 2014

L’ARCHITECTURE ET LE DESIGN D’ESPACEL’architecte répond aussi à des problématiques

d’espace et d’usage, peut-être plus avec la notion

de mobilité. Par sa forme, le Musée Juif de Berlin

est la métaphore66 d’une partie de l’Histoire. Un

éclair, un choc, strié par des segments rejoignant

les adresses des logements des personnalités

juives importantes dans l’ancien Berlin. Lorsque

le visiteur se déplace en son sein, il passe

inévitablement par trois axes : l’axe de l’exil

retraçant les migrations, l’axe de l’holocauste

qui mène à la tour de l’holocauste, symbole

de la mort et enfin l’axe de la continuité faisant

le lien avec le présent et la vie. Dans une des

salles, le visiteur foule du pied l’installation

Shalechet - feuilles mortes67, des morceaux de

métal à l’apparence de visages jonchent le sol,

représentant les victimes des horreurs de la

guerre. Le musée par sa forme et son parcours

– et bien sûr, par sa scénographie – rend compte

de l’Histoire sans aucune forme de gratuité.

LE DESIGNER A UN CERTAIN CONTRÔLE DANS LA CONCEPTION ET LA RÉALISATIONTous les types de designs ne sont pas détaillés.

Mais cet aperçu démontre encore une fois que

le designer répond à un problème né d’un besoin.

Lors de sa réflexion il fait des choix pour répondre

à la demande avec pour objectif de satisfaire son

client c’est-à-dire en satisfaisant le destinataire.

Il a le pouvoir de privilégier l’utilisation d’une

typographie plutôt qu’une autre, de préférer

un matériau, mais il le justifie dans tous les cas.

Il sera plus tard question de l’éthique du designer

et de la capacité qu’il a à formuler des choix

pouvait avoir un impact direct sur l’utilisateur

et sur l’environnement. Par exemple, un designer

doit-il s’intéresser aux arbres qui permettront

l’impression de son affiche ? Doit-il s’intéresser

à l’empreinte écologique de l’encre68 ? Parfois,

comme dans le cas de l’encre, la solution apportée

peut ne pas fonctionner69. Mais l’intérêt réside ici

dans la volonté de vouloir changer les choses

et de réfléchir de cette manière.

Page 32: Mémoire – Design d'interaction durable

26

70 Cory Janssen, What Is the Digital Revolution ? - Techopedia.com

71 Téléphonie Mobile : Histoire et développement des téléphones portables, Prixtel.com, 2014

72 Urban Wallace Associates, Turning Products into Services, 2005, p. 4

73 Transmaterialization, SustainableMinds.com, 2008

74 Apple - iTunes, Apple.com

C. La TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE EST NUMÉRIQUE & DIGITaLE

LA RÉVOLUTION DIGITALE ET NUMÉRIQUELes innovations technologiques ont favorisé

le développement des moyens de communication70.

Les recherches sur les communications à distance

et sur la radio ont entraîné la création d’internet.

À partir des années 90, internet devient un outil

important dans le monde des affaires et de plus

en plus utilisé dans les foyers américains71.

En 2000, une grande partie de la population

des pays développés bénéficie de ce moyen

de communication. En parallèle, le téléphone

mobile lui aussi se développe notamment grâce

aux recherches de Motorola. Le Motorola

dynatac 8 000x voit le jour en 1983 mais

il faudra de nombreuses optimisations pour

qu’il soit utilisable à cause de son poids et de

sa taille. Tout comme internet, l’utilisation est

d’abord réservée aux professionnels ou aux

plus aisés. Internet et la téléphonie mobile ont

favorisé le phénomène de mondialisation. Tout

être humain sur la planète disposant d’internet

ou d’un téléphone peut communiquer avec

quelqu’un à l’autre bout du monde. Tout comme

les deux premières révolutions industrielles, ce

bouleversement des moyens de communication

a eu un impact sur notre façon de consommer

mais aussi sur nos comportements dans la société.

UN NOUVEAU RAPPORT OBJET/SERVICEAujourd’hui le consommateur achète des

services72. Il n’achète plus l’objet en tant que tel

mais la matérialisation physique d’un service.

L’impression de contrôle d’un service permet

au consommateur de se créer une expérience

sur mesure en fonction de ses goûts. C’est un

phénomène de transmatérialisation73. Prenons

un service comme iTunes74 ; Apple définit son

service comme étant « [N]otre terrain de jeu

personnel. iTunes, c’est l’endroit où satisfaire

et entretenir [n]otre amour de la musique.

Page 33: Mémoire – Design d'interaction durable

27

75 Ibid.

76 Apple Continues Music Download Dominance, npd.com

C’est là que [n]ous écout[ons] les morceaux,

les artistes et les albums qui composent [n]otre

collection75 ». La marque s’exprime en parlant

des goûts de l’utilisateur qui sont stockés dans

‘ses collections’, quelque chose que la personne

crée au fil du temps, qu’elle écoute puis qu’elle

supprime comme bon lui semble. Auparavant,

la tendance était à l’achat d’albums de musique

complets ; toutes les pistes audio étaient contenues

sur un cd. Il semblait difficile de dissocier le

contenu de son support. Maintenant, iTunes

permet l’achat de musiques à l’unité. Pourtant

tout ce contenu musical parait intangible, il

n’existe que sur les serveurs de iTunes ou bien

en tantque fichier audio stocké sur un ordinateur.

Les vinyles ont laissé la place aux cassettes, cédant

leur place aux cds qui à leur tour ont presque

disparu au profit de fichiers dématérialisés.

Ce qui permet d’accéder au contenu et à toute

cette personnalisation, la clef de toute cette

expérience est l’iPod – ou de nos jours, un

ordinateur ou un smartphone. Avec l’iPhone

et un accès à internet, il est possible d’écouter

un extrait musical gratuitement puis de l’acheter.

L’usager peut l’écouter directement de façon

instantanée qu’il soit au travail ou en train

de cuisiner. L’exemple d’iTunes montre que

les services se sont développés et que les

consommateurs étaient d’abord à la recherche

de l’expérience qu’offrait Apple. D’ailleurs,

c’est la mise en avant de la musique en tant que

service qui a amené Itunes à dominer76 le marché

de l’achat de musique en ligne. En 2013, le service

représentait 63 % de ce marché. Le rapport entre

l’objet et le service a changé et notre rapport

avec l’objet semble lui aussi avoir été transformé

puisque nous sommes habitués à consommer

des biens intangibles.

illu. 3. Transition du vinyle à l’ iPod

Page 34: Mémoire – Design d'interaction durable

28

Espa

ce public - 7.6m

77 Mark Weiser, Ubiquitous Computing, 1996

78 Louise Ridley, People Swap Devices 21 Times an Hour, Says omd, CampaignLive.co.uk, 2014

79 Infobésité : Le mal du siècle, Grand Soir 3, 2013

80 Harris interactive, Objets Connectés : The next Big Thing ?, 2014

81 « The speed of the web sets our expectations to now », [traduction de l’auteur], John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 33

82 Le blues de Neville Brody, 2003

L’OMNI-CONNEXION ET LA SURCONSOMMATION D’INFORMATIONSLa technologie prend une place omniprésente

dans la vie humaine77. N’importe quel contenu

numérique peut être consulté sur différents

supports. Quelqu’un peut commencer à regarder

une émission télé sur son smartphone dans

le métro, sur sa tablette pendant qu’il cuisine

puis sur la télévision du salon pendant le repas.

Une étude78 révèle qu’une personne passe d’un

écran à un autre en moyenne 21 fois par heure.

Qu’importe les distances ou les horaires,

la technologie agit en arrière-plan et permet à ses

utilisateurs de se réinsérer dans cette gigantesque

‘boucle’ de communication à n’importe quel

moment, lorsqu’ils le désirent. L’accès permanent

favorise malheureusement la surconsommation

d’informations. De nouvelles pathologies

apparaissent. De plus en plus de personnes

sont en proie à l’infobésité lorsque l’information

est subie et qu’un individu n’est pas en mesure

de trier toutes les informations. Lors d’une

émission télévisée79, Caroline Sauvajol-Rialland

explique que pour pallier l’infobésité il faut

mieux paramétrer son client de messagerie et

créer des redirections d’e-mails lors d’un départ

en vacances. Elle démontre que c’est grâce à la

technologie que les problèmes – créés par les

humains eux-mêmes – peuvent être réglés. Cette

tendance est très visible avec les attentes du grand

public envers les objets connectés. Une étude80

de la firme d’étude de marché Harris Interactive

réaliséeen France montre que beaucoup ne les

considèrent pas comme de simples gadgets. Pour

une partie de la population, ces objets connectés

peuvent révolutionner leur vie de tous les jours.

Cela entraîne une surconnectivité permanente

et une nouvelle relation avec le temps. Les

consommateurs veulent tout et tout de suite :

c’est l’instantanéité des services et de l’accès

à l’information. Comme le dit John Maeda,

designer graphique et enseignant-chercheur

au mit :

« la vitesse du web nous donne envie

d’instantanéité81 ».

L’être humain a de plus en plus de mal à dissocier

l’utile de l’inutile. Il semble parfois passer à côté

d’informations essentielles au détriment de celles

relatives au monde et à la planète82.

Page 35: Mémoire – Design d'interaction durable

29

83 Miles Crawford, I Forgot My Phone, 2013

LES RÉSEAUX SOCIAUX ONT TRANSFORMÉ NOS RELATIONSChacun peut observer que les relations humaines

ont changé avec les réseaux sociaux. Dans son très

court métrage83 de deux minutes intitulé I forgot

my phone– en français, « j’ai oublié mon téléphone »,

Miles Crawford met en scène des moments de la

vie quotidienne. À la plage, lors d’une sortie entre

amis, ou même au moment de se coucher, chacun

se sent obligé de prendre une photo, au grand

désarroi du personnage principal. Les photos sont

mises en ligne sur des réseaux sociaux tels que

Facebook, Instagram, Twitter et cela semble être

une nécessité. Comme lors de l’apparition de la

société de consommation, émerge un besoin de se

mettre en avant, de montrer aux autres ce que l’on

possède ou ce que l’on est capable d’accomplir.

Le terme même d’amis n’est plus le même.

Edward Twitchell Hall, anthropologue américain,

avait fait des recherches sur l’espace personnel

des individus et comment les distances entre

différentes personnes pouvaient modifier leur

comportement (fig. 1.7). Il distinguait quatre

types d’espaces : l’espace public, l’espace social,

l’espace personnel et, enfin, l’espace intime.

Or ces différents cercles sont quantifiables

en mètres. Ce sont des distances physiques qui

– dans le monde occidental – s’appliquent lorsque

qu’un individu partage son espace avec quelqu’un

Espa

ce public - 7.6m

Espace social - 1.2

mEspa

ce personnel - 45cm

fig. 1.7. Edward T. Hall’s personal reaction bubbles

Page 36: Mémoire – Design d'interaction durable

30

84 Maria Konnikova, The Limits of Friendship, The New Yorker, 2014

85 « On the internet, you can pull the plug and walk away. There’s no forcing mechanism that makes us have to learn », [traduction de l’auteur], ibid. 84

86 Lara Schibelsky Godoy Piccolo, Arno Scharl and Cecilia Baranauskas, Design of Eco-Feedback Technology to Motivate Sustainable Behavior : Cultural Aspects in a Brazilian Context, in Proc. of Conf - IRM, 2012, p. 5

87 « Interaction describes how people interact with the environment, with each other and with technology. Leav (2008) observed that young people in the United States spend more time with electronic devices such as computers, mobile phones and television sets than in direct contact with natural environments. Consequently, nature has become an abstract concept for many of them, especially in urban areas », [traduction de l’auteur], ibid.

d’autre. Qu’est-ce qu’un cercle de connaissances

sur Google+ où il n’y a pas de distance et de

proximité physique ? Et qu’en est-il avec des

relations à distances ? Le terme ‘d’amis’ semble

désormais remplacer le mot ‘contact’. Ainsi il n’est

pas rare d’entendre quelqu’un dire qu’il ou elle

a 856 amis, de façon très précise, puisque c’est

le nombre qui apparaît sur son profil Facebook.

Robin Dunbar est anthropologue et psychologue

à l’université d’Oxford. Dans un article84, il confie

avoir estimé à 150 le nombre moyen de relations

sociales par personne. Tout comme les cercles de

Hall, ce nombre perd de son sens avec les réseaux

sociaux. Selon lui, ce n’est pas le nombre d’amis,

mais la qualité des relations qui compte. Il voit

plus une relation en terme qualitatif et non

quantitatif. Cependant, toutesles interactions via

internet peuvent transformer ces expériences. Par

exemple, partager le lien d’un concert et échanger

sous forme de commentaires avec des personnes

qui y ont assisté n’est pas la même chose que d’en

discuter avec quelqu’un qui nous y a accompagné.

Si un débat est créé il ne sera pas tenu de la même

façon de vive voix que dans des commentaires.

La distance change la façon dont les personnes

s’expriment ; dans un monde virtuel il est possible

de couper court à tout échange ou d’ignorer

quelque chose rien qu’en débranchant une prise.

Dunbar insiste pour dire qu’internet et les

nouvelles technologies facilitent la fuite des

responsabilités de l’être humain : « Sur internet,

vous pouvez débrancher la prise et partir. Il n’y a

aucun mécanisme nous forçant à apprendre85 ».

UN CHANGEMENT DE COMPORTEMENT VIS-À-VIS DE NOTRE ENVIRONNEMENTLes relations ont changé entre êtres humains.

Les nouveaux moyens de communication ont aussi

transformé la manière dont nous interagissons

avec notre environnement. Des chercheurs

expliquent86 qu’il y a une certaine rupture entre

les humains et leur environnement. « L’interaction

décrit comment les personnes interagissent avec

l’environnement, entre elles et avec la technologie.

Leav (2008) a observé que les jeunes américains

passaient plus de temps avec des dispositifs

électroniques comme des ordinateurs, des

téléphones portables, des télévisions qu’en contact

direct avec la nature. En conséquence, la nature

est devenue un concept abstrait pour beaucoup

d’entre eux, surtout dans les zones urbaines87 ».

Avec l’infobésité, le système de transmatérialisation

ou bien encore les modifications des relations

sociales, il est clair que les interactions sont de plus

en plus intangibles. Cela a de graves répercutions

sur l’environnement. À cause de cette intangibilité,

la population a encore plus de mal à réaliser que

leur consommation quotidienne a un impact sur

Page 37: Mémoire – Design d'interaction durable

31

88 « If a task ever required the combination of analytic and synthetic practices, divergent and convergent thought, the designer’s mastery of technology and insight into human behavior, preserving the health of our planet would be it. Holding the economic sustainability of society and the biological sustainability of the planet in balance requires the most “opposable” of minds », note de l’auteur, Tim Brown, Change by Design : How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation, New York : HarperBusiness, 2009, chap. 8

89 Ibid.

90 « what excites the best thinkers today is the challenge of applying their skills to problems that matter », [traduction de l’auteur], ibid. 88, New York : HarperBusiness, 2009, chap. 9

la planète. La technologie et l’industrie dépendent

de matériaux qui se raréfient (fig. 1.8, voir annexe

p. 106). Pourtant, ce phénomène semble presque

imperceptible en raison de notre changement

de comportement.

VERS UN DESIGN QUI COMPTEDans son livre Design by Change, Tim Brown,

président et ceo du célèbre studio ideo a une vision

intéressante88 sur le rôle du designer aujourd’hui :

« S’il y avait une tâche qui devait à la fois combiner

des pratiques analytiques et synthétiques,

la pensée divergente et convergente, la maîtrise

de la technologie par le designer et son intuition

sur le fonctionnement du comportement humain,

ce serait la sauvegarde de la planète. Stabiliser

l’équilibre entre l’économie et l’environnement

de façon durable requiert les esprits les plus

contradictoires ». Selon lui, le métier du designer

est d’une grande complexité. Les compétences

qu’il liste témoignent de la pluralité des domaines

dans lesquels il peut intervenir afin de préserver

l’environnement. Encore une fois, l’économie,

l’humanité et la nature apparaissent comme

indissociables ; les modifications sur l’un

des domaines entraînent irrémédiablement

des changements dans les deux autres.

La manière de designer elle aussi a évolué.

Pour Brown, des projets tels que la refonte

graphique d’un packaging ne sont plus les

projets qui font vibrer89 les designers. Ce sont

des tâches nécessaires, mais il les oppose à des

projets innovants tournés vers la protection de

l’environnement et le souci

de l’être humain :

« [C]e qui motive le plus les designers

aujourd’hui c’est d’utiliser leurs compétences

pour un problème qui a de l’importance90. »

Toutefois, l’auteur nuance ses propos en disant

que tout ce travail n’est pas sans conséquences

susceptibles d’affecter à la fois l’économie,

l’humanité et la nature. Ainsi, les choix que fait

un designer engagent sa responsabilité.

Page 38: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 39: Mémoire – Design d'interaction durable

33

CONCLUSIONL’être humain a cherché à adapter la nature à ses besoins, à son

confort. Il a changé de façon spectaculaire grâce aux innovations

technologiques et scientifiques. Différentes fractures ont participé à

l’évolution du discours écologique jusqu’à ce que la notion de ‘design

durable’ soit évoquée, liant obligatoirement la culture, l’économie

et l’environnement avec une vision du présent mais aussi du

futur. S’il existe des problématiques de design concernant

la communication ou l’architecture qui peuvent affecter

l’environnement, quels sont les exemples de problèmes que

le designer d’interaction peut poser ? A-t-il les capacités d’anticiper

ses actions ? Quels sont les outils qui lui permettent de satisfaire

la demande économique tout en respectant

la nature et les êtres humains ?

Page 40: Mémoire – Design d'interaction durable

2Chapitre

LE RÔLEDU DESIGNERD’INTERACTION

Page 41: Mémoire – Design d'interaction durable

35

91 Christian Bobin, Une petite robe de fête, Gallimard, 2014

INTRODUCTIONIl est difficile de concevoir le design d’interaction comme

une discipline à part entière. Sa définition se construit en la

comparant à d’autre branches du design pour ainsi montrer la force

et les compétences d’un professionnel de ce métier qui semblerait

être capable d’agir sur le comportement humain et les émotions.

Mais comment opère-t-il ? Par un travail de l’image et de

l’apparence ? Par l’étude de données humaines comme un

sociologue ? Comment pourrait-il redonner de la valeur

à ce lien si mince entre l’humanité et son environnement ?

Cette partie comporte des citations qui expriment la vision

de designers et de scientifiques parfois si forte

qu’elle représente un courant de pensée.

« On ne peut bien voir que dans l’absence.

On ne peut bien dire que dans le manque. »

 – Christian Bobin91

Page 42: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 43: Mémoire – Design d'interaction durable

37

92 John M. Carroll, Human-Computer Interaction - Brief Intro, The Encyclopedia of Human-Computer Interaction, 2nd Ed., 2014

93 Richard Harper, Being Human : Human-Computer Interaction in the Year 2020, Cambridge, England : Microsoft Research, 2008, p. 14

94 Starmford, Gartner Says Worldwide Traditional PC, Tablet, Ultramobile and Mobile Phone Shipments On Pace to Grow 7.6 Percent in 2014, Gartner.com, 2014

95 Cory Janssen, What Is the Digital Revolution ?, Techopedia.com

2.1 UN DESIGN D’USAGE

a. HUMaN-COMPUTER DESIGN & INTERaCTION DESIGN

LA DÉFINITION DE HCIhci est l’acronyme de Human-Computer

Interaction signifiant « Interactions Homme-

Machine ». L’étude de l’hci92 porte sur l’étude

des usages, des interactions ainsi que des

comportements entre un humain et un ordinateur

dans le cadre des sciences informatiques. C’est

devenu un sujet primordial93 dans les sciences

informatiques ; la troisième révolution industrielle

ayant changé la place des ordinateurs dans notre

quotidien. Autrefois, les ordinateurs étaient

réservés au monde professionnel, puis ont été

rendus disponibles au grand public. Dans la vie

quotidienne, un ordinateur était utilisé par

plusieurs personnes. Dans les années 80,

à l’ère de l’ordinateur personnel, il était de

moins en moins partagé. Aujourd’hui, une

personne ne possède plus seulement des

ordinateurs mais plusieurs périphériques

différents94 avec un nombre de téléphones mobiles

supérieur à celui des ordinateurs95. La raison est

qu’aujourd’hui, une personne possède, sans s’en

rendre compte, plusieurs ordinateurs ; ainsi son

téléphone est intelligent, sa télévision lui permet

de regarder des films mais aussi de jouer,

illu. 4. Le concept d’affordance

Page 44: Mémoire – Design d'interaction durable

38

96 Ibid. 92

97 Ibid. 3

98 Bill Moggridge, Designing Interactions, Cambridge, Massachusetts, mit Press, 2007, p. 6

même la voiture embarque les fonctionnalités des

ordinateurs. Nous pouvons constater que notre

rapport avec les technologies informatiques

évolue très vite. Son étude semble indispensable

pour s’intéresser au design interactif.

DU DESIGN INTERACTIF AU DESIGN D’INTERACTIONL’hci n’est plus seulement une discipline

des sciences informatiques96. Elle est enseignée

aussi bien dans des domaines de recherche

scientifiques que dans la communication,

les sciences humaines, l’industrie, l’artisanat

et bien sûr, le design. La branche du design

‘interactif’ se concentre sur l’utilisationde la

machine par un humain. Par exemple, la manière

dont une personne utilisera un outil de traitement

de texte. Ainsi, le travail concerne surtout l’usage

de la machine et des logiciels. C’est une approche

plus technique.

En 1980, Bill Moggridge97, co-fondateur d’ideo,

propose qu’il ne soit plus seulement question

de ‘design interactif’ mais aussi de ‘design

d’interaction’. Selon lui, le travail du designer

doit se faire sur le dialogue entre un être humain

et une machine, voire entre deux personnes

à travers la machine. Il l’oppose à la conception

des logiciels dans un but purement technique ;

c’est donc beaucoup plus proche des sciences

humaines (fig. 2.1). « Afin de créer des produits

attrayants, satisfaisants à utiliser, et esthétiquement

agréables autant à l’emploi que par leur forme,

les designers vont devoir apprendre à concevoir

le matériel électronique et les logiciels parallèlement

à la conception de l’objet physique. Pour moi,

le début du design d’interaction est le début

de la conception des relations entre les personnes

et les produits électroniques98 ». En parlant de ce

que l’utilisateur pourrait ressentir, Moggridge

nous fait comprendre que le travail du designer

a un impact sur les émotions et le comportement

de l’utilisateur. Ce dernier a une ‘relation’ avec

la machine lors de son utilisation. Dan Saffer,

actuellement designer d’interaction pour Jawbone,

dans son livre Designing for Interaction, utilise

ce schéma (fig. 2.2, annexe p. 107) pour montrer

que cette branche du design n’est pas isolée mais

qu’elle est à la croisée entre différents domaines.

Aujourd’hui, le design d’interaction c’est surtout

des domaines d’applications comme :

• Les interfaces numériques : par exemple,

sur un ordinateur, l’ergonomie et les éléments

graphiques qui permettent à un utilisateur

d’employer un logiciel de traitement de texte

ou un client de messagerie, ou bien

un distributeur de billets.

Page 45: Mémoire – Design d'interaction durable

39

• Les communications : des outils permettant

de revisiter la façon dont un individu peut

communiquer, comme Snapchat.

• Les services : iTunes, par exemple,

où le consommateur achète une expérience

à laquelle il accède via une représentation

tangible avec l’iPod ou l’iPhone.

La suite de la recherche se concentrera surtout

sur le design de l’expérience utilisateur ainsi

que l’architecture d’interfaces.

fig. 2.1 Diagramme des secteurs du design digital

IndustrialDesign

GraphicDesign

PhysicalEconomics

H.C.I

ProductionEngineering

HardwareEngineering

ComputerSciences

SoftwareEngineering

PhysicalSciences

MechanicalEngineering

WebDesign

InteractionDesign

Page 46: Mémoire – Design d'interaction durable

40

99 Symposium : The Stuff Between Us, master.design.zhdk.ch, 2013

100 Ibid. 59, 48 :10

101 Kara Miller and Genevieve Gilson, John Maeda Designs the Future, WGBH.org Blogs, 2014

102 John Maeda quitte la direction de la Rhode Island School of Design, AMA.com

103 Vincent Abry, Scandale Snapchat : finalement les photos ne sont pas si éphémères…, Blog Social 2.0, Art et Technologies, 2014

104 Définitions : Expérience, Larousse.fr

L’USAGE COMME FINALITÉComme nous venons de le voir, la technologie

est ici considérée comme un medium utilisé pour

satisfaire les besoins d’un humain.

« Le design d’une technologie est toujours

le design d’une interaction99. »

S’il veut conduire l’utilisateur à son objectif,

le designer doit identifier ses besoins100.

En analysant sa manière de fonctionner et

en évaluant ses capacités à réaliser une tâche,

il réfléchit à la façon dont il peut créer une

expérience appropriée. Lors d’une interview101,

Maeda salue le concept de l’application Snapchat.

Ayant quitté102 la direction de l’école de design de

Rhodes Island en 2013 pour rejoindre une société

de capital-risque, prenons en compte le fait qu’il

donne son avis plutôt en tant qu’investisseur qu’en

tant que designer. Dans un monde où il y a de plus

en plus de scandales liés au piratage, il est normal

les gens aient peur de voir leur vie privée dévoilée.

Snapchat promet à ses utilisateurs de s’échanger

des photos avec un texte très court. Le message

est protégé car il s’autodétruit au bout de quelques

secondes après consultation parson destinataire.

Même si la startup américaine a déjà trahi la

confiance de ses utilisateurs103, Maeda qualifie

ses créateurs « d’hybrides ». Ils ont en effet réussi

à repérer le besoin de confidentialité des

utilisateurs. À première vue, ils ont ancré ce

besoin dans la technologie. Mais ils n’ont pas

répondu correctement à la demande ; les donnés

personnelles restant accessibles par des personnes

mal intentionnées, et les logiciels tiers permettant

d’outrepasser la sécurité de Snapchat pullulent.

Même s’ils étaient tous bloqués, il suffirait à un

utilisateur de photographier son écran avec un

appareil photo ou un autre smartphone. Cela

montre que la conception de nouveaux usages

justifie l’utilisation des machines et nécessite

la création d’une expérience cohérente.

B. LE DESIGNER D’INTERaCTION EST CRÉaTEUR D’EXPÉRIENCE

COMMENT DÉFINIR UNE EXPÉRIENCE ?Le mot ‘expérience’ a plusieurs définitions.

Dans un premier temps, il est intéressant de voir

les synonymes proposés par le Larousse104 :

• apprentissage.

• fréquentation et habitude.

• pratique.

• usage.

Page 47: Mémoire – Design d'interaction durable

41

105 Nathan Shedroff, Experience Design, First Edition edition Indianapolis, Waite Group Press, 2001

106 Thomas Hobbes, Leviathan, 1651

Il est possible de distinguer trois phases :

dans un premier temps la phase de la

connaissance – ou « d’apprentissage ».

Vient ensuite la mise en œuvre – la « pratique ».

Enfin, celle de l’intégration des nouvelles aptitudes

qui deviendront des « habitudes ».

Pour Nathan Shredoff105, expert en marketing

et expérience utilisateur, l’expérience fonctionne

quand l’utilisateur a été transformé. C’est un

parcours d’un point a – avant l’expérience –

à un point b – après l’expérience. Au milieu nous

retrouvons toutes les péripéties qui l’amènent

à son objectif final. Deux définitions du Larousse

corroborent ces propos et donnent deux angles

d’attaque pour la suite de la recherche :

• « Pratique de quelque chose, de quelqu’un,

épreuve de quelque chose, dont découlent

un savoir, une connaissance, une habitude ;

connaissance tirée de cette pratique ».

• « Fait de faire quelque chose une fois,

de vivre un événement, considéré du point

de vue de son aspect formateur ».

Dans la première définition, le dictionnaire cite

l’exemple d’un « conducteur sans expérience »

manquant d’apprentissage et de mise en pratique.

C’est un premier axe plus didactique et technique,

en lien avec la conception de l’architecture des

interfaces. En suivant un parcours précis anticipé

par ses créateurs, la personne participant

à l’expérience peut acquérir un savoir pour

atteindre ses objectifs. La deuxième définition,

quant à elle, utilise la métaphore de la « relation

amoureuse ». La précision « une fois » insiste

sur le caractère étonnant voire bouleversant

de l’événement. L’être qui fait l’expérience subit

un choc qui est ici de l’ordre d’une émotion

marquante. Si une citation pouvait mettre

en lumière cette dernière notion, ce serait

celle du philosophe Thomas Hobbes :

« Beaucoup de souvenirs ou le souvenir

de nombreuses choses, c’est ce qu’on nomme

expérience106 ».

Cette définition plurielle du mot ‘expérience’

est capitale car elle distingue les deux axes

étudiés dans la suite de cette recherche. L’un,

plus didactique et technique, le second, lié aux

émotions. C’est un aperçu des différents outils

dont dispose le designer d’interaction pour

influencer sur le comportement d’une personne.

Page 48: Mémoire – Design d'interaction durable

42

fig. 2.3. New Austria, art+com, 2005

Page 49: Mémoire – Design d'interaction durable

43

107 The New Austria, ART+COM Studios, 2005

108 Jakon Nielsen and Don Norman, The Definition of User Experience

109 Julie Celia, What Is User Experience Design ?, Cooper Journal, 2012

LE BUT D’UNE EXPÉRIENCEIl peut y avoir des objectifs différents pour chaque

expérience. Prenons l’exemple de l’exposition

The New Austria107 réalisée par le studio Art+Com.

Le but est ici de faire revivre l’Histoire de

l’Autriche aux visiteurs ; il ne s’agit pas seulement

de transmettre une information mais de la faire

vivre aux visiteurs. Le fil conducteur est un

drapeau de 250 mètres aux couleurs du pays (fig.

2.3). Grâce à des dispositifs interactifs, l’utilisateur

reste actif. Il manipule l’information et il acquiert

de nouvelles connaissances tout en participant

à une expérience sensorielle.

Sur un site e-commerce, le designer doit créer

une expérience pour inciter le visiteur à acheter.

Il crée un système où il donne à l’utilisateur

les moyens d’accomplir une tâche. Selon Don

Norman108, expert en expérience utilisateur,

un individu qui achète un produit prouve

que le designer a réussi à combiner le besoin

du consommateur et les besoins marketings

de son commanditaire. Si l’expérience est réussie,

l’utilisateur aura plus de chance à devenir fidèle

à la marque109, voilà pourquoi certains acheteurs

de produits Apple semblent si loyaux. Comme

nous l’avons vu avec iTunes dans la première

partie, la ‘marque à la pomme’ s’efforce de créer

une expérience sur mesure. Encore une fois,

nous constatons que certains aspects relèvent

de la manière dont les outils sont présentés

à l’utilisateur et que d’autres dépendent

des effets produits sur lui.

Page 50: Mémoire – Design d'interaction durable

44

110 Danny Bradbury, What Does People-Centric it Mean, Anyway ?, TheRegister.co.uk, 2014

111 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, chap. 11

112 Julien Jordan, Cognition & The Intrinsic User Experience, UXmag.com, 2012

113 Elizabeth Cosgriff, An Interview on “The Paradox of Choice” with Barry Schwartz

L’EXPÉRIENCE DOIT ÊTRE CHOISIE ET NON SUBIEDurant l’exposition The New Austria, le visiteur était

actif et il pouvait utiliser les différents dispositifs

ou se contenter de regarder ; il avait le choix.

Clive Longbottom110, le fondateur de la société de

consulting et de recherche Quocirca, rappelle que

« 10 000 utilisateurs ce sont 10 000 consommateurs

qui sont habitués à faire leur vie de leur côté

[et qu’ils] doivent agir comme bon leur semble ».

Proposer des choix aux utilisateurs c’est montrer

qu’à travers la masse hétérogène, le service essaie

de satisfaire les besoins de chacun.

AVOIR CONFIANCEL’expérience choisie c’est aussi assumer ses

choix. Il faut être confiant vis-à-vis des options

sélectionnées. Dans son livre111 The Laws of Simplicity,

Maeda considère que la confiance règne lorsque

l’utilisateur peut se relaxer. Il compare cela à

quelqu’un qui ne sait pas nager et qui doit faire

la planche. Toutes les conditions doivent être

réunies pour que l’utilisateur baisse sa garde

et se livre à l’expérience.

BIEN DOSER LES CHOIXCette confiance peut être ruinée si l’utilisateur

panique à l’idée de faire des choix. Pour faire

la planche il faut généralement se mettre sur le

dos, pencher sa tête et ne penser qu’à la maintenir

hors de l’eau. Une personne distraite qui ressent

une pression a plus de chance de boire la tasse.

Elle subit une surcharge cognitive112. Il arrive

la même chose à un utilisateur paralysé par

les choix qu’il a devant lui. Dans une interview,

Barry Schwartz113, psychologue auteur du livre

The Paradox of Choice, explique que ce n’est pas

en multipliant les options que l’utilisateur

se décidera plus facilement. Au contraire,

dit Schwartz ; face à un choix compliqué,

une personne limitera le nombre de critères

Page 51: Mémoire – Design d'interaction durable

45

114 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 69

de comparaisons. Difficile pour elle de se reconnaître

pleinement dans son choix ; car en supprimant

ces options, elle sacrifie potentiellement certaines

valeurs qui lui sont chères. Elle a plus de chances

de regretter son choix par la suite et de ne pas

assumer sa décision. Il y a une frustration qui créé

une tension chez la personne. Le site e-commerce

Amazon l’a bien compris ; dans l’encart des produits

récemment consultés, l’utilisateur est conditionné

pour choisir un produit parmi un échantillon de

six produits (fig. 2.4). Après un clic sur la flèche

de défilement à droite, il en propose encore six

(fig. 2.5). L’utilisateur peut avoir autant de critères

de sélection qu’il le désire, il les appliquera toujours

aux six produits qu’il a sous les yeux.

LA VALEUR D’UN CHOIXLe choix est donc très important pendant une

expérience. Très souvent, lorsqu’un utilisateur

prend une décision, l’interface lui propose

d’annuler et de revenir sur son choix s’il n’est

pas satisfait. Dans un sens, le choix a perdu

de la valeur car il ne devient pas crucial114. Nous

avons vu l’importance pour une personne

de se reconnaître dans ses choix. Donner sans

cesse la possibilité d’annuler quelque chose,

c’est aussi créer une sortie de secours, un peu

comme le fait de simplement débrancher la prise

de l’ordinateur lorsque quelque chose devient

trop compliqué. Nous avons vu qu’internet nous

déconnectait de notre environnement. Le designer

d’interaction a donc les moyens de re-créer un lien

plus concret en responsabilisant une personne.

Il ne s’agit pas de culpabiliser mais de faire

prendre conscience que des choix, même

sur internet, peuvent avoir des conséquences

sur l’environnement.

fig. 2.4. Premier bandeau d’articles

recommandés du site Amazon

fig. 2.5. Deuxième bandeau d’articles

recommandés du site Amazon

Page 52: Mémoire – Design d'interaction durable

46

115 « Man, a being in search of meaning », [traduction de l’auteur]

116 Stonehenge : la découverte qui bouleverse toutes les hypothèses sur le mystère de l’origine du monument mythique, Atlantico.fr, 2014

117 Simon Norris, The Meaning Dimension, Humanising Technology Blog, 2011

C. LE DESIGNER D’INTERaCTION DOIT aPPORTER DU SENS ET CRÉER DES ÉMOTIONS

C’EST UN COMPORTEMENT HUMAIN DE CHERCHER LA VÉRITÉUn enfant se demandera très souvent pourquoi

le ciel est bleu. « L’Homme, un être en quête

de sens115 » nous dit Platon. Les années passent

mais certains mystères n’ont pas été résolus

comme les statues de l’Île de Pâques ou bien

encore Stonehenge116. Les parents donneront

une explication scientifique au ‘comment’

de la couleur du ciel, mais ils ne répondent

pas au ‘pourquoi’. Cela montre que les humains

y mettent du cœur, qu’il y a un vrai besoin

de compréhension des choses les entourant.

De la même manière, s’ils prennent une décision,

ils ont besoin de comprendre les motivations

et les enjeux. L’utilisateur peut avoir confiance

mais il ne le fait pas aveuglément. S’il ne veut pas

le décevoir, le designer doit s’appliquer à lui faire

vivre des expériences authentiques

et pleines de sens.

L’AUTHENTICITÉ : QUAND UNE EXPÉRIENCE A DE LA VALEURPour Simon Norris de l’agence Nomensa117,

un internaute qui parcourt les pages d’un site dont

les mécanismes techniques ont été cachés aura

plus l’impression d’évoluer dans un climat

de confiance ; les éléments techniques ne viennent

pas troubler son expérience. Dans ce cas précis,

il est question d’une interface dite ‘invisible’.

Un site qui donne une réponse humaine aux

actions de l’utilisateur est plus crédible qu’un site

qui se comporte comme une machine. Il dresse

un schéma (fig. 2.6) permettant de comprendre

sa vision des choses et de préciser la méthode.

Le point de départ de l’expérience est le code et

la technologie du site web. Sans ces composants,

il est techniquement impossible de générer

un contenu en ligne. Ce contenu est ce que

l’internaute va regarder en premier. Cela peut

être sous la forme de texte ou d’images. Le style

quant à lui est la mise en forme de ces éléments ;

Page 53: Mémoire – Design d'interaction durable

47

118 « I’ll say that Meaning is the most significant and powerful element of whatever people create for others. Just like how our faces show emotion universally, core meanings are universal throughout all of humanity. This means that every person, in every culture, knows what these core meanings are and why they are significant », [traduction de l’auteur], Nathan Shedroff, Design is the Problem : An Interview with Nathan Shedroff, Core77, 2009

ils doivent être plaisants à regarder et mettre

le contenu en valeur. Si l’apparence du site

apparait cohérente avec son contenu, permettant

à l’utilisateur d’interagir de façon tout à fait

naturelle, l’expérience a du sens. L’internaute

ne se pose pas de questions sur les mécanismes.

S’il le fait, il rencontre des frictions inutiles qui

ont plus de chance de le placer dans un climat

d’insécurité. Si l’expérience d’un site est assez

forte pour se démarquer des autres, elle a

des chances de devenir mémorable et de créer

une fidélité. Les mécanismes technologiques ont

été gommés. « [J]e dirai que le sens est l’élément

le plus important et puissant qui puisse être créé

pour les autres. De la même façon que nos visages

ont des expressions qui délivrent des émotions

universelles, il y a des valeurs universelles.

Cela signifie que chaque personne, dans toute

culture, sait quelles sont ces valeurs et en quoi

elles sont importantes » confirme Shedroff118.

SENS

STYLE

CONTENU

TECHNOLOGIE

Meaning First : user-experience design hierarchy,

Simon Norris, 2012

Page 54: Mémoire – Design d'interaction durable

48

119 Entretien avec Raphaël Yharrassarry, [voir annexe]

120 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 62

121 Sandra Tanneveau, clm bbdo crée un site web inédit qui reste en ligne grâce à vos souvenirs, Piwee, 2014

DES EXPÉRIENCES MÉMORABLESRaphaël Yharrassarry119 pense que « l’utilisateur

est à la recherche d’expériences mémorables ».

Ce n’est plus considéré comme une faiblesse

de montrer de l’émotion120, bien au contraire.

Les études de cas qui vont suivre reprennent

toutes les codes de simplicité et d’authenticité

évoqués dans la partie précédente.

Le site I-Remember121 est une métaphore

de la maladie d’Alzheimer (fig. 2.7). Il est composé

de grains de sable symbolisant les souvenirs

des visiteurs et se désagrège au fur et à mesure

que le temps passe. Les souvenirs laissés par les

visiteurs sont visibles part tous. Ils alimentent

le site et ralentissent sa disparition. S’il n’est

pas alimenté en souvenirs, il disparaîtra, tout

comme la mémoire d’une personne atteinte de la

maladie. Depuis sa sortie en avril 2014, 14 % du site

a disparu. Sans rentrer dans les détails, le site ne

propose que très peu d’actions : il est possible de

se balader dans les souvenirs ou de faire un don à

l’association. La musique envoûtante et l’esthétique

des grains de sable animés rendent l’exploration

très plaisante. La métaphore du sable qui s’écoule

fait prendre tout son sens à l’expérience ; il n’y a

aucune forme de gratuité car le rapprochement

entre la mémoire et le sable est cohérent.

Partage de souvenir sur le site I-Remember

Page 55: Mémoire – Design d'interaction durable

49

L’expérience digitale Sortie en Mer122, elle aussi

publiée en avril 2014, a été créée dans le but de

sensibiliser le public au port du gilet de sauvetage

(fig. 2.8). La seule action du visiteur pendant

l’expérience est de faire défiler la page grâce à la

molette de la souris. Cela a pour conséquence de

jouer une vidéo interactive filmée à la première

personne, maximisant l’immersion. L’internaute

incarne un jeune homme qui tombe d’un bateau et

se noie. L’action de l’utilisateur pour maintenir le

jeune homme est vaine car il décède dans tous les

cas. Sa mort n’est que retardée ; souffre pendant

au moins cinq longues minutes. Des éléments

d’interface montrent sa température corporelle,

son rythme cardiaque. La vidéo révèle la perte de

ses ongles et ses muscles qui se contractent. Même

si le défilement de la page avec la souris est inutile,

il représente la fatalité du destin de quelqu’un

ne mettant pas de gilet de sauvetage. La personne

a beau lutter de toutes ses forces elle ne peut

survivre. Cette vidéo interactive a bien marqué

les esprits. Un article de Ouest-France rapporte

qu’au 20 juin l’expérience avait intéressé près

de 5 millions de personnes réparties dans 220

pays123. L’expérience est qualifiée « d’éprouvante »

et de « terrifiante124 ». Un autre article compte sur

« [c]ette éprouvante campagne de sensibilisation

[pour] générer une prise de conscience massive »

grâce au choc émotionnel qui est produit125.

122 Dennis Lynch, Sortie En Mer: This Drowning Simulator Will Make You Put On A Life Jacket Next Time You’re Out On The Water, ibtimes.com, 2014

123 Catherine Gentric, Concarneau. La société Guy Cotten cartonne en ligne, entreprises.ouest-france.fr, 2012

124 Ibid. 122

125 Alexis Ferenczi, Une campagne interactive choc contre la noyade, HuffingtonPost.fr, 2014

Site interactif Sortie en Mer, capture d’écran, décembre 2014

Page 56: Mémoire – Design d'interaction durable

50

126 Freeman, Game Case Study : Ico - Creating Emotion in Games : The Craft and Art of Emotioneering

Dans un jeu comme Ico, développé par Sony,

le joueur contrôle un personnage qui aide une

jeune fille à s’échapper (fig. 2.9). Il la tient par

la main tout au long du jeu car elle est effrayée.

Les vibrations de la manette126 font ressentir

au joueur le rythme cardiaque de la jeune fille

s’accélèrant lorsqu’elle est attaquée ou prise au

piège. L’utilisation de cette technologie est cohérente

et permet d’établir un lien fort entre le joueur et

des personnages numériques. Ces trois exemples

forment une piste montrant que les expériences

paraissent plus efficaces et riches lorsque l’utilisateur

est au cœur de l’interaction. Mais cela n’est possible

qu’en analysant en amont les attentes d’une

personne pour ensuite déterminer

quelle réponse apporter.

Capture d’écran d’une partie sur le jeu Ico

Page 57: Mémoire – Design d'interaction durable

51

127 Horace Dediu, Innoveracy : Misunderstanding Innovation, Asymco, 2014

2.2 UN DESIGN CENTRÉ SUR L’UTILISATEUR

a. LE DESIGN THINKING : UNE MÉTHODE TOURNÉE VERS L’INNOVaTION

UNE INTRODUCTION AU DESIGN THINKINGL’attention semble être portée sur l’utilisateur.

C’est lui qui participe à une expérience et c’est

lui qui éprouve des sensations. Des méthodes

comme le Design Thinking permettent de trouver

des solutions à des problèmes que rencontre

l’utilisateur. Cette sous-partie ne s’attardera pas

sur les détails historiques qui ont mené au Design

Thinking ; en revanche elle en évoquera

les grands principes. Pour Brown,

« Design Thinking is a human-centered approach

to innovation that draws from the designer’s toolkit

to integrate the needs of people, the possibilities of

technology, and the requirements for business success ».

Les ‘penseurs’ recherchent des moyens de

répondre à des problèmes humains de manière

innovante127. Selon eux, l’innovation est le fruit

d’un travail qui réunissant les besoins marketing,

ceux de l’utilisateur et qui reste du domaine du

illu. 5. Une myriade d’utilisateurs

Page 58: Mémoire – Design d'interaction durable

52

VALEURS HUMAINES

TECHNOLOGIE

INNOVATION

BUSINESS

fig. 2.10. Schémas des composants de l’ innovation, 2011

Page 59: Mémoire – Design d'interaction durable

53

128 The Design Thinking Process, stanford.edu

129 Ibid. 88, chap. 1 p. 27

130 Ibid. 88, chap. 9 p. 26

possible128 (fig. 2.10). Afin de concilier ces trois

sphères, ils ont développé un processus divisé

en cinq étapes. ‘L’empathie’ est la phase où les

designers essayent de se mettre à la place de

l’utilisateur pour comprendre les problèmes

qu’il rencontre et comment il réagit. La phase de

‘définition’ permet d’établir un constat suite aux

observations sur le comportement de l’utilisateur.

La phase ‘d’ideation’, quant à elle, est une partie

du travail où les penseurs génèrent un maximum

d’idées. De cette manière ils sont plus à même

de trouver des solutions originales. La quatrième

phase est celle du ‘prototype’. Là où les idées

retenues sont formalisées ; l’utilisateur final

peut tester le service avant qu’il ne soit finalisé.

La phase de ‘test’ se déroule de la même manière

que la phase précédente sauf que le produit est

presque finalisé. En remettant en question son

travail à chaque étape et en faisant une recherche

permanente sur les besoins de l’utilisateur,

le designer a plus de chances de créer un produit

efficace, rentable, et réalisable. La suite de cette

recherche abordera plus en détail la design centré

sur l’utilisateur.

TRAVAILLER AVEC DES CONTRAINTESLe terme ‘contrainte’ peut être interprété comme

étant négatif. En écrivant « Sans contraintes,

le design ne peut pas exister[…]129 » Brown prend

l’exemple d’un kit médical important devant

être utilisable même pendant une tempête ;

les conditions sont particulièrement difficiles

mais tout doit être mis en œuvre pour qu’il arrive

à destination dans les délais impartis et en bon

état. Il apparaît clairement que sans contraintes

il est plus difficile de designer efficacement.

Les contraintes sont les problématiques prioritaires

d’un projet. L’exemple précédent montrait

une contrainte liée aux délais.

Il existe aussi des contraintes liées au contexte.

Plus loin dans son livre, l’auteur explique que

souvent, les contraintes les plus difficiles suscitent

les innovations les plus spectaculaires130. Il raconte

l’histoire du Dr David Green qui opérait les yeux

de patients en Inde dans des bidonvilles. Il devait

travailler en prenant en compte les problèmes

sanitaires, la pauvreté et la fatigue. Chaque année,

250 000 opérations étaient effectuées. Pourtant,

il a réussi à créer un système pour fabriquer

des lentilles à moindre coût dans la cave de son

hôpital. Cela a permis aux plus pauvres d’en

bénéficier. Les lentilles sont mêmes devenues

les premières lentilles exportées au monde.

Le Dr Green avait pour but de venir en aide aux

aveugles en se focalisant sur les yeux et en a fait

sa priorité. Il ne s’est pas attardé sur le confort

des patients étant habitués à vivre dans

des conditions difficiles.

Page 60: Mémoire – Design d'interaction durable

54

131 Chadia Abras, Diane Maloney-Krichmar and Jenny Preece, User-Centered Design, Bainbridge, W. Encyclopedia of Human-Computer Interaction. Thousand Oaks : Sage Publications, 2004, p. 1

132 Jason Mick, Windows 8 Designer : “Metro Is the Antithesis of a Power User”, DailyTech.com, 2014

133 « [...] we knew full well casual users wouldn’t like it initially. Hopefully in 5 years we’ll look back and see we made the right decision », [traduction de l’auteur], Ibid. 132

134 Ibid. 132

135 Tom Warren, Windows 8 Start Menu Set to Return in August, TheVerge.com, 2014

136 Kara Pecknold, TEDxVancouver : Design Is the Centre of Change, Vancouver, 2012

B. La MÉTHODE DU USER-CENTERED DESIGN

OUBLIER L’UTILISATEUR C’EST COMMETTRE UNE ERREURLe design centré utilisateur131 – abrégé ucd

en anglais pour User-Centered Design – a d’abord

été utilisé par Norman en 1980. « Le défaut

de méthode le plus répandu est de tenir compte

en premier des contraintes de l’entreprise »

nous dit Brown. Précédemment, il a été

question d’un des axes de l’ucd où tout était

mis en œuvre pour que l’utilisateur profite au

maximum de l’expérience et pour qu’il fasse

des choix. Dans certains cas, cette façon de

penser n’est pas appliquée. Cela peut créer une

frustration chez l’utilisateur au point qu’il se

dresse contre l’interface132. En créant l’interface

graphique Modern ui – anciennement nommée

‘Metro’ – Microsoft a créé de la confusion auprès

de ses utilisateurs. Bon nombre d’entre eux

étaient déboussolés car ils ne trouvaient pas le

bouton ‘démarrer’ en bas à gauche de l’écran,

inexistant dans cette version. Jacob Millier133,

un des designers de l’interface de Windows 8,

explique que les designers étaient au courant

qu’un utilisateur occasionnel n’aimerait pas cette

interface au premier abord. « [N]ous savions bien

que les utilisateurs occasionnels ne l’aimeraient

pas au début. Mais j’espère que dans 5 ans nous

regarderons en arrière et nous verrons que nous

avions pris la bonne décision134 ». Les utilisateurs

sont contraints de subir le nouveau choix des

designers de Microsoft ; Miller ajoute que cela va

prendre du temps avec qu’ils ne s’y habituent :

« L’interface Metro va demander un petit temps

d’adaptation ». Quatre mois plus tard, Microsoft

annonce le retour du bouton ‘démarrer’ suite à

de nombreuses plaintes135. Un guide des ‘anti-

Windows 8’ avait même été rédigée pour expliquer

comment modifier les propriétés de la nouvelle

interface afin de se rapprocher de l’ancienne.

Toutefois, il y a parfois des cas où la mission

peut échouer même si elle est axée sur un

utilisateur, car les designers ont mal identifié

l’attente des personnes. La designer Kara

Pecknold136 raconte son plus grand échec de

design. À la finde ses études, elle a été envoyée au

Rwanda afin de créer un site web dans le cadre

donc d’un projet de développement durable. Ce

site avait pour but de rassembler les femmes des

communautés rurales autour de la jacinthe d’eau.

Cette plante se propage à grande vitesse dans

les rivières perturbant la faune et empêchant

l’accès aux sources d’eau. Après l’avoir arrachée,

Page 61: Mémoire – Design d'interaction durable

55

les femmes des différents villages l’utilisent pour

des biens d’artisanat. Bien que louable, la création

d’un site web était totalement inutile du fait que

les villages de cette région n’avaient peu ou pas

d’accès à l’électricité et encore moins à internet.

PARTICIPATORY DESIGN Intégrer l’utilisateur dans la boucle de conception

a plusieurs avantages (fig. 2.11). Premièrement

cela peut lui donner envie de s’engager dans

le projet. Deuxièmement, cela peut le préparer

à l’utilisation du produit final. Pour le designer,

observer la façon dont il interagit avec le futur

produit est une mine d’or d’informations.

C’est ce que Pecknold a fait après avoir refusé

d’annuler sa mission. Elle a repris le processus de

design de son projet à zéro. Rassembler les femmes

autour de la confection d’objets pourrait leur

permettre de pratiquer une activité commune tout

en augmentant leurs revenus. Ce sont les femmes

du village qui ont créé le logo à l’image d’une

jacinthe, en faisant des croquis grâce aux carnets

et au stylos confiés par la designer. Au lieu d’être

affiché sur un site web, il a été utilisé sur les

étiquettes des objets d’artisanat. Pecknold

a même crééune boîte à outils, de l’anglais toolkit,

comprenant un bloc note, un stylo et un appareil

photo ainsi que des images permettant aux

fig. 2.11. Séance de co-design

Page 62: Mémoire – Design d'interaction durable

56

137 Participatory Design, TecEd : User Experience Research and Design

138 Ibid. 131, p. 11

139 Marie-Magali Sarry, Les consommateurs ne savent pas ce qu’ils veulent, Vanksen Blog, 2012

140 Ibid. 59, Citation de Dan Formosa, 2009

141 Susana Gonzalez Ruiz, Designing for the Extremes (or Why Your Average User Doesn’t Exist), Sugoru, 2014

habitantes des villages de communiquer sur leurs

problèmes quotidiens. Tout le monde était au

même niveau hiérarchique et travaillait dans un

but commun en contournant la barrière de la

langue grâce à des dessins et des photos. D’autres

méthodes participatives existent137 comme

la scénarisation d’utilisation d’un service

ou en jouant le rôle d’un utilisateur.

IL EST PARFOIS DIFFICILE DE DESIGNER POUR TOUT LE MONDECette méthode de design participatif a des

avantages mais comporte des difficultés138 :

• Cela prend du temps et demande beaucoup

d’organisation pour consulter des utilisateurs

et émettre des conclusions.

• Ce designer peu se laisser influencer par

les désirs des consommateurs. « Si j’avais

demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils

m’auraient répondu des chevaux plus

rapides139 » disait Ford.

• Les concepteurs recherchent un produit pour

une cible spécifique mais il ne faut pas

restreindre l’utilisation à d’autres.

Cela voudrait dire qu’il n’y a pas d’utilisateur

parfait. Tout le monde peut être un utilisateur

potentiel. Des personnes ne doivent pas se voir

limiter l’accès à un service ; tout comme un bâtiment

se doit de donner accès aux personnes handicapées.

« [S]i nous réalisons ce que sont les extrêmes,

le milieu suivra140 ». La sociologue Susana

Gonzalez Ruiz141 prend l’exemple du design

d’un smartphone. En se basant sur des études

statistiques, les designers pourraient remarquer

que l’utilisateur principal est un homme. Pourtant,

une fois le produit est lancé sur le marché,

les concepteurs s’aperçoivent que le produit est

trop gros pour tenir dans la main des femmes

et des enfants. En prenant compte de plus de

profils d’utilisateurs, le produit aurait pu être

commercialisé à une plus grande échelle,

s’adressant à un plus grand nombre

de consommateurs.

Page 63: Mémoire – Design d'interaction durable

57

142 Ibid. 88, p. 40

143 Ibid. 88, chap. 9 p. 24

144 Nathan Waterhouse, The Future of Human Centered Design, Firm Follows Form, 2013

145 Kenneth Einar Himma and Herman T. Tavani, The Handbook of Information and Computer Ethics, Hoboken, N.J : Wiley, 2008

146 « [W]e have finally abdicated to technology the very duty to formulate questions... Where a simple man might ask : “Do we need these things ?”, technology asks “what electronic wizardry will make them safe ?” Where a simple man will ask “is it good ?”, technology asks “will it work ?” », [traduction de l’auteur], Batya Friedman, Alan Borning and Peter Kahn, Value Sensitive Design and Information Systems, chap. 4 p. 71

2.3 DES CONSÉQUENCES

CONTRASTÉES

a. USER-CENTERED DESIGN OU aNTHROPOCENTRISME ?

L’HUMAIN AU CENTRE DE TOUS LES QUESTIONNEMENTSBien que Brown ait étudié la place de la nature

à la fin de son livre, sa vision du design pour

les humains tend vers l’anthropocentrisme :

« Les humains ne sont plus les héros de l’Histoire.

Il faudrait leur redonner le rôle principal142 »,

ou bien encore « Améliorer le niveau de vie de

5 milliards de personnes143 ». Comme le souligne

sur son blog Nathan Waterhouse, travaillant au

studio ideo, cette pensée est à la fois un avantage

et à la fois un inconvénient144. Après avoir nuit à

son propre environnement, il ne peut s’en prendre

qu’à lui-même. Les humains sont responsables

de ce désastre écologique et doivent se remettre

en question mais ils ne rejettent pas la faute sur

quelqu’un ou quelque chose d’autre. Dans ce cas

précis, c’est une sorte d’avantage de penser

de manière anthropocentrique.

AU FINAL CELA PEUT-IL ASSERVIR L’ÊTRE HUMAIN ? Lors de l’explication du sens et de la valeur

d’une expérience le schéma pyramidal montrait

la technologie comme la base de la création d’une

expérience. Le designer n’impose-t-il pas parfois

la technologie à l’utilisateur au point de le rendre

quelque fois dépendant ? La technologie devrait

être maîtrisée par l’humanité et non l’inverse

Joseph Weizenbaum145, figure émérite du mit,

écrivit146 en 1972 : « [n]ous avons laissé le soin

à la technologie de répondre aux questions…

Là où un homme se demande : “a-t-on besoin

de toutes ces choses”, la technologie se demande :

“quel tour de magie électronique les mettra

en sécurité”? Là où un homme se demandera :

“est-ce bien?”, la technologie se demandera :

“est-ce que ça marchera ?” ». Nous avons vu que

la technologie répondait aux problèmes humains,

mais aussi qu’elle lui créait une échappatoire

en cas de difficulté, ‘en débranchant la prise’.

Aussi, le designer créé pour un utilisateur qu’il

Page 64: Mémoire – Design d'interaction durable

58

147 Donald A. Norman, Words Matter. Talk about People : Not Customers, Not Consumers, Not Users, interactions, 2006

148 Jim Taylor, Will There Be a Backlash Against Technology ?, HuffingtonPost.com, 2013

149 Edwards Lin, Study Suggests Reliance on GPS May Reduce Hippocampus Function as We Age, Phys.org, 2010

150 Cynthia Blank, New Israeli Technology Helps Treat Parkinson’s Disease, Arutz Sheva, 2014

151 Connecting, 2012, 13 :40

semble oublier d’appeler ‘être humain’. Norman

pense que c’est une appellation réductrice.

De la même manière que le marketing cherche

à vendre au ‘consommateur’, les technologies et le

design d’interaction s’adressent aux ‘utilisateurs’.

Pour Norman, réduire le statut d’une personne

c’est omettre sa complexité et ce qui fait la richesse

d’un être humain147. Dans un monde ou l’économie,

l’environnement et l’être humain sont liés,

négliger l’être humain pourrait conduire

a négliger son environnement.

B. La TECHNOLOGIE PEUT SERVIR L’HUMaNITÉ TOUT EN FaISaNT

La PROMOTION DE L’ENVIRONNEMENT

IL NE FAUT PAS REJETER TOUTES LES TECHNOLOGIESIl y a un certain rejet de la technologie. Le Dr

Jim Taylor – de l’Université de San Francisco en

Californie – dresse un constat148 alarmant de ce

« tsunami de technologie ». Il invite à prendre

part à un mouvement de masse pour le stopper.

Même si ce discours engagé peut paraître utopique,

il n’est pas étonnant d’imaginer que l’excès de

technologie – ou sa mauvaise gestion – puisse

avoir des conséquences sur les humains et sur

leur environnement. L’écrivain américain Alvin

Toffler prévoyait déjà ce ‘rejet’ en 1970, comme

une réaction normale à l’infobésité. Nous avons

vu que la révolution industrielle a permis de

faire de nombreux progrès. Il ne pas rejeter

toutes les technologies. Certaines peuvent aider

l’être humain à se dépasser, notamment dans le

domaine de la santé. Ainsi, des objets connectés

permettent à des patients qui souffrent de

diabète149 de transmettre en temps réel leur

niveau de sucre dans le sang à leur médecin

sans avoir besoin de se rendre dans un cabinet

d’analyse. Certaines machines repoussent les

capacités d’observation humaines, pouvant

rendre observables les symptômes de la maladie

de Parkinson plus de 300 fois par seconde150.

LA TECHNOLOGIE COMME AUXILIAIRE DE LA NATUREDans le court métrage Connecting, Anthony Dunne,

professeur et directeur du département de design

d’interaction du Royal College of Art de Londres,

dit : « Le réseau prélève des données mondiales151 ».

Le monde devient plus intelligent car il profite

des du flux de données recueillis par tous les

terminaux connectés. Les designers utilisent ces

données statistiques pour repérer des problèmes

Page 65: Mémoire – Design d'interaction durable

59

152 « [S]o we can learn as a society, […] adapt, and evolve », [traduction de l’auteur], Ibid.

153 Stanford, Solving Big Questions Requires Big Computation, Stanford.edu

154 Jennifer Mankoff, Robin Kravets and Eli Blevis, Some Computer Science Issues in Creating a Sustainable World, ieee Computer, 2008, p. 3-4

155 « Computers’ interactive nature provides an additional opportunity for energy reduction – by educating people, creating new ways of being, and changing behavior. For example, today’s personal computers can run older climate models and contribute to both education and research.[In] 2006, Chicago’s Center for Neighborhood Technology helped local households reduce summer electricity usage by 3 to 4 percent by providing an ambient orb [...] that displays the real-time cost of energy », [traduction de l’auteur], ibid. 154

et imaginer des solutions appropriées.

La technologie facilite le travail de recherche

et accélère le processus d’un design orienté

utilisateur. Dunne approfondit son explication

en disant « [A]fin que nous apprenions, en tant

que société, que nous nous adaptions et que nous

puissions évoluer152 ». La notion de société s’oppose

à l’individualisme. Sans ces informations cruciales,

il est plus difficile d’agir pour la planète et pour

ses habitants. Dans un article récent de l’Université

de Stanford153, l’auteur rappelle que l’informatique

permet de réaliser beaucoup d’analyses mais aussi

de simuler et de prototyper des systèmes pour

répondre aux problèmes climatiques.

Des problèmes en partie anticipés

grâce aux analyses (fig. 2.12).

COMMENT UTILISER LES TECHNOLOGIES AUTREMENTPour Eli Blevis, professeur d’informatique dans

le département d’hci et Design d’interaction

de l’Université d’Indiana, il faudrait utiliser

les technologies d’une autre manière ; au profit

de l’environnement, par exemple. Son idée rejoint

celle de Dunne. D’après lui, les technologies

permettant d’analyser le monde ne devraient pas

être réservées aux scientifiques et aux chercheurs.

Au contraire, pourquoi ne pas les rendre

disponibles au grand public – qu’il appelle les

« citoyens scientifiques » – sous une forme plus

simple ? « Le caractère interactif des ordinateurs

propose une alternative supplémentaire pour

la réduction d’énergie en éduquant la population,

créant de nouveaux modes de vie et en changeant

les comportements. Par exemple, les ordinateurs

personnels d’aujourd’hui peuvent permettre

de visualiser d’ancien modèles climatiques,

contribuant ainsi à la fois à l’éducation et à la

recherche. [E]n 2006, le Centre de la Technologie

de Quartier de Chicago a aidé les habitants à

réduire leur consommation d’électricité durant

l’été par 3 voir 4 % en installant un orbe […] qui

affiche le coût de l’énergie en temps réel155 ».

fig. 2.12. Capture d’écran du film Connecting

Page 66: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 67: Mémoire – Design d'interaction durable

61

CONCLUSIONCette partie permet de situer la discipline du design d’interaction

par rapport à d’autres branches du design en montrant leur

complémentarité. Le designer peut agir aussi bien sur l’architecture

des interfaces que sur leur valeur, c’est-à-dire le sens qu’elles

apportent pendant l’expérience de l’utilisateur qui se voittransformé.

Le Design Thinking montre à quel point rien n’est laissé au hasard

et que tout est une question de méthode. L’heure est à l’innovation

et au dépassement de soi-même – en équipe –  et des problèmes à

grande échelle avec toujours une tension entre la nécessité d’utiliser

la technologie – pour créer des expériences – et le respect

de l’environnement. Comme le recommande Blevis,

utilisons la technologie autrement.

Page 68: Mémoire – Design d'interaction durable

3Chapitre

VERS UN DESIGN D’INTERACTION DURABLE

Page 69: Mémoire – Design d'interaction durable

63

156 Jennifer C. Mankoff and others, Environmental Sustainability and Interaction, CHI’07 extended abstracts on Human factors in computing systems, ACM, 2007, pp. 2121–24

157 Charles Baudelaire, Baudelaire - Œuvres Complètes, Éditions la Bibliothèque Digitale, 2013

INTRODUCTIONLes designers font partie d’un système, et comme les autres membres

de ce système, ils ont un impact sur l’environnement ; leurs actions

ne sont pas isolées. Étant par sa nature dans une situation de

collaboration et de partage, le designer pourrait pousser son sens

éthique et inciter ces collègues et collaborateurs à intégrer les

notions de comportement durable. Jennifer Mankoff, professeur à

l’Université de Carnegie Mellon aux États-Unis, explique

qu’il y aurait deux catégories de design d’interaction durable :

« sustainability in design and sustainability through design156 ». En français

il faut traduire par « la durabilité dans le design » et « la durabilité

à travers le design ». Le premier axe se concentre sur la manière

de réduire les effets de l’utilisation de logiciels et de matériel

technologique, le second s’oriente vers la modification

des modes de vie et des choix.

« Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière. »

 – Charles Baudelaire157

Page 70: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 71: Mémoire – Design d'interaction durable

65

158 Ibid. 59, 1 :00 :12

159 « We can’t ignore the system », [traduction de l’auteur], Tim Brown, Change by Design : How Design Thinking Transforms Organizations and Inspires Innovation, New York : HarperBusiness, 2009, chap. 8 p. 28

3.1 PRATIQUER LE DESIGN DE FAÇON DURABLE

a. PENSER aU-DELÀ DU DESIGN GRÂCE aU SYSTEM THINKING

LA PRISE DE CONSCIENCE DU SYSTÈMELorsque le studio ideo a cherché à repenser la

brosse à dents158 – et même l’activité du brossage

de dents – ce n’était pas sur un coup de tête.

En se baladant sur les Îles Fidji, un des designers

a trouvé au bord d’une plage l’une des brosses

à dents qu’il avait conçue. Il a alors réalisé que

le produit, développé à des milliers de kilomètres

de son lieu de vacances, terminait son cycle

de vie abandonné sur une plage :

« Nous ne pouvons ignorer le système159 ».

Tous les comportements de l’utilisateur ainsi

que toutes les hypothétiques fins de vie d’un

produit ne peuvent être anticipés. Or, ceci n’excuse

pas les designers de penser aux conséquences de

leurs actes lorsqu’ils conçoivent un produit.

Quelques mois plus tard, ideo repensait une

nouvelle fois la brosse à dents, en proposant

un objet dont seul la tête est jetable. C’est

en effet la partie qui s’use le plus vite. Tel le

designer industriel, le designer d’interaction

Page 72: Mémoire – Design d'interaction durable

66

160 Ibid. 59

161 « designers must retool the process », [traduction de l’auteur], Ibid. 154

162 Eli Blevis, Sustainable Interaction Design : Invention & Disposal, Renewal & Reuse, Proceedings of the SIGCHI conference on Human factors in computing systems, ACM, 2007, pp. 503–12

se doit d’anticiper les conséquences de l’acte même

de concevoir : « [Q]ui va l’utiliser, dans quelles

circonstances160 ? » Il semble intégré à une boucle,

à un système à proprement parler ; depuis la

réflexion sur le besoin d’un produit, en passant

par sa conception, sa réalisation, sa mise en vente

sur le marché et sa fin de vie. Autrement dit,

c’est une tâche qu’il ne peut entreprendre tout

seul. Cette notion de système modifie encore

un peu plus la façon dont il faudrait travailler

en équipe. D’après Blevis : « les designers doivent

repenser le processus [de conception] »161.

LA TRANSMATÉRIALISATION PROMEUT LE RENOUVELLEMENT & LA RÉUTILISATIONUne des hypothèses pour repenser le processus

de conception des biens et des services serait

de se concentrer sur la finitude des objets

électroniques et la façon dont nous les utilisons.

Nous avons vu au début de cette recherche

que de plus en plus de services étaient accessibles

grâce à un objet : c’est la transmatérialisation.

Blevis propose de s’intéresser à la ‘vie’ des systèmes

de navigation par gps162 – couramment appelé par

métonymie, représentant à la fois des avantages

et des inconvénients concernant l’environnement.

C’est un objet utile aux effets durables. En effet,

il optimise la direction du conducteur en lui

proposant par défaut la route la plus courte.

Ce dernier polluera moins longtemps. Le gps

peut être mis à jour via son logiciel interne pour

avoir toujours des cartes actualisées. Le prix des

mises à jour des cartes varie selon le constructeur

et parfois, il est plus avantageux d’acheter un

nouveau gps plutôt que de payer le prix de leur

mise à jour. L’ancien modèle a de grandes chances

d’être jeté aux ordures. Le modèle économique

et la non anticipation d’une telle évolution du

produit ont conduit l’utilisateur à se séparer

de l’objet. Pourtant, l’usager consulte toujours

des cartes, il ne s’est pas séparé de son service.

Page 73: Mémoire – Design d'interaction durable

67

163 Jessica Leber, Garmin’s Market for GPS Taken by Smartphones, 2013

164 Robert Dickau, Internet of Things – Opportunities Ahead for Intelligent Device Makers ?, Embedded, 2012

165 Robert Hardy, The $1,000 App That Allows iPhones to Shoot 4K Video Just Got a Whole Lot Cheaper, nofilmschool.com, 2014

Aujourd’hui, les smartphones embarquent

tous cette technologie163. Fonctionnant avec

des données en temps réel, ils semblent avoir

remplacé les gps.

L’évolution d’un produit ne consiste pas

seulement en sa mise à jour logicielle. Cela peut

aussi être l’amélioration de l’utilisation du produit

ou bien la création d’un service plus évolutif164.

Prenons le cas d’une gamme de trois appareils

photos de la même marque :

• Le premier est le bas de gamme à 400 €.

• Le deuxième moyen de gamme à 900 €.

• Le troisième, haut de gamme à 1 500 €.

Dans ce cas précis, trois objets ont été produits

impliquant chacun des coûts de fabrication,

de transport et d’emballage. Un néophyte choisira

sûrement le modèle à 400 €. Après avoir utilisé

l’appareil pendant un an, il décide d’acheter le modèle

supérieur. 1 300 € ont déjà été dépensés pour deux

appareils. À la vue des 1 200 € investis, pourquoi

ne pas avoir tout de suite acheté le modèle à 1 500 € ?

Dans cet exemple le néophyte le considérait

comme trop cher pour l’utilisation qu’il pouvait

en faire au début. Pourquoi ne pas imaginer

un seul produit contenant toutes les caractéristiques

techniques du modèle le plus abouti ? L’appareil est

bridé ; pour avoir accès aux fonctionnalités

supérieures, le consommateur doit souscrire

à une offre supérieure. Il ne paie pas un produit

différent à chaque fois qu’il se découvre une

nouvelle nécessité de monter en gamme, mais

il complète sa formule. En reprenant l’exemple

précédent, pour passer de la fonctionnalité bas

de gamme à milieu de gamme, il ne paye pas 400 €

plus 900 € mais 400 € plus 500 €. Si un tel système

paraît utopique, il est intéressant de souligner que

cela relève du possible grâce aux technologies

connectées. Au lieu de produire plusieurs objets,

un seul voit le jour et il peut être mis à jour de

façon permanente. Cela représente un système

d’achat avantageux pour le consommateur

et pour la planète. Les smartphones ont la capacité

de s’actualiser de cette manière. Les développeurs

cherchent à créer des applications dépassant

les résultats traditionnels165.

Page 74: Mémoire – Design d'interaction durable

68

166 Dave Hakkens, Phonebloks, 2013

167 Benjamin Ferran, iPhone 6 : 10 millions de ventes le premier week-end, Le Figaro, 2014

Des ingénieurs et des designers ont imaginé

un téléphone composé de plusieurs pièces. À la fin

de l’année 2013, le designer Dave Hakkends met

en ligne une vidéo (fig. 3.1) montrant le prototype

du projet Phonebloks166. Ce projet, renommé Projet

Ara, offre la possibilité de monter son téléphone

en kit. Le consommateur reçoit un modèle de base

qu’il complète avec de nouveaux ‘bloks’ : objectif

photo, espace de stockage supplémentaire. Le

téléphone permet à tout utilisateur de choisir

les pièces, et donc, les fonctionnalités, dont

il a besoin. Il peut les améliorer avec des bloks

de qualité supérieure. L’appareil modulaire

est plus facilement réparable car toutes les pièces

sont interdépendantes. Ce téléphone modulaire

apparaît comme une solution à l’obsolescence

programmée des smartphones ; si une pièce

est défectueuse, il suffit de la changer,

indépendamment des autres. Mais il faut

tout de même émettre des réserves vis-à-vis

de ce projet. L’obsolescence reste présente ;

la base du téléphone peut s’user à force de

brancher et débrancher des bloks. Ensuite,

la production à grande échelle d’appareils comme

l’iPhone167 permet de standardiser la production.

La création de bloks engendre la production de

beaucoup plus de petits objets séparés. Cela peut

aussi poser un problème du point de vue du

recyclage où il suffit de se rendre en boutique pour

échanger ou recycler un téléphone, qu’importe

la pièce défectueuse. Sur un Phoneblok,

le consommateur pourrait être tenté de jeter

la pièce défectueuse et d’en commander

directement une autre.

fig. 3.1. Phoneblok, Dave Hakkends, 2013

Page 75: Mémoire – Design d'interaction durable

69

168 Entretien avec Christophe Clouzeau, [voir annexe]

169 Lubna Le Bail, 3 écogestes simples au bureau, Web Développement Durable

B. LE DESIGNER DROIT TRaVaILLER DE MaNIÈRE DURaBLE

AVOIR UN COMPORTEMENT DURABLE AU TRAVAILTout employer peut s’investir pour la protection

de l’environnement sur son lieu de travail.

Les petits gestes comme l’extinction un écran

au lieu de le laisser en veille ont un impact et sont

des réflexes qu’il faut recommencer à apprendre168

car ils sont trop vite oubliés169. Sans être réservé

au strict cadre du bureau, cela peut devenir un

style de vie. Ne serait-ce pas un peu dérangeant

d’arriver sur une moto pétaradante crachant

de la fumée noire pour présenter

un projet à Greenpeace ?

Page 76: Mémoire – Design d'interaction durable

70

170 Impact, Verynice.co

171 Mule Design Studio, Yelp.com

172 Mike Monteiro, Design Is a Job, New York : A Book Apart, 2012

173 « A designer must be professionally, culturally, and socially responsible for the impact his or her design has on the citizenry », [traduction de l’auteur], Jon Kolko, Thoughts on Interaction Design, Elsevier, 2011

174 Geoffrey A. Fowler, When the Most Personal Secrets Get Outed on Facebook, Wall Street Journal, 13 octobre 2012

175 Dominic Rushe, Twitter’s Diversity Report : White, Male and Just like the Rest of Silicon Valley, TheGuardian.com, 2014

176 « we are the gatekeepers », [traduction de l’auteur], Ibid. 172

177 Mike Monteiro, Design Is a Job, New York : A Book Apart, 2012, p. 27

178 Alan F., 400,000 Apps in the App Store Have Never Been Downloaded Says Report, PhoneArena.com, 2012

Être durable, c’est parfois le credo de certains

studios. Verynice.co170 est un studio basé au Texas,

à New York et à Los Angeles. Plusieurs fois dans

l’année, ils allouent 50 % de leur temps de travail

gratuitement pour soutenir des entreprises

porteuses de projets durables. Ils ont souvent

besoin de volontaires pour certaines missions.

Avec les années, le nombre de projets par années

a augmenté et ce sont même des employés du

studio qui se portent volontaires dans certains

évènements. Ce mode de fonctionnement

favorise l’entraide et le soutien des grandes

causes. Le studio incarne des valeurs d’entraide

et de partage. C’est une question d’éthique.

UNE APPROCHE DE L’ÉTHIQUE DU DESIGNERMike Monteiro, le co-fondateur du studio

américain Mule Design171 s’est beaucoup intéressé

à l’éthique dans son livre Design is a Job172. Selon lui,

il est possible – voire légitime – de refuser un projet

qui va à l’encontre de l’environnement ou du bien

de la société. Il explique que c’est ce qui l’a motivé

à quitter l’entreprise dans laquelle il travaillait

à l’époque pour fonder la sienne. C’est à partir

de ce moment là qu’il a pu faire des choix et que sa

vision du design a changé. Avant il pensait que le

design était « un acte de création » alors qu’en fait,

c’est plutôt « un acte de choisir ce que l’on créé ».

Cela implique une prise de conscience de la

part du designer qui ne peut négliger sa

responsabilité sous peine de contribuer à un

certain niveau de destruction de l’environnement

et des êtres humains. « Un designer se doit d’être

professionnellement, culturellement et socialement

responsable de l’impact de son design sur la société »

dit le designer Jon Kolko173. Alors, faire un mauvais

design serait un choix ; il prend l’exemple du

réseau Facebook qui a changé la vie de certains

de ses utilisateurs en modifiant le fonctionnement

de la confidentialité. Des contenus secrets et très

personnels ont été rendus publics, provoquant une

‘onde de choc’ dans la vie de leur propriétaire174.

Peut-être que les designers en charge se sont dit

Page 77: Mémoire – Design d'interaction durable

71

que ce n’était pas important, peut-être qu’ils ont

eu peur de se faire renvoyer, peut-être qu’ils ont

dit que c’était un mauvais design mais leurs

supérieurs n’ont pas agi. Ou peut-être qu’ils

ne se sont pas assez intéressés à la diversité des

profils des utilisateurs, passant à côté de la phase

‘d’empathie’175. Mike Monteiro insiste en citant

le célèbre designer Victor Papanek qui s’était lui

aussi intéressé au développement durable et à

l’éthique du designer : « nous [en] sommes les

défenseurs176 ». Il faut être capable de dire « non ».

Il faut être capable de conseiller un client pour

l’inciter à faire des choix plus durables177. Il faut

être capable de critiquer le design pour être

capable de comprendre ce qui va et ce qui ne va

pas. Les ressources sont limitées, de nombreux

exemples de mauvais design existent ; comme

la confidentialité de Facebook. Pourtant, chaque

jour, de nouveaux services viennent inonder

le champ des applications : applications caméra

pour smartphone, jeux de simulation de fermes

virtuelles. Des divertissements qui parfois ne

sont même pas utilisés178. Ne serait-ce pas là un

gaspillage de temps aurait pu être mis au profit

de causes qui en valent la peine ? Et si c’était aussi

un gaspillage d’énergie ?

3.2 LE GREEN IT : RÉDUIRE

L’IMPACT ÉNERGÉTIQUE DES TECHNOLOGIES

a. LE WEB VERSION DURaBLE

LE VIRTUEL A UNE EMPREINTE ÉCOLOGIQUELa fin de la première partie de cette recherche

portait sur le lien entre l’humanité et son

environnement, dont le caractère intangible

était favorisé par les réseaux sociaux. L’une des

première hypothèse est que la population pourrait

imaginer qu’internet n’est pas physique et n’a pas

d’impact sur l’environnement.

Page 78: Mémoire – Design d'interaction durable

72

179 Efficience énergétique de l’it, Conférence Innov’ Eco, Paris, 5 février 2015

180 Timo Arnall, Internet Machine, Elasticspace.com, 2014

181 Entretien avec Christophe Clouzeau, [voir annexe]

C’est pourtant une technologie utilisée tous

les jours. Frédéric Bordage, spécialiste en

technologies vertes et directeur de GreenIt.fr,

explique dans une conférence179 qu’il existe trois

‘tiers’ constituant la consommation électrique

liée au web :

• Les terminaux : ce sont nos smartphones,

nos ordinateurs, qui envoient des données.

• Les réseaux : ils transfèrent les données.

• Les data centers : ce sont les infrastructures

de stockage des données.

L’artiste Timo Arnall met en image180 cette

consommation que nous soupçonnons moins

dans une projection intitulée The Internet Machine

(fig. 3.2). Si le web nécessite toutes ces machines

pour fonctionner, pourrait-il s’avérer que dans

certains cas des contenus numériques soient

moins écologiques181 que des contenus physiques ?

C’est l’hypothèse suggérée par Christophe Clouzeau,

directeur de l’agence Neoma et directeur du site

d’information webdeveloppementdurable.com.

fig. 3.2. The Internet Machine, Timo Arnall

Page 79: Mémoire – Design d'interaction durable

73

182 Alma Media Determines the Environmental Impacts of Print and Online Media, almamedia.fi

183 Save the Planet through Sustainable Web Design, CreativeBloq.com, 2012

Ce schéma (fig. 3.3) compare l’empreinte

écologique produite en lisant un article182 d’un

journal finlandais en version en ligne ou papier.

Le rejet de Co2 est identique quelque soit le

support de lecture183. Pourtant, au début

des années 2000, il était courant de voir

des signatures de mail invitant à n’imprimer

ledit mail seulement s’il était très important.

Cela avait pour but d’inciter à économiser

le papier et à limiter la déforestation.

Une des limites d’un contenu virtuel

est que contrairement à un livre qui est fini, qui

est achevé, le virtuel peut être mis à jour de façon

continuelle ; nous l’avons vu avec l’exemple des

objets connectés ou du gps. Alors qu’un article de

journal est produit de manière limitée – ou gérée

tout du moins – un article en ligne peut être

potentiellement consulté, au moins une fois,

par plus de 7 milliards de personnes. Il semble

y avoir un manque de contrôle de la consommation

des contenu en ligne.

Production de papier journal

Transport des matières premières

Ressources des forêts8% d’émission

en moinsRecyclage

& gestion des déchets

Livraison & transport

Énergie du centre d’impression

Production du contenu

Encre et plaques

-8%2%

2%1%

13%

8%

5%

4%

57%

fig. 3.3. Empreinte écologique du journal finlandais Aamulehti

Page 80: Mémoire – Design d'interaction durable

74

184 Green Mountain Data Centres, greenmountain.co

CHOISIR LES BONS OUTILSUne des hypothèses est qu’en travaillant avec des

développeurs et des ingénieurs, le designer peut

anticiper les outils technologiques utilisés. En

procédant de cette manière, il a plus de chance

d’optimiser la consommation énergétique de son

futur produit. Dans le paragraphe précédent, nous

nous étions attardés sur la consommation d’un

terminal. Pour rappel, il y a aussi la consommation

des deux autres tiers qui sont les réseaux et les

data centers. Ces derniers permettent le stockage

des données. Certaines entreprises ont un

réflexe durable et choisissent de mettre en

ligne leur service via un hébergeur écologique.

L’hébergeur greenmountain184 est un service de

‘green hosting’. Situé sur une île en Norvège, cet

ancien complexe militaire de l’otan est utilisé

comme infrastructure d’hébergement de sites

web et de données sensibles. La maintenance

et le refroidissement des machines demandent

de grandes ressources énergétiques. L’eau est

utilisée dans un système hydro-électrique (fig.

3.4) qui alimente l’infrastructure. La température

extérieure permet un refroidissement naturel

de l’eau et donc, des serveurs. C’est un système de

free-cooling ne nécessitant pas de refroidissement

assisté. La sécurité des données est renforcée grâce

à la topologie de l’île rendant l’infrastructure

difficile d’accès. Grâce à la pression exercée par

fig. 3.4. Solution de refroidissement de GreenMountain

Page 81: Mémoire – Design d'interaction durable

75

185 Nombre de recherches sur Google, Planetoscope

186 Frédéric Bordage, Pourquoi seulement 10 résultats sur Google ?, GreenIt.fr, 2014

187 Heapmedia, Blackle - Energy Saving Search, blackle.com

188 « That turns into a global savings of 8.3 Megawatt-hours per day, or about 3000 Megawatt-hours a year. Now take into account that about 25 percent of the monitors in the world are CRTs, and at 10 cents a kilowatt-hour, that’s $75,000, a goodly amount of energy and dollars for changing a few color codes », Black Google Would Save 750 Megawatt-Hours a Year, Ecoirong.blogspot.fr, 2007

189 Larry Greenemeier, Fact or Fiction ? : Black Is Better than White for Energy-Efficient Screens, scientificamerican.com, 2007

l’eau, l’oxygène y est plus rare. Le niveau d’oxygène

peut aussi être volontairement baissé, rendant tout

déclenchement de feu impossible. Il est difficile

de courir sans être rapidement essoufflé ;

cela peut s’avérer utile en cas d’attaque.

DES PETITES ACTIONS AUX CONSÉQUENCES IMPORTANTESTout comme nos gestes simples au bureau,

l’optimisation du code, des images et du

fonctionnement d’un site peut faire varier

le poids des données transférées. Cela favorise

l’optimisation des ressources énergétiques.

Google compte185 approximativement 100 000

recherches effectuées chaque seconde

Graphiquement, les designers ont opté pour

le minimalisme. Ils ont aussi réfléchi à la façon

dont ils pouvaient effectuer des économies grâce au

fonctionnement des recherches. Lors d’une

recherche, seulement dix résultats sont affichés186.

La limitation de l’affichage des résultats évite

une surcharge de données car elles arrivent

au compte-gouttes ; elles sont réparties sur

plusieurs page. L’utilisateur sait que les résultats

les plus pertinents seront affichés sur la première

page, il ne chargera pas les données des pages

suivantes. Il y a donc une économie d’énergie,

une économie de temps, et un gain d’argent.

Selon le trafic d’un site, une simple modification

d’une ligne de code peut générer une économie

considérable. Nous prendrons encore une fois

l’exemple de Google. Le groupe australien

HeapMedia a poussé l’optimisation de cette page

à son paroxysme187 en créant Blackle. En 2007,

le bloggeur Mark Ontkush fait un rapide calcul

de l’économie qui pourrait être réalisée :

« Cela permet une économie de 8,3 Megawatts par

heure par jour, soit environ 3 000 Megawatts par

heure par an. En prenant en compte le fait que

25 % des écrans dans le monde sont des écrans

cathodiques, à 10 cents un kilowatt à l’heure,

c’est un total de 75 000 €, ça représente une bonne

économie d’argent et d’énergie rien qu’en changeant

des couleurs et quelques lignes de code188 ». Cette

page est presque identique à celle de Google à la

différence près que l’arrière-plan du site est noir et

non blanc. Cette économie ne tient qu’à la simple

ligne de code : « background-colo :#000 ». Il faut

tout de même émettre des réserves quant à cette

méthode ; les écrans lcd consomment en effet plus

d’énergie pour afficher du noir. Le calcul avait

été fait en 2007 où les écrans crt étaient encore

utilisés. Tony Heap189, le créateur de Blackle en

est bien conscient mais rappel que c’est la façon

de penser qui importe : « Je ne pense pas que les

économies d’énergie réalisées grâce à Blackle vont

Page 82: Mémoire – Design d'interaction durable

76

190 « I do not expect the energy savings from Blackle to change the world on their own, but the point of Blackle is that every little bit counts », Ibid. 188

191 Steve Souders, The Performance Golden Rule, Stevesouders.com, 2012

192 Paul Adams, The Dribbblisation of Design, Intercom.io

193 Antoine Crochet-Danais, Le poids des pages web a explosé de 150 % en trois ans, journaldunet.com, 2013

194 The Average Web Page Has Grown 151 % in Just Three Years, Web Performance Today

195 Average Web Page Breaks 1600K, WebsiteOptimization.com, 2014

196 UPtv la WebTV de l’Université de Poitiers, Le Responsive Web Design : phénomène de mode ou méthode de conception durable ?, univ-poitiers.fr, 2013

197 Kelly Waters, What Is Agile ? (10 Key Principles of Agile), AllAboutAgile.com, 2007

à elles seules changer le monde, mais

ce que montre Blakle c’est que chaque

petite action compte190 ».

UNE ÉPREUVE DE DESIGN GRAPHIQUELes exemples de Google mettent l’accent sur

l’optimisation du code justifiée par le design.

Des sites peu esthétiques ou mal pensés

consommeraient-ils plus d’énergie ? Pour Steve

Souders, qui a travaillé à l’optimisation de Yahoo

et Google, l’utilisateur ne voit pas toutes les petites

optimisations qui sont faites dans le code. Il ne voit

que la partie front end, c’est-à-dire la partie visible

de l’iceberg. Toujours d’après Souders, « environ

85 % des gains en énergie se font grâce au retravail

de l’interface d’un site191 ». Tout porte à croire

qu’un bon design graphique va durer dans

le temps. C’est exactement le même principe

que le logo d’Apple abordé dans la première partie :

l’évolution du logo est en lien avec l’évolution

de la marque, le changement d’image est justifié

et cohérent. Malheureusement beaucoup trop

de sites et d’applications se précipitent à embrasser

les dernières fioritures tendances192. Comme elles

changent très souvent, certains sites subissent

une refonte graphique. L’utilisateur recharge

à chaque fois le nouveau contenu, entraînant

à nouveau un transfert de données. Le web

a un poids qui augmente considérablement193.

Le poids moyen d’une page web aurait augmenté

de 150 % en trois ans194. L’augmentation

du nombre d’objets par page et l’utilisation

de la vidéo en seraient les causes principales.

La course à l’interface la plus ‘cool’

accentue ce phénomène195.

Il ne faut tout de même pas renier toutes les

tendances qui, utilisées à bon escient, permettent

de réaliser des économies. Le ‘responsive design’

a été parfois considéré comme un effet de mode.

Il permet à un même contenu de s’adapter à

différents supports, répondant à la problématique

de la multiplication des terminaux et des tailles

d’écrans. La déclinaison sur les différents

périphériques de lecture rendent le contenu

facilement transposable196. L’utilisation du

responsive design est l’un des aspects de

la conception de sites modulaires,

avec une forte capacité d’évolution.

TRAVAILLER DE FAÇON AGILELes administrateurs d’un site auront sûrement

plus de facilité à faire une refonte de son interface

s’il a été pensé pour évoluer ; s’il n’est pas figé dans

le temps. Au lieu de créer un site en une seule fois,

ils pourraient créer le site étape par étape.

Il existe plusieurs197 méthodes198 ‘agiles’ ; cette

partie se concentre surtout sur celles permettant

au designer et à ses collaborateurs développeurs

Page 83: Mémoire – Design d'interaction durable

77

198 Mightybytes.com, The Sustainable Product Development Manifesto, p. 5

199 Minimum Viable Product, mvp, [traduit de l’anglais]

200 Luke Clum, Understanding Agile Design and Why It’s Important, DesignShack.net, 2013

201 Hoa Loranger, Radical Redesign or Incremental Change ?, nngroup.com, 2015

202 « People love what can make their life easier », [traduction de l’auteur], John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, p. 8

203 Apple’s Macintosh Commercial, Apple, 1984

204 Desktop Metaphor, UsuabilityFirst.com

de créer un site étape par étape. Ainsi, un premier

site est mis en ligne avec ses fonctionnalités

essentielles. C’est ce qui est appelé le produit

minimum viable199. La construction du site

facilite son évolution et ne l’enclave pas dans un

état dont la moindre modification engendrerai

une grande refonte. Les collaborateurs procèdent

à des tests fréquents permettant d’identifier

plus facilement les erreurs200. La méthode est

optimisée, elle permet un compromis entre des

plateformes statiques et des sites qui nécessitent

une actualisation fréquente. Toutefois, la création

ou la refonte d’un site par incrémentation doit être

justifiée. Les retours des utilisateurs et la bonne

utilisation des statistiques récoltées donnent des

pistes sur les méthodes à adopter. Dans certains

cas, la refonte totale à partir de zéro peut être

beaucoup plus intéressante201.

B. RENDRE L’UTILISaTEUR PLUS EFFICaCE DaNS L’aRCHITECTURE DE L’INTERFaCE

LES GENS AIMENT LA SIMPLICITÉ« Les gens aiment qu’on leur facilite la vie202 ».

Lorsque les premiers ordinateurs ont été

disponibles auprès grand public à la fin des années

70, les consommateurs ont du apprendre à utiliser

l’outil informatique. Le Mac, créé par Apple203

en 1984, utilisait une interface graphique basée

sur la métaphore204 du bureau ; les constructeurs

souhaitaient en faciliter l’apprentissage (fig. 3.5).

Les usagers utilisaient le Mac avec sa corbeille,

ses dossiers et ses fichiers ; un réel espace

de travail.

fig. 3.5. Bureau de Mac OS, 1984

Page 84: Mémoire – Design d'interaction durable

78

205 Macworld 2007, keynote, allaboutstevejobs.com, 2007

206 UX Implications of the Apple Watch, UXbeginner.com, 2014

207 Justin Kahn, Apple Watch Is Here : All-New UI, Tons of Customization, Two Sizes, Meet the Digital Crown, techspot.com, 2014

208 Jasonrr, Efficiency, Affordance, & Skeuomorphism, jasonrr.com, 2012

L’utilisateur pouvait donc plus facilement

comprendre qu’il disposait d’un vrai bureau :

écrire, trier ses écrits, les jeter ou les effacer.

Un des arguments de vente de l’ordinateur est

plutôt de simplifier les tâches des humains

et non l’inverse.

LES INDIVIDUS SE SENTENT MOINS PERDUS DANS UN ENVIRONNEMENT FAMILIERL’expérience s’est renouvelée en 2007 lors de la

sortie de l’iPhone qui introduisait les premiers

périphériques mobiles multitouch205. Les designers

ont utilisé l’hyper-réalisme ; les utilisateurs du

nouvel environnement d’Apple ont pu s’approprier

plus facilement l’interface. Dans les premières

versions d’iOs – le système d’exploitation

des appareils mobiles d’Apple – la calculatrice

ressemblait à une vraie calculatrice, avec des

boutons en relief, signifiant que l’utilisateur peut

réellement appuyer dessus (fig. 3.6). La police

d’écriture donne l’impression que les notes ont été

prises à la main sur un papier un peu jaune qui

traînait dans le portefeuille. Certains éléments

d’interface de l’agenda sont en cuir, comme le vrai

qui est sur le bureau ou dans la poche d’une veste

(fig. 3.7). Plus récemment, Apple a créé l’Apple

Watch206. Les designers semblent avoir pris

le parti d’utiliser la traditionnelle couronne207

fig. 3.6. Calculatrice iPhone, 2010

fig. 3.7. Application Find my Friends sortie sur iOs5, 2011

Page 85: Mémoire – Design d'interaction durable

79

pour naviguer dans l’interface (fig. 3.8). Cette

décision a du sens car les utilisateurs de montres

classiques ont de grandes chances d’avoir déjà réglé

l’heure d’une montre avec la couronne. L’aspect

graphique et la forme de l’interface déterminent

sa fonction. Toutefois, il arrive que l’interface

numérique soit trop réaliste ou bien qu’elle omette

certains détails208. Elle gêne l’utilisation.

Une personne peut éprouver de la frustration

en utilisant une interface de ce type ; par exemple,

si elle a l’habitude de manipuler les boutons d’une

console de mixage et qu’elle n’éprouve pas le

même retour de force sur l’interface numérique,

ou bien qu’elle n’arrive pas a obtenir la précision

d’un vrai bouton cranté. La mission du designer

est de faciliter l’utilisation d’un usager. Dans le cas

d’une application qui doit convaincre l’utilisateur

à réduire sa consommation d’énergie, le designer

doit à la fois rendre l’application facile d’utilisation

et en même temps inciter une personne à changer

son comportement pour préserver l’environnement ;

c’est déjà très abstrait. Si le concept est trop

compliqué il y a de grandes chances pour

que l’utilisateur abandonne.

fig. 3.8. Navigation avec l’AppleWatch, 2014

Page 86: Mémoire – Design d'interaction durable

80

209 Eli Blevis, Human-Computer Interaction Design Project 2.B Comfortable Spaces & Comfort Control Systems, 2009

CONTRAINDRE LES UTILISATEURS À AGIR DE MANIÈRE PLUS ÉCOLOGIQUELa métaphore du bureau est un moyen de rendre

l’utilisateur efficace dans le sens où il éprouve

moins de difficultés à utiliser quelque chose.

Le designer, dans la création d’une interaction,

peut, à l’opposé, contraindre l’utilisateur à opérer

d’une manière spécifique. Ici, ce ne sont pas des

méthodes où il y a des choix cruciaux comme

nous l’avons abordé dans la deuxième partie

de la recherche. Dans le domaine de la domotique,

des étudiants – de Blevis – ont imaginé un système

de chauffage intelligent209. Le but de cet appareil

est d’empêcher le gaspillage d’énergie à la maison,

au travail ou dans les transports en commun.

Un capteur situé sur le bras de l’utilisateur

– comme une montre ou un bracelet connectés –

communique en temps réel la température

corporelle de son porteur.

Le thermostat est réglé en fonction des données

recueillies. C’est le lieu qui adapte la température

aux besoins réels de la personne. Si plusieurs

personnes sont présentes au même endroit,

le chauffage calcule et détermine la température

optimale. Il n’y a pas de gaspillage ; si la personne

décide qu’il fait toujours trop froid, elle est contrainte

de se couvrir plus chaudement. L’expérience aurait

pu aller plus loin si le chauffage avait été quantifié

de manière limitée. Par exemple, s’il y avait eu une

jauge d’utilisation maximale du chauffage dans la

journée. L’utilisateur aurait dû gérer sa ‘jauge de

chauffage’ et choisir quand utiliser le chauffage.

Page 87: Mémoire – Design d'interaction durable

81

210 Ann Bostrom, Baruch Fischhoff and Daniel Read, What Do People Know about Global Climate Change ?, 1994

211 « Eco-feedback technology provides feedback on individual or group behaviors with a goal of reducing environmental impact. [...] Eco-feedback technology is based on the working hypothesis that most people lack awareness and understanding about how their everyday behaviors such as driving to work or showering affect the environment ; technology may bridge this “environmental literacy gap” by automatically sensing these activities and feeding related information back through computerized means », [traduction de l’auteur], Jon Froehlich, Leah Findlater and James Landay, The Design of Eco-Feedback Technology, Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems, ACM, 2010, pp. 1999–2008

3.3 LE GREEN IT

a. RENDRE L’ÊTRE HUMaIN CONSCIENT DE SES aCTES PaR L’ÉCO-FEEDBaCK

LE GRAND PUBLIC MANQUE D’INFORMATIONUne étude210 révèle qu’il y a un manque

d’information et qu’existent de incompréhensions

sur des sujets environnementaux. Ces personnes

ne sont généralement pas conscientes que leurs

gestes de tous les jours consomment de l’énergie.

Comment une personne qui ne comprend pas

les problèmes et les enjeux à l’échelle planétaire

pourrait-elle adopter un comportement plus

durable ? Comment pourrait-elle recycler son

téléphone si elle ne sait pas comment procéder ?

Et comment la faire sortir de son confort

si un point de recyclage est trop éloigné ?

Comment le designer d’interaction peut-il traiter

l’information afin de la transmettre efficacement

et de manière compréhensible même à des

personnes ayant des conceptions erronées ?

Les designers ont repéré le manque

d’information dont il est question. Aussi, ils ont

réfléchi à la manière de leur transmettre des

informations sur leur consommation personnelle.

Ce sont des technologies d’eco-feedback.

Jon Froehlich211, professeur en sciences

Page 88: Mémoire – Design d'interaction durable

82

212 Eli Blevis, Design d’interaction et développement durable, 2013

213 Wif 2012 : Programme des conférences et ateliers, présentation

214 InformationIsBeautiful.net

informatiques à l’université de Maryland

en donne une définition : « Les technologies

d’eco-feedback permettent un retour sur le

comportement de groupes ou d’individus dans

l’optique de réduire l’impact environnemental.

[L]’eco-feedback est basé sur l’hypothèse que

beaucoup de monde manque de connaissances

sur l’impact de leur comportement comme

prendre la voiture jusqu’au travail ou prendre

une douche ; la technologie pourrait permettre

de combler ces lacunes environnementales en

donnant automatiquement des informations

sur la consommation de ces activités

grâce à l’informatique ».

UNE MANIÈRE DE COMMUNIQUER L’INFORMATIONBlevis212 s’est rendu en France au festival du design

interactif213 à Limoges en 2012. Il est intervenu

dans le cadre d’une conférence. Il a expliqué que

nous avons tout le temps accès à l’information.

Quand nous nous levons, par exemple, nous

avons le réflexe de consulter la météo pour savoir

comment nous habiller. Selon lui, il faut donner

des informations beaucoup plus utiles et les rendre

accessibles. En poussant le propos à l’extrême,

Blevis propose de faire passer la question

« comment je m’habille ce matin » à « est-ce que

je pourrais encore vivre sur cette planète demain

matin ? » Il y a des étapes transitionnelles à

franchir avant d’arriver à ce stade. En apportant

du détail, l’information pourrait déjà faire passer

un individu du raisonnement « ma facture

est élevée car les prix sont élevés » à « ma facture

est élevée car j’ai mal consommé ». En recevant

une facture avec les données brutes de sa

consommation électrique, une personne peut

se perdre dans l’information. Elle peutpasser à côté

d’une information capitale sur sa consommation

qui pourrait être corrigée. Mais elle est noyée dans

l’information. Une infographie214, par exemple,

est un moyen de voir synthétiser l’information

et de la rendre plus accessible. Les technologies

d’eco-feedback peuvent se présenter sous la forme

d’infographie ou de data visualization. Mais

ce qui peut manquer, c’est l’aspect interactif

de ces systèmes.

EXPRIMER L’INFORMATION GRÂCE AUX TECHNOLOGIES D’AMBIENT DISPLAYL’intérêt du design d’interaction est que

l’information communiquée à l’utilisateur

est travaillée afin de faire sens. La personne

ne doit pas être passive vis-à-vis de ce qu’elle

a en face d’elle. Au contraire, comme il a été dit

précédemment, c’est le ressenti et les émotions

qui vont lui faire comprendre qu’elle agit d’une

Page 89: Mémoire – Design d'interaction durable

83

215 Johnny Rodgers & Lyn Bartram, Ambient and Artistic Visualization of Residential Resource Use, Proceedings of the Graphics Interface, Citeseer, 2010, pp. 17–19

manière non adaptée. Pourquoi ne pas modifier

le cadre de vie de l’utilisateur ? Dans l’exemple

illustré215, les designers ont choisi de jouer sur

l’émotion et le ressenti de la personne. C’est

une visualisation intégrée au plan de travail

de la cuisine (fig. 3.9). Plus de l’eau est utilisée,

plus la visualisation se complexifie et s’accélère.

Une personne présente dans la pièce peut

se rendre compte de manière instantanée

si son utilisation d’eau est inadaptée.

Il y a pourtant deux remarques à faire sur

ce système. La première est que l’information

est peut-être transcrite de manière trop abstraite.

Effectivement, elle est synthétisée car c’est le visuel

qui traduit l’information, et ce de façon plaisante.

Mais elle manque peut-être de données chiffrées.

Enfin, comme le soulignent les créateurs eux-

mêmes dans l’article, l’animation devrait être

inversée. Ils ont remarqué que, parfois, les

utilisateurs consommaient volontairement pour

voir les nouveaux effets générés par l’installation.

Dans ce cas-là, le projet inciterait à consommer

plus alors que c’est l’effet inverse qui est bien

évidement attendu.

fig. 3.9. The West House kitchen backplash display

Page 90: Mémoire – Design d'interaction durable

84

216 STATIC!, Interactive Institute, tii.se

CRÉER UN LIEN PLUS CONCRETDans l’exemple précédent, l’expérience serait

sûrement plus efficace si le retour d’information

était plus rapide et plus précis. Comme nous

l’avons vu dans la première partie, nous sommes

friands d’instantanéité. Cela pourrait rendre plus

concret le lien de cause à effet. Le projet Static!

va en ce sens216. Plus l’électricité transite via la

multiprises, plus le câble s’illumine (fig. 3.10).

Cela ne dépend pas de toute la consommation

d’électricité dans la maison mais d’un endroit

localisé. Ainsi, si une personne branche un

appareil gourmand ou défectueux, elle peut se

rendre compte instantanément de la consommation

d’énergie. Elle comprend que c’est l’action qu’elle

vient de faire avec cet appareil précis, dans cet

endroit précis, qui en est responsable. Aussi,

la multiprises permet de comparer différents

appareils électriques. Peut-être que le chargeur

de l’ordinateur d’un ami consomme moins que

celui qui est branché d’habitude.

fig. 3.10. Projet STATIC!

Page 91: Mémoire – Design d'interaction durable

85

217 Jon Froehlich et al., UbiGreen : Investigating a Mobile Tool for Tracking and Supporting Green Transportation Habits, Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems, ACM, 2009, pp. 1043–52

UN LIEN AVEC LES ÉCOSYSTÈMESPlus tôt dans la recherche il était question

de métaphores. Par exemple, la métaphore

du bureau pour l’interface d’un ordinateur.

Les écosystèmes sont une extension de l’ambient

display. Le projet UbiGreen Transportation Display217

est une application installée au noyau de l’interface

d’un téléphone mobile (fig. 3.11). Lorsque

l’utilisateur démarre son smartphone pour la

première fois il a le choix entre deux fonds d’écran :

la représentation d’un arbre ou bien celle d’un

l’ours polaire sur sa banquise. En tirant profit

des outils de tracking des smartphones comme

l’accéléromètre ou le cardiomètre, l’application

récupère des informations pour déterminer

si son propriétaire a un comportement durable.

Les ‘ecosystèmes’ réagissent à ces données. S’il ne

laisse pas charger son téléphone inutilement et qu’il

emprunte des transports en commun, des phoques

peuvent apparaître dans l’eau glaciale et l’arbre

bourgeonnera. Au contraire, un mauvais

comportement entraînera la fonte des glaces

ou la mort de l’arbre. Comme dans la vraie vie.

Froehlich a contribué à ce projet. Son étude

a révélé que les enfants étaient plutôt enclins

à utiliser des appareils équipés de ce système.

Ils sont captivés par la possibilité de faire

évoluer un monde en temps réel. L’usage de ces

écosystèmes n’est pas réservé aux smartphones

et il peut se décliner sur d’autres appareils comme

les compteurs électriques ou les compteurs d’eau.

fig. 3.11. UbiGreen, évolution d’un environnement au fil des jours

Page 92: Mémoire – Design d'interaction durable

86

218 Harri Oinas, Kukkonen et Marja Harjumaa, Persuasive Systems Design : Key Issues, Process Model, and System Features, Communications of the Association for Information Systems, 2009, p. 24

219 Becca Scollan, Teaching Complex Behaviors : Persuasive Technology and Sustainability

220 Caroline Lawson, Tamagotchi : Love It, Feed It, Mourn It, New York Times, 22 mars 1997

221 John Maeda, Laws of Simplicity, mit Press, 2006, chap. 9 p. 12

222 Hayao Miyazaki, Mon voisin Totoro, 1988

B. FaIRE aDOPTER UN COMPORTEMENT DURaBLE

LE PERSUASIVE DESIGN & LA PERSUASIVE TECHNOLOGYNous avons vu dans les paragraphes

précédents que des méthodes facilitent

les actions de l’utilisateur et le rendent plus

efficace. Même s’il est capable de réaliser une

action, rien ne garantit qu’il va véritablement le

faire. Le persuasive design est un processus qui tente

d’influencer le comportement218 d’une personne.

En l’appliquant, le designer cherche à répondre

à la question : « Comment motiver ma cible à faire

quelque chose ». Il peut s’appuyer sur différents

leviers comme les sentiments et les émotions

des utilisateurs qu’il vise. Il peut aussi miser sur

des stratégies faisant collaborer des groupes de

personnes en créant des interactions sociales.

C’est une façon de créer des espaces

de discussion ouverts au débat219.

LA CRÉATION D’UN LIEN SENTIMENTALLes Tamagotchis ont prouvé qu’un humain

pouvait avoir un comportement attentionné pour

un objet électronique220 et la ‘vie’ à l’intérieur

de cet objet. Cela semble encore plus fort lorsqu’il

s’agit d’un animal. D’ailleurs, lorsque Maeda fait

référence à ces animaux virtuels venus du Japon,

il parle de ‘digital animism’221. Comme si cela était

un archétype humain, quelque chose en nous.

Il est possible de retrouver cette animisme dans

l’idée du ‘dæmon’ Philip Pullman, ou les esprits

domestiques japonais222. S’il arrivait malheur

à la petite chose dont l’utilisateur s’occupe,

il y a de grandes chances pour qu’il éprouve

de la culpabilité. Si des utilisateurs sont capables

de faire le deuil d’un animal virtuel, pourquoi

n’éprouveraient-ils pas de la culpabilité lorsque

leur consommation est inappropriée ? Nous avons

vu qu’une des premières étapes à franchir était

la transmission de l’information. Mais, peut-

être que les usagers ont besoin d’un élément

déclencheur marquant pour prendre

pleinement conscience de leurs actes.

Page 93: Mémoire – Design d'interaction durable

87

223 Corinna Fischer, Feedback on Household Electricity Consumption : A Tool for Saving Energy ?, Energy Efficiency, 2008, p. 3

224 Jon Froehlich et al., The Design and Evaluation of Prototype Eco-Feedback Displays for Fixture-Level Water Usage Data, Proceedings of the SIGCHI conference on human factors in computing systems, ACM, 2012, p. 7

225 Ibid., p. 9

226 Ibid., p. 8

227 Jérôme Lichtlé, Vos photos de vacances dépriment-elles vos amis Facebook ?, FranceTV.info, 2013

228 Social Super Ego, bbdo & Proximity Worldwide, 2011

SORTIR DU CONFORTL’une des barrières qui pourrait empêcher ou

ralentir une personne d’adopter de nouveaux bon

réflexes peut être la routine223. Les gens laissent

couler l’eau pendant qu’ils se brossent les dents.

Ils négligent de prêter attention à l’extinction des

lumières. Lorsqu’il était question des expériences

marquantes, nous avions vu le site interactif Sortie

en Mer pour inciter au port du gilet. Toutefois,

un tel système est difficilement applicable aux

technologies d’eco-feedback ; le retour d’information

doit se faire instantanément. Certains chercheurs

se sont intéressés à des systèmes de comparaison

de la consommation.

LES SYSTÈMES DE COMPARAISONIl y a tout d’abord une comparaison avec soi-

même. Quand une personne reçoit le détail

de sa facture, elle calcule calcule l’évolution

de sa consommation en fonction des années

précédentes224. La comparaison est cyclique.

Le retour d’information la rend comme seule

responsable. Ces recherches donnent des pistes

au design d’interaction pour agir. Si les usagers

fonctionnent de cette manière, les designers

pourraient imaginer créer des systèmes proches

du jeu où les utilisateurs se fixent eux-mêmes

des buts pour réduire leur consommation.

Des variantes pourraient exister.

Dans une famille, par exemple, les parents

pourraient utiliser une interface pour fixer

des seuils à ne pas dépasser, toujours dans un

esprit de jeu225. Le caractère ludique d’une telle

expérience est plus en proie à faciliter l’expérience.

Cette recherche ne rentrera pas dans les détails de

la comparaison sociale. Toutefois il est possible de

dire que, souvent, le facteur d’incitation à adopter

un comportement plus durable est la comparaison

avec autrui226. Les réseaux sociaux tels que

Facebook et Instagram favorisent ce genre

de comportements. Certains utilisateurs

de ces services postent constamment leurs photos

de nourriture ou de leurs lieux de vacances, pour

montrer le genre d’expériences qu’ils peuvent se

permettre de vivre227. Leur identité numérique et

le contenu qu’ils postent se veulent être le reflet228

de leur vie réelle ; tout comme les consommateurs

français des années 60 qui définissaient leur

identité en fonction des biens qu’ils achetaient.

Nous avions vu qu’une des principales difficultés

à créer un lien plus concret entre la consommation

énergétique personnelle et son impact sur

la planète était justement l’échelle planétaire.

Les différents exemples étudiés se sont attardés

sur des échelles plus petites comme une pièce

de la maison, la maison tout entière et un quartier.

Certains systèmes utilisent la sphère relationnelle

et sociale afin de motiver des comportements

plus durables.

Page 94: Mémoire – Design d'interaction durable

88

229 Yassine A., Répartition par âge des utilisateurs de Facebook en France, Ya-graphic.com, 2012

230 « The use of Facebook for social browsing, for instance, to meet someone via the site with the intention of a later offline meeting, or to attend an event organized online, scored relatively low amongst their sample », [traduction de l’auteur], Adam N. Joinson, Looking At, Looking up or Keeping up with People ? Motives and Use of Facebook, Proceedings of the SIGCHI conference on Human Factors in Computing Systems, ACM, 2008, p. 2

231 Pete Cashmore, MySpace, America’s Number One, Mashable.com, 2006

232 Jennifer Mankoff and others, Leveraging Social Networks to Motivate Individuals to Reduce Their Ecological Footprints, in System Sciences, 2007. HICSS 2007, pp. 87–87

233 Nordic Conference on Human-Computer Interaction, NordiCHI 2010 : Extending Boundaries : Proceedings of the 6th Nordic Conference on Human-Computer Interaction, Reykjavik, Iceland, 16 octobre 2010, p. 4

UTILISER LE LEVIER SOCIALFacebook peut toucher un large panel229

d’utilisateurs. Les applications et mécanismes

intégrés à Facebook : ‘like’, partage, jeux, photos

permettent de diffuser de l’information à un

réseau privé ou public. Certains chercheurs ont

voulu tirer profit de ces services. En menant des

expériences liant réseaux sociaux et préservation

de l’environnement, des chercheurs se sont aperçus

que les étudiants étaient plus enclins à en discuter

sur Facebook plutôt que de planifier des séances

de discussion en vrai : « L’utilisation de Facebook

pour la navigation sociale – comme rencontrer

quelqu’un via le site – avec l’intention d’une

rencontre hors ligne ou pour participer à un

évènement en ligne ne représente pas un grand

pourcentage d’utilisateurs dans leur analyse

statistique230 ». En 2007, à l’époque où Myspace

était encore le réseau social231 le plus populaire,

Mankoff232 a proposé d’intégrer un système

de badge au profil de chaque utilisateur. Ainsi,

chaque utilisateur affichait en ligne son empreinte

écologique. L’idée est justifiée mais elle présente

un défaut majeur dans sa conception. En effet, elle

repose uniquement sur la volonté de l’utilisateur

à mettre à jour ses informations.

C’est une action qu’il doit accomplir manuellement

en remplissant quotidiennement un formulaire

avec ses relevés de consommation. Plus tôt dans

la recherche nous avions vu à quel point il fallait

encourager la simplicité sous peine de générer un

abandon. Trois ans après ce constat, les chercheurs

ont mis au point un système automatique233.

Grâce à un capteur installé dans le foyer, les

informations de consommation sont récoltées puis

transférées sur une base de données. Récupérées

via l’application développée pour Facebook, les

profils des utilisateurs sont actualisés. En plus

derendre la mise à jour automatique, les profils

énergétiques sont visibles par tous (fig. 3.12).

Un sentiment de culpabilité peut se développer

chez une personne qui consomme deux fois plus

qu’un de ses amis. Un classement permet à une

personne de voir le classement général de tous ses

amis comparer à eux. L’esprit de compétitivité

amical est renforcé. En revanche, l’interface,

réalisée par les chercheurs, ne paraît pas aboutie

ce qui peut être un frein à l’utilisation. Cela peut

justifier la nécessité d’intégrer un designer

dans ce type de projet.

Page 95: Mémoire – Design d'interaction durable

89

234 Shwopping by Marks and Spencer, Go-green.ae

Toutefois, le but ne doit pas être de condamner

un ami mais plutôt de l’aider à comprendre.

De base, le système lui fait remarquer sa

consommation puisque l’utilisateur peut consulter

ses statistiques directement sur son profil. De plus,

des échanges humains se créent en utilisant

l’espace de commentaire, un mécanisme déjà

intégré à Facebook. Ces profils écologiques

représentent un espace de compétition mais

aussi de collaboration dans un but commun.

Plus récemment, en 2012, les magasins Marks

& Spencer ont lancé une campagne d’échange de

vêtements en partenariat avec avec l’organisme

charitable britannique Oxfam234. Chaque

personne voulant acheter des vêtements doit

d’abord se débarrasser d’un élément de sa garde

robe qui sera ensuite donné aux plus pauvres

ou bien recyclés. Les utilisateurs de Facebook

peuvent parcourir la collection de vêtements

de la marque et les acheter en ligne. Le système

de badge est encore employé et même amélioré

avec des paliers qui permettent de débloquer

de nouveaux badges et statuts (fig. 3.13).

fig. 3.12. L’application WattsUp

pour Facebook, 2009

fig. 3.13. Le système de badge

de l’application de Oxfam et Marks

& Spencer

Page 96: Mémoire – Design d'interaction durable

90

235 The Telegarden Website, Berkeley.edu

236 « For its engaging use of the Web, bringing together an international group of strangers to explore and nourish nature in sharing a common garden, the First Prize goes to the Telegarden as a powerful metaphor for virtual communities », [traduction de l’auteur], ibid.

237 Les débuts d’internet en France, Ina.fr, 1995

IMPLIQUER LA POPULATIONDes systèmes similaires ont été pensés hors des

réseaux sociaux. En 1995, l’installation Telegarden

(fig. 3.14) a rendu possible l’entretien d’un jardin

télépilotable235 par quiconque se connectait

au site de l’installation. C’était un jardin bien

réel. Les utilisateurs pouvaient contrôler un

bras robotique et commander où déposer des

graines et où arroser. Présentée au début au

Festival des Arts Virtuels Indépendants en 1995,

l’installation a reçu le premier prix avec comme

commentaire du jury : « Pour son utilisation

engagée du web, conviant des inconnus de partout

dans le monde afin d’explorer et nourrir la

nature en partageant un jardin, le premier prix

revient à Telegarden, une puissante métaphore des

communautés virtuelles236 ». Telegarden était

un ovni dans l’univers du web à cette époque

où internet n’en était qu’à ses balbutiements237.

Depuis, l’expérience a rassemblé environ 10 000

utilisateurs au cours des neuf années de sa mise

en ligne. Les créateurs ont remarqué la formation

d’une vraie communauté autour de ce jardin.

Des utilisateurs se sentaient responsables de

la croissance de leur plante. Ils ont adopté un

comportement protecteur vis-à-vis de leur

création, demandant parfois aux personnes

rencontrées sur le chat de s’occuper de leur

plante pendant qu’ils partaient en vacances par

exemple238. En effet, un chat en ligne permettait

aux utilisateur de discuter du dispositif mais aussi

de sujets différents. En 2005, sur une période de

trois mois, il était possible d’observer un échange

d’un peu plus de 20 000 messages entre 347

participants. Le travail du designer d’interaction

serait peut-être aussi de réfléchir à des expériences

sociales et collaboratives qui facilitent l’adoption

d’un comportement écologique. Au-delà de donner

une bonne image de soi, quelles sont les autres

raisons qui pourraient motiver quelqu’un

à agir de façon plus écologique ?

fig. 3.14. L’installation Telegarden, 1995

Page 97: Mémoire – Design d'interaction durable

91

238 Peter H. Kahn Jr and others, The Distant Gardener : What Conversation in the Telegarden Reveal about the User Experience of Telepresence, Proceedings of the 14th international workshop on robot and human interactive communication, 2005, pp. 13–18

239 Recyclebank.com

240 Sarah Perez, Recyclebank Turns “Green” Actions Into Discounts At New Shop For Sustainable Goods, One Twine, TechCrunch.com, 2014

241 Charity Miles | Indiegogo, IndieGoGo.com

SERVIR L’ENVIRONNEMENT DANS UN INTÉRÊT PERSONNELLa population peut servir son propre intérêt

tout en apprenant à avoir un comportement plus

durable. Des services existent afin de stimuler

la motivation des individus. Ils reposent sur

le persuasive design. Il peut se traduire par la

création d’un intérêt pécunier par exemple.

Depuis 2004, Recyclebank239 présélectionne

des articles qui sont tous respectueux de

l’environnement. Le consommateur utilise

des filtres pour sélectionner les articles

avec les avantages qui lui importent le plus.

En achetant un produit écologique, les acheteurs

sontrécompensés en coupons de réduction à faire

valoir sur le site ou bien chez des partenaires240 ;

c’est un retour sur investissement.

Gene Gurkoff est le créateur de Charity Miles241.

Son service convertit l’effort physique d’une

personne en dons. Pendant que l’utilisateur

de l’application court pour se maintenir en forme,

il matérialise son temps et son énergie en argent

(fig. 3.15). Les cyclistes gagnent 10 centimes

par mile et les coureurs gagnent 25 centimes

par mile. Cette somme est directement reversée

à des associations dont le choix est réservé aux

utilisateurs. La simplicité et l’efficacité du système

incitent à utiliser l’application. Le don ne se fait

pas directement par l’utilisateur : il n’a jamais

eu l’argent entre les mains et se pose moins la

question de le débourser. L’action de l’utilisateur

est automatisée, tout comme nous l’avions vu avec

le système des profils Facebook automatiquement

mis à jours.

fig. 3.15. Capture d’écran de l’application Charity Miles

Page 98: Mémoire – Design d'interaction durable

92

242 Ibid.

En juin 2013, Gurkoff dresse le bilan en s’adressant

directement à ses utilisateurs :

« Vous avez permis de gagner 354 570,47 $

pour la bonne cause ! En plus de cela vous avez :

• récolté plus de 127 000 $ pour l’autisme,

• 50 000 $ pour les vétérans de guerre blessés

et la recherche sur le cancer et la maladie

de Parkinson,

• permis l’éducation de 554 filles pour un an,

• 23 584 doses de pilules antirétrovirales,

aux personnes atteintes du vih,

• Nourri 407 540 personnes.242 »

Ici la récompense est physique, grâce au sport,

et morale – grâce au don. Il y a une réelle

implication de l’individu, ‘corps et âme’.

Page 99: Mémoire – Design d'interaction durable

93

243 Introducing Lantern : One Device = Free Data Forever, 2014

244 Ibid. 23

3.4 DES LIMITES

a. La TECHNOLOGIE N’EST PaS FORCÉMENT La SOLUTION

LE PARADOXE DE JEVONS SEMBLE TOUJOURS D’ACTUALITÉLe designer est amené à utiliser de nouvelles

technologies pour créer des solutions. Ce qui

est observable c’est que dans certains cas cela

contribue à des effets qui peuvent être considérés

comme néfastes. La sur-consommation

d’informations, la connexion permanente sont

considérés comme des problèmes contemporains.

Pourtant des projets aux intentions louables

sont critiquables dans leur procédé. Lantern

est un périphérique243 qui permet d’accéder

à une connexion n’importe où sur la planète ;

la connexion s’opérant grâce à des ordinateurs

situés dans l’espace. Alors que la fibre optique

se développe de plus en plus, que les smartphones

peuvent se connecter via la 4g et que les réseaux

wifi gratuits pullulent, ce projet donne la capacité

à un particulier de bénéficier presque tout

le temps d’une connexion perpétuelle.

Tout comme l’exemple du conducteur découvrant

une voiture hybride244, Lantern rend accessible

ce type de connexion à tout le monde, partout.

Et si certains endroits de la planète étaient préservés,

la population ayant du mal à s’y installer faute d’accès

à internet et à l’électricité ? Et si Lantern facilitait

Page 100: Mémoire – Design d'interaction durable

94

245 Frédéric Bordage, Logiciel : la clé de l’obsolescence programmée du matériel informatique, GreenIt.fr, 2010

246 Intel croit toujours en la loi de Moore, mac4ever.com, 2014

247 Ibid. 59, 01 :31

248 Henry Winchester, How Google Now Can Help You Be More Efficient, Techradar.com, 2012

249 « Technology is a human disabler », [traduction de l’auteur]

250 Edwards Lin, Study Suggests Reliance on GPS May Reduce Hippocampus Function as We Age, Phys.org, 2010

le déplacement de touristes qui pollueraient alors

des lieux qui n’ont pas encore été dégradés ?

Si ce projet est pris en exemple c’est qu’il met en

exergue le fait que l’être humain est limité. Ceci

n’est pas forcément une mauvaise chose. Ici il est

limité de façon naturelle par les longues distances

et le climat. Les technologies lui permettent

de dépasser ces obstacles, mais alors quelles

conséquences pour l’environnement ?

Le paradoxe de Jevons se retrouve aussi dans

l’innovation logicielle. C’est encore une fois

une incitation à la consommation ; les logiciels

sont plus performants et demandent plus de

ressources matérielles. En 2010, il avait été

constaté qu’un simple outil de traitement de texte

voit sa puissance requise pour l’écriture doubler

tous les deux ou trois ans245. Aujourd’hui, c’est

un effet de plateau qui est observé246. En effet,

les constructeurs ont plus de mal à créer des

processeurs plus puissants, un des principaux

arguments de vente d’ordinateur. Une part

du parc informatique ne se renouvelle pas

ce qui incite les constructeurs à changer leur

approche. Ainsi, l’accent est mis sur la création de

processeurs moins gourmands en énergie mais

aussi sur la création de logiciels et d’applications

qui demandent moins de ressources car elles

se concentrent sur l’essentiel. Le matériel

informatique a une influence sur le logiciel.

LA TECHNOLOGIE PEUT RENDRE LES HUMAINS MOINS EFFICACESOui, la technologie permet aux humains de

se surpasser247. Dans l’organisation d’une

semaine de travail par exemple ; là où les

agendas traditionnels ne suffisent plus, des

centaines d’applications et de logiciels viennent

pallier ce problème. Avec Google Now, Google

réalise plus qu’un logiciel : c’est un auxiliaire248

accompagnant son utilisateur parfois même sans

que ce dernier ne le sollicite. Google Now génèrera

automatiquement votre carte d’embarquement

personnalisée rien qu’en détectant que vous avez

acheté des billets d’avion. Et si la technologie

remplaçait l’être humain ? Loin des films

de science-fiction, Maeda dit tout de même :

« La technologie est un désactivateur

d’humains249 ». Si les conducteurs des taxis

londoniens sont capables de retenir par cœur la

carte de la ville250 – indispensable pour obtenir

leur licence de taxi – pourquoi une personne

irait-elle jusqu’à s’encombrer d’une pléthore

de logiciels ? C’est comme s’il se laissait guider

par la technologie l’entourant au lieu de faire

devrais choix, rationnels et conscients. Il semble

s’abandonner dans le confort de la technologie.

Page 101: Mémoire – Design d'interaction durable

95

251 Jon Froehlich et al., The Design and Evaluation of Prototype Eco-Feedback Displays for Fixture-Level Water Usage Data, Proceedings of the SIGCHI conference on human factors in computing systems, ACM, 2012, p. 3

252 Rakesh Sharma, Google’s Acquisition of Nest and your Privacy, Forbes.com, 2014

L’ECO-FEEDBACK OUI, MAIS À QUEL PRIX ?Les systèmes d’eco-feedback pris en exemple

présentent certaines limites. Ils peuvent

se révéler plutôt intrusifs dans leur mode

de fonctionnement. S’agissant de compétition,

par exemple, au sein d’un même quartier,

il est légitime de se poser des questions

d’éthique. Il est intéressant d’établir des

études comparatives251 entre les modes de

consommations de différents foyers ou de faire

une expérience ponctuelle pour réfléchir à ces

dispositifs. Mais la consommation d’énergie d’un

particulier, bien qu’elle ait des conséquences à

l’échelle planétaire, reste dans le domaine privé.

L’étude révèle d’ailleurs que les utilisateurs,

lorsque la question leur est posée, s’insurgent et

disent que leur consommation ne les concerne

qu’eux. En revanche, ils ne sont pas forcément

au courant de certaines pratiques qui peuvent

venir perturber leur quotidien ou profiter des

informations qu’ils émettent. C’est ce qui peut

être observé dans le cas du dispositif Nest (fig.

3.16). Début 2014, Google a racheté la startup

Nest252 pour 3,2 milliards de dollars. La startup

californienne de Matt Rogers et Tony Fadell a

développé des périphériques permettant un eco-

feedback. La firme est notamment connue pour

fig. 3.16. Image promotionnelle

du thermostat Nest

Page 102: Mémoire – Design d'interaction durable

96

253 Deacon Webster, Google Bought Nest. What Could Possibly Go Wrong ?, Adage.com, 2014

254 « Ne soyez pas mauvais », [traduit de l’anglais]

255 Adam Hudson, Using Its Wealth, Google has become a DC lobbying juggernaut, and they still know everything about us, Alternet.org, 2014

256 Jennifer Mankoff and others, Leveraging Social Networks to Motivate Individuals to Reduce Their Ecological Footprints, in System Sciences, 2007. HICSS 2007. 40th Annual Hawaii International Conference on (IEEE, 2007), pp. 87–87

257 Entretien avec Raphaël Yharrassarry, [voir annexe]

258 Samir Chatterjee and ACM Digital Library, Proceedings of the 4th International Conference on Persuasive Technology, New York ACM, 2009

son thermostat connecté qui apprend a connaître

de façon autonome les besoins énergétiques des

habitants de la maison, recommandant des modes

de fonctionnement adaptés à l’utilisateur. Lorsque

l’utilisateur fait des économies d’énergie, une

feuille verte apparaît Tout comme Google Now,

ce système pose des questions concernant la

confidentialité et la nature des données captées

par la machine253. Le périphérique est contrôlable

distance, il est même possible de le régler en

partant du travail pour retrouver un salon à une

température agréable. Tout ceci est accessible

depuis le smartphone de chacun. Ainsi, un

habitat peut lui-même être piraté ; les individus

mal intentionnées arrivant à outrepasser les

sécurités logicielles. Ils n’ont plus qu’à vérifier

si les habitants d’une maison utilisent bien leur

chauffage pendant l’hiver, sinon, c’est qu’ils

ont dû probablement s’absenter. De plus, le

thermostat étant couvert de minuscules capteurs,

rien ne garantit que Google ne revendra pas

des informations sur la consommation à des

fournisseurs. Un article ironise en disant

que si l’usager passe la journée au lit au lieu

d’aller au travail et qu’il met le chauffage au

maximum, il ne devra pas s’étonner de voir des

recommandations de produits pharmaceutiques

ou des bons de réduction pour des tisanes lorsqu’il

consultera sa boîte mail.

Face aux critiques, Google – dont l’une des lignes

directrice est « Don’t be evil254 » – n’a montré

pourtant que très peu de transparence quant

à la destination finale des données récupérées255.

Enfin, ce type de dispositif semble réservé à une

cible aisée. Même si le but de ce thermostat est

louable, il faut tout de même dépenser plus de

200 € afin de l’acquérir256. Mais alors le design

marketing ne serait-il pas une menace pour

les équipements qui cherchent pourtant à limiter

le gaspillage d’énergie ? Certaines entreprises

n’en tireraient-elles pas profit ? Existe-t-il

des dérives concernant le marché « green » ?

B. DES DÉRIVES ET CRITIQUES

LE BAD PERSUASIVE DESIGNLe persuasive design permet d’inciter les individus

à modifier leur comportement. Ce type de pratique

remonte au début du xxe siècle257. Il existe une

vraie science des comportements. Dans un article

universitaire, Fogg258, de l’université de Stanford,

met à disposition des schémas qui expliquent

comment maximiser les chances de changer un

comportement en déclenchant certaines actions

Page 103: Mémoire – Design d'interaction durable

97

259 Christophe Carrière, 99 Francs : Extension du domaine de la pub, 2007

260 Jan Kounen, 99 Francs, 2007

261 John Robinson, Squaring the Circle ? Some Thoughts on the Idea of Sustainable Development, Ecological Economics, 2004, p. 6

262 Green Design vs. Greenwashing, ElectronicsTakeBack.com

à un certain stade émotionnel du sujet. Ce sont

les déclencheurs que nous avons vu plus tôt ; des

méthodes touchant au domaine de la psychologie.

Rien n’empêche un designer de les utiliser à bon

escient pour favoriser des comportements positifs.

Toutefois, Fogg insiste sur le fait que le but du

design marketing est de vendre. C’est ainsi que

marche l’économie. Il faut garder à l’esprit que

parfois, le design persuasif peut inciter

quelqu’un à mal agir.

LE GREENWASHING ET L’OBSOLESCENCE POLITIQUE DÉTOURNENT LE GREENLes publicitaires font preuve de plus de

transparence. Ils ne sont plus décrits259 comme les

fervents défenseurs du système capitalise piégeant

le consommateur260 comme dans le film 99 Francs.

Pourtant, des techniques marketing mettant

l’accent sur le côté écologique d’un produit

peuvent induire le consommateur en erreur.

La tendance écologique qui s’est développée a

permis de créer des produits ou des services

qui respectent l’environnement261. Néanmoins

certaines firmes mal intentionnées recherchent

le bénéfice et déguisent un produit polluant sous

une enveloppe écologique, c’est ce qui est appelé

le greenwashing. Le consommateur pense bien

agir en consommant un produit mais il n’est pas

conscient qu’il participe à la pollution ou à une

mauvaise pratique. Par exemple, un fournisseur

de téléviseur qui dit ne pas utiliser de plomb et

s’en sert comme argument de vente principal,

mais omet de préciser que son téléviseur contient

du mercure en grande quantité262. Ce phénomène

est favorisé par le design marketing. Puisque le

consommateur se réfère à des codes universels,

s’il veut un service durable il va dès lors se diriger

vers quelque chose de vert, avec une fleur ou des

feuilles qui évoquent la nature. Mais ceci n’est

qu’une enveloppe, qu’est-ce qui prouve que son

utilisation est bien durable ? Il faut se rappeler du

changement de logo de bp évoqué dans la première

partie de ce document, où la firme pétrolière

est passée d’un logo de bouclier à une fleur qui

s’épanouit, proche du soleil. Ce genre de pratique

rend l’utilisateur encore moins sûr de ses choix

qui, rapellons-le, sont cruciaux. La méfiance du

consommateur peut le faire passer à côté de produits

réellement durables. Cette méfiance pourrait

même s’étendre à la conception même de l’écologie,

rendant les individus réfractaires à un changement

de comportement.

Certaines décisions politiques viennent

alimenter une ‘obsolescence écologique’. C’est

en grande partie dû au fait que le mouvement du

développement durable est devenu très dépendant

des décisions politiques. C’est ce que Christophe

Page 104: Mémoire – Design d'interaction durable

98

263 Christophe Degreyse, Politique, revue de débats : du “Greenwashing” à la décroissance, eu.org, 2009

264 Guideline for procurement of efficient lighting, Energiesparverband, mai 2012

265 Béatrice Héraud, Lobby, greenwashing et charbon au menu du sommet de Varsovie, 2013

266 Laetitia Van Eeckout, L’Europe abandonne ses projets visant à lutter contre la pollution, LeMonde.fr, 2014

Degryse, journaliste spécialiste de la politique

sociale européenne, précise dans un article263.

D’après lui ; « [s]i le greenwashing n’est jamais

qu’une démarche volontaire des entreprises,

le développement durable se fonde sur tout un

arsenal législatif dans lequel, dès lors, le rôle

du politique est prépondérant ». D’ailleurs, en

2009, l’Union Européenne adopte des mesures

environnementales plus sévères264 en décidant de

remplacer les ampoules à incandescence par des

ampoules à plus faible consommation d’énergie.

27 pays se voient imposer une nouvelle norme.

Une telle action à première vue entraîne du gâchis

et force le consommateur à acheter un nouveau

produit alors qu’il peut potentiellement déjà en

posséder un autre modèle. Cela ressemble à une

tentative de greenwashing. Ce n’est pas surprenant,

compte tenu de la pression exercée par les lobbys et

les entreprises privées dans le secteur écologique265.

Plus récemment, la Commission Européenne

a annoncé266 qu’elle devrait abandonner les

mesures qu’elle avait appliquées vis-à-vis de la

qualité de l’air et de l’économie circulaire au profit

de la création d’emplois, sous la pression

du patronat.

DES DISCOURS PARFOIS TROP SIMPLISTESLes valeurs du design et la notion d’éthique sur

lesquelles Monteiro met l’accent sont tout à fait

justifiées. Mais son analyse peut paraître un peu

trop directe. Premièrement, Monteiro explique qu’il

a quitté son ancien studio car il refusait de réaliser

certains projets qui allaient à l’encontre de ses

principes et qu’il a ensuite créé Mule Design. Mais

ce type de changement est-il à la portée de tous ?

Tout le monde n’a pas forcément les ressources

mentales – du cran en quelque sorte – ni les

mêmes ressources budgétaires pour décider de

tout quitter pour créer une nouvelle structure.

Deuxièmement, il est plutôt utopique d’espérer

voir partout un design exceptionnel : tout le

monde n’a pas le même niveau, tout le monde n’a

pas eu de formation dans les meilleures écoles qui

ont un coût élevé, surtout aux États-Unis. Dès lors,

certains ont choisi de faire ce métier non pas parce

qu’ils sont animés par cette vocation de rendre de

le monde meilleur mais parce qu’ils ont d’abord

besoin d’argent. Peut-être que leur situation

s’améliorera et qu’ils pourront refuser certains

projets tout comme Monteiro.

Page 105: Mémoire – Design d'interaction durable

99

CONCLUSIONLes réseaux sociaux, critiqués au début de l’étude, peuvent finalement

servir de leviers pour faire réagir la société. Encore une fois,

il y a un paradoxe : d’un côté la technologie peut aider à réduire

la consommation d’énergie grâce aux technologies d’ambient display

mais en utilisant des machines nous consommons de l’énergie.

Le designer n’a pas une liberté totale et doit faire face à des limites

qui sont mises en place par des institutions ou plus simplement

parce que, en tant qu’humain, il a lui aussi des besoins.

Page 106: Mémoire – Design d'interaction durable

100

3.5 CONCLUSION

Toute action de la part d’un designer sur une des sphères sociale, économique,

culturelle ou environnementale induit forcément des répercussions sur les autres

sphères. Il participe à la création de nombreux dilemmes et paradoxes et ce depuis le

début de la révolution industrielle. Le paradoxe de Jevons, la nécessité de la technologie

ainsi que son rejet en sont des exemples. Chaque problème à une solution entraînant

des conséquences qui ne peuvent pas toujours être anticipées. Parfois, tout simplement,

aucune mesure n’est adoptée car le problème n’est pas pris au sérieux ; c’est le cas du

réchauffement climatique qui a été officiellement décrété comme un problème majeur

de grande envergure en 1984. Comment la société de consommation et la révolution

numérique ont rendu intangible le lien entre l’être humain et la nature ? Des études

montrent qu’une grande part de la population mondiale manque d’informations

sur l’écologie et les problèmes environnementaux. Dès lors, il est difficile

de concevoir comment les usagers pourraient remettre en question

leur mode de vie à l’échelle planétaire.

Le designer d’interaction affiche des compétences qui lui permettent de proposer

des solutions. Il est capable de créer des expériences, de jouer sur les sens et d’influencer

les usages des utilisateurs. Il a la capacité de délivrer une information et de lui donner

de la valeur. Appliquer des méthodes de design axées sur l’innovation l’aide à intégrer

l’utilisateur dans son processus de design et à le mettre au centre de l’interaction.

Il semble être tout à fait apte à répondre à des problématiques environnementales

et à modifier les comportements. Le designer peut donc inspirer des pratiques

de consommation durables.

Comme nous l’avons déjà vu, puisque la production du designer a des conséquences

sur les autres sphères, il doit penser en termes de système et penser depuis la phase

Page 107: Mémoire – Design d'interaction durable

101

même de concept jusqu’à la production et la vente d’un produit. Il est encouragé

à travailler en équipe et c’est grâce aux échanges qu’il provoque qu’il peut inspirer

des pratiques durables auprès des professionnels et du grand public. Tiraillé entre

la demande marketing, le besoin de l’utilisateur, ses propres besoins et ceux de

l’environnement, il doit se remettre constamment en question et doit songer à

l’éthique. Il peut alors être green au quotidien ou bien utiliser ses compétences pour

rendre les autres plus green. Sa réflexion autour de l’utilisateur, et même autour de

l’être humain, lui donne la capacité d’imaginer des dispositifs utilisant des leviers

sociaux pour stimuler des comportements et des modes de consommation durables.

Comportements pouvant même créer un sentiment de culpabilité – plus que de remise

en question – auprès des utilisateurs.

Mais le designer reste un être humain, soumis aux pressions du marketing ; il est

parfois difficile de refuser des tâches contraires à son éthique. Ensuite, la canalisation

du comportement d’un être humain peut être détournée à des fins peu glorieuses. Ces

pratiques se retrouvent au côté d’autres pratiques marketing qui usent du greenwashing

afin de vanter les mérites de certains produits se targuant d’être écologiques alors qu’il

n’en est rien. Le designer doit donc adapter ses choix de design et remettre son travail

en question s’il veut s’efforcer de répondre à toutes les problématiques. Toutefois, la

technologie est-elle toujours la solution ? L’une des hypothèses de ce mémoire était déjà

évoquée dans l’introduction de la recherche en prenant l’exemple des imprimantes

Xerox qui permettent de réimprimer plusieurs fois sur une même feuille. Est-ce plus

intéressant de créer des technologies répondant directement à un problème que

l’humanité a provoqué, ou bien faut-il opter pour des solutions portées sur l’éducation

de la population ? Ce mémoire a tenté de démontrer qu’il était plus intéressant de

privilégier l’éducation de la population en créant des outils facilitant l’apprentissage

ou qui mettant en lumière les méfaits des mauvaises pratiques de consommation trop

souvent cachées ou tout simplement oubliées. L’appel à la technologie peut-être justifié

Page 108: Mémoire – Design d'interaction durable

102

267 « Typical interaction designers are not climate scientists, but interaction designers can make well-informed use of climate sciences and closely related sciences. Interaction design can make scientific information, interpretations, and perspectives available in an accessible and widely distributed form so that people’s consciousness is raised. [...] Interaction design can help bridge the gap between scientific predictions and notions of certainty and uncertainty on the one hand and public conventional wisdoms that, however well intentioned, may lead to an unsustainable future or inadequate responses to climate change on the other hand », [traduction de l’auteur], Eli Blevis, Hope for the Best and Prepare for the Worst : Interaction Design and the Tipping Point, Interactions, 2010, p. 1

268 Be Green Umeå

269 « In 2008 and 2009, I tried a few attempts to introduce the same platform outside Sweden but it never took off. One of the biggest obstacle when I presented the platform to potential investors was the revenue stream », [traduction de l’auteur]

si son impact écologique est minimisé. Blevis résume cela en disant : « Les designers

d’interactions ne sont pas des climatologues, mais ils peuvent faire bon usage des

sciences du climat et des autres domaines de recherche qui y sont rattachés. Le design

d’interaction peut rendre accessibles l’information scientifique, des interprétations et

certaines visions à une grande part de la population afin de soulever les consciences.

[...] Le design d’interaction peut aider à créer un lien plus fort entre les prédictions

scientifiques et les différentes certitudes et incertitudes du grand public qui reposent

sur des conventions infondées et qui, même si elles sont parfois louables,

peuvent favoriser un futur non durable ou une réponse inadéquate

au problème du changement climatique.267 »

Ce type de question semble toutefois être étudié dans certaines régions du globe

plus que d’autres. La plupart de mes sources sont extraites d’articles universitaires

d’enseignants chercheurs aux États-Unis ou de conférences internationales. Je pense

que même si c’est un autre sujet, l’étude des différentes cultures est primordiale à

long terme dans le domaine de l’environnement. Les politiques environnementales

semblent varier selon les pays. Ainsi des solutions comme le projet Green Umea268

mis en place par la designer You Le Chong dans la ville de Umea en Suède semble

difficilement applicables dans d’autres pays. Lors d’un échange elle m’a confié ceci :

« En 2008 et 2009, j’ai essayé plusieurs fois d’introduire la même plateforme en dehors

de la Suède mais ça n’a jamais marché. Le plus grand obstacle quand je l’ai présentée

à des investisseurs était le manque de revenus générés269 ». Grâce à cette recherche j’ai

développé un autre regard sur les technologies que j’utilise au quotidien. Je suis plus

critique envers les nouveaux objets qui voient le jour. Il y a six mois j’étais enthousiaste

à l’idée de la création du projet Phonebloks. Maintenant j’essaye de réfléchir à toutes les

conséquences qu’un tel concept peut entraîner.

Le mémoire m’a aussi permis de discuter avec des designers ou des professionnels

dans d’autres domaines en France, en Allemagne, en Malaisie et aux États-Unis,

contribuant au développement d’un esprit et d’un discours critique. Je me suis étonné

de découvrir le lien si grand existant entre le design et la recherche scientifique.

Page 109: Mémoire – Design d'interaction durable

103

270 « People are creative by nature, and always not quite satisfied with the design of something that they have, that they bought, that they adapted.[...]The tools with which we do design today are our tools. We make the shapes, they buy and use the shapes. Tomorrow, the tools to make things and define your world will be available to everybody », [traduction de l’auteur], Gary Hustwit, Objectified, 2009, 1 :11 :30

271 Un Togolais crée une imprimante 3D grâce à des déchets électroniques, Les Observateurs

272 Human-Centered Design Toolkit, ideo.com

Je pense être enthousiaste à l’idée de travailler dans le domaine de la recherche en

lien avec l’environnement plus tard. Pour conclure sur les apports de cette étude, je

pense avoir développé un sentiment de confiance. Dans un premier temps vis-à-vis de

mon avenir car je réalise à quel point le design est vaste et à quel point il est possible

d’intervenir sur des problématiques contemporaines. Mais je suis aussi confiant quant

à l’avenir de l’humanité en la capacité des humains à trouver des solutions en utilisant

son potentiel créatif qui l’anime pour permettre à la fois aux humains de croître dans

l’égalité et de préserver l’environnement. Je rejoins l’optimisme du designer automobile

Chris Bangle : « Les humains sont créatifs par nature et ne sont jamais vraiment

satisfaits du design de quelque chose qu’ils ont, qu’ils ont acheté, qu’ils ont adapté. [...]

Aujourd’hui les outils que nous utilisons dans le design sont ‘nos’ outils. Nous créons les

formes, ils achètent et utilisent ces formes. Demain, les outils de création qui peuvent

transformer le monde seront à la portée de tous270 » dit-il en 2009. Aujourd’hui il n’est

plus étonnant de voir qu’il est possible de créer à partir de rien, comme le Togolais Afaté

Gnikou271 qui a réalisé une imprimante 3d à partir de déchets et sans connaissances

en électronique. Il s’est uniquement servi des ressources disponibles sur le web.

Les designers doivent penser à la manière dont ils peuvent transmettre leurs outils

et leurs méthodes pour qu’ils se propagent partout dans le monde. Par exemple le

Human Centered Design Toolkit272 d’ideo est un document gratuit d’une centaine de pages

qui explique les tenants et les aboutissants du Design Thinking, du design centré sur

l’humain, des méthodes et des pratiques et les concrétise en développant des études de

cas. Tout le monde peut s’approprier ce document et tenter de solutionner des problèmes

avec ce qu’il y apprend. Ces dernières réflexions montrent que le design d’interaction

durable ne doit pas se limiter aux pays développés. Ce qui se produit dans ces pays peut

avoir des conséquences néfastes dans d’autres régions du monde. Il est important de

continuer à réfléchir à des dispositifs sur mobile et à des objets connectés. Mais certains

problèmes méritant d’être résolus apparaissent dans des zones géographiques où la

population ne possède pas de smartphone et et a encore moins accès à l’électricité.

Page 110: Mémoire – Design d'interaction durable
Page 111: Mémoire – Design d'interaction durable

105

ANNEXES

Page 112: Mémoire – Design d'interaction durable

106

fig. 1.8. Infographie des futures ressources rares, Armin Reller, 2009

Page 113: Mémoire – Design d'interaction durable

107

fig. 2.2. Infographie des futures ressources rares, Armin Reller, 2009

Page 114: Mémoire – Design d'interaction durable

108

Éco-design

Processus qui intègre l’environnement lors une phase de création.

Bio-mimétisme

Le terme de biomimétisme désigne l’imitation de propriétés

remarquables du vivant dans les activités humaines.

Obsolescence programmée

L’obsolescence programmée est une stratégie visant

à réduire la durée de vie d’un produit pour augmenter son taux

de remplacement et provoquer un nouvel achat prématurément.

Développement durable

Un développement qui répond aux besoins du présent

sans compromettre la capacité des générations futures

à répondre à leurs propres besoins.

Cradle to Cradle

Système d’économie circulaire.

Upcycling

Recycler avec une valeur ajoutée au produit ou lui trouver

une nouvelle utilisation.

Downcycling

Résultat d’un recyclage faisant perdre à un objet sa qualité

et/ou ses fonctionnalités.

Affordance

La capacité d’un produit ou d’un système à suggérer sa propre

utilisation. C’est un concept imaginé par James J. Gibson

dans les années 70.

Technologie

Étude des outils, des machines, des procédés et des méthodes

employés dans les diverses branches de l’industrie. Ensemble

cohérent de savoirs et de pratiques dans un certain domaine

technique, fondé sur des principes scientifiques.

[Définition du Larousse en ligne]

Transmatérialisation

Le passage d’un produit en un service.

Smartphones

Nouvelle génération de téléphones mobiles à ordinateur embarqué.

LEXIQUE

Page 115: Mémoire – Design d'interaction durable

109

Infobésité

C’est la sur-consommation d’informations.

Objets connectés

Les objets connectés ont pour objectif de simplifier votre vie

quotidienne, à l’aide d’une multitude d’applications possibles.

Leur point commun est qu’ils sont contrôlés par un smartphone

ou un ordinateur, et partagent des informations avec ces derniers.

Architecture d’interface

La structure, la disposition des éléments qui permettent une

navigation au sein d’une application, d’un logiciel ou d’un site

web. Une architecture d’interface bien pensée permet de créer une

navigation intuitive et ergonomique.

E-commerce

Commerce en ligne. Un site web e-commerce permet

de vendre et d’acheter des biens ou des services en ligne.

Toolkit

Traduit par « boîte à outils » en français. Des designers et des

chercheurs mettent à disposition des documents et des outils

permettant à quiconque d’entreprendre une tâche conception.

Data centers

Ce sont des infrastructures abritant des baies de serveurs,

utilisés pour stocker les données.

Free-cooling

Technique de refroidissement à faible coût énergétique utilisant

le froid ambiant.

Front-end

La partie visible d’un site ; autrement dit son contenu et son interface

graphique.

Responsive design

Technique de conception modulaire de sites webs et applications

permettant à un contenu de s’adapter aux différents périphériques

de sortie.

Multitouch

Surface tactile supportant plusieurs zones d’interactions.

Page 116: Mémoire – Design d'interaction durable

110

COMPTE RENDU D’UN ENTRETIEN AVEC PHILIPP AARON BECKER, ÉTUDIANT À L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE DE DARMSTADT Le 23 novembre 2014 via Skype

J’ai rencontré Philipp à Lyon lorsqu’il a fait une année d’étude en France. Il est revenu

vers moi après avoir consulté mon blog. Il a pour projet de créer, avec des collègues

de l’université, un supermarché sans emballages. Son collectif existe depuis quatre ans.

Par le passé, le groupe avait déjà réalisé Zwanzig Grad, un garage à vélo avec plusieurs

objectifs : inciter les étudiants à utiliser le vélo plutôt que le bus ou le tramway,

leur apprendre à réparer leur vélo plutôt que de le jeter et d’en racheter un autre,

participer à une activité écologique. Ce projet a vu le jour au bout d’un an et demi

de travail, supporté par un budget alloué par l’université et l’État. Aussi, en lien

avec un organisme de l’État, ils ont obtenu la permission de récupérer tous les vélos

abandonnés dans la ville plus d’un mois. Ils ont un système de badge pour s’en assurer.

Débarrassant ainsi la ville de ces engins devenant des déchets urbains, ils répondent à

une problématique de pollution. Même s’ils semblent avoir influencé le comportement

des étudiants il reste encore quelques problèmes liés au climat. Par exemple,

en hiver, personne ou presque ne les utilise, c’est le tramway qui est privilégié

car la route est glissante. Philipp aimerait proposer une route couverte

qui reviendrait moins cher à construire soit deux millions d’euros.

Le magasin sans emballages a pour but de remplacer le supermarché du campus

déjà existant. Les problèmes soulevés sont que ce petit magasin ne génère que peu

de revenus et les consommateurs se plaignent de la qualité des produits. Même

les étudiants qui habitent juste à côté préfèrent faire des trajets plus longs afin

de faire leurs courses ailleurs. Tout comme le garage, ce magasin serait créateur

d’emplois car il faudrait des personnes s’occupant de l’entretien, du rayonnage

et de la caisse. Ils sont en contacts avec presque tous les autres magasins sans

emballages de la région afin de s’inspirer de leur modèle. Ils ont donc une liste de

fournisseurs qu’ils peuvent contacter, mais cela serait fait une fois les études utilisateurs

Page 117: Mémoire – Design d'interaction durable

111

seront terminées. L’Université fait confiance à l’équipe de Philipp puisque leur projet

Zwanzig Grad avait été une réussite.

J’ai évoqué mon sujet de mémoire avec Philipp et le fait que je doive réaliser un projet

de diplôme pour la fin de l’année. Nous avons discuté de la place que je pourrais avoir

au sein de ce projet. Je pourrais en effet intervenir pour réaliser l’identité du projet

mais aussi pour concevoir l’expérience au sein du magasin en me basant sur

des données réelles récoltées auprès des étudiants. Je vois un campus comme un

microcosme, une ville à plus petite échelle, un vrai écosystème sur lequel

il est possible de prendre du recul et de répondre à une demande.

Et pourquoi pas, plus tard, l’imaginer à l’échelle d’une ville ?

Page 118: Mémoire – Design d'interaction durable

112

RÉSUMÉ D’UN ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE CLOUZEAU,UX DESIGNER & CRÉATEUR DE WEBDEVELOPPEMENTDURABLE.COMJeudi 27 novembre 2014, à l’agence Neoma, Levallois-Perret

« Nous sommes bel et bien dans la troisième révolution industrielle. Je la qualifie

de révolution ‘numérique’. Pour moi, tous les secteurs sont révolutionnés. Concernant

l’information et la communication on peut parler ‘d’infobésité’. L’information va partout

à une vitesse inimaginable et on en ingère constamment. En réaction à cette rapidité,

il y a tout de même des systèmes comme le slow food ou le slow information. Les gens

ajoutent d’eux-mêmes une latence à quelque chose que l’on a instantanément de nos

jours. C’est aussi le résultat du marketing dans un sens ; il pousse à la consommation

en trouvant l’argument qui va faire vendre. Mais d’un côté si ça existe toujours, c’est

qu’il y a une réponse positive de la part de la société. Tout cela est le résultat de la société

de consommation qui a modifié les comportements. Maintenant, c’est un univers de

services, de plus en plus dématérialisés. Aujourd’hui on teste tout. On teste un produit,

on profite de la période d’essai d’un jeu, on teste la conduite d’une voiture ; tout ça pour

être sûr de ne pas être déçu. Maintenant on teste son/sa conjoint/conjointe avant

de se marier et de s’engager.

L’idée de créer Webdeveloppementdurable.com est venue lorsque je travaillais encore

dans le print. Avant, il y avait un document que l’on imprimait chaque année pour un

client. Lorsque l’on a réellement pris conscience du phénomène de déforestation, on

me demandait de ne plus l’imprimer mais plutôt de le mettre en ligne afin de ne pas

utiliser de papier et donc de ne pas encourager la déforestation. Tu pouvais aussi voir

ça dans les mails où on te demandait de « n’imprimer que si c’était important ». Mais au

final, alors que la version papier est finie, achevée, la version numérique est dynamique

et génère sans cesse des nouveaux transferts de données à chaque consultation. Par

sécurité, tout comme pour le papier, on s’est aussi mis à faire des copies et à démultiplier

nos fichiers numériques, et donc à multiplier notre consommation. C’est une réaction

malheureusement énergivore.

Page 119: Mémoire – Design d'interaction durable

113

Concernant le c2c – cradle to cradle – il s’est avéré que cela partait d’une très bonne

intention, et c’est dans ce sens là qu’il faut penser ! En revanche, de plus en plus

d’experts tendent à démontrer que cette vision est complètement utopiste ! Selon le

c2c il faut penser la vie du produit de façon circulaire : une boucle sans fin. On choisit

des matériaux pour créer un produit, une fois que le produit ne fonctionne plus, il est

démonté, on reprend les matériaux de base, et on recréé le même objet. Seulement

voilà, il est impossible, dans de nombreux cas, de retrouver les matériaux de base.

Prenons l’exemple d’une voiture ; il y a beaucoup trop de combinaisons de matériaux

pour pouvoir les séparer facilement. Ou bien il faudrait utiliser de l’énergie et du temps

supplémentaires. Est-ce que c’est le rôle du designer ? Je ne crois pas. C’est un des rôles

peut-être, mais pour moi il ne peut pas le faire sans collaborer. Après, il est forcément

impliqué dans la boucle, c’est un des maillons de la chaîne. Puis, ça dépend aussi du

type de design. Pour le design d’objet : oui à 100 % ; après pour le reste j’imagine que c’est

plus le rôle d’un journaliste qui va transmettre une information. S’il en a les moyens ?

Oui car il est créateur d’expérience. On peut imaginer des systèmes qui ont de l’impact

sur les comportements et l’environnement. Je pense à Charity Miles, une application où

l’effort sportif de l’utilisateur est converti en dons à différentes associations.

D’un côté, l’utilisateur y gagne car il travaille pour lui-même ; le sport bon pour sa

santé, pour son aspect physique et son identité vis-à-vis de la société. Mais il s’engage

aussi vis-à-vis de l’environnement. Je pense aussi au CarrotMob. Il faut que l’utilisateur

y gagne quelque chose, il reste quand même un grand lien avec l’argent. Au Japon,

par exemple, il existe un système de recyclage où l’on peut apporter ses canettes

et recevoir des tickets de métro en échange. On incite la population à recycler et à

utiliser des moyens de transports qui polluent moins. Il y a plusieurs façons de faire

changer le comportement de l’utilisateur. Il est possible de jouer sur ‘l’engagement’

d’une personne. Un exemple pour mieux comprendre : arriver à la plage près d’une

personne, poser son poste radio et aller se baigner. Si quelqu’un vient le voler, il y a

de grandes chances pour que la personne qui est à côté ne bouge pas. En revanche,

si vous vous installez à côté de la personne, que vous lui demandez de veiller sur votre

Page 120: Mémoire – Design d'interaction durable

114

poste de radio et que vous allez vous baigner, si quelqu’un tente de voler l’appareil,

la personne va essayer de l’en empêcher, ou de rattraper le voleur. Car vous avez créé

de l’engagement ; la personne vous a dit « oui » et elle s’est engagée vis-à-vis de vous.

On retrouve ça dans tout ce qui relève du jeu vidéo ou de la gamification. On retrouve

ça aussi dans le marketing émotionnel ; l’expérience interactive Sortie en Mer est un bon

exemple. En vue à la première personne, on tombe d’un bateau et on se noie pendant

cinq minutes avec des scènes plutôt difficiles à supporter. Bien sûr, les comportements

peuvent être détournés. Ce serait inspecter le cerveau et jouer avec les neurosciences. Il

y a des pratiques négatives qui ont été utilisées bien avant la Seconde Guerre Mondiale.

Aussi, il arrive que les passions entravent ces changements. Il y a tout un blocus sociétal

qui peut vous empêcher d’agir comme vous le souhaitez car vous allez modifier la façon

dont vous êtes perçu par la société. Il faudrait un gros électrochoc qui inspire une

grande prise de conscience. Par exemple, si vous adorez une marque : généralement

même si elle commet des erreurs vous allez la défendre car vous avez choisi cette

marque, elle vous inspire des valeurs. En revanche, vous serez sûrement capable de

la rejeter après un très grand scandale. On peut travailler de façon durable. Je pense à

GreenMountain.no qui se proclame numéro 1 du green hosting. C’est un complex que

j’ai visité lors d’un voyage en Norvège. C’est un ancien bunker de l’otan au cœur d’une

montagne qui utilise l’énergie hydraulique pour fonctionner ; l’électricité mais aussi le

refroidissement de baies de serveurs sont générés grâce à l’eau. Question sécurité, il est

aisé de baisser le niveau d’oxygène pour empêcher tout objet de prendre feu. Il y a une

synergie avec la nature et un fonctionnement presque complètement naturel. C’est ça le

green it. Après, je pense que l’on pourrait plutôt parler de ‘grey it’ car toutes les notions se

mélangent ; cela dépasse l’environnement, on parle du social, de l’économie. »

Page 121: Mémoire – Design d'interaction durable

115

EXTRAIT D’UN ARTICLE DE BLOG INTITULÉ THE JEVONS PARADOX, RÉDIGÉ PAR LE BLOGGEUR AARONJLIN, ÉCOLOGISTE. CET EXTRAIT ILLUSTRE LE PARADOXE DE JEVONS.

En partant du principe qu’une voiture consomme un litre tous les 10 km et que le prix

du litre est de 2 €. Avec une voiture hybride il serait possible d’avoir des voitures

parcourant 20 km avec une consommation de seulement un quart de litre.

C’est-à-dire qu’une voiture hybride pourrait parcourir le double de la distance avec

presque quatre fois moins de carburant. Pour le consommateur cela reviendrait à une

réduction du prix de l’essence puisque pour parcourir 50 km cela coûte seulement 0,5 €.

Mais les économistes ont une autre vision ; maintenant que l’essence coûte moins cher,

le consommateur peut se déplacer plus loin pour le même prix qu’auparavant. Comme

le pensait Jevons, l’amélioration technologique pousse à la consommation.

Page 122: Mémoire – Design d'interaction durable

116

RETRANSCRIPTION DES RÉPONSES DE RAPHAËL YHARRASSARRY, UX DESIGNER & PSYCHOLOGUEEntre le 20 et le 26 novembre, par mail

Pensez-vous qu’il y aura une troisième Révolution industrielle ?

Si oui, comment l’imagineriez-vous ?

Oui, c’est en cours ! La question est large, mais je vais essayer d’y répondre. Je pense

que l’évolution est en cours ; on passe progressivement d’une production de produit, à

une production de service vers une production d’expérience. Prenons l’exemple d’un

gâteau d’anniversaire. Auparavant il fallait acheter des œufs, du beurre, de la farine

au fermier, sans doute du chocolat à l’épicerie. Puis, après, il était possible de trouver

la même chose sous forme de kit prêt à l’emploi. Ensuite vous commandiez un gâteau

chez un pâtissier qui livré le jour J à votre domicile. Maintenant vous pouvez aller

chez macdo pour avoir un anniversaire mémorable avec clown et animations. On

évolue de la matière première, un produit, en passant vers le service puis l’expérience

mémorable. Donc, l’important ne serait plus de posséder mais d’avoir une vie riche

d’expériences mémorables.

Est-ce le rôle du designer d’interaction

de répondre à des problématiques environnementales ?

Pour moi la question est plus large. Quelle est la responsabilité sociétale du designer ?

Est ce que tu acceptes de faire un truc que tu juges contraire à ton éthique ou plus

simplement médiocre ? Est ce quand le marketing/chef/client veut quelque chose qui

tend vers le bad persuasive design – qui est l’utilisation de mécanismes tendant à tromper

l’utilisateur – tu acceptes malgré tout de le faire ? Ça me rappelle deux interventions que

j’ai vues à ParisWeb l’année dernière et cette année. Ce sont les interventions de Mike

Monteiro de Mule Design sur l’éthique du designer, et celle de Jean-Phillipe Simonet sur

Le Serment du beffroi de Montrouge. Après « est-ce le rôle », il ne faut pas attendre qu’on vous

Page 123: Mémoire – Design d'interaction durable

117

donne une rôle, il faut le prendre ! Il est plus simple de faire, puis de s’excuser après que

d’attendre l’autorisation !

A-t-il des moyens pour faire adopter de nouveaux comportements à des utilisateurs ?

Oui, vous pouvez lire à ce sujet La soumission librement consentie de Beauvois. Ce livre

est facile à lire et présente les mécanismes à l’œuvre pour changer les comportements

de manière durable.

Est-ce que cela peut engendrer des dérives comme le bad persuasive design

par exemple ?

Oui, c’est déjà le cas ! Il faut savoir que les études de bases sur l’engagement et les

comportements sociaux sont issus de recherches faites après guerre par des chercheurs

juifs-allemands qui cherchaient à comprendre comment des personnes bien sous tous

rapports avaient pu collaborer librement avec les nazis. Ce sont les même mécanismes

qui sont utilisés par les sectes. En dehors de ces cas extrêmes, ces sont des mécanismes

similaires qui jouent dans les addictions au jeu, que ce soit du jeu en ligne ou des jeux

d’argent.

Comment définiriez-vous une bonne expérience utilisateur ?

Mémorable. Oui. Simplement mémorable. Mais c’est bien l’expérience vécue

qui doit être mémorable, pas l’interface ou d’autres aspects secondaires.

Page 124: Mémoire – Design d'interaction durable

118

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28. Ibid. 25

29. David Flacher, Industrial Revolutions and Consumption : A Common Model to the Various

Periods of Industrialization, 2005, p. 6

30. David Flacher, Industrial Revolutions and Consumption : A Common Model to the Various

Periods of Industrialization, 2005, p. 6

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32. Ibid., p. 9

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42. Ibid. 24

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45. Ibid., p. 22

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47. Ibid. 33

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49. Ibid. 35

50. « Reuse, Repair, Recondition, Recycle », [traduction de l’auteur]

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52. Hans Fleischer, Waste = Food

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ICONOGRAPHIE

fig. 1.1. Schéma d’explication du paradoxe de Jevons [D’après Aaron Lin]

<http://greenimalist.com/2011/04/the-jevons-paradox/>

fig. 1.2. Schéma d’explication du concept « Cradle to Cradle » [Inspiré de David Güiza Caicedo],

A simple model of the Cradle to Cradle philosophy depicting the biosphere and the technosphere, 2009

<http://www.bluehair.co/2009/12/cradle-to-cradle-hype-or-hope/>

fig. 1.3. Évolution du logo d’Apple de 1976 à 2007

<http://www.raqwe.com/wp-content/uploads/2013/10/evolution-logo-apple-raqwe.com-01.

jpg>

fig. 1.4. Évolution du logo de British Petrolum depuis 1921

<http://www.history.co.uk/sites/default/files/bp-logo-1.jpg>

fig. 1.5. La radio T3 de Dieter Rams

<http://thinkjarcollective.com/articles/dieter-rams-10-principles-of-good-design/>

fig. 1.6. Les ampoules Plumen

<http://plumen.com/>

fig. 1.7. Edward T. Hall’s personal reaction bubbles [Inspiré de Hall]

<http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Personal_Space.

svg/800px-Personal_Space.svg.png>

fig. 1.8. Infographie des futures ressources rares, Armin Reller, 2009

<http://static.cdn-seekingalpha.com/uploads/2013/2/6/6176431-13601799483729095-

Braden-Maccke_origin.jpg>

fig. 2.1 Diagramme des secteurs du design digital, [Inspiré de Bill Moggridge]

fig. 2.2 Diagramme des composants de l’expérience utilisteur, [posté sur le blog de Dan Saffer],

2008

<http://www.classes.jamiecavanaugh.com/id01fall/wp-content/uploads/2009/04/

dan_saffer_diagramfinal.jpg>

fig. 2.3. New Austria, art+com, 2005

<https://artcom.de/de/project/das-neue-oesterreich/>

fig. 2.4. Premier bandeau d’articles recommandés du site Amazon, capture d’écran

fig. 2.5. Deuxième bandeau d’articles recommandés du site Amazon, capture d’écran

fig. 2.6. Meaning First : user-experience design hierarchy, Simon Norris, 2012

<http://www.nomensa.com/blog/2012/meaning-first-a-manifesto-for-user-experience-

design/>

fig. 2.7. Partage de souvenir sur le site I-Remember, capture d’écran

fig. 2.8. Site interactif Sortie en Mer, capture d’écran, décembre 2014

fig. 2.9. Capture d’écran d’une partie sur le jeu Ico

fig. 2.10. Schémas des composants de l’ innovation, 2011

<http://www.slideshare.net/AndreasHauser/sap-ux-strategyanddesignserviceswebinar>

fig. 2.11. Séance de co-design

<http://fredvanamstel.com/blog/when-participatory-design-makes-sense>

Page 140: Mémoire – Design d'interaction durable

134

fig. 2.12. Capture d’écran du film Connecting

fig. 3.1. Phoneblok, Dave Hakkends, 2013

fig. 3.2. The Internet Machine, Timo Arnall

fig. 3.3. Empreinte écologique du journal finlandais Aamulehti

<http://vuosikatsaus2011.almamedia.fi/front-page/alma-media-determines-the-

environmental->

fig. 3.4. Solution de refroidissement de GreenMountain

<http://www.greenmountain.no/datacentres/dc1-stavanger/>

fig. 3.5. Bureau de Mac OS, 1984

<http://en.wikipedia.org/wiki/History_of_Mac_OS#mediaviewer/File:Apple_Macintosh_

Desktop.png>

fig. 3.6. Calculatrice iPhone, 2010

<http://www.maclife.com/files/u62/calc.png>

fig. 3.7. Application Find my Friends sortie sur iOs5, 2011

<http://oyster.ignimgs.com/wordpress/stg.ign.com/2012/11/12.09.11-Skeuo-5.jpeg>

fig. 3.8. Navigation avec l’AppleWatch, 2014

<http://www.techspot.com/news/58006-apple-watch-is-here-all-new-ui-tons-of-

customization-two-sizes-meet-the-digital-crown.html>

fig. 3.9. The West House kitchen backplash display

<http://hcssl.iat.sfu.ca/projects/>

fig. 3.10. Projet STATIC!

<https://www.tii.se/projects/static>

fig. 3.11. UbiGreen, évolution d’un environnement au fil des jours

<http://www.cs.cmu.edu/~assist/publications/09FroehlichCHI.pdf>

fig. 3.12. L’application WattsUp pour Facebook, 2009

<http://uxpamagazine.org/persuasion_invasion/>

fig. 3.13. Le système de badge de l’application de Oxfam et Marks & Spencer

<http://www.socialshopping.com/Marks-and-Spencer/news/M-S-Shwop-Recycling-

Fashion-Show-from-Marks-Spencer-2012-201208270402/>

fig. 3.14. L’installation Telegarden, 1995

<http://goldberg.berkeley.edu/garden/Ars/>

fig. 3.15. Capture d’écran de l’application Charity Miles

fig. 3.16. Image promotionnelle du thermostat Nest

illu. 1. Paradoxes et complexité

illu. 2. Des notions inséparables

illu. 3. Transition du vinyle à l’ iPod

illu. 4. Le concept d’affordance

illu. 5. Une myriade d’utilisateurs

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REMERCIEMENTS

Un très grand merci à Christophe Clouzeau, directeur de l’agence interactive Neoma

et directeur du site Webdeveloppementdurable.com, pour avoir répondu à mes

questions et pour m’avoir accompagné tout au long de cette recherche.

Merci à Raphaël Yharrassarry pour avoir répondu à mes questions lors d’un entretien

et à Frédéric Bordage, expert en green it et directeur du site GreenIt.fr,

pour ses réponses et son invitation à la conférence Innov’eco.

Merci Philipp, pour les nombreux débats que nous avons eu sur l’environnement

et à Antoine pour ses conseils professionnels et humains.

Je remercie aussi mes interlocuteurs étrangers ; You Le Chong, designer en Suède,

Ian Adamson, architecte à Boston et Matt Belge, designer à Boston.

Je remercie également mes professeurs Félicie d’Estienne d’Orves

et Nicolas Baumgartner ainsi que mon directeur de mémoire Jonathan Munn qui,

en plus de m’aider à la rédaction de ce document, ont favorisé un cadre de réflexion,

d’échange, et de débat.

Merci à mes colocataires Florent et Maxime.

Merci à Papa, Maman, Mamie, Adrien et Marie pour m’avoir fait grandir dans un cadre

familial ouvert. Merci de m’avoir permis de voyager de Lyon à Sarajevo, de New-York

jusqu’en Californie. Et tout simplement merci de m’avoir emmené à la mer où j’ai pu,

enfant, dire, en regardant l’horizon de la mer Méditerranée qui se courbait

et ses vagues qui se fracassaient sur les rochers : « Papa, tu sais, c’est un peu

comme si les vagues avaient une vie ».

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Dans ce mémoire, les fontes utilisées

sont les suivantes :

Titres : Frutiger lt Std 45 Light corps 16

Titres de niveau ii : Frutiger lt Std 45 Roman corps 14

Intertitres : Frutiger lt Std 75 Black corps 10

Titres de paragraphes : Frutiger lt Std 75 Black corps 10

Texte courant : Mrs Eaves XL Serif corps 10

Notes : Mr Eaves Mod OT corps 8

Dossier de recherche

imprimé au mois de Mars 2015 à Paris.

Le format choisi est celui d’un iPad : 240 x 185 mm,

comme pour le premier mémoire que j’ai réalisé en

2014 sur les interfaces tangibles dans l’éducation.

Ce format évoque le paradoxe de la consommation

d’énergie d’un contenu pouvant être consulté sur

un support physique ou via un dispositif numérique.

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