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Marylin de Joanna Vasconcelos, Château de Versailles, Eté 2012. 1- L’OEUVRE : Titre de l’œuvre Marylin Nom de l’auteur ou de l’artiste Joanna Vasconcelos. Nature de l’œuvre Sculpture In situ. Date Exposée du 19 juin au 30 septembre 2012. Dimensions (2x) 290 x 157 x 410 cm Lieu de conservation ou d’exposition Galerie des glaces du château de Versailles 2- L’auteur ou artiste : Dates Née en 1971 à Paris. Nationalité Portugaise. Biographie (évènements marquants de sa vie Joanna Vasconcelos est une artiste portugaise qui est née et a vécu toute sa jeunesse en France. Elle vit et travaille aujourd’hui près de Lisbonne au Portugal, mais son histoire personnelle d’enfant immigrée a une importance particulière pour comprendre ses œuvres. Son travail consiste principalement en la création de sculptures géantes constituées d’objets manufacturés ou de matériaux liés à l’univers du textile et à l’artisanat (tissages, broderies…). Ces sculptures sont souvent créées pour, et installées dans des lieux publics. À travers ses œuvres, l’artiste interroge la symbolique des lieux dans lesquels elle expose tout en abordant des questions posées par son statut de femme artiste d’origine portugaise née en France telles que : la place de la femme dans nos sociétés, la différence de classes sociales ou encore la question de l’identité nationale. Œuvres importantes réalisées par l artiste La Fiancée, une sculpture représentant un gigantesque lustre intégralement composé de tampons hygiéniques qui a fait sensation à la Biennale de Venise en 2005 (grande exposition qui a lieu dans la ville italienne tous les 2 ans), et qui sera refusée par les commissaires (ceux qui dirigent et font le choix des œuvres) de l’exposition au château de Versailles par crainte de choquer le grand public ! 3- Le contexte historique, social, géographique, artistique : Contexte Depuis 2008 le château de Versailles invite chaque année un artiste contemporain à investir l’ensemble de son domaine : intérieurs du château et extérieurs pour y exposer des œuvres existantes ou créées pour l’occasion. La commande faite à l’artiste implique de prendre en compte d’une part la démesure du lieu, et d’autre part de réfléchir à sa symbolique ainsi qu à son histoire. Marylin, J. Vasconcelos, Galerie des glaces, Château de Versailles.

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Marylin de Joanna Vasconcelos, Château de Versailles, Eté 2012.

1- L’OEUVRE :

Titre de l’œuvre Marylin

Nom de l’auteur ou de l’artiste

Joanna Vasconcelos.

Nature de l’œuvre

Sculpture In situ.

Date Exposée du 19 juin au 30 septembre 2012.

Dimensions (2x) 290 x 157 x 410 cm

Lieu de conservation ou d’exposition

Galerie des glaces du château de Versailles

2- L’auteur ou artiste :

Dates Née en 1971 à Paris. Nationalité Portugaise.

Biographie (évènements marquants de sa vie)

Joanna Vasconcelos est une artiste portugaise qui est née et a vécu toute sa jeunesse en France. Elle vit et travaille aujourd’hui près de Lisbonne au Portugal, mais son histoire personnelle d’enfant immigrée a une importance particulière pour comprendre ses œuvres.

Son travail consiste principalement en la création de sculptures géantes constituées d’objets manufacturés ou de matériaux liés à l’univers du textile et à l’artisanat (tissages, broderies…). Ces sculptures sont souvent créées pour, et installées dans des lieux publics. À travers ses œuvres, l’artiste interroge la symbolique des lieux dans lesquels elle expose tout en abordant des questions posées par son statut de femme artiste d’origine portugaise née en France telles que : la place de la femme dans nos sociétés, la différence de classes sociales ou encore la question de l’identité nationale.

Œuvres importantes réalisées par l artiste

La Fiancée, une sculpture représentant un gigantesque lustre intégralement composé de tampons hygiéniques qui a fait sensation à la Biennale de Venise en 2005 (grande exposition qui a lieu dans la ville italienne tous les 2 ans), et qui sera refusée par les commissaires (ceux qui dirigent et font le choix des œuvres) de l’exposition au château de Versailles par crainte de choquer le grand public !

3- Le contexte historique, social, géographique, artistique :

Contexte Depuis 2008 le château de Versailles invite chaque année un artiste contemporain à investir l’ensemble de son domaine : intérieurs du château et extérieurs pour y exposer des œuvres existantes ou créées pour l’occasion. La commande faite à l’artiste implique de prendre en compte d’une part la démesure du lieu, et d’autre part de réfléchir à sa symbolique ainsi qu à son histoire.

Marylin, J. Vasconcelos, Galerie des glaces, Château de Versailles.

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4- Analyse d’ une œuvre :

Je décris l’œuvre

Marilyn est une sculpture monumentale qui représente deux escarpins de 3 mètres de hauteur et plus de 4 mètres de longueur chacun. Ils sont réalisés à partir de l’assemblage de casseroles et de couvercles en acier inoxydable. Ces faux souliers dont les talons sont vertigineux font clairement référence à un attribut féminin.

L’aspect général de la sculpture est fastueux grâce à ses dimensions d’une part, et par les jeux de lumière que provoquent ses composants principaux en acier brillant d’autre part. En effet, le matériau principal de la sculpture renvoie la lumière et se reflète lui-même dans les miroirs qui tapissent les murs de la galerie. De loin, on pourrait penser à deux souliers géants réalisés dans un matériau précieux, comme le cristal dont sont constitués les grands lustres qui éclairaient autrefois ce lieu de passage et de fêtes somptueuses. De près, on découvre qu’il ne s’agit que de simples ustensiles de cuisine savamment agencés et astiqués.

Même si elle ne passe pas inaperçue, cette sculpture se fond parfaitement dans la galerie, qui elle-même regorge de dorures et d’objets de décorations miroitants.

J’analyse l’œuvre

= Je dis ce que l’artiste a voulu dire ou faire passer comme message, et quelle est la portée significative de l’œuvre.

En installant dans la Galerie des Glaces, théâtre de somptueuses cérémonies et d’importants événements de l’Histoire, cette paire d’escarpins démesurés, Joanna Vasconcelos rappelle l’importance des fêtes et de l’apparat à la cour du roi. En amplifiant l’échelle de souliers classiques, elle évoque la débauche de luxe déployée dans la galerie.

Pourtant, lorsqu’on s’approche de plus près, on s’aperçoit vite que ces escarpins ne sont faits ni de cristal ni d’argent, mais qu’il s’agit d’une complexe accumulation de couvercles et de casseroles de cuisine qui paraissent tenir comme par magie. Ce signe nous renvoie immédiatement vers des lieux moins glamours et plus prosaïques, là où tous les préparatifs de la fête ont lieu : les cuisines.

Pour l’artiste, qui est une femme, c’est une façon d’évoquer à la fois le fossé qui sépare ceux qui profitent des fêtes données dans ces lieux d’exception, et les petites mains qui s’affèrent à leur préparation. Rappelons-nous que Joanna V. est la fille d’immigrés portugais et qu’elle a grandi à Paris. Il est fort probable qu’elle ait été elle-même confrontée à ce rapport de pouvoir entre différents classes sociales.

Par ailleurs, la cuisine est traditionnellement le lieu dévolu à la figure féminine. En utilisant des ustensiles de cuisine lambdas pour bâtir de majestueux escarpins, Joanna Vaconselos évoque différentes facettes de la femme : elle rend hommage à la mère nourricière, mais aussi à la femme puissante qui affirme sa féminité. C’est en sortant ces attributs féminins de leur contexte qu’elle met le doigt sur les clichés qui gravitent autour de l’image de la femme, mais aussi sur la difficulté d’assumer des rôles multiples pour se fondre dans le moule de la parfaite femme moderne ; celle qui doit à la fois se montrer bonne ménagère, travailler, s’assumer et soigner son apparence. De lourdes responsabilités, aussi pesantes qu’une paire d’escarpins en acier !

Mais l’artiste n’est pas du genre à s’apitoyer sur la femme. Si elle critique certains clichés, elle s’attache avant tout à lui rendre hommage et à en révéler la force. Ainsi, on peut voir dans cette sculpture géante, fièrement dressée dans la vaste galerie, une ode aux conquêtes féminines dans les domaines public et privé.

L’inox de la sculpture Marilyn est aussi résistant que les armures et les boucliers des guerriers qui ont combattu lors des batailles représentées dans les peintures qui décorent le plafond de la galerie. L’éclat métallique de la sculpture provoque, avec les miroirs, un jeu de reflets puissants qui démultiplie l’espace à l’infini, accentuant encore la magie du lieu. La monumentale paire d’escarpin, sorte d’allégorie de la femme puissante et victorieuse prend toute la place dans cette galerie de l’Histoire, au sens propre comme au figuré.

De plus, cette paire de souliers à talon haut est un leurre : une sculpture grandiose et miroitante qui en réalité n’est qu’une accumulation de casseroles. On peut alors songer à la figure de Madame de Pompadour, cette roturière devenue la favorite du roi Louis XV qui fut sévèrement critiquée pour ses origines modestes – nouvelle évocation d’un rapport de force en les classes – et dont la première rencontre avec le roi eut lieu précisément

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dans ce lieu, à l’occasion d’une fête donnée en 1745. Un poisson (de son vrai nom) qui s’est imposé à la cour grâce à son apparence et sa forte tête et qui aurait été mieux, selon certains… en cuisine !

Enfin, le titre même de la sculpture fait directement référence à celle que l’on pourrait considérer comme La Pompadour du XXe siècle : Marilyn Monroe. La plus célèbre pin-up de l’Histoire qui séduisit JFK alors président des Etats-Unis, l’homme le plus puissant du monde. La star à la fois adulée et moquée, sous des dehors parfaitement naïfs et superficiels, était en réalité dotée d’une sensibilité et d’une profondeur d’esprit exceptionnels. En attribuant son nom à sa sculpture, Joanna V. rend définitivement hommage à la complexité de la femme et à la force dont elle doit faire preuve pour s’imposer dans une société encore largement dominée par la figure masculine.

Je critique / je donne mon avis

= Je dis ce que je comprends dans cette œuvre, je dis ce que je ressens face à cette œuvre

Je recherche des œuvres que l’on peut mettre en lien avec cette œuvre

= Une autre œuvre qui s’apparente, qui a un lien direct ou du même artiste

Une autre grande artiste contemporaine a réalisé des sculptures monumentales qui interrogent la figure de la femme. Il s’agit de l’immense Louise Bourgeois : une petite femme à l’aspect fragile capable de se mesurer aux artistes hommes les plus puissants, et morte à New York en 2010, à l’âge de 98 ans ! Nul doute d’ailleurs que la jeune artiste portugaise, Joanna V., ait été influencée par cette artiste fascinante. Ses œuvres les plus connues, installées dans des espaces publics, sont d’immenses sculptures d’acier représentant des araignées. Chez Louise Bourgeois, l’araignée évoque la figure bienfaitrice de la femme, et plus précisément celle de la mère qui tisse le cocon familial et assure la protection du foyer en dévorant ses ennemis. C’est pour elle une façon de rendre hommage à ce rôle central de la mère car, dit-elle : « ma meilleure amie était ma mère, et elle était aussi intelligente, patiente, propre et utile, raisonnable, indispensable qu'une araignée ». Cependant, si comme pour Joanna V., la démarche de Louise Bourgeois s’articule autour de la figure féminine, c’est davantage au sein de la cellule familiale et dans la sphère privée qu’elle l’interroge. Ses araignées géantes sont aujourd’hui visibles aux quatre coins du monde : Ottawa, Bilbao, Tokyo, Séoul, Saint-Pétersbourg, Paris et La Havane.

Louise Bourgeois et l’une de ses « Mamans » Installation devant le musée de la Tate Modern à Londres.

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