lucier, p. (2001) « l'occupation du territoire en question ? »

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  • 7/29/2019 Lucier, P. (2001) L'occupation du territoire en question ?

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    Chaire Fernand-Dumont sur la culturePierre Lucier 1 de 2 2001

    Lucier, PierreL'occupation du territoire en question ?

    Notes pour l'allocution prononce par Monsieur Pierre Lucier, prsident de l'Universit duQubec, la crmonie d'ouverture de la 3e dition de l'Universit rurale qubcoise, Baie-Comeau, le 9 septembre 2001.

    Je me rjouis de pouvoir tre prsent ici aujourd'hui pour participer l'ouverture de cette 3edition de l'Universit rurale qubcoise. Je tenais ainsi, un geste valant mille mots, venirvous redire ma conviction que vous ralisez ensemble quelque chose d'important et vousexprimer de nouveau mon appui. Et cela, d'autant plus que les parents sont videntes entreles objectifs que vous poursuivez et ceux qui dcoulent de la mission de l'Universit duQubec. L'intelligence est partout , n'est-ce pas, et il saute aux yeux qu'il y en a beaucoupdans vos faons de faire et dans les communauts auxquelles vous vous associez.

    Au cours des prochains jours, vous vous mettrez systmatiquement l'coute de cette autreralit qu'est la ruralit. Vous le ferez sur le terrain, en croisant les savoirs commed'habitude, les savoirs savants et les savoirs d'exprience. Vous illustrerez encore une fois ce

    que toute recherche et toute formation devraient tre au bout du compte, quelque chose quisurgit toujours dans cette faille o se rencontrent l'action et la volont de comprendre. Lesseuls savoirs fconds sont ns et naissent de cette zone d'interpellation que fait mergerl'exprience en qute de comprhension et d'intelligence.

    Il y a, dans la promotion que vous faites de la ruralit, un ensemble de prsupposs thoriqueset stratgiques qui vont de soi pour des gens qui, comme vous de l'Universit ruralequbcoise et comme nous de l'Universit du Qubec, pensent l'occupation du territoire et la diversit socioconomique et culturelle comme des impratifs quasi biologiques devitalit et de dveloppement de l'ensemble de notre socit. Pourtant, dans le contexte d'uneforte mondialisation nolibrale en construction, il s'en trouve pour se demander s'il est sivident que cela qu'on doive occuper le territoire, quand celui-ci est aussi grand qu'un

    continent et qu'on n'est que sept millions pour le faire. On entend actuellement des voix,srieuses par ailleurs, qui estiment que les secousses dmographiques prouves par lesrgions dites priphriques, les mouvements de concentration des populations et desressources dans les grands centres, la formation de gros conglomrats d'entreprises etd'urbanisation sont des phnomnes irrversibles contre lesquels toute lutte serait inutile,voire doucement d'arrire-garde. Il s'en trouve mme pour ironiser gentiment surl'attachement anachronique qu'auraient certaines lites pensantes pour une occupationterritoriale contre laquelle les populations concernes seraient, dit-on, les premires voteravec leurs pieds .

    Je ne suis pas un expert du dveloppement rural ou rgional, mais il me semble qu'il y a l des

    interrogations qui pourraient devenir singulirement dstabilisantes et dltres pour la suitedes choses. Car, dans ces perspectives, mme les moyens nouveaux que nous avons devaincre la distance joueraient, paradoxalement il est vrai, en faveur d'une nouvelledensification des populations et des ressources. Et il n'est pas faux, en effet, que lesdveloppeurs de technologies de la communication aient l'air d'avoir une propension trs nette se regrouper physiquement dans les grands centres, histoire, nous disent-ils, d'assurer laconstitution de masses critiques autrement compromises par la dispersion.

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    Chaire Fernand-Dumont sur la culturePierre Lucier 2 de 2 2001

    Si vous en avez le temps et le got au cours des prochains jours, moins que vous neprfriez attendre de pouvoir en faire le thme spcifique d'une prochaine universit rurale, ilne serait pas inutile de vous pencher sur les fondements de ce qui vous runit. Pourquoimaintenir et favoriser une ruralit aux dimensions du territoire habitable et exploitable ?Pourquoi est-ce socialement, culturellement et conomiquement utile et opportun, voirencessaire? Pourquoi penser d'emble que, mme avec la mondialisation, le Qubec ne peut

    pas se replier sur quelques grands ples urbains et faire une croix sur des implantations quecertains estiment voues la dcroissance et la marginalisation. Comment tablir laquelledes deux options est la plus coteuse, habiter et dvelopper les rgions, ou fermer boutique ets'en retirer ? Ne laissez pas s'installer des ides qui pourraient bien faire leur chemin, et unchemin aux aboutissements imprvisibles.

    Je ne veux surtout pas troubler la joie de cette rencontre par quelque sombre dramatisation.Voyez seulement dans mes propos l'expression d'un intrt partag pour les fondementsmmes des questions que vous tudierez aux cours de cette troisime universit rurale.

    Je vous offre tous mes voeux de succs et vous souhaite une semaine fructueuse et agrable.