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Université de Strasbourg Ecole Nationale d’Administration Master spécialité Administration et finances publiques Parcours Administration Publique Spécialisée THEME : QUELLE PLACE POUR LE CONTRÔLE FINANCIER DANS LA CHAINE DES DEPENSES PUBLIQUES AU CAMEROUN ? Soutenu par : Albin Rolland KOUMDA AYISSI Elève CIP – ENA 2015-2016 promotion ‘PALMYRE’ Sous la Direction de Monsieur Guy SIAT Maître de conférences à l’Université de Strasbourg

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Université de Strasbourg Ecole Nationale d’Administration

Master spécialité Administration et finances publiques

Parcours Administration Publique Spécialisée

THEME : QUELLE PLACE POUR LE CONTRÔLE FINANCIER

DANS LA CHAINE DES DEPENSES PUBLIQUES

AU CAMEROUN ?

Soutenu par : Albin Rolland KOUMDA AYISSI

Elève CIP – ENA 2015-2016 promotion ‘PALMYRE’

Sous la Direction de Monsieur Guy SIAT

Maître de conférences à l’Université de Strasbourg

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DEDICACE

Je rends grâce à DIEU pour la vie, la foi et l’espérance ;

Je dédie ce mémoire à mon épouse, BILO’O BESSALA Anny Lawrence, et à nos

enfants : Onelle, Joana, Anaïs, Édwarda, et Émmanuela ;

Puissent tous les membres de ma famille trouver ici, le témoignage de mon respect,

et de ma reconnaissance ;

J’ai une pensée pieuse pour mes parents décédés.

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REMERCIEMENTS

J’exprime toute ma gratitude à mon tuteur, monsieur Guy SIAT, Maître de

conférences à l’Université de Strasbourg, pour sa disponibilité et son encadrement

avisé ;

Je remercie monsieur Fabrice LARAT, Directeur adjoint au Directeur de la

formation, responsable du Pôle Masters, et à travers lui, tous les personnels de l’ENA,

ainsi que nos enseignants venus d’ailleurs ;

Je remercie mon Directeur de stage, monsieur PHÉLEP Arnaud, Contrôleur

Budgétaire et Comptable Ministériel près le Ministère de la Justice et ses

collaborateurs ;

Ma reconnaissance s’adresse aussi aux hautes autorités de mon pays, le Cameroun,

notamment celles en charge des questions financières et budgétaires, aux rangs

desquels je voudrais citer le ministre Alamine Ousmane MEY, monsieur Antoine

Félix SAMBA, Directeur Général du Budget, monsieur Cyrille EDOU ALO’O,

directeur de la réforme budgétaire, ainsi qu’à tous mes collègues;

Je suis reconnaissant à la France, de m’avoir donné l’opportunité de me former de

manière optimale ;

J’adresse mes hommages respectueux à mes camarades de la promotion

« PALMYRE » de l’Ecole Nationale d’Administration de France ;

Puisse Monsieur NGAH NOAH Marcel Urbain, assistant à la faculté des sciences

juridiques et politiques de l’Université de Douala, trouver ici le témoignage sincère

de ma gratitude ;

Mes remerciements s’adressent enfin, à toutes celles et à tous ceux qui, de près ou de

loin, ne cessent de me soutenir.

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SOMMAIRE

Introduction

Présentation du contexte de l’avènement de l’ordonnance N° 62/OF/4 du 7 Février 1962 portant

régime financier de la république fédérale du Cameroun: la fonction de contrôle financier exercée

par le comptable du trésor avant le décret N° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et

l’organisation des contrôles financiers ;

Analyse de la problématique actuelle de la place du contrôle financier dans la chaîne des dépenses

publiques au Cameroun ;

Présentation de la méthode de travail : une démarche dialectique ;

Énoncé du plan de travail.

Première partie : Une incidence mitigée du contrôle financier dans la chaine des dépenses

publiques au Cameroun

A – L’ambivalence du cadre juridique du contrôle financier au Cameroun

1 - La survivance d’un cadre juridique anachronique : le décret N° 77/41 du 3 février 1977 fixant

les attributions et l’organisation des contrôles financiers, et le décret n° 2003/165 du 30 juin

2003 portant organisation du ministère des finances et du budget.

2 - La rénovation sporadique du cadre juridique du contrôle administratif des finances publiques à

travers la loi de N°2007/006 du 26 décembre 2007 et ses décrets d’application : le Décret

n°2013/159 du 15 mai 2013 fixant le régime particulier du contrôle administratif des finances

publiques, et le décret n°2013/160 du 15 Mai 2013 portant règlement général de la comptabilité

publique

B – La contre-performance du contrôle financier au Cameroun

1 - Des procédures et une finalité contreproductives.

a) La procédure de contrôle financier comme obstacle à la performance

des administrations ;

b) Le visa préalable des dépenses comme entrave à la liberté de l’ordonnateur.

2 - Des attributions très techniques pour des acteurs aux profils de formation et

de carrière disparates.

a) La disparité des profils de formation des contrôleurs financiers ;

b) La précarité du statut de contrôleur financier.

Deuxième partie : Pour une incidence améliorée du contrôle financier dans la chaine des

dépenses publiques au Cameroun

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A – Une amélioration amorcée par le droit communautaire (les directives CEMAC

N° 01 et 02/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011)

1 - Le renforcement visible du statut du contrôleur financier (son érection en acteur

budgétaire à part entière) ;

2 - Le réaménagement perceptible des modalités de contrôle financier (l’institution d’un

contrôle de soutenabilité et la possibilité de moduler le contrôle en fonction des risques).

B – L’évolution souhaitée au regard l’expérience française du contrôle budgétaire.

1 - L’organisation et les attributions du contrôle budgétaire en France ;

2 - La finalité du contrôle budgétaire en France : la soutenabilité budgétaire et la maitrise des

risques budgétaires.

Conclusion

Bref résumé du contenu des parties ;

Rappel de la problématique ;

Propositions techniques concrètes, sur la base des directives CEMAC et de l’expérience française.

Annexes

Liste des sigles et acronymes

Bibliographie

Table des matières.

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INTRODUCTION

1. L’évolution du contrôle interne des finances publiques est-elle en passe de faire du

contrôleur financier un manageur ?1La réponse affirmative apportée par certains auteurs à cette

importante question projette en toile de fond l’épineuse problématique du rôle véritable à attribuer

au contrôle financier2dans un environnement socio-économique et politique marqué d’une part, par

une quête généralisée d’efficacité et d’efficience des politiques publiques et, d’autre part, par une

raréfaction des ressources financières qui emporte une volonté de rationaliser et de sécuriser leur

utilisation. Dès lors, la modernisation du contrôle interne des finances publiques repose sur un

dilemme : sécuriser les ressources financières publiques rares, à travers un contrôle financier

multiforme et souvent formaliste d’une part, et assurer la performance de l’action publique en

garantissant une implémentation rapide et efficace des politiques publiques d’autre part. Cette

recherche permanente d’équilibre entre la rationalisation de la dépense publique et son efficacité,

omniprésente en matière de finances publiques est aujourd’hui traitée par la doctrine3. Dans la

plupart des Etats d’Afrique francophone en voie de développement, on note l’existence d’un cadre

juridique anachronique et disparate, une insuffisance des ressources humaines et matérielles, une

culture administrative dépassée, une carence en matière de conception et de mise en œuvre des

politiques publiques. Ce déphasage entre la philosophie et le dispositif de contrôle financier actuel

rapportés aux objectifs modernes des politiques publiques trouve une illustration parlante au

Cameroun.

2. En effet, depuis le 1er Janvier 1960, date de son accession à la souveraineté internationale,

et l’entrée en vigueur le 7 Février 1962 de l’ordonnance N° 62/OF/4 portant régime financier de la

république fédérale du Cameroun, l’Etat a connu une dynamique institutionnelle issue des révisions

constitutionnelles successives. Ces grandes mutations n’ont pas influencé le cadre juridique des

finances publiques, de sorte qu’il a fallu attendre 2007 et la loi N° 2007/006 du 26 Décembre 2007

pour consacrer un nouveau régime financier à l’Etat (RFE). Entre temps, la loi N° 74/18 du 5

décembre 1974, modifiée en 19764 a été promulguée, pour régir le contrôle des ordonnateurs,

gestionnaires et gérants de crédits publics. Ensuite, le décret N° 77/41 du 3 Février 1977 a fixé les

attributions et l’organisation des contrôles financiers. Et enfin, le Décret N° 2013/159 du 15 Mai

2013 a complété ce corpus juridique, en déterminant le régime particulier du contrôle administratif

des finances publiques. La problématique de la place du contrôle financier dans la chaîne de la

dépense publique au Cameroun reste donc tributaire de l’évolution du cadre juridique des finances

publiques. Elle s’intègre aussi dans un cadre plus général, celui de la culture administrative de l’Etat

1 LAZARE (M) et F. MICHEL (F), « Contrôle interne : Du contrôleur au manageur », Séminaire AIST, Marrakech, 9 novembre 2007 http:

//www.aist-tresor.com/actumarrakech.htm/ 2Article 260 du décret N° 2003/165 du 30 juin 20032 portant organisation du ministère des finances 3 BOUVIER (M) ESCLASSAN (M.C), LASSALE (J-P), 4Loi N°76/4 du 8 juillet 1976 qui modifie certaines dispositions de la loi N°74/18 du 5 Décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs,

gestionnaires et gérants des crédits publics et des entreprises d’Etat.

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fondée sur les moyens, ou le sentiment le plus largement partagé par les agents publics, est que les

ressources publiques sont allouées pour le fonctionnement des services, sans aucune préoccupation

de la qualité et l’efficacité de la dépense. Il en résulte un déphasage frappant, par rapport à la donne

managériale publique actuelle, qui exige la transparence et la performance dans la gestion des

deniers publics.

3.La satisfaction des besoins sans cesse croissants des populations, rapportée à la

raréfaction des ressources publiques conduit logiquement à un examen critique de la

gouvernance publique en général, et dans le cadre précis de ce mémoire, à une remise en

question du rôle du contrôle financier, que le cadre juridique qui fixe son organisation et ses

attributions, a figé dans une fonction de contrôle préventif de la simple régularité formelle,

qui tranche avec les exigences actuelles de performance publique déjà mises en œuvre dans

certains pays développés comme la France, et dans une mesure moindre, prescrite par le cadre

juridique qui régi la gouvernance publique de la CEMAC5. D’où la nécessité d’envisager une

évolution de la fonction de contrôleur financier, afin d’optimiser son apport dans

l’assainissement attendu de la dépense publique, tout au moins à l’arrimer à l’exigence de

performance attendue de l’ordonnateur, dans une perspective d’harmonisation de ces

fonctions différentes, mais complémentaires. L’élaboration de ce travail exige au préalable la

définition de ces concepts clés, grâce à la compréhension desquels il sera aisé de conduire cette

réflexion.

4. Le travail de clarification notionnelle est une étape préalable incontournable dans tout

travail scientifique afin d’éviter l’arbitraire des mots. Dans cette perspective, Georges

GRZEGORCZYK indique que « définir c’est isoler conceptuellement, ‘‘délimiter’’ par rapport à

d’autres objets de pensée, ‘‘isoler’’ une série de caractéristiques constitutives de la compréhension

du concept »6. Dès lors, il importe de définir tour à tour les termes de contrôle financier et de dépense

publique.

5. Primo, les contours de la notion de contrôle financier doivent être précisés. Dans cette

perspective, il importe de clarifier ses deux composantes. Le terme contrôle sera envisagé en

premier. Sur le plan étymologique, le mot dérive de « contre rôle », le registre qui servait à valider

le rôle d’imposition ou de dépense, tenu par la personne en charge de vérifier la bonne exécution

des finances du souverain7. En l’état actuel de la langue française, le contrôle est une « vérification

attentive et minutieuse de la régularité d’un acte, de la validité d’une pièce »8. Dès lors, le contrôle

peut se définir comme une activité tendant à vérifier la conformité ou la compatibilité des actes ou

5Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale créée le 16 mars 1994 par le traité de Ndjamena 6 GRZEGORCZYK (G), « L’acte juridique dans la perspective de la philosophie du droit », Droits, n°7, 1988, p. 48. 7Cf. REY (A), « contrôle » dictionnaire historique de la langue française, le Robert, Paris 1998, p. 879 ; BLOCH (O) et VON WARTBURG (W),

« rôle » dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, PUF, 1968, p. 559. 8 Dictionnaire Larousse de poche 2016, 73000 définitions, noms communs, noms propres, avec un précis de conjugaison, p. 179.

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des opérations aux prescriptions légales ou réglementaires, aux instructions, aux procédures de

gestion en vigueur dans une entité. En l’espèce, le contrôle rapporte les actes de gestion à leur

prévision, afin d’en assurer l’exécution projetée. Quant au mot financier, il signifie : qui est relatif

à la finance, peu importe qu’il s’agisse des finances publiques. Le contrôle financier serait la

vérification de cette conformité appliquée au domaine des finances publiques. Il a été soutenu que

ce contrôle trouve son fondement historique dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du

Citoyen de 17899. Mais, l’exigence de contrôle des deniers publics est certainement plus ancienne.

Toujours est-il le contrôle financier ne doit pas être confondu avec le contrôle administratif10 dont

il n’est qu’une des composantes11. Ce contrôle peut revêtir plusieurs modalités : contrôle a priori, a

posteriori12 ; contrôles sur pièces ou sur place ; contrôles interne et externe13, contrôles de

régularité14 ou de performance15. Dans le cadre de cette réflexion, le contrôle financier se

restreint à celui effectué par les contrôleurs financiers, sur les budgets publics.

6. Secundo, la notion de dépense publique sera abordée. Etymologiquement, le terme

dépense découle des racines latines dispensia et dispendere qui signifient distribuer. La langue

française donne au mot plusieurs sens16. En matière de finances publiques, les dépenses publiques

s’entendent comme l’ensemble des dépenses des administrations publiques. La détermination du

concept de dépense dépend donc des règles comptables adoptées. Quant aux administrations

publiques visées, elles sont entendues ici au sens large, c’est-à-dire l’Etat et toutes ses émanations.

Dans le cadre de ce travail, la dépense publique s’entendra comme une dépense c’est-à-dire : soit

l’achat de biens, soit le paiement d’une prestation soit encore le règlement d’engagement, effectué

par l’État, une collectivité territoriale, un établissement public, et les administrations et organismes

qui leur sont rattachés. Aux termes des dispositions de l’article 12 alinéa 2 de la loi portant RFE, on

distingue trois catégories de dépenses publiques : les dépenses de fonctionnement ou charges

courantes, consacrées au fonctionnement courant des services ; les dépenses d’investissement ou en

capital, consacrées à l’acquisition des immobilisations, à leur réhabilitation et aux transferts; les

dépenses sur opérations financières réservées à l’action de l’Etat sur les marchés financiers.

9 Cf. Article 14 qui dispose : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution

publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi » et article 15 qui indique que : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». 10Article 2 du Décret n°2013/159 du 15 mai 2013 définit le contrôle administratif comme l’ « activité permettant aux services spécialisés du pouvoir

exécutif de s’assurer du respect de la régularité des opérations budgétaires, financières et du patrimoine de l’Etat, d’évaluer la performance des administrations et de prévenir les risques de toute nature. » 11Article 5.- (1) du même texte indique que : « Le contrôle administratif peut revêtir la forme d’un contrôle hiérarchique, d’un contrôle de tutelle ou d’un contrôle financier. » 12 Les deux premiers sont respectivement effectués avant et pendant l’exécution de la dépense. Préventifs, ils peuvent s’avérer bloquants. Le contrôle

a posteriori est effectué après l’exécution de la dépense. 13 Lorsque le premier est conduit par l’administration elle-même, l’on parle dans ce cas de contrôle administratif. Quant au second, il est le fait du

parlement et des juridictions. 14Le contrôle de régularité est une « activité permettant de s’assurer de la conformité des opérations budgétaires, financières, et de gestions du patrimoine de l’Etat aux lois et règlements en vigueur ». Cf. article 2 du Décret précité. 15 Le contrôle de performance est une« activité permettant de s’assurer de la réalisation des objectifs avec efficacité, efficience et économie, sur la

base d’indicateurs prédéfinis, après mise en œuvre des stratégies, des programmes et des actions de l’administration avec l’allocation conséquente des ressources publiques ». Cf. Article 2 du Décret précité. 16 Cf. dictionnaire Larousse précité : action de dépenser de l’argent, de l’employer ; sommes dépensées ; action d’utiliser quelque chose, de

l’employer ; action de consomme quelque chose pour une utilisation précise.

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7. La clarification des termes du sujet étant faite, il importe de rappeler pour bien comprendre

l’objet de cette réflexion qu’en son article 4, alinéa 1, le législateur financier de 2007 énumère les

quatre étapes de la chaine de la dépense publique au Cameroun17. Dans le contexte camerounais,

c’est au contrôleur financier qu’il revient de faire le contrôle de régularité de la dépense engagée. Il

s’intercale donc entre l’ordonnateur qu’il conseille et contrôle, et le comptable qu’il éclaire. Cela

n’a pas toujours été le cas. En effet, la fonction de contrôle financier de la dépense publique

était exercée par le comptable du trésor18. Depuis 1977, cette fonction est confiée aux

contrôleurs financiers19 qui assurent essentiellement un contrôle de régularité de

l’engagement de la dépense publique. Depuis cette année jusqu’à la réforme 2007, le cadre

juridique du contrôle financier n’a pas connu d’évolution majeure. Ce constat est d’autant plus

inquiétant que les réformes entreprises n’ont pas impacté le rôle du contrôleur financier au

Cameroun20. Au niveau de la sous-région d’Afrique centrale, le droit financier de l’Etat se

communautarise sous l’impulsion de la CEMAC, qui impose aux Etats de nouvelles contraintes21.

Sur un tout autre plan, le contexte sociopolitique et économique camerounais actuel, marqué

par la volonté d’améliorer les conditions de vie des populations à travers des politiques

publiques efficaces se heurtent à une raréfaction des ressources financières publiques qui en

appellent à leur sécurisation à travers des contrôles. La mise en perspective des dispositifs de

contrôle financier institués avec la quête amorcée de célérité, et de performance des politiques

publiques révèle leur inadéquation. Dès lors, il devient urgent de questionner le rôle que joue

véritablement le contrôle financier dans la chaine des dépenses publiques au Cameroun :

constitue-t-il une pesanteur l’entravant ou un facteur la favorisant? En d’autres termes, il

s’agit de déterminer l’incidence réelle du contrôle financier sur la réalisation de la dépense

publique au Cameroun.

8. L’objet principal de cette réflexion est de mesurer l’impact du contrôle financier sur

l’efficacité des dépenses publiques à l’aune de l’impératif de performance dans le contexte

camerounais. Il s’agit de mettre en évidence l’inadéquation entre le dispositif actuel de contrôle

et les nouveaux impératifs inhérents à la performance de la dépense publique. Pour atteindre

17Il s’agit de : l’engagement qui consister à générer une dépense en créant une obligation, de laquelle résultera une charge ; la liquidation qui

consiste à vérifier et à certifier le service fait, puis à arrêter le montant dû par l’administration ; l’ordonnancement qui est l’acte par lequel

l’ordonnateur demande au comptable de payer la dépense ; le paiement qui consiste pour le comptable à payer la dépense, après des contrôles de

régularité et de disponibilité de crédits. Certaines dépenses peuvent cependant faire l’objet de procédures dérogatoires, notamment la paie des agents, les dépenses d’intervention, et les régies d’avances. Leurs modalités de mise en œuvre sont précisées dans le chapitre 2 du Décret n° 2013/160 du 15

Mai 2013 portant règlement général de la comptabilité publique. 18Article 66 et suivants Ordonnance camerounaise de 1962 calqué sur le modèle français de l’ordonnance du 2 Janvier 1959. 19Articles 242 et 245 du Décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et l'organisation des contrôles financiers. 20 Loi de 2007 et Décret de 2013 laissent subsister le Décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et l'organisation des contrôles financiers

qui continue à régir le contrôle financier. 21Voir à titre indicatif : Directive n° 06/11-UEAC-190-CM-22 relative au Code de transparence et de bonne gouvernance ; Directive n° 01/11-UEAC-

190-CM-22relative aux lois de finances ; Directive n° 02/11-UEAC-190-CM-22 relative au règlement général de la comptabilité publique ; Directive

n° 04/11-UEAC-190-CM-2 relative à la nomenclature budgétaire de l’état ; Directive n°03/11-UEAC-195-CM-22 relative au plan comptable de l’état ; Directive n°05/11-UEAC-190-CM-22 relative au tableau des opérations financières de l’état.

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cet objectif de manière optimum, la méthode de travail combinera un volet juridique axé sur le

dispositif juridique du contrôle financier tel qu’il ressort du contexte camerounais et un aspect

empirique mettant l’accent sur une présentation et une évaluation de ce contrôle tel qu’il

ressort de la pratique administrative. Cette méthode de travail permettra de vérifier notre

hypothèse de recherche selon laquelle : l’incidence du contrôle financier sur la dépense publique est

mitigée et devrait donc être optimisée.

9. Face à la volonté de l’Etat camerounais d’améliorer les conditions de vie des populations

par une implémentation efficace et performante des politiques publiques à travers une dépense

publique de qualité, il importe d’adapter le contrôle financier aux nouvelles exigences de

management public en réconciliation les impératifs de sécurisation et de performance de la dépense

publique. Dès lors, pour répondre de manière satisfaisante à la problématique soulevée, une

démarche dialectique a été retenue. Elle se propose de mettre en avant l’incidence mitigée du

contrôle financier dans la chaîne des dépenses publiques au Cameroun (Première Partie). Ce

constat invite à explorer les pistes en vue de sa nécessaire amélioration (Seconde partie).

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Première partie : Une incidence mitigée du contrôle financier dans la chaine des

dépenses publiques au Cameroun

Au Cameroun, le contrôle financier est un service extérieur du Ministère des finances qui

dépend de la Direction Générale du Budget (DGB). Il présente deux aspects complémentaires : l’un

institutionnel et l’autre matériel. Sur le plan organique, il est en principe assuré par des personnels

du ministère des finances. Ce contrôleur financier ayant rang et prérogatives de sous-directeur de

l’administration centrale. On le retrouve dans les services centraux, décentralisés, déconcentrés, et

même auprès des missions diplomatiques à l’étranger22. Le ministre des finances désigne le

comptable du trésor et le contrôleur financier auprès des administrations publiques ce qui permet

d’assurer leur indépendance par l’absence de subordination hiérarchique par rapport aux organes de

gestion des administrations auprès desquelles ils sont placés. Sur le plan matériel, le contrôleur

financier connait de tous les projets d’actes à incidence financière, effectue un contrôle de

conformité aux lois et règlements, tant dans la phase d’engagement qu’à celle de

l’ordonnancement23, sanctionne ses contrôles par des avis, des visas, ou des refus motivés de visas,

et transmet périodiquement au ministre des finances un rapport sur la gestion de l’administration

contrôlée.

A l’observation, il apparaît que l’encadrement de cette fonction repose sur un dispositif

juridique éclaté, dont la force juridique des composantes est variée. L’étude de ce dispositif pourrait

donc se faire à travers deux critères complémentaires : Le premier, d’ordre matériel, met l’accent

sur la nature des textes visés. Le second, d’ordre temporel, repose sur la date d’élaboration de ces

textes. Combinant ces deux critères, il apparait que le dispositif juridique du contrôle financier

au Cameroun est ambivalent(A). La question qui succède à ce constat est celle de savoir si une

telle ambivalence sert ou dessert la mise en œuvre du contrôle financier. A l’analyse, la pratique

du contrôle financier se révèle contre performante(B).

A – l’ambivalence du cadre juridique du contrôle financier au Cameroun.

Dans le contexte camerounais, le cadre juridique des finances publiques en général et du

contrôle financier en particulier a longtemps été statique. En effet, ces matières sont encore pour

certaines régies par des textes qui datent des années soixante et soixante-dix24. Sur cette armature

22 Pour une présentation plus détaillée du statut des contrôleurs financiers Cf. Loi N° 74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs,

gestionnaires et gérants des crédits publics, et des entreprises d’Etat ; Décret N° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et l’organisation des

contrôles financiers (Article 2 du décret de 1977 : « Les contrôleurs Financiers et leur Adjoints, nommés par arrêté du Premier Ministre, sont placés sous l'autorité du Ministre des Finances. Ils ont respectivement rang:

1. à l'intérieur du Territoire National: a) de sous-directeur d'Administration Centrale; b) de chef de service d'Administration Centrale. 2. auprès des

Missions Diplomatiques et Consulaires; a) de deuxième Conseiller d'Ambassade; b) de premier secrétaire d'ambassade. ») ; Décret n° 2003/165 du 30 juin 2003 portant organisation du ministère des finances (Ce décret consacre la création de la sous-direction du contrôle financier, qui assure

désormais le contrôle financier des administrations non pourvues de contrôle financier.) ; Décret n° 2013/159 du 13 mai 2013, fixant le régime

particulier du contrôle administratif des finances publiques ; 23Article 260 du Décret de 2003 précité. 24 Ordonnance n° 62/0F/4 du 7 février 1962 portant régime financier de la République Fédérale du Cameroun modifiée

par la Loi n° 2002/001 du 19 avril 2002 et abrogé par Loi n° 2007/006 du 26 Décembre 2007 portant régime financier

de l’Etat ; Loi n° 74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants des crédits

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juridique classique, se sont progressivement greffés des textes récents, visant à rénover la cadre

juridique des finances publiques et du contrôle financier25. Le cadre juridique du contrôle financier

au Cameroun se caractérise donc par son ambivalence : l’anachronisme y côtoyant un certain

modernisme. Le dispositif juridique financier camerounais consacre une chaine de dépenses

publiques axée sur deux acteurs essentiels26. Cette dualité, bien que présentant l’avantage de la

simplification et de la fluidité des procédures, n’en exposait pas moins l’ordonnateur, acteur

politique profane de la science budgétaire, et le comptable qui était obligé de lui retourner tous les

dossiers irréguliers, pour régularisation. La minimisation de ce risque explique l’institution du

contrôleur financier : acteur expérimenté en matière de finances publiques, pour accompagner

l’ordonnateur, sans l’empêcher d’exécuter son plan d’actions. Dès lors, retenant un critère

chronologique, il importe de présenter l’assise classique et anachronique du cadre juridique du

contrôle financier au Cameroun (1) avant de voir les efforts amorcés par le législateur pour sa

modernisation (2).

1 – La survivance d’un cadre juridique anachronique en matière de

contrôle financier

L’anachronisme envisagé du cadre juridique s’apprécie par rapport à la loi de 2007. En effet, ce

texte réformant le régime financier de l’Etat impulse un changement de paradigme, marquant de ce

fait le passage d’un budget des moyens à un budget programme. Les textes élaborés avant cette

importante réforme peuvent donc apparaître désuets au regard de la nouvelle vision impulsée. Dès

lors, l’analyse du contrôle financier tel que régi par le décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les

attributions et l’organisation des contrôles financiers, et le décret n° 2003/165 du 30 juin 2003

portant organisation du ministère des finances et du budget, constituent l’ossature de ce cadre

juridique anachronique. De par son objet, le premier concentrera l’essentiel de nos développements

même si elle portera aussi sur le second texte.

Le Décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et l’organisation des contrôles

financiers marque un moment important dans l’histoire du contrôle financier au Cameroun puisqu’il

marque le passage d’un contrôle financier assuré par un comptable du trésor à un contrôle désormais

garanti par un agent spécifique : le contrôleur financier. L’arrivée de ce nouvel acteur ne bouleverse

cependant pas la philosophie et les principes fondamentaux inspirés du droit budgétaire français à

savoir d’une part, le principe de la séparation des fonctions d'ordonnateur et de comptable27; et,

publics, et des entreprises d’Etat ; Décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et l’organisation des contrôles financiers (toujours en

vigueur). 25 Voir à titre indicatif et pour les textes les plus significatifs, Loi n° 2007/006 du 26 Décembre 2007 portant régime financier de l’Etat ; Décret n° 2003/165 du 30 juin 2003 portant organisation du ministère des finances ; Décret n° 2013/159 du 13 mai 2013, fixant le régime particulier du contrôle

administratif des finances publiques. 26Ordonnateur pour engager, certifier et ordonnancer ; et Comptable pour payer. 27 OLIVA (E) «Le principe de la séparation des ordonnateurs et comptables » in Finances publiques, aide-mémoire 3eme édition, SYREY, pp 300 -

301. publics, et des entreprises d’Etat ; Décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et l’organisation des contrôles financiers (toujours en

vigueur).

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d’autre part, la présentation de la dépense en deux phases distinctes et consécutives: la phase

administrative, dont la responsabilité incombe à l’ordonnateur, et la phase comptable28, dont

l’exécution revient au comptable. La phase administrative comportant trois étapes: l’engagement,

la liquidation, et l’ordre de paiement (ordonnancement ou mandatement).

Les contrôles financiers prennent donc la forme d’un contrôle de tutelle financière, en vertu du

rôle budgétaire central que le législateur de 1962 a confié au ministre des finances29. C’est ainsi que

le Président de la république30exerçant ses prérogatives constitutionnelles, crée les contrôles

financiers par arrêté. Les contrôleurs financiers, qui correspondent directement avec les chefs des

administrations auprès desquelles ils sont placés, exercent leurs fonctions en vertu d’un mandat qui

délimite le périmètre des compétences pour lesquelles une délégation de signature31leur est réservée.

Il convient dès lors de présenter les différents aspects du contrôle tels qu’ils ressortent du Décret

précité.

L’organisation du contrôle financier sera envisagée en premier. Les contrôles financiers

interviennent dans la phase administrative, en mettant à la disposition de l’ordonnateur, l’expertise

budgétaire et comptable nécessaire à la bonne exécution de son budget. Ils ont de ce fait une

organisation spécifique32, qui tient compte de la nature de leurs attributions. Les dispositions de

l’article 261 du Décret N° 2003/165 du 30 juin 2003 portant organisation du ministère des finances

et du budget ont légèrement modifié l’organisation prévue par le décret de 1977, tout comme la

sous-direction du contrôle financier (SDCF) qui a été intégrée au dispositif initial des contrôles

financiers pour prendre en charge les administrations qui n’en sont pas pourvues. Le rattachement

organique du contrôle financier au ministère des finances constitue un gage de son autonomie et de

son indépendance par rapport aux administrations contrôlées, ce qui est une garantie non négligeable

de la liberté d’action et de la marge de manœuvre du contrôleur que la subordination à la structure

contrôlée aurait pu annihiler.

C’est ainsi qu’il est fait obligation au ministre des finances, de mobiliser les ressources

nécessaires au fonctionnement des contrôles financiers,33pour permettre à ses collaborateurs

d’exercer sereinement leur fonction. Des prérogatives qui vont du droit de communication, aux

27 Voir à titre indicatif et pour les textes les plus significatifs, Loi n° 2007/006 du 26 Décembre 2007 portant régime financier de l’Etat ; Décret n° 2003/165 du 30 juin 2003 portant organisation du ministère des finances ; Décret n° 2013/159 du 13 mai 2013, fixant le régime particulier du contrôle

administratif des finances publiques. 27Ordonnateur pour engager, certifier et ordonnancer ; et Comptable pour payer. 27 OLIVA (E) «Le principe de la séparation des ordonnateurs et comptables » in Finances publiques, aide-mémoire 3eme édition, SYREY, pp 300 -

301. 28(J) BUISSON, « La phase comptable de la dépense publique », in Finances publiques. Les mémentos ; DALLOZ, 16eme édition, pp 91-92 29Article 58 de l’ordonnance de 1962 : « L'exécution du Budget Fédéral et des Budgets annexes incombe au Ministre des Finances. En tant

qu'ordonnateur, il exécute ce Budget sous son autorité propre et sous sa responsabilité. Il assure la mise en recouvrement des droits et des produits

ainsi que la liquidation et l'ordonnancement des dépenses ». 30Article 8 alinéa 9 de la Constitution du 2 juin 1972: «Il crée et organise les services publics de l’Etat.» 31Article 5 du décret de 1977 « Dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, les contrôleurs financiers reçoivent délégation de signature portant

sur les matières de leur compétence » 32Article 13 du décret de 1977 « Les contrôles Financiers constituent les services extérieurs du Ministère des Finances relevant de la Direction du

Budget. Chaque contrôle financier à l'intérieur du territoire National comprend quatre Bureaux dont les chefs sont assimilés aux chefs de Bureaux

d'Administration Centrale. Ce sont: - Le bureau administratif, - le bureau des engagements juridiques, - le bureau des engagements comptables, - le bureau des régies et de la comptabilité-matières ». 33Article 15 du décret de 1977 « Les crédits nécessaires au fonctionnement des contrôles Financiers sont prévus annuellement au budget du Ministère

des Finances (Direction du Budget) ».

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contrôles préalables de la régularité formelle de tous les actes à incidence financière pris par les

ordonnateurs des services contrôlés.

Le droit de communication du contrôleur financier sera maintenant abordé. Le décret de 1977

aménage au profit du contrôleur financier, un dispositif 34 qui contraint les responsables des organes

de gestion des administrations contrôlées à lui communiquer tous les documents et toutes les

informations nécessaires à l’exercice de ses contrôles. Ce droit de communication dont dispose le

contrôleur financier(CF), est considéré à juste titre comme un droit de regard que ce conseiller

devrait avoir sur les actes de gestion des ordonnateurs, et à travers lui, le ministre des finances, que

l’article 58 de l’ordonnance de 1962 désigne pour assurer la bonne exécution du budget de l’Etat.

Cette communication s’analyse comme étant le mécanisme par lequel le ministre des

finances35connait de la gestion globale des deniers publics, pour en assurer la bonne orthodoxie36,

et informer la représentation nationale, dans le cadre de son droit d’information sur l’exécution du

budget de l’Etat37. Le contrôleur financier examine les documents et informations transmis, et

exerce son contrôle sur les actes, et sur les acteurs.

Les modalités du contrôle seront donc présentées. Le système de contrôle institué par le décret

de 1977, qui est une survivance de celui mis en œuvre par le comptable du trésor, en vertu de

l’ordonnance de 1962, calquée sur le modèle français de l’ordonnance du 2 Janvier 195938, porte

essentiellement sur la régularité des opérations financières. Il y est question, d’asseoir l’autorité de

l’Etat naissant, en favorisant le respect de la constitution, des conventions ratifiées, des lois, et

règlements, notamment dans le domaine financier. Ces contrôles préventifs qui concernent d’abord

la phase administrative de la dépense, (engagement, liquidation, et ordonnancement) empreinte

d’une forte exigence de régularité39, peuvent prendre d’autres formes, sur instructions spéciales40.

En ce qui concerne le contrôle exercé sur les acteurs, il s’agit pour le contrôleur financier, de

délimiter le périmètre des compétences dévolues à chaque gestionnaire de crédits, ainsi que les

qualités qui les habilitent à intervenir dans le processus budgétaire, le montant des crédits qu’ils sont

habilités à engager, le rythme ou les quotités autorisés, et de rapporter ces informations aux

documents d’autorisation budgétaire, afin d’en assurer la conformité. C’est le sens du contrôle de

34Articles 6 du même texte : «Le contrôleur Financier peut requérir des administrations ou d'une façon générale, des services, des missions

diplomatiques et consulaires, des collectivités publiques secondaires ou établissements dont il contrôle ou surveille la gestion, communication de

tous les documents financiers ou comptables ou toutes études économiques nécessaires à l'accomplissement de sa mission. », article 7 : « Tous les documents budgétaires du Département Ministériel, des Missions Diplomatiques et Consulaires, des Etablissements publics ou des collectivités

publiques secondaires concernés sont communiqués au contrôle financier dans les délais tels que celui—ci puisse faire connaître ses observations

au Ministre des Finances et éventuellement au Ministre de tutelle avant toute discussion sur le fond. », et article 8 : «Le contrôleur financier est informé des lieux, dates et ordres du jour des réunions des commissions administratives traitant des questions financières et économiques dans le

cadre de ses compétences. Il est notamment membre des commissions de réception des marchés passés par les Ministères intéressés. Il est membre des commissions de réforme ou d'adjudication de matériel, des commissions d'avancement du personnel non fonctionnaire » du décret de 1977. 35Article 14 du décret de 1977 « Les contrôleurs financiers sont tenus de produire à la fin de chaque trimestre un rapport d'activités au Ministre des

Finances. Copie des rapports est adressée au Ministre intéressé ou au responsable de l'organisme auprès duquel il est placé. » 36 Wikipédia « l’encyclopédie libre ». 37Article 55 de l’ordonnance de 1962 « (1) Le Gouvernement est tenu de présenter à l'Assemblée Nationale, en même temps que la loi de finances de

l'année, le compte de résultat de l'exercice clos le 28 février de l'année précédente.(2)Ce compte, qui arrête le montant définitif des recettes et des dépenses, constate les résultats financiers dudit exercice clos. » 38 Ordonnance n° 59/02 du 2 Janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, prise en vertu des dispositions des articles 34, 47 et 92

de la constitution du 4 octobre 1958 en France. 39Article 4 du décret de 1977. 40Article 11 du décret de 1977 « Sur instructions spéciales, le contrôleur Financier peut procéder à toutes les investigations utiles et éventuellement

bénéficie du concours de la brigade des contrôles ».

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l’accréditation des gestionnaires, et du rythme de consommation des crédits dont ils ont la gestion.

Ce contrôle vise également les éléments de rémunération des agents publics, dont les montants

servis doivent être conformes aux actes juridiques qui régissent la rémunération de chacune des

catégories d’agents publics.

Pour ce qui est du contrôle des actes de gestion, le décret de 1977 institue un contrôle de

régularité formelle des actes de gestion. Dans la mesure où la signature de l’ordonnateur qui engage

l’Etat est génératrice de droits et d’obligations à l’égard des tiers, il eut été souhaitable que celui-ci

se fût au préalable assuré de la licéité de l’acte projeté. D’où le contrôle de l’engagement juridique

des projets d’actes dont l’incidence financière impacte la comptabilité publique. En débit pour les

dépenses, et en crédit pour les recettes. En effet, le caractère limitatif des autorisations budgétaires

impose une rationalité de gestion qui tient compte de la disponibilité des crédits. D’où la fixation

des quotas d’engagements périodiques, ou thématiques dont le contrôleur financier doit assurer le

respect, dans le cadre du contrôle des engagements comptables. Les mêmes règles s’appliquent a

postériori aux opérations budgétaires qui dérogent à la procédure normale d’engagement des

dépenses publiques. Notamment les régies d’avances et de recettes. Le contrôleur financier s’assure

par ailleurs de la régularité des actes de gestion matières des comptables-matière de l’administration

contrôlée.

A l’analyse, ces contrôles ont pour but d’assurer la bonne application des normes dans

l’exécution des dépenses publiques, et de détecter des manquements éventuels, dans une optique

préventive. Au niveau de l’engagement41, le contrôleur financier vérifie certes la régularité juridique

et comptable du dossier, mais il s’assure aussi que les pièces justificatives de l’engagement sont

toutes présentes dans la liasse de dépense. D’où le visa d’engagement42délivré, pour attester de la

régularité de l’opération projetée. Au-delà de cette exigence purement formelle, ces contrôles

portent aussi sur le fond des règles elles-mêmes. Il s’agit de vérifier l’exacte application des

instruments juridiques qui régissent la nature de la dépense, en plus du respect des principes de droit

public financier afférent à la dépense publique. Après l’engagement, des contrôles identiques sont

effectués en vue de la validation des dépenses, en sus de la vérification de la régularité des

documents attestant le service fait et la liquidation du montant de la dette de la personne publique

concernée et des taxes. Tous ces contrôles peuvent être sanctionnés par le visa43, si le projet de

dépense est irrégulier. Le contrôleur financier peut également assortir son visa d’observations, ou

de réserves44, ou tout simplement rejeter le projet de dépense querellé. Dans la dernière hypothèse,

41 TAUGOUDEAU, « Engagement », in dictionnaire encyclopédique de finances publiques, op.cit. p.732. 42 QUEROL (F) Finances publiques, op.cit. p.148. 43Article 10 du décret de 1977 « Le contrôleur Financier ne peut refuser son visa pour des motifs se rapportant à l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements ou à la régularité de l'exécution du budget. Sans refuser son visa, le contrôleur financier peut l'assortir d'observations

dont copie est adressée immédiatement au Ministre des Finances. » 44 « En cas de visa avec réserve, copie de la note doit être adressée au comptable assignataire dans les brefs délais.»

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le rejet définitif45du contrôleur financier ne peut être levé que sur instruction écrite de son supérieur

hiérarchique.

En somme, le principal texte qui fixe l’organisation et les attributions du contrôle financier au

Cameroun au lendemain des indépendances, demeure encore en vigueur aujourd’hui. Quarante ans

après son adoption, ses dispositions bien que devenues anachroniques, encadrent pour l’essentiel

l’organisation du contrôle financier au Cameroun. Cette reconduction d’un cadre juridique datant

des années soixante-dix pose la question de sa pertinence au regard de l’évolution du cadre juridique

des finances et des nouveaux objectifs de performance des politiques publiques. C’est sans doute

sous la pression de ces facteurs que le législateur a entrepris de moderniser le cadre juridique des

finances publiques. Cette intervention bien salutaire demeure quelque peu sporadique.

2 - La rénovation sporadique du cadre juridique en matière de contrôle

financier

Longtemps attendue dans le contexte camerounais, la réforme du cadre financier de l’Etat a

finalement pris corps dans la Loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de

l’Etat. Cette rénovation du cadre juridique comporte des aspects qui impactent le contrôle

financier46. En application de l’article 74 de cette loi47, l’autorité investie du pouvoir réglementaire

a pris le Décret n°2013/159 du 15 mai 2013 fixant le régime particulier du contrôle administratif

des finances publiques, et le décret n°2013/160 du 15 Mai 2013 portant règlement général de la

comptabilité publique. La rénovation du cadre juridique apparaît sporadique au regard des attentes

suscitées par la réforme de 2007. Il importe dès lors de présenter les apports de ces nouveaux textes

afin de mieux mesurer l’impact sur le cadre juridique du contrôle financier au Cameroun.

Après l’atteinte en 2006 par le Cameroun du point d’achèvement de l’initiative PPTE48, le pays

s’est accordé avec ses partenaires au développement, notamment les bailleurs de fonds bilatéraux et

multilatéraux, pour rationaliser la gestion des ressources issues de ce mécanisme, à travers

l’assainissement de ses finances publiques. La réforme envisagée constitue incontestablement un

levier essentiel dans la mise en œuvre efficace des politiques publiques en raison des défis qu’elle

invite à relever. Il s’agit notamment de la préservation des équilibres financiers, de la transformation

du mode d’allocation et de gestion des ressources publiques, et de la bonne gouvernance. Elle entre

totalement en vigueur le 1er Janvier 2013, abrogeant de ce fait l’ordonnance n° 62/0F/4 du 7 février

1962 portant régime financier de la République Fédérale du Cameroun modifiée par la loi n°

2002/001 du 19 avril 2002.

En effet, cette loi ambitionne de procéder à une modernisation du processus de préparation,

d’exécution, du suivi du budget, et à l’intégration de la gestion axée sur la performance dans

45« Un rejet définitif opposé par le Contrôleur Financier à un acte ne peut être que sur instruction écrite de son supérieur hiérarchique conformément

à l'Article 5 de la loi n° 74/18 du 5/12/1974 modifiée et complétée par la loi n° 76/4 du 4 juillet 1976. » 46 Chapitre III « contrôle administratif » du titre VIII : Du contrôle (composé des articles 73 et 74) 47 « Des textes réglementaires fixent les attributions, l’organisation et le fonctionnement des services spécialisés visés à l’article 74 ci-dessus, ainsi

les modalités de contrôle » 48 Rapport 06/190 des services du FMI sur les économies nationales de mai 2006.

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l’administration, à travers la budgétisation49. Le budget de l’Etat est désormais élaboré, présenté,

adopté et exécuté sous forme de programmes qui traduisent les politiques publiques auxquelles sont

associées des objectifs assortis d’indicateurs de résultats. La nouvelle loi vient en cela conforter les

principes classiques de gestion des finances publiques qui visent la conformité et la régularité des

opérations financières, mais elle consacre également les principes de nouvelle gouvernance

publique50 adoptés dans les pays de l’OCDE51. Cette loi conduit enfin à la rénovation du rôle des

acteurs de la dépense publique, et à l’émergence de nouveaux responsables des résultats, en

contrepartie d’une meilleure marge de manœuvre au profit de l’ordonnateur, dans l’exécution des

budgets alloués à leurs programmes.

Dans ce dispositif, seuls l’ordonnateur et le comptable sont érigés en acteurs principaux de

l’exécution du budget, chacun dans son domaine de compétence52. Les opérations de contrôle sont

renvoyées à un texte réglementaire, en vertu des dispositions de ses articles 73 et 74. Il reste entendu

sur cette base, que les dispositions du Décret n° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et

l’organisation des contrôles financiers, et du Décret n° 2003/165 du 30 juin 2003 portant

organisation du ministère des finances et du budget demeurent en vigueur, en attendant la signature

d’un nouveau texte reflétant ce changement de paradigme managérial.

Il importe maintenant de s’intéresser aux textes réglementaires sus-évoqués. Ils ont en commun

de proroger une solution classique à savoir le contrôle de régularité. En effet, en attendant qu’un

texte abroge expressément les dispositions des décrets précités, le Décret n°2013/159 du 15 Mai

2013 portant régime particulier du contrôle administratif des finances publiques fixe le contenu et

les modalités du contrôle de régularité qui ressortit de la compétence non exclusive du contrôleur

financier. Quant au Décret n° 2013/160 du 15 Mai 2013 portant règlement général de la

comptabilité publique notamment en ses articles 64 et suivants, il donne des indications précises sur

la chaine de la dépense publique. Les articles 3, 4 et 10 alinéa 1 du Décret n° 77/41 du 3 février

1977 fixant les attributions et l’organisation des contrôles financiers, et 260 du Décret n° 2003/165

du 30 Juin 2003 portant organisation du ministère des finances fixent et délimitent la compétence

d’attribution du contrôle financier au simple contrôle de régularité.

L’articulation entre les anciens textes et les nouveaux n’est pas aisée du fait de leur objet croisé.

Pour démêler les écheveaux ainsi constitués, il convient d’examiner les modifications apportées par

les nouveaux décrets, au regard des domaines concernés par le contrôle d’une part, et de ses

modalités d’autre part.

Les domaines du contrôle seront envisagés en premier. Dans le cadre du contrôle de régularité

prévu par le décret de 2013 sur le contrôle administratif, le domaine de compétence du contrôleur

financier reste inchangé à quelques exceptions près. En effet, l’article 7 de ce décret dispose que :

49 Manuel de pilotage et d’exécution du budget programme, janvier 3013, pp. 2-3 50 Wikipédia, l’encyclopédie libre. 51 L’organisation pour la coopération et le développement économique 52Articles 46 et 47alinéa 1 de la loi de 2007.

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« Le contrôle de régularité couvre l’ensemble des opérations et des actes juridiques et comptables

ayant une incidence économique et financière sur le budget de l’Etat ou des autres organismes tels

que prévus à l’article 1er du présent décret ». C’est dans l’énumération des documents objets de

vérifications, qu’on constate qu’au niveau des contrôles en vue du visa préalable de l’engagement,

il est fait obligation au contrôleur financier, de vérifier la conformité des engagements aux

programmes et actions prévus. Dans le même ordre d’idées, et cette fois lors des contrôles en vue

de la validation de la dépense, le contrôleur financier dois vérifier l’autorisation d’engagement et

le crédit de paiement. Enfin, l’article 12 de ce décret apporte des précisions sur la matière sujette

à vérification, dans le cadre de la gestion du patrimoine public. On note une intégration de la

comptabilité analytique à la comptabilité nationale à la faveur du budget programme.

En somme, le contrôle porte non seulement sur la qualité ou l’habilitation des gestionnaires de

crédits, leurs actes de gestion financière et matières, mais aussi sur les autorisations budgétaires en

dépenses et en recettes.

Les modalités et la portée du contrôle doivent maintenant être présentées. Dans la mesure où les

modalités de contrôle se rapportent à la procédure mise en œuvre, les dispositions de l’article 47

alinéa1 de la loi de 2007 reprennent toutes les étapes de la chaîne de la dépense publique. C’est donc

à titre indicatif, que celles-ci sont rappelées par les dispositions de l’article 11 du Décret n° 2013/159

du 15 Mai 2013, et explicitées par les dispositions des articles 65 et suivants du décret n° 2013/160

du 15 Mai 2013. Ces décrets préservent les droits de communication du contrôleur financier, qui

sont déjà prévus par les articles 6, 7 et 8 du décret de 1977. Il importe de préciser que la préservation

de la régularité des opérations et des actes de gestion demeure l’objectif du contrôleur financier.

Aux termes des dispositions de l’article 13 de ce décret, ces contrôles sont sanctionnés par : le visa,

le visa avec observation, le visa avec réserve, le refus du visa, l’avis.

Au final, le cadre juridique relatif au contrôle financier au Cameroun est contrasté. D’une part,

on y note un certain anachronisme qui se matérialise par la persistance dans l’ordonnancement

juridique de textes datant d’avant la réforme du cadre financier de l’Etat en 2007. Certains ayant

étés adoptés dans les années soixante-dix. On peut légitimement douter qu’ils soient en adéquation

avec l’évolution de la culture administrative actuelle orientée vers la quête de performance des

politiques publiques. D’autre part, on observe un certain modernisme qui prend corps dans la

réforme du régime financier de l’Etat et dans les textes subséquents. Pourtant une analyse attentive

de ces nouveaux textes aboutit au constat de leur incidence mitigée en matière de contrôle financier.

En effet, Ce mélange entre anachronisme et modernisme est un des facteurs qui peuvent expliquer

la contre-performance du contrôle financier, même si les problèmes soulevés par celui-ci semblent

dépasser le simple cadre juridique. Il convient dès lors de s’intéresser à l’impact réel du contrôle

financier sur la dépense publique au Cameroun.

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B – la contre-performance de la pratique du contrôle financier au Cameroun

La plupart des études réalisées sur les finances publiques camerounaises53 s’accordent à

reconnaitre que le cadre législatif et réglementaire est acceptable, malgré quelques insuffisances. A

y regarder de près, la fonction de contrôle financier fait partie des pistes d’amélioration. Elle pourrait

être revisitée, au regard aussi bien de son dispositif juridique que de sa mise en œuvre pratique.

Cette refondation du contrôle financier repose d’une part, sur une identification des insuffisances

du dispositif actuel, afin de les corriger ; et, d’autre part, sur une adaptation du contrôle à la nouvelle

gestion financière axée sur la quête de performance des politiques publiques. Dès lors, il faudrait

revoir en profondeur non seulement la dimension organique, pour questionner le profil de carrière

et de formation des contrôleurs financiers(2), mais aussi les modalités et la finalité du contrôle

lui-même afin de l’adapter aux nouveaux enjeux de la dépense publique (1).

1. Les procédures du contrôle financier comme pesanteur à la réalisation de la dépense

publique

Au Cameroun, le Contrôle financier est essentiellement basé sur le contrôle préventif des

opérations financières (procédure d’engagement et de paiement, procédures comptables et états

financiers. Cependant, une observation attentive de sa mise en œuvre révèle quelques insuffisances.

En effet, ce contrôle apparaît comme une pesanteur à la dépense publique. Cette idée se matérialise

par le fait que non seulement ce contrôle n’annihile pas les erreurs et les fautes de gestion, mais

encore, le formalisme de la procédure de contrôle entrave la quête de performance de la

dépense publique (a) et son issue cristallisée par le visa du contrôleur financier limite la liberté

de l’ordonnateur impactant de ce fait une exécution efficiente de la dépense publique (b).

a) Les procédures du contrôle financier comme entrave à la performance des dépenses

publiques

Au Cameroun, le Contrôle de la dépense publique n’a pour unique finalité que la réalisation

d’une dépense conforme au cadre légal et réglementaire qui la prévoit54. Or, très souvent,

l’ordonnateur qui se représente déjà la réalisation de son projet, ne semble pas se préoccuper des

exigences du droit financier applicable à ce projet. Le principe de légalité des actes de gestion que

le contrôleur financier met en œuvre à travers le respect du cadre juridique et des procédures apparait

à cet égard comme tracassier. En fait, examiner la régularité des engagements et des

ordonnancements revient à exercer un pouvoir d’appréciation qui porte sur « tous » les actes de

gestion budgétaire et patrimoniale des ordonnateurs. Il s’agit concrètement de rapporter des projets

d’actes qui portent sur des matières très vastes55 au corpus juridique en vigueur. Il s’agit là d’un

53 REPUBLIQUE DU CAMEROUN : Etude sectorielle sur la gestion des finances publiques au Cameroun (CFAA) juin 2002. 54 MUZELLEC (R), « Diagnostic du système financier camerounais » in Réforme du cadre juridique pour une meilleure gestion des finances publiques

au Cameroun, op.cit., pp.31-33. 55Articles 7, 8, 9, 10, 11, et 12 du décret n° 2013/159 du 15 Mai 2013.

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travail technique consistant, ceci d’autant plus qu’il résume uniquement une seule facette de la

régularité à savoir la régularité formelle. Cette dernière ne s’intéresse qu’à la conformité au cadre

juridique laissant de côté la régularité substantielle qui intègrerait des considérations d’effectivité

des prestations afférentes aux opérations financières engagées.

Cela dit, le contrôle des engagements comptables ne pose a priori pas de problèmes majeurs,

sous la réserve que contrôleur financier et ordonnateur soient au même niveau d’information.

Par contre, le contrôle des engagements juridiques constitue la pomme de discorde qui

cristallise tous les conflits qui naissent de la collaboration attendue entre le contrôleur financier et

l’ordonnateur. Cette situation s’explique par le fait que le droit qui régit la matière objet de contrôle

est un droit spécifique, voire technique, dont l’ordonnateur et ses services connaissent très souvent

les arcanes, et que le contrôleur financier découvre à l’occasion des dossiers qui sont soumis à son

examen. A cet égard, si la communication de tous les documents, et toutes les informations

nécessaires à l’appréciation de la régularité de l’opération contrôlée est un début de solution à cette

situation, il n’en reste pas moins vrai que le contrôleur financier a besoin d’une frange de temps

conséquente, qui lui permet de lire, et de comprendre la lettre et l’esprit du droit qui régit la matière

en cause.

Confrontés aux impératifs de leurs fonctions respectives et aux engagements divers, le contrôleur

financier et l’ordonnateur ne s’accordent pas toujours sur les délais de transmission, ou de traitement

des dossiers, que la circulaire56 interprétative de la loi de finances fixe de façon indicative à 72

heures. En effet, la masse de travail est telle qu’il semble physiquement impossible pour le

contrôleur financier de porter une attention égale à tous les dossiers. Il arrive aussi souvent qu’ils

ne s’accordent pas sur le sens à donner à telle ou telle norme juridique. De telle sorte que

l’indépendance statutaire et le régime de responsabilité attaché à l’un et l’autre des acteurs ne facilite

pas le compromis et le désaccord persiste, avec des conséquences préjudiciables à l’atteinte des

objectifs. Seul le recours prévu au ministre des finances qui se substitue en responsabilité à son

collaborateur permet souvent d’y remédier.

En plus des causes liées aux délais de traitement des dossiers, à la lourdeur et la redondance de

la matière à contrôler, la juridicité des vérifications effectuées par le contrôleur financier s’avère

donc être la cause ultime des tracasseries dont il est accusé. L’abondante correspondance reçue par

le ministre des finances au sujet de ces récriminations des ordonnateurs qui sollicitent son arbitrage

en vertu des disposions législatives et réglementaires qui les y habilitent en est la preuve.

En résumé, prévue comme procédure de minimisation des risques, la mise en œuvre du contrôle

financier telle qu’elle ressort de la pratique camerounaise en fait un goulot d’étranglement dans la

chaine de la dépense publique. Le formalisme et la lenteur des procédures de contrôle sont les

facteurs explicatifs dirimants de cette situation. Il faut ajouter à cela l’inadéquation entre la masse

56 Chaque année, le ministre des finances signe une circulaire pour expliciter les dispositions de la loi de finances.

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de travail du contrôleur et les ressources disponibles. En outre, la finalité des vérifications que

cristallise le visa budgétaire apparait à bien des égards, comme une entrave certaine à la liberté de

l’ordonnateur.

b) Les visas budgétaires comme entrave à la liberté de l’ordonnateur

Les visas apposés par le contrôleur financier sur les dossiers qui lui sont soumis entrainent des

conflits entre le contrôleur et les services de l’ordonnateur parce qu’en cas de refus de visa, la

dépense est ajournée. Ce refus de visa est alors susceptible de déplacer le contrôle du champ

administratif, au champ politique. Or, l’intrusion permanente du ministre des finances dans leur

sphère de compétence, pour connaitre de leur gestion, bien que prévue par les textes, n’est pas du

goût des ordonnateurs. Surtout dans la perspective de mise en œuvre du budget programme, qui est

caractérisé par une forte responsabilisation des ordonnateurs. Le visa budgétaire qui conditionne

l’engagement de la dépense est ainsi devenu plus qu’un instrument de régulation budgétaire pour le

ministre des finances, une arme de blocage pour le contrôleur financier. Car le refus de visa signifie

une fin de non-recevoir du contrôleur financier, impliquant l’obligation de résoudre le différend,

soit par l’abandon de la demande, soit par la saisine du ministre des finances, et logiquement, par la

régularisation des motifs du refus.

Ce formalisme outrancier qui a pour conséquence d’alourdir la procédure d’exécution des

dépenses déjà complexifiée par les rapports entre les services dépensiers et le contrôle financier est

incompatible à la performance. Car les dérives de la bureaucratie57s’implantent, au fur et à mesure

que la personnalité du contrôleur financier prend le pas sur la fonction. Bien que ces contrôles ne

soient pas négatifs dans leur nature, leur mise en œuvre révèle des excès et le dévoiement de certains

contrôleurs qui les détournent de l’objectif principal qui est d’assurer une exécution régulière de la

dépense publique.

Au regard de ce qui précède, il apparait que le système de contrôle financier tel qu’il est institué

et mis en œuvre au Cameroun n’est pas exempt de reproches. Pourtant telle n’était certainement

l’intention du législateur en l’instituant. En effet, son absence, tout comme sa réalisation outrancière

peuvent être rédhibitoires à une bonne exécution de la dépense publique. Une chose est donc de

réformer le contrôle financier tel qu’il a été dépeint plus haut afin de le rendre performant, une autre

est de s’assurer de la compétence et de la motivation des acteurs chargés de le mettre en œuvre. Tant

les griefs portés à l’encontre des contrôleurs financiers semblent refléter leur inaptitude à accomplir

leur mission de façon adéquate et performante, pour des raisons qui peuvent relever de l’absence de

profil de formation, et des perspectives de carrière incertaines.

2 - L’absence de profil de formation, et des perspectives de carrière incertaines,

comme sources de la contre-performance des contrôleurs financiers

57 BURT PERRIN « Réforme du management public, cap sur la performance », op.cit., p. 75.

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La fonction de contrôleur financier nécessite des compétences spécifiques en finances

publiques. C’est une mission qui confère à son titulaire une position stratégique à l’échelon des

décisions au sein de la structure contrôlée. Son rôle d’expert financier a une double dimension.

D’une part, il contrôle la régularité des dépenses de l’ordonnateur. D’autre part, en sa qualité de

conseiller des services dépensiers, il apparaît comme un « codécideur » tant son expertise tend

parfois à justifier les décisions de gestion qui sont prises et mises en œuvre. Cette expertise se

décline donc en un ensemble de savoirs, de qualifications, et de savoir-faire que le contrôleur est

supposé maitriser, pour lui permette d’exercer sa fonction de manière optimale. Dans le contexte

camerounais, la fonction de contrôleur financier est assurée par des personnes aux profils de

formation disparates. Ces disparités impactent de manière plus ou moins décisive la qualité du

travail fourni (a). De même que la précarité du statut de contrôleur financier fragilise sa

fonction au combien importante (b).

a) La disparité des profils de formation des contrôleurs financiers

La question qui se pose est de savoir si les agents publics qui sont nommés à cette fonction ont

eu de la formation requise pour l’exercer. Au Cameroun, les règles de gestion des ressources

humaines dans les services publics font du profil de formation ou de la compétence une condition

sine qua none pour pourvoir aux postes de responsabilité dans la fonction publique, dans la mesure

ou les cadres organiques qui contiennent ces exigences sont systématiquement annexés aux décrets

présidentiels qui organisent les services publics. Malheureusement, l’application de ces cadres

organiques tarde à prendre corps dans l’administration publique camerounaise au sein de laquelle

l’application extensive du pouvoir discrétionnaire en matière de nominations relègue au second

plan, l’adéquation du profil de formation et compétence à la fonction.

Au regard de la technicité du travail attendu, il ne fait pas de doute que la fonction de contrôleur

financier nécessite une expertise pointue en finances publiques. Car, les actes de gestion qui

découlent de ses attributions sont d’autant plus importants que les visas requis conditionnent la

bonne exécution des dépenses, voire des budgets publics et partant la mise en œuvre des politiques

publiques.

Les conséquences de cette situation sont que les personnels nommés sans formation adéquate

éprouvent des difficultés à assumer leurs fonctions de manière satisfaisante. L’évaluation de leur

activité professionnelle s’en trouve compliquée. Alors même que dans ses articles 3 et 4 du décret

n° 2001/108/PM du 20 mars 2001 Fixant les modalités d’évaluation des performances

professionnelles des fonctionnaires, en précise les critères58. On enchaine alors sur la problématique

58 « L’évaluation du fonctionnaire se fonde sur le résultat obtenu au vu des objectifs définis par le supérieur hiérarchique, ainsi que des normes

établies par chaque Administration. A ce cet effet, toute évaluation prend en compte :l’identification et le profil du titulaire de poste ;la description

détaillé du poste de travail tel que défini par l’organisation et ou le supérieur hiérarchique ; l’énumération exhaustive des tâches confiées au fonctionnaire ; les objectifs fixés par le supérieur hiérarchique après entretien avec le fonctionnaire ; le description du contexte en terme de

moyens matériels, humains et financiers dans lequel le travail est exécuté ; le plan d’action élaboré par le fonctionnaire en vue d’atteindre les

objectifs fixés par le supérieur hiérarchique ; les qualités exigées du fonctionnaire au poste de travail et de nature à rendre compte de sa

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de la responsabilité pécuniaire et pénale du contrôleur financier. La question est de savoir dans

quelle mesure la responsabilité professionnelle et pénale d’un agent public peut-elle être engagée,

du fait des actes de gestion posés dans le cadre d’une fonction à laquelle il est nommé sans

préoccupation de formation, ni de qualification appropriée?

Sur le plan pratique, il s’en suit que malgré ces insuffisances, l’agent public nommé est tenu

d’exercer sous peine de forfaiture, il commence alors à apprendre sur le tard et dans le tas, un métier

qu’il aurait dû apprendre à l’école. Cette situation ne peut qu’impacter négativement la fonction de

contrôle, ainsi que la chaine des dépenses publiques. Il devient donc nécessaire, d’assurer une

formation adéquate aux titulaires de cette fonction, qui tend à s’imposer dans le dispositif

institutionnel des finances publiques.

De manière synthétique, le contrôle financier est exercé au Cameroun par des agents publics

aux profils de formation disparates. Souvent nommés de manière discrétionnaire, l’inadéquation

formation emploi a des conséquences préjudiciables sur la qualité du contrôle effectué. Il apparaît

donc logique de conceptualiser un profil de formation pour les personnes appelées à assumer ces

fonctions, afin de mettre fin à cette insuffisance, et garantir la qualité du contrôle effectué. Les

disparités observées au niveau du profil de formation des agents publics assurant le contrôle

financier font écho à la précarité de leur statut.

b) La précarité du statut des contrôleurs financiers.

Au Cameroun, les contrôleurs financiers n’ont pas de profil de carrière. Cette situation leur

est préjudiciable dans l’accomplissement optimal des missions qui leur sont confiées. Si, l’octroi

d’une formation adéquate peut présumer de la compétence du contrôleur financier et lui garantir un

exercice évaluable de sa fonction, il reste qu’un contrôleur financier nommé qui n’a ni statut

spécifique, ni perspective de carrière manquerait de sérénité. En effet, à la différence du comptable

avec lequel il est présumé provenir du ministère des finances, et avant lequel il intervient dans les

étapes d’exécution de la dépense, le contrôleur financier n’est ni ordonnateur, ni comptable. Malgré

le caractère rédhibitoire de ses visas, il ne dispose pas d’un statut qui lui garantit toute

l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions. Il n’a pas non plus de profil ou de

perspective de carrière.

De plus, la réduction des enveloppes budgétaires des administrations publiques, notamment

du ministère des finances ne lui permet pas d’accroitre les ressources allouées au fonctionnement

de ses services. En effet, le montant réservé au contrôle financier va en diminution nonobstant

l’accroissement des attributions qui lui sont dévolues au gré des réformes. Le contrôleur financier

se trouve donc obligé de fonctionner avec les ressources disponibles, plutôt que de le faire avec les

personnalité font l’objet d’un commentaire à l’occasion de l’évaluation. Ces qualités qui varient suivant la classification des fonctionnaires et le type de tâche exécutées sont notamment les suivantes : connaissance professionnelle ; sens managérial ; sens du service public ; sens de

l’organisation et méthode dans le travail ; conscience professionnelle ; soin et célérité dans l’exécution du travail ; ponctualité et assiduité ;

relation avec le public ; relation avec la hiérarchie. »

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ressources souhaitées. Ce rationnement des ressources allouées aux contrôles financiers, autant qu’il

obéisse à une conjoncture de plus en plus difficile, n’en constitue pas moins un facteur qui atténue

l’indépendance du contrôleur financier. Ce dernier devant disposer de ressources suffisantes,

susceptibles de le mettre à l’abri des pressions matérielles ou financières.

En outre, au regard de l’absence de lisibilité qui préside à la nomination à cette fonction

administrative, qui exige beaucoup d’abnégation de son titulaire, il arrive que certains contrôleurs

financiers restent au même poste pendant de nombreuses années, sans perspective de carrière. Cette

situation pour le moins préjudiciable à la motivation des personnels et dans tous les cas contraires

aux règles de gestion efficace des ressources humaines de l’Etat qui préconisent une mobilité tant

horizontale que verticale, compatible avec les besoins de l’administration et la performance de ses

agents, n’est pas de nature à susciter l’attractivité de la fonction, encore moins l’émulation et la

motivation des agents déjà nommés.

Au regard de ce qui précède, il semble opportun d’ouvrir une réflexion dans le sens de

l’institution d’un véritable profil de carrière pour le contrôleur financier. Une telle avancée viendrait

renforcer son indépendance et lui conférer la motivation et la sérénité indispensable au bon

accomplissement de ses missions.

Au final, les défaillances relatives au dispositif actuel du contrôle financier au Cameroun

sont aussi de nature subjective. Ces insuffisances sans prétention d’exhaustivité se cristallisent par

la disparité des profils de formation des agents publics responsables du contrôle financier dans les

services publics, et par la précarité de leur statut qui se manifeste par l’absence d’un profil de carrière

des contrôleurs financiers.

Il était question dans cette première partie, de se pencher sur la fonction de contrôle financier

au Cameroun, à travers l’identification de son cadre juridique et la restitution de son implémentation

pratique afin de mesurer son incidence sur la réalisation efficace et rapide des dépenses publiques.

Le sentiment, qui se dégage de l’exploration combinée du dispositif juridique régissant le contrôle

financier au Cameroun et de sa mise en œuvre pratique, est que le contrôle financier a une incidence

mitigée sur la réalisation des dépenses publiques. Cette situation tient à deux facteurs

complémentaires qui ont été mis en évidence. D’une part, on note l’existence d’un cadre juridique

ambivalent. Cette ambivalence tient au fait qu’on observe une cohabitation dans l’arsenal juridique

du contrôle financier des textes anachroniques qui parfois datent des années soixante-dix et de textes

réformateurs qui souvent, sont porteurs de véritables bouleversements dans la conception du droit

financier de l’Etat comme l’illustre la loi de 2007. Pourtant, dans l’implémentation du contrôle

financier, ce melting-pot entre classicisme et modernisme apparaît comme un mélange préjudiciable

à l’exécution du contrôle, dans la mesure où on note un déphasage entre les modalités du contrôle

assises sur des textes faisant date, et les nouveaux impératifs de la gestion publique orientés vers la

quête de la performance des dépenses publiques. Le cadre juridique du contrôle financier au

Cameroun manque de cohérence, tiraillé qu’il est, entre les impératifs de sécurisation de la fortune

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publique et l’efficacité de l’action publique. On observe donc des faiblesses plus ou moins marquées

dans la mise en œuvre du contrôle, qui tiennent du dispositif de contrôle en vigueur qui, au regard

de certaines évolutions, apparaît dépassé et inapte à répondre à la nouvelle donne de la gestion

publique orientée vers la quête de performance des politiques publiques. En effet, le contrôle

financier, en principe prévu comme un instrument de minimisation des risques liés à la dépense

publique, s’est mu dans le contexte camerounais en un facteur de contre-performance de la

réalisation de la dépense publique. Le processus de contrôle s’apparente à une pesanteur qui grève

l’accomplissement des dépenses publiques du fait de sa procédure formaliste et souvent lente ; mais

aussi du visa du contrôleur qui limite la liberté d’action de l’ordonnateur. Le contrôle financier

apparaît dès lors contreproductif. Cette contre-productivité est accentuée par des facteurs subjectifs

qui se matérialisent par l’éclatement des profils de formation des agents publics assurant au

quotidien les contrôles financiers, et par l’absence de profil de carrière pour ces derniers. Cette

situation bien gravement préjudiciable n’est pas irréversible. Elle implique une mise en cohérence

de la fonction de contrôle financier avec les impératifs actuels de la gestion publique notamment la

quête de célérité et de performance. Une telle dynamique implique qu’on réfléchisse aux pistes

d’amélioration de l’incidence du contrôle financier sur la réalisation des dépenses publiques

(partie 2).

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Deuxième partie : Pour une incidence améliorée du contrôle financier dans

la chaine des dépenses publiques au Cameroun

Le dispositif actuel du contrôle financier au Cameroun apparait bien classique dans son

contenu, nonobstant la réforme 2007. En effet, les aspects institutionnels et matériels du contrôle

financier n’ont pas beaucoup évolué depuis les premiers textes qui lui ont été consacrés. Le contrôle

est centré sur le contrôle de régularité juridique. Il ne correspond plus aux impératifs actuels de la

gestion publique qui ont évolué et érigé la performance en finalité à atteindre. De plus, ce dispositif

de contrôle connaît un certain nombre de problèmes dont une énumération non exhaustive a été faite

dans la première partie. Les maux identifiés ont pour conséquence préjudiciable d’entraver la

réalisation optimale de la dépense publique. Il devient donc urgent dans un contexte marqué par la

prolifération des discours politiques ayant pour objet d’impulser le développement économique et

d’améliorer les conditions de vie des populations à travers des politiques publiques efficaces et

efficientes, d’engager une réflexion, sur une réforme en profondeur du contrôle financier au

Cameroun. Une telle initiative n’a rien de copernicien dans la mesure où bien des Etats ont déjà

entrepris de telles réformes. En réalité, les signes précurseurs d’un tel changement sont déjà

présents, tant sur le plan interne qu’à l’extérieur du Cameroun. La quête de performance inscrite

dans la loi de 2007 apparaît comme le point de départ qui devrait guider la réforme de la fonction

de contrôle financier au Cameroun. Il s’agit en réalité de réorienter cette fonction vers les aspects

purement financiers, budgétaires et comptables et rationaliser l’utilisation du contrôle de régularité

juridique à défaut. Ces exigences apparaissent en toile de fond des textes communautaires CEMAC

en matière de finances publiques. L’impact des innovations introduites par le droit communautaire

tarde hélas à prendre corps au Cameroun bien que les délais prescrits ne soient pas encore échus.

Dès lors, l’amélioration du dispositif du contrôle financier au Cameroun s’impose comme une

nécessité. Déjà amorcé en droit communautaire CEMAC (A), l’effort devrait se poursuivre en

droit interne. Dans cette perspective, les autorités camerounaises pourraient tirer parti de

l’expérience d’autres Etats en la matière, notamment du modèle français (B) qui marque une

évolution certaine, et suggère des solutions idéologiques, et opérationnelles aux insuffisances

constatées dans le dispositif en vigueur au Cameroun.

A – Une amélioration amorcée par le droit communautaire : les directives CEMAC

Les regroupements communautaires ont pour objectif d’harmoniser les politiques des Etats

membres dans certains domaines. En effet, dans le cadre du traité du 16 mars 1994 instituant la

Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et de la Convention

régissant l’Union des Etats d’Afrique centrale (UEAC), notamment son article 54, les Etats

membres se sont engagés à donner un impulsion décisive au processus d'intégration en Afrique

centrale, par une harmonisation accrue des politiques et des législations de leurs Etats, ainsi qu’à

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assurer la convergence des performances de leurs politiques économiques, au moyen du dispositif

de la surveillance multilatérale. C’est dans cette perspective qu’il faut situer la législation

communautaire CEMAC en matière de finances et de comptabilité publique. En 2007, cinq

premières directives harmonisant le cadre juridique, comptable et statistique des finances publiques

des Etats membres ont été finalisées puis adoptées en 2008 par le Conseil des ministres de la

CEMAC. Ces directives, constitutives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques,

étaient relatives respectivement aux lois de finances, au règlement général de comptabilité publique,

au plan comptable de l’Etat, aux opérations financières de l’Etat et à la nomenclature budgétaire de

l’Etat. La survenance d’une crise des marchés financiers en 2008, la nécessité de mieux coordonner

les politiques budgétaires des Etats membres avec la politique monétaire commune afin de rendre

plus fiable la surveillance multilatérale exercée par la Commission de la CEMAC et l’introduction

de nouveaux paradigmes en matière de finances publiques notamment, ont conduit en 2010 à

l’adoption, par le Conseil des Ministres de la CEMAC, d’un plan d’action en sept axes pour la mise

en œuvre des directives revues et actualisées :

- 1. réécriture des directives ;

- 2. dissémination des directives ;

- 3. renforcement des capacités des acteurs de la réforme ;

- 4. traduction des directives dans les droits nationaux ;

- 5. suivi et évaluation ;

- 6. mise à niveau des systèmes d'information des Etats-membres ;

- 7. appui à la mise en œuvre des réformes dans les Etats-membres.

Cette décision visait à la fois à renforcer l’intégration régionale, moderniser et assurer plus de

transparence dans la gestion des finances publiques dans les Etats membres en l’arrimant autant que

possible aux normes et standards internationaux et harmoniser le cadre de gestion des finances

publiques dans la sous-région, afin de faciliter l’exercice de la surveillance multilatérale. Six

directives59 rénovant le cadre harmonisé des finances publiques de la CEMAC ont été approuvées

le 19 décembre 2011 à l’issue d’un processus participatif dynamique, animé par les experts des Etats

membres et les représentants de la commission et des partenaires techniques et financiers. Les

législations et réglementations nationales devraient être mises en conformité avec les dispositions

des directives au 1er janvier 2014 (soit dans les vingt-quatre mois suivant leur adoption), mais il a

été retenu que la mise en œuvre de la réforme budgétaire au sein des Etats membres procèderait

d’un processus progressif, différencié selon les possibilités des Etats membres et pouvant être

59Guide didactique des directives 2011, p. 5.

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conduit jusqu’à 2021 au plus tard, pour l’application des dispositions juridiques novatrices, et même

2023 pour celles relatives à la comptabilité générale. Dès lors, il importe de présenter les innovations

contenues dans ces directives. Elles peuvent être synthétisées en deux pôles essentiels : les unes sont

relatives au renforcement subtil du statut du contrôleur financier (1) et les autres au

réaménagement perceptible des modalités de contrôle financier (2).

1 - Le renforcement visible du statut du contrôleur financier

La réforme du cadre juridique des finances publiques des Etats membres par la CEMAC a

pour principal objectif d’améliorer leur performance afin de permettre une meilleure

implémentation des politiques publiques. Inspirée de la réforme française de 2001 (LOLF), cette

réforme fixe la cadre général dont les Etats doivent tenir compte pour l’élaboration de leur

législation interne en la matière. Elle vise aussi à arrimer la législation des Etats concernés aux

normes internationales gouvernant les finances publiques. La réforme communautaire est porteuse

d’innovations au regard des législations internes des Etats membres. Elles portent aussi bien sur les

acteurs du contrôle financier que sur ses modalités. Les premières seront d’abord abordées. Elles

sont relatives à l’érection du contrôleur financier en agent budgétaire et la clarification de son rôle

d’une part, et à l’extension des pouvoirs de contrôle d’autre part.

Primo, L’érection du contrôleur financier en agent budgétaire sera d’abord abordée. Il faut

rappeler qu’en droit interne, la loi de 2007 portant régime financier de l’Etat consacre deux acteurs

essentiels dans la chaine des dépenses publiques : l’ordonnateur et le comptable. Ici, le contrôleur

financier n’est pas un acteur budgétaire à part entière. Même s’il intervient dans la chaine

budgétaire, son rôle est essentiellement de contrôler la régularité de la dépense publique.

Les dispositions de l’article 61 de la Directive N° 01/11-UEAC-CM-22 du 19 décembre 2011

relative aux lois de finances érigent le contrôleur financier en acteur à part entière dans la chaîne

d’exécution des dépenses, en lui fixant des attributions importantes. La réforme du contrôle

financier répond aux principes de responsabilisation des services gestionnaires, sans se départir de

l’impératif de maîtrise de l'exécution de la dépense dans le nouvel environnement budgétaire posé

par la directive. Ce nouveau statut n’est pas sans incidence sur les prérogatives du contrôleur

financier.

Secundo, la clarification et l’extension des prérogatives du contrôleur financier par le

législateur communautaire seront maintenant envisagées. A cet effet, l’article 85 de la Directive

CEMAC sur la comptabilité publique dispose : « Les contrôles a priori exercés par les contrôleurs

financiers portent sur les opérations budgétaires. Tous les actes des ordonnateurs portant

engagement de dépenses, notamment les marchés publics ou contrats, arrêtés, mesures ou décisions

émanant d’un ordonnateur, sont soumis au visa préalable du Contrôleur financier. Ces actes sont

examinés au regard de l’imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l’application

des dispositions d’ordre financier, des lois et règlements, de leur conformité avec les autorisations

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parlementaires, des conséquences que les mesures proposées peuvent avoir sur les finances

publiques ». Cet article précise les fonctions des contrôleurs financiers dans le cadre des contrôles

a priori. Ils exercent leur contrôle sur les opérations budgétaires exécutées par les ordonnateurs

auprès desquels ils sont nommés. Pour ce qui est de l’extension des pouvoirs du contrôleur financier,

l’article 86 du même texte indique : « Le Contrôleur financier peut adapter dans les conditions

définies par décret, les modalités de mise en œuvre de ses contrôles, au regard de la qualité et de

l’efficacité du contrôle interne ainsi que du contrôle de gestion mis en œuvre par l’ordonnateur.

Ces modalités tiennent compte des risques associés à chaque catégorie de dépenses ». Cette

disposition innove dans la mesure où elle permet au contrôleur financier d’adapter les modalités

d’exercice du contrôle financier aux objectifs de qualité et d’efficacité des services rendus à

l’administration et/ou aux citoyens. Cette adaptation doit être réalisée en conformité avec la

règlementation nationale. Elle fonde le travail du contrôleur sur les impératifs de qualité et

d’efficacité. Enfin dans le même ordre d’idées, l’article 87 de cette Directive précise que : « Le

Contrôleur financier ou son délégué tient la comptabilité des dépenses engagées, afin de suivre la

consommation des crédits et déterminer la disponibilité ou non de crédits suffisants pour de

nouveaux engagements de dépenses ». Cet article impose au contrôleur financier l’obligation de

tenir la comptabilité des dépenses engagées qu’il vise. Cette comptabilité a pour finalité d’assurer

le suivi de la consommation des crédits et la détermination de leur disponibilité. Pour être bien

comprise, elle doit être rapprochée de l’article 90 alinéa1 portant sur le contrôle de la disponibilité

des crédits. Le contrôleur financier assure aussi la centralisation de la comptabilité du ministère,

notamment pour la production des comptes de l’Etat dans le cadre du projet de loi de règlement.

Avant de conclure, il importe de souligner que l’article 90 de la Directive institue une

responsabilité liée à l’exercice de la fonction de contrôleur financier. Désormais, comme le

contrôleur financier est personnellement responsable de son activité de contrôle. Il aligne de ce

fait la responsabilité du contrôleur à celle des comptables et des ordonnateurs même si elle s’en

démarque par le fait que cette responsabilité est limitée à certains contrôles bien précis et qu’elle

peut y être substituée par celle du ministre des finances en cas de refus de visa du contrôleur. De

manière synthétique, la réforme communautaire des finances publiques comporte des innovations

qui sans être coperniciennes sont importantes. La subtilité de ces innovations ne permet pas toujours

à l’observateur non averti de les identifier.

Ces développements ont permis de mettre en lumière quelques-unes d’entre elles, notamment

celles qui renforcent le statut du contrôleur financier. Il s’agit d’une part, de son érection comme

agent budgétaire, de la clarification de son rôle et de l’extension de ses prérogatives. Ces innovations

donnent une certaine visibilité à la fonction de contrôle financier. Elles constituent surtout une

opportunité pour les Etats membres de revisiter en profondeur le statut de contrôleur financier pour

l’arrimer aux standards internationaux en la matière. Le législateur communautaire indique ainsi la

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voie à suivre, tout comme il innove dans le domaine des modalités de contrôle en y introduisant des

apports tant quantitatifs que qualitatifs.

2 - Le réaménagement perceptible des modalités de contrôle financier

Le législateur CEMAC n’a pas reformé que le statut du contrôleur financier, il introduit des

éléments novateurs au niveau des modalités de contrôle. Ces innovations sont d’ordre quantitatif et

qualitatif. Il s’agit respectivement de l’institution d’un contrôle de soutenabilité et la possibilité de

moduler le contrôle en fonction des risques.

L’introduction d’un contrôle de soutenabilité budgétaire sera présentée en premier. Inspirée

de la réforme française, la réforme CEMAC institue un contrôle de soutenabilité budgétaire. Sur le

plan procédural, le contrôleur financier vérifie la régularité de la dépense du point de vue financier

(autorisations financières contenues dans les lois de finances, imputation de la dépense, disponibilité

des crédits, conformité des prix par rapport aux mercuriales en vigueur) et légal (conformité des

actes de l’ordonnateur à l’ensemble des lois et règlements). La directive souligne implicitement que

le Ministre des finances, est chargé de définir les modalités pratiques de la mise en œuvre du contrôle

financier.

Au regard de la propension naturelle constatées chez les ordonnateurs à engager

financièrement l’Etat, sans tenir compte de sa capacité à payer les dépenses ainsi engagées, les

vérifications du contrôleur financier étant réduite au simple contrôle de régularité formelle, il s’est

avéré nécessaire d’instituer un dispositif de prévention des risques budgétaires : la soutenabilité

budgétaire.Le contrôleur financier doit tenir la comptabilité des dépenses engagées qu’il vise afin

d’assurer le suivi de la consommation des crédits et la détermination de leur disponibilité. Comme

en dispose l’alinéa1 de l’article 90 de la Directive relative au règlement général de la comptabilité

publique, le contrôle de la disponibilité des crédits fait partie des cinq contrôles que doivent

obligatoirement opérer les contrôleurs financiers avant d’apposer leur visa sur l’acte d’engagement

des dépenses. La tenue de cette comptabilité particulière permet au contrôleur financier de connaître

la situation de la disponibilité de ces crédits.

La possibilité de moduler les contrôles sera maintenant évoquée. C’est l’article 86 de

la Directive n° 02/11-UEAC-190-CM-22 relative au Règlement Général de la Comptabilité

Publique (DRGCP) qui pose le principe d’une telle modulation. Il en ressort que : « Le Contrôleur

financier peut adapter dans les conditions définies par décret, les modalités de mise en œuvre de

ses contrôles, au regard de la qualité et de l’efficacité du contrôle interne ainsi que du contrôle de

gestion mis en œuvre par l’ordonnateur. Ces modalités tiennent compte des risques associés à

chaque catégorie de dépenses ». Il apparaît de l’analyse du contenu de cet article que le contrôleur

peut organiser les modalités de mise en œuvre de ses contrôles, sous réserve du respect de la

réglementation en vigueur. Il tient compte dans cette perspective, des impératifs d’efficacité et de

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qualité du contrôle interne, et peut dès lors, mettre en œuvre un contrôle hiérarchisé de la dépense,

pour les dépenses ayant un certain enjeu, ou d’un montant important. Il peut aussi adapter les

modalités d’exercice du contrôle financier aux objectifs de qualité et d’efficacité des services rendus

à l’administration et/ou aux citoyens.

La reconnaissance au contrôleur financier d’une marge d’action dans son activité permet de

dépasser le cadre classique fondée sur la matérialité juridique et factuelle, pour l’orienter vers les

exigences de performance. Il s’agit là d’une opportunité qui devrait lui permettre, en faisant preuve

de souplesse, de clairvoyance et de lucidité, d’éviter les contrôles excessifs et superflus. Une telle

prérogative s’avère capitale dans un environnement marqué par la rareté des ressources humaines,

matérielles et financières. Le contrôleur est ainsi appelé à procéder à une sélection des contrôles

pertinents. Cette rationalisation du travail conduit à une évolution de la fonction de contrôleur

financier qui, en fonction de la qualité de l’ordonnateur, pourra avoir un rôle de veille et de

supervision de la soutenabilité des budgets, conforme avec l’esprit d’une responsabilisation accrue

des ordonnateurs. Elle permettra aussi de lever certaines pesanteurs liées au contrôle.

Au final, les nouvelles directives sont porteuses d’une amélioration certaine qui rapproche

le cadre légal et réglementaire de la gestion des finances publiques dans les pays membres de la

CEMAC, aux bonnes pratiques et normes internationales en la matière. Leur incidence en matière

de contrôle financier bien que considérable, apparaît cependant inachevée. Les efforts entrepris

doivent être poursuivis dans le cadre interne. La première étape passe par la transposition des

directives envisagée sous la forme d’une mise ne conformité du droit interne avec le droit

communautaire. C’est dans cette perspective que la Commission de la CEMAC et les Etats membres

ont adopté un plan d’action pour leur mise en œuvre dans les Etats. Il a pour objet l’assistance et

l’accompagnement des Etats. La réforme CEMAC constitue pour ses Etats au rang desquels figure

la Cameroun une double opportunité. Une opportunité immédiate en termes d’amélioration du cadre

des finances publiques, et une opportunité médiate puisqu’elle offre un contexte favorable à une

réforme en profondeur du cadre interne du contrôle financier pour l’aligner aux standards

internationaux et aux exigences de performance de l’action publique. L’expérience française

pourrait constituer un cadre intéressant d’inspiration, même si elle n’est pas exclusive en la matière.

B – L’évolution souhaitée au regard de l’expérience française du contrôle budgétaire.

En France, le contrôle financier a une histoire ancienne qui date du 19eme siècle60. Mais,

c’est la loi du 10 Août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées qui prévoie

un contrôle préventif des dépenses effectuées par des fonctionnaires du ministère des finances qui

ont pris le nom de contrôleurs financiers.

60 Sébastien KOTT, Le contrôle des dépenses engagées : évolution d’une fonction, éd PRADON. Octobre 2004.

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31

Après 1945, l’extension du rôle financier de l’État rend nécessaire la formalisation de règles

de préparation, de présentation, d’adoption et exécution du budget. Les Constitutions de 1946 et de

1958 renvoient à une loi organique, qui est une catégorie de lois, prévues par la Constitution, dont

l’objet est de préciser les conditions d’application de la Constitution.. Il y en aura trois.

Premièrement, le décret-loi n°56-601 du 19 juin 1956 portant mode de présentation du

budget de l'Etat de préparation et de vote des lois budgétaires, est le premier texte organisant

l’ensemble des finances publiques. Il a été pris après consultation des commissions des Finances du

Parlement qui en France, est composé de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat.. Il

conserve les principes budgétaires classiques (autorisation, annualité, spécialité, unité), mais en

simplifie la mise en œuvre. Il renforce les pouvoirs de l’exécutif en matière de préparation et

d’exécution du budget.

Ensuite, l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 a été préparée par l’exécutif sans

consultation du Parlement. Elle s’inscrit dans la continuité du décret de 1956 et de la limitation de

l’initiative financière du Parlement. Elle rationalise les procédures et accentue la prééminence de

l’exécutif. Le Conseil constitutionnel l’intégrera au bloc de constitutionnalité, qui est un ensemble

de principes et dispositions que doivent respecter les lois et qui comprend les articles de la

Constitution de 1958 mais aussi la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et le

Préambule de la constitution de 1946.

Pour finir, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 vient

du constat de vieillissement de l’ordonnance de 1959. La LOLF, issue d’une proposition de loi, qui

est un projet de texte législatif déposé au Parlement à l’initiative des parlementaires eux-mêmes, fut

adoptée à la quasi-unanimité. Elle réaffirme les principes du droit budgétaire, modifie les règles de

présentation, de discussion et d’exécution du budget. Elle augmente l’information et les pouvoirs

de contrôle du Parlement, met en place une budgétisation orientée vers la performance et intègre les

évolutions des finances publiques (Union européenne, finances sociales).

La mise en œuvre de la Loi Organique relative aux Lois de Finances du 1er Août 2001 a

bouleversé la nomenclature du contrôle financier. D’une part, la fongibilité des crédits ne permet

plus de maintenir un contrôle systématique a priori des actes de gestion. D’autre part, la complexité

résultant de la mise en œuvre de cette loi a entrainé une évolution du contrôle vers la maîtrise de

l’exécution et de la soutenabilité budgétaire. Le décret du 27 Janvier 2005 réformant le contrôle

financier au sein des administrations de l’Etat a abrogé à partir du 1er Janvier 2006, toutes les

dispositions de nature réglementaire qui régissaient jusque-là le contrôle financier. Ce décret qui

organise donc le contrôle budgétaire dans le nouveau cadre imposé par la LOLF a été étendu aux

Etablissements Publics de l’Etat par le décret du 4 juillet 2005. Le Contrôle Budgétaire et Comptable

Ministériel (CBCM)61, dans sa configuration actuelle est quant à lui régi par le décret n° 2012-1214

61 Article 80 du décret (GBCP) «Dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget, les contrôleurs budgétaires et comptables

ministériels sont comptables assignataires des ordres de payer, des dépenses sans ordonnancement et des ordres de recouvrer des ordonnateurs

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du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), et le décret

n°2005-1429 du 18 novembre 2005 relatif aux missions, à l’organisation et aux emplois de direction

des services de contrôle budgétaire et comptable ministériel, modifié le 4 février 2015. Dès lors, la

présentation synthétique du contrôle budgétaire en France se fera en identifiant l’organisation et

les attributions du Contrôle Budgétaire et Comptable Ministériel (1) et sa finalité essentielle à

savoir la soutenabilité budgétaire (2).

1 - L’organisation et les attributions du Contrôle Budgétaire et Comptable

Ministériel en France

Le Contrôle Budgétaire et Comptable Ministériel (CBCM) est l’unique représentant du

ministre en charge du budget auprès des administrations publiques. De par les dispositions de

l’article 2 du Décret n°2005-1429 du 18 novembre 200562 précité, il est nommé par le ministre en

charge du budget, et travaille sous la double autorité du directeur du budget (contrôle budgétaire) et

du directeur général des finances publiques (contrôle comptable). Au niveau déconcentré, les

prérogatives de contrôle budgétaire et comptable sont assurées par les directions régionales et

départementales des finances publiques63.

De manière générale, le contrôle budgétaire et comptable ministériel est défini par le décret

(GBCP) de 2012, et s’articule autour des missions suivantes64 :

Il s’agit en premier lieu d’examiner. Cette mission consiste à apprécier le respect de la loi

de finances par la programmation budgétaire, et à examiner les documents prévisionnels de gestion

des différents responsables de crédits au regard de leur « soutenabilité » budgétaire. Cette dernière

est appréciée sur la base de deux critères essentiels : la prise en compte de la réserve de crédits,

prévue par la LOLF afin de faire face à d’éventuels aléas de gestion et la bonne couverture

des dépenses obligatoires que l’Etat est juridiquement tenu de supporter ainsi que celles qui

apparaissent inéluctables dès le 1er Janvier. Le CBCM rend à cet effet un avis sur le caractère

soutenable du programme et le cas échéant, sur celui des budgets opérationnels de programme

relevant de son ressort65.

principaux.

Ils peuvent dans les mêmes conditions être comptables assignataires des ordres de payer, des dépenses sans ordonnancement et des ordres de

recouvrer d'autres ordonnateurs». 62Article 2 du Décret n°2005-1429 du 18 novembre 2005 «Les services de contrôle budgétaire et comptable ministériel relèvent, fonctionnellement

et pour leur gestion, du directeur du budget et du directeur général des finances publiques ». 63Article 88 du décret (GBCP) «Le contrôle budgétaire des services déconcentrés de l'Etat est exercé par le directeur régional des finances publiques.

Ce dernier est assisté, à cet effet, par un membre du contrôle général économique et financier, un expert de haut niveau ou un administrateur des

finances publiques, placé sous son autorité ». . 64 Eric OLIVA, finances publiques, 3eme édition PP 544-547. 65Article 94 du décret (GBCP) «Le contrôleur budgétaire rend un avis sur le caractère soutenable du budget opérationnel de programme, en prenant

en compte à cet effet:

1° La couverture des dépenses obligatoires et inéluctables ;

2° La cohérence entre le montant des crédits inscrits dans le document de répartition initiale des crédits et emplois mentionné à l'article 67 et la

programmation mentionnée à l'article 66 ;

3° Les conséquences budgétaires de cette programmation sur les années ultérieures.

Sauf autorisation expresse du contrôleur budgétaire et comptable ministériel, tant que l'avis du contrôleur budgétaire sur le budget opérationnel de

programme n'est pas rendu, le responsable de ce budget ne peut consommer plus de 25 % des montants des autorisations d'engagement et des crédits

de paiement prévus par le document de répartition initiale des crédits» .

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33

Il s’agit ensuite de conseiller et surveiller. Sur les redéploiements de crédits visant en cours

d’année à abonder les autres catégories de crédits, à partir des crédits de personnel. La fongibilité

dite asymétrique devant s’appliquer avec un maximum de sécurité pour la paie des personnels de

l’Etat66. Le CBCM procède en outre à la mise en réserve des crédits prévue par le 4° bis de l’article

51 de la LOLF (réserve de précaution), qui ne peut être levée que sur instruction du ministre en

charge du budget.

Puis, il faut assurer le contrôle des actes de dépenses les plus importants, sur la base de

critères exclusivement budgétaires, aux moyens d’avis ou de visas. L’arrêté relatif au cadre de la

gestion budgétaire, et au contrôle budgétaire détermine les actes de dépenses examinés par le

contrôleur budgétaire, ainsi que leur montant67. Le CBCM procède à l’examen de la demande de

visa ou d’avis, dans un délai de quinze jours à compter de la réception des actes qui lui sont soumis68.

Passé ce délai, l’ordonnateur compétent peut utiliser les crédits ou engager la dépense conformément

à son projet. Dans la même optique, le CBCM ne peut en aucun cas exercer de contrôle préalable

de légalité des actes69, lequel est réalisé ex - ante par les services de l’ordonnateur, et ex - post par

le juge. Cependant, un visa préalable qui conditionne d’ailleurs la mise en place effective des crédits

ouverts par la loi de finances, est requis sur le Document de Répartition Initiale des Crédits et

Emplois (DRICE) en vertu de l’article 91 du DGBCP. Il est également requis, pour le Document

Prévisionnel de Gestion des Emplois et des Crédits de Personnel (DPGECP), condition sine qua

none au visa des autorisations et actes de recrutement en application de l’article 92 du DGBCP.

Il doit aussi suivre l’exécution budgétaire. En effet, l’article 87 du DGBCP fait du CBCM

une instance d’alerte, en indiquant que le contrôle budgétaire « porte sur l’exécution des lois de

finances ». L’alerte est ainsi donnée à l’attention de la direction du budget du ministère des finances,

ou en direction des responsables de crédits, sur l’existence de risques budgétaires potentiels70.

66Article 97 du décret (GBCP) « Le contrôleur budgétaire émet un avis sur tout projet de répartition de crédits ayant pour effet de diminuer le

montant des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel d'un programme dépendant de son ministère ». 67Article 105 du décret (GBCP) «Pour chaque ministère, un arrêté du ministre chargé du budget pris après avis du ministre concerné définit le

contenu et les délais de transmission du document de répartition initiale des crédits et des emplois, du document prévisionnel de gestion des emplois

et crédits de personnels, des budgets opérationnels de programme et des comptes rendus de gestion transmis au contrôleur budgétaire, ainsi que le

contenu et les modalités d'élaboration de la programmation.

Cet arrêté fixe les montants à partir desquels les décisions d'engagement ou d'affectation de crédits, les autorisations et actes de recrutement ainsi

que les actes de gestion des personnels sont soumis au visa ou à l'avis préalable du contrôleur budgétaire. Ces montants sont fixés au regard de la

qualité du contrôle interne budgétaire.

L'arrêté peut prévoir des modalités adaptées de délivrance du visa sur ces actes.

Cet arrêté précise également les modalités du contrôle a posteriori des actes non soumis à visa ou avis préalable, ainsi que de la conduite des

analyses des circuits et procédures, prévus à l'article 101 » . 68Article 103 du décret (GBCP) «Sous réserve des dispositions prévues aux articles 91 et 92, le contrôleur budgétaire délivre son visa ou rend son

avis dans un délai de quinze jours à compter de la réception des actes qui lui sont soumis.

Si, à l'expiration de ce délai, aucun visa ou avis n'a été délivré ou émis, l'ordonnateur compétent peut utiliser les crédits ou engager la dépense

conformément à son projet, sauf dans les cas où le contrôleur budgétaire a demandé, par écrit et dans le délai mentionné ci-dessus, des informations

ou documents complémentaires.

Dans ce cas, pour les actes soumis à visa, un nouveau délai de quinze jours court à compter de la production des informations ou documents sollicités.

Pour les actes soumis à avis préalable, la demande d'informations ou de documents complémentaires a pour seul effet de suspendre le délai d'examen

jusqu'à la production de ces informations ou documents ». 69Article 99 alinéa 2 du décret (GBCP) « Lorsqu'ils sont soumis à son visa ou à son avis préalable, le contrôleur budgétaire examine les projets

d'actes au regard de l'imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l'exactitude de l'évaluation de la consommation de crédits associée

et de leur compatibilité avec la programmation pluriannuelle définie à l'article 66, à l'exclusion de tout motif tenant à la légalité de l'acte ». 70 Article 87 du décret (GBCP) «Le contrôle budgétaire est exercé, sous l'autorité du ministre chargé du budget, par un contrôleur budgétaire.

Ce contrôle porte sur l'exécution des lois de finances et a pour objet d'apprécier le caractère soutenable de la programmation, effectuée en application

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L’article 97 du DGBCP précise à cet effet, que l’ordonnateur adresse des comptes rendus de gestion

et une prévision d’exécution des crédits et des emplois au contrôleur budgétaire selon une

périodicité fixée par l’arrêté sus évoqué.

Il est aussi chargé de payer les ordres de dépenses. Le département comptable ministériel

(DCM) exerce sous la responsabilité du CBCM, la fonction de comptable assignataire des dépenses

de l’administration contrôlée. Il est chargé de contrôler la régularité des ordres de dépenses, de les

mettre en paiement d’une part, et éventuellement de recouvrer les recettes émises par l’ordonnateur

principal d’autre part. Le DCM est tenu par un agent de la Direction Générale des Finances

Publiques (DGFIP).

Enfin, il remplit une mission d’information. En effet, en vertu des dispositions de l’article

7 du Décret du 18 novembre 2005, le CBCM transmet au ministre chargé du budget et à

l'ordonnateur principal auprès duquel il est placé, des informations périodiques, ainsi qu'un rapport

annuel sur l'exécution budgétaire et une analyse de la situation financière. Ce rapport qui est mis à

la disposition du parlement et de la cour des comptes, indique les risques budgétaires et comptables

pesant sur la gestion budgétaire et financière du ministère, ainsi que les moyens mis en œuvre pour

les maîtriser.

A l’analyse, il apparait que le cadre législatif et réglementaire régissant le contrôle budgétaire

en France prévoit des dispositifs permettant un suivi exhaustif de l’exécution du budget du des

administrations publiques. Ils sont conformes à la volonté du législateur organique de 2001 qui

instituait une démarche programmatique de gestion et de contrôle du budget de l’Etat71. Pourtant,

quinze ans plus tard, la persistance des déficits budgétaires de l’Etat suscite la remise en cause de

l’efficacité des dispositifs du contrôle budgétaire, d’où la nécessité de questionner sa finalité en

France.

de l'article 66, et de la gestion en cours, au regard des autorisations budgétaires, ainsi que la qualité de la comptabilité budgétaire. Il concourt, à ce

titre, à l'identification et à la prévention des risques encourus, ainsi qu'à l'analyse des facteurs explicatifs de la dépense et du coût des politiques

publiques». 71 Article 7 de la LOLF «I Un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant

d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et

faisant l'objet d'une évaluation.

II. - Les crédits sont spécialisés par programme ou par dotation

La Présentation des crédits par titre est indicative. Toutefois, les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de chaque programme

constituent le plafond des dépenses de cette nature.

III. - A l'exception des crédits de la dotation prévue au 2° du I, les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds

d'autorisation des emplois rémunérés par l'Etat. Ces plafonds sont spécialisés par ministère.

IV. - Les crédits ouverts sont mis à la disposition des ministres.

Les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'Etat sont regroupés par mission relevant d'un ou

plusieurs services d'un ou plusieurs ministères.

Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Seule une disposition de loi de finances d'initiative

gouvernementale peut créer une mission.

Toutefois, une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics, chacun d'entre eux faisant l'objet d'une ou de plusieurs dotations. De

même, une mission regroupe les crédits des deux dotations suivantes :

1° Une dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ;

2° Une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au

moment du vote des crédits.

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2 - La finalité du contrôle budgétaire en France : la soutenabilité budgétaire

et la maitrise des risques budgétaires.

La présentation du cadre juridique fixant l’organisation et les attributions du CBCM qui vient

d’être faite permet de mesurer l’ampleur de l’évolution de la fonction de contrôle financier.

Précédemment doté de larges pouvoirs de contrôle a priori institués par la loi du 10 août 192272, le

contrôle financier était fortement orienté vers un contrôle de régularité des actes d’engagement. Il

est dorénavant recentré sur la maîtrise de l’exécution des lois de finances et on le désigne désormais

sous le terme de "contrôle budgétaire". Le contrôle budgétaire a pour objet d’apprécier la

soutenabilité de la programmation budgétaire et la qualité de la comptabilité budgétaire.

Les attributions du CBCM s’articulent autour du contrôle de la soutenabilité et la qualité de

la comptabilité budgétaire. Il s’agit d’un ensemble de dispositifs et de modalités de gestion qui

permettent en principe de réduire et de juguler les imprévus de gestion, et par-delà, les déséquilibres

budgétaires.

La réserve de précaution évoquée précédemment et la fongibilité asymétrique des crédits du

titre 2 constituent pour l’Etat, un important gisement de crédits budgétés, dont l’utilisation

rationnelle, tant au niveau national que local, pourrait permettre de faire face aux imprévus. Il s’agit

ainsi de gérer la programmation budgétaire initiale en toute responsabilité, en priorisant les dépenses

obligatoires et inéluctables, pour permettre à l’Etat non seulement d’honorer ses engagements

précédents et courants, mais aussi d’agir ou de pro agir sur les engagements pluri annuels, pour

continuer en dépenses optionnelles, à améliorer les conditions de vie des populations.

La soutenabilité s’apprécie donc sur la programmation budgétaire, c’est à dire au moment de

la répartition des crédits, et se traduit par un ensemble de questionnements :

- La clé de répartition du Document de Répartition Initiale des Crédits et emplois (DRICE)

est-elle pertinente entre les BOP ?

- a-t-on recensé les risques de gestion potentiels et préparé les réponses ?

- existe-t-il un tableau de bord de consommation de crédits par rapport à la prévision

budgétaire ?

- a-t-on préparé les leviers pour réagir aux écarts ?

Les réponses à ces questions permettent aux ordonnateurs et comptables, de nourrir le

dialogue de gestion prévu par la LOLF. Tout comme la mise place des dispositifs de contrôle

interne : les contrôles internes budgétaires et comptables, et l’audit interne, prévus par le décret

2011-775 du 28 Juin 2011, afin de maîtriser les risques de gestion.

72 Sébastien KOTT, le contrôle des dépenses engagées, évolution d’une fonction, éd. PRADON, octobre 2004, 543 pages.

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En somme, la finalité du dispositif de budgétisation par programme institué par la LOLF, qui

est d’assurer une gouvernance des ressources publiques axée sur la performance, est assise sur deux

piliers essentiels.

D’une part, une plus grande liberté d’action des acteurs de la chaine de la dépense, notamment

de l’ordonnateur, en contrepartie de leur responsabilisation plus ou moins accrue. D’autre part, une

meilleure reddition des comptes. Si les marges de manœuvre budgétaire et financière de

l’ordonnateur se sont effectivement renforcées à travers notamment son recours encadré à la réserve

de précaution, les demandes d’ouvertures de nouveaux crédits, le libre usage de la fongibilité, et une

opportunité laissée sans contrôle, le régime de responsabilité qui aurait dû encadrer son déploiement

est demeuré très limité pendant que les marges du contrôleur budgétaire en sont réduites au contrôle

de soutenabilité, sans lien obligatoire ni avéré avec la performance.

En effet, alors que la responsabilité pécuniaire et personnelle du comptable public est

automatiquement engagée quelle que soit la nature de la faute commise dans l’exercice de ses

fonctions73, a contrario, qu’ils soient principaux, secondaires, délégués, ou suppléants, les

ordonnateurs, qui prescrivent ces recettes et ces dépenses,74voient leur régime de responsabilité

complexifié, voire difficile à mettre en œuvre.

Primo, sur le plan politique, la motion de censure qui peut être déposée par les députés, en cas

d’irrégularité budgétaire commise par le gouvernement ou l’un de ses ministres n’est presque jamais

mise en œuvre.

Secundo, la mise en œuvre de la responsabilité civile quant à elle souffre de la multiplicité et

par conséquent de l’inapplicabilité des lois qui la régissent ; car après le problème de la juridiction

compétente, il reste la question de la disproportion entre le patrimoine du ministre et les sommes

irrégulièrement dépensées.

Tertio, conformément à l’article 68 – 1 de la Constitution du 4 Octobre 1958, la responsabilité

pénale des ministres reste circonscrite aux crimes et délits qu’ils auraient commis pendant l’exercice

de leur fonction.

Les autres catégories d’ordonnateurs (secondaires et délégués) soupçonnés d’irrégularité

budgétaire peuvent être déférés devant la cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) qui

peut tout au plus leur infliger des amendes jusque-là plus symboliques que dissuasives.

Le problème est que la LOLF, en indiquant les éléments d’évaluation de la performance

publique : le programme, les objectifs et les indicateurs, n’en fait pas pour autant une obligation à

73Article 17 du décret (GBCP). « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur

incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l'article 60 de la loi du 23 février 1963 visée ci-

dessus » 74Article 10 du décret (GBCP) «Les ordonnateurs prescrivent l'exécution des recettes et des dépenses.

La qualité d'ordonnateur est conférée, pour les personnes morales mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er, dans les conditions prévues aux

titres II et III. Pour les personnes morales mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, elle est régie par la loi.

Les ordonnateurs sont principaux ou secondaires.

Les ordonnateurs peuvent déléguer leur signature et se faire suppléer en cas d'absence ou d'empêchement.

Les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics

assignataires relevant de leur compétence, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget ».

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la charge de l’ordonnateur, qui appréhende à son avantage que sa responsabilité politique et sociale

soit à cet égard diluée dans une simple préconisation sans mesures coercitives. Ces mesures auraient

pourtant donné tout son sens au changement de paradigme de gestion souhaitée par le législateur de

2001. Le contrôleur budgétaire s’en serait trouvé conforté grâce notamment à un faisceau de

dispositifs lui permettant d’accompagner la bonne assise de la performance exigée à travers un

contrôle allant au-delà de la simple soutenabilité, et qui prendrait la forme d’un contrôle de

performance (d‘efficacité, d’efficience et d’économie).

Au final, l’étude du modèle français présente un intérêt certain pour la réforme du contrôle

financier au Cameroun. Le premier est que le modèle camerounais actuel de contrôle financier

entretient une filiation non discutée avec le modèle français classique. Il peut donc paraître logique

eu égard à sa source d’inspiration initiale de voir comment celle-ci a évolué au fil du temps pour

s’adapter aux nouveaux impératifs du droit financier et budgétaire de l’Etat.

Le second est que depuis la réforme de 2001, la France a opéré une révolution en matière de

contrôle financier. On est passé du contrôle financier au Contrôle Budgétaire et Comptable

Ministériel. Cette option porteuse d’un certain nombre de bienfaits notamment en termes

d’efficacité et d’efficience, marque aussi une refondation de la fonction du contrôle désormais

orienté vers des préoccupations plus financières, budgétaires et comptables que juridiques. Tout

comme il serait judicieux pour le Cameroun, d’entreprendre au bénéfice de ses finances publiques,

une fusion des corps de métiers préposés à la comptabilité publique comme c’est le cas en France,

avec la direction générale des finances publiques.

Cependant, une quinzaine d’années après le début de la réforme française, les résultats

demeurent mitigés. Les déséquilibres budgétaires persistent, des outils tels que le contrôle interne

budgétaire et comptable, ainsi que le contrôle de gestion tardent à prendre corps dans les

administrations. Ce qui invite les autorités camerounaises, si elles choisissent de se référer à ce

modèle pour opérer la réforme du contrôle financier, à corriger ses faiblesses et de l’adapter à la

conjoncture camerounaise. Il faut garder à l’esprit que la réforme française s’est elle-même inspiré

des pays anglo-saxons qui apparaissent comme des pionniers sur ces questions. C’est une invitation

à élargir le champ des expériences étrangères en matière de contrôle financier qui pourraient être

utiles au Cameroun pour réformer son dispositif actuel et construire son propre modèle de contrôle

financier.

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Conclusion

Le moment est venu de conclure notre réflexion sur la place du contrôle financier dans la

chaine des dépenses publiques au Cameroun. Celle-ci s’est articulée autour de la question de savoir

quelle est l’incidence du contrôle financier dans la réalisation de la dépense publique au Cameroun ?

En d’autres termes il s’agit de savoir si le contrôle financier est un facteur facilitant ou entravant la

dépense publique dans le contexte camerounais actuel. Grâce à une approche juridique et pratique,

La réponse à cette question a abouti à un constat contrasté. Alors que le contrôle financier, de par

son rôle prétendu de minimisation des risques budgétaires, devrait jouer un rôle de premier plan

dans la réalisation d’une dépense publique de qualité, son apport est plutôt mitigé. Les raisons qui

justifient cet état de chose sont de deux ordres. Les premières sont attachées à l’ambivalence du

cadre juridique régissant le contrôle financier au Cameroun. On note la persistance de textes dont

l’anachronisme heurte de manière frontale les impératifs nouveaux d’efficacité, de célérité et de

performance de la dépense publique, à côté d’une volonté forte de rénover les textes juridiques

portant sur le cadre financier de l’Etat. Cette cohabitation de mauvais genre est préjudiciable à la

mise en œuvre du contrôle financier, faisant de lui un frein à la réalisation efficace de la dépense

publique. Le mélange entre des textes anciens, et des éléments novateurs répondant à la nouvelle

donne en matière de finances publiques ne peut être que contreproductif. Les autres raisons sont

relatives au dispositif de contrôle lui-même qui apparaît classique à bien des égards. Ce classicisme

se matérialise tant au niveau du processus du contrôle, que de ses acteurs. Le contrôle financier

apparait comme un frein à la réalisation de la dépense publique du fait du caractère formaliste de la

procédure, et au regard du visa du contrôleur qui limite la liberté de l’ordonnateur qui y est astreint.

Pour ce qui est des personnels chargés du contrôle, ils sont une source de contre-performance de la

dépense publique. Cette situation est tributaire du profil de formation disparate des contrôleurs

financiers qui n’en fait pas toujours des personnes suffisamment outillées pour assumer de manière

satisfaisante la technicité des contrôles qu’ils doivent effectués. De plus, la précarité de leur statut

ne favorise pas la sérénité nécessaire à l’accomplissement de leur délicate et lourde tâche.

Cette situation, bien que préjudiciable non seulement à l’émancipation de la fonction, mais

surtout à l’exécution efficiente des dépenses publiques, n’est cependant pas irréversible. En effet, il

est possible d’améliorer l’incidence du contrôle financier dans la chaine des dépenses publiques.

Cette idée déjà présente dans la vaste réforme du cadre des finances publiques entreprise dans le

cadre du droit communautaire CEMAC, pourrait utilement se prolonger dans une réforme en

profondeur du cadre du contrôle financier des dépenses publiques dont le modèle français pourrait

être une judicieuse source d’inspiration. Dès lors, ce travail paraîtrait inachevé sans quelques

recommandations essentielles qui à notre sens, pourraient contribuer à améliorer l’impact du

contrôle financier dans la chaine des dépenses publiques au Cameroun. Les premières propositions

sont inhérentes au cadre juridique relatif au contrôle financier. Elles sont essentiellement axées sur

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39

la quête de la cohérence, de la qualité et de la sécurité juridique. Elles se matérialisent d’abord par

une mise en adéquation des textes antérieurs, avec la lettre et l’esprit de la réforme du cadre financier

de l’Etat de 2007. Cette mise en conformité vise ensuite l’arrimage des textes nationaux aux

innovations introduites par le droit communautaire. Dès lors, la transposition des directives doit être

intensifiée. Sur un tout autre plan, il serait opportun d’envisager une réduction des textes régissant

le contrôle financier. Pour finir, la qualité rédactionnelle de ces textes devrait être revue, pour

l’arrimer aux exigences de sécurité juridique (clarté et lisibilité). Les secondes recommandations

visent les acteurs intervenant en matière de contrôle financier. Il s’agit essentiellement d’une part,

d’agir sur la formation, afin de faire disparaître les disparités existant et d’uniformiser leurs profils

jusque-là disparates, afin de s’assurer des aptitudes des contrôleurs financiers. Ensuite, il serait

souhaitable de revoir le statut des contrôleurs financiers, afin de le rendre plus attractif. On pourrait

utilement renforcer son indépendance, ses moyens humains, matériels et financiers, ainsi que son

régime de responsabilité. En effet, la qualité de l’exécution budgétaire et comptable nécessite la

professionnalisation de chacun des acteurs dans la chaîne prévue par la loi de 2007 portant régime

financier de l’Etat qui a introduit la budgétisation par programmes et la gestion publique axée sur

les résultats et la performance de l’action publique.

Il est souhaitable que cette évolution soit accompagnée d’une stratégie adéquate de mise à

niveau des contrôleurs financiers par la mise en œuvre de cycles de formation et de

perfectionnement, explicitant les modalités d’exercice des fonctions tout au long du processus de

l’exécution budgétaire initié par l’élaboration des Projets de Performance des Administrations

(PPA) et achevé par la réalisation des Rapports Annuels de Performance (RAP). Ces travaux doivent

induire la nouvelle vision du contrôle budgétaire qui conduit au renouveau du contrôle financier et

à l’intégration du contrôle interne dont l’objectif est la maîtrise des opérations budgétaires et des

processus de gestion en vue de rationaliser l’exécution des procédures de la chaîne de la dépense

publique, et de réaliser les objectifs des politiques publiques projetés.

Les dernières exhortations portent essentiellement sur les aspects techniques du contrôle

financier à améliorer. De manière générale, le contrôle devrait être réorienté vers des préoccupations

de performance et la quête de résultats. Dans cette perspective on devrait aller vers une

rationalisation du contrôle et vers une utilisation sélective et parcimonieuse du visa budgétaire. De

manière détaillée voici quelques points sans souci d’exhaustivité, qui pourraient retenir

l’attention des décideurs :

Préparation budgétaire : Les contrôleurs financiers sont donc impliqués dans la procédure

d’élaboration de la loi de finances : ils participent aux conférences budgétaires, ils sont destinataires

des dossiers de demandes budgétaires, sont consultés par les bureaux de la direction du budget sur

les demandes budgétaires du ministère auprès duquel ils sont placés, valident avant édition les

Projets de Performance des Administrations (PPA). Ils émettent un avis sur les modifications des

nomenclatures d’exécution budgétaire, ainsi que sur les quantifications des indicateurs. Par ailleurs,

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40

les contrôleurs sont consultés pour visas sur toute opération modifiant le montant des crédits

ouverts : virements, transferts, annulations, ouverture, reports.

Mise en place des crédits : Le décret promulguant la loi de finances étant publié, le contrôleur

financier devrait s’assurer, en collaboration avec l’ordonnateur, que les dispositions d’ordre

technique destinées à assurer la bonne exécution du budget ont été prises, notamment le

chargement du budget, la mise à disposition des textes législatives et réglementaires, la mise à

disposition des pré-imprimés, la prise en charge des accréditations, la tenue des séminaires de

renforcement des capacités, les conférences de programmation ainsi que les mesures concernant les

délégations de crédit et les accréditations budgétaires. A cet égard, ils devraient être

systématiquement consultés sur les termes de la Circulaire annuelle du Ministre des Finances, qui

précise les modalités d’exécution de la Loi de Finances ;

Répartition, PBI, réserve : La répartition initiale des crédits entre programmes, actions et

unités administratives, pourrait faire l’objet d’une présentation normalisée soumise au visa du

contrôleur financier. Ce document de programmation budgétaire initiale (PBI), établie pour chaque

programme, a pour objet de mettre en adéquation l’activité prévisionnelle des services avec les

crédits et les emplois notifiés et attendus. Cette programmation pourrait être accompagnée d’une

prévision des principaux actes de gestion de l’année, et pourrait être effectuée selon un référentiel

propre à chaque ministère, dans le respect des règles fixées par arrêté du ministre chargé du budget.

La programmation présentée par programme devrait être déclinée au sein des actions, celle des

actions au sein des activités, et celle des activités au sein des tâches. Elle peut être établie pour trois

ans, et faire l’objet d’actualisations périodiques. Elle sert de cadre au suivi de son exécution au cours

de la gestion. Le contrôleur financier devrait s‘assurer que la programmation et son exécution sont

« soutenables » au regard des autorisations d’engagements et des crédits de paiements, en permettant

ainsi d’honorer les engagements souscrits ou prévus et de maîtriser leurs conséquences budgétaires

en cours d’année et les années ultérieures. La programmation initiale devrait faire apparaitre la

réserve de précaution, sous réserve des exceptions, en application des dispositions de la loi de

Finances .Enfin, cette programmation devrait tenir compte des quotas d’engagement trimestriels

notifiés aux responsables de crédits ainsi que des plans de passation et d’exécution des marchés

publics. Il conviendrait de définir, au moyen d’une maquette, la forme et le contenu des supports de

Programmation Budgétaire Initiale soumis au visa du contrôle financier, le calendrier applicable à

la procédure ainsi que les conséquences d’un refus de visa. Les programmations sont élaborées en

Autorisations d’Engagement et en Crédits de Paiements.

Dialogue et compte-rendu de gestion : Les acteurs impliqués dans la chaîne d’exécution du

budget seraient tenus de rendre compte des opérations effectuées, à travers la production de comptes

rendu d’exécution budgétaire, produits par les différents acteurs qui interviennent dans la chaîne, en

l’occurrence le Ministre des finances, les ordonnateurs et les comptables. Le Contrôleur financier

devrait participer aux réunions concernant le dialogue de gestion et se faire communiquer toutes les

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41

informations au moyen de tableaux élaborés conformément au format retenu pour la présentation

de la PBI. Le dialogue de gestion constituant un dispositif de partage d’information, et de pilotage

de l’exécution budgétaire qui permet aux ordonnateurs de s’assurer de la bonne utilisation des

crédits, et de la conformité de leurs actes de gestion aux Lois de finances.

Visa des engagements : Le visa préalable des propositions d’engagement est consubstantiel

au métier des contrôleurs financiers. Compte tenu des dispositions des articles 11, 13, 15 et 17 du

Décret n°2013/159 du 15 mai 2013 fixant le régime particulier du contrôle administratif des finances

publiques, l’absence de visa préalable interdit tout paiement ultérieur et rendrait donc l’opération en

cause nulle et non avenue. Le visa budgétaire ne devrait être accordé qu’en considération des

conséquences qu’auront les mesures proposées sur les finances publiques.

La responsabilisation des acteurs de la dépense liée à la budgétisation par la performance et

la mise en place de dispositifs de contrôle et d’audit internes auprès des ordonnateurs devraient

autoriser l’adoption de règles innovantes en matière de contrôle des engagements. Les contrôleurs

financiers devraient mettre au point avec les ordonnateurs, des modalités de soumission au visa qui

tiennent compte de la qualité de ces dispositifs de contrôles afin d’alléger les procédures et de

permettre un redéploiement des travaux vers leurs nouvelles missions. L’appréciation de la qualité

des contrôles internes devrait donner lieu à des audits et contrôles d’actes a posteriori ainsi qu’à des

audits de procédures destinés à vérifier la régularité des dépenses déjà exécutées d’une part, la

qualité et l’efficacité du contrôle interne et du contrôle de gestion mis en œuvre par l’ordonnateur

d’autre part.

Visa des ordonnances : Au regard des dispositions de l’article 11 du Décret 2013/159, un

dispositif permettant une juste répartition des tâches de contrôles entre les Ordonnateurs, les

Contrôleurs financiers et les Comptables devrait être mis en place, afin de simplifier les procédures

et raccourcir les délais d’exécution de la dépense publique.

Travaux de fin d’exercice : Les Contrôleurs financiers pourraient être impliqués dans le suivi

de l’élaboration du compte-rendu final de gestion et des travaux de fin d’exercice qui en résultent.

Destinataires des documents, ils devraient participer aux diverses réunions organisées par les

responsables de programmes et communiqueraient leurs avis sur ces documents à la direction du

Budget. De même qu’ils seraient amenés à valider les documents relatifs aux Rapports annuels de

performance.

L’évaluation a posteriori des résultats et des performances du contrôle de gestion et de l’audit

interne: Les contrôleurs financiers devraient être en mesure d’analyser les résultats, et d'apprécier

l´évaluation a posteriori de la performance des programmes, au regard des objectifs fixés, des

moyens utilisés et de l’organisation des services des ordonnateurs participant ainsi au renforcement

des capacités de maîtrise des outils de pilotage des budgets-programmes. Les Contrôleurs financiers

ne sont pas des acteurs du contrôle de gestion et de l’audit interne. Toutefois, ils devraient, connaître

de ces dispositifs, de leur mise en place effective et de leur efficacité en pratiquant des contrôles a

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posteriori ainsi que des audits de procédures : un programme annuel d’audit pourrait être institué

en accord avec les ordonnateurs. Le contrôle financier voit, avec la mise en œuvre de la

budgétisation par la performance, ses compétences renforcées. Il est désormais chargé de veiller au

caractère soutenable des documents prévisionnels de gestion, des actes de dépense les plus

importants pris par les ordonnateurs et sa mission se trouve donc au cœur de la prévention du risque

budgétaire et de la prise en compte de l’efficacité de gestion. Ainsi, il devrait renforcer ses propres

capacités d’action et intervenir en étroite articulation avec les autres acteurs de la chaîne de la

dépense : le contrôle exercé par les contrôleurs financiers centraux et déconcentrés, sous l’autorité

du ministre chargé du budget, devrait dorénavant porter à la fois sur la régularité des actes de gestion,

en assurant la bonne application des dispositions fiscales, des autorisations budgétaires, des normes

juridiques relatives aux actes de recrutement et de gestion des ressources humaines, à la

contractualisation publique, il devrait également assurer la maîtrise des risques et des enjeux

budgétaires et accompagner l’efficacité et l’efficience de la dépense publique. Car, bien que

l’opportunité reste et demeure de la compétence exclusive de ‘ordonnateur, il faut reconnaitre que

celle-ci porte sur des aspects dont la bonne exécution dépend étroitement des attributions du

contrôleur financier et du comptable public.

Enfin, force est de constater que le recentrage du ministre du rôle du ministre des finances

sur sa mission régalienne de garant de l’équilibre budgétaire, la forte responsabilisation et la liberté

de gestion accordée aux ordonnateurs ne peuvent gagner en cohérence et se justifier, que si le

déploiement organique du ministère des finances en est impacté. Cela pourrait se traduire en une

réduction des organes du ministère placés auprès des structures contrôlées, notamment par la fusion

du contrôle financier et du poste comptable, qui à l’analyse, ont des attributions qui ne sont pas

incompatibles, et restent redondantes pour la plupart. Cette démarche resterait conforme aux

dispositions de l’article 63 de la directive n° 01/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011

relative aux lois de finances.

La réforme du contrôle financier en cours reste donc à améliorer. Ce travail apparait comme

une modeste contribution, avec l’espoir que la rénovation du contrôle financier permettra

l’implémentation dans notre pays, d’une dépense publique de qualité, gage de développement et

d’amélioration des conditions de vie des populations souhaités par les pouvoirs publics./-

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43

ANNEXES

1. Liste des sigles et acronymes

RFR – Régime Financier de l’État

DGB – Direction Générale du Budget

SDCF – Sous – Direction du Contrôle Financier

CEMAC – Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale

OCDE – Organisation pour la Coopération et le Développement Economique

LOLF – Loi Organique relative aux Lois de Finances

CBCM – Contrôle Budgétaire et Comptable Ministériel

GBCP – Gestion Budgétaire et Comptable Publique

DICRE – Document Initial de Répartition des Crédits et Emplois

AE – Autorisation d’Engagement

CP – Crédit de Paiement

DCB – Département du Contrôle Budgétaire

DCM – Département Comptable Ministériel

DGFIP – Direction Générale des Finances Publiques

DPGECP – Document Prévisionnel de Gestion des Emplois et des Crédits de Personnel

PPA – Document de plaidoyer réunissant l’ensemble des programmes définis par les ministères.

Celui-ci est déposé au ministère des finances, chargé des arbitrages budgétaires et de la

consolidation des données, pour établir le projet de loi de finances. RAP – Document établi pour restituer l’exécution du budget par programme. Il est annexé au projet

de loi de règlement, et exprime notamment les performances obtenues par rapport aux

objectifs, indicateurs, et valeurs cibles qui figurait dans le PPA auquel il se rapporte.

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44

BIBLIOGRAPHIE

Livres et ouvrages généraux :

Raymond MUZELLEC et Mathieu CONAN, Finances Publiques, 16eme édition, Octobre

2013, SIREY, 731 pages.

Christophe SINNASSAMY, Finances Publiques, collection dirigée par Cédric TAHRI,

édition 2015, BREAL, 205 pages.

Aurélien BAUDU, Droit des finances publiques, 1ère édition, Août 2015, DALLOZ,

841pages.

Eric OLIVA, Finances publiques, 3ème édition, SIREY, 658 pages. Octobre 2015.

Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN et Jean-Pierre LASSALE, finances

publiques, LGDJ, 898 pages, 14ème édition 2015-2016.

Jacques BUISSON, Finances publiques, DALLOZ, 212 pages. 16ème édition, 2015.

André BARILARI et Michel BOUVIER, la LOLF et la nouvelle gouvernance financière de

l’Etat, 3ème édition, LGDJ, 261 pages. Édition 2010

André BARILARI, Les contrôles financiers comptables, administratifs et juridictionnels des

finances publiques, LGDJ, 180 pages. Édition 2003.

Sébastien KOTT, Le contrôle des dépenses engagées, évolution d’une fonction, PRADON,

542 pages. Edition 2004.

Découverte de la vie publique, les finances publiques, la documentation française,7ème

édition, juin 2013.

Manuel d’exécution et de pilotage du budget programme au Cameroun, édition de Janvier

2013.

Rapports :

Rapport public thématique de la cour des comptes sur la comptabilité générale de

l’Etat, dix ans après, la documentation française, Février 2016.

Sites internet :

www.wikipédiA

www.performance –publique.budget.gouv.fr

www.legifrance-gouv.fr

www.ccomptes.fr

www.viepublique.fr

www.performances.fr

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45

Textes supranationaux

Traité du 16 mars 1994 instituant la Communauté économique et monétaire de l’Afrique

centrale (CEMAC) ;

Convention régissant l’Union des Etats d’Afrique Centrale (UEAC) ;

Directive N° 01/11-UEAC-CM-22 du 19 décembre 2011 relative aux lois de finances.

Directive n° 02/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 relative au Règlement Général

de la Comptabilité Publique.

Directive n° 02/11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011 relative au code de

transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques.

Textes législatifs et réglementaires

La constitution du 4 Octobre 1958 en France ;

Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972, dans

sa lecture d’avril 2008 ;

Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances ;

Loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ;

loi n°74/18 du 05 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et

gérants des crédits publics et des entreprises d'Etat, modifiée en 1976 ;

Loi de n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat ;

Loi n° 2012/1558 du 31 décembre 2012 sur la programmation des finances publiques

pour les années 2012 à 2017 ;

Ordonnance n° 59/02 du 2 Janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances

en France ;

Ordonnance N° 62/OF/4 du 7 Février 1962 portant régime financier de la république

fédérale du Cameroun ;

Décret N°62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la

comptabilité publique ;

Décret n° 77/41/PR du 3 février 1977 fixant les attributions et l'organisation des contrôles

financiers ;

Décret n° 2003/165/PR du 30 juin 2003 portant organisation du ministère des finances

et du budget ;

Décret n°2005-54 du 27 Janvier 2005 relatif au contrôle financier au sein des

administrations de l’Etat ;

Décret n°2005-1429 du 18 novembre 2005 relatif aux missions, à l'organisation et aux

emplois de direction des services de contrôle budgétaire et comptable ministériel ;

Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 portant sur la gestion budgétaire et comptable

ministérielle ;

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46

Décret n°2013/159/PR du 15 mai 2013 fixant le régime particulier du contrôle

administratif des finances publiques ;

décret n°2013/160/PR du 15 Mai 2013 portant règlement général de la comptabilité

publique ;

décret n° 2001/108/PM du 20 mars 2001 Fixant les modalités d’évaluation des

performances professionnelles des fonctionnaires.

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47

Table des matières

Dédicaces…………………………………………………………………………………………...1

Remerciements…………………………………………………………………………………….2

Sommaire…………………………………………………………………………………………..3

Introduction ……………………………………………………………………………………….5

Présentation du contexte de l’avènement de l’ordonnance N° 62/OF/4 du 7 Février 1962 portant

régime financier de la république fédérale du Cameroun: la fonction de contrôle financier exercée

par le comptable du trésor avant le décret N° 77/41 du 3 février 1977 fixant les attributions et

l’organisation des contrôles financiers …………………………………………………………….5

Analyse de la problématique actuelle de la place du contrôle financier dans la chaîne des dépenses

publiques au Cameroun……………………………………………………………………………..6

Présentation de la méthode de travail : une démarche dialectique …………………………………9

Énoncé du plan de travail…………………………………………………………………………...9

Première partie : Une incidence mitigée du contrôle financier dans la chaine des dépenses

publiques au Cameroun…………………………………………………………………………10

A – L’ambivalence du cadre juridique du contrôle financier au Cameroun………………..10

1 - La survivance d’un cadre juridique anachronique : le décret N° 77/41 du 3 février 1977 fixant

les attributions et l’organisation des contrôles financiers, et le décret n° 2003/165 du 30 juin 2003

portant organisation du ministère des finances et du budget……………………………………..11

2 - La rénovation sporadique du cadre juridique du contrôle administratif des finances publiques à

travers la loi de N°2007/006 du 26 décembre 2007 et ses décrets d’application : le Décret

n°2013/159 du 15 mai 2013 fixant le régime particulier du contrôle administratif des finances

publiques, et le décret n°2013/160 du 15 Mai 2013 portant règlement général de la comptabilité

publique……………………………………………………………………………………………15

B – La contre-performance du contrôle financier au Cameroun……………………………18

1 - Des procédures et une finalité contreproductives……………………………………………..18

a)La procédure de contrôle financier comme obstacle à la performance

des administrations………………………………………………………………………………..19

b) Le visa préalable des dépenses comme entrave à la liberté de l’ordonnateur………………...20

2 - Des attributions très techniques pour des acteurs aux profils de formation et

de carrière disparates………………………………………………………………………21

a) Des contrôleurs financiers aux profils de formation disparates…………………………….21

b) Absence de garantie de carrière pour les contrôleurs financiers……………………………22

Deuxième partie : Pour une incidence améliorée du contrôle financier dans la chaine des

dépenses publiques au Cameroun……………………………………………………………….25

A – Une amélioration amorcée par le droit communautaire (les directives CEMAC

N° 01, 02 et 06 /11-UEAC-190-CM-22 du 19 décembre 2011)……………………………25

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1 - Le renforcement visible du statut du contrôleur financier (son érection en acteur

budgétaire à part entière)……………………………………………………………………..27

2 - Le réaménagement perceptible des modalités de contrôle financier (l’institution d’un

contrôle de soutenabilité et la possibilité de moduler le contrôle en fonction des risques)….29

B – L’évolution souhaitée au regard l’expérience française du contrôle budgétaire……...30

1 - L’organisation et les attributions du contrôle budgétaire en France…………………………32

2 - La finalité du contrôle budgétaire en France : la soutenabilité budgétaire et la maitrise des

risques budgétaires………………………………………………………………………………..35

Conclusion………………………………………………………………………………………..38

Bref résumé du contenu des parties………………………………………………………………38

Rappel de la problématique………………………………………………………………………..38

Propositions techniques concrètes, sur la base des directives CEMAC et de l’expérience

française…………………………………………………………………………………………...39

Annexes…………………………………………………………………………………………...43

Liste des sigles et acronymes……………………………………………………………………. .44

Bibliographie…………………………………………………………………………………….. .45

Table des matières…………………………………………………………………………………47

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49

Décret n° 2003/165 du 30 Juin 2003 portant organisation du Ministère des Finances et du Budget

Le Président de la République,

Vu La constitution ;

Vu Le décret n° 2002/216 du 24 Août 2002 portant

réorganisation du gouvernement.

Décrète :

TITRE I

DISPOSITIONS GENERALES

Article 1 :

(1) Le Ministère des Finances et du Budget est placé sous l'autorité d'un Ministre, assisté d'un

Ministre délégué chargé du Budget.

(2) Il est chargé de l'élaboration et de la mise en œuvre de la politique budgétaire et fiscale et de la

politique monétaire et financière de l'Etat.

En matière de politique budgétaire et fiscale, il est responsable :

- de l'élaboration, du suivi et du contrôle de l'exécution du budget de l'Etat en ce qui concerne le

fonctionnement:

- de la stabilisation des finances publiques et de l'ajustement structurel, en ce qui concerne les

finances publiques ;

- des impôts et des douanes ;

- du contrôle financier des organismes dotés d'un budget annexe et des établissements publics

autonomes suivant les règles propres à chaque organisme ;

- du suivi et du contrôle de la gestion des créances et des participations publiques, de l'endettement

des personnes morales de droit public et de l'emploi des subventions ;

- de l'ordonnancement des soldes et pensions ;

- de la gestion et du contrôle du parc automobile de l'Etat.

En matière de politique monétaire et financière, il assure :

- la gestion de la dette publique intérieure et extérieure ;

- la gestion du trésor et de la trésorerie ;

- la promotion de l'épargne et de son emploi pour le développement économique et dans le sens

de l'équilibre financier ;

- le contrôle des finances extérieures, de la monnaie et de la réglementation des changes :

- le contrôle des établissements de crédit, des compagnies d'assurances et des marchés financiers ;

- la coopération financière ;

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50

- le suivi des affaires du Fonds Monétaire International;

- le suivi en ce qui concerne les questions monétaires et financières, de la Communauté

Economique des Etats de l'Afrique Centrale et de la Communauté Economique et Monétaire des

Etats de l'Afrique Centrale.

Il suit en outre la mise en couvre de la politique de l'informatique et de la téléinformatique, en liaison

avec les autres administrations et organismes concernés.

Il préside le Comité Interministériel pour le Programme d'Ajustement Structurel en ce qui concerne

les finances publiques, le Comité Consultatif de Suivi et de Gestion des Ressources PPTE et le

Comité Interministériel de Privatisation des Entreprises Publiques. Lui est rattachée la Mission de

Privatisation des Entreprises Publiques.

Il assure la tutelle de l'institut d'émission, des établissements de crédit, des compagnies d'assurances,

de la Caisse Autonome d'Amortissement, de la Société de Recouvrement des Créances, du Centre

National de Développement de l'informatique, de la Commission des Marchés Financiers et de la

Bourse des Valeurs Mobilières du Cameroun.

Article 2 : Pour l'accomplissement de ses missions, le Ministère des Finances et du Budget dispose:

- de secrétariats particuliers ;

- de cinq (5) conseillers techniques ;

- d'une inspection générale des services ;

- d'une administration centrale ;

- de services extérieurs.

CHAPITREI

DES SERVICES ADMINISTRATIFS ET DE CONTROLE BUDGETAIRE

Article 258 : Les services administratifs et de contrôle budgétaire comprennent :

- les contrôles financiers ;

- les contrôles des finances.

SECTIONI

DES CONTROLES FINANCIERS

Article 259 : Les contrôles financiers sont placés auprès des administrations publiques, des missions

diplomatiques et consulaires et, le cas échéant, des collectivités territoriales décentralisées.

SOUS-SECTIONI

DES AITRIBUTIONS DES CONTROLES FINANCIERS

Article 260 : Les contrôles financiers ont pour mission d'assurer le contrôle a priori de la régularité

budgétaire des opérations de recettes et de dépenses.

A ce titre, ils sont chargés :

- du visa préalable des actes à incidence financière ;

- du visa de la solde et des pensions ;

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51

- du visa des ordonnances de paiement ;

- de la tenue de la comptabilité des engagements -et des ordonnancements ;

- du suivi des évolutions budgétaires de leurs unités d'affectation.

SOUS-SECTION Il

DE L'ORGANISATION DES CONTROLES FINANCIERS

Article 261 : Placé sous l'autorité d'un contrôleur financier, le contrôle financier à l'intérieur du

territoire national comprend :

- le bureau administratif ;

- le service du contrôle des engagements ;

- le service de la solde et des pensions.

Article 262 : Placé sous l'autorité d'un chef de bureau, le bureau administratif est chargé :

- de la réception de tous les documents administratifs et financiers ;

- de l'élaboration et de la préparation de tous les documents et actes administratifs relatifs aux

états de paiement des frais de relève, à la gestion des personnels du contrôle financier, aux

réquisitions spéciales de transport, aux attestations de distance, à la prise en charge sécurisée des

documents administratifs.

Article 263 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service du contrôle des engagements est chargé :

- du contrôle de l'exécution du budget ;

- du contrôle de l'accréditation des gestionnaires de crédits et des comptables- matières ;

- du contrôle juridique des actes à incidence financière ;

- du contrôle des engagements et du rythme de consommation des crédits ;

- du contrôle de la régularité des marchés et des décomptes y afférents ;

- du suivi du fonctionnement et du contrôle des régies de recettes ;

- du suivi de l'apurement des comptabilités et du contrôle des régies d'avances.

(2) Il comprend :

- le bureau des engagements comptables ;

- le bureau des engagements juridiques ;

- le bureau des régies:

Article 264 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service de la solde et des pensions est chargé, en ce

qui concerne les dépenses de personnel :

- du visa solde ;

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52

- du contrôle juridique des projets d'actes de recrutement et d'avancement des personnels du

ministère ou de l'unité d'affectation ;

- du contrôle des engagements et du rythme de consommation des crédits ;

- du contrôle juridique des projets d'actes concédant les pensions de vieillesse, de décès, de

rentes viagères et d'invalidité aux personnels du ministère ou de l'unité d'affectation ;

- du contrôle et de la liquidation des droits des personnels retraités ;

- du contrôle du fichier des personnels des unités de rattachement.

(2) Il comprend :

- le bureau de la validation ;

- le bureau des statistiques ;

- le bureau du visa solde.

SOUS-SECTION III

DU FONCTIONNEMENT DES CONTROLES FINANCIERS

Article 265 : Un arrêté du Ministre des Finances et du Budget précise en tant que de besoin le

fonctionnement des contrôles financiers.

SOUS-SECTION IV

DES CONTROLES FINANCIERS AUPRES DES MISSIONS DIPLOMATIQUES ET

CONSULAIRES

Article 266 : Les modalités de création, d'organisation et de fonctionnement des contrôles financiers

auprès des missions diplomatiques et consulaires sont régies par un décret du Président de la

République.

SECTION Il

DES CONTROLES DES FINANCES

Article 267 : Les contrôles des finances comprennent :

- les contrôles provinciaux des finances ;

- les contrôles départementaux des finances ;

- les contrôles des finances d'arrondissement.

SOUS-SECTION I

DU CONTROLE PROVINCIAL DES FINANCES

Article 268 :

(1) Placé sous l'autorité d'un contrôleur provincial, le contrôle provincial des finances, dans le ressort

de sa circonscription, est chargé :

- du visa des actes d'engagement juridique et comptable des dépenses ;

- de la centralisation des informations relatives à la préparation du budget des services

administratifs et des collectivités territoriales décentralisées ;

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- du visa et du contrôle du budget des collectivités décentralisées non pourvues de contrôle

financier ;

- du contrôle de l'exécution cru budget de l'Etat ;

- du contrôle de l'accréditation des gestionnaires de crédits ;

- du suivi et du contrôle permanent des régies de recettes ;

- du suivi budgétaire au niveau de la province ;

- de la coordination des contrôles départementaux des finances ;

- de la gestion du parc automobile civil de l'Etat ;

- de l'exécution des dépenses communes.

(2) Il comprend :

- trois (3) contrôleurs-vérificateurs du budget ;

- le bureau du courrier et de liaison ;

- le garage administratif annexe ;

- le service administratif et financier ;

- le service de la solde et des pensions ;

- le service des régies de recettes ;

- le service des visas.

Article 269 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de garage, le garage administratif annexe est chargé :

- de la gestion technique du parc automobile civil de l'Etat ;

- du contrôle des immatriculations et de l'affectation des véhicules administratifs

(2) Il comprend :

- le bureau des affaires générales ;

- le bureau technique.

Article 270 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service administratif et financier est chargé de la

gestion du budget et du personnel.

(2) Il comprend :

- le bureau du budget ;

- le bureau du personnel.

Article 271 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service de la solde et des pensions est, en ce qui

concerne les agents de l'Etat relevant du code du travail, chargé :

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- du contrôle juridique de tous les projets d'actes de recrutement et devancement ;

- du contrôle juridique des projets d'actes concédant les pensions de vieillesse, de décès, de

rentes viagères et d'invalidité ;

- du contrôle de la liquidation des droits des agents retraités.

(2) Il comprend :

- le bureau des pensions ;

- le bureau de la solde.

Article 272 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service des régies de recettes est chargé du suivi et

du contrôle des régies de recettes.

(2) Il comprend :

- le bureau des régies de recettes ;

- le bureau des statistiques.

Article 273 :

(1) Placé sous l'autorité d'un chef de service, le service des visas est chargé :

- du contrôle et du visa en premier ressort, des engagements et du rythme de consommation

des crédits ;

- du contrôle juridique des actes à incidence financière ;

- du contrôle de l'accréditation des gestionnaires de crédits et des comptables- matières ;

- de la centralisation des données budgétions.

(2) Il comprend :

- le bureau des contrôles ;

- le bureau des visas.

SOUS-SECTION Il

DU CONTROLE DEPARTEMENTAL DES FINANCES

Article 274 :

(1) Placé sous l'autorité d'un contrôleur départemental, le contrôle départemental des finances est

chargé :

- du contrôle et du visa des engagements ;

- de la coordination des contrôles des finances d'arrondissement ;

- de la tenue des fiches d'informations budgétaires au niveau du département.

(2) Il comprend :

- le bureau des affaires administratives ;

- le bureau des affaires financières et comptables ;

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- le bureau des visas.

SOUS-SECTION II

DU CONTROLE DES FINANCES D'ARRONDISSEMENT

Article 275 : Placé sous l'autorité d'un contrôleur, le contrôle des finances d'arrondissement a, dans

son territoire de compétence, les mêmes attributions que le contrôle départemental des finances.

Article 369 : Les nominations aux postes de responsabilité prévus dans le présent décret se

feront conformément aux profils retenus dans le cadre organique ci- joint en annexe.

Article 370 : Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires.

Article 371 : Le présent décret sera enregistré et publié suivant la procédure d'urgence, puis inséré

au Journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 30 Juin 2003

Le Président de la République,

(é) Paul Biya

REPUBLIQUE UNIE DU CAMEROUN PAIX-TRAVAIL-PATRIE

DECRET N° 77/41 DU 3 FEVRIER 1977 Fixant les attributions et l'organisation des contrôles

financiers.

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,

VU La constitution du 2 juin 1972 modifiée par la loi n° 75/1 du 9/5/75;

Vu Le décret n° 75/705 du 10 novembre 1975 portant Réorganisation du Ministère des finances;

Vu Le décret N° 73/222 du 5/5/73 fixant les attributions et l'organisation des contrôles financiers

modifié par le décret N° 75/508 du 4/7/75;

Vu L'ordonnance N° 62/OF/4 sur le régime financier de la République Unie du Cameroun;

Considérant les nécessités de services.

DECRETE:

I- De la création des contrôles financiers

Article 1er. — Les contrôles Financiers peuvent être crées par arrêté Présidentiel auprès des

Ministères, des Missions Diplomatiques et Consulaires, des Etablissements publics appliquant la

comptabilité Administrative et les collectivités publiques locales.

Article 2. —Les contrôleurs Financiers et leur Adjoints, nommés par arrêté du Premier Ministre,

sont placés sous l'autorité du Ministre des Finances. Ils ont respectivement rang:

1. à l'intérieur du Territoire National: a) de sous-directeur d'Administration Centrale; b) de chef de

service d'Administration Centrale. 2. auprès des Missions Diplomatiques et Consulaires; a) de

deuxième Conseiller d'Ambassade; b) de premier secrétaire d'ambassade.

II- Des attributions des contrôles financiers

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Article 3. — Les contrôles financiers sont chargés d'assurer le Contrôle des actes administratifs

générateurs des recettes et des dépenses soit par les chefs des départements Ministériels, les chefs

des missions diplomatiques et consulaires, les responsables des organismes et d'établissements

publics, soit par leurs subordonnés.

Article 4. — Dans le cadre de l'application des lois et règlement en vigueur, les contrôleurs

financiers sont chargés notamment:

A/ Au titre du budget de l'Etat et des établissements publics: - du contrôle et du visa de tous les actes

d'engagement juridique et comptable ayant une incidence financière sur le budget de l'Etat ou des

Etablissements publics concernés à l'exclusion des baux et conventions. - du contrôle de

l'accréditation des gestionnaires des crédits et des gestionnaires-liquidateurs. - du contrôle des

engagements et du rythme de consommation des crédits. - de la tenue du fichier des personnels des

services auprès desquels ils sont placés. - de l'émission des titres de voyage (réquisitions) - du

contrôle de la régularité des décomptes des marchés passés par les services de leur ressort. - du

contrôle du bon fonctionnement des régies de recettes. - du contrôle et de l'apurement des

comptabilités des régisseurs d'avance et des comptables-matières. - d'une manière générale du

contrôle de l'exécution des budgets. B/ Au titre des collectivités publiques secondaires - du contrôle

et du visa des budgets notamment; - des actes d'engagement juridique et comptable; - des recettes;

- des marchés; - des contrôles et de l'apurement des comptabilités des comptables-matières.

Article 5. — Dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, les contrôleurs financiers reçoivent

délégation de signature portant sur les matières de leur compétence.

Article 6. — Le contrôleur Financier peut requérir des administrations ou d'une façon générale, des

services, des missions diplomatiques et consulaires, des collectivités publiques secondaires ou

établissements dont il contrôle ou surveille la gestion, communication de tous les documents

financiers ou comptables ou toutes études économiques nécessaires à l'accomplissement de sa

mission.

Article 7. — Tous les documents budgétaires du Département Ministériel, des Missions

Diplomatiques et Consulaires, des Etablissements publics ou des collectivités publiques secondaires

concernés sont communiqués au contrôle financier dans les délais tels que celui—ci puisse faire

connaître ses observations au Ministre des Finances et éventuellement au Ministre de tutelle avant

toute discussion sur le fond.

Article 8. — Le contrôleur financier est informé des lieux, dates et ordres du jour des réunions des

commissions administratives traitant des questions financières et économiques dans le cadre de ses

compétences. Il est notamment membre des commissions de réception des marchés passés par les

Ministères intéressés. Il est membre des commissions de réforme ou d'adjudication de matériel, des

commissions d'avancement du personnel non fonctionnaire.

Au cas où il n'est pas désigné dans les commissions citées à l'alinéa ci-dessus, il assiste le

représentant du Ministère des finances dans les réunions interministérielles de sont ressort.

Article 9. — Tout projet d'arrêté, d'instruction ou de décision de nature à entraîner une incidence

financière directe sur le budget concerné doit être communiqué au Contrôleur Financier pour avis.

Ses avis doivent être versés au dossier et y restés en permanence.

Article 10. — Le contrôleur Financier ne peut refuser son visa pour des motifs se rapportant à

l'application des dispositions d'ordre financier des lois et règlements ou à la régularité de l'exécution

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du budget. Sans refuser son visa, le contrôleur financier peut l'assortir d'observations dont copie est

adressée immédiatement au Ministre des Finances.

En cas de visa avec réserve, copie de la note doit être adressée au comptable assignataire dans les

brefs délais. Un rejet définitif opposé par le Contrôleur Financier à un acte ne peut être que sur

instruction écrite de son supérieur hiérarchique conformément à l'Article 5 de la loi n° 74/18 du

5/12/1974 modifiée et complétée par la loi n° 76/4 du 4 juillet 1976.

Article 11. — Sur instructions spéciales, le contrôleur Financier peut procéder à toutes les

investigations utiles et éventuellement bénéficie du concours de la brigade des contrôles

Article 12. — Dans le cadre de leurs activités, les contrôleurs Financiers correspondent directement

avec les Chefs des Départements Ministériels et les responsables des organismes auprès desquels

ils sont placés. Copies de leurs correspondances sont adressées au Ministre des Finances et le cas

échéant au Ministre de tutelle dont relève l'organisme ou la collectivité publique secondaire.

III- De l'organisation des contrôles financiers

Article 13. — Les contrôles Financiers constituent les services extérieurs du Ministère des Finances

relevant de la Direction du Budget. Chaque contrôle financier à l'intérieur du territoire National

comprend quatre Bureaux dont les chefs sont assimilés aux chefs de Bureaux d'Administration

Centrale. Ce sont: - Le bureau administratif, - le bureau des engagements juridiques, - le bureau des

engagements comptables, - le bureau des régies et de la comptabilité-matières. L'organisation des

contrôles Financiers auprès des Missions Diplomatiques et Consulaires est fixée par un texte

particulier

Article 14. — Les contrôleurs financiers sont tenus de produire à la fin de chaque trimestre un

rapport d'activités au Ministre des Finances. Copie des rapports est adressée au Ministre intéressé

ou au responsable de l'organisme auprès duquel il est placé.

Article 15. — Les crédits nécessaires au fonctionnement des contrôles Financiers sont prévus

annuellement au budget du Ministère des Finances (Direct du Budget)

Article 16. — Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires à celles du présent décret et

notamment les décrets n° 73/222 du 5 mai 1973 et 75/50 du 4 juillet 1975.

Article 17. — Le Ministre des Finances est chargé de l'application du présent décret qui sera

enregistré, publié au journal officiel en Français et en Anglais et communiqué partout où besoin

sera.

YAOUNDE, le 3 février 1977 LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE AHMADOU AHIDJO