maladie de kikuchi-fujimoto : à propos de quatre cas et revue de littérature

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 317–320 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Article original Maladie de Kikuchi-Fujimoto : à propos de quatre cas et revue de littérature L. Lamzaf , H. Harmouche , M. Maamar , M. Adnaoui , M. Aouni , Z. Tazi Mezalek Service de médecine interne, CHU Ibn-Sina-Rabat, rue Lamfadel-Cherkaoui, Rabat institut, BP 6527, Rabat, Maroc i n f o a r t i c l e Mots clés : Maladie de Kikuchi Lymphadénite nécrosante Lupus érythémateux systémique Actinomycose r é s u m é Introduction. La maladie de Kikuchi-Fujimoto ou lymphadénite histiocytaire nécrosante est une pathologie bénigne touchant essentiellement la femme jeune, d’étiologie inconnue et révélée par des adénopathies cervicales et/ou une fièvre prolongée. Patientes et méthodes. Nous rapportons 4 observations de patientes ayant développé une maladie de Kikuchi-Fujimoto, diagnostiquées au sein du service de médecine interne du CHU Ibn-Sina de Rabat entre 2009 et 2010. Résultats. Les 4 patientes étaient admises pour syndrome fébrile avec adénopathies cervicales. L’âge moyen était de 27 ± 8,6 ans [16–37]. Le diagnostic était posé par l’étude histologique ganglionnaire. La maladie était associée à un lupus dans un cas et à une actinomycose dans un autre cas. L’évolution était favorable sous corticothérapie chez deux patientes, antibiothérapie chez la troisième et traitement antipyrétique seul chez la quatrième. Conclusion. Les auteurs rapportent à travers ces quatre observations, les difficultés diagnostiques, les moyens thérapeutiques de la maladie de Kikuchi, ainsi que ses aspects évolutifs. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. 1. Introduction La maladie de Kikuchi-Fujimoto ou lymphadénite histiocytaire nécrosante est une affection rare et bénigne qui se manifeste par des adénopathies cervicales fréquemment associées à un cortège de manifestations systémiques. Sa physiopathologie reste discutée et elle peut être associée à des maladies auto-immunes notam- ment le lupus érythémateux disséminé, ainsi qu’à certains agents infectieux. Nous rapportons quatre observations de patientes ayant une maladie de Kikuchi. 2. Patientes et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective ayant pour cadre le service de médecine interne du CHU de Rabat, menée entre 2009 et 2010. Elle a concerné 4 dossiers de patientes présentant une maladie de Kikuchi-Fujimoto. Le diagnostic était posé à l’issue d’un bilan DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.01.007. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸ aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (L. Lamzaf). clinique, biologique et radiologique complet ainsi qu’un examen anatomopathologique d’une biopsie ganglionnaire. 3. Résultats L’âge moyen était de 27 ans, avec des extrêmes allant de 16 à 37 ans. Les aspects épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiolo- giques sont résumés respectivement dans les Tableaux 1–4. Les adénopathies, confirmées par l’échographie, étaient fermes, mesurant environ 2 cm de diamètre, mobiles, indolores et sans signes inflammatoires locaux. L’examen histologique d’un ganglion cervical avait montré, chez les quatre patientes, un tissu lymphoïde dont l’architecture d’ensemble était conservée. Au niveau des zones paracorticaltes, on notait la présence de plages claires faites de cellules histiomo- nocytaires entourant des cellules en apoptose avec des noyaux à chromatine condensée ou des noyaux fragmentés. Il n’y avait pas d’agents pathogènes ni de granulome tuberculoïde, ni de nécrose caséeuse. L’immunomarquage anticorps anti-CD20 et anti-CD3, avait noté une répartition homogène des populations lymphocy- taires B et T (Fig. 1) et une forte population histiocytaire CD68+ (Fig. 2) ; aspect évocateur d’une lymphadénite histiocytaire nécro- sante de Kikuchi-Fujimoto. Une laryngoscopie réalisée chez une patiente, devant la paro- tidomégalie, avait montré un aspect bourgeonnant non saignant. 1879-7261/$ see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.01.003

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 317–320

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

rticle original

aladie de Kikuchi-Fujimoto : à propos de quatre cas et revuee littérature�

. Lamzaf ∗, H. Harmouche , M. Maamar , M. Adnaoui , M. Aouni , Z. Tazi Mezalekervice de médecine interne, CHU Ibn-Sina-Rabat, rue Lamfadel-Cherkaoui, Rabat institut, BP 6527, Rabat, Maroc

i n f o a r t i c l e

ots clés :aladie de Kikuchi

ymphadénite nécrosanteupus érythémateux systémiquectinomycose

r é s u m é

Introduction. – La maladie de Kikuchi-Fujimoto ou lymphadénite histiocytaire nécrosante est unepathologie bénigne touchant essentiellement la femme jeune, d’étiologie inconnue et révélée par desadénopathies cervicales et/ou une fièvre prolongée.Patientes et méthodes. – Nous rapportons 4 observations de patientes ayant développé une maladie deKikuchi-Fujimoto, diagnostiquées au sein du service de médecine interne du CHU Ibn-Sina de Rabatentre 2009 et 2010.Résultats. – Les 4 patientes étaient admises pour syndrome fébrile avec adénopathies cervicales. L’âgemoyen était de 27 ± 8,6 ans [16–37]. Le diagnostic était posé par l’étude histologique ganglionnaire. La

maladie était associée à un lupus dans un cas et à une actinomycose dans un autre cas. L’évolutionétait favorable sous corticothérapie chez deux patientes, antibiothérapie chez la troisième et traitementantipyrétique seul chez la quatrième.Conclusion. – Les auteurs rapportent à travers ces quatre observations, les difficultés diagnostiques, lesmoyens thérapeutiques de la maladie de Kikuchi, ainsi que ses aspects évolutifs.

. Introduction

La maladie de Kikuchi-Fujimoto ou lymphadénite histiocytaireécrosante est une affection rare et bénigne qui se manifeste pares adénopathies cervicales fréquemment associées à un cortègee manifestations systémiques. Sa physiopathologie reste discutéet elle peut être associée à des maladies auto-immunes notam-ent le lupus érythémateux disséminé, ainsi qu’à certains agents

nfectieux.Nous rapportons quatre observations de patientes ayant une

aladie de Kikuchi.

. Patientes et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective ayant pour cadre le service de

édecine interne du CHU de Rabat, menée entre 2009 et 2010.Elle a concerné 4 dossiers de patientes présentant une maladie

e Kikuchi-Fujimoto. Le diagnostic était posé à l’issue d’un bilan

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.01.007.� Ne pas utiliser pour citation la référence franc aise de cet article mais celle de’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neckiseases en utilisant le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (L. Lamzaf).

879-7261/$ – see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.01.003

© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

clinique, biologique et radiologique complet ainsi qu’un examenanatomopathologique d’une biopsie ganglionnaire.

3. Résultats

L’âge moyen était de 27 ans, avec des extrêmes allant de 16 à37 ans.

Les aspects épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiolo-giques sont résumés respectivement dans les Tableaux 1–4.

Les adénopathies, confirmées par l’échographie, étaient fermes,mesurant environ 2 cm de diamètre, mobiles, indolores et sanssignes inflammatoires locaux.

L’examen histologique d’un ganglion cervical avait montré,chez les quatre patientes, un tissu lymphoïde dont l’architectured’ensemble était conservée. Au niveau des zones paracorticaltes,on notait la présence de plages claires faites de cellules histiomo-nocytaires entourant des cellules en apoptose avec des noyaux àchromatine condensée ou des noyaux fragmentés. Il n’y avait pasd’agents pathogènes ni de granulome tuberculoïde, ni de nécrosecaséeuse. L’immunomarquage anticorps anti-CD20 et anti-CD3,avait noté une répartition homogène des populations lymphocy-taires B et T (Fig. 1) et une forte population histiocytaire CD68+

(Fig. 2) ; aspect évocateur d’une lymphadénite histiocytaire nécro-sante de Kikuchi-Fujimoto.

Une laryngoscopie réalisée chez une patiente, devant la paro-tidomégalie, avait montré un aspect bourgeonnant non saignant.

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Tableau 1Données épidémiologiques.

Cas no 1 Cas no 2 Cas no 3 Cas no 4

Âge 37 ans 16 ans 28 ans 26 ansSexe Féminin Féminin Féminin FémininOrigine Marocaine Marocaine Marocaine MarocaineATCD RAS Amygdalectomie il y a 4 ans RAS Allergie à la pénicilline

ATCD : antécédents ; RAS : rien à signaler.

Tableau 2Données cliniques.

Cas no 1 Cas no 2 Cas no 3 Cas no 4

HDM Fièvre Fièvre Polyarthralgies inflammatoires Tuméfactionparotidienne etcervicale bilatérale

AEG AEG Éruption cutanée faciale Fièvre, AEGDepuis 3 mois Depuis 3 mois Fièvre, AEG Depuis 4 mois

À 2 mois du post-partum

Ex clinique T = 38,5 ◦C T = 40 ◦C T = 39 ◦C T = 38 ◦CADP cervicales etaxillaires bilatérales

ADP cervicales etaxillaires bilatérales

Rash malaire Hypertrophieparotidienne

ADP cervicales bilatérales ADP cervicalesbilatérales

HDM : histoire de la maladie ; AEG : altération de l’état générale ; Ex : examen ; ADP : adénopathies.

Tableau 3Données biologiques.

Biologie Cas no 1 Cas no 2 Cas no 3 Cas no 4

NFS : Hb(g/dl) 11 11,6 10,5 12,5GB (/mm3) 4000 2800 2900 5300Lym (/mm3) 1000 896 900 2100PLT (/mm3) 250 000 147 000 155 000 260 000VS (mm) 40 49 70 12CRP (mg/L) 6 8 60 4EPP Normale Normale Hypergammaglobulinémie polyclonale NormaleIDR + recherche de BK Négatives Négatives Négatives NégativesSérologies * Négatives Négatives Négatives NégativesProtéinurie de 24H Négative Négative Négative NégativeAAN Négatifs Négatifs 1/1280 (fluorescence homogène) NégatifsAnti-ADN 1/40PS + BOM Normales Normales Normales

N bine ;d es ; PSC ose.

Lod

éttr

d

a

TD

R

FS : numération formule sanguine ; EPP : électrophorèse des protides ; Hb : hémogloans les crachats ; Lym : lymphocytes ; AAN : anticorps antinucléaires ; PLT : plaquettRP : C réactive protéine ; * : rubéole, hépatite B-C, HIV, cytomegalovirus, toxoplasm

’examen anatomopathologique d’une biopsie du cavum avaitbjectivé un remaniement inflammatoire chronique avec présence’actinomyces.

Chez une patiente, la maladie de Kikuchi était associée à un lupusrythémateux aigu disséminé (LEAD), diagnostic retenu devant leableau clinique évocateur ainsi qu’un bilan immunologique posi-if. Chez une autre patiente, l’association à une actinomycose a étéetrouvée.

Les traitements, ainsi que l’évolution clinique sont rapportés

ans le Tableau 5.

La surveillance des patientes était basée sur l’évolution cliniqueinsi que les données de l’échographie.

ableau 4onnées radiologiques.

Cas no 1 Cas no 2

Rx poumon Normale Normale

Écho abdominale Normale Normale

TDM cervicale ADP cervicales bilatérales ADP cervicales bilatérales

TDM thoraco-abd-pelv Normale Normale

Laryngoscopie

x : radiographie ; TDM thoraco-abd-pelv : tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvie

IDR : intradermoréaction à la tuberculine ; GB : globules blancs ; BK : recherche de BK : ponction sternale ; VS : vitesse de sédimentation ; BOM : biopsie ostéomedullaire ;

4. Discussion

La maladie de Kikuchi-Fujimoto a été décrite pour la premièrefois en 1972 au Japon simultanément par deux anatomopatho-logistes Kikuchi et Fujimoto [1,2]. Depuis, elle est rapportée defac on sporadique dans divers pays et majoritairement au Japon(80 % des cas) [3,4]. Elle peut s’observer à tous les âges (extrêmesde 5 à 75 ans), mais touche surtout l’adulte jeune âgé de 25 à30 ans en moyenne avec une prédominance féminine dans la majo-

rité des séries [3–8]. La moyenne d’âge de nos patientes était de27 ± 8,6 ans, ce qui répond aux critères épidémiologiques de cetteaffection.

Cas no 3 Cas no 4

Normale NormaleNormale NormaleADP cervicales bilatérales Parotidomégalie homogène + ADP latéro-cervicalesNormale Normale

Aspect bourgeonnant

nne ; ADP : adénopathies.

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Tableau 5Traitement-évolution.

Cas no 1 Cas no 2 Cas no 3 Cas no 4

Diagnostic Maladie deKikuchi-Fujimoto

Maladie deKikuchi-Fujimoto

Maladie de Kikuchiassociée à un Lupus

Maladie de Kikuchi associée à une actinomycose

Traitement Antipyrétiques Corticothérapie orale1 mg/kg par jour

Corticothérapie orale1 mg/kg par jourAntipaludéen desynthèse

Cyclines 200 mg/j

Évolution Favorable après 1 mois Favorable après 1 mois FRecul actuel 8 mois

(asymptomatique)6 mois(asymptomatique)

8(

Fig. 1. Coupe histologique d’une biopsie d’une adénopathie cervicale montrantuip

dlcsdjds

Ff

ne adénite nécrosante non suppurée contenant des débris nucléaires avec unemportante réaction histiocytaire et une répartition homogène des populations lym-hocytaires B et T à l’immunomarquage anticorps anti-CD20 et anti-CD3.

La symptomatologie clinique est dominée par la présence’adénopathies cervicales dans plus de 80 % des cas, localisées

e plus souvent à la chaîne trapézienne ou jugulocarotidienne,omme cela a été noté chez nos patientes [8]. Ces adénopathiesont fermes, pouvant être volumineuses mesurant de 2 à 6 cm de

iamètre, mobiles, mais rarement douloureuses et ne s’ulcérant

amais [3–5,8]. Les signes généraux, présents chez nos patientes,ominés par la fièvre, sont notés dans 30 à 50 % des cas [8]. Ilsont souvent au premier plan, et peuvent faire égarer le diagnostic

ig. 2. Coupe histologique d’une biopsie d’une adénopathie cervicale montrant uneorte population histiocytaire à l’immunomarquage anti-CD68.

avorable après 1 mois Favorable après 1 mois moisasymptomatique)

4 mois (asymptomatique)

vers une étiologie infectieuse ou une hémopathie maligne. Un rashcutané pseudo-urticarien, une hépato- splénomégalie, des arthral-gies, un amaigrissement peuvent être présents, de même que desadénopathies profondes (médiastinales, rétropéritonéales) [8].

Les perturbations biologiques sont peu spécifiques et incons-tantes ; un syndrome inflammatoire, une leucopénie sont classi-quement rapportés comme cela a été constaté chez trois de nospatientes [8]. L’hyperleucocytose est exceptionnelle [3], des lym-phocytes atypiques sont décrits dans deux séries chez 25 à 33 % despatients [5].

Différents diagnostics peuvent être évoqués devant l’associationd’adénopathies et de fièvre tant sur le plan clinique qu’histologique.En effet, un lymphome ou un LEAD peuvent simuler le mêmetableau. Une adénite infectieuse peut également être évoquée,notamment la tuberculose, la maladie des griffes de chat, lamononucléose infectieuse, la toxoplasmose, la yersiniose etl’infection par le virus de l’herpès, le cytomégalovirus et le virusd’immunodéficience humaine.

La confirmation diagnostique de cette affection repose surl’examen anatomopathologique d’un ganglion avec un immuno-marquage [9,10]. Les principales caractéristiques histologiques ontété résumées par Diebold [10]. L’architecture ganglionnaire estrespectée avec hyperplasie folliculaire. Les lésions comportentune nécrose acidophile de la zone paracorticale, avec coexis-tence de nombreux histiocytes, dont des cellules plasmocytoïdeset de grandes cellules lymphoïdes. Il n’y a pas de polynucléairesneutrophiles ni de nécrose caséeuse. À l’étude immunohistochi-mique, les cellules retrouvées dans les zones pathologiques sontprincipalement des cellules CD3+ et des histiocytes exprimant lelysozyme, représentant environ 60 % de la totalité des cellulesmononucléées. La population cellulaire est majoritairement consti-tuée d’histiocytes CD68+. La population lymphocytaire représente20 à 50 % de la population cellulaire totale, il s’agit principalementde lymphocytes T CD8+ cytotoxiques. Le ratio CD4/CD8 varie de1/4 à 4/1. L’hétérogénéité des résultats pourrait refléter différentesétapes immunologiques au cours de la maladie de Kikuchi. Les lym-phocytes CD8+ augmentent progressivement après le début de lamaladie, de même que le ratio CD8/CD4, puis les CD8 diminuentprogressivement, tandis que les CD4 augmentent. Les lymphocytesCD8 se transformeraient ensuite en immunoblastes. Il y a très peude cellules de lymphocytes B. Dans l’étude de Kishimoto, la posi-tivité pour le CD123 était nécessaire pour confirmer le diagnosticde la maladie de Kikuchi [11]. Trois variétés histopathologiquesont été individualisées : la forme nécrosante, typique ; la formeproliférative pseudotumorale et la forme xanthomateuse [5]. Cescaractéristiques histologiques étaient présentes chez nos patientes,avec une forte expression CD68 témoignant de la prolifération his-tiocytaire.

L’étiopathogénie de la maladie de Kikuchi demeure encore

inconnue et malgré les hypothèses étiologiques avancées, aucunen’a fait la preuve de sa responsabilité. Pour certains auteurs, il pour-rait s’agir d’une réaction immune non spécifique contre différentsantigènes infectieux tels Toxoplasma gondii, Yersinia enterocolitica,
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20 L. Lamzaf et al. / Annales françaises d’oto-rhino-laryng

es virus du groupe herpès HHV6 et HHV8, l’EBV, le parvovirus B19t le CMV [12–14].

Chez une de nos patientes, l’association à une actinomycose été retrouvée, sans aucune particularité concernant l’aspectnatomo-pathologique ganglionnaire. À notre connaissance aucunas similaire n’a été rapporté dans la littérature, mais l’évolutionavorable de la maladie de Kikuchi sous traitement antibiotique,ourrait appuyer l’hypothèse de l’existence d’un lien direct méri-ant d’être mieux élucidé par des études approfondies.

Une origine dysimmunitaire a été évoquée devant l’associationhez plusieurs patients, d’une maladie de Kikuchi à une mala-ie systémique, notamment les connectivites mixtes [15–18].’association à un LEAD est la plus rapportée avec à peu près unerentaine d’observations décrites [8,19–22]. Il existe en fait unetroite relation entre le syndrome de Kikuchi et le LEAD et pourertains auteurs, la maladie de Kikuchi est une forme ganglion-aire limitée de lupus pouvant évoluer vers un lupus systémique8,23]. Ces deux maladies partagent un certain nombre de caracté-istiques communes, que sont la prédominance féminine, le jeunege, les adénopathies, la lymphopénie, les arthralgies et la pré-ence de structures tubuloréticulées en microscopie électroniqueu niveau des ganglions. La maladie de Kikuchi peut être anté-ieure à l’apparition du LES, survenir simultanément ou quelquesemaines à plusieurs années après le diagnostic initial. Au coursu LEAD, des adénopathies sont retrouvées dans 19 à 67 % des cast sont inaugurales dans 2 % des cas [13]. Il s’agit habituellement,’une lymphadénite non spécifique ; cependant, un aspect de lym-hadénite nécrosante similaire à la maladie de Kikuchi peut êtrebservé, mais avec une prédominance de lymphocytes B, contraire-ent à une prédominance de lymphocytes T au cours de la maladie

e Kikuchi [3,8,10,23].Le diagnostic d’une maladie lupique a été posé chez une

atiente, devant l’érythème du visage en aile de papillon, lesolyarthralgies inflammatoires, la lymphopénie, les anticorps anti-ucléaires et anti-ADN natifs positifs.

L’évolution de la maladie de Kikuchi est favorable dans la majo-ité des cas et la guérison survient spontanément dans un délaioyen de trois mois (d’un à 24 mois) avec régression des adénopa-

hies et disparition des signes généraux [4,24]. Les décès rapportésoncernent les formes associées à des maladies systémiques [3,23].ans ces cas, la corticothérapie est considérée comme un trai-

ement de choix. Elle est administrée à une posologie allant de,25 mg/kg par jour à 1 mg/kg par jour, parfois précédée de boluse méthylprednisolone (500 à 1000 mg/j pendant 3 jours) selon laévérité du tableau clinique. Des rechutes sont observées dans 2 à

% des cas [3,5,25], d’évolution similaire.La première malade a été mise sous traitement antipyrétique

eul, car son état général était conservé et la fièvre était modé-ée. Dans le second cas, la corticothérapie a été indiquée devante syndrome fébrile important et l’altération de l’état général.’association à une maladie lupique chez la troisième patiente, amposé le recours aux corticoïdes et aux antipaludéens de synthèse.n traitement antibiotique était seul efficace chez la quatrièmeatiente devant l’association à une actinomycose.

Dans les quatre observations, l’évolution était favorable, avecégression des signes cliniques et biologiques au bout d’un mois.

. Conclusion

La maladie de Kikuchi constitue une étiologie relativementare mais probablement sous-estimée d’adénopathies chez l’adulteeune. Elle pose essentiellement le problème du diagnostic

[

[

et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 317–320

différentiel avec diverses affections pouvant simuler un lymphome,une tuberculose ganglionnaire ou encore une adénite lupique. Laconfirmation diagnostique repose sur l’examen anatomopatho-logique en particulier immunohistochimique. Son évolution estle plus souvent spontanément favorable. L’apparition secondaired’une pathologie auto-immune, notamment lupique nécessite unsuivi prolongé.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

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