master 1 « handicap et autonomie »
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INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LA READAPTATION
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Directeur Professeur Yves MATILLON
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LE JARDIN DE SOIN :UN ESPACE NATUREL PARTICIPANT A L’ACCOMPAGNEMENT
DES ADULTES SOUFFRANTDE TROUBLES DU SPECTRE AUTISTIQUE
MEMOIRE présenté pour la validation du
MA S TER 1 « H AN DICAP ET A U TON OMIE »
Par
CHEVALIER Camille
Autorisation de reproduction LYON, le 29.06.2012
Professeur Yves MATILLONResponsable de la FormationDocteur François CHAPUISCoordinateur Pédagogique
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer ici ma profonde gratitude à toutes les personnes qui m’ont aidée et
soutenue tout au long de cette réflexion.
Je ne saurais comment vous remercier suffisamment, vous qui avez accueilli avec
bienveillance ma curiosité et qui avez porté un vif intérêt à mon travail me confortant dans
ma recherche. Je ne pourrai tous vous citer car vous êtes nombreux :
Sincères remerciements au Pr Alain CALENDER qui par son énergie et ses qualités
humaines est une source essentielle à la naissance et à la pérennité de nombreux projets
de Jardin de Soin.
Un grand merci à Nicolas BALTENNECK qui m’a offert très généreusement de son temps et
m’a redonné des repères lorsque le sentiment d’égarement était à son paroxysme.
Merci aux équipes de professionnels (ils se reconnaîtront) qui ont su me faire une place
chaleureuse parmi eux contribuant à un cadre agréable et positif pour mon travail et qui
ont répondu à mes nombreuses questions,
Et merci à tous les résidants rencontrés au cours de ces expériences.
Enfin des remerciements particuliers à Franck PARIOST pour le partage de son amour du
Jardin, à Nadia OUDJI pour son écoute attentive et bienveillante et aux membres de ma
famille pour leur aide technique et morale indispensable.
MERCI !
« J’ai besoin d’une vie relativement calme et structurée avec de l’espace et
de la clarté ». Wendy Lawson.
« Le jardin illustre un mode de relation à l’environnement commun à
toutes les civilisations et à toutes les cultures : son existence répond à une
nécessité intemporelle » Denis Richard
SOMMAIRE
Introduction...................................................................................................................... 1
I Partie théorique......................................................................................................... 4
I.1 AUTISMES ET TROUBLES ENVAHISSANTS DU DEVELOPPEMENT .......................................... 4
1.1 Historique du terme « autisme » ........................................................................................ 4
1.2 Définition : de la triade autistique au spectre autistique et continuum............................. 5
1.3 Classifications ...................................................................................................................... 6
1.4 Epidémiologie...................................................................................................................... 6
1.5 Différentes approches étiologiques et mécanistiques....................................................... 7
1.6 Evolution des personnes avec T.E.D. : approche intégrative ............................................ 10
1.7 Symptômes, signes associés et situations de handicap .................................................... 10
1.8 Evaluations ........................................................................................................................ 15
1.9 Prises en charge : un accompagnement............................................................................ 16
I.2 LES JARDINS : ESPACES AUX MULTIPLES FACETTES........................................................... 20
2.1 Quelques définitions ......................................................................................................... 20
2.2 Les bienfaits reconnus des jardins et du jardinage ........................................................... 21
I.3 LES JARDINS COMME SOUTIEN AUX SOINS....................................................................... 23
3.1 L’approche de l’Hortithérapie ........................................................................................... 23
3.2 Etudes et témoignages ...................................................................................................... 26
3.3 Les principes des Jardins de soutien thérapeutique ......................................................... 27
II Partie expérimentale................................................................................................ 30
II.1 LE FOYER D’ACCUEIL MEDICALISE D’AUXONNE ET SON « NOUVEAU » JARDIN............... 31
1.1 Le cadre institutionnel....................................................................................................... 31
1.2 Un espace « Jardin » récent en construction ................................................................... 31
1.3 La population accueillie : des handicaps « pluriels » et sévères ...................................... 32
1.4 Le fonctionnement : participation aux ateliers de façon ponctuelle ................................ 32
1.5 L’environnement : quel contact avec la Nature ? ............................................................. 33
II.2 LE FOYER DE VIE DE RUZIERE : LE JARDIN COMME ACTIVITE DE LA VIE QUOTIDIENNE.... 34
2.1 Le cadre associatif ............................................................................................................. 34
2.2 Un jardin-potager fonctionnel et intégré ......................................................................... 34
2.3 La population accueillie : des résidants plus autonomes.................................................. 34
2.4 Le fonctionnement : participation continue à l’atelier ..................................................... 35
2.5 L’environnement : une Nature riche au sein même de la structure................................. 35
III Les atouts de l’activité de jardinage et de la relation avec la Nature pour les personnes
souffrant de troubles autistiques..................................................................................... 36
III.1 UN A PRIORI NEGATIF DES PROFESSIONNELS. POURQUOI?........................................... 36
1.1 Le besoin de contenance................................................................................................... 36
1.2 Le risque de surcharge sensorielle .................................................................................... 37
1.3 L’immuabilité et les changements au jardin (saisons, plantes)......................................... 37
1.4 Les difficultés dans les activités complexes (fonctions exécutives) .................................. 37
III.2 L’ADAPTATION DES ACTIVITES AU SEIN DU JARDIN : UNE ERGONOMIE SPECIFIQUE A
RECHERCHER........................................................................................................................... 39
2.1 Ergonomie sensorielle et motrice .................................................................................... 39
2.2 Ergonomie psycho-cognitive : une ergonomie « émotionnelle » ..................................... 41
2.3 Ergonomie sociale : le groupe et le langage...................................................................... 44
III.3 L’ESPACE DU JARDIN COMME CONTACT AVEC LA NATURE............................................ 45
Conclusions et ouvertures ............................................................................................... 48
1
INTRODUCTION
L’autisme est un concept pathologique large s’intégrant dans les Troubles Envahissants
du Développement (T.E.D.). Il existe plusieurs dizaines de syndromes autistiques et on parle
volontiers de Troubles du Spectre Autistique (T.S.A.). La prévalence de l'autisme est évaluée
à un enfant sur 150. Cette épidémiologie surprenante fait que les T.E.D. sont aussi fréquents,
voir plus, que la maladie d’Alzheimer. Certaines associations réclament d’ailleurs que
« l’autisme » soit représenté à la C.N.S.A.1, vu la prévalence de ce handicap et font
remarquer que l’Etat investit moins dans la prise en charge de la personne autiste que pour
la maladie d’Alzheimer. D’ailleurs, le ministère de la santé reconnaissait dans un dossier de
presse en mai 2008, « un vrai retard en matière de prise en charge des personnes autistes en
France ».. Le Conseil de l'Europe avait même condamné à trois reprises la France pour
discrimination à l'égard des personnes autistes. Le Plan Autisme 2008-2010 est alors mis en
place. Mais, l’association « Autisme France » dresse en 2011 son bilan et estime que les
formations ne sont toujours pas à jour, et que la prise en charge n’est toujours pas à la
hauteur des pays étrangers. Plusieurs polémiques et controverses éclatent, notamment avec
le rapport LÉTARD en décembre 2011. C’est alors que le premier ministre accorde le label de
Grande Cause Nationale à « l’autisme » pour l’année 2012. L’autisme est donc au cœur des
préoccupations politiques concernant le handicap. Mais qu’est ce que « l’autisme », ou
plutôt « les autismes », les T.E.D. ? Les T.E.D. vont affecter tous les domaines du
développement de l’enfant et de la vie de la personne, et sont donc sources de situations de
handicap très variées. Nous pouvons noter les trois piliers principaux qui concernent des
altérations dans les interactions sociales, la communication et le caractère restreint d’intérêt
et d’activité. Les chercheurs, malgré plus d’une décennie de travaux, ne connaissent pas
l’origine physiopathologique précise de ce syndrome qui serait multigénique et plurifactoriel.
Plusieurs approches des mécanismes de genèse de la maladie ont été proposées. Les T.E.D.
ont longtemps été considérés comme des troubles de nature psychiatrique, mais l’évolution
des connaissances sur le développement, la structure fonctionnelle et la neurobiologie du
cerveau ont conduit la communauté scientifique à évoquer une pathologie plutôt somatique
d’ordre neurologique et cognitif. Les prises en charge et accompagnements de la personne
atteinte d’un T.S.A. sont « pluriels », alliant une approche éducative et thérapeutique à de
1Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie
2
nombreux types différents de médiation. Du fait des troubles cognitifs induits par le
syndrome, la personne a tendance à un repli sur soi, et éprouve des difficultés à être
autonome dans toutes les composantes de la vie personnelle et sociale. Selon la D.R.E.S.S.2
en 2005, 75% des adultes souffrant de T.S.A. vivent dans des structures accueillant des
personnes handicapées.
La société tend d’ailleurs à « bétonner » et « standardiser » ces lieux de vie et
d’accompagnement des personnes souffrant de ces déficits et de ce type de handicap : que
ce soit dans les établissements médicaux purs (regroupements hospitaliers où l’on entasse
bâtiment sur bâtiment) ou les établissements dits médico-sociaux (comme les E.H.P.A.D.3
créés « en kit » ), perdant alors toute dimension humaine, induisant une « double peine » à
type de double enfermement (physique et lié au handicap lui-même). Ces lieux aseptisés
sont souvent privés d’espace et de Nature, ou disposent d’espaces extérieurs impersonnels
(carré de pelouse, patios) peu attractifs pour constituer réellement un lieu où la personne
sera tout simplement « bien ». De nombreux courants de pensée (in RICHARD, 2011), tels
que les concepts de naturalisme, d’éco-psychologie, de biophilie (l’amour de tout ce qui est
vivant), soutiennent, comme John MUIR (un des premiers naturalistes modernes du début
du XXème siècle), l’existence d’une « relation indissoluble nouée entre l’homme et la Nature,
conditionnant notre équilibre mental et psychique ». Erich FROMM, psychanalyste allemand,
parle d’attirance du vivant pour la vie (attractions positives, empathie spontanée). Les
scientifiques se sont alors interrogés sur ces liens. Notamment ils ont montré, dans les
simulateurs de station spatiale, que « la vision de certains paysages serait associée à une
amélioration des performances cognitives et à la réduction du stress ». Dans un autre
registre, le mouvement des « Green Guerrillas » a été initié à Manhattan en 1973
transformant les parcelles en friche en espaces de jardinage, et a permis la naissance de ces
jardins collectifs, espaces de sociabilité, de sécurité et de « santé sociale ». Si le jardinage
peut se muer en expression militante, c’est en raison du fait que son influence sur la
« santé » morale, sociale, psychique et physique est largement reconnue. Effectivement,
parallèlement au développement des jardins à caractère social (ouvrier, familiaux,
communautaires, etc.), l’utilisation du jardinage et du bien-être procuré par la Nature a
repris sa place (notons que la Nature et les Jardins étaient déjà utilisés à d’autres époques
2Direction de la Recherche des Etudes de l’Evaluation et des Statistiques
3Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
3
dans différentes civilisations), dans le milieu du soin dès le XIXème siècle, notamment dans
les pays anglo-saxons, avec la création d’une nouvelle approche dénommée
« Hortithérapie ». Si cette approche s’est étendue dans de nombreux pays de part le monde
et dans de nombreux domaines comme la gériatrie par exemple, elle semble être
particulièrement reconnue comme un outil bien adapté à la prise en charge des patients
souffrant de pathologies mentales.
Le Jardin, et les approches en hortithérapie seraient-elles alors bénéfiques dans le
cadre de l’accompagnement des personnes souffrant de T.E.D. ? Quelques professionnels
témoignent de son utilité auprès de personnes présentant des T.S.A. Citons Anne RIBES,
infirmière pratiquant les principes de l’hortithérapie auprès d’enfants autistes, qui exprime
ces bénéfices à travers un témoignage personnel dans son livre « Toucher la Terre ».
Cependant, et même au niveau mondial, il n’existe pas d’études à grande échelle spécifiques
à ce sujet. Au-delà de la difficulté d’établir des cohortes de patients homogènes, les
pathologies concernées étant elles-mêmes très hétérogènes, le Jardin, médiateur de lien
social, ne pourrait-il pas justement participer à l’ouverture des « canaux relationnels » chez
ces personnes qui souffrent notamment de troubles des interactions sociales ? Peut-on
parler de réels bénéfices pour ces personnes montrant des fonctionnements cognitifs très
différents ? Comment un Jardin pourrait-il être intégré à la prise en charge et à l’évolution
de l’adulte autiste dans les établissements à vocation médico-sociale qui les accueillent ?
Voici de nombreuses interrogations auxquelles j’ai souhaité apporter, si ce n’est une
réponse, une réflexion préliminaire. Celle-ci s’articulera donc autour de cette
problématique : « De quelles manières un Jardin, dans sa dimension « outil de soin », peut-il
contribuer à la prise en charge d’une personne adulte souffrant de troubles du spectre
autistique au sein d’un établissement médico-social ? ».
Pour émettre des hypothèses sur ce thème, je présenterai dans une première partie
théorique les caractéristiques cliniques du « continuum autistique », puis les représentations
du « jardin » et ses bienfaits connus, et enfin un historique de l’hortithérapie, les études
menées sur les intérêts de cette pratique et les principes à retenir pour la conception d’un
Jardin de soin. Dans une seconde partie plus concrète, je présenterai les deux Foyers de Vie
accueillant des personnes avec T.S.A. qui m’ont accueillie pour m’aider à répondre à ces
questions. Enfin, dans une troisième et dernière partie, je développerai des hypothèses en
m’appuyant sur mon vécu, mes rencontres, mes recherches et mes observations directes.
4
I PARTIE THEORIQUE
I.1 AUTISMES ET TROUBLES ENVAHISSANTS DU DEVELOPPEMENT
Dans cette première partie, nous allons présenter de façon globale les Troubles
Envahissants du Développement (T.E.D.) dont font partie « les autismes » ou Troubles du
Spectre Autistique (T.S.A.), en montrant la complexité de la description des symptômes
cliniques variés, de ses origines et mécanismes physiopathologiques, et des situations de
handicap engendrées.
1.1 Historique du terme « autisme »
« Le mot « autisme » vient du grec « autos » signifiant « soi-même ». Jusqu’en 1943,
le terme autisme est employé dans la psychiatrie pour définir le repli sur soi, caractéristique
de la schizophrénie » (CHAUVEAU-CH., 2010). En effet, il est fondamental de rappeler que
c’est le psychiatre Eugen BLEULER qui a introduit ce terme en 1911 (KAUFMANT ,1988), pour
comprendre la confusion qui persiste encore parfois entre schizophrénie et tableau
autistique.
En 1943, Léo KANNER, psychiatre américain, décrit une nouvelle entité clinique qu’il
nomme alors « autisme infantile précoce», à partir d’une description clinique chez onze
enfants. Les traits sémiologiques communs se caractérisent alors par un isolement extrême
(désintérêt total et indifférence aux sollicitations d’autrui - « aloneness » (solitude)), par des
troubles du langage, par un besoin incoercible d’établir et de maintenir des repères stables :
« sameness » (immuabilité), par des stéréotypies, par des rituels avec un caractère limité
dans les activités spontanées. Ce psychiatre, dont le nom est associé aux formes dites
« pures » de l’autisme dit « de KANNER », insista sur la notion nouvelle de « l’autisme »
comme distincte de la déficience intellectuelle et de la psychose (comme la schizophrénie).
Hans ASPERGER décrit en 1944 quatre cas de psychopathie autistique. Ses
descriptions ont de nombreux éléments en commun avec celles de Léo KANNER. En
revanche, ces enfants présentaient une forte préoccupation vers des intérêts thématiques
particuliers et des capacités de langage bien meilleures.
5
La justesse des tableaux décrits par Léo KANNER, et Hans ASPERGER fait encore
référence aujourd’hui sur le plan nosologique (voir 1.3 classifications). Leurs concepts
englobaient déjà des réalités individuelles fortes différentes avec des frontières relativement
floues (voir 1.2 spectre et continuum) malgré un noyau commun de signes majeurs (voir 1.2
la triade).
1.2 Définition : de la triade autistique au spectre autistique et continuum
Actuellement, l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) définit l’autisme comme
suit : « L’autisme est un trouble envahissant du développement caractérisé par un
développement anormal ou déficient, manifesté avant l’âge de trois ans, avec une
perturbation caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines suivants :
».
Un consensus international4 reconnaît dans la « triade autistique classique » le noyau des
signes diagnostiques qui permet d’identifier les enfants comme « souffrants » de T.E.D.
« L’expression et la sévérité des signes comportementaux sur lesquels est basé le
diagnostic peuvent être très variables en fonction des sujets et donner lieu à des tableaux
interindividuels très différents […] on parle alors des désordres du spectre autistique (D.S.A.)
pour englober tous les cas. Cette notion de spectre autistique renvoie à celle de continuum
qui rend compte de la diversité des cas et de leur gradation.» (TARDIF, 2010).
4Le consensus international correspond à la mise en accord principalement du D.S.M. IV- T.R. 2000 et de la
C.I.M. 10 : voir les définitions en annexe 1.
Les interactions
sociales
réciproques
La
communication
Les
comportements au
caractère restreint
et répétitif
6
1.3 Classifications
Dans le domaine des troubles mentaux, trois classifications majeures sont utilisées : la
C.I.M. 10 (O.M.S.), le D.S.M.-IV-T.R. (Américaine) et la C.F.T.M.E.A.-R. (Française)5. Si un
langage commun se dessine, reconnaissant largement l’autisme comme faisant partie des
T.E.D., des divergences persistent. Les différentes positions sont dues aux soubassements
théoriques, la classification française d’inspiration psycho-dynamique continue à penser les
autismes comme psychose infantile, alors que la classification américaine a abandonné cette
notion et considère les T.E.D. comme syndrome depuis 1987 (voir le tableau comparatif de
l’H.A.S., Annexe 2). Il est important de comprendre ces différences, car les prises en charge
(ou accompagnements) ont été durant longtemps, soit « tout éducatif », soit « tout
thérapeutique » selon la référence choisie. Aujourd’hui, les deux approches tendent à se
rejoindre dans une prise en charge par des moyens synergiques alliant les deux conceptions.
Pour nous aider à nous repérer dans ce continuum du spectre autistique, nous pouvons
distinguer trois grands types d’autisme :
1.4 Epidémiologie
Charles AUSSILLOUX évaluait dans une étude en 2008 l’existence de 100 00 autistes
et de 250 000 à 350 00 sujets souffrant de T.E.D, dont 91 500 à 106 000 jeunes de moins de
20 ans (données de l’H.A.S, 2009). Si l’autisme a longtemps été rapporté comme un trouble
rare (moins de 5/10000 avant 1970), les estimations n’ont cessé d’augmenter : l’I.N.S.E.R.M.6
donnait un taux de prévalence avoisinant 27,3/10 000 T.E.D. en 2001, alors que l’H.A.S. fait
5CIM : Classification Internationale des Maladies, DSM-IV-TR : Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles
Mentaux, CFTMEA-R : Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent.6
Institut Nationale de la Santé et de la Recherche Médicale
Type Désintégratif :
régression autistique
après développement à
priori normal avec
acquisition du langage
Type Asperger :
Sans retard
cognitif, ni retard
de langage
Type Kanner :
autisme assez
classique
7
un état des lieux en 2010 avec un taux de l’ordre de 60/10 000. Ces « augmentations »
épidémiologiques peuvent s’expliquer par l’amélioration des stratégies diagnostiques, une
meilleure prise en compte des troubles à un âge précoce, ou par l’utilisation d’outils
diagnostiques plus larges, et enfin peut être par des facteurs environnementaux (y compris
sociaux et économiques). La prévalence actuelle des T.E.D. correspondrait alors à 1/150
enfants : valeur très élevée. (I.N.E.D.7, 2009).
En terme de sex-ratio, il existe un déséquilibre fort en défaveur des garçons, les T.E.D.
étant trois à quatre fois plus fréquents chez les garçons que chez les filles (selon la C.I.M. 10).
1.5 Différentes approches étiologiques et mécanistiques
1.5.1. Hypothèses étiologiques : le « pourquoi ? »
Les T.E.D sont considérés comme « l’expression clinique de troubles du
développement du système nerveux central dont l’origine est génétique et
environnementale» (TARDIF, 2010). Les auteurs contemporains parlent volontiers de
facteurs de risque (éléments qui augmentent le risque d’apparition d’un trouble) plutôt que
de « causes »8. Deux types de facteurs de risque sont distingués : les facteurs de risque
endogènes (ou génétiques) constitueraient une prédisposition, une vulnérabilité innée, et
les facteurs de risques exogènes (ou environnementaux) correspondraient aux événements
pré, péri et postnatals. Les facteurs épi-génétiques (modulation de l’expression du génome
par des facteurs environnementaux et sociaux) remettent en question ces distinctions.
Des études de plus en plus nombreuses montrent un déterminisme génétique fort.
Rappelons que Léo KANNER et Hans ASPERGER avaient déjà souligné à leur époque cette
notion de prédisposition. Les chercheurs pensent cependant que ce n’est pas un gène ou un
groupe de gènes (la trentaine de gènes identifiés n’expliquerait au grand maximum qu’1%
des cas d’autisme) mais plutôt une centaine ou plus, qui serait probablement impliquée.
De la même manière, des études ont été menées sur les facteurs environnementaux.
Chronologiquement, et par rapport au développement de l’enfant, nous pouvons évoquer
7Institut National d’Etudes Démographiques
8« L'usage médical distingue une maladie, qui a une cause spécifique connue, d'un syndrome, qui ne se
préoccupe pas des causes. » Or l’autisme est considéré comme syndrome.
8
des facteurs anté-conceptuels (facteurs toxiques, obstétricaux), anténatals (toxiques, agents
infectieux, dépression maternelle, cause psychogène chez les parents), facteurs périnatals
(hypoxie cérébrale, pré ou post-maturité), et postnatals (infection, carence dans
l’environnement développée notamment en psychanalyse par Bruno BETTELHEIM et René
SPITZ avec le concept, tant controversé par la suite, de troubles relationnels avec la mère,
etc.).
En conséquence, même si de nombreuses pistes sont explorées, l’origine de
l’autisme reste encore énigmatique. Les études actuelles sont en faveur d’un syndrome
d’origine multigénique et multifactorielle.
1.5.2. Hypothèses Mécanistiques : le « Comment ? »
La psychanalyse propose la description de nombreux processus et étapes de
développement de l’enfant qui seraient défaillants dans l’autisme, notamment l’intégration
du « je » par la différenciation de la mère par Donald WINICOTT (le terme « mère » est
équivalent à « environnement»), et le processus de « séparation-individuation » développé
par Margaret MAHLER. La personne autiste montrerait un retard ou un non développement
de ces processus. Les concepts psychanalytiques ne s’opposent pas à certaines théories du
modèle neuropsychologique développemental.
Les théories psychologiques et cognitives sont multiples. La théorie centrale dans les
T.E.D. est la théorie de l’esprit qui correspond à la capacité d’attribuer des états mentaux et
par conséquent des intentions à autrui. Simon BARON-COHEN défend qu’une anomalie
cognitive chez l’enfant autiste engendrerait une incapacité à accéder à cette théorie de
l’esprit.
Les neurosciences apportent des pistes nouvelles et fondamentales, convergeant
souvent avec les théories déjà existantes. Tout d’abord, les neurophysiologistes ont de
nombreuses preuves 9 en faveur d’un trouble de la neuro-modulation sensorielle (Gilbert
LELORD décrit « un trouble de filtrage des influx sensoriels, […] une surcharge sensorielle, une
difficulté à associer des stimulations appartenant à des modalités sensorielles différentes, […]
à rassembler les informations de l’environnement et à les décoder ». La C.I.M. 10 s’accorde
9Par des explorations telles que : l’E.E.G., les potentiels évoqués, les I.R.M. fonctionnels.
9
sur cette idée parlant « d’échec de la barrière protectrice contre les stimuli extérieurs ». De
plus, certains chercheurs montrent des « marqueurs neurobiologiques » signalant un
dysfonctionnement du système sérotoninergique 10 qui contribue à la perception, au
traitement des signaux sensoriels et à l’attachement social. Ils étudient aussi l’augmentation
de marqueurs de stress élevés11. Enfin, les explorations neuro-anatomiques et fonctionnelles
présentent des hypothèses sur des anomalies localisées dans le lobe temporal supérieur
(impliqué dans le traitement du mouvement et la reconnaissance des visages, de la voix
humaine, le contrôle du regard, et du langage : piliers de la socialisation (ZILBOVICIUS,
2004)). Ont été évoquées également des anomalies dans le circuit limbique (jouant un rôle
dans les émotions et la mémoire) et dans le cortex frontal (générant des troubles des
fonctions exécutives), ainsi qu’une affection éventuelle des neurones miroirs perturbant
alors les capacités d’imitation, importantes dans la socialisation et l’apprentissage.
1.5.3. Nécessité d’une approche complémentaire interdisciplinaire
Nous pouvons conclure que les spécialistes semblent tous confirmer qu’il y a un
« rapport entre un dysfonctionnement du cerveau et le comportement déconcertant chez les
personnes autistes » et qu’il « reste en revanche de multiples questions, notamment quant à
l’éthiopathogénie et la physiopathogénie de l’autisme » (TARDIF, 2010). Les limites entre les
différents domaines sont parfois floues, et les hypothèses qui voient le jour se complètent et
montrent de nombreux points de convergence, nous amenant vers la nécessité d’une
approche complémentaire. L’interdisciplinarité 12 pourrait permettre d’atteindre une
meilleure compréhension du continuum autistique. Puisque l’accompagnement de la
personne va découler d’une manière ou d’une autre de l’approche de l’accompagnant et des
institutions, conjuguer différents modèles est donc important. En effet, comprendre le
développement affectif, émotionnel, psychomoteur, cognitif et social de la personne autiste
engage à une réflexion ouverte de tous les acteurs, à une mise en commun des théories et
des pratiques conduisant à une éthique de l’accompagnement.
10sérotonine plus élevée chez 30 % des autistes
11Cortisol, endorphine, noradréanaline, augmentation d’opioïde dans le sang (automutilations)
12La pluridisciplinarité consiste à l’addition d’approches parallèles tendant à un but commun,
l’interdisciplinarité, suppose un dialogue et l'échange de connaissances (un enrichissement mutuel, uneinteraction) et la transdiciplinarité désigne un savoir qui parcourt diverses sciences sans se soucier desfrontières : http://ledico.lamaisondelautonomie.com.
10
1.6 Evolution des personnes avec T.E.D. : approche intégrative
L’approche intégrative consiste à « s’intéresser à la fois à l’autisme sous plusieurs
angles et à la personne en tant qu’être en développement, perçu comme sujet en mouvement
appréhendé non seulement par le biais de sa pathologie mais aussi par celui de sa
construction et de son évolution individuelle » (ibid).
On a souvent omis que la personne autiste malgré ses troubles est une personne qui
peut évoluer : « n’oublions jamais en effet que les personnes autistes apprennent en
permanence (même si elles le font plus lentement) comme en témoignent les acquis bien
après l’apprentissage» (ibid). Certains auteurs parlent même dans certains cas « d’autisme
résiduel ». Rappelons aussi que « Le développement est un processus continu, permanent, ne
s’arrêtant pas à un certain âge, même s’il peut connaitre des phases de stagnation et même
de régression. Au vu de ce processus dynamique évolutif, il est donc important de solliciter,
stimuler, étayer l’individu pour lui permettre l’accès aux connaissances» (ibid) tout au long de
sa vie. Même si les termes comme « autisme infantile précoce » laissent à penser que c’est
un syndrome touchant surtout l’enfant, il faut considérer que l’autisme affecte la vie entière
de la personne, même à l’âge adulte comme Temple GRANDIN, atteinte d’autisme de haut
niveau, l’exprime encore dans ses livres (GRANDIN, 2000).
Soulignons enfin l’éventail des évolutions des personnes autistes : Léo Kanner, en
1971, décrit le suivi des onze enfants 30 ans après : cela va de la détérioration à une
adaptation professionnelle associée à une intégration sociale limitée. Il parle d’évolutions
inégales au cours de la vie.
1.7 Symptômes, signes associés et situations de handicap
1.7.1 Symptômes
Décrire les symptômes de manière plus approfondie va nous donner des pistes
d’observations concrètes de la personne. L’autisme affectant tous les domaines
sémiologiques, nous séparerons artificiellement trois sphères : sensori-motrice, psycho-
cognitive, et sociale (H.A.S., 2010).
11
- Au niveau de la sphère sensori-motrice :
- La personne autiste n’a pas en soi des troubles des organes sensoriels, mais c’est bien le
traitement cognitif sensoriel qui est altéré engendrant alors des « expériences perceptives
anormales ou paradoxales ». Les troubles de la modulation sensorielle peuvent affecter
toutes les modalités sensorielles: auditive, visuelle, tactile, olfactive et gustative, ainsi que la
proprioception, le système vestibulaire, et la douleur. Nous observons alors des difficultés de
régulation des comportements en réponse aux informations sensorielles de
l’environnement. Trois types de dérèglements peuvent être observés chez chaque personne:
hyporéactivité, hyperréactivité, ou recherche de stimulation (H.A.S., 2010 : voir annexe 3).
Ainsi une stimulation tout-venant peut être source d’effroi (une odeur, une bruit, etc.), alors
qu’une stimulation intense peut ne provoquer aucune réaction. Autre exemple, le seuil de
résistance à la douleur peut être anormalement élevé. La perception visuelle des
mouvements semble aussi défectueuse. De plus, le double traitement des informations
sensorielles est compliqué: un canal sensoriel va être privilégié à un moment donné
« étouffant » le second: anomalie qualifiée sous le terme de « monotropisme ». Ainsi, une
surcharge de stimuli sensoriels peut être rapidement cause d’anxiété et de conduite
agressive. La personne aura souvent besoin de temps de « retrait sensoriel » : mise à l’abri
de la foule, du bruit et de toute autre exigence.
- Un retard dans les acquisitions psychomotrices est fréquent. Avant un an, une hypotonie et
des troubles d’expression faciale peuvent être observés. Après un an, on peut remarquer
une mobilité et des postures inhabituelles. On note souvent une hypoactivité générale
(pauvreté et ralentissement moteur). Des personnes plus âgées peuvent présenter une
asymétrie anormale entre mouvements des bras et des jambes et un retard (ou absence) de
latéralité. Parfois peut apparaître « une hypertonie musculaire avec déficit de
relaxation active » (BEIGER, 2011). Le fonctionnement moteur est surtout affecté dans les
conduites complexes impliquant planification et une mise en séquence coordonnée des
gestes et procédures (« séquentiation »). On note des dysfonctionnements de la
coordination visuo-manuelle et bi-manuelle, de l’anticipation des ajustements posturaux, de
l’organisation d’une séquence motrice au service d’une action dirigée vers un but, ou encore
de l’intentionnalité (troubles des fonctions exécutives). En revanche, les capacités motrices
12
plus simples sont souvent préservées. Elles seront utilisées notamment dans les stéréotypies,
et ne sont pas forcément fonctionnelles dans les activités de la vie quotidienne, ou sociale.
- Au niveau de la sphère psycho-cognitive :
Le développement cognitif des personnes avec T.S.A. est très hétérogène. Souvent le
niveau de performance (plutôt visuo-spatiale) est supérieur au potentiel verbal. Les
acquisitions ne suivent pas la chronologie habituelle, elles apparaissent parfois de manière
imprévisible. Le fonctionnement cognitif chez certaines personnes avec T.E.D. est caractérisé
par :
- Des difficultés d’adaptation aux changements (besoin d’immuabilité), et des problèmes
d’anticipation, ce qui génère un besoin d’organiser et structurer leur environnement. Pour
maintenir une constance, la personne va utiliser des rites et rituels exploratoires pour
contrôler l’environnement afin qu’il soit stable, permanent, et prévisible s’assurant un
sentiment de sécurité et d’équilibre.
- Des problèmes avec la notion de « temps », Wendy LAWSON témoigne : « tout me semble
en permanence appartenir au présent ». Même si la personne a des bonnes capacités
mnésiques, si la notion de temps n’est pas vécue, ressentie, alors elles ne seront pas
fonctionnelles (les événements du passé pouvant surgir dans le présent). La sensation de
durée dans la vie quotidienne et le futur sont difficiles à concevoir. Le temps serait
« circulaire ».
- Des troubles des fonctions exécutives (planifier, organiser vers un objectif) sont présents
dans la majorité des T.S.A.
- Une hiérarchisation perceptive particulière favorisant le traitement des parties locales
(détails) plutôt que des parties globales (un tout intégré et significatif). Certains auteurs
parlent de faiblesse de la cohérence centrale, mais la théorie est remise en cause. Ce serait
plus un traitement préférentiel, car les personnes autistes sont capables de traiter
l’information de manière globale si cela est demandé de façon explicite.
- Un fonctionnement de la pensée différent : elle est statique, en images fermées. Chaque
objet, sujet ou concept est perçu de façon isolée, sans lien, ce qui entraine alors des
difficultés importantes pour la généralisation (transfert de compétences, ou connaissance
d’un domaine à un autre) et gêne donc l’apprentissage. Une déficience de la fonction
13
symbolique entraine des difficultés dans l’utilisation des objets. De plus, on parle souvent de
pauvreté d’imagination chez les personnes autistes par rapport aux stéréotypies, et du
caractère restreint des activités. Cependant, l’utilisation de médiateurs (argile, peinture,
etc.) dans un contexte favorable ont pu mettre au jour des capacités de créativité
inattendues. Il faut alors leur proposer et les accompagner dans un cadre rassurant.
- Au niveau de la sphère sociale :
Toutes les composantes des fonctions de la communication peuvent être altérées.
L’expression et la compréhension peuvent être affectées autant dans la communication
verbale (oral), que non verbale (gestes, expression du visage, regard). Notons que 50% des
personnes souffrant de T.S.A. ne développent pas de langage fonctionnel (perdu ou jamais
acquis). Pour ceux qui ont des capacités de langage nous pouvons retrouver ces
particularités :
- Une absence (ou perturbation) de la valeur communicative du langage ou du corps, ce qui
va avoir un impact fort sur la communication : manque d’intentionnalité (manque de mobile,
d’envie), difficultés à formuler un souhait, parfois absence de réponses aux questions,
idiosyncrasie (utilisation de mots qui n’ont de sens que pour la personne), discours
incohérent, faible utilisation du langage à but social : l’expression subjective vers autrui en
général. L’utilisation du « je » est remplacé d’ailleurs par le « tu » ou le « il ». On retrouve
des écholalies et stéréotypies verbales (phrase « toute faite » répétée hors contexte).
- une littéralité très forte dans tous les domaines (règles, rituels, continuité des rôles), avec
des difficultés avec les termes abstraits et expressions verbales. Le contenu du discours sera
donc essentiellement du concret plutôt que des métaphores, des symboles, etc.
- Une voix « mécanique » : la prosodie et l’intonation permettant l’expression émotionnelle
est altérée (pas de musicalité, ou rythmicité)
- L’utilisation d’un seul canal de communication et d’intérêt à la fois (« monotropisme »), qui
engendre des difficultés à changer l’attention d’un canal ou d’un mode à un autre (écouter
puis prendre une décision par exemple), et de changer de sujet (LAWSON, 2011).
Les interactions sociales vont donc être fortement altérées par la multitude des
troubles, car tout ce qui permet la réciprocité sociale est affecté. Rappelons les difficultés
14
des personnes à attribuer un état mental aux autres (trouble de la théorie de l’esprit13) qui
signe un échec majeur de l’intersubjectivité. Certaines observations sont à mettre en avant
ici. On note une façon de regarder particulière (allant de l’absence de regard vers autrui, à
l’évitement, un regard périphérique, ou lointain ou bien encore un regard intrusif) mais qui
n’empêche pas la personne d’observer l’environnement et les personnes quand il n’y a pas
échange de regard. L’attention conjointe est souvent difficile à obtenir. Les capacités
d’imitation (imitation différée, d’actions symboliques ou actions complexes) sont parfois
altérées. Cependant une capacité même faible existe chez les enfants autistes (l’imitation
spontanée n’a pas été étudiée chez l’adulte). Le contact à l’autre est plutôt utilitaire. Le
partage émotionnel est difficile (pas de sourire social, manque d’affection pour les autres),
les règles sociales ne sont pas comprises, et le manque de priorité sociale rend difficile
l’initiation et le maintien des relations avec les autres.
1.7.2. Signes associés
- Un retard mental est associé dans environ 70 % des cas (H.A.S., 2010), malgré des
compétences supra normales appelées « îlots de compétence » chez certains.
- Des troubles du comportement « viennent souvent témoigner de frustrations liées à
l’impossibilité qu’a la personne de s’exprimer, de se faire comprendre, de communiquer ses
désirs, et sa douleur, ou liés aux problèmes sensoriels» (TARDIF, 2010). Ils montrent une
variabilité importante allant de perturbations des affects ou des humeurs (voir absence de
réaction émotionnelle, crises de rire ou de larmes, cris, colères, etc.) à l’hétéro-agressivité ou
auto-agressivité par des « comportements explosifs d’automutilation », jusqu’à des
éventuels troubles psychiatriques (anomalies du comportement alimentaire, Troubles
Obsessionnels du Comportement apparaissant plutôt à l’adolescence).
- D’autres troubles neurologiques sont fréquemment observés. L’épilepsie est associée de 30
à 50 %. Parfois l’épilepsie précède l’apparition du syndrome, ou apparait plus tard, comme à
la puberté. Des déficits attentionnels avec ou sans hyperactivité sont parfois présents.
- Des maladies génétiques associées : X Fragile, Trisomie 21, phénylcétonurie, etc.
13Les troubles de la théorie de l’esprit « renvoie à l’incapacité de comprendre le fait que « l’autre » possède ses
propres pensées, émotions, et opinions, souvent différents des nôtres ». Comme le montre le témoignage deWendy Lawson : « Je ne parlais pas parce que je pensais que tout le monde savait ce que je voulais ».
15
1.7.3. Situations de handicap
Ainsi comme nous l’avons décrit et comme le confirme Jim SINCLAIR, adulte
autiste de haut niveau, « l’autisme n’est pas quelque chose que quelqu’un a ou n’a pas, mais
bien plus une manière d’être qui teinte tous les aspects de la vie » et notamment les activités
sociales. L’autisme va donc entrainer de lourdes situations de handicap. Effectivement, le
rapport de la D.R.E.S.S.14 en 2005 comptait 75 % des adultes autistes accueillis dans des
structures […] dont une majorité dans des établissements ayant vocation à accueillir des
adultes lourdement handicapés » (Maison d’accueil spécialisée ou Foyer d’accueil
médicalisé). Cependant les niveaux de handicap, et de compétences sont très variés allant
d’un handicap sévère à une certaine autonomie. Pour proposer un accompagnement adapté
à la personne, il faudra évaluer les capacités fonctionnelles et les difficultés de la personne
par « une approche multidimensionnelle ».
1.8 Evaluations
Le diagnostic est encore exclusivement basé sur les signes cliniques. Il est
normalement établi entre 2 et 3 ans par une approche pluridisciplinaire pour être le plus
complet et le plus précis possible. Il est important de spécifier quantitativement et
qualitativement le profil symptomatologique, et apprécier ainsi les particularités de chacun.
Quatre évaluations et échelles existent rendant compte avec différentes méthodes de la
sévérité des symptômes 15 . Elles explorent, par des entretiens avec les familles, et
l’observation directe de l’enfant avec des jeux, les différents domaines touchés par
l’autisme : comportement social, communication et langage, interaction sociale (jeux,
activités de la vie quotidienne, expression des émotions).
Les évaluations psychologiques ont pour objectif d’aboutir à une synthèse pour la
présenter aux équipes et aux parents en vue d’un accompagnement individualisé. Elles
donnent un niveau de développement (plutôt qu’un quotient intellectuel global non
représentatif des points forts et faibles). Seul le P.E.P. (Psycho-Educational Profil) est adapté
et pensé pour ces enfants pour l’obtention d’un âge de développement et la mise en place
14Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques
15A.D.I.-R : Austime Diagnostic Interview Revised ; A.D.O.G.-S. : Autism Diagnostic Observation Schedule;
C.A.R.S. ; Childhood Autisme Rating Scale ; E.C.A-R. : Echelle des comportements autistiques révisée.
16
d’un projet thérapeutique et éducatif individualisé. 16 Il a l’avantage d’être flexible et souple
et il n’y a pas besoin de compétence verbale importante. L’A.A.P.E.P. (Adolescent an Adult
Psycho Educational Profile), est le pendant du P.E.P. à l’attention des adolescents et adultes
autistes. Il permet d’évaluer le fonctionnement de la personne autiste dans différentes
situations de vie. Cet instrument comporte trois échelles : une échelle réalisée dans le lieu
de résidence, une échelle « scolaire ou de travail » et l’échelle d’observation directe réalisée
par une psychologue. Six domaines sont explorés : compétences professionnelles,
autonomie, activités de loisirs, comportement professionnel, communication fonctionnelle,
comportement interpersonnel. Chaque item reçoit une cotation décomposée comme suit :
échec, réussite, et habiletés en émergence (tâches non maitrisées). Les aptitudes de la
personne sont repérées et permettent l’élaboration du programme éducatif individualisé. La
rééducation et les thérapies pourront travailler dans l’espace des émergences.17
Les évaluations neuropsychologiques permettent de préciser les différents processus
de traitement de l’information et de tâches cognitives précises et permettent d’identifier des
traitements atypiques pour s’orienter vers des « re »médiations.
Un bilan psychomoteur et sensitif approfondi est indispensable pour identifier
d’éventuelles anomalies (tonus, coordination, dissociation, latéralité, schéma corporel…), et
la communication doit être évaluée par un spécialiste.
Effectuer toutes ces évaluations auprès des personnes autistes permet de poser un
diagnostic, d’identifier le niveau du développement du sujet, de fixer un axe thérapeutique,
et de construire le projet personnalisé. (TARDIF, 2010)
1.9 Prises en charge : un accompagnement
L’article 90 (loi handicap 2005) précise : « Toute personne atteinte du handicap
résultant du syndrome autistique [...] bénéficie […] d’une prise en charge pluridisciplinaire qui
tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l’état et à l’âge de la
16Les personnes autistes étaient considérées comme intestables, car les évaluations se basaient sur la
communication verbale. A présent des méthodes se sont adaptées et permettent d’entrer réellement encontact avec la personne.17
La notion émergence est importante elle correspond à un niveau de développement potentiel ou « zone dedéveloppement proximal » selon Vygotski.
17
personne, cette prise en charge peut être d’ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et
social. »
Les diverses prises en charge ont toutes pour objectif d’ouvrir à la relation à autrui
pour pouvoir atteindre une construction de soi et une autonomie maximale. Si cela n’a pas
toujours été le cas, actuellement la volonté de tous est de combiner les soins, les thérapies
avec les approches éducatives. Certains auteurs insistent même sur la nécessité d’une réelle
transdisciplinarité qui permettrait un véritable partage des connaissances entre les acteurs
(thérapeutes, éducateurs, et même la famille), alliant ainsi une prise en charge spécifique
mais aussi globale de la personne. Cette rencontre des accompagnants et les évaluations
réalisées permettent alors de mettre en place un projet personnalisé. L’H.A.S. insiste
beaucoup sur ce point, et explique que ce projet sera à réajuster tout au long de la vie : « il
est évolutif et repose pour chaque personne sur une évaluation fonctionnelle régulière de ses
besoins et de ses ressources. La famille est dès le début un partenaire actif dans ce projet», et
que ce projet impliquera une organisation concertée et cohérente des services en continuité
et au cœur d’un réseau en interaction constante.
De nombreuses institutions existent pour l’accompagnement de la personne autiste.
La difficulté de choix pour les familles est importante, car « toutes les structures de même
appellation ne fonctionnent pas nécessairement de la même façon […] tout dépend de
l’approche qui est développée et de la nature de la prise en charge qui est pratiquée par
l’équipe » (TARDIF, 2010). A l’adolescence et à l’âge adulte, plusieurs institutions peuvent
accueillir l’adulte qui n’a pas pu s’intégrer : les E.S.A.T.18, les ateliers protégés proposent un
accompagnement autour du travail. Les foyers de vie, dit occupationnels (M.A.S., F.A.M.,
etc.), permettent d’accompagner l’adulte dans toutes ses activités de vie quotidienne. En
France, il y a une pénurie de ce type de structures. Précisons que si la mise en institution
d’un individu peut être vécue comme un échec d’intégration, il est important de prendre
conscience qu’elle peut être partie intégrante de la prise en charge. La notion de « thérapie
institutionnelle » est soulevée en France par FERRARI et HOCHMANN, mais la fonction de
l’institution avait déjà été abordée par plusieurs auteurs : G. DELEUZE et G. MICHAUD
confirment l’idée que les institutions sont «des médiations entre l’individu et la
société permettant l’échange interhumain » (in CHAUVEAU-CH., 2010). L’institution serait
18Etablissement et Service d’Aide par le Travail
18
donc un espace de rencontre dans un cadre protecteur (facteur de sécurisation grâce aux
qualités d’adaptation des professionnels qui y travaillent, de fiabilité, et continuité). Elle
propose des temps individuels, en groupe (ateliers), et l’alternance de temps thérapeutiques
et occupationnels. Ainsi les structures institutionnelles portent l’approche sociale de
l’accompagnement, en collaboration avec le rôle des familles.
- Les accompagnements éducatifs :
Ils donnent des outils pour mener une vie aussi indépendante que possible. Deux
grandes méthodes sont connues. En 1960, Ivar LOVAAS met en place la méthode A.B.A. ou
analyse appliquée des comportements (Applied Behavior Analysis) par une intervention
intensive qui vise une meilleure intégration en augmentant les comportements adaptés, et
en diminuant les comportements inadaptés. Cette méthode est controversée 19 pour
plusieurs raisons notamment car elle s’opposait à toute autre approche. On lui reconnait un
intérêt, mais de façon complémentaire. En 1971, SCHOPLER invente la méthode T.E.A.C.C.H.
(Treatement and Education of autistic and Releated Communication Handicapped Children).
Elle insiste sur le travail de structurations de l’environnement temporel et spatial pour créer
des repères stables, sur l’individualisation des programmes de chacun (P.E.I. : programme
éducatif individualisé à partir des centres d’intérêts de la personne), sur la collaboration des
parents au projet, sur l’approche positive de l’enfant (partir de ses compétences, et
capacités en émergence) et sur l’approche globale de la personne (insertion dans une
communauté socioculturelle). Elle a pour but de rendre significatif l’environnement de la
personne, de développer le plus possible l’autonomie, d’enseigner une forme de
communication alternative, d’améliorer les relations sociales, d’améliorer les habiletés
cognitives. Elle est adaptée aujourd’hui dans de nombreuses institutions en
complémentarité avec d’autres approches. Actuellement, les méthodes cognitivo-
comportementales semblent être privilégiées par les associations et les familles. Elles
consistent à « réapprendre un comportement approprié par des techniques codifiées ». Les
résultats sont concrets, car elles sont basées sur une éducation fonctionnelle, mais on leur
reproche de ne pas prendre en compte l’impact de la pensée et les émotions sur le
comportement. (TARDIF, 2010).
19Elle questionne sur la considération de la singularité de la personne, l’individuation, le trop de stimulation,
l’intensité (plus de quarante heure par semaine), la nécessité de récompenses à vie, et à l’application àl’adolescence et au stade adulte
19
- Les accompagnements thérapeutiques :
Rappelons qu’il n’existe pas de pharmacologie spécifique, et pas de médicaments
curatifs (même si certains traitements médicamenteux peuvent intervenir sur des troubles
somatiques, ou des troubles associés).
Les psychothérapies ont longtemps été proposées. Cette approche est encore utilisée
par le biais de différentes médiations : jeux, dessins, peinture, figurines, marionnettes,
musique (intérêts particuliers de la personne) de façon individuelle ou groupale.
L’approche rééducative vise principalement à trouver des moyens de communication
pour échanger avec l’entourage. Elle est soit alternative (lorsque le langage est absent), soit
augmentative (lorsqu’il y a des capacités de verbalisation). Elle utilise essentiellement des
aides visuelles (Makaton, Picture Exchange Communication System, etc.), la communication
facilitée (aide motrice par un tiers, méthode controversée). Des séances de psychomotricité
et d’ergothérapie favoriseront certains apprentissages moteurs élémentaires (tonus,
motricité globale, ou fine).
Les thérapies sur l’effet contenant comme le « Packing », consistant à envelopper
transitoirement un patient de linges froids et humides ont été accusées de dérive par des
actes trop agressifs (l’H.A.S. est opposée à l’utilisation de cette pratique).
Le concept Snoezelen (Pays-Bas, 1970) consiste en la mise en éveil des sens dans des
espaces dédiés (moment de rencontre en toute sécurisation, à son rythme, sans intrusion
pour favoriser la rencontre). Des précautions sont à prendre avec les personnes autistes, en
tenant compte notamment de leurs problèmes sensoriels.
D’autres activités sont proposées comme « thérapies » : zoothérapie (équithérapie,
asinothérapie, etc.), expression corporelle, théâtre, toute médiation permettant de favoriser
le développement de la personne. La limite entre éducatif et thérapeutique est difficile à
définir dans l’approche de l’autisme, considéré comme syndrome et non comme maladie.
L’important dans l’approche des médiations et des choix de médiations20 sont les objectifs
poursuivis. Le jardin fera partie de ces médiations.
20Une médiation est une aide, un support, un outil que l’éducateur ou le thérapeute met en place pour entrer
en relation (ouverture de la relation duelle thérapeute/patient vers une triangulation), faciliter l’expression.Toute médiation suscite un cadre spatio temporel
20
I.2 LES JARDINS : ESPACES AUX MULTIPLES FACETTES
2.1 Quelques définitions
Le jardin est un terrain clos où l’on cultive des légumes, des fleurs, des arbres.
Effectivement, ses racines littérales portent la notion d’espace délimité. Cette délimitation
permet d’apprivoiser cet endroit et induit aussi une certaine intimité avec la Nature et avec
soi-même. Si le mot « jardin » évoque tout de suite l’action de jardiner : «art de planter,
multiplier et entretenir les plantes composant […] un jardin » (RICHARD, 2011), ce terme est
bien plus large, et évoque la promenade, la détente, la tranquillité, l’apaisement, et le plaisir
mais est aussi un lieu d’échange et de partage (repas en famille, entre amis, etc.). Le jardin
est aussi lié à l’idée de beauté (choix des fleurs, de l’emplacement, des couleurs par le
jardinier ou par un spécialiste paysagiste). La notion esthétique d’un jardin lui est
indissociable, incluant une part de création (expression de sa personnalité).
Chacun, évidemment, a sa propre représentation du concept « jardin » selon son vécu
personnel et son lien avec la Nature. Cependant, il apparaît comme une évidence que le
jardin est un espace vivant ! La vie des plantes, de la Nature, des animaux, mais aussi celle
du jardinier qui lui donne son amour, et celles des visiteurs qui le traversent ou qui viennent
s’y installer un moment. Plusieurs termes existent pour désigner le concept d’un jardin selon
le type d’activités qu’il accueille et les objectifs poursuivis par sa réalisation. Nous allons
mettre en avant trois de ces termes (ou concepts) pour rendre plus claire la compréhension
des divers bienfaits d’un jardin.
- Le jardin d’agrément et le jardin-potager sont différenciés habituellement par la
nature de ce que l’on y cultive : des végétaux « utiles (légumes, arbres fruitiers) » ou des
végétaux « d'agrément (fleurs, arbustes ornementaux)» (GADRAT, 2012). Le jardin
d’agrément a un objectif esthétique très fort associé à l’idée d’embellissement. Le terme
agrément désigne lui-même une chose destinée au plaisir. En anglais on le nomme à juste
titre « pleasure garden ». Par contre, le jardin-potager est un espace où l’on cultive des
plantes culinaires (notion de production d’aliments : il permet de se nourrir). On imagine
alors facilement le travail physique associé à ce type de jardin, accueillant l’activité de
jardinage.
21
- Le jardin pédagogique correspond à l’utilisation du jardinage auprès des enfants en
collaboration avec les écoles. Le développement de ce type d’activité montre l’aspect
éducatif. Plusieurs objectifs sont mis en avant : éveil des sens, apprentissage de savoir-faire
par les travaux manuels et techniques, et acquisition de connaissances. Ainsi, il est
intéressant de voir que cet outil sert de médiation pour développer certaines capacités
(objectifs comportementaux, et cognitifs).
- Les jardins avec une dimension sociale (les jardins familiaux – ouvriers-
communautaires) sont des lieux de convivialité, d’échanges, de liens sociaux. Par exemple, la
communauté urbaine du Rhône propose des « jardins familiaux à développement social »
qui ont pour but de « redynamiser la vie collective d’un quartier ». Ces projets poursuivent
l’idée des jardins populaires ou jardins d’ouvriers inventés au XIXème siècle. Il semblerait
que de nos jours le jardin redevienne « un antidote au repli sur soi » (archives municipales de
Lyon, 2008). D’autres termes sont utilisés prenant en compte les différences dans leur
conception : « jardins d’insertion », « jardins partagés », « jardins collectifs », etc. Tous ont
des objectifs intéressants à souligner ici : « la symbolique de la production, l’assiduité du
travail, et l’atmosphère de convivialité permettent aux personnes de découvrir leurs
capacités tout en les sortant de leur isolement et de retrouver leur identité ». Le partage, le
travail de groupe, le travail sur la confiance en soi sont mis en valeur. Le jardin peut parfois
amener à une réinsertion sociale. Justement : dans la communauté de Lyon, ces projets
s’adressent à des personnes avec « troubles du comportement social, difficultés
psychologiques, et handicap culturel ». (Grand Lyon, 2012).
Ici réside l’un des paradoxes du jardin qui peut être à la fois un lieu d’intimité, mais
aussi un lieu qui peut devenir un vecteur de sociabilité.
2.2 Les bienfaits reconnus des jardins et du jardinage
Selon D. RICHARD, « les bénéfices du jardin et du jardinage ne sont plus à prouver
tant sont reconnues ses qualités pour la santé morale, sociale, psychique et physique ». Voici
quelques éléments (RIBES, 2006) décrivant ces qualités selon les 3 sphères utilisées pour la
description des symptômes de l’autisme :
22
- Sphère sensori-motrice :
Il est évident que l’activité de jardinage est avant tout un exercice physique à part
entière, et comme tout exercice cela ne peut être que positif pour notre organisme. Elle
constituerait l’une des techniques les plus douces pour entretenir la souplesse, la mobilité
articulaire, et pour la dépense calorique. De plus, l’activité est très variée, et permet
d’utiliser tout le corps dans sa globalité, mais aussi de manière fine (par la manipulation de
divers outils). La proximité avec la Nature va stimuler nos cinq sens de façon apaisante.
Notons le nombre croissant de disques musicaux de détente utilisant des bruits de la Nature
pour trouver la sérénité. Certaines théories constatent que nous sommes en permanence
immergés dans le bruit et le mouvement. Un environnement complexe et puissamment
stimulant mobiliserait trop nos sens et conduirait à des niveaux dangereux d’excitation
psychologique et physiologique. Un environnement essentiellement végétal, calme, plus
uniforme et harmonieux dans ses couleurs, structurellement moins complexe, limiterait les
stimuli, et ainsi diminuerait le stress. La notion de sensation agréable, et de beauté de la
Nature participe de façon importante au bien-être éprouvé au Jardin.
- Sphère psychocognitive :
De nombreux auteurs et jardiniers parlent du bénéfice de la mise en contact de la
Nature par ses cycles de vie, ses sensations spécifiques en lien avec le sens de la vie qu’elle
porte. Le Dr BASQUIN évoque, au cours d’une rencontre nationale organisée par
l’association Belles Plantes retranscrit dans le livre « Toucher la Terre » (RIBES, 2006), le
rythme du jardin comme un élément d’équilibre. Pour Michel RACINE le jardin offre « des
moments qui s’installent dans un temps long au rythme des saisons ». Pour lui, l’échange
réciproque du « je te soigne, tu me soignes » joue aussi beaucoup dans l’impact
psychologique bénéfique apporté par le jardinage. Pour Denis RICHARD, le jardin semble
être un espace de liberté qui pousse à la rêverie, qui offre des possibilités d’expression
créative individuelle ou en groupe (il ferait écho à notre vie affective). Il semble être aussi un
espace d’ouverture sur le monde et en même temps une chance de retour sur soi. Le
jardinage peut procurer différentes joies : le plaisir d'une activité de plein-air, de travailler
avec des matériaux naturels et de profiter du résultat très concret de son travail. Dans le
livre d’Anne RIBES nous pouvons lire d’autres témoignages intéressants à ce propos.
23
Effectivement, Michèle TANGUY, infirmière en psychiatrie, témoigne de la satisfaction et du
plaisir que nous avons à marquer notre passage : « on se souvient de nous […] la vie
commence à avoir un sens. ». E. LAFOSSE, fondatrice de l’association « Eclore », s’exprime
ainsi : « Il me semble que le jardin, aussi petit et modeste soit il, est une ressource pour
devenir et rester vivant, apporter de la joie et réconforter, donner à réfléchir, renouer avec
l’idée du paradis». Elle témoigne encore: « un jardin représente souvent une certaine idée
d’une Nature verte accueillante où l’existence est tenue pour agréable, moins stressante, est
ainsi plus sécurisante» (RIBES, 2006)
-Sphère sociale :
Le jardinage se prête facilement à une pratique en groupe et « contribue à établir ou
conforter des liens humains à priori improbables, en eux-mêmes source d’équilibre
psychologique et de reconnaissance mutuelle, qu’il s’agisse de liens intergénérationnels, de
liens entre les milieux sociaux et culturels différents, entre patients et soignants » (RICHARD,
2011). Selon Michel RACINE, le jardin est un « espace ouvert à la promenade solitaire comme
à la rencontre, à l’échange ». De nombreuses institutions ou associations sanitaires et
sociales semblent s’intéresser au jardin car il serait catalyseur de lien social : d’une part le
jardinage constituerait une occasion d’activité et d’insertion pour un public handicapé, et
d’autre part c’est un lieu qui peut être ouvert aux visiteurs extérieurs (un lieu propice aux
activités culturelles et ludiques) proposant ainsi un échange avec la vie sociétale.
Ainsi, l’univers du jardin se révèle bénéfique « pour des raisons diverses parmi
lesquelles l’une domine aujourd’hui : s’occuper d’un jardin, être dans un jardin, regarder un
jardin fait du bien ». Un jardin peut alors légitimement être qualifié de quasi
« thérapeutique », et constitue un indéniable vecteur de soin. (RICHARD, 2011)
I.3 LES JARDINS COMME SOUTIEN AUX SOINS
3.1 L’approche de l’Hortithérapie
Les Jardins 21ont toujours été très présents dans l’histoire du soin : en Egypte
ancienne par exemple les médecins préconisaient déjà aux patients souffrant de maladies
mentales de marcher ou se reposer dans les Jardins. Il y deux millénaires les taoïstes chinois
21Le « J » majuscule de Jardin est utilisé lorsque nous évoquons des Jardins en milieu de soin.
24
considéraient que la fréquentation de Jardins et de Serres était excellente pour la santé.
(RICHARD, 2011). St Bernard au XII siècle recommandait quant à lui d’offrir un Jardin de
réveil des sens dans les hôpitaux de personnes âgées. Rappelons d’ailleurs que les anciens
hôpitaux avaient des Jardins et des Serres (exposition sur le jardin d’agrément des hôpitaux,
Archives de Paris). Mais avec les progrès de la médecine, les diminutions des durées de
séjour et les contraintes économiques, les Jardins ont semblé progressivement superflus
(RACINE, 2011).
Pendant ce temps, aux Etats-Unis et en Angleterre une réelle philosophie des Jardins
comme espaces de soin est née (notion de « healing garden’s » (jardin qui soigne et
cicatrise), « horticultural therapy » (hortithérapie), « therapeutical garden », etc.). Cette
belle histoire est décrite par Denis RICHARD dans son livre « quand jardiner soigne » dont
voici un aperçu. En 1789, Benjamin RUSH, psychiatre américain, est reconnu comme le
fondateur de l’hortithérapie. Au XIX siècle, cette approche est progressivement admise dans
les hôpitaux accueillant des malades mentaux. Ensuite dans les années 1920 à 1940 les
travaux du Dr Karl MENNINGER et son frère William MENNINGER ont participé au
développement du concept de « réhabilitation par le contact avec la Nature ». Celui-ci étend
ce concept dans d’autres domaines (pour la tuberculose par exemple). Au XXème elle sera
pratiquée alors dans le cadre des troubles somatiques et du handicap moteur (invalides de
guerre) ainsi que dans les soins gériatriques. Remarquons notamment son intégration dans
la prise en charge des patients du Friends Hospital of Philadelphia. Les anglais eux aussi
s’investissent dans ce champ et en 1936 l’hortithérapie devient un outil officiellement
reconnu par les thérapeutes occupationnels. Puis la formation dans ce domaine se
concrétise petit à petit (premier cours en 1942, premier diplôme universitaire en 1971 au
Kansas). Les premières associations apparaissent : en 1978 la Society for Horticultural
Therapy en Angleterre et en 1988 l’association source de l’American Horticultural Therapy
Association. Depuis vingt ans, projets, évaluations de projets, et publications se sont
multipliés montrant ainsi l’intérêt grandissant pour cette méthode. Nommons les travaux
récents de Clare COOPER MARCUS. Notons enfin la déclaration de la Commission Mixte
d’Accréditation des Hôpitaux en 1999 qui précise : « les patients et les visiteurs doivent avoir
la possibilité de communiquer avec la nature, à travers les plantes, espaces extérieurs,
atriums intérieur et des vues à partir des fenêtres ». Ainsi donc comme l’écrit le Pr CALENDER
25
de l’association Jardin Art et Soin (J.A.S.) : « les pays anglo-saxons avec un siècle d’avance
ont pu intégrer l’espace paysager chaque fois que nécessaire et dans tous les domaines de la
vie et de la santé […] comme composante essentielle de la prise en charge».
L’hortithérapie s’est ensuite installée dans d’autres pays comme le Canada,
l’Allemagne, le Japon, les pays du Nord de l’Europe, la Suisse, etc. En Chine, aussi, les
paysagistes s’intéressent aux Jardins dans les milieux de soins, déplorant l’absence de
directive dans le domaine, certains proposent un lien avec la médecine traditionnelle en
intégrant l’homme dans la Nature au lieu de l’en séparer comme à tendance à le faire la
culture occidentale.
La France, quant à elle, a un retard certain dans ce domaine. Le développement de
Jardins dans les établissements médicaux et médico-sociaux ne redémarre que depuis une
vingtaine d’années grâce à des initiatives personnelles. Citons quelques exemples
d’associations qui œuvrent pour le développement de cet outil de soin proche de la Nature
et pour la conception de nouveaux projets dans les institutions. Elles contribuent également
à la réflexion concertée sur l’hortithérapie en milieu médical. L’association « Belles Plantes »
créée en 1996 par Anne RIBES anime des ateliers auprès d’enfants autistes et des personnes
âgées, et développe l’idée d’« hôpital vert » (coordination de projets et création de
formation). Martine BRULE architecte paysagiste crée l’association « Viv’Harmonie ». Quant
à l’association (et fond de dotation) « Jardin Art et Soin » créé en 2010 sous l’initiative de
Michel RACINE, architecte-paysagiste, et Alain CALENDER médecin, a pour principal objectif
le développement de Jardins dénommés « de soin » et/ou Espaces Paysagers dans les
institutions hospitalières et tout établissement à vocation médico-sociale, en soutenant la
préconception, la conception et en veillant à leur caractère pérenne. La plupart des projets
se réalisent en milieu gériatrique notamment dans le cadre de la lutte contre la maladie
d’Alzheimer : dans les E.H.P.A.D. et dans les hôpitaux (comme le jardin de l’Horloge à
Nancy). Le Jardin de Soin peut concerner tous les domaines pathologiques, même si l’impact
attendu est plus spécifiquement dirigé vers la souffrance neurologique et psychologique
(rappelons que toute maladie a un impact psychologique). Les handicaps les plus sévères
sont particulièrement concernés comme la schizophrénie, les autismes, les épilepsies
sévères, etc. Alain CALENDER observe la diversité potentielle des projets, la complexité de la
conception de ces Jardins impliquant une collaboration importante entres différents
26
professionnels qui connaissent aux mieux les besoins et contraintes, et met ainsi en avant la
spécificité de chaque Jardin. Colloques et formations sont mises en place par ces différentes
associations en particulier par la Société Nationale d’Horticulture de France, qui montre
l’intérêt des professionnels et passionnés du monde végétal pour cette nouvelle approche
de soin. En revanche, il n’existe pas de diplôme universitaire spécifique à ce domaine.
3.2 Etudes et témoignages
Les publications et expériences à l’étranger cherchent à préciser les apports des
Jardins dénommés le plus souvent thérapeutique ou de soutien thérapeutique dans des
disciplines médicales variées : rééducation fonctionnelle, neurologie, psychiatrie, pédiatrie,
gériatrie (en particulier autour de la maladie d’Alzheimer). Comprendre les mécanismes de
l’action bienfaitrice des Jardins reste complexe, malgré des bases de connaissances
neurobiologiques solides qui argumentent certaines pistes (régulation hormonale, circuit
cérébraux de la récompense, etc., responsables d’un apaisement, de diminution du stress,
du maintien des liens sociaux, etc.) Quelques études ont été réalisées (RICHARD, 2011).
Une enquête américaine montre que 40 % des personnes en maison de retraite
jugent que la présence de plantes a un effet apaisant. La quasi-totalité de ces séniors estime
indispensable que les fenêtres s’ouvrent sur des espaces verts et paysagers (Howard
FRUMKIN, 2001). Une étude japonaise basée sur la mesure par encéphalographie de
l’activité cérébrale, a montré une relaxation et une détente lorsque les sujets regardent les
pots riches en fleurs et à l’inverse une réactivation de l’activité (que nous pourrions
dénommer « stress ») en cas de contemplation des pots vides, et de la même manière avec
la comparaison d’un mur végétal ou d’un mur en béton (NAKAMURA, 1990,1992).
La diminution d’utilisation d’antalgique a été rapportée lors de colloques
thématiques comme en 2007 à Nancy au sujet des Jardins dans la maladie d’Alzheimer.
En psychiatrie, deux équipes (M.T. GONZALES, 2011 et M. ANNERSTED, 2011)
respectivement en Norvège et en Suède démontrent les effets bénéfiques d’activités
d’horticulture sur douze semaines dans le cadre de dépressions sévères. La seconde équipe
ose même le terme de Thérapie Assistée par la Nature (T.A.N.). D’autres auteurs se
questionnent sur l’impact de la lumière du jour dans le cas d’humeur déprimée. Des
infirmiers témoignent de l’intérêt du jardin auprès de personnes psychotiques : « L’atelier
jardin est un super outil de médiation, de reconstruction, la confrontation au rythme végétal,
27
au rythme saisonnier, permet au psychotique d’être là, présent, de supporter le temps qui
s’en va, d’accueillir ce qui arrive, il n’est plus d’en une errance. » (RIBES, 2011). En 1969, le
Royal Medico- Psychological Association de Londres affirmait déjà l’intérêt thérapeutique
dans le traitement des affections mentales (in RICHARD, 2011). Cependant, récemment une
étude de E.A. BARLEY du King’s College rappelle que si le bénéfice est bien perçu par les
soignants, l’objectivité en terme de bénéfice « thérapeutique » à moyen et long terme doit
être réévaluée par des études multicentriques et plus importantes.
Mais qu’en est-il des réflexions autour des T.E.D., des T.S.A. ? Les études portent sur
le handicap mental en général, mais ne spécifient pas les désordres du spectre autistique
(aucun article spécifique aux T.S.A. n’a été retrouvé dans le « Journal of Therapeutic
Horticulture »). Le Pr Michel BASQUIN, psychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, nous
donne quelques pistes à l’occasion de cette même rencontre nationale à Paris organisée par
l’association « Belles Plantes » : d’après lui, la plante est considérée comme une structure
vivante, capable de solliciter tous les sens certes mais « qui est suffisamment à distance et
dont la communication avec lui n’est pas impérative ». La personne autiste pourrait alors
élaborer une relation avec la plante. « Ces enfants […] destructeurs qui abiment et agressent
objets et personnes sont d’un singulier respect avec les plantes » Il met en garde et rappelle
que l’on ne peut pas comparer nos sensations avec celles des personnes souffrant d’un
syndrome autistique. Il met en avant l’importance et l’impact de l’équilibre, du rythme et du
temps. Il précise que le travail de la terre peut contribuer à la structuration de la personne
(RIBES, 2010), cet effet s’exerçant par la fonction de cadrage par les phénomènes naturels
qui s’imposent au Jardin par le rythme jour-nuit et les saisons.
3.3 Les principes des Jardins de soutien thérapeutique
3.3.1. Un lieu de soutien au soin
L’hortithérapie n’est pas une méthode appartenant à une discipline médicale, mais
un accompagnement au soin. Il s’agit clairement d’un processus conçu et conduit par des
professionnels par lequel les plantes, le jardinage, et l’empathie pour la Nature (même
simplement être dans l’environnement du Jardin) sont utilisés dans le cadre d’un soutien à la
prise en en charge médicale et thérapeutique. Sa pratique devient ainsi susceptible de
prévenir l’émergence de certains troubles ou d’une dépendance, d’infléchir le cours de
28
quelques pathologies (neurologiques, psychiatriques), d’améliorer les conditions de vie de
personnes dont l’autonomie est réduite.
3.3.2. Les bénéfices
Selon l’association T.H.R.I.V.E., association anglaise utilisant les Jardins auprès de
personnes malades ou handicapées, les bénéfices de l’hortithérapie peuvent se résumer
autour de cinq principes : une meilleure santé physique, une amélioration de la santé
mentale, l’opportunité de lutter contre l’exclusion et l’isolement en se connectant aux autres,
une amélioration des chances de retrouver un emploi en acquérant des compétences, ou
simplement un sentiment de bien-être d’être à l’extérieur en contact avec la Nature.
Effectivement, l’hortithérapie est prétexte à mobiliser : le corps (renforcement des habiletés
physique), les processus cognitifs et psychiques (renforcement de l’estime de soi par
l’obtention de résultats concrets et visibles, structuration des repères et des rythme de vie),
la communication verbale et non verbale. On retrouve ainsi un impact sur les trois sphères
fonctionnelles de la personne. L’hortithérapie favorise l’autonomie et l’intégration sociale.
3.3.3. Les spécificités de l’accompagnant
Ce Jardin de Soin est un lieu où peut s’établir une médiation, mais ce qui en garantit
la qualité c’est le savoir-faire et le savoir-être de la personne accompagnante. Il est
nécessaire que l’hortithérapeute allie les connaissances indispensables du jardinier aux
connaissances de l’ensemble des pathologies affectant les personnes qu’il accompagne, avec
les qualités humaines d’un éducateur ou d’un soignant. Anne RIBES précise : « il faut
impérativement lui ajouter le partage et le souci de l’autre », le Pr MAZET22 ajoute : « il
garantit l’écoute et une observation attentive » (RIBES, 2006). L’accompagnant devra être
garant de la sécurité et avoir conscience des dangers éventuels par rapport aux pathologies
(outils dangereux, produits toxiques, toutes les contre-indications médicamenteuses comme
le rayonnement ultraviolet avec la réaction de photosensibilisation chez des patients
prenant certains médicaments, les anomalies cardiaques, les conséquences des traitements
épileptiques sur les capacités cognitives, etc.) Il est garant d’un certain rituel, et s’occupe de
dessiner le cadre. Il doit rester attentif et être capable d’adapter individuellement l’activité
en fonction de la personne (risque de surcharge cognitive, physique pouvant provoquer de
22Chef de Service de psychiatrie infanto-juvénile à l’Hôpital de la Pitié -Salpêtrière.
29
graves stress), notamment en cas de difficultés de communication. Il devra promouvoir et
faciliter des activités stimulant les fonctions sensorimotrices, psycho-cognitives et sociales.
L’accompagnant des personnes au Jardin de Soin aura donc les capacités nécessaires pour
s’adapter à la fois aux contraintes naturelles (saison, temps,…) mais aussi aux particularités
des personnes accueillies (situations de handicap variées, évolution des pathologies, passés
culturels différents).
3.3.4. La conception d’un projet au sein d’un établissement
La conception de Jardins d’accompagnement aux soins est une alchimie délicate et
peut être plus ou moins difficile (il faut savoir inventer l’espace en fonction des besoins, et
du plaisir de ceux qui participent à sa naissance puis à sa pérennité ultérieure). Selon le
contexte, et les responsables d’établissement il peut varier du simple décor végétal au
véritable projet d’équipe autour du Jardin et Jardinage. Chaque contexte social de chaque
site est unique. Une telle démarche devra intégrer le sujet en tant qu’être : singulier et social
à la fois. Elle sera tributaire des moyens financiers, de l’emprise au sol, de la volonté d’une
administration parfois réticente et au total : de l’obstination des porteurs du projet ! Il est
certes préférable d’avoir en amont « une réflexion technique» fruit d’une collaboration
étroite entre architectes paysagistes, jardiniers et soignants pour permettre un projet
adapté au mieux aux besoins de la situation (spécificité du public accueilli, prise en compte
du site accueillant, etc.). En effet ce type d’outil ne peut être conçu de manière univoque. Et
il vaut mieux être vigilant au « tout aménagé » ou aux « Jardins en kit », qui tendrait à en
faire un lieu aseptisé et dévitalisé. Certains Jardins, sans avoir été totalement étudiés par
une conception spécifique, peuvent avoir tout de même un intérêt dans l’accompagnement
s’il y a une dynamique et un investissement des professionnels soignants et administratifs et
des usagers au sein d’un établissement de santé. De cette manière, par sa simple existence
un Jardin peut être déjà bénéfique aux personnes qui l’investissent. Il est fondamental
d’intégrer le projet de Jardin à tous les niveaux du projet de soin, pour le traduire dans
l’emploi du temps et dans l’espace et d’instituer des temps au Jardin (un temps d’atelier
rituel). Toutes ces contraintes mais aussi toutes ces possibilités expliquent la diversité et
spécificité incroyable des projets.
Ainsi, nous avons évoqué les nombreux bénéfices que peuvent apporter les Jardins
en tant que médiation et soutien au soin, et en particulier dans le domaine du handicap
30
mental. Cependant peu d’études semblent expliquer l’apport de ce médiateur Jardin auprès
de personne souffrant de T.E.D., dont les T.S.A. Pourquoi ? La nature et le jardinage ne sont-
ils pas aussi bénéfiques pour les personnes souffrant « d’autismes » que pour d’autres
personnes ? Le fonctionnement cognitif particulier de la personne souffrant de T.E.D. est-il
inadapté à l’approche de l’hortithérapie ou au contraire les projets de Jardin sont-ils
particulièrement intéressants pour ce type de handicap ? Des projets dans le cadre
d’institutions accueillant des enfants sont d’ores et déjà menés, et qu’en est-il pours les
adultes souffrant de ces mêmes troubles ? Dans le cadre de la thérapie institutionnelle,
comment un tel projet peut s’inscrire dans un établissement de soin ?
Nous allons, pour répondre à ces questions, développer notre réflexion autour de
cette problématique : de quelles manières un Jardin, qualifié de Jardin de Soin, peut-il
contribuer à l’évolution d’une personne adulte souffrant de troubles du spectre autistique
au sein d’un établissement médico-social ?
Trois hypothèses seront mises à l’épreuve au cours de mes expériences. Dans un premier
temps nous verrons pourquoi l’activité « Jardinage » et l’espace du Jardin ne semblent pas
spontanément associés à la prise en charge de la personne souffrant de T.S.A. (ou T.E.D.).
Dans un second temps nous développerons quelles sont les adaptations ergonomiques
nécessaires pour que l’activité « Jardinage » puisse s’inscrire et participer au projet
personnalisé. Dans un troisième temps, nous aborderons les bénéfices d’un espace
proposant le contact avec la Nature.
II PARTIE EXPERIMENTALE
Pour pouvoir développer des hypothèses répondant à ma problématique et engager une
réflexion autour de ces hypothèses, j’ai souhaité être directement au contact de personnes
souffrant de troubles autistiques dans une situation de Jardinage, et participer à des projets
d’accompagnement incluant un « Jardin ». J’ai donc eu l’occasion de vivre deux expériences
particulièrement différentes qui ont enrichi chacune à leur manière ma recherche. Ces deux
« stages » m’ont aussi permis de découvrir ce handicap et de rencontrer divers
professionnels sur le terrain qui ont pu réagir à mes questionnements et ainsi m’offrir leur
point de vue sur certaines pistes de travail.
31
II.1LE FOYER D’ACCUEIL MEDICALISE D’AUXONNE ET SON « NOUVEAU »
JARDIN
1.1 Le cadre institutionnel
Le Foyer d’Accueil Médicalisé (F.A.M.) d’Auxonne nommé Foyer de Vie et Progrès
« Odette Versey » a été créé à l’initiative de l’A.D.A.P.E.I. 23 de la Côte d’Or en 1986. Il est
financé par l’Aide Sociale Départementale pour le budget hébergement et l’Assurance
Maladie pour le budget de soin. Ainsi l’équipe d’accompagnement a une double approche.
D’une part, les services éducatifs sont composés de sept équipes pour l’hébergement avec
les éducateurs, les moniteurs éducateurs, les Aides Médico-psychologiques et d’une équipe
pour les activités occupationnelles du service d’activité de jour (recevant aussi des externes)
comportant principalement les moniteurs d’ateliers. D’autre part, le service médical et
paramédical est composé d’un médecin présent une journée, de médecins référents pour
l’urgence, d’infirmières en journée, et de plusieurs psychologues.
1.2 Un espace « Jardin » récent en construction
Le projet du Jardin, nommé « Jardin des Quatre saisons », s’est créé en réponse à un
appel d’offre de l’association J.A.S. (Jardin Art et Soin) qui a proposé une aide financière et
un accompagnement à la création d’un Jardin de soutien thérapeutique. Le moniteur
d’atelier qui proposait déjà des ateliers de Jardinage et d’entretien des espaces verts a été
sollicité et a soumis un projet. Celui-ci a été validé par la direction de l’établissement, puis
accepté quelques mois plus tard par l’association J.A.S. qui a contribué à l’ajustement
nécessaire du projet initial. Le Jardin a été aménagé entre novembre 2010 et mai 2011 dans
un espace rectangulaire qui correspondait au clos des brebis situé à l’extrémité du parc
entourant les bâtiments de logement et d’activité. Quelques résidants ont participé à sa
réalisation. Puis l’inauguration du Jardin fut programmée en juin 2011. Mon observation a
lieu en mars et avril 2012 après le premier hiver vécu du Jardin, à un moment critique où il
faut remettre en « beauté » le Jardin, comme tout jardinier au printemps. Avant de planter,
de nombreuses tâches doivent être réalisées pour redonner vie au Jardin. C’est donc le bon
23A.D.A.P.E.I. : Association Départementale des Amis et Parents d’Enfants Inadaptés, fédéré par l’U.R.A.P.E.I.
(niveau régional) et l’U.N.A.P.E.I. (au niveau national).
32
moment pour s’interroger sur la manière dont ce nouvel espace est et sera utilisé et sur son
intégration au sein de l’établissement.
1.3 La population accueillie : des handicaps « pluriels » et sévères
« Le F.A.M. d'Auxonne est un lieu de vie dont le fonctionnement est permanent. Il
accueille des hommes et des femmes qui, en raison de difficultés intellectuelles ou de troubles
du comportement et de la personnalité, ne peuvent disposer d'une autonomie suffisante dans
la vie courante». Les types de pathologies sont très variés, ainsi que les capacités et les
situations de handicap. Cependant, le niveau de perte d’autonomie et de dépendance sont
assez élevés. La plupart des résidants ont de grandes difficultés au niveau du langage et de la
communication. Des troubles du comportement sont fréquents. Une des unités de vie,
nommé « pavillon » est spécialisée dans l’accueil et l’accompagnement des personnes avec
des troubles autistiques importants (T.S.A. avec un retard mental associé et des troubles
cognitifs sévères ; pas d’autismes de haut niveau type Asperger).
1.4 Le fonctionnement : participation aux ateliers de façon ponctuelle
A l’arrivée du résident au foyer, une évaluation (A.A.P.E.P. : Adolescent and Adult
Psycho-educational Profil) est réalisée par la psychologue en concertation avec les équipes
éducatives, la famille et le médecin. Elle permet de connaître les compétences et capacités
de la personne, ses difficultés mais aussi les émergences de capacité au niveau de
l’autonomie pour la vie quotidienne, ses aptitudes de travail et de loisirs, et de mettre en
avant des objectifs et des conseils pour son accompagnement. Sur cette base de
connaissance de la personne, un projet d’accompagnement individuel est mis en place avec
le planning des activités de jour. Il sera réajusté lorsque nécessaire. Le projet global est
réévalué et modifié selon l’évolution de la personne chaque année. Notons que le dossier
médical antérieur à l’arrivée du résidant présente peu ou pas d’évaluations précises
réalisées dans l’enfance et à l’adolescence. Parfois même, les diagnostics n’ont pas toujours
pu être réalisés précisément ou n’ont pas été transmis. Ceci provoque des difficultés à
prendre en compte l’évolution de la personne pour l’accompagnement thérapeutique et
éducatif au cours de sa vie.
33
La journée du résident est structurée institutionnellement et organisée en plusieurs
temps : en journée l’équipe de jour propose deux activités (spécifiques à chacun) variant
pendant la semaine, une le matin (10h-12h) et une l’après-midi (14h-16h), et encadre le
repas du midi ainsi que les temps d’accueil et de repos. Le matin, le soir et la nuit, des
équipes éducatives se relayent pour accompagner les résidants dans leurs occupations de la
vie quotidienne ou de loisirs. C’est dans le cadre des plannings des activités de jour
(manuelles, artistiques, intellectuelles, auprès des animaux, séances Snoezelen, etc.) que se
situe l’activité « Jardinage » (ou toute autre activité pouvant être réalisée dans l’espace
« Jardin »). Le « Jardin » est ensuite un espace mis à disposition pour tous les autres temps
de la vie (le matin, le soir ou le W.E.). Certains résidants aiment d’ailleurs s’y promener.
1.5 L’environnement : quel contact avec la Nature ?
Le foyer se situe en périphérie de la ville d’Auxonne, situé à une vingtaine de km de Dijon,
et proche des champs qui constituent une partie importante des alentours. Il est construit
sur quelques hectares, la principale surface du terrain est constituée de pelouse. Il y a un
verger à l’entrée cultivé par les hommes d’entretien et au centre, proche du Jardin, un
espace barbecue entouré de grands arbres. Ces derniers offrent des endroits d’intimité et
d’ombre notamment le long du chemin parcourant le Jardin des Quatre Saisons. Plusieurs
espaces ont été aménagés avec des bancs-tables, une pergola, etc. pour permettre de s’y
installer. La région autour d’Auxonne propose de nombreux lieux pour se promener et
profiter de la Nature. Ainsi, dès que le temps le permet, chaque jour plusieurs activités
« marche » sont proposées à l’extérieur par petits groupes : marche le long d’un canal,
autour d’un lac, etc. Le jardin devient ainsi un espace intermédiaire. C’est un endroit qui est
proposé, mis à disposition au sein de l’établissement : il est libre d’accès et permet
d’apprécier la Nature et son évolution au quotidien au cœur des rythmes circadiens et
saisonniers.
34
II.2LE FOYER DE VIE DE RUZIERE : LE JARDIN COMME ACTIVITE DE LA VIE
QUOTIDIENNE
2.1 Le cadre associatif
Le foyer est un établissement médico-social privé administré par une association loi
1901 « association Ruzière », c’est un « foyer de vie occupationnel ». Il se situe à Bourbon-
l’Archambault dans l’Allier, près de Moulins. Sa principale particularité est que les personnes
accueillies participent à toutes les activités de la vie quotidienne (se basant sur les principes
de la sociothérapie). Il n’y a donc pas de personnel pour le ménage ou pour préparer les
repas. L’équipe de professionnels est principalement éducative : les moniteurs d’ateliers
encadrent en journée les activités (jardin, entretien du parc, cuisine, ménage, etc.), et les
éducateurs accompagnent les personnes dans leurs occupations quotidiennes le reste du
temps. D’autres personnes viennent compléter l’équipe : thérapeutes (psychologues, art
thérapeutes, …), professeur de musique. Un psychiatre est référent. Cependant les résidants
vont consulter des professionnels médicaux et paramédicaux auprès des professionnels
libéraux de la ville.
2.2 Un jardin-potager fonctionnel et intégré
Le Jardin est un lieu de production de légumes et fruits et est intégré comme un
atelier parmi les autres. L’activité « parc » réalise aussi du Jardinage pour l’embellissement
du Jardin et du parc. Ce sont des activités nécessaires à la vie quotidienne. La personne, petit
à petit, conçoit son utilité par rapport au groupe et la nécessité de son travail comme
participation au bon fonctionnement de l’établissement. Le même groupe de résidants va
participer à deux activités toute la semaine et tout au long de l’année : ainsi ce sont les
mêmes personnes qui travaillent au Jardin le matin tous les jours. C’est un Jardin fonctionnel
qui est intégré complètement dans la vie quotidienne depuis longtemps, et donc avec des
résidants plus expérimentés. Cela me permet de mieux observer les apprentissages acquis.
2.3 La population accueillie : des résidants plus autonomes
L’objectif du foyer est de « se donner pour tâche de réaliser les conditions nécessaires
à l’évolution de personnes présentant des troubles du comportement ou de la personnalité,
déficientes ou malades mentales ». Il accueille des types de handicaps variés, avec des
niveaux d’autonomie très différents permettant l’entraide entre les personnes d’une même
unité de vie. Cependant, je peux noter que les personnes du foyer sont plus autonomes,
35
montrent de meilleures capacités manuelles et intellectuelles. La différence majeure est
qu’ils ont, pour la plupart, accès à la communication avec des capacités de compréhension,
et d’expression bien supérieures aux personnes accueillies à Auxonne. Ceci permet ainsi de
mieux échanger avec les résidants, d’avoir un retour, une meilleure compréhension.
2.4 Le fonctionnement : participation continue à l’atelier
Le foyer de Ruzière a un fonctionnement similaire à celui d’Auxonne alternant les
temps d’activités de jour et les temps de vie quotidienne hors ateliers. Les horaires sont
distincts incluant un temps de ménage et de repos après le repas du midi et des temps de
pause pendant les ateliers. Au sein des unités de vie, chaque personne participe au
fonctionnement de l’unité : vaisselle, mettre la table, ménage, etc. Les personnes peuvent
profiter du parc et de la Nature dès qu’ils ont un temps libre.
2.5 L’environnement : une Nature riche au sein même de la structure
Le site est un ancien château entouré d’un parc de plusieurs hectares. Dans ce parc
plusieurs espaces se distinguent : une partie forêt, plusieurs vergers, un pré pour les deux
ânes, le jardin-potager, le chemin rejoignant les deux bâtiments d’hébergement, une
pépinière. Le parc se compose d’une grande diversité de plantes, de fleurs avec des grands
arbres anciens magnifiques. Quelques espaces de pelouse permettent de prendre un repas
en collectivité ou bien de réaliser d’autres activités, notamment les fêtes. Le lieu est donc
particulièrement en lien avec la Nature toujours présente, et une certaine harmonie s’en
dégage. Un parcours sonore a été réalisé par les résidants tout autour du parc et permet
d’avoir un parcours délimité (adapté à la base pour les déficients visuels) pour des
promenades à l’écart de la collectivité et offrent des espaces de repos.
Ces deux contextes très dissemblables m’ont permis de mieux appréhender les bénéfices
du contact à la Nature, et du Jardinage grâce à l’observation d’un public handicapé mental
de compétences très diverses, et avec une conception différente du Jardin.
36
IIILES ATOUTS DE L’ACTIVITE DE JARDINAGE ET DE LA
RELATION AVEC LA NATURE POUR LES PERSONNES
SOUFFRANT DE TROUBLES AUTISTIQUES
III.1 UN A PRIORI NEGATIF DES PROFESSIONNELS. POURQUOI?
Si quelques professionnels ont spontanément adhéré au fait que l’espace Jardin et le
Jardinage sont des projets très intéressants pour les personnes souffrant de T.E.D. ou T.S.A.,
la plupart a été de prime abord surprise par ma problématique. Certains ont expliqué leur
point de vue en détaillant les aspects des troubles autistiques qui pouvaient aller contre les
bénéfices d’un Jardin de Soin. D’autres professionnels sans forcément pouvoir l’exprimer
clairement avaient une certaine réticence face à ce sujet. En me basant sur les éléments de
discussion auprès des spécialistes, puis en explorant plus précisément les symptômes des
T.S.A., je reprends ici quelques éléments spécifiques de ces troubles qui pourraient être
responsables d’un « a priori négatif » sur l’activité Jardinage avec les personnes autistes et la
relation entre le Jardin et ces personnes.
1.1 Le besoin de contenance
Le premier point évoqué par les moniteurs éducateurs dans leurs observations est
que la plupart du temps les « trop grands » espaces perturbent la concentration et
l’attention de la personne pendant l’activité. Axel, moniteur éducateur au foyer de Ruzière
m’explique par exemple qu’Alfred était incapable de réaliser la tâche demandée dans le
jardin-potager d’un demi-hectare, ainsi il l’invitait plutôt à travailler dans les tunnels et ceci
fonctionnait mieux ! De la même manière j’observai, un jour de pluie, que l’activité avait été
bien plus efficace à l’intérieur d’une petite salle, plutôt que dans le Jardin où l’espace
d’activité était peut-être moins bien délimité. A propos de la notion plus globale
« d’espace », tous les professionnels m’évoquent la notion de besoin de contenance (notion
utilisée dans certaines thérapies comme le Packing). Ainsi, les psychologues en particulier
m’expliquent que les personnes avec T.E.D. ont besoin d’espace très délimité à la manière
d’une enveloppe car eux–mêmes n’ont peut-être pas intégré leur enveloppe corporelle.
Alors, les espaces « trop grands », et les espaces « vides », pourraient justement perturber
37
leur intégrité psychique et altérer les capacités cognitives (comme nous l’avons vu avec
Alfred sur l’attention). Le risque aussi au Jardin serait de se « sentir perdu » par le manque
de repères visuels, provoquant éventuellement des angoisses, des peurs, un mal-être.
1.2 Le risque de surcharge sensorielle
La seconde réflexion concerne les stimulations sensorielles. Certains professionnels
pensent dans un premier temps que le Jardin peut être un lieu où les personnes « se
perdent » dans les multiples stimulations perçues et combinées, et que la gestion intégrée
de la stimulation simultanée des cinq sens peut s’avérer difficile, voire générer des réactions
adverses. C’est effectivement ce que nous avons pu expliquer dans la partie théorique sur
les troubles de la régulation sensorielle. Il est sûr que nous n’avons pas en tant
qu’accompagnant le pouvoir de faire taire un oiseau, de supprimer le bruit des branches
sous le vent, de faire disparaître l’humidité sur les feuilles ou dans la terre, ou bien de
contrôler les différentes odeurs circulantes. Lors d’autres méthodes utilisant des
stimulations sensorielles comme dans les espaces Snoezelen il y a possibilité de choisir
d’allumer ou éteindre les lumières, de mettre ou enlever le fond sonore, de choisir l’intensité
(mais à l’inverse, cet espace peut avoir des désavantages, il peut paraitre à certains confiné,
artificiel, « froid » (sans vie) selon sa conception).
1.3 L’immuabilité et les changements au jardin (saisons, plantes)
Au contact des résidants et des professionnels, j’ai repéré rapidement la notion de
besoin d’immuabilité de la personne autiste. Ce symptôme est décrit depuis le début par le
terme « sameness » par Léo Kanner. Il est essentiel à la compréhension du fonctionnement
de la personne avec T.E.D. Ainsi, nous pouvons (avec les professionnels) nous interroger sur
le fait que le changement permanent du Jardin au cours du temps ne va pas perturber
psychiquement la personne, si cela ne va pas provoquer un stress, ou des angoisses.
1.4 Les difficultés dans les activités complexes (fonctions exécutives)
Une autre difficulté pouvant surgir pour les personnes avec T.E.D. pendant l’activité
de Jardinage, serait de devoir organiser plusieurs actions de manière séquentielle vers un
objectif. Nous parlons bien entendu des troubles des fonctions exécutives fréquemment
38
observés chez les personnes autistes. Les activités variées du Jardinage comportent
évidemment une complexité spécifique, que l’on retrouve peut-être moins dans d’autres
activités (comme la marche). Les tâches sont en effet très nombreuses et doivent se
succéder dans le temps : semis, arrosage, rempotage, mise en terre. Et chaque tâche
demande effectivement de réaliser plusieurs manœuvres de façon successive : préparer les
godets, le terreau sur un plan de travail, préparer les outils, remplir les godets de terre,
répartir les graines de façon équivalente dans tous les pots, écraser la terre, arroser, les
ranger. Remarquons cependant que beaucoup d’activités occupationnelles, manuelles et
artistiques, proposées à ces personnes sont complexes (comme l’atelier bois : construire un
perchoir, etc.).
Fait surprenant, les professionnels n’ont pas évoqué les troubles du langage, les
troubles dans les interactions sociales et leur influence par rapport aux activités au sein du
Jardin de Soin et à l’activité de Jardinage elle-même. De même pour les stéréotypies et les
intérêts restreints « apparents », qui, avec les troubles des interactions sociales et de la
communication, sont les trois piliers des symptômes autistiques. Je pense qu’ils ne les ont
pas évoqués, car ils se sont « accoutumés » à ces troubles dans toutes les activités de la vie
quotidienne, ou les activités en ateliers. Ces difficultés vont être pourtant une barrière mais
elle n’est pas spécifique à l’espace du Jardin de Soin ou à l’activité de Jardinage.
Ainsi, nous pouvons supposer que les études sur le thème de la relation Nature et
Autismes n’ont pas encore été menées, entres autres dans le domaine spécifique des Jardins
de Soin car cet espace Jardin ainsi que l’activité de Jardinage ne sembleraient de prime
abord pas pertinents auprès des personnes autistes d’après certains professionnels
spécialistes. Cela a aussi été mon premier ressenti, et les professionnels et moi-même avons
dans un premier temps requestionner la cohérence de la problématique abordée.
Cependant cette première approche n’exclut pas le fait que l’espace d’un Jardin et d’une
activité Jardinage soit un choix judicieux et bénéfique dans l’accompagnement proposé aux
personnes souffrant de T.S.A. au sein d’une structure.
39
III.2 L’ADAPTATION DES ACTIVITES AU SEIN DU JARDIN : UNE
ERGONOMIE SPECIFIQUE A RECHERCHER
Si l’activité Jardinage (que nous pouvons rapprocher par simplification à l’approche de
l’hortithérapie décrite en première partie), en raison de certains aspects expliqués
précédemment, ne semble pas totalement adéquate à l’accompagnement d’une personne
adulte autiste, d’après mon expérience, mes rencontres et mes recherches, elle pourrait
cependant être très favorable et prendre complètement sa place dans la prise en charge
proposée aux personnes à partir du moment où l’espace du Jardin et l’accompagnement des
activités qui y sont proposées sont adaptés. L’accompagnant (éducateur, ou thérapeute)
jouera un rôle essentiel sur cet ajustement. Comme nous l’avons vu pour l’hortithérapeute,
il faut qu’il sache accommoder l’activité et s’adapter en étant attentif aux besoins de la
personne. En quelque sorte, il faudra favoriser l’accessibilité (que nous nommerons
« ergonomie ») de l’activité Jardinage et de l’espace du Jardin à la personne. Les différents
aspects ergonomiques sont décrits selon les trois sphères fonctionnelles développées dans la
description des symptômes.
2.1 Ergonomie sensorielle et motrice
Le Jardin serait-il un espace trop stimulant, trop stressant ? Je n’ai pas observé de
comportements de réaction d’agressivité, de refus, de colère, ni de troubles du
comportement ou de mal-être au sein du Jardin, et aucun éducateur ne m’a fait par d’un
quelconque évènement de ce type négatif évoquant un rejet de cet espace.
L’environnement Naturel ne semble pas particulièrement agressif. Comme nous le disions
dans la partie théorique, les stimulations sont présentes mais de manière a priori plus
harmonisées qu’au sein de notre univers sonore habituel (bruits de la ville, brouhaha de la
collectivité, bruits des électroménagers suivant le contexte social.). La Nature peut à ce titre
être considérée comme un dépolluant sonore (diminuant les bruits de l’environnement).
Quant aux stimuli visuels, dépendants des choix botaniques, de structure et d’organisation
du Jardin, mais aussi de la saison et du temps, il faudra prendre la précaution d’imaginer un
Jardin « léger », peu ou pas trop chargé (trouver le juste milieu). En ce qui concerne les
sensations tactiles, il sera nécessaire, en se basant sur les connaissances de la personne
(évaluations), d’éviter qu’elle soit en contact avec une matière qu’elle ne supporte pas, pour
raison allergique ou personnelle (rejet d’une texture). Il sera important de toujours laisser le
40
choix par rapport aux stimulations sensorielles (car l’accompagnant pourrait être tenté
même inconsciemment « d’imposer » des stimulations en proposant certaines actions de
Jardinage). Si la personne n’apprécie pas de marcher sur tel sol (boueux, sec, etc.), il faudra
l’accompagner, mais sans l’obliger à rester en « subissant » un contact négatif (le concept de
Snoezelen fonctionne d’ailleurs de cette manière en proposant des stimuli, et en laissant le
choix à la personne). Ce sont des propositions.
Au niveau moteur, le Jardinage est idéal pour solliciter les capacités physiques, les
différentes fonctions motrices et les capacités psychomotrices (comme nous l’avons
expliqué en première partie). Moi-même au cours de mes stages j’ai pu en faire l’expérience.
Cette activité a l’avantage d’être très adaptable. Si elle peut proposer des gestes demandant
beaucoup de force musculaire et d’énergie (transport de charge en brouette, de pierres,
tonte, etc.), elle peut aussi se réaliser assis à une table en sollicitant plutôt un travail de
préhension fine (semis, rempotage). Elle peut avoir un impact sur le corps dans sa globalité
(équilibre avec un travail debout, combiner la coordination des membres supérieurs et
inférieurs : comme le ratissage, travail bi-manuel), ou bien plutôt exiger une action de
précision. Il est pertinent de rappeler la nécessité de solliciter la motricité de la personne,
car si les personnes souffrant de T.E.D. ne présentent pas forcément de troubles moteurs
importants, l’investissement moteur qui permet habituellement le maintien d’une activité
physique coordonnée et régulière, est souvent perturbé, restreint aux activités de
stéréotypies ou aux activités essentielles de la vie quotidienne. Des troubles peuvent alors
apparaître si nous oublions de solliciter cet aspect de la personne (raideur, trouble du
schéma corporel, etc.) L’activité sera donc prétexte à mobiliser le corps entier et permettra
d’une part le maintien du bien-être corporel de la personne, notamment par l’intégration
progressive des perceptions corporelles (images et enveloppes corporelles, proprioception,
etc.), sans oublier l’apprentissage d’utilisation d’outils manuels participant à l’amélioration
de l’autonomie.
Ainsi, le thérapeute ou l’éducateur sera garant de l’ergonomie motrice et sensorielle
de l’activité, il se basera notamment sur les évaluations telles que l’A.A.P.E.P. et sur les
objectifs qui ont été élaborés en équipe, avec la personne si possible et/ou son tuteur.
Connaissant alors le fonctionnement de la personne accompagnée (ses réactions par
rapport aux stimuli, ses préférences, ses compétences et émergences, etc.), il sera toujours
41
attentif au comportement de la personne, saura adapter l’activité à la singularité de chacun,
et intégrer l’activité de Jardinage au projet personnalisé d’accompagnement. Ainsi le Jardin,
contribue à l’évolution de la personne en respectant les objectifs d’une équipe
pluridisciplinaire et devient ainsi un accompagnement aux soins (éducatifs et
thérapeutiques).
2.2 Ergonomie psycho-cognitive : une ergonomie « émotionnelle »
Lors d’un entretien à propos des bénéfices potentiels du Jardin avec le Pr A.
WERCKMANN, ce médecin psychiatre insista sur le fait que le Jardinier-éducateur doit savoir
adapter l’espace et l’activité, il parla alors « d’ergonomie émotionnelle ». En effet,
n’oublions pas, comme le précise l’équipe de V. CHAUVEAU-CHAVEROCHE dans le livre « les
Autismes », que « la personne autiste a besoin de soins, entendus dans le sens de
sécurisation. Sans cette démarche première, il ne servirait à rien de tenter toute forme
d’apprentissage à partir de techniques. La sécurité psychique est première ! » Ainsi
l’organisation de l’espace et de l’activité (cadre de l’accompagnement au Jardin) est
importante.
-Le cadre spatio-temporel:
Les personnes avec T.E.D. ont souvent un programme très organisé pour faire face à
leurs difficultés face aux changements et en rapport à la notion de temps. Toute
modification peut être cause de « stress ». Ainsi les temps de la journée sont bien délimités,
la personne prendra rarement l’initiative de changer son planning en allant par exemple se
promener entre deux activités ou pendant un temps de pause. Il sera donc important
d’intégrer l’espace Jardin (surtout s’il est nouveau) dans le quotidien, et d’une certaine
manière « définir » à quel moment la personne peut aller dans le Jardin et pourquoi, pour
quel type d’activité. Plusieurs temps sont alors à distinguer : les temps d’ateliers en journée
(activités diverses dont le Jardinage, séances thérapeutiques : snoezelen, psychologues,
soins infirmiers, etc.), et les temps de vie quotidienne. D’abord, il serait intéressant de
commencer par un accompagnement de la personne au sein du Jardin pour qu’elle puisse
s’approprier cet espace au niveau spatial et temporel. Nous pouvons imaginer instaurer des
temps d’accompagnement à la marche ou à la détente au Jardin. Enfin rappelons que les
changements au Jardin s’inscrivent dans un temps qui est relativement long et lent (les
42
plantes évoluent sur plusieurs jours, plusieurs semaines, ou plusieurs mois)! Les
changements ne sont pas spontanés sur l’instant présent (sauf la taille de haie peut être, ou
une pluie de grêlons), mais se font de manière très progressive au rythme des saisons. Ainsi,
il est fort probable que la personne ne se sente pas en insécurité ou ne montre pas
d’angoisse face à ce type de changement, malgré son besoin d’immuabilité. Le rythme de la
Nature pourra alors jouer une influence positive en permettant d’intégrer un certain rythme
sans changements brusques et agressifs. Ces rythmes permettent au contraire de donner
une certaine stabilité nécessaire à chaque être humain (nous pourrions même parler de
nécessité physiologique : notion d’équilibre développé dans la partie théorique). De plus les
rythmes de la Nature (circadien jour-nuit, rythme d’une journée, et le rythme des saisons
sur l’année) sont « circulaires ». Ainsi, cette notion du temps ne rentre pas en conflit avec les
difficultés de perception de temps par la personne souffrant de T.S.A. (puisque, nous l’avons
vu, la perception du temps par la personne souffrant de T.E.D ne serait pas linéaire mais
plutôt circulaire, avec une notion de répétition). Notons cependant, que le Jardin peut
donner des repères aussi sur un mode linéaire avec par exemple la croissance des arbres.
La notion d’espace au Jardin est à mettre en rapport avec les besoins de contenance
de la personne autiste, il sera nécessaire de créer un endroit rassurant. La sécurisation
(physique et psychique) est une règle d’or dans l’accompagnement des personnes avec des
T.S.A. Ainsi il sera conseillé de préférer aux grands espaces, comme nous l’avons évoqué plus
haut, des espaces plutôt restreints et des espaces suffisamment structurés, c’est-à-dire
repérables (repères visuels par exemple). Les personnes autistes n’ont pas de troubles
spécifiques sur le repérage spatial, ils peuvent même avoir des capacités étonnantes pour se
rappeler la place d’un objet ! Ce sont des capacités qui pourront être intéressantes à
utiliser au Jardin. Par exemple la personne pourra repérer l’évolution d’une plante qu’elle a
elle-même mise en terre.
Ainsi si le cadre spatio-temporel des activités au sein du Jardin (dont le Jardinage) est
clairement défini, il devient alors rassurant, permettant ainsi à ces activités de solliciter
justement l’apprentissage et l’intégration de ces deux dimensions (par exemple :
différenciation de ce qui est dans un espace à désherber et ce qui est à l’extérieur du carré
et qu’il ne faut pas toucher, mémorisation des espaces utilisés pour telle et telle plantation,
suivi des évolutions des plantes avec le temps et les saisons qui passent).
43
-Le cadre structuré de l’activité:
Lors des ateliers, il faudra prendre en compte les troubles des fonctions exécutives
qui engendrent des difficultés dans les activités complexes. Ainsi il sera nécessaire de bien
structurer et décomposer les différentes étapes, et les différentes séquences à suivre pour
repérer les différentes tâches (utilisation d’aides visuelles inspirées des approches
pédagogiques et des méthodes éducatives ou rééducatives existantes, comme le
T.E.A.C.C.H.). De plus, face aux difficultés de représentation et de généralisation il sera
nécessaire de donner des explications sur le contexte, l’intention d’une tâche, l’utilisation
des objets lors de l’apprentissage. Le manque d’initiative rend également difficile
l’autonomie de la personne dans l’activité. L’encadrant devra être très présent et solliciter
sans cesse la personne, lui montrant les actions à faire, les choses à observer tout en
s’adaptant à ses capacités personnelles en l’invitant, en lui proposant. Il est important de
rappeler les difficultés d’imitation des personnes souffrant de T.E.D. de manière générale.
Progressivement si le cadre est assez structuré, chaque personne pourra progresser et être
de plus en plus compétente dans un domaine ou l’autre. Elle prendra des repères, et c’est
lorsque tout le cadre de l’activité sera intégré qu’elle pourra prendre plus facilement des
initiatives. C’est la différence que j’ai pu observer entre un Jardin en évolution récente
(Jardin des quatre saisons à Auxonne), où les repères sont à mettre en place, et un atelier
qui existe depuis longtemps avec la participation des mêmes personnes depuis un temps
assez long (atelier de Ruzière). Celles-ci vont prendre des initiatives : aller chercher les outils,
le matériel, savoir organiser la tâche demandée, savoir à quel endroit ranger les affaires, se
laver les mains, etc. Enfin le Jardinage a l’avantage de montrer des résultats concrets et de
participer à la valorisation du travail de la personne, c’est que nous pouvons appeler « la
rémunération narcissique ». Nous pouvons voir la plantation d’un rang d’épinard, la cagette
pleine de légumes, nous pouvons observer tout l’espace qui a été nettoyé des mauvaises
herbes. Il est intéressant, comme l’a proposé une monitrice d’atelier du foyer de Ruzière, de
mettre en place des espaces délimités désignés sous la responsabilité d’une seule personne.
Elle pourra alors plus facilement repérer dans le temps le résultat concret de son travail. Des
techniques pourront être élaborées dans ce sens : par exemple l’utilisation des étiquettes
avec le nom de la personne qui a semé pour observer le résultat plus tard (naissance d’une
plante).
44
2.3 Ergonomie sociale : le groupe et le langage
Nous avons abordé les difficultés de communication et de langage des personnes
avec des T.S.A., ici nous voudrions rappeler que c’est bien l’accompagnant qui devra être
attentif à trouver les meilleurs moyens pour que les consignes de l’activité soient comprises,
à entendre les demandes ou les difficultés des personnes en souffrance. Ainsi il prendra soin
d’utiliser les mots le plus littéralement possible pour les personnes qui ont le langage
(l’avantage du Jardinage est que les notions de vocabulaire et les sujets sont très concrets).
S’il n’y a pas le langage, il sera amené à connaître les moyens de communication alternative
mis en place par les équipes éducatives ou rééducatives, en s’inspirant des conseils évoqués
pendant les réunions interdisciplinaires et mis en avant par les évaluations comme
(l’A.A.P.E.P. ou autres selon la structure) : utilisation d’images, sollicitations variées,
identification des émotions chez la personne (plaisir, ou au contraire souffrance). Comme
toute médiation ou support qui permet de faciliter les relations, le Jardinage est une activité
qui sera prétexte à communication, même si ce n’est pas un objectif spécifique. Si l’un des
objectifs prioritaires du plan individualisé fait partie du domaine de la communication, le
Jardin et l’activité de Jardinage peuvent être un lieu privilégié pour l’expression des
émotions de la personne, pour initier un possible échange et solliciter l’attention conjointe.
Comme nous l’avons vu, le Jardin est source de création de relations sociales parfois
improbables. Le Jardinage est un réel prétexte aux interactions. Lors d’une activité de
rempotage, j’ai été très étonnée de surprendre Gilles, et Cédric (qui souffre à priori de
T.E.D.) en train de se passer les pots de terre. Gilles remplissait les godets de terre, et Cédric
les prenait pour les poser sur la table. A d’autres moments, plusieurs résidants se sont
retrouvés autour d’un même bac pour nettoyer la terre des herbes sèches. Lors de mon
second stage l’approche était différente : certaines tâches étaient réalisées plus
individuellement, chacun étant responsable de la sienne. Par contre, le « sentiment d’utilité
sociale » était vraiment mis en avant. Le Jardinage étant partie intégrante du
fonctionnement du foyer, la personne fait partie d’un groupe (groupe jardinage, entretien
du parc, etc.) responsable d’une tâche. Ainsi l’appartenance à un groupe social, même si
cette représentation n’est pas conceptualisée par la personne autiste de la même manière
qu’une personne sans T.E.D., imprègne tout de même le quotidien de la personne et permet
de donner de la motivation, ainsi que de lutter contre l’isolement.
45
Le Jardinage peut donc être considéré comme un accompagnement bénéfique si l’on
respecte certaines contraintes : un cadre précis doit être mis en place avec un respect de
structuration du temps et des espaces afin de proposer des repères, des règles définies et
claires sont nécessaires de même que des explications simples, l’accompagnant doit être
invariant et offrir des éléments rassurants, contenants et structurants. Des répétitions telles
que des rituels de début et de fin de séance permettront de rythmer le temps à travers
l’activité. L’activité doit être porteuse de sens. Le Jardinage peut être un outil fabuleux car il
permet de solliciter, maintenir et améliorer des capacités dans tous les domaines vers une
meilleure autonomie et un bien-être global. Cela dépendra bien sûr de l’organisation établie
par la conception du jardin et par l’accompagnateur (éducateur, hortithérapeute, moniteur
d’atelier, etc.) mais aussi des objectifs poursuivis. Il sera donc toujours fondamental d’avoir
une base de réflexion sur le type d’activité proposé et chercher aux mieux à s’intégrer dans
le projet éducatif individualisé en respectant les objectifs mis en place par l’équipe
pluridisciplinaire. Le tout participera à la construction et l’évolution de la personne en tant
qu’être individuel que ce soit par le ressenti de son corps avec des sensations physiques et
sensorielles, ou par la relation qui se crée avec le végétal vivant, et avec les autres personnes
du groupe.
III.3 L’ESPACE DU JARDIN COMME CONTACT AVEC LA NATURE
Le bénéfice d’un espace Naturel, même s’il est travaillé par la main de l’Homme, dans un
établissement est un sujet complexe à aborder, surtout lorsque la barrière de la
communication est très présente. Comment savoir si la personne se sent bien, si elle se sent
détendue, s’il y a un effet de bien-être ? Comment évaluer les effets bénéfiques provenant
de cet espace ? Comment tenir compte des facteurs délétères exogènes (environnement :
événement familial, changement de planning dans la journée, etc.) ou endogènes (douleur,
mal être) qui peuvent perturber le comportement de la personne lors de l’observation de
l’activité de Jardinage, ou des activités qui ont lieu au Jardin.
La personne souffrant de T.E.D. a des difficultés d’adaptation face aux changements
(besoin d’immuabilité). Même s’il y a changement au cours du temps des plantes et du
Jardin, la nature a une spécificité : d’une certaine manière, au moins sur le plan végétal, elle
est prévisible ! Pour nombre de plantes, elles se reproduisent toujours à l’identique : une
graine de tournesol donnera toujours un tournesol (même s’il y a quelques exceptions :
46
changement de couleurs selon la nature du sol, la pluviométrie, etc.). La Nature montre une
constance globale avec de discrètes variations. De même, les saisons reviennent
inlassablement dans le même ordre. Même si un coup de gel peut nous surprendre au
printemps, il est immuable que le Jardin nous offrira plutôt des fleurs au printemps, de la
verdure l’été, des feuilles orangées l’autonome, et sera peut-être couvert de neige en hiver.
Le caractère prévisible de la Nature s’adapte bien d’une certaine manière au
fonctionnement de la personne avec T.S.A., en leur permettant d’être dans un lieu a priori
toujours rassurant. Les effets bénéfiques neurophysiologiques incontestables du Jardin sont
d’ailleurs liés à l’impact des rythmes circadiens et saisonniers sur l’équilibre de l’horloge
biologique interne, important pour le maintien harmonieux de nombre des régulations
hormonales (cycle du cortisol par exemple).
Le Jardin est un espace, un lieu avant tout de Nature. Au-delà du Jardinage il peut
accueillir d’autres activités (ou passe-temps, loisirs, ateliers.). Par exemple, l’approche
Snoezelen peut donner des pistes pour une meilleure adaptation de l’activité Jardinage, ce
concept pouvant même être proposé de manière individuelle au sein du Jardin de Soin. Ces
séances permettront aux personnes de : s’approprier petit à petit les espaces du Jardin
qu’elles préfèrent, découvrir progressivement les différentes sensations des cinq sens
retrouvées au Jardin, et les sensations de détente, de bien-être. Rien n’empêche d’ailleurs
lors de la conception de prévoir au sein du Jardin un ensemble d’éléments sensoriels : des
lumières, musiques, ou sons, images, objets artistiques mouvants, contact avec l’eau, etc.
Pour ainsi dire : un espace Snoezelen en pleine Nature ! Cette approche peut être
particulièrement intéressante lorsque la personne a très peu de compétences manuelles, et
cognitives. Par exemple, il est très difficile d’attirer l’attention de Léa, qui participe très peu
aux différentes activités, limitée par ses mouvements stéréotypés, et dans un tel cas, une
approche purement sensorielle de la Nature serait intéressante à proposer.
Nous avons abordé dans la partie théorique tous les bienfaits communs du Jardin et de la
Nature, ainsi que les études scientifiques attestant d’un réel effet apaisant de la Nature.
Mais les bienfaits de la Nature pour tous sont-ils applicables a priori aux personnes autistes ?
L’effet bénéfique de la lumière du soleil, être en lien avec un milieu Naturel, la beauté du
cadre végétal : sont-ils des concepts positifs universels ? Ces questions doivent être posées
avec d’autant plus de force que le fonctionnement et les perceptions de la personne
47
souffrant de T.E.D. sont totalement différents des nôtres. Cette idée d’une perception
individuelle du monde extérieur, si beau soit-il, est fondamental et s’applique à toute
personne, qu’elle soit ou non en bonne santé. Il est utile de rappeler qu’il existe une grande
diversité psychique entre individu, certains peuvent témoigner du Jardin (au sens classique,
pas de soin) comme pouvant être stressant, allergisant, éreintant, etc. De mes observations,
j’ai pu remarquer que la personnalité de la personne, ses intérêts, ses goûts connus jouent
un rôle fondamental dans la perception du Jardin de Soin ! Effectivement j’ai observé des
personnes souffrant de T.S.A. qui semblaient établir un lien très fort avec la Nature, d’autres
pas du tout, d’autres pour lesquelles il est difficile de savoir, car ils ne montrent pas d’intérêt
particulier en dehors des stéréotypies. Donc, c’est bien la notion de proposition qui est
importante : le fait de proposer un espace de Nature accessible, un espace d’intimité, un
espace de repos, de promenade, un espace qui n’existerait pas si on ne l’avait pas conçu et
imaginé, tout en respectant la liberté de la personne. Si celle-ci ne se sent pas à l’aise dans le
Jardin, elle aura le choix de s’y rendre ou pas. Cette liberté de choix qui n’est pas toujours
possible pour d’autres moments de la journée, pour d’autres espaces de collectivité. Ce lien
entre Jardin de Soin et la liberté est fondamental, compte tenu du fait que certaines
personnes souffrant de T.E.D. montrent peu d’initiatives, de spontanéité.
L’accompagnement en douceur sera essentiel. Comme nous l’évoquions dans l’approche
ergonomique, il sera nécessaire d’intégrer ce nouvel espace dans leur quotidien quitte à
créer des moments « rituels » (comme passer un moment au Jardin sans activité particulière,
ou bien par le biais des séances Snoezelen, l’observation des repères spatiaux, et aussi
sensitifs, moments d’échange social, artistique (musical par exemple)). Alors elle pourra
découvrir si la Nature, si le Jardin l’intéresse, lui apporte du bien-être, choisir des endroits
préférés plus ou moins intimes où elle ressentirait plus de détente. Et c’est suite à cette
étape, que les accompagnants pourront observer ou non un bien-être, des comportements
au contraire d’irritabilité ou agressivité pouvant exprimer un mal-être (ce dont aucun
professionnel ne m’a fait part). Après ce temps d’appropriation, la personne pourra être en
demande ou non d’être accompagnée, ou bien de pouvoir elle-même investir des temps
personnels, seule au sein de cet espace. Les personnes souffrant « d’autismes » sont parfois
angoissées par les moments de « vide en activités », les temps de pauses, les temps de repos.
Eventuellement, ces temps pourraient être un temps de repos au Jardin, une marche dans le
Jardin organisée de façon rituelle si nécessaire. Le Jardin pourra alors au quotidien apporter
48
détente et plaisir (notamment si la personne montre une hypertonie avec difficulté de
relaxation active).
La relation avec la Nature apporte-t-elle réellement un bénéfice si la personne a déjà du
mal à être en relation avec les Humains. Le rapport avec une plante est bien différent,
compte tenu de son caractère a priori statique, mais il s’agit malgré tout de Vivant, capable
de croissance et reproduction. En ce sens, ce côté immuable de la végétation est-il un
facteur de stabilisation pour le psychisme des personnes souffrant de T.E.D. ou T.S.A., ou au
contraire totalement neutre en terme d’impact. Les études nécessiteraient d’être à
l’intérieur de l’esprit de ces personnes, mais ceci étant impossible, seuls les critères cliniques
d’évaluation, mais aussi et surtout l’observation, nous aideront.
CONCLUSIONS ET OUVERTURES
Ce travail a été très enrichissant, les deux expériences et les multiples rencontres avec
les professionnels et les personnes handicapées m’ont permis de mettre en avant des pistes
de réflexion sur le thème des Jardins de Soin 24 et de leurs bénéfices pour l’accompagnement
des personnes avec des T.E.D.
Si certains aspects des symptômes des personnes souffrant de T.S.A. pouvaient
mettre en doute l’idée qu’un espace Jardin et qu’une activité Jardinage soient bénéfiques
pour ces personnes, nous avons malgré tout pu développer des propositions qui permettent
de s’adapter aux difficultés spécifiques de chacun et mettre en avant l’hypothèse que cet
espace-outil agit réellement comme un soutien bénéfique à la prise en charge des personnes
avec T.E.D. dans un établissement médico-social.
Nous avons pu voir que l’espace d’un Jardin, par de multiples approches, comporte
un énorme potentiel comme support à l’accompagnement des personnes autistes, car il a
des influences sur les trois piliers de la triade composant le syndrome autistique et sur la
plupart des symptômes des trois sphères participant au fonctionnement d’une personne
(sensori-motrice, psycho-cognitive, et sociale). Evidemment cela dépendra fortement de la
qualité de l’accompagnant qui doit savoir guider la personne en s’adaptant au cas par cas.
24Nous suggérons d’ores et déjà, eu égard la complexité du thème, témoignée dans ce rapport, que le terme
de « jardin thérapeutique » doit être évité ou utilisé avec grande prudence, peut être plus adapté aux jardinsoffrant des plantes avec intérêt thérapeutique (médicinal).
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Les contraintes institutionnelles25 doivent être prises en compte surtout pour la disponibilité
attribuée aux professionnels par nombre de résidants. En effet des groupes de travail trop
importants, et eu égard aux contraintes sécuritaires, mais aussi face à la complexité et la
diversité des capacités de chaque résident, seraient inefficaces, voire même délétères.
Cependant, si nous pouvons admettre que le Jardin de Soin est réellement un espace
bénéfique au sein de la prise en charge des résidants autistes, le travail d’évaluation
indispensable, reste entièrement à faire. Ce travail semble très complexe. L’implication du
corps soignant et éducatif sera essentielle, en veillant à ce que le Jardin ne soit pas
simplement catégorisé dans le groupe des médecines alternatives ou à tendance parallèle,
mais comme un véritable espace de soin, où dans certains cas, des soins même médicaux,
paramédicaux, et thérapeutiques (complétant un travail éducatif) peuvent être prodigués. Il
est nécessaire d’observer l’évolution des résidants, le Pr MAZET le souligne en s’adressant
aux soignants impliqués dans des Jardins de Soin (RIBES, 2006) : « vous êtes dans la position
de chercheurs […] votre champ d’expérience est celui des rapports entre matière vivante et
nature et l’esprit humain dans certains de ses dysfonctionnements. Vous devez vous projeter
dans le temps, donner de la durée à vos initiatives, en garder les trace et consigner les
évolutions ». François GUILLOT, éducateur, dit en s’adressant au même public : « l’atelier
jardin reste un support d’observation ». Effectivement, les professionnels sont les garants de
cette observation : il est fondamental de réapprendre à observer, simplement, comme le
faisait par exemple DARWIN pour élaborer au final l’une des plus grandes théories de
l’évolution. L’observation seule, permet de noter les évolutions du comportement. Mais
comment organiser ces observations ? J’ai pu m’interroger au cours de mon parcours sur ce
sujet, et j’ai très rapidement rencontré des difficultés. Il faut savoir qu’il y a souvent peu de
traces de l’anamnèse (antécédents, caractéristiques du syndrome au cours du temps, etc.)
de la plupart des personnes adultes présentant des T.S.A. : les dossiers médicaux et
paramédicaux ne contiennent pas toujours les informations dont nous avons besoin comme
base de travail permettant d’apprécier l’évolution de la personne, ainsi que les effets des
thérapies et des méthodes éducatives. Parfois même aucun diagnostic n’a été posé, et
certains autres sont remis en cause notamment lors de pathologies congénitales. De plus, les
évaluations diagnostiques, et les autres évaluations évoluent au cours du temps. Il y a 20 ou
25Il est crucial, même si il ne s’agit pas de l’objet principal de mon travail, de rappeler comme le font les
bénévoles de l’association « JAS » qu’il est utile de concevoir un Jardin de Soin si l’on est certain que celui-cisera utilisé de manière pérenne et donc entretenu.
50
30 ans les méthodes n’étaient pas les mêmes, car nous l’avons vu le syndrome « autisme »
n’appartenait même pas aux T.E.D. mais aux psychoses. Ce qui apparaît aujourd’hui comme
une évidence est que la mise en place d’évaluation des bénéfices des Jardins de Soin
demande un travail considérable intégrant une approche interdisciplinaire. Les psychologues
spécialisés dans les évaluations (comme l’A.A.P.E.P.) seront des ressources indispensables,
ainsi que les médecins et les rééducateurs impliqués dans la prise en charge. Ce travail devra
être réalisé en collaboration avec les éducateurs ou soignants qui vont observer au quotidien
le comportement des personnes. Il sera intéressant de se baser sur des évaluations validées
déjà existantes, pour les adapter aux différentes situations rencontrées au Jardin. Dans ce
type de handicap et vu la diversité des situations, une trame commune peut être réutilisable,
mais elle doit être modifiable pour laisser un certain degré de liberté et ainsi « coller » aux
situations individuelles. L’évaluation devra se réaliser sur du long terme, car il faut
impérativement sortir de l’événementiel, plus simple par sa ponctualité (type : « j’ai observé
ceci au Jardin, j’en déduis que cette activité provoque ce comportement »). Une multitude
d’évènements contextuels peuvent perturber l’interprétation d’un comportement. Des
évaluations sont en cours de réalisation au foyer de Ruzière. Ce sont les moniteurs d’atelier
qui évaluent l’amélioration du comportement et des compétences à long terme. Ce sujet
pourrait être source d’un autre travail à part entière.
Enfin, nous avons voulu apporter des réflexions à propos de l’impact du milieu
Naturel, la Nature (exprimée à travers sa matérialisation au sein d’un Jardin de Soin) sur les
T.S.A. Mais comme l’exprime le Pr CALENDER : «si affirmer que la vie en pleine nature est
plus agréable que celle que l’on peut avoir dans un cadre urbain étouffant relève d’une
véritable « lapalissade » […] Comprendre les mécanismes qui sous tendent une telle réalité
est plus difficile ». C’est sur ce point qu’il serait intéressant d’approfondir ce questionnement
qui vient spontanément et obstinément : quels sont les mécanismes sous-jacents de ces
effets ? Nous ne pouvons nier les aspects plus profonds qu’évoque le Jardin, et cette relation
un peu mystérieuse de l’Homme avec la Nature (citons l’ancrage et le retour à la Terre, le
mimétisme des phénomènes biologiques naturels par sa reproduction et sa croissance, la
sensibilité à l’environnement, etc.) Et même si ce lien invisible reste pour l’instant
impalpable et difficilement évaluable par les sciences « dures », il ne faut pas pencher vers
un excès de réflexions philosophiques, même métaphysiques et spirituelles. Car n’oublions
51
pas que c’est plus la méconnaissance des mécanismes précis de la conscience et de la
relation cognitive qui crée l’étrangeté de la réflexion, que le simple fait de dire qu’il est bon
d’être dans un Jardin. La médecine n’est pas une science exacte mais elle a besoin de
connaissances objectives issues des sciences dites dures. Ceci n’empêchant pas d’intégrer
certains aspects dans des réflexions médicales. En 2001, par exemple, un article de réflexion
publié par H. FRUMKIN dans le très sérieux American Journal of Preventive Medecine (2001)
lui-même évoquait : «il est ainsi donné au jardin de jouer le rôle de succédané de nature
auprès des hommes que sa culture éloigne toujours plus de ses sources ataviques. Ces liens
sont ceux qui nous attachent aux autres espèces vivantes […] qui suscitent une démarche de
communion avec la nature empreinte de spiritualité », et complétait sa déclaration par cette
idée : « le jardinage permet ainsi de compenser […] l’insatisfaction existentielle de l’homme
prisonnier de la société ». En appliquant cette réflexion aux T.E.D. ou T.S.A., que pourrions-
nous dire de la puissance de ce lien avec la Nature pour ces personnes qui nous renvoient
cette image d’emprisonnement (par leur isolement et leur solitude conséquences de leurs
troubles) ? Nous évoquerons quelques théories à ce sujet.
Edward OSBORNE en 1984, grand spécialiste de la sociobologie pose ce postulat (in
RICHARD, 2011) : « les êtres humains seraient, d’une façon innée, inconsciente, attirés par les
autres organismes vivants et cette attirance aurait une origine génétique ». Chaque individu
vit en équilibre avec le milieu Naturel qui l’entoure, son devenir étant conditionné par son
patrimoine génétique et l’environnement, mais aussi et surtout par l’interaction entre les
deux. Dans le cadre des T.E.D., on sait qu’il existe plusieurs dizaines de gènes conduisant à
des sémiologies du spectre autistique, donc de manière évidente, la relation entre l’Humain
souffrant et l’environnement sera perturbée. La relation avec la Nature peut être donc
bouleversée, modifiée chez ces personnes, et, c’est bien là le rôle du soignant, des
éducateurs et de toute autre personne encadrant les résidants autistes dans les institutions
de veiller à l’amélioration du rapport entre l’environnement et la personne. On sent bien là
l’impact du Jardin de Soin, comme un « simple » outil ou espace de Soin.
La théorie évolutionniste propose le concept d’un tropisme naturel pour les arbres,
car les humains à leurs origines y trouvaient de l’eau et de la sécurité. Michel PERLMAN dit à
ce sujet : « l’homme cherchait des endroits sécurisants : voir sans être vu pour trouver du
repos » (in RICHARD, 2011). Ces observations peuvent être rapportées à la proximité
affective que nous pouvons ressentir pour l’espace d’un Jardin. Nous retrouvons cette
52
notion de sécurité si importante dans l’environnement d’une personne autiste. Le Jardin
alors pourrait être vraiment un lieu sécurisant et par ce biais permettre une détente, et une
paisibilité qui favoriserait l’ouverture des canaux de communication avec l’environnement,
et l’entourage social pour les personnes souffrant de T.E.D.
L’écopsychologie, popularisée en 1992 par Theodore ROSZAK, professeur d’Histoire à
l’Université de Californie, propose une science des relations entre l’esprit et
l’environnement. Notamment la santé mentale, ne serait liée aux seuls déterminants
neurobiologiques ou sociologiques, mais puiserait également ses sources dans des racines
environnementales. L’Homme ne pourrait aspirer à une parfaite santé qu’au sein d’une
Nature elle-même en parfaite santé. Alors l’espace du Jardin et le Jardinage permettrait de
soigner notre santé par cette réciprocité, puisqu’un environnement Naturel en bonne santé
influencerait la notre ! Dans cette conception d’un échange de soins mutuel, on peut
naturellement rester perplexe, cependant rien (pas d’études particulières ou de sciences) ne
semble prouver le contraire et nul ne contestera qu’un environnement dégradé soit délétère
pour la santé ! La simple observation sereine des plantes en mouvement au gré du vent
aurait un impact neurologique, comme le montrent en particulier les travaux d’un grand
neurobiologiste français, Marc JEANNEROD, à travers le concept d’isomorphie fonctionnelle,
ou de relation entre la perception d’un mouvement et la préparation à l’action.
Fonctionnellement localisé au sein du groupe des neurones canoniques et l’aire de
Brodmann, les neurones miroirs (Mirror Neuron System), ce mécanisme encore dénommé la
« simulation incorporée » témoigne de la réaction empathique que nous pouvons avoir
devant un objet en mouvement, de surcroît devant la Nature en mouvement, conduisant
potentiellement à des actions finalisées et communicatives.
Ainsi aux frontières de la médecine, de la psychologie, de l’écologie et des
neurosciences, il faut rappeler au terme de ce travail : l’importance d’une certaine
rationalité dans l’approche conceptuelle des Jardins de Soin en milieu médical ou social,
l’importance de l’adaptation au contexte des pathologies concernées par la relation avec les
soignants et animateurs, et le fait que le Jardin soit proposé avec douceur comme un nouvel
espace de vie et de projets.
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http://vivharmonie.com/actions-pediatriques.html : Association Viv’Harmonie, 2012.
ANNEXES
ANNEXE N°1 : DEFINITIONS DES T.E.D. DE LA D.S.M.-IV-T.R., ET LA C.IM.10
-Annexe N°1 A : Définitions des Troubles Envahissants du Développement, extraits
du Mini-D.S.M.-IV-T.R.
-Annexe N°1 B : Définitions des Troubles Envahissants du Développement, extraits de
la C.I.M. 10
ANNEXE N° 2 : TABLEAU DES CLASSIFICATIONS DES T.E.D. , ETATS DES
CONNAISSANCES, H.A.S., 19, 2010
ANNEXE N°3 : TABLEAU DES REACTIONS AUX STIMULATIONS SENSORIELLES,
ETATS DES CONNAISSANCES, H.A.S., P58, 2010
ANNEXE N°1 : DEFINITIONS DES T.E.D. DE LA D.S.M.-IV-T.R., ET LA C.IM.10
Annexe N°1 A : Définitions des Troubles Envahissants du Développement, extraits du
Mini-D.S.M.-IV-T.R.
Annexe N°1 B : Définitions des Troubles Envahissants du Développement, extraits de
la C.I.M. 10
ANNEXE N° 2 : TABLEAU DES CLASSIFICATIONS DES T.E.D. , ETATS DES
CONNAISSANCES, H.A.S., 19, 2010
ANNEXE N°3 : TABLEAU DES REACTIONS AUX STIMULATIONS SENSORIELLES,
ETATS DES CONNAISSANCES, H.A.S., P58, 2010