luxemburger wort - 23/04/2008 - le mécénat: un impératif pour le mudam

1

Click here to load reader

Upload: web-team

Post on 10-Jun-2015

141 views

Category:

Documents


3 download

TRANSCRIPT

Page 1: Luxemburger Wort - 23/04/2008 - Le mécénat: un impératif pour le Mudam

Luxembourger Wort 23 avril 2008

Luxemburger WortMittwoch, den 23. April 2008POLITIK & GESELLSCHAFT6

Lorsque la philanthropie se décline sur le mode culturel

Etre mécène: tout un artNombre d'entreprises soutiennent les grandes institutions pour valoriser leur image de marque

L'abbaye deNeumünster, laRockhal, le Mu-dam et la Phil-harmonie sontles principauxbénéficiaires dumécénat cul-turel.

P A R M A R I E - L A U R E R O L L A N D

Que serait l'art sans les mécènes?Que serait Florence sans les Médi-cis? Peu de choses. Depuis l'âged'or de la Renaissance, les créa-teurs ont toujours su s'attirer lesfaveurs d'un prince ou d'une richefortune pour asseoir leur oeuvre.Le mécénat entre-temps s'est dé-mocratisé, quittant l'or des palaispour les cîmes des indices bour-siers, avec un François Pinault quifait aujourd'hui figure de succes-seur de Laurent le Magnifique. AuLuxembourg, la multiplication desinstitutions culturelles ces der-nières années a entraîné une âprelutte pour des ressources en mécé-nat qui restent à ce jour limitées.

Il est intéressant de noter la diffé-rence sémantique. Les institutionsculturelles interrogées aiment àparler de leurs «mécènes». Uneactivité beaucoup plus noble quele vulgaire «sponsoring». Au mi-nistère de la Culture, qui a réaliséen 2006 une étude sur la question,on reconnaît que la différencen'est pas clairement établie auLuxembourg. «En général, un ac-cord de sponsoring est cadré pardes contreparties claires pour l'en-treprise. Ce qui n'est pas le caspour le mécénat», observe LucEicher, conseilleur de direction encharge du mécénat.

La différence en revanche estlimpide d'un point de vue fiscal:alors qu'un mécène peut déduirefiscalement ses dons jusqu'à hau-teur de 500.000 euros ou 10 % deson revenu, aucune déductionn'est possible pour un sponsoring(taxé à 15 % de TVA).

Pour ne pas dissuader les dona-teurs, des accords peuvent êtretrouvés avec l'administration descontributions. «Nos partenairespeuvent déduire de leurs impôtsjusque 80 % de leurs dons», indi-que Dominique Hansen, responsa-ble du sponsoring et du mécénat àla Philharmonie. Laquelle institu-tion est la seule, avec le Mudam, àemployer une personne à tempscomplet pour démarcher les entre-prises. Un poste stratégique: le

volet sponsoring-mécénat a repré-senté 1,10 million d'euros en 2007,soit 10 % du budget de la Philhar-monie. Au Mudam, celui-ci re-présente 13 % du budget (voir l'in-terview ci-dessous). L'Orchestrephilharmonique du Luxembourg,géré par la Fondation Pensis, cou-vre lui aussi 10 % de ses dépensespar du mécénat.

Concurrence accrue

L'arrivée de ces grandes institu-tions dotées de moyens profes-sionnels a secoué le marché dumécénat culturel au Luxembourg.Le récent acte de décès du JazzClub Luxembourg et l'agonie duFolk Clupp ne sont pas sans rap-port avec ce bouleversement.D'autres organisateurs, comme leFestival de Wiltz ou d'Echternachavouent leur difficulté à faire faceà la nouvelle concurrence. C'est

que passée la bulle de l'année eu-ropéenne de la culture, le tasse-ment des dons est manifeste.

Dans ces conditions, la questionse pose de savoir comment inciterdavantage de donateurs privés àsoutenir les initiatives culturelles.Des pistes ont été explorées dansle dernier rapport sur le mécénatculturel. Celles-ci reprennent lesouhait d'une bonne partie desacteurs concernés. «La créationd'une grande Fondation commu-nautaire, un peu à l'instar de laFondation Baudoin ou de la Fon-dation de France, permettrait deloger sous une même structure,qui reste à déterminer, des petitesassociations qui ne disposent pasde la possibilité de recevoir desdons fiscalement déductibles. Unetelle Fondation présenterait l'inté-rêt de faire le lien entre ceux quiont des projets et ceux qui ont de

l'argent», observe Luc Eicher. Al'entendre, certains fonds ne sontjamais utilisés faute de structureadéquate répondant aux souhaitsdes donateurs.

En attendant, les personnes quiveulent aider une association nonagréée par l'administration fiscale(la liste est consultable surwww.impotsdirects.public.lu),peuvent soumettre une demanded'exonération au Fonds culturelnational. «C'est une procédure in-dividuelle contraignante», recon-naît Sonja Lammar, du Fonds cul-turel. Elle est utilisée le plus sou-vent pour des programmes de ré-novation d'églises ou d'orgues.Une bonne nouvelle toutefois: unprojet de réglement grand-ducaldevrait permettre à une associa-tion, et non plus au donateur, defaire une demande globale de dé-ductibilité.

Les grandes fondationsculturelles

� Fondation ServaisLa Fondation Servais, fondéele 1er juin 1989, a pour objetd'œuvrer pour la promotionde la littérature luxembour-geoise, en soutenant la re-cherche littéraire et sa publi-cation, en initiant des collo-ques sur la littérature et enpropageant d'une façon géné-rale la connaissance de la lit-térature. Elle est à l'initiativede deux prix littéraires dis-tincts: le prix de la FondationServais, qui récompense l'ou-vrage littéraire le plus signifi-catif paru au cours de l'annéeprécédent et doté de 4.000euros; le Prix d'encourage-ment de la Fondation Servaisa été créé en 2000 pour en-courager des auteurs à procé-der à la publication de leurpremier ouvrage littéraire.

� Fondation Henri PensisCréée en 1996 pour assurer lapoursuite des activités del'Orchestre de RTL, la Fonda-tion Henri Pensis a pour objetla gestion de l'Orchestre phil-harmonique du Luxembourg.Son mécène principal estl'Etat. Elle est dirigée par unconseil d'administration quinomme le directeur généralde l'orchestre.

� Fondation Musée d'artmoderne Grand-Duc JeanCréée en 1998 pour préparerl’ouverture du futur musée,constituer une collection ainsiet programmer des événe-ments et activités de préfigu-ration, la Fondation est au-jourd'hui chargée de la ges-tion du musée. Il s'agit d'unestructure de droit privé dontle mécène principal est l'Etat.

� Fondation IndépendanceCréée en 1999 par la Dexia-BIL, la Fondation Indépen-dance a pour objet de pro-mouvoir l'art et la culture àtravers ses différentes formesd'expression, en particulier lacréation contemporaine. Ellesoutient la formation des ar-tistes et collabore à de nom-breuses manifestations cultu-relles. Elle soutient des asso-ciations telles le Cercle artis-tique de Luxembourg. Ellecontribue aussi à la conserva-tion et à l'enrichissement dupatrimoine culturel nationalpar le don d'œuvres et d'ob-jets aux musées d'art et d'his-toire.

� Fondation de l'architecture et de l'ingénierie La Fondation de l’architectureet de l’ingénierie au Luxem-bourg (2008) a pour objet lapromotion de la qualité del’environnement bâti commeun fait culturel, social et poli-tique. Son but est de dévelop-per, auprès du public en géné-ral et des professionnels enparticulier, la conscience desvaleurs du patrimoine archi-tecturale historique, présentet futur. Elle organise le «Prixluxembourgeois d’architec-ture» que récompense desœuvres architecturales dequalité choisies dans la pro-duction récente.

Le mécénat: un impératif pour le MudamAnnick Spautz travaille exclusivement à la recherche de mécènes

Annick Spautz

I N T E R V I E W : M A R I E - L A U R ER O L L A N D

La philanthropie est un élémentdéterminant dans le fonctionne-ment du Musée d'art moderneGrand Duc Jean. Le mécénat re-présente 13 pour cent du budgetannuel. Annick Spautz, en chargede ce dossier, nous en précise lescontours.

� Les mécènes du musée sont-ilsexclusivement des entreprises, oucomptez-vous également des parti-culiers dans leurs rangs?

Notre principal mécène est la Fon-dation Leir, créée par un entrepre-neur américain, aujourd'huidécédé, qui a travaillé de longues

années auLuxembourg.Son souhaitétait de mar-quer sonamitié pour leLuxembourgen soutenantdes initiativesculturelles.Nos autres

grands sponsors sont deux ban-ques, la Banque de Luxembourg etla KBL. Une dizaine d'autres en-treprises nous soutiennent finan-cièrement ou sous forme de servi-ces, comme Cargolux qui nousoffre une partie du transport desœuvres d'art. Le mécénat peutégalement prendre la forme dedonations d'œuvres d'art. Les

Amis du musée nous aident en cesens, de même que certains parti-culiers qui préfèrent rester anony-mes. Je peux citer aussi la KBL quinous a fait don de deux oeuvres deJan Fabre exposés actuellement auLouvre.

� Les entreprises mécènes exigent-elles des contreparties?

Ces contreparties doivent resterdiscrètes, faute de quoi il s'agiraitde sponsoring. Soutenir un muséen'est pas comparable avec le spon-soring d'un marathon. Il faut qu'ily ait une véritable démarche de«corporate social identity». Géné-ralement, le logo du mécène estdiscrètement apposé sur les bro-chures du Mudam ou d'une expo-

sition, nous proposons des visitesguidées exclusives pour les clientset éventuellement pouvons orga-niser des réceptions.

� Comment s'est développé lemécénat ces dernières années auLuxembourg? Celui-ci pourraitcroître davantage?

Avec l'ouverture et l'année euro-péenne de la culture, nous avonsconnu deux premières années trèsdynamiques du point de vue dumécénat. Le défi est de rester à ceniveau. Nous attendons avec inté-rêt de voir si la législation fiscaleva évoluer dans un sens plus sti-mulant pour les donateurs, à l'ins-tar de la loi Aillagon votée en 2003en France.