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Pédagogie martiale Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour découvrir, au Dojo ou chez soi, maîtrise, confiance et respect mutuel Yves Thelen

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Page 1: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Pédagogie martiale

Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo

pour découvrir, au Dojo ou chez soi,

maîtrise, confiance et respect mutuel

Yves Thelen

Page 2: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Du même auteur

« L’esprit du karaté », Liège, P. Lesire, 1977

« Ninja, les samouraïs de l’ombre », Paris, G. Trédaniel, 1987

« Karate-do, shotokan… shotokaï », Paris, G. Trédaniel, 1989

« Ninjutsu, progression technique », Paris, G. Trédaniel, 1991

« Budo, retour aux sources », Paris, G. Trédaniel, 1992

« La Voie Suprême », Paris, G. Trédaniel, 1994

« Aïki-karaté-do, de la lutte à mort à l’art de vivre », Paris, G.

Trédaniel, 1994

« Art martial, une nouvelle approche », Liège, M. Pietteur, 2004

« Éveil à l’esprit philosophique, une approche actualisée des

problèmes existentiels », Paris, l’Harmattan, 2009

« Le Titre du Livre », Paris, l’Harmattan, 2010

« Aïkido et karaté, synergie », Paris, Th. Plée, 2012

« Contes à (ne) pâlir debout », Paris, Mon Petit Editeur, 2012

« L’Ère d’Ève », Publibook, 2015

« De l’idée à l’écrit », wordpress.com, 2016

« Ex Tenebris, dialogue intérieur avec Lucifer », Edilivre, 2018

Page 3: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Pédagogie martiale

Page 4: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Le présent travail est le fruit d’une progression qui s’est étalée sur plus

de trente ans et à laquelle tous les membres de l’Académie Aïki

Shudokan de Liège ont été associés.

Je remercie en particulier mon épouse, Michelle, pour son soutien

indéfectible, Aline, Caroline et Sébastien pour leur patiente

collaboration et les Anciens qui sont les piliers de notre école.

Page 5: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Introduction 7

Illustration et courte démonstration 9

Les principes à mettre en œuvre 13

Séquence 1 « Se couper la tête » à droite, à gauche – Dégagement

du poignet – Entrer dans le cercle 17

Séquence 2 L’échauffement – « Se couper la tête » en se croisant

– La Spirale – Devenir l’ombre de l’autre 23

Séquence 3 L’attitude de base – Retour sur la Spirale – Torsion

du poignet – Dégagement sur double saisie – Une application 27

Séquence 4 Droite-droite-Gauche-gauche – Amener au sol sur

le ventre ou sur le dos – Dynamiser la Spirale – Dégagement du

poignet en vis-à-vis – Ne faire qu’un avec le partenaire 33

Séquence 5 La grande attaque du poing – Esquiver « en ouvrant

la porte » – Retourner le poignet – Corps accord 37

Séquence 6 Se croiser ou reculer sur grandes attaques

réciproques – Esquiver « en entrant » – La roulade arrière – Les

yeux clos 43

Séquence 7 « Un coup, une vie ! » – Le grand coup de pied de

face –Renverser « en entrant » 49

Séquence 8 Le mouvement de défense – le kata de l’esquive – Le

coup de pied circulaire – La roulade avant 53

Séquence 9 Reculer – « Entrer pour retourner l’énergie » –

« Retourner l’énergie en pivotant » – Fluide comme l’eau 61

Séquence 10 Vers l’assaut libre – Esquives sur attaques

maximales – Des yeux dans le dos – L’esquive « arrière » 65

Séquence 11 Projeter « en ouvrant la porte » – Esquive entre

deux attaquants – Projeter les deux attaquants 71

Séquence 12 Esquive et défense avec deux attaquants – Double

projection « en ouvrant la porte » 75

Séquence 13 Projection « la roue sur la main » – « La porte

ouverte à deux battants » – Le brise-chute 79

Séquence 14 Attaque, défense, projection… un même esprit –

« Retourner l’énergie » du premier attaquant – « Retourner

l’énergie » du premier en pivotant – La Voie du sabre 83

Séquence 15 « Le retournement du coude » – À genoux, dos à

l’attaquant : la Spirale – Le regard 87

Page 6: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 16 Amener au sol « en passant sous le bras » –

Projection « la roue sur les épaules » – Projeter le partenaire

arrière : la Spirale – Entre deux attaquants 91

Séquence 17 Esquiver quatre attaquants – Esquiver et projeter

quatre attaquants – Alterner les rôles 95

Séquence 18 Aïki kata, le « Kata à cinq » 97

Structurer un cours 101

Séquence 19 Thème : la parade « de l’extérieur » 105

Esprit critique 109

Page 7: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Âgé de septante-deux ans, Yves Thelen

enseigne, quasi quotidiennement depuis

cinquante ans, la Voie martiale,

essentiellement le karate-do shotokaï et

l’aïkido. Il s’est également essayé aux

autres disciplines martiales japonaises,

a fréquenté les stages des plus grands

maîtres et publié huit ouvrages dont

« Aïkido et karaté, synergie » (Éd. de

l’Éveil, 2012).

Professeur de morale laïque, il est

également l’auteur, chez L’Harmattan,

du livre « Éveil à l’esprit philosophique ».

Laissons-lui la parole pour préciser l’esprit de ce « manuel pratique ».

Introduction

La confusion entre art martial et sport de combat demeure et profite

d’un discours basé sur les notions floues de « maîtrise » et

d’« efficacité ». Nous pouvons, ainsi, rechercher uniquement les

réflexes efficaces en cas d’agression physique ou développer une façon

d’être qui nous rende plus efficace face à tous les défis de la vie.

Précisons donc que l’approche proposée ici s’adresse à des personnes

qui croient encore aux valeurs du Budo, les voies martiales japonaises,

et qui ne s’inscriraient certainement pas dans un club de full contact !

Bien évidemment rien ne vaut la pratique effective avec un bon

professeur et des partenaires multiples. Mais il m’a finalement

semblé préférable d’offrir l’opportunité de découvrir chez soi, avec son

conjoint ou des amis, une progression bien structurée, développant les

vertus d’une voie de développement personnel, plutôt que de se

résoudre à pratiquer un sport de combat dans le premier club venu.

Dans les pages qui suivent, il ne sera nullement question de grades,

d’écoles particulières ou de fédérations sportives. Encore moins de

compétition ou d’auto-défense, mais bien d’esprit de paix,

d’ouverture à autrui, de sincérité et d’humilité, valeurs distillées

au-travers de techniques et d’exercices accessibles à tous.

Mes prétentions se limitent donc à faire œuvre de pédagogue et à croire

que nombre de jeunes professeurs, plus forts et peut-être plus doués,

auraient intérêt à s’inspirer du cours proposé.

Honnêtement, si vous m’aviez parlé, il y a quelques années, d’un cours

d’initiation sur le net ou d’une méthode à découvrir à domicile, je vous

aurais souri avec condescendance. Je comprends donc parfaitement que

vous éprouviez une certaine perplexité. En fait, mes ouvrages

Page 8: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

précédents s’adressaient principalement aux adeptes et aux

responsables de clubs. J’espérais multiplier les contacts et les échanges.

C’était illusoire. J’imagine pourtant qu’ingénieurs ou chirurgiens sont

avides de nouvelles techniques et d’outils plus performants. Mais dans

le monde des arts martiaux, l’évolution est paradoxale : d’une part nous

assistons à une multiplication des disciplines, des écoles et des

fédérations ; d’autre part, chaque « expert » ou instructeur se montre

généralement plus soucieux de son grade et de sa reconnaissance au

sein d’un groupement que de sa progression réelle si celle-ci risque de

remettre en question son statut et ses acquis.

Si d’aucuns me détrompent, j’en serai heureux. Quant au lecteur

seulement armé de son bon sens, curieux mais dubitatif lorsqu’il assiste

à une « Nuit des arts martiaux » ou surfe sur youtube, j’espère que les

pages qui suivent et notre première séquence vidéo le persuaderont de

la conformité entre l’idéal affiché et les exercices proposés, et qu’elles

l’encourageront à poursuivre en toute confiance.

Nos cours et les vidéos peuvent être téléchargés

GRATUITEMENT. Notre seul but est de promouvoir des valeurs

humanistes au-travers d’un apprentissage des techniques

martiales.

Je vous demanderai seulement, si vous trouvez la démarche digne

d’intérêt, de partager cette information avec vos contacts, sans la

moindre forme d’engagement de quiconque.

Page 9: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Illustration

Prenons sans tarder un exemple concret pour illustrer la spécificité de

cette approche : si nous voulons d’emblée encourager un esprit libéré

de toute agressivité, nous proposerons aux débutants des exercices

« réciproques » : les deux partenaires réalisent simultanément la même

technique. Il n’y a pas un attaquant et un défenseur, un « bon » et un

« méchant » ; chacun doit découvrir l’harmonie avec l’autre et la

complémentarité entre les déplacements. Cette volonté ne devra jamais

être sacrifiée même lors d’assauts très dynamiques.

Visualisez ensuite une courte démonstration de la pratique à laquelle

vous pourriez aboutir après un ou deux ans d’entraînement régulier.

Si cela vous apparaît hors de votre portée, refusez de vous poser la

question : vous ne pouvez que progresser. Il est d’ailleurs possible de

se limiter à des mouvements lents et l’essentiel est de se maintenir en

forme quel que soit l’âge.

Et si ces assauts vous semblent manquer de réalisme, rappelez-vous

qu’il ne s’agit pas de mimer une bagarre mais de développer un état

d’esprit. De même, nous ne confondons pas le gamin qui se défoule au

volant d’une auto-tamponneuse (auto-scooter) et l’adulte qui opte pour

la conduite défensive et apprend patiemment à maîtriser le dérapage !

La Voie est une idéalisation du combat. Celui-ci n’est pas le but

mais un moyen pour apprendre à dominer ses émotions, améliorer

sa décontraction et son ouverture envers autrui quand bien même

nous serions menacés.

À chacun de voir maintenant s’il est intéressé par la dimension plus

mentale ou s’il souhaite simplement s’affirmer face aux autres en

exacerbant son agressivité et en « jouant à la guerre ».

Ne nous leurrons pas : pratiquer et progresser durant des mois, sans la

présence d’un guide ni la sanction d’un grade, n’est pas à portée de tous.

Il faut une sérieuse dose d’application et de persévérance pour tirer tout

le profit d’un travail sur soi à long terme. Mais si parcourir un temps la

Voie proposée aide à clarifier ce qui fait l’originalité et l’authenticité de

l’art martial, le lecteur et l’auteur se trouveront déjà récompensés de

leurs efforts. Et si des pratiquants enthousiastes pouvaient attester de

l’acquisition des principales techniques proposées, je me ferai une joie

et un devoir de les recevoir pour un stage dans notre Dojo et je me

déplacerai gracieusement pour tout groupe m’assurant d’un intérêt

sincère.

Une porte s’ouvre. À vous de la franchir et de cheminer, pas à pas, sur

une Voie ancestrale menant des champs de bataille à une école de paix

et d’harmonie, sans souci de la performance. Il n’y a, en fin de compte,

rien à gagner. Perdre quelque peu ses inhibitions, les illusions qui

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troublent notre perception juste des choses, un ego envahissant, voilà

de quoi nourrir une recherche à la fois physique et spirituelle jamais

achevée.

Pour bien débuter

Je crois sincèrement que si vous êtes capable d’appliquer les consignes

que je vous propose, votre progression sera rapide. Mais cela postule

d’avoir préalablement des qualités d’autodidacte, la capacité de

s’imposer une discipline stricte, ce qui n’est pas particulièrement dans

l’air du temps. Un stratagème pour y parvenir : partager cette

découverte avec votre conjoint, votre ado, un couple d’amis… qui

seront heureux de profiter de votre motivation. La collaboration d’au

moins un partenaire assidu est indispensable.

Je dois avouer avoir été un étudiant plutôt médiocre, rechignant à l’idée

de mémoriser une matière fastidieuse ; je me suis révélé meilleur élève

lorsque j’ai dû accompagner et stimuler mes propres étudiants…

Définissez, si possible, le jour et l’heure de votre entraînement en vous

efforçant de ne jamais vous y soustraire, même si la fatigue de la journée

vous pèse ou qu’une autre activité vous sollicite.

Imposez-vous également un mode de fonctionnement auquel vous ne

dérogerez pas. Par exemple : lire posément, à haute voix, un paragraphe.

Si celui-ci vous propose un exercice précis, regardez la séquence vidéo

éventuellement plusieurs fois, puis reproduisez la technique avec votre

partenaire autant que nécessaire avant de vous autoriser à découvrir le

mouvement suivant…

Revenez régulièrement en arrière : le but ne se trouve pas en fin

d’ouvrage mais dans la façon de s’en approprier le contenu.

L’avantage d’une méthode très structurée est de permettre une

progression rapide, comme si vous bénéficiez de cours particuliers.

Une remarque s’impose cependant : comprendre intellectuellement les

techniques de base, les exécuter correctement avec un partenaire

familier n’est qu’une étape. Avoir la réponse juste face à une situation

inédite nécessite un entraînement de plusieurs années… et cette

dernière affirmation n’est même pas assortie de la moindre garantie.

Aucun expert, quels que soient son niveau et son expérience, ne peut

être assuré d’une quelconque invincibilité. L’important est de cheminer

sans se préoccuper d’un aboutissement. L’illumination zen, c’est peut-

être cette acceptation d’un effort permanent qui est seulement payé du

plaisir de l’effort, de l’indifférence au résultat…

Ne négligez pas de lire attentivement ce qui accompagne chaque

séquence : ce qui est écrit est souvent plus complet que les

explications enregistrées en filmant.

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Signalons, enfin, que les vidéos proposées n’ont pas été filmées dans le

but d’impressionner, de « faire du spectacle » : les pratiquants varieront

et auront parfois, comme vous-mêmes peut-être, peu d’expérience.

Lorsqu’un moniteur inscrit un jeune sportif dans un club, il se demande

si celui-ci est « à sa place », s’il est doué. Une « Voie » est à l’image de

la vie : chacun est invité à s’épanouir en fonction de ses possibilités,

pour sa propre satisfaction et pour participer à l’harmonisation de son

entourage.

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Les principes à mettre en œuvre

Le but premier de la progression proposée est d’établir une relation

directe entre un principe propre à la Voie martiale et un exercice

concret, une exigence pratique particulière.

Liste des principes illustrés (à lire ou à découvrir au fur et à mesure des

chapitres) :

Séquence 1

« La voie martiale doit conduire à mieux se connaître soi-même et à

s’ouvrir à autrui. »

« Le corps entier participe à l’action. »

« Qui peut le plus peut le moins ! »

« Pratiquer lentement pour progresser vite ! »

« Par principe, nous considérerons toujours que le partenaire est plus

puissant que soi et, aussi, qu’il convient de se déplacer comme si nous

étions également menacés par derrière. »

Séquence 2

« Une attaque réelle traverse le point visé et ne se bloque pas à

l’instant de l’impact. »

« Le principe le plus original propre aux arts martiaux extrême-

orientaux : l’art d’utiliser l’énergie du partenaire. Il conviendra

toujours d’unir vos forces pour exécuter un mouvement correct. »

Séquence 3

« Communiquer de l’énergie au partenaire en sachant que celle-ci va

se retourner contre soi, c’est agir contre notre nature première. Il vous

faut transcender votre réflexe d’autoprotection pour installer un climat

de confiance et accepter de subir le mouvement de votre partenaire. »

« Notre ambition n’est pas de dominer quiconque mais de nous ouvrir

à autrui sans nous soumettre à une quelconque domination. »

« Il est plus facile d’évoluer vers des techniques fulgurantes en

exécutant des mouvements lents et décontractés. Débuter par une

pratique sportive aux frappes dures et syncopées hypothèque la

découverte de l’essentiel. »

Séquence 4

« Comme dans la vie conjugale : si l’un gagne, tous deux perdent ! »

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Séquence 5

« Bien comprendre la différence entre un geste agressif, visant à « faire

mal », et un don d’énergie destiné à un partenaire apte à y faire face ! »

« Le but est de devenir maître de soi. Le Maître authentique ne maîtrise

pas les autres ; il éveille le Maître en l’autre ! »

Séquence 6

« Lorsque frappes, esquives et projections fusionneront, lorsque les

rôles s’échangeront spontanément, il n’y aura plus d’attaquant et de

défenseur, de gagnant ou de perdant. »

« Il est essentiel de chercher à anticiper l’attaque. Reculer en se

protégeant est illusoire si l’assaut est sincère et que le partenaire

enchaîne ses frappes ; davantage encore si une autre attaquant nous

menace par derrière ! »

« L’art est un miroir, il révèle nos velléités et nos craintes plus ou moins

conscientes. »

« Ne jamais faire face à l’attaque, mais toujours faire face à

l’attaquant ! »

Séquence 7

« Notre volonté est d’acquérir une technique rigoureuse, d’éliminer

tout geste et déplacement inutiles. »

« L’assaut commence à l’instant où nous percevons le regard de notre

partenaire ; il s’achèvera seulement quand les pratiquants se

stabiliseront en vue d’un salut final. »

Séquence 8

« Il nous faut maîtriser nos réactions, transcender nos réflexes pour

exécuter le bon geste de façon posée et mesurée. »

« Le pratiquant d’art martial considère que la vie est son champ de

bataille : chaque geste se doit d’être « juste ». Dans un véritable

combat, tout est dit dès l’ébauche du moindre mouvement.

« Un coup, une vie ! » disaient les Maîtres du sabre. »

« Qu’il s’agisse d’attaquer ou de se défendre, notre esprit doit être

« égal » : notre ambition est d’éliminer toute idée d’agressivité comme

toute crainte face à l’agression. »

Page 15: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

« Attaque, défense, contre-attaque : un même mouvement ! »

« Il est hors de question de miser sur une erreur de l’autre pour

l’emporter. Nous avons besoin de partenaires qui travaillent

correctement pour progresser sur la Voie. »

Séquence 9

« Lors d’un combat sportif, chaque protagoniste cherche à surprendre

l’autre pour le vaincre. Les pratiquants d’une voie martiale, lorsqu’ils

arrivent à se ressentir parfaitement, agissent sans frein avec une

véritable jubilation. »

« Comme en amour, vous ne pouvez réussir seul ! Cherchez chacun à

parcourir les deux-tiers du chemin. »

« Notre ambition est d’éliminer toute idée d’agressivité comme toute

crainte face à l’agression. »

Séquence 10

« Il vaut cent fois mieux exécuter lentement le geste juste que de tomber

dans un pugilat informe ! »

« Conserver la distance en adaptant spontanément ses mouvements de

défense aux mouvements d’attaques du partenaire, c’est véritablement

« ne faire plus qu’un avec lui ». Comment pourrait-il, dès lors, vous

toucher ? »

Séquence 11

« Refuser l’esprit de compétition afin de progresser conjointement, cela

implique aussi, lorsque vous jouez le rôle de l’attaquant, d’encourager

votre partenaire à réaliser franchement sa défense. »

« Développer sa présence d’esprit, sa capacité d’esquiver et de se

donner sans réserve dans une action subite constituent la meilleure

école pour apprendre à se protéger d’une agression… ou d’un réflexe

malheureux ! »

Séquence 12

« Une fois l’harmonie acquise, il conviendra d’évoluer vers plus de

pugnacité sans jamais sacrifier l’état d’esprit que nous voulons

développer. »

Page 16: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 14

« Lors d’un combat sportif, chaque protagoniste cherche à surprendre

l’autre pour le vaincre. Les pratiquants d’une voie martiale, lorsqu’ils

arrivent à se ressentir parfaitement, agissent sans frein avec une

véritable jubilation. »

« Dans un véritable combat, tout se joue avant l’assaut. À peine la

première action se déclenche-t-elle que tout est déjà dit ! »

Séquence 15

« Trop tôt, ce n’est pas grave. Mais un petit peu trop tard et c’est déjà

trop tard ! »

Séquence 16

« La fulgurance d’une technique ne résulte pas de l’enchaînement

rapide de multiples mouvements, mais de la réalisation d’un geste

juste… juste au bon moment ! »

Page 17: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 1

« Se couper la tête » à droite, à gauche

Je vous proposerai quelques mouvements d’échauffement au début de

la séquence 2. Mais si vous êtes quelque peu impatient – preuve

d’enthousiasme ou du moins de curiosité – nous pouvons entrer

directement en matière.

Cette première séquence sera un peu plus longue car il nous faudra

préciser attitudes de base et disposition de l’esprit.

Reprenons un des exercices qui ont illustré notre introduction : se

couper réciproquement la tête. Vous verrez que cette première approche

est déjà riche d’enseignements.

Saluez posément votre partenaire. Ce simple geste contribue à créer une

relation basée sur le respect mutuel et la confiance. Ne l’exécutez pas

mécaniquement avec la rigidité d’un militaire, mais avec la même

cordialité qu’une bonne poignée de mains.

Debout, face à face, à un mètre de distance, épaules décontractées,

paumes ouvertes et doigts écartés, frappez tous les deux

alternativement, dans le vide, du tranchant de la main droite puis

gauche, comme pour couper la tête de votre vis-à-vis.

Très vite, vous serez tentés de prendre un rythme ; efforcez-vous alors

de ménager une pause attentive avant l’action suivante. À chacun de

constater s’il attend son partenaire – attitude trop passive – ou s’il tente

chaque fois de prendre l’initiative – attitude trop impulsive.

La voie martiale doit conduire à mieux se connaître soi-même et à

s’ouvrir à autrui.

Si vous regardez notre séquence vidéo, ne soyez pas spectateur passif.

Prenez le temps de mettre sur pause et de reproduire l’exercice, aussi

modeste soit-il, cinq minutes ; relisez les consignes, visionnez à

nouveau la séquence et reprenez encore quelques fois le mouvement.

Votre propre progression est à ce prix !

Écartez-vous ensuite de quelques mètres : vous allez réaliser ce

mouvement offensif l’un vers l’autre, sans vous toucher, en lançant tous

deux la même main avec un grand pas du pied correspondant, en

fléchissant le genou avant sans vous figer dans votre attitude.

Revenez lentement en arrière et concentrez-vous avant de propulser

l’autre main…

Un principe fondamental doit se dégager de cet exercice :

Le corps entier participe à l’action.

Page 18: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Le bras propulse la main, la hanche enfonce le bras, et le pied arrière

exerce une vigoureuse poussée.

Dans beaucoup d’écoles, le pied arrière doit rester à plat et la stabilité

est privilégiée au détriment du dynamisme de l’action. Restez, au

contraire, disponibles, le buste légèrement en avant, prêts à enchaîner

le mouvement suivant.

Exagérez, lorsque vous pratiquez au ralenti, le déséquilibre qui serait

engendré par un mouvement fulgurant sans, pour autant, basculer des

épaules vers l’avant.

Ne frappez pas avec le bras raide : l’extension est explosive, la main

doit aboutir avant le pied et « tirer » tout le corps vers le partenaire.

Ne vous stabilisez pas en frappant le sol du pied après un seul pas, mais

conservez votre attitude en prolongeant votre action d’un ou deux pas

glissés.

Il s’agit, ainsi, d’apprendre à se pressentir mutuellement, à fusionner

l’un avec l’autre de façon à bannir tout réflexe pour agir en parfaite

simultanéité. Cette recherche devra imprégner toute technique et la

réussite commune ne sanctionnera pas toujours vos efforts ! Mais

enchaînons…

Après vous être salués, toujours debout et posément, l’un prend

l’initiative d’avancer le pied gauche. L’autre, en parfait synchronisme

si possible, a reculé le pied droit. Chacun porte le poids du corps sur la

jambe avant, genou fléchi à la verticale des orteils, talon arrière décollé

dans l’esprit d’un départ de course. Les épaules demeurent

décontractées et les bras, fléchis, sont en garde naturelle.

L’attitude ne doit jamais être bloquée et, insensiblement, celui qui s’est

porté en avant, « grignote » la distance vers son partenaire tandis que

celui-ci la maintient en reculant sans à-coups. Les déplacements sont

infimes et n’affectent pas la position aussi « fendue » que possible.

Celui qui a pris l’initiative d’avancer va « trancher la tête » de la main

droite, en propulsant le pied droit, tandis que son partenaire recule

amplement le gauche pour conserver une distance de sécurité.

Concentration et nouveau glissement des pieds... puis le déplacement

conjoint est reproduit de l’autre côté, sur frappe de la main gauche donc.

Les rôles vont ensuite s’inverser.

L’idée de celui qui tranche en avançant est de frapper au-delà du point

visé, de « traverser la cible »… mais seulement dans la mesure où il

perçoit que son partenaire est attentif et prêt à effectuer son grand pas

en arrière ! Celui-ci ne doit pas réagir au mouvement offensif ; il peut

même le provoquer. Son recul n’est pas une fuite : tout en se mettant

hors de portée, il invite l’attaquant à se donner entièrement dans

l’assaut. Notre apprentissage est basé sur la confiance, en soi et envers

son partenaire. Idéalement, ni l’un ni l’autre ne devrait, en fait, avoir le

sentiment de prendre l’initiative : la tension croît tandis que les genoux

Page 19: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

avant se fléchissent au maximum pour propulser simultanément l’un

vers l’avant et l’autre vers l’arrière.

Chacun est invité à pratiquer en fonction de son âge et de ses

possibilités, mais soyez exigeant vis-à-vis de vous-mêmes :

Qui peut le plus peut le moins !

La communication subtile que nous chercherons à développer tout au

long de notre apprentissage peut, ici, être concrétisée simplement :

l’exercice « deux grands pas en avant puis deux en arrière » est

reproduit sans frappe, mais les deux mains en vis-à-vis – droite pour

l’un, gauche pour l’autre – tiennent un bâton : les bras sont décontractés

et chaque mouvement est ainsi directement perçu par le partenaire, le

but n’étant pas, bien évidemment, de toucher celui qui recule avec le

bâton.

Bouger simultanément en maintenant une attitude correcte n’est pas

aisé. Vous en prendrez conscience si, au lieu de tenir le bâton, vous

communiquez par son intermédiaire « de ventre à ventre » : l’extrémité

est placée au niveau de la ceinture et les deux pratiquants exercent une

légère poussée à partir du centre de gravité de leur corps. Conserver le

bâton en équilibre lors de grands déplacements requiert de

l’entraînement… !

Ne croisez pas les pieds ! Lorsque nous marchons, nous évoluons sur

deux rails écartés plus ou moins de la largeur de nos hanches. Tout

débutant qui se fend largement, en portant le poids de son corps sur la

jambe avant, a tendance à positionner son bassin de profil, pieds alignés

voire croisés. Veillez à conserver le bassin face à votre partenaire, vos

pieds et les siens évoluant quasi sur les deux mêmes axes parallèles, ce

qui vous permettra de poursuivre naturellement votre déplacement sans

osciller d’un côté à l’autre et facilitera, par la suite, l’exécution du grand

coup de pied de face, d’autant que vous conserverez le pied arrière

tourné vers l’avant, en poussée sur la pointe fléchie.

Pour améliorer votre attitude et vous imbriquer correctement face à

votre partenaire, chacun peut, lors d’un exercice préalable, peser sur les

épaules de l’autre, sans chercher à le bousculer : quelques allers-retours

sont ainsi effectués, bustes droits, en conservant son centre de gravité à

hauteur constante.

Notons que la position de base que je préconise est critiquée par

certaines écoles qui préfèrent adopter une position moins fendue et

répartir le poids du corps sur les deux pieds. Le compétiteur sautille

souvent d’un pied sur l’autre et objectera qu’il pourrait « balayer » notre

pied avant. Non seulement cette technique assez brutale ne correspond

pas à notre démarche basée sur la complémentarité entre mouvement

d’attaque et technique de défense, mais si nous sommes effectivement

Page 20: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

positionnés dans l’esprit de nous propulser instantanément vers l’avant

ou vers l’arrière, nous serons forcément plus rapide qu’un adversaire

lançant son pied arrière en un large cercle pour tenter de crocheter notre

pied avant ! Quoi qu’il en soit, notre objectif n’est pas de gagner lors

d’un combat réglementé, mais de développer concentration,

disponibilité et harmonie avec autrui.

Dégagement du poignet

Alternons étude technique et pratique dynamique. Voyons d’abord sur

soi-même comment échapper à une simple saisie du poignet.

Une main, paume vers le haut, enserre le poignet de l’autre ; celle-ci

pivote, doigts tendus, pouce dans le prolongement du pouce

« agresseur » de façon à ne pas retirer la main mais à la pousser hors de

l’étreinte. Le mouvement est reproduit quelques fois, d’un côté puis de

l’autre.

Rapprochez-vous maintenant de votre partenaire, pied droit en avant.

La main droite de l’un saisit le poignet droit de l’autre. L’attaquant

menace du poing arrière pour encourager son partenaire à esquiver vers

son dos.

Pour sortir de la saisie, il faut « entrer » avec un léger déplacement du

pied avant et amener le coude dans le creux de la hanche afin que tout

le corps participe à nouveau au mouvement d’échappement. Les deux

paumes, vers le haut, s’écartent : les deux pratiquants ont pivoté en

changeant de pied et le partenaire vient prendre de sa main gauche le

poignet gauche.

Pratiquer lentement pour progresser vite !

Enchaînez ces déplacements très progressivement, sans heurts, dans

l’idée d’aller l’un vers l’autre harmonieusement. Un réflexe de défense

nous paralyse souvent dans une attitude de retrait. Le boxeur débutant

se replie sur lui-même alors que l’art martial nous invite à nous

ouvrir à l’intention de l’autre. Veillez donc à conserver une attitude

noble, le corps droit et les épaules décontractées.

Prenez le temps de vous interrompre, d’analyser chaque conseil…

c’est souvent ce que l’on croit avoir compris qui limite une

compréhension plus profonde !

Entrer dans le cercle

Terminons cette première approche avec un exercice plus ludique que

je considère primordial : entrer dans le cercle de l’attaque.

Vous allez, à vitesse progressive bien sûr, sabrer votre partenaire en

effectuant quelques pas qui vous amèneront au-delà de sa position de

départ.

Vous tranchez avec votre main arrière s’abattant loin devant – pourquoi

pas avec le sabre laser de votre enfant ? – en un large cercle.

Page 21: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Votre partenaire ne doit pas reculer ni se protéger d’un bras qui

s’exposerait à la coupe, mais se déplacer en allant à votre rencontre, de

telle sorte qu’il puisse vous effleurer d’une main en vous croisant tandis

que le « sabre » s’abat derrière lui.

Mettez votre partenaire en confiance en l’invitant à vous toucher dès

que vous levez le(s) bras et frappez derrière lui sans le quitter des yeux.

Exagérez le cercle de votre attaque et votre déplacement pour être aussi

lisible, prévisible que possible. Pivotez ensuite l’un vers l’autre.

Le débutant est tenté soit de se baisser en passant sous l’attaque

(montrez-lui alors doucement qu’il met sa tête sur le billot !), soit de

fuir en vous tournant le dos (stratégie « de l’autruche » qui croit

supprimer le danger en refusant de le voir), soit encore de tourner autour

de vous (en pivotant au centre du cercle vous le rattraperiez).

Encouragez-le à venir « dans l’œil du cyclone » : plus il sera proche de

l’attaquant lorsque la frappe s’abattra, moins il sera exposé ! Reprenez

ensuite votre distance. Après quelques passes au ralenti, les frappes

vont s’enchaîner… avec prudence !

Vous avez déjà intégré une des principales caractéristiques de notre

pratique : il ne s’agit pas de demeurer face l’un à l’autre en sautillant,

de feinter, de se surexciter, de bloquer ses frappes au moment de

l’impact ou de se heurter plus ou moins violemment.

Chaque technique devra vous porter l’un au-delà de l’autre dans

l’idée de vous traverser littéralement. Simultanément, vous

apprendrez à esquiver et à pivoter.

Par principe, nous considérerons toujours que le partenaire est plus

puissant que soi (il vaut mieux esquiver une voiture que de tenter de la

stopper du bras !) et, aussi, qu’il convient de se déplacer comme si

nous étions également menacés par derrière.

De cette façon, vous serez assez vite en mesure d’envisager l’assaut

avec deux ou davantage de partenaires vous encerclant.

Mais ne brûlons pas les étapes : avoir compris ce qui précède ne suffit

aucunement. Répétez régulièrement ces premiers exercices sans vous

crisper, en restant aussi naturel que possible, épaules et visage détendus.

Vous êtes volontaire et persévérant ? Peut-être avez-vous également

l’âme d’un pédagogue. Pourquoi ne pas réunir d’autres personnes et

alterner les partenaires ? Mon premier Maître, Georges Schiffelers, fut

le promoteur des arts martiaux en Wallonie. Professeur de judo, il se

rendit à Paris pour prendre des cours particuliers de karaté auprès de

Maître Murakami et ouvrit immédiatement une section dans son propre

dojo. Il transmit ainsi ce qu’il recevait au fur et à mesure de sa

progression.

Page 22: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Notez d’ailleurs que, à partir de la séquence 12, nous envisagerons aussi

la pratique avec deux partenaires attaquant simultanément et, enfin,

avec plusieurs nous encerclant. Ce sera l’occasion de partager

davantage…

Page 23: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 2

L’échauffement

Tout échauffement préalable à votre séance d’entraînement ne peut

qu’être bénéfique. Mais si nous ambitionnons de développer

essentiellement un état d’esprit, il n’est pas nécessaire de multiplier les

flexions de bras et de faire le grand écart facial ! Par contre, reproduire

systématiquement les exercices qui auront précédé avant de poursuivre

sera tout indiqué. Une heure ou deux d’entraînement hebdomadaire

doivent vous permettre de progresser rapidement, mais c’est un

minimum. Soyez assidu !

Je vous propose donc, sur notre séquence vidéo, quelques mouvements

classiques pour améliorer votre condition physique et assouplir vos

articulations. Cette étape n’est pas indispensable. Peut-être pratiquez-

vous régulièrement l’une ou l’autre activité sportive… Pas de problème

donc si vous voulez poursuivre sans tarder à condition de commencer

posément, en toute décontraction.

« Se couper la tête » en se croisant

Après avoir reproduit quelques fois les exercices de la séquence 1,

rapprochez-vous de votre partenaire à distance de combat. Avancez

simultanément, calmement, le pied gauche et portez le poids du corps

sur cette jambe, genou fléchi à la verticale des orteils. Vous allez

maintenant vous « traverser » réciproquement. Décalez-vous de façon

à ce que la frappe conjointe vous porte au-delà l’un de l’autre en

effectuant un grand pas, éventuellement prolongé d’un pas glissé.

Une attaque réelle traverse le point visé et ne se bloque pas à

l’instant de l’impact.

Les bustes se sont croisés, face à face, et s’imbriquent ; les têtes ont

tourné de façon à ne pas quitter le partenaire du regard.

Pivotez sur le pied avant – mais pas trop vite, « achevez » chaque

mouvement le plus loin possible de façon à reprendre votre distance –

et disposez-vous à lancer l’autre main.

Les attaques vont se multiplier avec de plus en plus d’amplitude ;

veillez à conserver tous deux mêmes pied et main en avant…

Le mécanisme est vite acquis ; l’essentiel est à travailler ! Trop souvent,

les katas de karaté sont répétés machinalement : il n’y a pas de

partenaires sur lesquels se concentrer. Ici, comme précédemment, ne

prenez pas un rythme : parfois, chacun guette l’autre et se rapproche

imperceptiblement du moment où son attaque va jaillir ; parfois, deux

frappes s’enchaînent sans temps mort ; si l’un recule, l’autre le suit…

et quand l’un frappe, l’autre aussi a frappé !

Page 24: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Notons sans tarder que ce premier exercice risque de générer un défaut :

comme il s’agit de se croiser sans se heurter, il n’est pas possible de

frapper franchement, bassin de face, droit devant soi. Tout

naturellement, nous trichons quelque peu et esquivons le partenaire tout

en frappant. Ce défaut sera corrigé lorsque l’un sera invité à attaquer

plus sincèrement et que le défenseur esquivera en effectuant une

défense. En attendant, veillez à ne pas « valser » en tournant l’un autour

de l’autre : décalez-vous légèrement de façon à frapper sur un axe

parallèle à celui de votre partenaire, frôlez-vous et ne pivotez que

lorsque vous l’aurez dépassé…

J’en conviens d’emblée, semblable pratique, répétée longuement, est

exigeante ; l’effort doit être autant mental que physique.

La Spirale

Aujourd’hui, nous allons entamer l’étude d’une première amenée au

sol : la Spirale. Cette technique est réellement efficace sur les frappes

dynamiques. Elle ne nécessite pas que le partenaire maîtrise l’art de

chuter comme un judoka ou un aïkidoka.

Visualisez d’abord sans complexe son exécution dans diverses

situations : rappelez-vous qu’il sera possible de vous limiter à une

pratique lente. Je vous propose ensuite quelques étapes pour aborder

graduellement ce mouvement.

Premier exercice : debout, pieds légèrement écartés, portez tout le poids

de votre corps sur votre pied gauche et effectuez un grand cercle de plus

de 180 degrés avec le pied droit, dans le sens des aiguilles d’une montre,

en conservant le buste droit. C’est, ensuite, le pied droit qui devient la

pointe du compas et le cercle s’effectue dans l’autre sens. Ne vous

crispez pas sur les orteils du pied d’appui de façon à ménager le genou

qui supporte la rotation.

Étape suivante : tout en pivotant, fléchissez progressivement les

genoux ; après un cercle presque complet, déposez au sol le genou

arrière – celui correspondant à la pointe du compas – en ouvrant

largement le bassin, en écartant donc l’autre genou. Le buste est resté

droit et chaque main accompagne naturellement le genou

correspondant.

Troisième étape : vous êtes face à votre partenaire, tous deux « pied

gauche en avant ». L’un étend son bras droit latéralement ; l’autre

exerce de ses deux mains une poussée légère mais continue sur ce bras.

Celui-ci, étant en porte-à-faux, est incapable de renverser le partenaire

qui domine en le contrant. Mais en pivotant comme ci-dessus, dans le

sens des aiguilles d’une montre, le défenseur va accepter la poussée,

saisir de sa main droite le poignet gauche de l’assaillant et peser de la

gauche sur l’épaule pour amener le partenaire, en un mouvement

spiralé, au sol, sur le dos.

Page 25: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Vous avez appliqué ainsi le principe le plus original propre aux arts

martiaux extrême-orientaux : l’art d’utiliser l’énergie du

partenaire. Il conviendra toujours d’unir vos forces pour exécuter

un mouvement correct.

Attention :

- Exécutez le mouvement lentement pour que celui qui pousse poursuive

son action en effectuant quelques pas et puisse également prendre le

temps de déposer au sol son propre genou avant de pivoter sur le dos.

- Le défenseur se redresse tandis que l’attaquant arrive au sol ; il ne

déplace pas la « pointe de son compas » mais avance le genou dans le

creux de l’aisselle du partenaire (tous les débutants reculent le pied pour

s’agenouiller ou déposent le genou opposé !)

- L’attaquant peut se retenir à l’épaule du défenseur ; rappelez-vous qu’il

s’agit de collaborer pour progresser conjointement, en aucun cas de

lutter l’un contre l’autre.

- Effectuez la Spirale sur l’autre bras, en tournant dans l’autre sens.

Enfin, reproduisez l’exercice « se couper réciproquement la tête ».

Mais, au lieu de frapper lui aussi, l’un des deux partenaires joue le rôle

de défenseur et absorbe de ses deux mains le bras de l’autre. Il a glissé

le pied avant de façon à « prendre le centre » de l’action et se retrouve

le tronc complétement tordu ; il effectue alors un changement de pied

et pivote comme ci-dessus pour amener l’attaquant au sol, aisselle de

celui-ci contre son propre genou.

Après quelques frappes portant les partenaires l’un au-delà de l’autre,

la Spirale sera réalisée sans que cela n’engendre de crispation.

Ceci est une autre spécificité de notre méthode :

Si une projection est exécutée après quelques esquives, nous

améliorerons notre capacité de « faire le vide » et le mouvement

interviendra plus spontanément

… sans que le partenaire ne s’y prête avec trop de complaisance ou ne

soit tenté de le contrer.

J’insiste : il est préférable de pratiquer d’abord très calmement,

sans à-coups, ni temps d’arrêt. La vitesse d’exécution viendra très

graduellement. Un moteur doit être bien équilibré et capable de tourner

au ralenti pour monter à très haut régime ! Il est primordial d’évacuer

toute crispation et, donc, d’avoir l’intelligence de dire « Plus

lentement, s’il te plaît !» si nécessaire.

Devenir l’ombre de l’autre…

Je vous propose un exercice très simple pour clôturer cette séquence et

développer la capacité de fusionner avec votre partenaire, quels que

soient ses déplacements.

Page 26: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Le premier saisit fermement les poignets de l’autre tout en conservant

épaules et bras très décontractés. Il doit suivre, et même amplifier, les

déplacements de son partenaire comme s’il était son ombre, en

s’efforçant de les anticiper. Celui qui insuffle le mouvement ne devrait

donc pas avoir la sensation de tirer ou de pousser ; il ne ressent pas de

résistance. Tous deux doivent évoluer harmonieusement, comme de

parfaits danseurs, bien qu’il n’y ait ni rythme, ni musique.

Celui qui « guide » doit d’abord se limiter à d’infimes déplacements :

bouger un bras, fléchir un rien les jambes, repousser, peut-être pivoter

avec plus de vélocité… à condition de ne pas larguer son partenaire ! À

lui de ressentir également quelles variations il peut imposer sans que

l’harmonie ne soit perdue.

Après quelques minutes, les rôles s’inversent…

Page 27: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 3

L’attitude de base

Je vous suggère de vous imposer systématiquement, en début de séance,

dix minutes d’échauffement, mais ce n’est pas une obligation.

Deux exercices pour comprendre et travailler votre position de base :

- Marchez naturellement, bras tendus vers l’avant, paumes face à face ;

ceci vous aidera à conserver épaules et bassin de face. Effectuez des

pas de plus en plus grands, sans « monter et descendre », en

maintenant la tête au même niveau.

- Prenez des départs de sprinter ; imaginez vos pieds dans les « starting

blocks » et déboulez sur quelques mètres.

Reprenez quelques fois l’exercice « se couper réciproquement la tête »

avant de reproduire la Spirale. Mais, surtout, prenez le temps de vous

corriger, point par point :

- position largement fendue vers l’avant

- buste droit sans rigidité

- les pieds ne sont pas alignés mais écartés de la largeur des hanches

- le genou avant reste largement fléchi, à la verticale des orteils

- le talon arrière est soulevé, le pied en poussée

- ne pas reculer, ni croiser les pieds ou porter le poids du corps sur la

jambe arrière en fin de pivot

- amener le partenaire au sol sous soi en déposant le genou dans le creux

de l’aisselle…

Si vous avez été capable de ne pas sauter cette étape et d’analyser

chaque point proposé, je vous félicite ! C’est d’excellent augure

pour la suite.

Retour sur la Spirale

Si vous disposez d’une surface pas trop dure (tapis épais, tatami) ou de

genouillères, et si vos genoux le supportent, il est intéressant de

découvrir la Spirale au départ de l’attitude « genoux au sol ». Sur une

même attaque, vous pourrez pivoter dans un sens ou l’autre et amener

ainsi votre partenaire soit sur le dos, soit sur le ventre.

Après vous être salués, fléchissez les genoux et déposez-les au sol, bien

écartés, pointes des pieds qui se touchent. Dès le salut, soyez concentrés

et agissez en parfait synchronisme.

En avançant un pied entre vos deux genoux, le partenaire étend le bras

correspondant et est en mesure de vous bousculer sur le dos. Il devra

déposer au sol le genou avant afin de porter son attaque le plus loin

possible.

Commencez lentement. Dès que l’attaque du poing s’ébauche,

fléchissez tous deux les orteils. Le défenseur « ouvre la porte » en

pivotant vers l’arrière, tout le poids du corps sur le genou qui devient la

Page 28: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

pointe du compas. Il se protège de ses deux mains et absorbe la frappe

en un mouvement spiralé qui amène l’attaquant sur le dos ou sur le

ventre. Dans ce dernier cas, la clé d’épaule, effectuée en douceur,

immobilisera le partenaire qui aura tourné la tête de l’autre côté.

Deux remarques :

- Le défenseur ne doit pas hésiter à prendre l’initiative pour « appeler »

la frappe en pivotant : l’attaquant « entrera » plus franchement.

- Celui-ci doit se propulser (progressivement) au-delà de son partenaire

et déposer au sol le genou avant plus loin que le genou « pointe du

compas » du défenseur.

Par la suite, l’attaquant ne sachant de quel côté son partenaire pivotera,

la technique gagnera en vitesse et en réalisme.

Torsion du poignet

Découvrez d’abord cette technique en l’effectuant sur vous-mêmes :

votre main gauche saisit la droite, paume vers le dos de la main, pouce

à la base du petit doigt, les autres doigts positionnés à l’intérieur de la

paume. En descendant les mains, la gauche force la flexion du poignet

droit, les doigts s’enroulant vers le pli du coude. Relâchez les épaules

et reproduisez le mouvement huit ou dix fois.

Les mains s’inversent et c’est au tour du poignet gauche de subir la

torsion.

Réalisez doucement la technique sur votre partenaire, debout face à lui :

votre pouce gauche est à la base du petit doigt de sa main droite.

La vôtre enveloppe ses doigts en un mouvement spiralé qui l’oblige à

fléchir les genoux tout en conservant le buste droit. Proscrivez tout geste

brusque qui serait trop douloureux pour le partenaire

Les quatre poignets subissent ainsi la technique et s’échauffent.

Nous avons vu, dans notre première séquence, comment s’échapper

d’une saisie du poignet « du même côté », l’attaquant menaçant du

poing arrière pour encourager son partenaire à esquiver vers son dos.

Vous devez donc « entrer » avec un léger déplacement latéral du pied

arrière et amener votre coude dans le creux de la hanche pour que tout

le corps participe au pivot qui suivra.

Sur saisie du poignet droit par la main droite, alors que votre poignet

glisse entre ses doigts, amenez votre main gauche dans le creux de sa

paume, votre pouce à la base de son petit doigt.

Analysez posément votre déplacement respectif : votre partenaire se

dispose à avancer son pied arrière, le gauche, pour frapper lentement de

son poing gauche. Simultanément, vous devez effectuer un pas glissé

de votre pied droit derrière lui en fléchissant les doigts de sa main droite

vers son coude.

Page 29: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

La complémentarité de vos déplacements accentue la torsion du

poignet, un mouvement spiralé qui replie les doigts vers le sol et oblige

l’attaquant à fléchir les jambes et à déposer le genou droit au sol. Un

nouveau pas glissé l’amènera en douceur dos au sol.

Répétez quelques fois, au ralenti, votre déplacement réciproque et

découvrez que plus l’ébauche d’une frappe gauche sera ample, plus la

torsion du poignet s’accentuera, l’énergie du partenaire se retournant

contre lui.

Évitez de réagir brutalement au détriment de son articulation ;

décontractez vos épaules et ne remontez pas les mains : le coude se

fléchit sans problème, or c’est la flexion du poignet qu’il faut accentuer

en descendant les mains sous le niveau de la ceinture pour déséquilibrer

l’attaquant.

Le débutant se crispe et pratique d’une façon saccadée. Nous sommes

naturellement tentés, lorsque nous ressentons un « refus », une

opposition du partenaire, de forcer davantage. Arrêtez-vous, respirez,

laissez le temps à celui qui subit la technique d’accepter une légère

douleur afin de vous permettre d’améliorer votre placement.

Communiquer de l’énergie au partenaire en sachant que celle-ci va

se retourner contre soi, c’est agir contre notre nature première.

Il vous faut transcender votre réflexe d’autoprotection pour

installer un climat de confiance et accepter de subir le mouvement

de votre partenaire.

Non seulement un pratiquant agréable accepte d’être ainsi dominé, mais

il peut induire, encourager le contre-mouvement du défenseur pour

l’aider à le réaliser. Celui-ci n’abusera pas de sa complaisance, il lui en

saura gré.

Une fois l’harmonie du déplacement acquise, contentez-vous de libérer

votre poignet, comme vu dans la première séquence, pour pivoter et

changer quelques fois de côté avant d’exécuter la torsion et l’amenée

au sol. La technique va ainsi gagner en spontanéité. Le défenseur ne

doit toutefois pas chercher à surprendre brutalement l’attaquant : celui-

ci se raidirait et l’harmonie indispensable serait perdue !

Notons encore qu’une nouvelle torsion dans l’autre sens, forçant le

coude du partenaire vers son oreille, peut obliger celui-ci à se retourner

face au sol où il sera immobilisé par la clé d’épaule.

Je ne vous invite pas à vous focaliser sur ces « immobilisations » qui

figent aussi bien l’un que l’autre, ni sur ces clés subies par un partenaire

qui n’est plus en situation de communiquer son énergie et donc de

participer au mouvement. Certains instructeurs abusent de ces

techniques et font preuve d’un réel sadisme vis-à-vis d’assistants qui se

Page 30: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

prêtent avec résignation à la volonté du « Maître » d’afficher sa

supériorité !

Notre ambition, faut-il le rappeler, n’est pas de dominer quiconque

mais de nous ouvrir à autrui sans nous soumettre à une quelconque

domination.

Dégagement sur double saisie

Votre partenaire vous maintient fermement un poignet, disons le

gauche, de ses deux mains. À forces sensiblement égales, il ne vous sera

pas aisé de dégager votre bras en le retirant. Cependant si vous

fléchissez les jambes de façon à amener votre coude sous la double

saisie, dans le creux de votre hanche, vous serez alors en mesure

d’utiliser vos quadriceps, vos muscles les plus puissants, pour pousser

votre bras verticalement et le libérer.

Deux bras sont plus forts qu’un seul, mais plus faibles

que deux jambes !

Ne forcez pas exagérément ni l’un ni l’autre : le but n’est pas de voir

qui va « l’emporter », seulement d’apprendre à mieux utiliser vos

jambes en « centrant » votre bras.

Comme lors de la saisie par une seule main, vous serez alors en mesure,

tout en vous libérant, de pivoter en changeant de pied. Le partenaire

pivotera également pour venir saisir de ses deux mains – ou seulement

de la droite – votre poignet droit.

N’oubliez pas, si vous voulez progresser vers une pratique dynamique,

qu’il est plus important de bouger avec fluidité, sans vous stabiliser à

tout moment, que de pratiquer « en force », défaut que génère souvent

le souci de bien faire !

Il est plus facile d’évoluer vers des techniques fulgurantes en

exécutant des mouvements lents et décontractés. Débuter par une

pratique sportive aux frappes dures et syncopées hypothèque la

découverte de l’essentiel.

Nous pouvons appliquer cette technique sur une attaque avec arme tout

en restant, bien évidemment, conscient qu’il y a un monde de différence

entre l’étude calme avec un partenaire conciliant et la réalité d’une

attaque brutale qui nous prendrait au dépourvu !

L’attaquant tranche de haut en bas avec un bâton qu’il tient de ses deux

mains. La main avant du défenseur entre et exerce une poussée

verticale, comme ci-dessus, tandis que sa main arrière utilise le bâton

comme un puissant levier. Le partenaire sera obligé de lâcher celui-ci

d’autant qu’il sera bousculé par le pivot effectué par le défenseur sur

son pied avant.

Page 31: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Soyez particulièrement prudent si l’attaque est portée par un sabre, un

katana… non aiguisé ! La main arrière du défenseur ne se referme pas

sur la lame : la paume pèse sur le plat de celle-ci et dévie la frappe…

Ne cherchez pas la performance en pratiquant exagérément vite : un

simple katana de décoration tombant sur votre pied pourrait le blesser.

Enfin, soyez rigoureux et exigeant vis-à-vis de vous-mêmes. Obligez-

vous à reproduire systématiquement, dix ou vingt fois, chaque

technique, reprenez régulièrement les exercices précédents, relisez les

consignes et soyez critique quant à votre attitude !

Page 32: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour
Page 33: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 4

Droite-droite-Gauche-gauche

Nous avons un côté droit et un côté gauche. Nous pouvons frapper « de

l’extérieur » (crochet de boxe ; gifle ; « couper la tête ») ou du revers,

« de l’intérieur » (comme pour dégainer un sabre), soit deux attaques

avec la main droite et deux avec la main gauche.

Systématisons ces quatre possibilités :

Première étape : restez debout et liez souplement vos quatre frappes

fondamentales. Les poings peuvent être fermés ou vous tranchez du

sabre de la main, paume tournée vers le haut lorsque vous frappez « de

l’extérieur », vers le bas au retour.

L’enchaînement doit rester fluide – vous ne heurtez pas d’obstacle – et

la vitesse d’exécution vient naturellement.

Placez-vous ensuite face à votre partenaire et harmonisez vos

mouvements sans vous toucher comme lors du tout premier exercice de

la première séquence.

Reprenez maintenant votre attitude de base – celle du sprinter prêt à

s’élancer, mais buste redressé, pied gauche devant – pour reproduire

votre première frappe, à droite, en avançant largement le pied droit ;

pivoter ensuite sur celui-ci dans le sens inverse des aiguilles d’une

montre (le pivot prolonge le mouvement du bras).

Votre seconde attaque, du revers droit, s’effectue donc avec la main

avant ; c’est, dès lors, le pied avant qu’il convient de propulser vers

l’avant. Votre second pivot, sur ce pied, cette fois dans le sens des

aiguilles d’une montre, vous amènera pied droit devant et vous serez en

mesure d’exécuter les deux attaques gauches…

Pas de stress si ceci vous semble compliqué : à deux, lentement, la

logique de l’enchaînement va vous apparaître. Votre grande attaque de

la main arrière, en avançant le pied arrière, va croiser celle de votre

partenaire, face à face. Après le pivot, la frappe de la main avant qui

suit, en propulsant le pied avant, doit vous amener dos à dos, vos genoux

avant « ouverts », tournés l’un vers l’autre.

Quelques recommandations :

- Oubliez, dans un premier temps, qu’il s’agit de frappes : imbriquez-

vous souplement en « collant » votre partenaire, genou avant en flexion

maximale, et en alternant « face à face » et « dos à dos ».

- Lorsque vous pivotez, conservez le poids du corps sur la jambe avant

de façon à repartir vers l’avant, lentement peut-être, mais sans osciller

d’arrière en avant. Ne posez donc pas le talon arrière au sol.

Page 34: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

- Chaque mouvement doit traverser le point où se trouvait le partenaire

avant son propre déplacement ; ne pas se quitter des yeux aide à pivoter

correctement.

- Attention : comme dans l’exercice simple « se couper la tête », celui-ci

ne vous autorise pas à frapper réellement droit devant soi. Vous vous

éviterez naturellement tout en portant votre attaque au-delà du point

visé.

Ce défaut sera corrigé, ai-je déjà souligné, lorsque l’un sera invité à

frapper plus sincèrement et que le défenseur esquivera en effectuant une

défense… Mais chaque chose en son temps !

Inspirez-vous des consignes du premier exercice (Droite-Gauche) : « Ne

prenez pas un rythme : parfois, chacun guette l’autre et se rapproche

insensiblement du moment où son attaque va jaillir ; parfois, deux

frappes s’enchaînent sans temps mort ; parfois l’un recule, l’autre le

suit… et quand l’un frappe, l’autre aussi a frappé ! »

Et rappelez-vous qu’il vous faut bannir tout esprit de compétition : la

progression ne peut être que commune.

Comme dans la vie conjugale : si l’un gagne, tous deux perdent !

Amener au sol sur le ventre ou sur le dos

Après quelques frappes réciproques, un des deux partenaires va effectuer

la Spirale. Si celle-ci intervient sur une grande attaque de la main arrière,

le partenaire arrivera au sol sur le dos ; si la technique est réalisée alors

que l’attaquant frappe du revers de la main avant, la Spirale l’amènera

sur le ventre ainsi que vous l’avez découvert lors de la pratique à genoux.

Attention à ne pas luxer l’épaule : le mouvement est découvert

lentement ; l’attaquant dépose les genoux et accepte de se coucher à plat

ventre tout en tournant la tête dans la direction opposée au défenseur.

Dynamiser la Spirale

Notre Spirale ne se déroule pas seulement dans un plan horizontal : elle

doit amener le partenaire au sol. L’esprit de cette technique ne consiste

pas à tirer le partenaire pour l’amener à ses pieds, mais à l’aspirer dans

le vide en amplifiant son mouvement et en le centrant sous soi.

Si le défenseur, tout en pivotant, se propulse vers le haut, c’est tout le

poids de son corps qui va peser sur le bras de l’attaquant. Et si la frappe

est vive, ce bras est en porte-à-faux : le partenaire, aussi puissant soit-

il, ne pourra qu’accepter le déséquilibre.

Notons que cette étape n’est pas indispensable. Je rappelle que si vous

manquez de souplesse, si vous êtes plus âgé ou en excès de poids, il est

préférable de pratiquer à votre rythme et en fonction de vos possibilités

plutôt que de renoncer. Nous savons pertinemment que, à un moment

de notre vie, nous commencerons à régresser. Le champion est tenté

Page 35: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

d’abandonner lorsqu’il est systématiquement dépassé ; le Maître est

heureux de former des élèves qui le dépasseront !

Deux exercices préliminaires :

- Posez, par derrière, vos deux mains sur les épaules du partenaire. Il

peut, si nécessaire, fléchir les jambes et se tenir au dos d’une chaise.

Sautez en appui tendu pour transférer tout votre poids sur ses épaules.

- Face à face, même pied en avant : propulsez-vous sur votre partenaire

immobile en passant de son épaule avant à son épaule arrière, en vous

efforçant de tendre les bras. Vous arrivez au sol derrière lui, pieds

contraires, et le mouvement s’inverse.

Après quelques esquives sur de grandes attaques, la Spirale va profiter

de l’énergie accumulée par le saut et le partenaire aura bien besoin de

se retenir à l’épaule du défenseur pour ne pas être plaqué trop

violemment au sol.

Dégagement du poignet en vis-à-vis

Poursuivons par une étude plus statique. Nous avons vu, dans notre

première leçon, comment sortir d’une saisie du poignet « du même

côté ».

Le partenaire prend maintenant « en vis-à-vis », soit le poignet gauche

avec sa main droite. Le défenseur ne retire pas son bras, mais entre en

fléchissant le bras, comme pour porter une frappe du coude

correspondant au poignet enserré. Celui-ci a pivoté, paume vers le bas,

dans le sens de la saisie tandis que, de l’autre main, le défenseur

repousse le poignet de l’attaquant.

Les deux pratiquants pivotent en changeant de pied et le mouvement se

reproduit de l’autre côté, la main gauche de l’attaquant se refermant sur

le poignet droit du défenseur.

Ne faire qu’un avec le partenaire

Retravaillez également l’exercice clôturant la séquence 2 – « devenir

l’ombre de l’autre » – en ajoutant une difficulté : le partenaire qui doit

suivre ne tient pas les poignets de celui qui guide ; tous deux présentent

leurs paumes ouvertes, l’un s’appuyant mentalement sur l’autre. La

communication doit passer sans contact physique…

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Page 37: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 5

La grande attaque de la main

Confronté à une situation dramatique, l’être humain se retrouve parfois

totalement paralysé, tétanisé ou, au contraire, capable de mobiliser une

énergie qu’il ne soupçonnait aucunement.

Notre premier adversaire, c’est soi-même ! Lorsqu’un débutant est

invité à donner un grand coup de poing, seul, dans le vide, on constate

généralement combien ce simple mouvement, sans le moindre risque,

est inhibé. La vie ordinaire, exempte de dangers soudains, a émoussé

notre réactivité. Seules certaines activités sportives exigent

régulièrement de « tout donner en un instant ».

La Voie martiale, en nous confrontant – modestement et à un certain

niveau – à la lutte à mort, nous invite à maîtriser tout notre

potentiel.

Recherchons des exercices qui nous amèneront à nous investir

franchement dans un assaut.

Debout, bras relâchés, lancez vigoureusement la main comme pour

porter un coup de couteau loin devant soi. Si un tel mouvement est, par

nature, violent, veillez à demeurer serein : les cris sauvages et les rictus

haineux sont étrangers à notre démarche. Mais il est vrai qu’une grande

expiration sonore – le kiaï – peut aider à se désinhiber.

Bien comprendre la différence entre un geste agressif, visant à

« faire mal », et un don d’énergie destiné à un partenaire apte à y

faire face !

Le débutant a tendance à se figer en bloquant au sol son pied avant. Si

vous êtes dynamiques, il est normal que votre action vous porte au-delà

d’un simple pas.

Avant d’adopter l’attitude de base, imprégnez-vous de l’esprit du

sprinter : pieds dans les starting-blocks, mains au sol, prenez à plusieurs

reprises un départ le plus rapide possible pour vous stabiliser après

quelques mètres. Chaque partenaire donne le départ. Toujours

reproduire exercices et techniques d’un côté puis de l’autre.

Redressez-vous maintenant, jambe avant fléchie au maximum, genou

au-dessus de la pointe du pied, talon arrière décollé. Les deux pieds sont

parallèles, tournés vers l’avant. Les poings sont serrés, pouce par-

dessus l’index. Ne pas fléchir bras et poignets comme un boxeur, dans

une attitude de repli et d’autoprotection, mais développer la sensation

de vous ouvrir, épaules décontractées, bras disponibles comme des

antennes. Mobilisez la musculature du bras arrière en vous préparant

mentalement à le propulser droit devant. Trop de pratiquants, en effet,

sont contractés et tireront même parfois le coude vers l’arrière avant de

Page 38: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

lancer le bras vers l’avant, ce qui retarde considérablement un

mouvement qui se voudrait instantané.

Les pieds ne bougent pas lorsque le poing, libéré soudainement, tire la

hanche correspondante et amène tout le poids du corps sur le pied avant.

Le buste est alors arqué dans une tension maximale. Après quelques

répétitions portant chaque fois le poing un peu plus loin, la tension

accumulée se libère : un grand déplacement vers l’avant va

accompagner, dans un second temps, le bras. Le poing, qui a jailli

comme une flèche, est alors enfoncé comme une lance.

Ces étapes préparatoires doivent développer la sensation de frapper

avec le corps entier, en vous redressant et avec toute votre énergie.

Alors seulement, la grande attaque sera inlassablement répétée, à partir

de la position de base et, aussi, de la position debout, bras décontractés.

Le poing part en premier, mais la hanche et la poussée des pieds

participent à la frappe explosive et l’amplifient, un ou deux pas

glissés prolongeant le grand déplacement.

Vous pouvez maintenant

« travailler » le mouvement

face à votre partenaire qui se

dispose à reculer pour vous

encourager à frapper le plus

loin possible : amenez le corps

dans une tension maximale

vers l’avant, grignotez

imperceptiblement la distance,

centimètre par centimètre –

vous n’êtes pas limité par une

ligne de départ – tandis que votre partenaire fait de même en arrière.

Frappez avec la volonté de le toucher, à la limite de tomber en avant

…si vous êtes assurés qu’il se mettra hors de portée !

Rappelons que l’efficacité d’une attaque est liée à sa vitesse d’exécution

et que la vitesse est un rapport entre le temps et l’espace. Plutôt que de

pratiquer « très court, très vite », il est préférable de penser d’abord

« très loin », d’autant qu’une attaque sincère doit littéralement traverser

la cible.

J’insiste sur ce point : si notre attention se focalise sur l’objectif, nous

aurons naturellement tendance à relâcher notre effort au point

d’aboutissement, or c’est à ce moment que notre vitesse devrait être

maximale. Il nous faut donc viser au-delà de l’obstacle si nous voulons

le briser.

Je ne suis guère partisan des « tests de casse » : le corps humain est

fragile et les lésions, les micros fractures, sont toujours préjudiciables.

Mais si nous voulons éclater une planche ou des tuiles, nous risquons

Page 39: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

davantage de nous blesser en hésitant et en rebondissant sur l’obstacle

au lieu de le traverser. Que penser, dès lors, de ces compétitions qui

exigent que toute frappe soit stoppée nette juste avant le contact avec le

partenaire ? Non seulement cette pratique ne développe aucune

efficacité, mais les accidents sont nombreux et, en fin de compte, la

frustration engendrée exacerbe l’agressivité quand on prétend la

défouler sainement !

Nous verrons bientôt comment concilier notre exigence d’attaques

sincères, maximales, et notre souci de ne pas blesser le partenaire.

Les autres mouvements offensifs – « couper la tête » ; frapper de la

main avant ou du pied arrière – seront étudiés dans le même esprit et

répétés systématiquement lors de l’entraînement.

Entre débutants, l’attaque sera toujours relativement lente et

« annoncée ».

Sur une attaque directe, esquive et défense sont le plus souvent

enseignées en sortant de l’axe du côté de l’attaque, de façon à se

retrouver à l’abri, dans le dos du partenaire… mais APRES la frappe !

Ceci m’apparaît peu judicieux : parce que l’attaquant modifierait plus

aisément sa trajectoire de ce côté et, surtout, parce qu’une telle esquive

serait plus problématique en cas d’attaque circulaire, et suicidaire en

cas d’encerclement !

Exagérer le cercle qui menace la tête laissera donc au partenaire le

temps de réaliser de quel côté il conviendra d’esquiver pour « prendre

le centre » du mouvement, quelle que soit l’attaque, ou se glisser

derrière vous. Mais, à un niveau avancé, toute frappe sera aussi directe

que possible : ne pas lancer, par exemple, la main en arrière alors que

votre intention est de l’abattre vers l’avant ! Le sabre s’abat en un

mouvement circulaire, non au terme d’un aller-retour.

Trop souvent, les pratiquants n’apprennent pas à attaquer correctement :

les frappes sont « téléphonées » (sursaut préliminaire inutile) et

manquent de sincérité surtout lorsqu’ils se préparent mentalement à

subir une torsion du poignet ou une projection qui n’est pas toujours

réalisée en douceur.

Et de constater, ainsi, qu’il y a parfois plus d’agressivité chez le

partenaire censé se défendre que dans le chef de celui qui attaque !

Sortir de la Voie, retomber dans des réflexes primaires, attaquer sans

conviction, s’affirmer au détriment d’autrui… ces écueils sont sournois

et vous devez sans cesse interroger votre pratique.

Une leçon ultérieure sera consacrée à la frappe du pied. Mais revenez

régulièrement sur tout ce qui précède. Un professeur exigeant

n’hésitera jamais à reprendre les techniques de base, à corriger chaque

défaut, à répéter inlassablement : « Ne croisez pas les pieds ; conservez

la largeur des hanches comme si vous évoluiez sur deux rails ; ne vous

Page 40: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

figez pas sur un seul pas ; gardez le bassin de face et restez prêt à

poursuivre votre assaut… »

Il est extrêmement difficile de progresser sans un guide, cependant…

Le but est de devenir maître de soi. Le Maître authentique ne

maîtrise pas les autres ; il éveille le Maître en l’autre !

Esquiver « en ouvrant la porte »

Après avoir salué posément, l’attaquant avance un pied et se prépare

progressivement à libérer son énergie au-delà de son partenaire.

L’attaque s’effectuera, bien sûr, d’abord lentement, mais sera prolongée

d’un ou deux pas « glissés » (conserver même pied et bras tendu en

avant).

Le défenseur, debout, pieds légèrement écartés et bras décontractés, se

prépare à « ouvrir la porte » en reculant un pied dans un large cercle,

comme pour effectuer la Spirale. Il a lancé sa main avant pour

accompagner l’attaque et s’en protéger sans la repousser.

Ignorant de quel côté l’esquive sera effectuée, l’attaquant est tenu de

frapper franchement, droit devant. Bien évidemment, il ne profite pas

d’un apprentissage au ralenti pour adapter sa trajectoire et chercher à

toucher à tout prix son partenaire !

L’attaquant se retrouve alors derrière celui-ci et a tourné la tête dans sa

direction ; tous deux pivotent lentement, en demeurant concentrés, sans

se quitter des yeux, et l’attaquant est en mesure de frapper de l’autre

membre.

Rappelez-vous que l’essentiel se joue AVANT l’assaut : si nous nous

exerçons au tir – à l’arc, au révolver…– appuyer sur la détente n’est

rien. Le plus difficile est de se concentrer sur l’objectif, de fusionner

avec la cible et, dans notre cas, d’ajuster la distance ! L’attaquant

« grignote » quelques centimètres en demeurant prêt à déclencher sa

frappe, le défenseur maintient imperceptiblement la distance… il ne

doit pas réagir au déclenchement du coup mais chercher à l’anticiper.

Si l’un ou l’autre est une fraction « plus tard », il doit en prendre

conscience et chercher inlassablement à améliorer sa concentration.

Je comprends parfaitement que tout ce travail est loin de l’idée que l’on

se fait d’un sport de combat. Le jeune, en particulier, aspire à bouger ;

il a besoin de se défouler et risque de se décourager si on insiste trop tôt

sur cette dimension mentale.

Dans les films de capes et d’épées, les péripéties des combats sont

rocambolesques et les mouvements les plus fantaisistes se succèdent.

Sur le ring, les conditions sont également étudiées pour « faire durer le

spectacle » et les frappes se multiplient durant les rounds.

Lors d’un assaut au sabre, tout peut être joué dès que celui-ci jaillit du

fourreau (art de l’iaïdo), d’où la maxime des anciens maîtres : « Ne pas

vaincre après avoir frappé, mais frapper après avoir vaincu ! ».

Page 41: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Les lutteurs de sumo, qu’ils perdent ou gagnent leur combat, conservent

leur impassibilité. A l’occasion d’un tournoi, il est arrivé que deux

Maîtres de kendo, octogénaires, s’affrontent. Ils ont dégainé lentement

leur shinaï (sabre de bambou) et s’apprêtent à se ruer l’un sur l’autre.

Leur concentration est sans faille, leurs déplacements infimes… les

secondes s’égrènent… le gong retentit et le combat a pris fin sans la

moindre tentative d’attaque ! A quoi bon si aucune ouverture n’était

décelable. Et les spectateurs d’applaudir : la maîtrise est là, dans la

présence de l’esprit et l’absence de tout geste superflu.

Vous pouvez dès lors opter pour la pratique du zen, la méditation, la

recherche de l’éveil, les yeux fermés. C’est la Voie la plus ardue. Si,

comme moi, vous ne vous en sentez pas capable, poursuivons

humblement l’étude de nos techniques.

Retourner le poing de l’attaquant

Tandis que le corps s’efface pour laisser passer l’attaque, la main

correspondant au pied « pivot » a glissé le long du bras qui s’étend et

vient se placer pouce à la base du petit doigt du poing en fin de frappe.

Le défenseur pèse sur ce « bras de levier » pour déséquilibrer

l’attaquant, pivote sur l’autre pied et retourne souplement le poignet de

son partenaire pour l’amener dos au sol.

Plus le mouvement offensif sera explosif, plus le déséquilibre de

l’assaillant sera aisé. C’est la qualité de l’attaque, du don d’énergie, qui

détermine la qualité de la défense. Chercher à tordre le poignet sur une

frappe crispée ou rebondissante serait bien plus aléatoire.

Mais vous avez compris que notre approche n’est pas basée sur une

auto-défense primaire. Les techniques de défense proposées postulent

des attaques franches et maximales.

Corps accord

Clôturons cette séquence avec un exercice plus relax. Vous allez, vous

et votre partenaire, peser l’un sur l’autre en restant aussi décontractés

que possible, non pour tenter de vous bousculer, mais pour équilibrer

vos forces respectives, pour communiquer beaucoup d’énergie sans

chercher à dominer ni vous figer.

Les bras avant entrent en contact, puis une épaule ; le dos puis l’autre

épaule si l’un des deux pivote entraînant son partenaire…

Le but est donc d’offrir à la fois une ferme résistance et une grande

mobilité. Si l’un fléchit les jambes, l’autre l’accompagne sans relâcher

sa poussée ni sacrifier son équilibre…

Page 42: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour
Page 43: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 6

Se croiser ou reculer sur grandes attaques réciproques

Reculer face à un attaquant qui frappe avec amplitude est risqué : s’il

enchaîne deux ou trois mouvements, nous serons vite débordés.

Cependant, si nous nous limitons toujours à nous croiser en avançant,

nous aurons tendance à anticiper le pivot qui suivra et à trop tourner

l’un autour de l’autre. Il n’est donc pas inintéressant que le défenseur

tente quelquefois un grand pas en arrière pour inciter son partenaire à

frapper loin vers l’avant, à condition de ne pas porter le poids du corps

sur la jambe arrière de façon à demeurer capable de repartir

immédiatement en avant…

Désormais, celui qui jouera le rôle de l’attaquant prendra toujours

l’initiative d’avancer lentement un pied. Il frappera toujours (« couper

la tête » ou grand coup du poing) en avançant et en alternant droite-

gauche. Le défenseur recule simultanément le pied en vis-à-vis le pied

droit en conservant le poids du corps sur la jambe avant. Il va également

frapper en croisant plusieurs fois son partenaire mais tentera parfois

d’effectuer un grand pas en arrière pour repartir immédiatement en

avant…

Entraînons-nous donc, préalablement, à réaliser quelques fois cet aller-

retour sans nous figer une seconde avant de repartir vers l’avant.

Rappelez-vous que les exercices « réciproques » génèrent un défaut :

quand il s’agit de se croiser, il n’est pas possible de frapper franchement

droit devant soi. Tout naturellement, nous évitons la collision et ne

conservons pas parfaitement notre attitude. Ce défaut sera corrigé dès

les prochaines séquences, lorsque l’un sera invité à attaquer plus

sincèrement et que le défenseur esquivera « en entrant ».

Esquiver « en entrant »

Maîtriser l’esquive est essentiel pour plusieurs raisons :

- Si nous pouvions systématiquement « faire le vide », esquiver toute

attaque, nous développerions une sorte d’indifférence paisible, le vide

de l’esprit propre au zen susceptible, idéalement, de dissuader

l’agresseur. Un Maître dans l’art de la bienséance disait qu’il nous

faudrait toujours adopter une attitude telle que le personnage le plus fou

n’envisagerait même pas de nous attaquer ! Superbe idée qui,

malheureusement, ne nous empêcherait pas d’être victime d’un attentat

aveugle !

- Plus pratiquement, si notre partenaire a confiance en notre capacité

d’éviter son attaque sans la bloquer brutalement, celle-ci sera plus

franche. Il ne s’agit donc pas d’être obnubilé par le souci de protéger sa

petite personne mais d’évoluer conjointement vers une « ouverture »

qui autorisera des assauts de plus en plus dynamiques.

Page 44: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

- Enfin, si notre contre-attaque – l’esquisse d’un coup frappé ou, mieux,

une projection souple – intervient sans prévenir, après quelques

esquives, l’assaut gagnera en sincérité. Voici l’occasion de préciser

notre idéal martial :

Lorsque frappes, esquives et projections fusionneront, lorsque les

rôles s’échangeront spontanément, il n’y aura plus d’attaquant et

de défenseur, de gagnant ou de perdant.

… Les pratiquants chemineront alors sur la Voie.

Nous avons vu, dans la séquence précédente, comment esquiver une

attaque « en ouvrant la porte ». Cette étape est nécessaire pour débuter.

Mais il nous faut maintenant apprendre à esquiver « en entrant » de

façon à nous protéger d’un attaquant qui, derrière nous, attaquerait

simultanément à celui qui nous fait face et, donc, d’échapper ainsi à un

éventuel encerclement.

Par ailleurs, cette forme d’esquive nous amènera derrière le partenaire

qui nous attaque frontalement, comme dans les exercices

« réciproques », ce qui encouragera celui-ci à traverser sans

appréhension le point visé avant de pivoter et d’enchaîner ses frappes

avec de plus en plus d’amplitude et de célérité.

Entamons cette recherche en nous positionnant d’abord « pieds

contraires » : tandis que l’attaquant avance lentement un pied, le gauche

par exemple, le défenseur recule le même pied. Ils se positionnent donc

« en miroir ».

Tenter de se protéger avec la main arrière, en avançant le pied

correspondant, est irréaliste : la collision serait frontale, d’autant que

nous postulons que notre partenaire nous est physiquement supérieur et

qu’il cherche, lui aussi, à anticiper notre contre-mouvement !

Tenter d’esquiver en entrant du côté de la main arrière de l’attaquant

sera suicidaire si celui-ci frappe du membre arrière, a fortiori si sa

frappe était circulaire.

Le défenseur devra lancer le bras avant – parade « de l’extérieur » : le

bras droit s’étend et accompagne le déplacement de l’attaquant en se

repliant vers l’épaule gauche – et le pied avant pour se glisser côté dos

de son partenaire tel qu’il se présentait AVANT sa frappe.

Notre approche se différencie ainsi de tant de techniques qui

s’effectuent dans un second temps, alors que l’attaquant se fige dans

son mouvement et subit passivement la contre-attaque.

Il est essentiel de chercher à anticiper l’attaque. Reculer en se

protégeant est illusoire si l’assaut est sincère et que le partenaire

enchaîne ses frappes ; davantage encore si une autre attaquant nous

menace par derrière !

Page 45: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Ne jamais, donc, attendre le déclenchement de l’action pour réagir.

Dans la vie quotidienne, nous avons régulièrement recours à nos

réflexes naturels, mais présentement vous étudiez une voie basée sur

votre capacité de pressentir, d’anticiper le danger, de « n’être qu’un »

avec le – ou les – partenaire(s).

En combat, nul n’a le monopole de l’initiative, même si, dans une

première phase d’apprentissage, il vaut mieux inverser ce que nous

serions tentés de faire dans l’optique d’un mouvement d’auto-défense :

le défenseur va entamer son esquive et l’attaquant s’engouffre alors

immédiatement dans ce vide en frôlant son partenaire et sans le quitter

des yeux.

Par la suite…

Les pratiquants chercheront inlassablement à anticiper, à

fusionner l’un avec l’autre de telle sorte qu’on ne puisse dire lequel

aurait déclenché l’assaut.

La réussite sera rarement au rendez-vous, mais cette recherche est

indispensable et constitue l’essence même de notre travail.

Soyons sincères dans notre pratique : parvenir systématiquement à

anticiper équivaudrait à tricher, à provoquer l’action, et serait révélateur

de notre désir de dominer, de gagner. Lorsqu’un expert démontre son

savoir et projette tous ses assistants sans le moindre problème, nous

pouvons être assurés que ceux-ci ont été conditionnés et anticipent… la

technique qu’ils vont subir et la chute qu’ils devront effectuer ! Le

spectacle est peut-être superbe mais la sincérité est absente.

Il nous faudra donc, inlassablement, évoluer entre deux écueils : trop de

gentillesse, de complaisance – je frappe dans le vide en évitant mon

partenaire – ou trop d’agressivité : je cherche tout de suite à le mettre

en difficulté ; facile car je sais comment il doit esquiver… !

L’art est un miroir, il révèle nos velléités et nos craintes plus ou

moins conscientes.

Cette dimension de la pratique est trop souvent négligée et les

pratiquants se contentent d’alterner les rôles, l’attaquant se préparant à

subir une défense, une torsion du poignet ou une projection sans qu’il y

ait eu cet effort préalable de communication.

C’est « ne voir que le doigt quand celui-ci montre la lune » : lorsque la

flèche est libérée, tout est dit : l’essentiel – se vider de toute pensée

perturbatrice pour fusionner avec la cible – précède le geste et celui-ci

doit intervenir naturellement comme le fruit mûr qui se détache de la

branche.

Page 46: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Étape suivante : les deux pratiquants se positionnent maintenant

« même pied en avant » (attitude adoptée ci-dessus s’ils ont pivoté

conjointement sur leur pied avant après la première attaque).

Cette situation est fondamentale mais plus délicate car le pied avant du

défenseur n’est pas « côté dos » de l’attaquant. La « défense de

l’intérieur » – le bras avant s’étend et se replie vers l’épaule du même

côté – exécutée toujours en propulsant main et pied avant, doit

également permettre au défenseur de se glisser côté dos de son

partenaire tel qu’il se présente AVANT sa frappe. Il s’agit donc pour

celui-ci de sortir de l’axe de l’attaque, dans un mouvement parallèle à

celui du bras, mais aussi d’y revenir dans le même temps, derrière

l’attaquant, ce qui est plus difficile.

L’esquive n’est pas une fuite : chaque mouvement d’évitement devrait

nous ramener en direction de l’attaquant, en situation de le contrer à

l’apogée de sa frappe si nous décidions de ne pas seulement l’esquiver !

Ne jamais faire face à l’attaque, mais toujours faire face à

l’attaquant !

La roulade arrière

Nous ne pouvons, bien évidemment, contrer brutalement un partenaire

qui consent à nous communiquer en confiance toute son énergie. Nos

choix sont dès lors limités :

- Il nous est loisible, tout en esquivant, d’esquisser une contre-attaque

– une frappe de la main avant sur laquelle viendrait se « planter »

l’agresseur – et de la stopper donc avant qu’elle n’aboutisse.

Cependant avorter une technique n’est pas la meilleure façon d’en

apprendre l’exécution et, d’autre part, nous nous efforçons d’éliminer

tout blocage, toute crispation...

- La contre-attaque est réalisée « à côté » et s‘achève au-delà de

l’attaquant, en prenant soin de ne pas le blesser tout en le frôlant.

- Plus intéressant : unir nos énergies, non pour contrer la frappe mais

pour l’amplifier et déséquilibrer le partenaire. Il faut alors que celui-

ci maîtrise l’art de chuter… ce qui rebute nombre de débutants, surtout

lorsqu’on ne dispose pas de tatamis pour amortir les chutes.

Précisons que, dans notre souci d’une pratique harmonieuse, il n’est pas

question de forcer la chute d’un partenaire comme en judo ! Et si vous

n’êtes pas particulièrement souple ou si vous ne disposez pas d’une

surface adéquate, croyez bien qu’il est possible d’apprendre beaucoup

sans chuter. Le défenseur peut induire correctement la projection de

l’attaquant avec un contact léger : celui-ci accepte le déséquilibre,

trébuche, amorce peut-être la roulade pour se redresser après quelques

pas.

Sinon, l’apprentissage de la chute doit être très progressif et il est plus

judicieux de l’entamer par la roulade arrière. Trop souvent, les

Page 47: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

débutants sont invités prématurément à se propulser en chute avant au

risque de se luxer l’épaule, voire de se fracturer la clavicule.

Notons cependant que si la roulade arrière est moins délicate, elle doit

résulter d’une projection plus rude car plus frontale… Il nous faudra

trouver des exercices intermédiaires.

Pour échauffer la nuque et découvrir le mouvement, partons de la

position assise pour rouler en arrière et toucher le sol des deux pieds.

Après quelques aller-retours, restez repliés, pieds au ras du sol : il vous

faut tourner la tête vers la droite et pivoter lentement sur l’épaule pour

déposer le genou droit derrière vous (pas sur le côté !).

Efforçez-vous, tout en décontraction, de passer ainsi d’un genou à

l’autre sans basculer latéralement.

L’exercice est repris : tandis qu’un genou se dépose derrière soi, la main

opposée se pose également sur le sol, près de l’oreille. Vous pouvez

vous limiter à cette étape durant quelques séances.

Très progressivement, votre roulade vous amènera à genoux et vous

pourrez tenter de suivre le même chemin pour revenir en avant en

prenant soin de déposer l’épaule et de tourner la tête.

Prenez le temps, ne vous jetez pas « tête baissée » : la santé et le respect

de l’intégrité physique est le premier objectif.

Essayez, enfin, au départ de la position debout. C’est possible, bien que

peu confortable, sur un sol dur : tout en fléchissant un genou, la tête se

tourne du côté opposé, le dos s’arrondit et la main se prépare à se

déposer au sol, à côté de l’oreille. La roulade arrière s’effectue sur

l’épaule, le genou correspondant se dépose au sol et le corps se redresse.

Il est bien sûr plus agréable d’apprendre ainsi la chute arrière sur un

tapis, voire un tatami, plutôt que sur un sol dur et il n’est pas nécessaire,

au début, de rouler complétement sur l’épaule. La roulade permet

seulement de se redresser immédiatement plutôt que de se stabiliser dos

au sol. Et si être capable de chuter sera intéressant, rappelons que cette

étude n’est pas indispensable.

Les yeux clos

Un exercice tout en sensation pour clore votre séance : si vous disposez

d’un peu d’espace pour vous déplacer, je vous propose de fermer les

yeux. Le partenaire va vous saisir légèrement un poignet ou les deux,

vous tirer ou vous pousser souplement, en veillant évidement à vous

éviter tout autre obstacle que lui-même.

Restez décontracté, cherchez à ressentir le dégagement et le pivot les

plus adéquats en vous efforçant de ne pas reculer mais d’ « entrer » sur

le partenaire tout en « ouvrant la porte ».

Soyez aussi fluide que l’eau : le liquide épouse sans effort la forme du

récipient…

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Séquence 7

« Un coup, une vie ! »

Vous êtes déjà en mesure d’évoluer vers une forme de combat libre.

Tandis que l’attaquant se positionne, un pied en avant, prêt à lancer son

poing, le défenseur reste debout, pieds légèrement écartés.

Différentes actions sont possibles :

- Le défenseur peut fuir sur quelques pas et tester ainsi la qualité de

l’attaque : si celle-ci est correcte, les deux partenaires doivent ressentir

qu’un enchaînement serait fatal au défenseur.

- Nous avons vu lors de la séquence 5 que le défenseur peut reculer un

pied et « ouvrir la porte » en se protégeant de la main avant. Cette

esquive est possible d’un côté comme de l’autre puisque la défense

absorbe la frappe.

- Dans la séquence suivante, nous avons esquivé « en entrant ». Ce qui

ne peut se réaliser que du côté opposé à la zone d’attaque, en se

glissant donc le long du bras avant de l’attaquant, bras qui pourrait

également déclencher l’assaut. De façon à sortir plus aisément de

l’axe de l’attaque, il est possible, si nous esquivons à droite, d’amener

vivement le pied gauche derrière le droit, tout en propulsant main et

pied droits vers le dos de l’attaquant.

Rappelons que l’un comme l’autre cherche à pressentir l’action et que

la défense n’est pas une « réaction » à l’attaque.

Rappelons surtout que l’attaquant doit chercher réellement à toucher

son partenaire (au niveau du sternum, c’est moins dangereux) dans la

mesure où celui-ci n’est pas systématiquement débordé. Prudence

donc ! Il est d’ailleurs possible d’attaquer vite mais « léger », bras

décontracté si nous craignons d’être brutal.

- Enfin, le défenseur peut, simultanément à l’attaque et à sa propre

esquive, contre-attaquer en frôlant de sa main avant l’attaquant.

Les deux pratiquants peuvent ainsi répéter l’exercice une dizaine de fois

au moins en échangeant les rôles. Ne pas oublier que l’essentiel précède

le déclenchement de l’action : se saluer posément ; prendre lentement

sa distance ; l’attaquant bouge imperceptiblement vers l’avant et peut

se déplacer latéralement pour chercher « l’ouverture » tandis que le

défenseur ajuste sa position, chacun guettant le moindre relâchement de

l’autre pour agir…

Remémorez-vous ces scènes de western : les deux protagonistes

s’immobilisent, prêts à dégainer, bras décontractés à hauteur du

révolver… le moindre geste superflu sera fatal…

Nous disposons donc de deux approches complémentaires : accorder la

plus grande importance à la concentration qui précède l’assaut pour

développer notre capacité d’anticiper le danger, mais aussi multiplier

Page 50: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

quelquefois frappes et esquives enchaînées de façon à dynamiser

l’action et pour nous préparer à l’assaut avec des attaquants multiples.

Le grand coup de pied de face

Nos membres inférieurs sont plus puissants et les coups de pied

redoutables. Ces techniques nécessitent cependant un bon sens de

l’équilibre et un minimum de souplesse. Les exécuter à hauteur du

visage d’un partenaire n’est pas à la portée de tout un chacun ; ce n’est

pas important. Rappelons que nous pratiquons en fonction de nos

possibilités, que nous ne pouvons que nous améliorer avec

l’entraînement et que le but n’est pas de fracturer un nez mais

d’apprendre à mobiliser toute notre énergie en communiquant

intelligemment avec notre partenaire.

Échauffez correctement vos jambes avant d’entreprendre cette étude :

un jogging ; dix ou vingt flexions des genoux ; pieds écartés, passez

d’un talon sur l’autre en tendant la jambe opposée…

Le grand coup de pied de face est l’attaque la plus dangereuse. Comme

pour toutes nos techniques, il faudra veiller à ne pas se déséquilibrer

vers l’arrière et à « entrer » avec tout le corps.

Quelques exercices préparatoires :

- Assis, genou tiré à l’épaule, pied et orteils relevés, tendre lentement la

jambe en la maintenant le plus près possible de l’épaule, buste vers

l’avant, cheville en extension. Ramenez le genou en conservant le pied

le plus haut possible. S’efforcer ensuite de reproduire le mouvement

sans s’aider des mains, bras en garde naturelle. Chaque série doit être

répétée cinq ou dix fois. La frappe devient progressivement explosive ;

restez une seconde jambe tendue dans l’idée de traverser la cible et non

de rebondir sur l’obstacle éventuel.

- Adoptez l’attitude de base, genou avant fléchi au maximum, pieds

parallèles. Sans vous redresser, fléchir vivement le genou arrière pour

amener le talon à la fesse.

- Même exercice que ci-dessus, mais tandis que le talon est tiré vers la

fesse, le genou vient toucher l’épaule. Le but est d’ « armer » la jambe,

de « comprimer son ressort » au maximum avant de libérer l’énergie

accumulée. Imaginez qu’il vous faut passer au-dessus d’un tabouret

placé sous le genou arrière de façon à adopter la trajectoire que suivrait

un ballon lancé du sol vers le plexus d’un partenaire…

- Si vous prenez un point d’appui pour exécuter ces exercices, veillez à

positionner la main devant vous : il ne faut pas basculer le tronc en

arrière pour garder l’équilibre : la frappe du pied « tire » tout le corps

en avant.

- Déployez maintenant votre attaque dans un seul mouvement, sans

marquer le moindre temps mort au niveau de l’épaule, pas trop haut, car

une fois la jambe tendue, il s’agit de traverser la cible, buste légèrement

en avant, en imaginant que l’énergie fournie par la poussée sur les

Page 51: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

orteils arrière en flexion est communiquée à la base des orteils qui

portent l’attaque.

Dans un premier temps, la main, sous le mollet, contribue à la sensation

d’enfoncer une lance.

Inspirez-vous des coureurs franchissant une haie. Si tout votre corps

participe correctement au mouvement, vous devrez, comme pour une

frappe du poing, effectuer un ou deux pas glissés avant de vous

stabiliser.

- Quelques frappes successives, au ras du sol, sans temps d’arrêt, en

déposant le pied le plus loin possible, vous aideront à développer la

souplesse du mouvement. Les mouvements s’enchaînent et

s’amplifient…

Vous vous entraînerez alors à porter votre attaque du pied le plus haut

– mais surtout le plus loin – possible sans que ce mouvement n’affecte

trop les bras, en garde naturelle, ni le buste.

Vous pouvez, enfin, imaginer que, tandis que votre genou « s’arme » à

l’épaule, votre partenaire effectue un large recul. Il est alors possible de

le poursuivre en réalisant soi-même un grand pas croisé pour frapper du

pied initialement devant. Ce coup de pied pourra ensuite intervenir dans

la foulée, puis dans un pas sauté.

Renverser « en entrant »

Terminons cette séquence avec une amenée au sol encore très

accessible que nous allons découvrir en pratiquant posément.

Remémorez-vous deux exercices : l’« éducatif », utilisé dans notre

seconde leçon afin de découvrir « la Spirale », et la façon d’échapper à

une saisie du poignet par les deux mains.

Les deux partenaires sont face à face, pied gauche en avant. L’un étend

son bras droit latéralement, l’autre exerce de ses deux mains une

poussée légère sur ce bras ; il domine ainsi le défenseur.

Celui-ci va effectuer un grand pas en arrière – son partenaire le suit –

en ramenant le bras saisi sous lui, coude dans le creux du rein. Ce bras

va remonter en un large cercle pour frôler la tempe de l’attaquant et

retourner sa poussée contre lui. Simultanément, la main gauche est

descendue dans le bas du dos pour accentuer le renversement. Le pied

droit s’est propulsé derrière l’attaquant et tout le flanc du défenseur le

bouscule souplement : il va rouler en arrière, sur l’épaule gauche.

Le même mouvement peut être découvert au départ d’une attitude

similaire : les deux partenaires sont à nouveau face à face, pied gauche

en avant, mais c’est maintenant le bras avant qui est étendu

latéralement, par devant, toujours vers la droite donc. La position est

moins confortable et le défenseur s’efforce de demeurer bien de face,

sans fléchir le coude. Il va céder sous la poussée en amenant tout le

poids du corps sur le pied avant afin de pivoter dans le sens des aiguilles

d’une montre. Simultanément, il descend sa main gauche vers le sol

Page 52: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

tandis que, de la droite, il tire le bras gauche de son partenaire vers le

bas. Le défenseur remonte sa main gauche en un grand cercle qui

retourne l’énergie de l’attaquant contre lui et le renverse en arrière

tandis que le pied gauche du défenseur glisse derrière son partenaire de

façon à le bousculer souplement d’une entrée du corps entier.

Attention :

- Exécutez ces mouvements lentement pour que celui qui pousse

maintienne sa poussée et puisse prendre le temps de déposer au sol son

genou.

- Le défenseur ne renverse pas l’attaquant en le poussant du bras ; sa main

frôle la tempe et monte très haut dans un mouvement de vague

retournant le bateau ; c’est tout le flanc qui entre en contact avec celui

de l’attaquant.

- Celui-ci peut à nouveau se retenir à l’épaule du défenseur, déposer le

genou « côté partenaire », faire « le dos rond », tourner la tête vers

l’arrière et passer très lentement sur l’épaule opposée.

N’oubliez pas d’étudier chaque technique proposée d’un côté comme

de l’autre.

Enfin, n’hésitez pas à reprendre systématiquement chaque étape déjà

explorée.

Lorsque l’on suit un cours collectif dans un Dojo, il n’est pas question

d’apprendre, à chaque cours, une nouvelle technique. L’essentiel de

l’entraînement consiste à reproduire les mouvements de base pour

améliorer justesse et vitesse d’exécution. Avec une difficulté évidente :

un combat réel, qui monopoliserait toute notre énergie, ne durerait que

quelques secondes. Il n’est pas possible de pratiquer durant une heure

ou deux en maintenant un tel état d’esprit.

Reconnaissons, par ailleurs, qu’il n’est pas rare qu’un bon pratiquant se

trouve totalement dépassé lors d’une agression brutale. L’état d’esprit

est radicalement différent. C’est pour cela que j’insiste pour que chaque

technique soit précédée d’un moment de concentration durant lequel

vous devez ressentir la volonté du partenaire. Mais celle-ci est encore

bien éloignée de l’agressivité incontrôlée qui risquerait de déstabiliser

toute personne équilibrée.

Prendre conscience de ses limites développe deux belles qualités : la

lucidité et l’humilité. Cela ne nous dispense pas de tendre, lorsqu’un

exercice est bien compris, vers plus de fougue et de détermination, à

condition que ce ne soit pas au détriment du partenaire.

Page 53: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 8

Le mouvement de défense

Les réflexes de protection ne sont pas toujours appropriés. Si nous

glissons sur le verglas, nous aurons spontanément tendance à jeter un

bras vers le sol pour amortir notre chute, souvent au détriment du

poignet : une fesse bleue, c’est moins grave qu’une fracture !

Si l’enfant que nous tenons par la main glisse, nous aurons le réflexe de

le retenir excessivement en remontant le bras au risque de luxer son

coude… Nous pourrions multiplier les exemples.

Il nous faut maîtriser nos réactions ou, mieux, transcender nos

réflexes, développer une vigilance et une disponibilité qui nous

permettront d’anticiper un danger et d’exécuter le bon geste de

façon posée et mesurée.

Dans le karaté classique, l’avant-bras est régulièrement utilisé pour

bloquer une frappe : imaginez un enfant effectuant le premier

mouvement du premier kata et tentant d’arrêter le coup de pied d’un

adulte en projetant son avant-bras à la rencontre de l’attaque ! Cette

technique (gedan baraï) est inadaptée et trop souvent encore enseignée.

Le karaté distingue également trois niveaux d’attaque et donc de

défense : haut, moyen et bas. Mais lorsque l’attaquant explose dans son

offensive, il n’est pas possible d’analyser s’il frappe de la main avant

ou du pied arrière, s’il vise « haut » ou « bas ». Les compétiteurs

d’ailleurs ne s’embarrassent guère de ces techniques : ils sautillent

d’avant en arrière et tentent de surprendre.

Dans notre optique, il nous faut entamer notre « entrée » à l’instant

précis où l’action se déclenche, soit pour prendre le centre du

mouvement – pour contrer l’attaquant à l’instant où il croise les pieds

ou pour le projeter souplement en prolongeant sa frappe – soit pour nous

glisser en-dehors du cercle de l’attaque.

Nos réflexes naturels nous incitent à nous protéger en bloquant la frappe

qui nous menace et le karaté traditionnel nous invite à « armer » le bras

qui va effectuer la défense en amenant préalablement la main au niveau

de la tempe ou de la hanche opposée pour ensuite la propulser à la

rencontre du membre qui nous menace afin de briser l’attaque. Et les

hématomes de se multiplier !

Notre pratique est à l’opposé puisqu’il s’agit d’encourager le partenaire

à frapper franchement, sans appréhension, tandis que le défenseur

évitera cette frappe ou en utilisera l’énergie afin de provoquer le

déséquilibre de l’attaquant.

Un premier exercice, très simple, pour saisir la complémentarité entre

le mouvement offensif et le geste défensif : les deux partenaires se

Page 54: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

tiennent face à face ; l’un serre les poings, l’autre enserre de ses mains

les poings de son vis-à-vis.

Commencez lentement : quand l’un tend un bras, l’autre l’absorbe

souplement ; d’un côté, puis de l’autre.

Nul n’a le monopole de l’initiative ; rappelez-vous nos consignes : « Ne

prenez pas un rythme … »

En fait, la complémentarité est double : entre les deux partenaires – l’un

tend le bras que l’autre absorbe – et aussi entre les deux bras de chacun.

Avec toujours l’idée d’une parfaite simultanéité d’action quand bien

même celle-ci serait précédée de quelques secondes de concentration.

Cet exercice d’apparence si élémentaire est porteur d’un principe

primordial à mes yeux : alors que le pratiquant d’un sport de combat

évolue dans le domaine du réflexe, feinte, amorce, renonce et esquisse

de multiples mouvements avant de tenter la technique décisive qui

mettra fin à l’assaut…

Le pratiquant d’art martial considère (idéalement !) que la vie est

son champ de bataille, que chaque geste se doit d’être « juste » et

que, dans un véritable combat, tout est dit dès l’ébauche du

moindre mouvement.

« Un coup, une vie ! » disaient les Maîtres du sabre.

Plus concrètement, ce modeste exercice nous permet de découvrir que

l’attaque (le bras qui se tend), la défense (le bras qui absorbe) et la

contre-attaque (l’autre bras qui s’est étendu) ne font qu’un. Une parade

qui intervient alors que l’attaquant se fige dans sa frappe, suivie d’une

contre-attaque mimée sur le partenaire immobile relève d’un

apprentissage stérile, de type « drill militaire ».

Étape suivante : la frappe du poing vise maintenant le sternum du

partenaire. Pas trop vite ! Vous êtes débutants et la distance est trop

courte. La main du défenseur absorbe l’attaque, paume vers le haut, et

l’accompagne sans l’écarter violemment – ce qui appellerait la frappe

de l’autre poing – en pivotant comme pour saisir le poignet de

l’attaquant et le tirer à soi tandis que son autre main serait en mesure

d’exécuter simultanément un contre.

La défense « de l’intérieur» et la défense « de l’extérieur »

Focalisons-nous sur l’exécution de notre mouvement de défense. Les

deux pratiquants sont à nouveau debout, face à face. L’attaquant va

frapper lentement vers le plexus de son partenaire, alternativement du

poing droit et du gauche. Le défenseur utilisera seulement sa main

gauche pour dévier l’attaque en l’absorbant. Les rôles s’inverseront

ensuite, puis la défense sera étudiée avec la main droite…

La vieille maxime « Attaque égale défense », est souvent mécomprise :

non seulement les deux partenaires doivent tendre à une parfaite

Page 55: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

simultanéité d’action et la défense doit être proportionnée à l’attaque,

mais…

Qu’il s’agisse d’attaquer ou de se défendre, notre esprit doit être

« égal » : notre ambition est d’éliminer toute idée d’agressivité

comme toute crainte face à l’agression.

C’est ici que l’art martial révèle qu’il s’apparente étroitement à la

philosophie zen. Quel que soit le geste de l’artiste – tracer une

calligraphie, dégainer son sabre, composer un arrangement floral ou

décocher une flèche – l’esprit doit se dépouiller de toute intention ou

appréhension inhibitrices.

Lorsque l’attaquant étend le bras droit pour frapper lentement ; le

défenseur effectue du bras gauche un mouvement elliptique de façon à

aller chercher, « de l’intérieur de son corps », le poing qui le menace

pour l’accompagner souplement vers sa propre épaule gauche. Les

bustes ont légèrement accompagné le mouvement. Le bras attaquant

n’est pas écarté brutalement, ce qui « appellerait » une frappe de l’autre

poing, mais est à peine dévié. Pour bien comprendre ce mouvement

d’absorption, le défenseur va saisir le bras qui le menace et le tirer à lui

de façon à pouvoir, simultanément, contre-attaquer de l’autre bras. La

maxime « Attaque égale défense » s’enrichit ainsi et devient :

Attaque, défense, contre-attaque : un même mouvement !

La main gauche a donc effectué une défense « de l’intérieur » et est au

niveau de l’épaule gauche. Lorsque le partenaire frappe ensuite du

poing gauche, cette main part « de l’extérieur » du corps pour aller

cueillir l’attaque et la dévier cette fois vers l’épaule droite.

L’enchaînement est très vite compris et mes consignes habituelles sont

de mise : « Ne prenez pas un rythme… ». Évitez, surtout, de tomber

dans le mouvement réflexe. Vous n’êtes pas en combat, mais dans une

phase d’apprentissage. La distance est trop courte pour frapper très vite

et l’attaquant ne doit pas chercher à toucher en contrant lui-même la

parade. Le défenseur ne doit pas non plus attendre l’attaque : en combat,

celui qui se sent menacé peut frapper préventivement ! C’est toujours à

une parfaite simultanéité que doivent tendre les deux pratiquants après

quelques secondes de subtile communication ou en enchaînant

plusieurs mouvements…

Répétez bien sûr l’exercice durant quelques minutes en vous protégeant

de la même main ou en alternant droite et gauche, puis en vous

déplaçant naturellement sans chercher à surprendre le partenaire.

Et n’oublions pas de distinguer le mouvement de défense qui nous

amène derrière l’attaquant que nous souhaitons esquiver, et le même

mouvement qui nous permet de « prendre le centre » afin de contrer le

partenaire ou de le projeter.

Page 56: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Le kata de l’esquive

Vous avez découvert, dans la séquence précédente, comment esquiver

« en entrant » de façon à vous retrouver derrière l’attaquant tandis que

s’achève sa frappe… de la main ou du pied.

Lorsque deux partenaires sont prêts à se ruer l’un vers l’autre – fut-ce

au ralenti – deux possibilités peuvent donc se présenter : soit ils ont tous

deux le même pied en avant, soit ils sont « pieds contraires », en miroir.

Comme il faut nous glisser dans le dos de l’attaquant pour esquiver dès

que s’ébauche sa frappe, une règle évidente s’est dégagée :

Lorsque nous serons même pied en avant : la défense « de

l’intérieur » s’impose ; pieds contraires : c’est la défense « de

l’extérieur ».

Il nous reste à systématiser cet apprentissage. L’attaquant va

successivement attaquer (circulairement, ce sera plus lisible pour son

partenaire) de la main droite – il a avancé préalablement le pied gauche

– puis gauche, comme dans notre tout premier exercice « se couper la

tête ».

Le défenseur s’est également positionné pied gauche devant en reculant

le droit. Il va réaliser une défense « de l’intérieur » avec sa main avant,

soit la gauche, en propulsant le pied gauche derrière l’attaquant lorsque

celui-ci frappe de la main droite. Après s’être croisés, tous deux

pivotent sur le pied avant sans se quitter des yeux et se retrouvent

« pieds contraires ».

Sur l’attaque portée par la main gauche, le défenseur doit réaliser une

parade « de l’extérieur », toujours de la main gauche.

De façon à changer ensuite de côté, et pour encourager son partenaire à

effectuer de grandes attaques, le défenseur recule largement sur la

troisième frappe. Tous deux sont, alors, pied droit devant, et le

défenseur va réaliser sur les deux attaques suivantes une défense « de

l’intérieur » puis « de l’extérieur » avec sa main droite avant d’effectuer

un second pas en arrière et de revenir à l’attitude initiale.

Cette approche semblera très artificielle, fastidieuse, à celui qui

revendique de bouger librement pour s’autoriser une riposte spontanée.

Notre volonté est d’acquérir une technique rigoureuse, d’éliminer

tout geste et déplacement inutiles.

C’est une telle recherche d’« économie » qui génère l’efficacité

ambitionnée.

Nous pouvons considérer cet enchaînement comme le kata (forme

imposée) le plus fondamental : six grandes attaques se sont succédées

(droite, gauche…) tandis que le défenseur a effectué les deux parades

de la main gauche suivie d’un pas en arrière, puis les deux parades de

Page 57: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

la main droite et un second pas en arrière. Les rôles peuvent alors

s’inverser.

Travaillez sans relâche ce kata, d’abord temps par temps sans vous

rigidifier, en marquant une légère pause et en achevant au maximum

votre déplacement ; corrigez chaque fois votre attitude : genou avant en

flexion maximale, pied arrière en poussée sur la pointe, bassin de face,

pieds non croisés, tronc droit… Soyez exigeant en vérifiant tous ces

points et ne perdez pas le contact l’un avec l’autre.

Alterner les deux défenses face à un partenaire qui frappera « droite

puis gauche » est un exercice qui ne sera jamais trop répété. Il se prête

à toutes les attaques, directes ou circulaires, du poing ou du pied, et

nous conditionne à anticiper pour entrer dans le dos de l’attaquant et

prendre le centre du mouvement.

Et si maintenant notre partenaire reproduit les quatre attaques

systématisées dans la quatrième séquence (Droite – droite – Gauche –

gauche), le défenseur découvrira naturellement qu’il alternera défense

« de l’intérieur », puis deux fois « de l’extérieur » et enfin « de

l’intérieur »

Lorsque l’attaquant s’autorisera ensuite à frapper librement, à pivoter,

après une attaque, sur le pied avant ou à changer de pied, le défenseur

ressentira spontanément le sens de l’esquive et la défense appropriée.

Ce sera notre forme de combat privilégiée.

Lors des exercices d’attaques réciproques, chacun a esquivé en

frappant. Nous voyons maintenant qu’il nous faut, lorsque les attaques

seront franches et dynamiques, imposer les rôles sinon nous tomberions

dans la confrontation brutale et de sérieuses lésions seraient inévitables.

Évitez cependant de tergiverser : « Tu attaques ? Bon, c’est mon

tour… » Après vous être salués, dès qu’un des deux partenaires avance

un pied et se dispose ainsi à assumer le rôle d’attaquant, l’autre a reculé

tout en amenant le poids du corps sur sa jambe avant.

J’insiste encore sur ce point : trop souvent les élèves négligent ce

préambule. Il est toujours plus facile de travailler mécaniquement, sans

conviction. Vous devez considérer, dès l’entame de la pratique, qu’un

réel danger se précise, que vous preniez l’initiative d’avancer pour

préparer une offensive, ou de reculer en demeurant prêt à bondir

derrière le partenaire.

L’assaut commence à l’instant où nous percevons le regard de notre

partenaire ; il s’achèvera seulement quand les pratiquants se

stabiliseront en vue d’un salut final.

Page 58: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Les différentes amenées au sol ou projections, une fois comprises,

seront exécutées dans le cadre de cet enchaînement fondamental, après

quelques esquives pour que la technique intervienne plus naturellement.

Le coup de pied circulaire

Nous avons découvert le grand coup de pied « de face ». Si votre

partenaire est positionné latéralement ou si vous avez anticipé son

esquive, la frappe du pied sera plus circulaire.

Petite parenthèse à l’intention des karatékas : je ne préconise pas

l’apprentissage des autres formes de frappe du pied (yoko géri, mawashi

géri, ura mawashi, ushiro géri) car ces techniques, spectaculaires et

nécessitant une souplesse particulière, ne permettent pas d’ « entrer »

avec tout le corps et de poursuivre immédiatement un partenaire qui

reculerait ; elles seraient insuffisantes dans l’éventualité où un second

attaquant nous menacerait simultanément par derrière, a fortiori en cas

d’encerclement. Je suis particulièrement critique vis-à-vis de l’ura

mawashi affectionné par les compétiteurs qui tournent le dos à leur

adversaire en pivotant sur leur pied avant afin de frapper sans retenue

du talon arrière ! Cela aboutit régulièrement à un K.O lorsque le

partenaire est sur la défensive et n’entre pas dans le dos qui lui est

présenté.

C’est l’occasion de préciser – mais vous l’avez sûrement compris – que,

en l’absence de tout esprit de compétition…

Il est hors de question de miser sur une erreur de l’autre,

d’exploiter un quelconque point faible, pour l’emporter à son

détriment. Nous avons besoin de partenaires qui travaillent

correctement pour progresser sur la Voie.

Et dans un sain esprit sportif, ne vaut-il pas mieux améliorer son temps

personnel en étant « tiré » par un meilleur coureur plutôt que de profiter

de sa chute et d’arriver premier avec un temps médiocre ?

Quelques exercices préparatoires à l’exécution du coup de pied

circulaire :

- Assis, le genou est amené à l’épaule comme pour la technique

précédente mais les mains, par l’intérieur de la jambe, viennent saisir le

talon pour l’amener, avec insistance, le plus près possible du front.

- Seule la main correspondante supporte le talon et l’entraîne à venir

frapper latéralement l’autre main placée devant les yeux.

- Si on dispose d’un bon sens de l’équilibre, l’exercice est reproduit

debout.

- La frappe du pied est censée traverser latéralement le partenaire qui se

trouverait devant soi. Vous allez donc vous exercer à frapper son épaule

lorsque vous êtes tous deux « même pied en avant », positionnés à angle

droit : considérez que la cible est devant vous et que le point

d’aboutissement est l’épaule qui vous est présentée. Prudence : si le

Page 59: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

partenaire a le réflexe de se protéger du coude, le heurt au niveau du

tibia sera douloureux. Par ailleurs, celui qui frappe doit « mesurer » sa

force : si l’épaule ou la fesse peuvent « encaisser » sans dommage, il

faut veiller à ne pas toucher au niveau des côtes flottantes ou de la tête.

Notons encore que le débutant a tendance à frapper devant lui, de bas

en haut : se rappeler le premier exercice – le talon passe près de sa

propre tête, genou fléchi vers l’extérieur – et la frappe s’effectue

latéralement dans un cercle quasi horizontal.

Vous pouvez maintenant reproduire les différentes attaques du pied ou

de la main arrière, réciproquement, en croisant votre partenaire face à

face. Grands coups de poing, « se couper la tête », frappes du pied…

vont se succéder librement à condition d’alterner droite et gauche, en

amplifiant vos déplacements et sans vous stabiliser ni porter un instant

le poids du corps sur la jambe arrière.

La roulade avant

Si nous disposons de tatamis… et d’un minimum de souplesse, il serait

temps d’aborder, très posément, la roulade avant. Dans l’apprentissage

du combat sans arme, rappelons qu’il nous faut, en effet, opter entre

différentes solutions :

- Les coups sont portés réellement et occasionnent des lésions plus ou

moins importantes en fonction des règles adoptées : par exemple, les

attaques « sous la ceinture » seront prohibées.

- Les frappes doivent être stoppées juste avant l’impact, pratique certes

plus respectueuse de l’intégrité physique du partenaire, mais frustrante

car elle ne permet pas à la technique de s’exprimer pleinement. Cette

option se révèle particulièrement paradoxale lorsque le compétiteur

assommé est déclaré vainqueur, son adversaire étant disqualifié pour

« manque de contrôle » !

- Autre possibilité : les frappes ne sont pas inhibées, mais les pratiquants

sont casqués et portent diverses protections. On assiste alors à un

déferlement de violence qui se solde malgré tout par de sérieux

traumatismes. Le corps humain est fragile et une onde de choc peut

affecter gravement le cerveau : encéphalite des pugilistes, maladie de

Parkinson, décollement de la rétine… sans parler des hématomes à

répétition. Les adeptes du football américain ont finalement dû

reconnaître les effets délétères des commotions cérébrales. Tout sport

est censé être bénéfique pour la santé ; devons-nous considérer que la

boxe est un « noble sport » ou une pratique négative, voire criminelle

quand le K.O n’est pas accidentel mais recherché ? À chacun de juger…

Il nous reste une dernière solution :

Page 60: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Ne frapper « à fond » qu’une fois la confiance en la capacité

d’esquive du partenaire établie ; contre-attaquer en ébauchant une

frappe mesurée ou avec une projection souple dans la mesure où

elle sera acceptable pour le partenaire maîtrisant l’art de la chute…

Les débutants aborderont l’étude des roulades avec beaucoup de

prudence et j’ai déjà signalé que cette compétence n’est pas

indispensable.

Les karatékas prennent volontiers prétexte de l’absence de tatamis pour

négliger cet apprentissage. Ils ont oublié que, dans son ouvrage

fondamental, Gichin Funakoshi décrit des projections !

Par contre, dans la majorité des cours de judo ou d’aïkido, chuter et se

relever absorbe une grande part de l’énergie des pratiquants. Or

l’essentiel n’est pas là. Il vaut mieux répéter dix fois l’entame d’un

mouvement avant de le conclure par la projection. Il est également

regrettable que de tant de seniors renoncent à poursuivre car, l’âge

venant, l’ossature se fragilise et les chutes violentes sont à proscrire.

Le plus important est de pressentir et d’amorcer une technique correcte.

Accélérer ensuite le mouvement de projection éventuel et forcer la

chute du partenaire, c’est encore se laisser dominer par son ego. Comme

le défenseur doit se contenter d’accompagner l’attaque lorsqu’il

ébauche une projection avec un partenaire qui préfère éviter la roulade,

ce dernier acceptera le déséquilibre sans se bloquer et se redressera

après quelques pas.

Nous avons déjà découvert la roulade arrière dans la séquence 6.

Reprenons celle-ci pour échauffer nuque et épaules. Le mouvement va

ensuite s’inverser très lentement et la roulade avant est réalisée en

suivant le même chemin. Ne brulez pas les étapes : épaule et clavicule

sont fortement sollicitées.

- Debout, vous avancez un pied, déposez les genoux au sol, tournez la

tête vers le genou arrière : le bras avant vient en cercle entre les genoux

et vous invite à rouler lentement sur l’épaule.

- Même départ, mais la main arrière saisit le poignet avant et la chute va

s’effectuer tout au long du bras avant ; l’épaule ne doit pas ressentir de

choc. La roulade va ainsi s’amplifier progressivement.

Après quelques semaines d’entraînement, si vous n’êtes pas

particulièrement raide, la chute avant s’effectuera dans l’instant où vous

achèverez une grande attaque : tout le corps se mue en roue et le contact

avec le sol se déroule le long du bras avant, en oblique dans le dos, de

l’épaule à la hanche opposée. Le pratiquant se redresse dans le même

mouvement et peut enchaîner une nouvelle roulade ou toute autre

technique.

Le brise-chute, propre au judo, permet d’absorber l’onde de choc mais

oblige le pratiquant à se rigidifier en frappant le sol, ce qui met fin à

l’assaut et ne se prêtera pas aux enchaînements que je vous proposerai.

Nous l’envisagerons cependant lorsque nous étudierons les projections

par-dessus la hanche.

Page 61: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 9

Reculer

Beaucoup de techniques d’auto-défense sont réalisées alors que

l’attaque s’achève. Le défenseur a reculé et l’attaquant se stabilise, prêt

à subir, dans un second temps, la clé, la contre-attaque voire la

projection. Une telle pratique ne correspond pas à nos principes.

Cependant, notre forme fondamentale de combat – l’un attaque sans

discontinuer, l’autre esquive en entrant – risque d’engendrer un autre

défaut : souvent l’attaquant, dans son désir de poursuivre son partenaire,

raccourcit ses frappes et pivote trop rapidement. Il est alors intéressant

que le défenseur s’autorise à effectuer ponctuellement un grand pas en

arrière pour inviter l’attaquant à enchaîner « droit devant ». Mais à peine

a-t-il déposé le pied derrière lui que le défenseur doit immédiatement

propulser le pied avant dans une nouvelle esquive : reculer et maintenir

une position de retrait seraient suicidaire face à un adversaire qui se

ruerait sans réserve sur soi !

Entraînez-vous donc à réaliser un grand pas en arrière suivi

instantanément d’une défense avant, d’un côté puis de l’autre ; ensuite

face à votre partenaire qui enchaîne deux frappes, éventuellement de la

même main s’il a « gagné la distance ». Le poids du corps doit toujours

être supporté essentiellement par la jambe avant. Evitez surtout

d’osciller d’arrière en avant.

Reproduisez enfin, à vitesse modérée mais sans temps d’arrêt, sur

attaques alternées droite-gauche, notre kata de base : parade de

l’intérieur, parade de l’extérieur, un grand pas en arrière suivi

instantanément de la parade intérieure de l’autre main…

« Entrer pour retourner l’énergie »

La contre-attaque la plus radicale est la plus simple : alors que

l’attaquant effectue un grand pas pour frapper de son poing arrière, le

défenseur se fend davantage en glissant son pied avant à sa rencontre et

les forces s’additionnent lorsque l’attaquant, tandis que ses pieds se

croisent, vient « se planter » sur le poing avant du défenseur !

Nous ne pouvons nous entraîner de la sorte. Pour ne pas se blesser, bien

sûr, mais aussi parce que l’attaquant hésitera à frapper franchement s’il

sait qu’il peut être contré durement. Le défenseur peut cependant

anticiper la grande attaque pour la contrer de la main avant en exécutant

avec celle-ci une frappe du revers qui frôlera la tête de l’attaquant.

Avec un partenaire attaquant lentement ou doué d’une grande

flexibilité, vous pourrez aussi « entrer en retournant son énergie »

contre lui, mais cette technique nécessite une grande disponibilité du

partenaire si nous ne voulons pas que le contact soit brutal au niveau de

sa gorge, du nez ou de sa nuque.

Page 62: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Première approche sur une simple saisie du poignet « du même côté »,

par exemple de la main droite saisissant le poignet droit du défenseur.

Tandis que la main saisie absorbe la poussée, le pied arrière se désaxe

en s’écartant légèrement sur la gauche. La main droite monte en un

large cercle pour frôler la tempe de l’attaquant et retourner sa poussée

contre lui. Simultanément, la main gauche est descendue dans le bas de

son dos et accompagne son déplacement pour accentuer le

renversement de l’attaquant. Le pied droit s’est propulsé derrière celui-

ci et tout le flanc du défenseur le bouscule souplement : il va rouler en

arrière, sur l’épaule gauche.

Effectuée de cette façon, sur une saisie relativement statique, la

projection n’est pas très convaincante. Mais si le partenaire se lance

vigoureusement dans l’assaut, avec un grand coup de poing, le

« retourner » sera efficace et violent ! La plus grande prudence s’impose

donc. Surtout ne pas forcer la tête à basculer brutalement en arrière : le

bras doit inviter l’attaquant à regarder vers le haut et le déséquilibre doit

être principalement provoqué par la poussée de la hanche. Ne jamais

surprendre un partenaire avec semblable technique, ce pourrait être au

détriment de ses vertèbres cervicales !

Lors d’un combat sportif, chaque protagoniste cherche à

surprendre l’autre pour le vaincre. Les pratiquants d’une voie

martiale, lorsqu’ils arrivent à se ressentir parfaitement, agissent

sans frein avec une véritable jubilation.

Des précautions s’imposent donc : l’attaquant a tourné son visage vers

le défenseur ; l’avant-bras de celui-ci enveloppe sa tête en évitant les

yeux et le nez ! La collision n’est pas vraiment frontale : il n’est pas

question de bloquer l’assaut en repoussant l’attaquant, mais de

retourner son énergie en un mouvement de vague qui l’enveloppe puis

le renverse.

L’attaquant aura aussi tendance à se freiner dans son assaut ; il doit

accepter le déséquilibre en prolongeant son avancée alors que son buste

bascule.

Nous avons vu qu’il peut se retenir à l’épaule de son partenaire avec la

main qui portait l’attaque, reculer le pied « côté partenaire » et déposer

le genou au sol avant de rouler sur l’épaule opposée.

Comme en amour, vous ne pouvez réussir seul ! Cherchez chacun

à parcourir les deux-tiers du chemin.

Réalisée au ralenti, cette technique ne révèle pas toute son efficacité :

le défenseur a le sentiment d’être trop loin et il doit effectuer un second

pas glissé pour que sa hanche établisse le contact. Une fois le

mouvement analysé, je vous suggère de l’exécuter après quelques

allers-retours de plus en plus rapides. Sa réussite dépend et de la

capacité du défenseur d’anticiper et d’entrer franchement sur l’attaque,

Page 63: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

et de la sincérité de l’attaquant qui se jette sous le bras. Si son

déplacement est très dynamique, il devra effectuer un brise-chute

(séquence 13).

Soyez prudent si vous exécutez une technique aussi directe après

quelques esquives sur un partenaire qui ne s’y attend pas : il vaudra

mieux le laisser passer sous le bras en le décoiffant à peine plutôt que

de le « retourner » au détriment de son visage ou de sa nuque !

« Retourner l’énergie en pivotant »

La projection que nous venons de découvrir pourrait être moins positive

mais plus dynamique, soit que nous soyons quelque peu débordé par

l’attaque, soit que nous ressentions un autre danger derrière nous.

Tandis que notre main avant renverse la tête de l’attaquant et que notre

main arrière l’accompagne dans son assaut en le poussant sous notre

bras, nous tournons sur le pied avant et le reculons en achevant le pivot

de 180°. Le partenaire est ainsi amené dos au défenseur et chute en

arrière vers celui-ci.

Fluide comme l’eau

Si vous maîtrisez l’art de chuter et si vous disposez d’une surface

suffisante de tatamis, développez votre disponibilité et votre capacité

d’anticiper la projection en poursuivant votre partenaire sans qu’il n’y

ait de contact physique : celui-ci doit vous « capter » et induire diverses

projections sans ruptures, comme si vous étiez reliés par d’invisibles

forces…

Il s’agit d’un exercice efficace pour développer la « sensation de

l’autre », la communication. Ne nous illusionnons pas sur la

mystérieuse capacité de certains experts qui frappent ou projettent sans

toucher : ils démontrent ceci avec un partenaire parfaitement

« connecté ». Le pratiquant et l’agresseur qui ne le seraient pas

subiraient un contact physique bien réel !

Page 64: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour
Page 65: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 10

Vers l’assaut libre

Vous avez acquis une certaine connaissance des diverses attaques, de la

main et du pied, ainsi que le sens de l’esquive et, peut-être, l’art de

chuter. Le plus difficile, maintenant, sera de multiplier librement les

frappes à vitesse très modérée, mais en conservant l’amplitude d’une

attaque totale qui bousculerait complétement le partenaire.

Le « bon » attaquant n’est pas celui qui va réussir à « marquer » un

adversaire, mais celui qui, comme le défenseur, chercher à anticiper son

partenaire et est également capable de freiner son mouvement offensif,

sans le bloquer, si l’esquive est tentée du mauvais côté, de façon à

repousser le défenseur et à lui permettre de corriger son déplacement,

de trouver la bonne « porte » en évitant le heurt et la crispation qui

s’ensuivrait. Tout un programme !

Les personnes plus âgées, ou moins dynamiques pour quelque raison

que ce soit, peuvent sans problème partager cette recherche à un rythme

qui leur convient. Je demande d’ailleurs régulièrement à mes élèves

avancés de pratiquer lentement.

Tout un chacun a droit à l’erreur. Mais bloquer son mouvement, se

stopper dans son élan pour ensuite se corriger n’est pas la bonne

solution. Le pilote automobile ne corrige pas sa trajectoire après être

sorti de la route ! Il étudie éventuellement le circuit, cherche la vitesse

limite à ne pas franchir dans chaque tournant et ne recourt à ses réflexes

qu’en cas d’imprévu, pour le meilleur ou pour le pire ! Autrement dit,

l’exécution de chaque esquive, en particulier, doit être correcte, quitte

à se réserver un instant minimal d’analyse. La vitesse viendra

insensiblement et naturellement.

Il vaut cent fois mieux exécuter lentement le geste juste que de

tomber dans un pugilat informe !

Celui qui doit esquiver a compris qu’il ne doit pas attendre le

déclenchement de l’assaut, mais projeter la main et le pied avant dans

le dos de l’attaquant à l’instant où l’action devient inéluctable. Bien sûr,

le débutant s’autorisera à partir trop tôt, à prendre ainsi confiance tandis

que l’attaquant le poursuivra légèrement, développant la sensation de

traverser le point visé.

Jusqu’à présent, je vous ai imposé une pratique assez artificielle, le

moindre geste étant prescrit. Ces répétitions multiples et codifiées

doivent, en fait, être libératrices : une fois ces mécanismes de base

acquis, l’attaquant va pouvoir attaquer librement, de la main ou du pied,

du membre avant ou arrière, en alternant droite-gauche ou en

Page 66: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

enchaînant du même côté. Si, après une grande attaque, il pivote sur les

deux pieds, il pourra, en effet, frapper à nouveau du même membre.

Et si, de surcroît, l’attaquant s‘autorise éventuellement à lancer une

attaque circulaire du membre arrière en pivotant de 360°, toutes les

situations possibles vont se présenter et obliger le défenseur à s’adapter

dans l’instant pour prendre le centre de l’action.

Les déplacements seront généralement très amples, puis, parfois,

l’attaquant frappera « plus court »… Parfois le défenseur, en pivotant,

changera de pied de façon à ne pas toujours forcer sur le même genou,

ou il se risquera à effectuer un large pas vers l’arrière pour,

immédiatement, entrer à nouveau dans le dos de l’attaquant qui aura

enchaîné plus rapidement une nouvelle frappe…

Si votre condition physique vous le permet, il vous faudra envisager de

pratiquer ainsi durant de longues minutes, avec de plus en plus de

pugnacité, jusqu’à ce que la fatigue soit telle que l’esprit ne puisse plus

analyser et que l’assaut se poursuive dans une sorte d’état second,

comme le marathonien qui arrive en fin de parcours, sans plus trop

penser ni réaliser, laissant à son corps le soin d’effectuer des

mouvements qui ne dépendent plus vraiment de soi.

Esquiver inlassablement sur une succession d’attaques sincères, ce fut

la forme d’assaut – très dur, car il y avait vraiment la volonté de toucher

– développée par le Maître Tesuji Murakami qui refusait les combats

propres au karaté de compétition. Les stages qu’il dirigea à Sérignan,

au Portugal, en Italie… sont restés dans les annales du karaté européen.

À l’époque, l’attaquant ne pouvait exécuter que de grandes attaques

directes du poing arrière. Si vous avez patiemment assimilé les diverses

leçons qui précèdent, vous devrez progressivement être en mesure de

maîtriser la même forme de combat, mais sur des attaques libres,

directes ou circulaires.

Enfin, de façon à conserver la même équanimité mentale, que l’on

attaque ou esquive, il sera important de parvenir à alterner les rôles sans

que cela n’affecte votre disposition d’esprit ni n’engendre le moindre

temps mort. Soit que le professeur le commande (Changez !), soit que

le défenseur, achevant une esquive, annonce lui-même : « J’attaque ! ».

Les diverses projections s’inscriront ensuite dans ce cadre. Notez que

la Spirale, en bloquant le partenaire au sol, met fin à l’assaut et ne se

prête pas à l’échange des rôles sans rupture. Par contre, cette technique

est réaliste, que l’attaquant frappe du membre arrière ou de la main

avant.

Les projections plus amples ne seront effectuées que sur les grandes

attaques invitant le partenaire à se donner dans un grand pas du pied

arrière. Il sera alors intéressant d’inviter le défenseur à ne pas se

Page 67: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

stabiliser tandis que l’attaquant chutera : il le poursuivra de façon à

pouvoir attaquer à son tour tandis que son partenaire se redressera.

Pratiquer ainsi sans temps mort transmue le combat en un ballet

harmonieux, ce qui ne dispense pas de chercher à évoluer vers des

frappes de plus en plus sincères et des assauts sans concession.

Esquives sur attaques maximales

Nous avons beau penser, lorsque nous exécutons nos mouvements

offensifs, à « communiquer l’énergie maximale », c’est assez rarement

le cas pour des raisons évidentes : nous ne sommes pas en situation

d’une lutte à mort (heureusement) et nous ne pouvons pas, durant une

heure ou même seulement dix minutes, « tout donner » !

Il nous faudrait pourtant, même lorsque nous pratiquons « relax » ou au

ralenti, nous déplacer comme si les attaques étaient foudroyantes,

destinées à traverser le point visé et, donc, prolonger notre grand pas

d’un ou deux pas glissés.

Vous avez dû, jusqu’ici, esquiver des centaines de fois votre partenaire.

Après quelques pivots vous l’avez projeté en utilisant différentes

techniques. Quelquefois, vous avez poursuivi l’assaut en attaquant à

votre tour…

Reprenons l’exercice le plus simple : votre partenaire effectue une

grande attaque et vous reculez largement, puis vous revenez tous deux

à votre point de départ pour reproduire l’aller-retour avec de plus en

plus de pugnacité et d’amplitude (Vas-y, essaye vraiment de me

toucher !)

Si, à un moment donné, vous esquivez en entrant pour pivoter et vous

stabiliser tous deux après avoir achevé votre mouvement, vous allez

constater que vous avez « perdu la distance » : votre partenaire est un

mètre trop éloigné et vous n’avez plus le contact nécessaire pour

poursuivre l’assaut sans temps mort !

Une solution : dès que le défenseur pivote – et tandis que l’attaquant

achève son grand déplacement – il effectue un grand pas pour aller

« chercher » l’attaquant, qui pivote à son tour, et enchaîner avec un pas

glissé du même pied et une nouvelle esquive !

L’intérêt de cet apprentissage est d’inviter l’attaquant à ressentir

jusqu’où devrait le porter une frappe totale… ou une chute vers l’avant

qui suivrait son attaque ; le défenseur, quant à lui, aura plus facile

d’anticiper l’attaque suivante et d’entrer franchement sur celle-ci s’il

« colle » à son partenaire et avance vers lui…

(L’utilité d’aussi grands déplacements se révélera aussi lorsque le

défenseur esquivera ou projettera quatre attaquants, mais n’anticipons

pas trop !)

Une nouvelle dimension s’ouvre ainsi et j’espère qu’un nombre

croissant de pratiquants franchiront ce cap : toute attaque doit amener

Page 68: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

son auteur au-delà du défenseur. Si celle-ci est relativement courte, tous

deux pivotent simultanément ; si l’attaquant, imitant un agresseur

« enragé » qui jouerait son va-tout, explose davantage et prolonge sa

frappe sur deux ou trois pas, alors le défenseur doit l’accompagner pour

entrer instantanément sur l’attaque suivante…

Conserver la distance en adaptant spontanément ses mouvements

de défense aux mouvements d’attaques, ses déplacements à ceux du

partenaire, c’est alors véritablement « ne faire plus qu’un avec

lui ». Comment pourrait-il, dès lors, vous toucher ?

Des étapes intermédiaires s’imposent :

- au départ de l’attitude « même pied en avant », l’attaquant va alterner

de grandes attaques droites et gauches, en prolongeant chacune de deux

pas avant de pivoter. Le défenseur effectue sa parade « de l’intérieur »,

pivote et poursuit son partenaire d’un large pas pour enchaîner son

esquive de l’autre côté…

- de même, au départ de l’attitude « pied contraire en avant », l’attaquant

alterne ses grandes attaques tandis que le défenseur effectue la parade

« de l’extérieur », pivote et poursuit son partenaire d’un large pas pour

enchaîner son esquive de l’autre côté…

Pour améliorer la capacité d’adaptation du défenseur à la profondeur de

l’assaut, nous pouvons ensuite demander à l’attaquant d’alterner deux

attaques plus courtes suivies d’une grande attaque…

Ces diverses étapes doivent être travaillées au ralenti, sans temps

d’arrêt, toujours avec des mouvements amples et fluides, avant

d’autoriser l’attaquant à frapper librement tandis que le défenseur

anticipera, poursuivra éventuellement son partenaire, se risquera

parfois à un large recul avant d’esquiver immédiatement l’attaque

suivante.

Des yeux dans le dos

Un exercice simple pour améliorer, à deux, votre capacité de ressentir

le partenaire qui se trouve derrière vous : après vous être salués face à

face, adoptez lentement l’attitude de base tout en pivotant, dos à

l’attaquant, pied gauche devant comme lui, sans le perdre complétement

de vue, en mobilisant votre vision périphérique de façon à percevoir

tout mouvement de votre partenaire tout en regardant devant vous.

Si votre position est largement fendue vers l’avant, vous constaterez

qu’il est bien plus confortable de tourner la tête vers la jambe arrière

plutôt que de l’autre côté. Vous allez fuir la frappe en effectuant un

grand pas en avant et en tournant instantanément la tête pour

« récupérer » le contact avec votre partenaire. Ici également, nul n’a le

monopole de l’initiative du déclenchement de l’action. Après quelques

Page 69: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

déplacements à vitesse variable, tous deux pivotent lentement et les

attitudes s’inversent…

L’esquive « arrière »

À un niveau supérieur, lorsque nous sommes attaqués par derrière ou

encerclés par plusieurs partenaires, il est intéressant de se réserver la

possibilité d’entrer sur une attaque se déclenchant dans notre dos pour

esquiver son auteur, voire le projeter.

Présentez le dos à votre partenaire. Après un ou deux déplacements

maintenant la distance comme ci-dessus, propulsez votre pied arrière en

pivotant pour entrer en esquivant. Cela sera aisé, avec une défense « de

l’intérieur », si vous étiez tous deux « pieds contraires ».

Si, au départ, vous avez le même pied en avant, le gauche par exemple,

pivoter vous exposerait à la frappe. Il vous faut pousser sur ce pied afin

d’amener le pied droit dans le dos de l’attaquant avant de reculer le

gauche pour vous retrouver face à lui lorsqu’il pivotera.

Un exercice – un peu spécieux, je vous l’accorde – consiste à esquiver

une série de frappes libres en restant dos au partenaire afin d’améliorer

votre capacité d’ « entrer » vers l’arrière.

Avec un partenaire devant vous et un autre attaquant derrière vous, il

vous sera alors loisible d’esquiver l’un ou l’autre, celui-ci reculant

ensuite pour que vous soyez à nouveau entre les deux…

Page 70: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour
Page 71: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 11

Projeter « en ouvrant la porte »

Cette projection est plus aisée à exécuter lorsqu’une grande attaque se

déclenche alors que les deux partenaires sont « pied contraires ». Si

l’attaquant propulse son poing droit, le défenseur effectue une parade

« de l’extérieur » de sa main droite, pivote sur son pied avant et

accompagne la frappe de son partenaire qui le dépasse légèrement.

Il suffira que le défenseur dévie l’attaque vers le bas, alors que son

partenaire n’a pas encore déposé son pied droit au sol, et pousse

légèrement de sa hanche le bassin de son partenaire pour déséquilibrer

celui-ci et induire sa chute avant.

Si la technique intervient au départ de l’attitude « même pied en avant »,

le pivot sera un peu plus complexe mais plus dynamique.

Exercice préliminaire : adoptez la position de base, pied gauche en

avant, poids du corps sur ce pied. Il s’agit de pivoter de 180° en

changeant de pied – le droit prend la place du gauche – tout en

conservant le poids du corps sur le pied avant. Se propulser vers le haut

constituerait une perte d’énergie ; il faut demeurer à la limite du

déséquilibre vers l’avant tout en changeant de direction. Le pivot est

reproduit quelques fois dans un sens puis l’autre.

Efforcez-vous ensuite de réaliser simultanément la grande attaque du

poing. Si vous êtes pied gauche devant, tout en pivotant, vous propulsez

le poing droit à l’opposé de votre position initiale, comme si le poing

vous traversait pour frapper « loin derrière ».

Les deux partenaires sont maintenant face à face, même pied gauche en

avant. L’attaquant va effectuer une grande attaque du poing droit avec

un grand pas du pied correspondant. Simultanément son partenaire a

pivoté en un saut et se retrouve à son côté, comme son ombre,

légèrement en arrière : tous les deux ont donc frappé conjointement

dans la même direction.

Une fois l’harmonie acquise, le défenseur, en pivotant, enfonce quelque

peu de sa hanche le bassin de son partenaire et prolonge la frappe de

celui-ci vers l’avant en une courbe descendante qui devrait induire la

chute en avant de l’attaquant si celui-ci est en plein mouvement…et

capable de chuter !

Attention donc :

- La main droite du défenseur accompagne la frappe et la dévie

souplement. Pas question de « casser la trajectoire » de celle-ci et de

forcer la chute !

- L’attaquant ne doit pas se figer et bloquer son propre mouvement ; s’il

n’est pas à l’aise pour rouler sur le bras et l’épaule, il retrouvera son

équilibre après quelques pas.

Page 72: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

- Si la projection intervient après quelques esquives, l’attaquant ne doit

pas pivoter trop vite mais frapper comme si son partenaire reculait

largement (ce que celui-ci pourrait faire, comme fin de la séquence

précédente, pour vérifier la sincérité des attaques !) ; lui aussi doit

anticiper l’intention de son partenaire, accepter la projection et la chute

éventuelle.

Cette dernière réflexion nous permet de généraliser un principe que

vous avez sans doute déjà perçu :

Refuser l’esprit de compétition afin de progresser conjointement,

cela implique aussi, lorsque vous jouez le rôle de l’attaquant,

d’encourager votre partenaire à réaliser franchement sa défense.

Si je ressens son appréhension, je dois ralentir mon assaut, l’inciter à

bien entrer sur celui-ci et, si nécessaire, chuter de moi-même pour qu’il

perçoive mieux, en m’accompagnant, le mouvement de projection qu’il

doit réaliser.

Cette projection serait-elle efficace en cas de rixe, par exemple sur les

gradins d’un stade de football, au milieu d’une foule déchaînée ?

Vraisemblablement pas ! Nous étudions des techniques qui invitent le

partenaire à se donner totalement dans l’assaut : si l’attaque, la

projection et la roulade sont correctes, la réussite est commune. Ceci se

reflète lors des passages de grades : si le pratiquant invité à présenter

son travail ne dispose pas d’un partenaire ayant le niveau suffisant,

l’examen ne pourra être satisfaisant. À l’inverse, dans les fédérations

axées sur la compétition, le postulant sera heureux si ses concurrents

n’ont pas le même niveau et lui permettent d’accumuler les points !

Et si les techniques étudiées ne sont pas totalement transposables dans

le domaine de l’auto-défense, il est évident que…

Développer sa présence d’esprit, son ouverture envers autrui, sa

capacité d’esquiver et de se donner sans réserve dans une action

subite constituent, à plus long terme, la meilleure école pour

apprendre à se protéger d’une agression… ou d’un réflexe

malheureux !

Rappelons encore qu’une projection ne clôture pas nécessairement

l’assaut : il est particulièrement intéressant, alors même que l’on chute,

de chercher à demeurer en communication avec le partenaire. Celui-ci

ne se fige pas après la projection ; il se déplace, poursuit l’attaquant et

frappe à son tour dès que ce dernier se redresse…

Esquive entre deux attaquants

Abordons maintenant l’étude à trois. Il vous faut donc un second

partenaire jouant également le rôle d’attaquant. Si vous vous êtes limité

jusqu’à présent à pratiquer avec votre conjoint ou votre ado, il vous

faudra « former » une tierce personne : ce sera l’occasion de reprendre

Page 73: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

tout ce qui précède et vous verrez que c’est parfois en tentant de bien

expliquer qu’on améliore sa propre compréhension ! Plus vous

partagerez, plus vous serez motivé ; je ne fonctionne pas différemment.

Si nous nous entraînons avec deux partenaires, ce n’est pas pour qu’ils

attaquent à tour de rôle, cela n’apporterait pas un intérêt

supplémentaire. Nous ne misons jamais sur une erreur ou une faiblesse

de l’autre : nos deux attaquants doivent donc se positionner et se

concentrer pour agir toujours simultanément.

Ne négligez pas le salut rituel. Le défenseur (désignons-le ainsi même

si, pour l’instant, il va « trancher la tête » de son vis-à-vis comme ses

partenaires) a, donc, un attaquant à sa droite et un à sa gauche ; il salue

devant lui en s’efforçant de les percevoir tous deux. La pratique vous

invite à « ouvrir votre horizon », à ne pas être obnubilé par un adversaire

particulier mais à demeurer disponible pour toute éventualité.

Le mécanisme de base sera plus facile à aborder si les trois pratiquants

frappent réciproquement comme pour notre toute première séquence. Je

dis « mécanisme » car il s’agit d’une systématisation des déplacements

qui nous permettra ensuite de nous libérer de telles conventions ; mais

restez concentrés et ne pratiquez pas mécaniquement ! Il nous faudra

examiner, une à une, toutes les situations possibles – les deux attaquants

frappent de la même main ou sont en position inverse ; ils vous

« encadrent » ou seront côte à côte – avant de lever progressivement

toute convention et de voir les assauts évoluer vers plus de spontanéité.

Trouver instantanément la réponse adéquate nécessite un long travail et

le mouvement parfait n’interviendra peut-être qu’une fois sur dix…

Tous trois se positionnent pied gauche devant ; le défenseur est alors

face à l’un et dos à l’autre (il n’a pas complètement perdu des yeux

celui qui est derrière lui : le regard du conducteur qui entame un

dépassement saute ainsi d’un rétroviseur à l’autre tout en gardant le

contact avec les véhicules qui le précèdent). Tous trois frappent

simultanément de la main droite en avançant. Le défenseur et

l’attaquant avant vont se croiser et pivoter : les deux attaquants se

retrouvent alors côte à côte, face au défenseur.

L’attaquant qui a été esquivé effectue un grand pas en arrière avec un

déplacement latéral de façon à se placer à son tour derrière le défenseur

lorsque celui-ci croise l’autre attaquant. Il nous faut bien adopter, dans

un premier temps, cette convention : les trois pratiquants se

retrouvent ainsi dans l’attitude de départ, mais les deux attaquants ont

inversé leur position…

Remémorez-vous ensuite l’esquive et la défense à deux : l’attaquant

alterne de grandes frappes droites et gauches. Le défenseur se propulse

derrière son partenaire en lançant main et pied avant et alterne défense

« de l’intérieur » et « de l’extérieur » ; il peut éventuellement, tout en

Page 74: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

pivotant, changer de pied pour effectuer ses esquives en se protégeant

de l’autre main.

Reprenez maintenant à trois. Les frappes coordonnées vont être plus

franches et vont forcer le défenseur à esquiver correctement.

La règle « celui qui a été esquivé doit reculer » est nécessaire : si les

deux attaquants étaient libres de poursuivre leurs attaques ou de reculer,

il arriverait que tous deux décident de reculer, ce qui romprait l’assaut.

Après une série d’enchaînements fluides, les rôles s’échangeront pour

que chacun se retrouve entre les deux autres.

Sans doute serez-vous encore rebutés par la difficulté de mise en œuvre

du schéma proposé et tentés de le juger comme étant très artificiel

comparé à l’agression, dans une ruelle, par plusieurs malandrins.

Certes ! Notez seulement que ceux-ci ne coordonneront jamais

parfaitement leur action. Généralement l’attaque sera déclenchée par le

plus vindicatif tandis que ses comparses demeureront en retrait. Ceci se

vérifie aussi souvent lors des randoris d’aïkido : si les attaquants sont

multiples, ils n’attaquent jamais simultanément mais attendent plus ou

moins leur tour ou une ouverture dans leur direction. Notre étude

postule, au contraire, que les deux, trois ou quatre attaquants se

positionnent tous à bonne distance et frappent simultanément de façon

à ce qu’un même mouvement anime le cercle des attaquants et le

défenseur.

Notons encore que, une fois les deux attaquants positionnés côte à côte,

ils pourront par la suite attaquer conjointement quelques fois avant que

le premier esquivé ne décide de reculer largement pour « encercler » à

nouveau le défenseur, le but étant de développer la capacité

d’adaptation de celui-ci.

Projeter les deux attaquants

Lorsque les deux attaquants poursuivent ainsi l’assaut en restant côte à

côte, tous deux doivent chercher à toucher le défenseur. Celui situé à

l’extérieur du cercle de la double attaque devra alors revenir à

l’intérieur, quitte à bousculer légèrement son partenaire comme s’il

voulait l’évincer, de telle sorte que si la Spirale ou la projection étudiée

ci-dessus intervenaient sur le premier, le second serait semblablement

déséquilibré… A nouveau, c’est la qualité de l’attaque qui permet la

réalisation d’une belle défense, une double projection en l’occurrence.

Prudence seulement : il ne faudrait pas que l’un chute sur l’autre !

La double projection sera approfondie dans la séquence suivante.

Page 75: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 12

Esquive et défense avec deux attaquants

Vous devez évoluer au départ de mouvements très codifiés,

inlassablement répétés, vers une pratique libérée de toute convention.

Mais ceci doit se faire très progressivement et nécessite patience et

persévérance.

Une fois la synchronisation des déplacements acquise dans les exercices

qui précèdent, le défenseur va jouer pleinement son rôle en adaptant son

mouvement de défense et son esquive exactement comme réalisé

lorsque vous étiez face à un seul attaquant libre de frapper d’une main

ou de l’autre. En effet, les attaquants s’autoriseront à se positionner

« pieds contraires », à changer de pied lorsqu’ils pivoteront ou

reculeront, ou à conserver le même pied en avant. Le défenseur devra

donc ressentir, quasi instantanément, la direction de l’esquive suivante

et la défense correspondante.

Seconde possibilité : une fois revenus côte à côte, les deux attaquants

attaqueront conjointement une ou plusieurs fois avant que celui qui fut

esquivé décide de reculer pour « cerner » à nouveau le défenseur.

Lorsque les deux attaquants se retrouvent « même pied en avant » et

frappent côte à côte, celui qui est à l’extérieur de l’esquive doit, lui

aussi, chercher à toucher le défenseur même si son déplacement est plus

ample. À quoi bon avoir l’opportunité d’être attaqué par deux ou

plusieurs partenaires si ceux-ci ne cherchent pas à frapper sincèrement

et simultanément ! Et, bien sûr, cette situation, plus délicate, n’autorise

nullement le défenseur à pratiquer avec plus de fougue ou de vélocité

que ses partenaires. L’harmonie de l’ensemble ne doit jamais être

sacrifiée au profit de l’affirmation d’un seul.

Enfin, si les deux partenaires, côte à côte, se préparent à attaquer

ensemble et qu’ils ont tous les deux le pied intérieur en avant, le

défenseur ne pourra esquiver ni d’un côté, ni de l’autre : il devra se

frayer une porte de sortie en « entrant » entre les deux attaquants. Il

propulse toujours son pied avant vers le dos de ceux-ci et lance

simultanément ses deux bras, paumes vers le haut, pour écarter les

mains avant qui le menacent.

Double projection « en ouvrant la porte »

Avant d’appliquer sur deux attaques simultanées, par devant et par

derrière, notre projection « en ouvrant la porte », étudions posément un

« éducatif », un exercice préparatoire :

Les trois pratiquants sont à nouveau même pied en avant, disons le

gauche. Les deux attaquants se rapprochent et exercent une légère

poussée de la main arrière, la droite, sur l’épaule en vis-à-vis du

défenseur. Leur pied arrière peut être décollé du sol comme lors du

Page 76: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

déclenchement d’une frappe. Le défenseur cède à cette double action

qui l’oblige à tordre le tronc ; il va alors, en un saut léger, pivoter de

plus de 180°, pied droit en avant, tandis que la main droite prolonge la

poussée du partenaire qui lui faisait face et que la main gauche tire le

second vers l’arrière. Les deux attaquants contribuent au mouvement et

chutent sur l’épaule droite.

Cette double projection est très difficile à réaliser après quelques

esquives, sur de grandes attaques. Mes recommandations :

- Il est impératif d’étudier, dans ce cas particulièrement, au ralenti, en

restant quelques secondes dans le mouvement, à la limite du

déséquilibre. Les attaquants pourront se retenir de l’autre main à

l’épaule du défenseur.

- Il est plus aisé de s’entraîner sur de grandes frappes s’abattant

simultanément de haut en bas.

- Les attaques doivent être correctes : si elles visent souplement la tête du

défenseur alors qu’il entame son pivot, les attaquants accepteront de se

déséquilibrer quelque peu latéralement et chuteront sur un axe oblique

par rapport à l’axe de départ.

Cette double projection n’est possible que si les deux attaquants sont

parfaitement synchrones et que, la distance entre eux étant courte, ils

arrivent ensemble au point d’impact. Mais si le défenseur entre

largement sur le partenaire avant et le projette en reculant le pied

opposé, il aura fui l’attaque du second qui enchaînera alors avec une

seconde frappe et sera projeté à son tour dans un second temps.

Nous voyons que les possibilités se multiplient : selon la disposition des

protagonistes, le défenseur pivotera deux fois dans le même sens, son

bras effectuant une rotation complète pour enchaîner les deux

projections « en ouvrant la porte » du même côté. Si le premier

attaquant a frappé d’un côté et que le second poursuit de l’autre côté, le

défenseur pivotera dans un sens puis l’autre sans le moindre temps

d’arrêt.

Page 77: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Les adeptes du sport de combat souligneront à nouveau le manque de

réalisme d’une telle pratique. Et nous leur rappellerons que l’art martial

est une idéalisation du combat : notre recherche postule une volonté

d’harmonisation des mouvements de chaque pratiquant. La dimension

esthétique de l’ensemble doit refléter la justesse d’exécution.

Répétez donc lentement jusqu’à ce que chaque geste éclose

naturellement, comme lors d’une course bien équilibrée.

Une fois l’harmonie acquise, il conviendra, alors seulement,

d’évoluer vers plus de pugnacité, sans jamais sacrifier l’état

d’esprit que nous voulons développer.

Page 78: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour
Page 79: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 13

Projection « la roue sur la main »

Les quatre techniques de projection étudiées jusqu’à présent – « la

spirale », « en retournant l’énergie », « en ouvrant la porte » et « en

passant sous le bras » – sont les plus fondamentales car elles nous

protégeraient d’une attaque arrière simultanée ou nous inviteraient à

sortir d’un cercle d’assaillants. Mais il est également intéressant

d’examiner des techniques moins positives qui vont enrichir votre

pratique et se combiner avec les premières.

Reprenons avec un seul partenaire exerçant une poussée de la main

arrière sur votre épaule avant. Simplement reculer le mettrait en

situation d’avancer et de vous dominer. Alors qu’il se dispose à faire un

grand pas du pied arrière, vous allez simultanément effectuer deux

petits déplacements : ramener votre pied arrière à côté du pied avant et

reculer celui-ci en oblique pour déposer le genou au sol. Ceci pourra se

réaliser en un pas sauté. Vos deux bras sont partis en cercle : la main

correspondante au pied qui recule déséquilibre l’attaquant comme dans

la projection précédente. Le partenaire a prolongé sa poussée en

avançant. L’autre main du défenseur accentue ce déséquilibre en

soulevant le genou arrière de l’attaquant (ne pas le jeter brutalement

mais l’accompagner dans sa chute en conservant le corps vers l’avant

de façon à se redresser alors qu’il arrive

au sol, comme pour poursuivre

paisiblement sa route).

La projection sera ensuite étudiée sur une

grande attaque, puis après quelques

allers-retours qui dynamiseront la

pratique. Même si la technique est moins

positive, veillez toujours à anticiper la

frappe et à « entrer », à « prendre le

centre » sous le partenaire en ramenant le

pied arrière avant d’écarter l’autre pied.

Projeter deux attaquants

Avec deux attaquants entourant le défenseur, au départ tous les trois de

l’attitude « pied gauche en avant », celui-ci pourra, en pivotant, projeter

de la main droite le partenaire avant tandis que celui-ci attaque de la

même main, et enchaîner comme ci-dessus en déposant le genou droit

au sol pour projeter le second attaquant qui aura poursuivi en frappant

de la main gauche.

Enfin, cet enchaînement gagnera en dynamisme si les deux projections

sont précédées de deux esquives pour enclencher l’action, le défenseur

Page 80: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

effectuant sans discontinuer défense sur l’un, défense sur l’autre,

projeter le premier, projeter le second…

« La porte ouverte à deux battants »

Dans l’éventualité où les deux attaquants poursuivent l’assaut en

demeurant côte à côte, il est également possible de les projeter

simultanément en déposant le genou au sol. Exercez-vous d’abord sur

une poussée conjointe : le partenaire qui est à votre gauche est pied droit

en avant et pèse sur votre épaule de sa main gauche ; celui qui est à

votre droite se positionne inversement (ceci pour qu’ils risquent moins

de se heurter en chutant ; par la suite, cette double projection pourra être

réalisée sur toute attaque des deux partenaires à condition qu’ils soient

synchrones…et à l’aise pour chuter)

Le défenseur « entre » avec son pied arrière tout en reculant l’autre,

genou au sol, tandis que ses deux mains déséquilibrent les attaquants en

un mouvement circulaire descendant. Ceux-ci chutent le long du bras

exerçant la poussée.

Sur de grandes attaques, la

technique sera plus facile à

réaliser si les partenaires

frappent de haut en bas : le

défenseur fléchit au

maximum son genou avant

en ramenant le pied arrière.

Il lance ses deux mains

paumes vers le haut pour

aller cueillir les frappes et

les prolonger en les déviant

vers l’extérieur tout en reculant le pied (attention au talon des

attaquants si ceux-ci chutent trop latéralement !)

Une projection similaire peut être réalisée lorsque les deux attaquants

sont positionnés inversement : au lieu de se présenter « pied extérieur

devant » (celui qui était à votre gauche avait le pied droit en avant, celui

à votre droite, le pied gauche), ils sont « pied intérieur en avant » (dos

à dos) : le défenseur « entre » avec son pied arrière tout en reculant

l’autre, genou au sol, tandis que ses deux mains déséquilibrent les

attaquants en un mouvement circulaire soulevant le tibia des attaquants.

Il est relativement aisé d’effectuer une double projection lorsque les

deux frappes sont rigoureusement synchrones et que les deux bras du

défenseur réalisent un mouvement symétrique. La technique est

beaucoup plus difficile à réaliser si les deux attaques ne sont pas

parfaitement simultanées et identiques, a fortiori si les deux attaquants,

côte à côte, se présentent « même pied en avant » et frappent, donc, tous

deux du même bras !

Page 81: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Le brise-chute

Lorsqu’une projection est subie, une roulade souple nous permet de

nous redresser dans le mouvement et de poursuivre éventuellement

l’assaut, soit en enchaînant une nouvelle frappe sitôt sur pieds, soit, les

rôles s’inversant, en esquivant immédiatement l’attaque du partenaire.

Mais lorsque la chute est plus violente, il nous faut recourir au brise-

chute.

Cette étude n’est pas indispensable et nécessite de disposer d’un tatami

ou, à tout le moins, d’un tapis sur plancher.

Il s’agit d’amortir le heurt subi au sol en provoquant une onde de choc

suivant le principe de l’action-réaction. L’efficacité d’un atémi, d’un

coup frappé, résulte de la concentration d’une énergie maximale – tout

le corps explose dans l’action – sur une surface minimale – le poing

fermé, la base des orteils… Rappelons qu’une frappe semblable, portée

sans frein sur un point vital, pourrait peut-être causer la mort, mais aussi

handicaper à vie le membre assénant le coup !

Le brise-chute, au contraire, renvoie l’onde de choc générée par la

projection, le plat de la main frappant sèchement le sol tandis que le

pratiquant évite de solliciter les zones plus fragiles – la tête, le coude,

le poignet, le genou – en présentant la plus large surface possible, de

l’omoplate à l’extrémité de la jambe qui se raidit lors du contact avec le

tatami.

Première étape : allongez-vous sur le flanc droit, menton ramené sur la

poitrine, jambes non croisées ; frappez le sol une dizaine de fois, du plat

de la paume droite, en rebondissant, bras tendu écarté de votre hanche

d’une vingtaine de centimètres. Reproduisez-ceci à gauche.

Seconde étape : accroupis, bras en cercle, roulez le long d’un bras pour

frapper de l’autre le sol dès que l’omoplate se dépose. Ne frappez pas

trop tôt, ce serait au détriment de votre épaule.

Troisième étape : debout, pieds légèrement écartés, balancez

latéralement votre jambe et votre bras gauches tout en fléchissant de

plus en plus la jambe droite. Vous allez chuter sur le flanc gauche en

frappant le sol de la paume gauche. Ne posez pas la main pour vous

retenir – aïe, le poignet ! – et ne tombez pas sur le coude. La frappe de

la paume doit intervenir en même temps que l’arrivée au sol de

l’épaule ; et il vaut mieux frapper un peu trop tard que trop tôt !

L’exercice peut être reproduit avec le soutien d’un partenaire : si vous

empoignez son revers de la main droite, votre jambe gauche devra

progressivement monter plus haut que votre tête avant de frapper le sol

du bras gauche.

Avec un partenaire frappant du tranchant de la main, saisissez ce bras

en pivotant comme pour la Spirale et redressez-vous lorsque son autre

bras réalise le brise-chute.

Page 82: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Enfin, lorsque vous effectuerez votre roulade le long du bras avant, vous

pourrez de même vous raidir en arrivant au sol sur le flanc et exécuter

votre brise-chute de l’autre bras.

Si vous ressentez une gêne au niveau de l’épaule ou une écorchure du

coude, n’insistez pas, vous reprendrez ultérieurement. Il est nécessaire

de s’échauffer préalablement, de découvrir progressivement la

technique et, lorsque vous débutez, de ne pas vous propulser mais de

déposer genou arrière puis genou avant afin de rouler le plus lentement

possible de l’épaule à la hanche opposée.

Le brise-chute sera seulement utile lorsque vous subirez une projection

« de hanche », technique plus spectaculaire mais moins réaliste.

Page 83: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 14

Attaque, défense, projection… un même esprit

Vous avez découvert – et beaucoup répété j’espère – les techniques de

projections les plus réalistes, celles qui peuvent intervenir sur toute

grande attaque. Négligeons ici la Spirale, qui est une amenée au sol et

se clôt par une immobilisation, pour alterner « ouvrir la porte », « la

roue sur la main » et « retourner l’énergie ».

Efforcez-vous régulièrement à enchaîner attaques, esquives et

projections en alternant les rôles et en bannissant tout temps d’arrêt. Le

plus difficile est de ne pas se stabiliser après avoir projeté le partenaire,

mais de le poursuivre, de se déplacer de façon à l’attaquer à son tour

alors qu’il se relève et a dû, tout en chutant, conserver le contact, avec

vous.

Dans un véritable combat, nous avons souligné à suffisance que tout se

joue avant le premier mouvement et que celui-ci se veut décisif : « Un

coup, une vie ! ». Enchaîner les techniques durant quelques minutes

permet d’acquérir plus d’endurance et, surtout, d’éliminer toutes les

tensions qui précèdent l’assaut. C’est parfois à la limite de l’épuisement

que le geste le plus juste intervient, lorsqu’il n’est vraiment plus

question d’analyser, de prévoir ou de réagir. Le pratiquant est alors dans

un état second et peut être heureusement surpris du déroulement de

l’action, avec ce curieux sentiment d’être spectateur et non acteur :

l’ego s’est effacé et le geste juste a pu se réaliser. Ces instants magiques

entrevus, vous aurez perçu l’essence même de la Voie, le « lâcher

prise » propre à tous les arts imprégnés de l’esprit du zen.

« Retourner l’énergie » du premier attaquant

Nous avons vu, dans la séquence 8, qu’entrer sur l’attaque en

l’anticipant pour retourner immédiatement l’énergie du partenaire

contre lui est la technique la plus simple et la plus efficace, mais elle

nécessite une grande disponibilité du partenaire.

Appliquons cette technique avec deux attaquants. Il est toujours plus

simple de débuter au départ de l’attitude « tous trois pied gauche

devant », les deux partenaires se disposant à frapper de la main droite

et le défenseur se protégeant avec une parade intérieure gauche.

Cette main gauche va projeter le partenaire de face en le retournant en

un mouvement de vague, sa main droite le tirant hanche contre hanche.

Tandis que ce premier attaquant chute en arrière, le défenseur a tourné

la tête à droite, vers le second attaquant qui enchaîne avec une frappe

de la main gauche. Le défenseur ramène son pied avant en direction de

celui-ci pour immédiatement reculer le pied droit et projeter ce

partenaire en absorbant son bras ou sa nuque tout en reculant le genou

droit au sol.

Page 84: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

« Retourner l’énergie » du premier attaquant en pivotant

Le défenseur peut également, en un pivot sauté, accompagner le

premier attaquant qui chute en arrière en le poussant de la main droite

pour projeter ensuite le second dans le même cercle.

Bien assimiler ces diverses formes au départ de la même attitude ; les

réaliser ensuite après quelques esquives pour améliorer dynamisme et

spontanéité, cela correspond à l’apprentissage du solfège. Trouver la

technique adéquate sur des attaques libres et foudroyantes, sans qu’il y

ait de heurt, équivaut à écrire une symphonie ! Il faut reprendre

l’exercice cent fois pour réussir peut-être une fois… et se dire encore

que la chance était sans doute au rendez-vous et que ce modeste succès

ne garantit aucunement que le mouvement suivant sera tout aussi

réussi ! Mais nous ne bouderons pas pour autant notre plaisir : une

pratique saine doit être source de joie et d’épanouissement. Lors des

compétitions sportives, pour un élu, les déçus se comptent parfois par

dizaines !

Lors d’un combat sportif, chaque protagoniste cherche à

surprendre l’autre pour le vaincre. Les pratiquants d’une voie

martiale, lorsqu’ils arrivent à se ressentir parfaitement, agissent

sans frein avec une véritable jubilation.

La Voie du sabre

Je vous propose maintenant un exercice pour effleurer modestement la

« voie du sabre », privilégiée au Japon, et mieux cerner la notion de « se

mettre en garde » avant l’action.

Prenez, votre partenaire et vous, un bâton quelconque, un manche de

brosse conviendra. Saisissez une extrémité à deux mains et, lentement,

amener simultanément votre arme au niveau de la gorge, à distance de

combat, pied avant du même côté que votre main du dessus : les deux

bâtons se croisent à une dizaine de centimètres de leur pointe. Réalisez

cette prise de garde très lentement et recommencez jusqu’à une parfaite

synchronisation.

Les deux armes s’appuyant l’une sur l’autre, chacun exerce ainsi une

très légère pesée latérale. Après quelques secondes, si l’un relâche

légèrement cette pression, l’autre n’a plus qu’à entrer avec son « sabre »

en un pas glissé pour toucher le poignet adverse et menacer la gorge de

son partenaire. Evitez, bien sûr, tout geste brusque en direction du

visage. Le but n’est certes pas de toucher l’autre mais de voir si l’action

offensive a suivi instantanément l’ouverture involontaire ou provoquée.

Et rappelez-vous que les sabres d’autrefois coupaient comme une lame

de rasoir : le moindre contact se soldait par une blessure et ouvrait la

porte à l’enchaînement mortel : « Un coup, une vie ! ».

Page 85: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Votre entrée est-elle naturelle ou le résultat d’une action réflexe ? Pour

bien comprendre, déposez votre bâton et prenez appui, d’un bras, sur

l’épaule de votre partenaire. Pesez franchement sur lui et décontractez-

vous. S’il recule alors de deux centimètres, votre corps le suit

immédiatement sans que vous ayez dû intervenir. C’est à la même

simultanéité, sans que cela n’affecte votre état d’esprit, qu’il vous faut

parvenir. Reprenez l’exercice…

Dans une seconde étape, l’un des deux va, au contraire, accentuer

imperceptiblement sa pesée latérale : son partenaire résiste puis,

soudain, relève vivement son bâton pour laisser passer la pointe de

l’autre et, dans le même temps, revient à son attitude initiale et touche

le poignet adverse comme pour le trancher …

Enfin, les deux partenaires vont rester « neutres » quelques instants ; ils

peuvent se déplacer lentement sans se quitter des yeux. Dès que l’un

relâche ou exagère la poussée qui maintient les deux pointes en contact,

l’autre doit entrer…

Dans un véritable combat, tout se joue avant l’assaut. À peine la

première action se déclenche-t-elle que tout est déjà dit !

Le jeu se complique si l’exercice n’impose pas les rôles : le partenaire

peut, par exemple, avoir le sentiment que votre pesée est trop forte : il

redresse sa pointe pour passer de l’autre côté et sabrer votre poignet…

mais à peine a-t-il relevé sa garde que c’est vous qui touchez son

poignet !

Et très vite vous prenez conscience du but de l’exercice : vous êtes

vraisemblablement retombé dans le piège de la compétition et du

réflexe, ou l’un a toujours voulu prendre le pas sur l’autre…

Découvrir que l’esprit doit se vider de toute intention, de toute

stratégie, qu’il vous faut évacuer toute émotion pour laisser le geste

« juste » éclore…

Vous n’y arriverez sans doute pas aisément, mais vous aurez saisi

l’essence de la Voie.

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Séquence 15

« Le retournement du coude »

Les techniques négatives, effectuées donc en absorbant l’attaque, ne

conviennent pas en cas d’attaques multiples, mais elles sont

intéressantes face à un seul partenaire qui ne sera pas, dès lors,

conditionné à vous voir toujours « entrer » sur son mouvement et devra

demeurer face au défenseur qui aurait reculé.

Deux exercices préparatoires :

- Debout, face à votre partenaire, saisissez ses poignets et balancez les

bras de droite à gauche pour l’encourager à décontracter ses épaules et

à suivre votre mouvement. Effectuez ensemble, tandis que les bras

montent à la verticale, un grand pas latéral qui vous amène dos à dos.

Poursuivez avec un second pas dans la même direction en descendant

les mains de façon à revenir à votre position initiale. Reproduisez

quelques fois le déplacement avant d’inverser direction puis rôles.

- Votre premier déplacement vous ayant amenés dos à dos, celui qui a

saisi les poignets va charger, lentement, son partenaire sur son dos (si

la différence de poids n’est pas trop importante). Il doit tendre les bras

en fléchissant les genoux, pieds resserrés, genoux écartés, de façon à

descendre son postérieur sous celui du partenaire avant de se pencher et

de le tirer sur soi, tout en douceur pour voir si les épaules de celui-ci

supporte l’exercice. Soyez prudent pour votre dos respectif.

Vous avez tous deux repris l’attitude fondamentale, pied gauche devant.

L’attaquant va reproduire la grande frappe « couper la tête » de la main

droite, en avançant donc le pied droit. Le défenseur se protège toujours

de la main avant : celle-ci va « cueillir » l’attaque tandis que son pied

arrière se désaxe latéralement. Il recule largement en oblique son pied

gauche ; simultanément, sa main gauche accompagne la main droite de

l’attaquant qui se retrouve saisie par les deux mains du défenseur, les

pouces de celui-ci en opposition. Il s’agit d’absorber la frappe en

tordant le bras de l’attaquant dans le sens inverse des aiguilles d’une

montre. Cette torsion oblige le partenaire à présenter son dos, dans

l’incapacité de poursuivre avec une frappe de l’autre main. La torsion

du poignet est accentuée par une entrée du coude sur le coude adverse.

Le défenseur ramène son pied arrière et pivote pour venir dos à

l’attaquant. Son mouvement se déroule ainsi en passant du poignet au

coude, puis à l’épaule, dos à dos comme dans l’exercice précédent,

l’autre épaule enfin : le défenseur tient alors le bras de l’attaquant

comme un sabre. En tranchant largement devant lui, il va retourner

l’énergie de l’attaquant contre lui et le forcer (gentiment) à déposer son

genou droit pour effectuer une roulade arrière.

Cette technique particulièrement doit être étudiée tout en décontraction,

en utilisant le minimum de force. Si l’attaquant n’est pas franchement

Page 88: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

déséquilibré en arrière lorsque le défenseur passe sous son bras, il lui

serait loisible de pivoter également pour revenir au point de départ. Il

doit, au contraire, se prêter au mouvement, ne pas quitter des yeux celui

qu’il est censé agresser, d’autant que le défenseur pourrait durcir sa

technique…

Bien prendre conscience qu’il s’agit de collaborer pour que le

mouvement soit correctement réalisé et efficace sans tomber dans une

opposition quelconque : si l’attaquant tente d’échapper à la clé d’épaule,

le défenseur pourrait réagir en raccourcissant le cercle de la projection

au risque de causer une luxation !

Enfin, tout comme la « Spirale », le « retournement du coude » peut être

réalisé avec deux attaquants à condition que leurs attaques, parfaitement

synchrones, s’effectuent du même côté et que le partenaire situé à

l’extérieur accepte de se déséquilibrer en cherchant à toucher le

défenseur. Ici également, il faut veiller à éviter toute brutalité en

projetant l’un sur l’autre les attaquants.

À genoux, dos à l’attaquant : la Spirale

Dès notre seconde séquence, nous avons réalisé la Spirale à genoux,

face au partenaire. L’attaquant lance le poing et le pied du même côté

de manière à bousculer le défenseur si celui-ci esquive trop tardivement.

Si les deux pratiquants sont face à face, le défenseur pivote simplement

sur un genou et amène l’attaquant sur le dos ou sur le ventre.

Mais si le défenseur présente le dos et tourne légèrement la tête pour

deviner le déclenchement de la frappe, son déplacement sera plus

complexe. Supposons qu’il pivote vers la droite sur le genou gauche :

son épaule droite va à la rencontre de l’attaque qu’il ne peut esquiver.

Il lui faut donc pivoter dans le sens inverse des aiguilles d’une montre

pour déposer son genou droit à côté de l’assaillant. C’est, alors, ce

genou qui devient la « pointe du compas » et permet l’exécution de la

Spirale.

Une fois le mouvement décomposé, le défenseur s’efforcera d’effectuer

les deux pivots en un seul temps.

Le regard

Prenez le temps d’analyser votre regard. Il vous faut donc, lorsque vous

portez une attaque, visualiser un point au-delà de votre partenaire de

façon à atteindre celui-ci à l’apogée de votre mouvement. Cependant,

alors qu’il esquive, il convient de ne pas le perdre de vue au risque de

pivoter ensuite en lui tournant le dos. Souvent, le débutant frappe « droit

devant », comme s’il portait des œillères, en négligeant son objectif.

Mais chercher à toucher à tout prix, en retenant son attaque dans

l’attente du déplacement de l’autre, ne serait ni efficace – en combat,

l’adversaire aurait alors l’opportunité de frapper préalablement – ni

Page 89: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

correct vis-à-vis du partenaire, d’autant que je suggère au débutant de

ne pas hésiter à prendre l’initiative de son esquive et de sa défense pour

être en confiance ; l’attaquant frappe alors franchement dans le vide

laissé par celui-ci.

Top tôt, ce n’est pas grave. Mais un petit peu trop tard et c’est

déjà trop tard !

Le regard est révélateur de la concentration, de la présence d’esprit. Ne

négligez pas l’exercice suivant : placez-vous à quelques mètres l’un de

l’autre et tenez votre index relevé au niveau de vos yeux. Si vous fixez

celui-ci, l’image de votre partenaire vous apparaîtra floue et dédoublée ;

inversement si vous portez votre attention au-delà de votre doigt, c’est

lui qui se dédouble.

À distance de combat, regardez le mur, deux ou trois mètres derrière

votre partenaire en portant le regard d’un côté à l’autre de celui-ci, puis

en le fixant. Votre vis-à-vis doit percevoir le mouvement des pupilles

et le moment où c’est lui qui est votre point de mire, lorsque vous passez

d’une vision périphérique à une vision centrée.

Regardez maintenant votre partenaire : dès que vos yeux se portent

ailleurs, il doit le déceler et ébaucher un mouvement vers vous avec la

même simultanéité que lorsqu’il pesait sur votre épaule et que vous

l’absorbiez. Il s’appuie sur vous mentalement et son mouvement suit

instantanément votre dérobade.

Plus difficile : lorsque vous fixez votre partenaire, laissez, après

quelques secondes, votre regard « errer » au-delà de lui, sans tourner les

yeux à droite ou à gauche, ce qui n’est pas facile. Il doit également

percevoir ce « flottement » de l’attention et le sanctionner

immédiatement d’un simple geste.

Seule une pratique assidue, avec des partenaires multiples, vous

permettra de tirer spontanément parti d’un tel exercice.

L’important est de prendre conscience des limites de ses propres

compétences et de découvrir comment les améliorer. Là est la vraie

victoire.

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Séquence 16

Amener au sol « en passant sous le bras »

Découvrons cette technique en reprenant notre simple saisie du poignet

« du même côté », par exemple de la main gauche saisissant votre

poignet gauche tandis que la main arrière du partenaire vous menace.

Votre entrée du pied avant induit toujours l’esquive vers le dos de

l’attaquant. Simultanément, votre main droite s’est refermée sur le

poignet gauche du partenaire et vos deux bras effectuent une large

poussée vers le haut de façon à vous permettre d’avancer sous son bras.

L’attaquant vous poursuit pour frapper du poing droit en pivotant autour

de vous d’autant que la torsion subie par son poignet le force à venir à

votre droite. En accentuant cette torsion et en sabrant largement tandis

que le pied droit effectue un grand pas en avant, vous allez projeter votre

partenaire qui chutera sur l’épaule droite.

Il est également possible, tandis que l’attaquant revient vers vous, de

pivoter sur votre pied avant, face à lui, et de l’amener ventre au sol en

maintenant la torsion de son poignet et l’extension de son bras gauche.

Bien évidemment, lorsqu’il y a projection ou torsion d’une articulation,

il est indispensable d’étudier la technique très posément, sans crispation

ni mouvement réflexe qui risqueraient de blesser le partenaire.

A nouveau, effectuée de cette façon sur une saisie relativement statique,

la projection ou l’amenée au sol n’apparaîtront pas très réalistes. Mais

lorsque ces techniques seront réalisées après quelques allers-retours

invitant le partenaire à se lancer de plus en plus vivement dans l’assaut,

elles se révéleront douloureuses pour le poignet de l’attaquant. Il

conviendra donc d’effectuer une entrée franche en anticipant la frappe

suivante pour veiller ensuite à doser la clé subie par le partenaire et

ralentir la technique afin de l’achever harmonieusement.

Notez, enfin, que l’entrée que vous avez réalisée en passant sous le bras

de l’attaquant va vous permettre de découvrir une projection « de

hanche » plus spectaculaire qui obligera le partenaire à effectuer un

« brise-chute ». Tandis qu’il entame son pivot autour du défenseur,

celui-ci se cambre et l’amène dans le bas de son dos, le long de sa

ceinture. Le but n’est pas de le porter sur son dos mais de le faire

basculer par-dessus les hanches. Attention cependant : le défenseur a

saisi de ses deux mains le bras gauche de l’attaquant or celui-ci, en

basculant, doit chuter sur l’épaule gauche ! Il faudra donc lui laisser le

temps de présenter le bras droit que le défenseur supportera, après avoir

libéré le gauche, de façon à amortir la chute de son partenaire.

Prudence donc ! Les projections « de hanche », caractéristiques du judo,

obligent le défenseur à tourner le dos à l’attaquant. La technique décrite

ci-dessus est, au contraire, très positive, mais elle nécessite une bonne

anticipation du premier et un assaut dynamique du second qui devra

maîtriser le brise-chute.

Page 92: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

La fulgurance d’une technique ne résulte pas de l’enchaînement

rapide de multiples mouvements, mais de la réalisation d’un geste

juste… juste au bon moment !

Les techniques les plus efficaces sont les plus sobres. Pour découvrir le

dénominateur commun à tous les arts japonais – pas seulement martiaux

– pratiquer le zen suffit : s’assoir en tailleur, le corps droit et se vider

l’esprit… Bien plus facile à exprimer qu’à réaliser ! Cette voie est la

plus ardue. Et même si « le zen et les arts martiaux ont la même

saveur » (Taisen Deshimaru) notre ambition est également, au-delà de

la dimension sportive, de mieux maîtriser nos potentialités physiques

et, donc, d’apprendre à bouger imperceptiblement ou à monopoliser

instantanément toute notre énergie lors d’un mouvement explosif.

Les techniques décortiquées jusqu’ici sont les plus fondamentales et, la

dernière exceptée, ne nécessitent pas de supporter de violentes

projections. Elles tolèrent d’être étudiées au ralenti et sont à la portée

d’un enfant de huit ans comme de l’octogénaire en bonne forme.

Nous pouvons cependant, pour ceux qui en ont la capacité, étoffer nos

projections avec l’aide d’un partenaire suffisamment souple et

expérimenté, ainsi pour « projeter par-dessus les hanches » qui

nécessite de saisir l’autre bras de l’attaquant pour qu’il puisse exécuter

son brise-chute.

Projection « la roue sur les épaules »

Remémorez-vous « la roue sur la main » : tandis que l’attaquant se

lance dans une grande attaque droite, vous avez ramené votre pied

arrière, le droit, à côté du gauche pour reculer celui-ci en oblique et

déposer le genou au sol. Vos deux bras sont partis en cercle : la main

correspondante au pied qui recule déséquilibre l’attaquant tandis que

l’autre main accentue ce déséquilibre en soulevant son genou arrière.

Si, maintenant, la tête du défenseur se glisse sous son partenaire, la

nuque prend le relais de la main : la chute de l’attaquant s’effectue dès

lors par-dessus les épaules du défenseur qui redresse le tronc.

Page 93: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Attention : comme dans le

mouvement précédent, celui

qui projette doit libérer le bras

qui porte l’attaque et saisir

dans le creux de son coude

arrière celui du bras gauche de

son partenaire afin de lui

permettre, tout en le

soutenant, de réaliser son

brise-chute du bras droit.

Il est nécessaire d’étudier cette

technique particulièrement en

marquant un temps d’arrêt une

fois le partenaire chargé sur les épaules pour bien réaliser le crochetage

des coudes, ce qui serait plus raisonnable avec un attaquant

sensiblement plus léger. Enfin, je conseille au défenseur de positionner

son pied arrière à plat dans l’éventualité où son partenaire, chutant trop

latéralement, atterrirait dessus !

Projeter le partenaire arrière : la Spirale

Reprenons d’abord avec un seul partenaire, dans le dos, qui exerce une

légère poussée sur les épaules. Si le défenseur avance largement un

pied, l’attaquant suit naturellement du même côté. Après quelques

déplacements synchronisés, le défenseur, s’il avance le pied droit,

pivote largement sur le gauche, dans le sens inverse des aiguilles d’une

montre, en levant les bras au ciel, pose le pied droit (la pointe du

compas) à côté de l’attaquant et poursuit en effectuant une Spirale qui

amène cette fois l’attaquant sur le ventre, contre le genou droit du

défenseur. Lui laisser le temps de venir au sol et de tourner la tête vers

sa droite avant de subir une légère clé d’épaule.

Si l’attaquant, derrière, et son partenaire se positionnent maintenant

« pieds contraires », la Spirale s’effectuera de même très naturellement

sur une grande attaque : le défenseur a la tête tournée vers sa jambe

arrière ; il pivote dans cette direction et ramène le pied avant – ce sera

la pointe de son compas – à côté de l’autre pied tandis que sa main

arrière va cueillir l’attaque.

Ce sera plus complexe si les deux partenaires ont tous deux le même

pied en avant soit, par exemple, le gauche, l’attaquant préparant une

frappe du poing droit. Le défenseur va devoir se tordre en tournant la

tête dans l’autre sens et sauter en pivotant de façon à se retrouver face

à son partenaire, dans le cercle de son attaque ; c’est le pied arrière au

départ qui sera la pointe de son compas…

Dans tous les cas de figure, il convient d’anticiper l’attaque et d’aller à

sa rencontre pour la canaliser alors qu’elle se déploie ; jamais de la fuir.

Page 94: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Entre deux attaquants

Les recommandations précédentes s’appliquent, bien sûr, aux autres

formes de projection. Vous devez vous y exercer systématiquement en

effectuant d’abord deux ou trois aller-retour, dos à l’attaquant, avant de

pivoter vers lui.

Nous avons déjà noté que les quatre premières techniques de projection

étudiées – « la Spirale », « en retournant l’énergie », « en ouvrant la

porte » et « en passant sous le bras » – sont les plus fondamentales car

elles nous protégeraient d’une attaque arrière simultanée ou nous

inviteraient à sortir d’un cercle d’assaillants.

Si nous demandons à deux partenaires de nous attaquer simultanément,

un par devant, l’autre par derrière, la Spirale sera efficace car l’amenée

au sol d’un attaquant gênera l’autre et retardera sa seconde frappe. Cette

idée est souvent exploitée lors des randoris d’aïkido. Mais dans l’esprit

de notre démarche, l’intérêt de disposer de deux attaquants – voire trois

ou quatre – est de leur permettre d’attaquer franchement et de nous

mouvoir harmonieusement afin de canaliser leur énergie. Négligeons

donc la Spirale ainsi que les projections plus négatives qui ne nous

éloigneraient pas du second attaquant tandis que nous projetterions le

premier.

Entraînons-nous donc, avec deux attaquants, en entrant d’abord, vers

l’avant ou vers l’arrière, pour projeter un premier attaquant « en

retournant l’énergie », « en ouvrant la porte » ou « en passant sous le

bras ». Il nous sera alors loisible d’user d’une technique moins directe

pour projeter le second.

Page 95: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 17

Esquiver quatre attaquants

Deux attaquants, côte à côte, se présentent à la droite du défenseur et

deux à sa gauche. Après le salut commun, ils se positionnent pied droit

ou pied gauche devant. Le défenseur fait face d’un côté sans perdre

complètement de vue les deux attaquants auxquels il présente le dos. Il

doit anticiper comment esquiver soit vers l’avant, soit vers l’arrière.

Après cette première esquive, le défenseur se retrouve face aux quatre

attaquants et poursuit avec une nouvelle esquive, soit en passant à

l’extérieur du groupe des assaillants, soit en se glissant entre deux qui

seraient « pied contraire en avant » (revoir la séquence 13, p. 79)

Les attaquants enchaînent leurs frappes, mais l’un ou l’autre peut

décider d’effectuer un grand pas en arrière pour, à nouveau,

« encercler » le défenseur. Si, par hasard, tous les quatre devaient

reculer, l’harmonie serait rompue. Les attaques vont se succéder,

chaque protagoniste s’efforçant de conserver une distance correcte vis-

à-vis du défenseur…

Esquiver et projeter quatre attaquants

Nous avons découvert, au début de la séquence 13, sur deux attaques

simultanées, le bel enchaînement projeter l’un « en ouvrant la porte »,

puis l’autre en déposant le genou au sol, voyons toutes les étapes

possibles avant d’agir spontanément avec quatre partenaires.

Je précise bien l’objectif de ce travail : s’il s’agissait de se protéger

d’agresseurs nous encerclant, je préconiserais d’anticiper la première

frappe en entrant dans le dos de l’un pour fuir ou, à tout le moins, pour

sortir de l’encerclement. Mais le but de notre pratique est de développer

notre capacité d’adaptation instantanée et, donc, de parvenir pendant

une ou deux minutes à ce qu’un même mouvement nous anime tous

les cinq tandis que des attaques libres se succèderont sans discontinuer.

- Améliorez tout d’abord la décontraction de l’épaule en effectuant,

debout, des aller-retour, d’un côté puis de l’autre : votre bras décrit un

cercle vers l’avant puis revient en cercle vers l’arrière en un seul

mouvement.

- Le mouvement du bras est ensuite amplifié par le déplacement des

pieds : tandis que le bras projette vers l’avant, le pied opposé est

largement reculé ; lorsque le bras revient vers l’arrière, un pas croisé

amène le genou correspondant au sol.

- Après avoir projeté l’attaquant qui serait devant et son vis-à-vis, il

vous faudra entrer sur l’autre axe. Exercez-vous donc, au départ de

l’attitude pied gauche devant, à propulser votre pied droit vers le

partenaire qui vous menacerait sur votre flanc droit afin de le projeter

Page 96: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

en reculant le pied gauche. Vous avez ainsi pivoté de 90°. Vous

ramenez le pied gauche pour reculer le genou droit au sol tandis que

votre bras droit repart vers l’arrière.

Cet enchaînement va se reproduire quatre fois. Vous aurez alors

réalisé un tour complet et serez revenu à votre point de départ.

Inversez votre attitude et reproduisez les huit mouvements de

projection en effectuant un tour dans l’autre sens.

- Exercez-vous ensuite à pivoter correctement quel que soit l’attitude

des deux attaquants. Vous acquerrez ainsi la liberté de projeter

d’abord l’un OU l’autre. Ceux-ci, suivant le cas, chuteront sur la

première ou la seconde attaque. (J’imagine que tout ceci est

relativement complexe à décrypter ; je suppose que les vidéos seront

davantage exploitables que l’écrit !)

- Vous êtes maintenant en mesure d’appliquer cette systématisation

avec quatre partenaires se positionnant à bonne distance de vous, aux

quatre points cardinaux. Dans un premier temps, commencez tous les

cinq « même pied en avant », disons le gauche : l’attaquant de droite

attaquera de sa main droite ; son vis-à-vis poursuivra d’une frappe

gauche. Chacun effectue un grand déplacement avant de pivoter afin

de libérer le centre pour permettre aux deux autres de se croiser à leur

tour, et chacun reproduit la même frappe après s’être déplacé pour

rester à hauteur du défenseur. L’action sera lente au départ puis les

assauts s’accéléreront jusqu’à ce que l’harmonie soit perdue, ce qui

arrive généralement assez vite ! Vous aurez ainsi tourné dans le sens

inverse des aiguilles d’une montre en passant quatre fois d’un axe à

l’autre pour effectuer un tour complet. L’exercice s’inversera au

départ « pied droit devant ».

Une fois ceci relativement maîtrisé, les attaquants seront libres

d’attaquer droite ou gauche ; le défenseur sera libre d’aller chercher

celui qui sera latéralement tourné vers lui ou celui qui sera dans son

dos, ce qui obligera les attaquants à s’adapter également à chaque

nouvelle situation…

Alterner les rôles

Rappelez-vous notre désir de conserver un esprit « indifférent », que

nous soyons attaquant ou défenseur, et d’appliquer ainsi le principe

« attaque égale défense ». Si le partenaire qui subit une attaque esquive

celle-ci (ou projette l’attaquant) pour immédiatement reculer, c’est le

second attaquant qui se retrouve encerclé et qui doit, instantanément,

renoncer à poursuivre son assaut afin d’esquiver lui-même sur l’autre

axe. Il pourra, alors, jouer un temps le rôle de défenseur pour, à son

tour, reculer après une dernière action de défense, laissant la place de

défenseur à un troisième…

Page 97: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 18

Aïki kata, le « Kata à cinq »

L’intérêt de cette étude est d’apprendre à esquiver et projeter quatre

attaquants qui, cette fois, se lancent simultanément à l’assaut. Y

parvenir sur des attaques libres est extrêmement difficile. Faites l’effort

de décortiquer les schémas de base qui suivent.

Les katas supérieurs de karaté sont bien plus abstraits et comportent des

mouvements ésotériques dont l’application échappe aux pratiquants,

d’autant plus que les attaquants sont imaginaires et que l’exécutant

réalise blocages et frappes sans l’indispensable communication avec

ceux qui le menaceraient. Les karatékas persévèrent pourtant, par

respect pour la Tradition de l’Ecole, à mémoriser des enchaînements

qu’ils ne reproduiront jamais lors d’assauts libres avec partenaire(s).

Le « Kata à cinq » est le kata par excellence, pour plusieurs raisons :

- Il permet de reproduire une forme déterminée, un assaut

conventionnel, autant de fois que nécessaire afin de maîtriser

l’enchaînement des techniques aussi parfaitement que possible.

- Il nécessite la participation de quatre partenaires jouant effectivement

le rôle d’attaquants.

- Ceux-ci doivent exécuter leurs frappes en parfaite simultanéité et,

donc, conserver une distance correcte, le partenaire plus grand ou plus

vif se positionnant plus loin de façon à ce que les attaques aboutissent

conjointement.

- A partir de l’attitude de base, le défenseur étant encerclé, toutes les

situations possibles pourront être méthodiquement étudiées, les

attaquants poursuivant correctement le défenseur ayant choisi la

direction de son esquive ou d’une projection.

- Si toutes ces possibilités étaient maîtrisées, le combat deviendrait

« libre » : seule l’exigence de maintenir la simultanéité des frappes

successives serait maintenue.

La progression que nous vous proposons doit vous apparaître cohérente

et libératrice ; elle mérite d’être analysée temps par temps et que vous

acceptiez les contraintes liées à toute démarche pédagogique. Si vous

avez persévéré jusqu’ici, cela ne vous posera pas de problème. Le

positionnement des attaquants est notamment justifié par le souci de

limiter le risque de se heurter lorsque deux chuteront simultanément.

Le défenseur est « encerclé » par quatre partenaires. Après le salut

commun, il recule le pied droit. Simultanément, sur son avant gauche

et son arrière droit, les deux attaquants ont avancé le pied gauche tandis

que sur l’autre axe, soit sur son avant droit et son arrière gauche, les

deux autres attaquants avancent le pied droit.

Pour coordonner leur premier mouvement et vérifier leur distance par

rapport au défenseur, les attaquants peuvent s’exercer à frapper

souplement une ou deux fois, tandis que le défenseur se contente de

Page 98: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

s’accroupir et que les frappes se croisent au-dessus de sa tête. Ils

devront ensuite, conjointement, alterner leurs attaques, changer donc, à

chaque temps, de côté.

Durant l’instant qui précède l’assaut, le défenseur jette un regard

circulaire et visualise les quatre portes de sortie possibles. Il devra

s’entraîner dans ces diverses directions :

- Il lui est loisible d’esquiver vers l’avant droit en réalisant une parade de

l’extérieur de sa main gauche avant de pivoter de 180°sur ce pied et de

faire face aux quatre attaquants qui auront effectué une première frappe.

- Il peut esquiver vers l’avant gauche en réalisant une parade de

l’intérieur…

- … ou pivoter vers l’arrière en lançant pied droit et main droite pour se

glisser derrière le partenaire qui était sur son arrière gauche en réalisant

une défense de l’intérieur suivie d’un second pivot de 180°.

- Enfin, il peut se propulser en arrière en glissant son pied droit dans le

dos de l’attaquant qui est sur son arrière droit et reculer le pied gauche

pour se retrouver également face aux quatre attaquants qui auront

effectué leur première frappe.

Quelle que soit la direction choisie, après cette première esquive le

défenseur fait face à ses quatre partenaires. De gauche à droite, le

premier est alors pied droit devant ; le second, pied gauche ; le

troisième, pied droit et le quatrième pied gauche.

Cette disposition offre trois possibilités pour projeter simultanément

deux attaquants :

- Le défenseur va cueillir la seconde attaque des deux partenaires

centraux et les projette en reculant au sol son genou droit.

- Mais il peut également entrer pour accompagner le pied arrière des deux

attaquants extérieurs, soit à gauche ou à droite.

- S’il opte pour cette dernière solution, il se retrouvera ensuite face aux

deux derniers qui auront avancé côte à côte et qui seront projetés quand

le défenseur accompagnera leur quatrième attaque en déposant le genou

au sol.

Dans le cas contraire, après avoir projeté semblablement les deux du

milieu, il se retrouvera avec un attaquant à sa droite et un à sa gauche,

situation déjà envisagée…

Cette étude sera approfondie, à force de multiples répétitions, en jouant

sur diverses variables avant de se risquer à inviter les partenaires à

attaquer librement :

Page 99: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

- Le défenseur reproduira quelques fois tout ce qui précède au départ

« pied droit en avant ».

- Les attaquants pourront, eux aussi, changer de pied, les deux en vis-à-

vis conservant le même pied en avant.

- Lorsque le défenseur, après une double projection, se retrouve entre les

deux autres attaquants, ceux-ci peuvent se positionner librement. Au

défenseur d’adapter sa stratégie, d’en projeter un pour, peut-être,

esquiver le dernier avant de tenter une projection plus sophistiquée…

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Page 101: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Structurer un cours

La pédagogie orientale se base traditionnellement sur l’intuition et

l’imprégnation. L’essentiel n’est pas d’additionner des connaissances

de plus en plus élaborées, mais de « laisser le geste juste éclore

naturellement ».

Cependant les temps changent, oh combien rapidement !, et la mentalité

occidentale n’est plus ouverte à la relation Maître-disciple, à cette lente

osmose qui postule une confiance aveugle de l’élève. Avant de devenir,

pour quelques-uns, un art de vivre, la pratique d’un art martial est

d’abord assimilée à un divertissement, un sport voire une méthode de

défense. Le professeur qui inviterait les postulants à patienter

longuement à sa porte avant de pouvoir seulement accéder au Dojo et

solliciter son enseignement risquerait fort de ne recueillir aucun adepte !

Dans une première approche – et ceci ne concerne probablement pas

que les occidentaux prétendument plus « cartésiens » – il me semble

indispensable de conforter la confiance du débutant en lui proposant des

exercices accessibles à tout un chacun et qui vont s’articuler les uns aux

autres en révélant la cohérence de la discipline.

Cela devrait déjà dispenser le néophyte des questions superflues : « Et

si je fais ceci… ou s’il m’attaque comme cela… ? » et l’encourager à

persévérer. Nos jeunes souffrent de « zapping » – tout, tout de suite ! –

et, sans se résigner à participer à cette boulimie consumériste, le

professeur se doit d’accorder sa bienveillance et de ne pas freiner les

bonnes volontés tout en ne minimisant pas les difficultés de son art et

les exigences de son enseignement.

Le bébé-nageur reproduira spontanément les mouvements induits par la

monitrice qui le tient à bout de bras. Sa technique sera élémentaire et

plus inspirée par l’instinct de survie que par des recommandations qu’il

n’entend pas. L’adulte se pose des questions, analyse, réfléchit, et sa

pensée le paralyse. Le Maître zen pourrait alors lui asséner une gifle

pour lui démontrer l’inanité de l’intellect. Gageons que peu de

personnes accepteraient encore la leçon : les uns tourneront les talons

(et déposeront plainte !) les autres répliqueront en usant de réflexes bien

ancrés dans notre atavisme !

Le pédagogue doit donc naviguer entre deux écueils : additionner des

techniques sans le moindre lien entre elles – estimant qu’il convient de

développer, à long terme, un sens, une réponse naturelle à des

circonstances qui ne seront jamais parfaitement identiques – au risque

de décourager le disciple qui aura le sentiment de ne jamais rien faire

de bon ! Ou répéter systématiquement les mêmes techniques que les

élèves finiront par reproduire mécaniquement sans plus éprouver le

besoin de communiquer avec le partenaire.

Aux débuts du karaté, en Europe, le même schéma de cours se répétait.

Les élèves, alignés, effectuaient sur un pas toutes les techniques de

Page 102: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

base : le coup de poing, la parade basse, moyenne, haute… Puis chaque

parade était suivie d’un « contre » dans des positions figées, muscles

contractés. Suivaient les frappes de la jambe : le coup de pied de face,

de côté, arrière… Ces techniques étaient alors réalisées avec un

partenaire : l’attaquant avançait d’un pas, le défenseur reculait en

frappant le membre qui ne risquait pas de le toucher, la distance étant

conservée. Les hématomes étaient nombreux et l’attaquant

appréhendait le blocage.

Toute cette gestuelle semblait totalement oubliée par les compétiteurs

qui s’exerçaient ensuite au combat libre, en additionnant des

mouvements syncopés, tandis que ceux qui estimaient inutiles d’abîmer

davantage leurs avant-bras et leurs tibias répétaient les katas

traditionnels qui mixent les techniques de base contre des attaquants

imaginaires et quelques mouvements ésotériques que nul ne se risquait

à expliquer !

Ce paradoxe est encore trop d’actualité : il n’y a rien de commun entre

le kihon, la répétition des techniques figées dans le vide, et le kumité, le

combat libre des compétiteurs.

Un pionnier de l’aïkido en Belgique m’exposa aimablement sa

méthode : durant un cours, il démontrait la même technique

successivement sur toutes les formes de saisies et d’attaques. Le cours

suivant, il optait pour une attaque particulière et examinait toutes les

techniques pour projeter ou immobiliser le partenaire sur celle-ci…

D’autres instructeurs, assimilant l’approche orientale à une absence de

pédagogie, multiplient les techniques en les exécutant rapidement avec

l’assistant qui s’y prête le mieux pour ensuite laisser les élèves patauger

allègrement !

Personnellement, je cherche le plus souvent un fil conducteur pour

passer du simple au complexe, quitte à terminer sur du basique avec

l’exigence d’une plus grande vélocité. Mais je ne suis jamais esclave

d’un schéma préétabli. Lorsque le professeur constate qu’une erreur se

répète ou qu’il demande trop à ses élèves, il doit être capable de faire

marche arrière, d’exiger que chacun se corrige en travaillant plus

lentement, de décomposer un mouvement, de trouver l’ « éducatif » qui

éclairera la technique étudiée.

Il y a aussi un temps pour que les débutants profitent des conseils de

leurs aînés, et un temps pour que chacun étudie avec un partenaire de

son niveau.

Les experts doués de la pratique la plus impressionnante sont parfois

les moins bons pédagogues. Et des ceintures noires d’avouer à la sortie

d’un stage : « C’était trop rapide, je n’ai rien compris ! »

Que dire de ces Maîtres qui démontrent d’incroyables techniques –

frapper et bousculer sans toucher, paralyser sans contact… – qu’eux

seuls réalisent avec leur assistant ? Fumisterie ou don intransmissible ?

Page 103: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Je ne suis pas sensible à de tels spectacles alors qu’il est question de

vaincre son ego et de progresser ensemble. Je puis admirer un

calculateur de génie qui regrette de ne pouvoir expliquer par quel

chemin le résultat lui est apparu. Mais si mon enfant a besoin de leçons

particulières de mathématiques, ce n’est pas à lui que je m’adresserai !

À titre d’illustration, je vous propose, pour terminer, un schéma de

cours organisé suivant un fil conducteur. À chacun, bien sûr, d’élaborer

son enseignement en fonction de son expérience et du niveau des

participants.

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Page 105: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Séquence 19

Thème : la parade « de l’extérieur »

Rappel : la parade « de l’extérieur » est plus aisée à réaliser car elle ne

nous oblige pas à croiser l’axe de l’attaque avant de revenir sur celui-

ci. Malheureusement, la main revenant vers l’épaule opposée tend à

replier le défenseur sur lui-même alors qu’il convient de s’« ouvrir » à

l’action de l’attaquant !

Un échauffement « sérieux », destiné à des pratiquants réguliers, doit

durer au moins une vingtaine de minutes.

Les élèves se positionnent ensuite deux par deux, face à face. Ils doivent

se saluer parfaitement ensemble ; ne pas hésiter à exiger que cela soit

recommencé posément.

Dès que l’un avance le pied gauche, il signifie ainsi son rôle d’attaquant

tandis que son partenaire a reculé le droit et assumera la fonction de

défenseur. Le professeur corrige l’attitude : buste droit ; bassin de face ;

genou avant en flexion maximale ; pied arrière en poussée, talon

soulevé…

Quelques déplacements synchrones vont se succéder, chacun guettant

son partenaire. Tous deux évoluent sur les deux mêmes rails, sans

croiser les pieds ni se redresser. Aucun n’a le monopole de l’initiative.

Le professeur insiste pour que les participants ne se déplacent pas

comme des automates : leurs pieds « grignotent » imperceptiblement,

l’un vers l’avant, l’autre vers l’arrière, sans que l’attitude ne se modifie.

Les bras sont en garde naturelle, décontractés, et le buste n’oscille pas

tandis que les pieds glissent. Le grand pas n’intervient pas à rythme

régulier, chacun s’efforçant d’anticiper l’action de son vis-à-vis.

Les rôles s’inversent sans qu’il y ait de rupture : celui qui avance est

responsable de tout obstacle se trouvant derrière son partenaire. S’il

décide de reculer, son partenaire le suit instantanément.

Rester concentré, ne pas quitter l’autre des yeux est mentalement

fatiguant. Après quelques minutes, le professeur invite les élèves à

s’aligner et rappelle les exigences d’un grand coup de poing : ne jamais

se figer ; propulser le poing arrière en l’accompagnant de la hanche et

d’un grand pas suivi d’un ou deux pas glissés ; le bras doit arriver tendu

avant que le pied correspondant ne touche le sol…

Il est important que les pratiquants ne réagissent pas au commandement

(un ! deux ! trois ! ou ich’ ! ni ! san !…) mais cherchent à le pressentir.

Il n’est pas évident pour l’instructeur de « capter » l’attention de tous.

Il doit « tenir » ses élèves : « conservez le poids du corps sur la jambe

avant… ne vous stabilisez pas… ». Parfois l’ordre est lent (i-i-i…tch !)

et la frappe, lente, se prolonge ; parfois trois attaques doivent

s’enchaîner…

Page 106: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Les pratiquants reprennent l’exercice précédent : celui qui avance va

exécuter le grand coup de poing tandis que son partenaire recule

largement pour maintenir une distance de sécurité.

Étape suivante : le défenseur, tout en reculant, lance la main arrière pour

aller cueillir l’attaque et la dévier en fléchissant le bras. Tous deux

demeurent ainsi mêmes pied et main en avant. La confiance venant, le

défenseur accepte de diminuer la distance, mais il ne doit pas être

débordé par l’attaque et n’hésite à anticiper celle-ci. À chacun de jauger

s’il n’est pas régulièrement en retard sur l’action de l’autre…

Le professeur invite les élèves à se placer derrière lui, debout, jambes

légèrement écartées : un pied, puis l’autre, va effectuer un cercle,

entraînant le corps dans un pivot de 180°. La main correspondant à la

« pointe du compas » exécute la parade « de l’extérieur ».

L’esquive est alors reproduite face à un attaquant qui se positionne prêt

à s’élancer. Le défenseur peut « ouvrir la porte » d’un côté ou de l’autre,

obligeant l’attaquant à frapper sincèrement. Celui-ci se retrouve

derrière son partenaire, pivote sur le pied avant et se prépare à attaquer

de l’autre poing.

Avant d’envisager la possibilité d’une projection, il est nécessaire

d’inviter les pratiquants à rouler quelquefois en arrière, sur une épaule,

revenir en avant, repartir sur l’autre épaule ; amplifier progressivement

les chutes dans la mesure des possibilités de chacun.

Une fois revenus face à face, attaquant et défenseur se positionnent

lentement : ce dernier peut reculer en effectuant la parade « de

l’extérieur » ou pivoter en sautant pour « ouvrir la porte ».

Le coup de pied circulaire peut ensuite être étudié dans l’esprit de la

parade « de l’extérieur ». Assis, les élèves travaillent leur souplesse en

amenant le talon le plus près possible du front, genou écarté vers

l’extérieur. Ils reviennent ensuite deux par deux, à plus grande distance.

L’attaquant va exécuter le grand coup de pied de face ; son partenaire

doit dévier celui-ci avec le coup de pied circulaire. Tous deux frappent

simultanément du pied arrière. La plante du pied du défenseur

accompagne souplement la jambe qui s’étend vers lui. Tous deux

prolongent leur frappe, se croisent et se disposent à reproduire leur

mouvement de l’autre côté.

Enfin, la projection « en ouvrant la porte » va être exécutée sur deux

partenaires attaquants simultanément. Ceux-ci se sont positionnés

« pieds contraires », un devant, l’autre derrière le défenseur. La

projection est d’abord réalisée sur le partenaire avant dès sa première

frappe ; ce faisant le défenseur, en pivotant, a échappé à l’attaque

simultanée de l’attaquant arrière qui poursuit en frappant de l’autre

main : le défenseur reproduit la projection de la même main…

Comme toujours, il vaut mieux pratiquer relativement lentement et sans

temps d’arrêt que vite et « haché » !

Page 107: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Si les deux attaquants ont, au départ, le même pied en avant, le

défenseur projettera le premier en pivotant dans un sens et le second en

pivotant dans l’autre sens…

Les variantes sont multiples et viendront enrichir une progression

jamais achevée.

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Page 109: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Esprit critique

Je vous ai présenté une progression technique qui me semble

particulièrement propice pour approcher les valeurs que devrait

développer une saine pratique des arts martiaux. Bien évidemment, de

multiples voies mènent au même sommet et nul n’a le monopole des

bonnes idées.

J’ai souligné l’importance, à mes yeux, de l’humilité – trancher son ego

– et de l’harmonie avec autrui. Mais il faut bon sens garder et « ne pas

avoir l’esprit ouvert au point que le cerveau ne tombe par terre ! ». La

confiance envers un Maître ou une méthode ne dispense pas chacun

d’utiliser sa réflexion et son esprit critique. Je vous suggère donc de ne

pas manquer d’exercer celui-ci à l’occasion d’éventuelles visites de

Dojos ou de surf sur internet.

D’emblée, la correction du salut rituel et l’atmosphère du lieu

d’entraînement peuvent déjà être révélatrices du niveau de la pratique.

Au risque de heurter certaines susceptibilités, examinons quelques

techniques et pratiques, parfois très répandues, qui ne répondent pas à

un minimum d’exigences logiques.

- Le premier principe d’aïkido est souvent enseigné sur frappe de haut

en bas de la main avant. Alors que celle-ci s’abat, le défenseur doit

lancer ses mains à la rencontre de la frappe, fléchir le coude de son

partenaire et le forcer à basculer vers l’arrière. Quelquefois, c’est le

défenseur qui doit prendre l’initiative d’une frappe préventive afin de

réaliser ensuite la clé de coude !

Exécuter ainsi, la technique est irréaliste si l’attaquant est plus grand ou

plus puissant que son partenaire. L’action s’exerce force contre force et

aucune harmonie ne se dégage du mouvement. Par contre, au départ de

l’attitude « bras décontractés », il est intéressant de demander au

défenseur d’anticiper, d’entrer sur l’attaque et d’exécuter cette

technique très positive alors que le bras qui devrait s’abattre s’élève en

arrière.

- L’attaquant « coupe la tête » en lançant main et pied droits. Le

défenseur bloque de sa main gauche la frappe, croise celle-ci, par en-

dessous, avec sa main droite et amène son partenaire au sol en

effectuant la clé de coude.

Stopper un mouvement pour ensuite prétendre le prolonger est un non-

sens. Mais si nous esquivons l’attaque avec un déplacement latéral, le

croisement des bras est tout indiqué pour se protéger sans bloquer la

frappe mais, au contraire, pour l’accompagner et retourner contre le

partenaire son énergie avant de le projeter en entrant franchement, flanc

contre flanc.

Page 110: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

- Une technique très élégante : sur saisie de la main en vis-à-vis, le

défenseur pivote vers l’arrière et invite l’attaquant à passer sous son

bras pour l’amener dos à lui avant de le basculer en arrière.

Nous ne pratiquons pas le rock and roll ! Pivoter de cette façon, c’est

s’ouvrir à l’attaque de l’autre main. La technique est plus judicieuse sur

saisie « du même côté », la main coupant le poignet adverse en un

mouvement circulaire, car elle canalise alors le déplacement du

partenaire et prépare une esquive négative sur une grande frappe.

- Le partenaire exécute une grande attaque haute en avançant. Le

défenseur absorbe celle-ci avec un pas glissé vers l’arrière puis

renvoie l’attaquant d’où il vient en l’obligeant à pivoter d’un grand

cercle du bras pour le projeter avec un grand pas vers l’avant.

L’attaquant manifeste à nouveau beaucoup de complaisance car il

pourrait poursuivre son assaut en frappant immédiatement de l’autre

main au lieu de pivoter et de chuter.

- Sur une attaque au couteau s’abattant de haut en bas, le défenseur

exécute un blocage de la main avant, glisse son autre bras sous celui

de l’assaillant. La clé oblige celui-ci à basculer un arrière d’autant

que le défenseur fauche sa jambe avant.

Il serait particulièrement dangereux de lancer son bras à la rencontre du

couteau, en opposition, alors qu’il est tellement plus simple de contrer

en évitant l’attaque (revers de la main avant ou coup du pied arrière).

Tout ceci relève de l’auto-défense. Plus harmonieux mais moins

réaliste : la main arrière du défenseur accompagne la frappe,

déséquilibre l’attaquant vers l’avant et le projette lorsqu’il se redresse.

Les exemples pourraient être multipliés.

Nous pouvons, bien évidemment, étudier des techniques irréalistes en

combat parce que nous sommes sensibles à leur beauté, à l’esthétique

du mouvement. Il est seulement important de demeurer lucide et de ne

pas s’illusionner alors sur notre efficacité en cas d’affrontement violent.

La technique d’aïkido kaïten nagé, par exemple, sur saisie du poignet,

est superbe mais exige que l’attaquant poursuive souplement son assaut

en conservant le contact de la main et en se déséquilibrant

exagérément…

J’ai déjà relevé le paradoxe, en karaté, entre les attitudes figées

imposées aux pratiquants quand ils s’exercent dans le vide et le

sautillement de boxeurs qu’ils adoptent en compétition. Méfions-nous

des contre-arguments de principe – du style : « Il faut acquérir une base

stable avant de se mouvoir naturellement ! » – qui ne justifient rien.

Page 111: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

À l’occasion d’un stage international, je signalais l’irréalisme d’un

enchaînement et un collègue m’a rétorqué : « C’est justement parce que

c’est difficile qu’il faut nous y entraîner ! » Autant, dès lors, exiger que

chaque technique soit précédée d’un salto arrière, ce sera encore plus

difficile !

Esquiver en entrant du côté de l’attaque avec un grand pas du pied

arrière n’est possible que si le partenaire frappe en ligne droite et que

nous précédons son mouvement. Bien sûr, si nous sommes plus rapide,

plus fort, plus intelligent… tout est possible. Ce n’est pas une raison

pour enseigner des mouvements aberrants !

Plus sérieusement, le karaté importé d’Okinawa, repose essentiellement

sur la répétition inlassable de katas, enchaînements imposés sans

partenaire. Je les pratique depuis 55 ans – respect de la tradition oblige

– tout en étant de moins en moins convaincu de leur intérêt

pédagogique.

Je terminerai en reproduisant, à ce propos, l’analyse qui figure pp. 274-

276 dans « Aïkido et karaté, synergie », Éditions de l’Éveil, Paris, 2012.

« Rappelons tout d’abord que ces katas négligent l’essentiel : la

présence réelle de partenaires nous attaquant ! Il est bien sûr demandé

de travailler avec sincérité, « comme si » notre vie était menacée…

Il y a eu alors la mode des « bunkaï », l’application pratique, avec

partenaire(s) d’enchaînements extraits d’un kata. Dans les katas

supérieurs, certains mouvements ésotériques, qui font parfois appel à

un symbolisme archaïque échappant même à bon nombre de Japonais,

se prêtent à des interprétations plus farfelues les unes que les autres. Ne

nous attardons pas. Exerçons simplement notre esprit critique sur les

katas les plus fondamentaux, les cinq « Heian », à la description

desquels tant de livres ont été consacrés.

Heian shodan : considérons d’abord les trois premiers temps communs

à Taikyoku shodan et au premier Heian. Il s’agit de l’enchaînement le

plus étudié dans le monde du karaté traditionnel.

La première parade (gedan baraï – blocage au niveau bas), vers

l’attaquant qui serait à notre gauche, s’effectue frontalement, avec donc

le risque évident de heurter le pied ou le genou de l’assaillant. (Quid si

le partenaire est plus puissant ? Or ce mouvement est enseigné à

combien d’enfants !)

La contre-attaque consiste en un grand coup de poing, alors que

l’assaillant est très proche s’il n’a pas été renversé sur le côté par le

blocage !

Le deuxième attaquant a dû nous poursuivre et se ruer derrière nous, or

le kata nous impose de pivoter de 180° vers la droite en lançant le pied

avant à sa rencontre, en exposant donc totalement notre dos !

Pour réaliser cela avec deux partenaires, il faut nécessairement que le

premier recule après une première attaque courte et que le second

attende avec complaisance que le défenseur revienne face à lui…

Page 112: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

Sur l’axe principal, il s’agit d’enchaîner trois parades hautes en

avançant (l’attaquant nous menace en reculant ?) avec un kiai au

troisième jodan age uke, comme si la parade s’était alors muée en

contre-attaque décisive !

Heian nidan débute avec une double parade haute en position de repli

– irréaliste si l’attaquant enchaîne ses deux frappes – suivie d’un tetsui

destiné à briser le bras de l’assaillant ! Comment concilier ceci avec la

volonté d’union des énergies propre au style développé par maître

Egami ?

Le troisième Heian débute par une parade moyenne suivie de deux

autres parades, debout, une main montant tandis que l’autre descend,

puis inversement ! Mettre cela au point avec un partenaire demande

beaucoup d’application et de statisme… Rien à voir avec le dynamisme

et le souci de sincérité ambitionnés.

Quant au dernier enchaînement de la série Heian, celui qui termine

godan : il s’agit, ni plus ni moins, d’un côté puis de l’autre (?),

d’arracher les testicules de l’attaquant !

Je connais les arguments des inconditionnels : il s’agit d’une tradition

martiale… toutes ces techniques doivent être interprétées… ce sont des

schémas de base… ce travail forme le corps, forge un mental…

Essayez de convaincre un médecin ou un psychologue qui ne soient pas

pratiquants ! Peut-on décemment présenter cette étude comme

essentielle pour les débutants alors que nous plaçons au premier plan la

volonté de communiquer, de pressentir le partenaire et d’utiliser son

énergie ?

Il n’y a strictement rien de commun entre ces déplacements rectilignes,

ces pivots à angle droit, ces enchaînements absconds et la réalité d’un

kumite ou d’un midare (combats libres).

Mais il est très difficile, lorsqu’on a été drillé pendant des années et

conditionné à considérer comme sacré l’héritage du passé, de conserver

un minimum d’esprit critique. Par contre, il est très facile d’enseigner

des mouvements mécaniques, d’exiger de fastidieuses répétitions et de

corriger des gestes stéréotypés.

Développer la disponibilité, la concentration, l’harmonie avec un ou

plusieurs partenaires exige d’autres qualités pédagogiques. Beaucoup

d’experts se considèrent tels parce qu’ils connaissent un « nouveau »

kata et vont enseigner durant tout un stage des mouvements alambiqués

qu’aucun ne reproduira jamais lors d’un assaut réaliste.

Comprenons-nous bien : je suis personnellement convaincu que la

répétition inlassable de katas, d’enchaînements codifiés, est

fondamentale pour progresser… à condition que les katas étudiés

constituent des enchaînements logiques reproductibles lors de l’assaut

avec partenaire(s). Ainsi conçu, le kata doit être le maillon

Page 113: Manuel pratique illustré par vingt séquences vidéo pour

indispensable entre l’étude dans le vide des techniques fondamentales

et le combat libre. Étudié avec partenaire(s), il doit nous permettre

d’entrevoir le « combat parfait », la succession la plus naturelle des

déplacements, défenses, projections… nous permettant d’évoluer

progressivement vers l’idéal de fusion avec le(s) partenaire(s) et de

complémentarité entre les mouvements d’attaque et de défense.

Il n’empêche, penserez-vous peut-être, la plupart des experts n’ont pas

renié les katas traditionnels. C’est vrai. Mais quand l’humilité est

partout, la sincérité n’est nulle part. Se pose alors la question cruciale

de la fidélité et du respect : le rôle des Anciens, héritiers du merveilleux

message de leurs Maîtres, consiste-t-il à reproduire aveuglément

l’enseignement de ceux-ci, lequel ne cessa d’évoluer, ou de poursuivre,

modestement mais sans tabou, leur recherche ?

Bien difficile de trouver la juste voie entre la stagnation et la sclérose

de ceux qui ne peuvent que reproduire des gestes sans réflexion et ceux

qui sont tentés par le désir d’innover à tout prix afin de créer leur propre

style… »