livret bach

388

Upload: yaniss

Post on 12-Aug-2015

372 views

Category:

Documents


13 download

TRANSCRIPT

Pour Ernest Dantin et Michel Farge en respectueux hommage.

Textes traduits et complts daprs le livret original par lquipe mtadonnes d Abeille Musique : MT, Genevive Golaz, Jol Dupr La Tour Mise en page : Thomas Fouquart, Fottodesign Brilliant Classics / The Foreign media Group, 006 pour les textes originaux Abeille Musique Consultants et Diffusions pour ladaptation franaise et les traductions des livrets et les adaptations des traductions. Traductions des cantates sacres de 00 reproduites avec laimable autorisation de Marc Seiler. Passion selon Saint-Jean : traduction reproduite avec laimable autorisation de Patrick Dutheil www.brilliantclassics.com www.abeillemusique.com Service client: 089 59 770

(0,34 cts/ mn)

SOMMAIRE

Volume uvres orchestrales Volume uvres pour clavier Volume 3 Cantates I Volume 4 Cantates II Texte des cantates Volume 5 uvres vocales Volume 6 uvres pour orgue Biographie de Bach Lexique

3

Volume I : uvres orchestralesCD 1 : Concertos Brandebourgeois n -3, BWV 046-048N 1 en fa majeur, BWV 046, pour 2 cors, 3 hautbois, basson, violon, cordes & continuo N 2 en fa majeur, BWV 047, pour trompette, flte bec, hautbois, violon, cordes & continuo N 3 en sol majeur, BWV 048, pour 3 violons, 3 altos, 3 violoncelles & continuoParmi les uvres orchestrales de Jean Sbastien Bach qui nous sont parvenues, on compte des concertos et des suites, les deux plus importants genres orchestraux de lpoque baroque tardive. Le 4 mars 7, Bach ddia sa version dfinitive des Six Concertos Brandebourgeois, BWV 1046-1051 Christian Ludwig, le margrave de Brandebourg. Il est probable que chacun de ces concertos fut jou auparavant (les n et n 5 dans plusieurs versions diffrentes, qui plus est) Weimar et Cthen. Les Concertos Brandebourgeois ne sont pas des concertos dans le sens o nous lentendons de nos jours, mais de parfaits exemples dune forme plus ancienne de musique concertante. Chacun deux offre une diffrente combinaison de groupes solo et tutti, des combinaisons fort inhabituelles cette poque. Dans trois des Brandebourgeois (n , n 3 et n 6) lorchestre est divis en groupes instrumentaux trs quilibrs qui se renvoient les thmes lun lautre dans un dialogue musical extraordinairement vivant, comparable une srie de questions et de rponses. Les trois autres concertos (n , n 4 et n 5) reprsentent la forme typique de Concerto grosso, avec trois ou quatre instruments solo (le concertino ) sopposant un groupe accompagnateur, des cordes (le ripieno ). Toutefois, dans chacun de ces concertos, un des solistes du concertino prend le dessus sur les autres (la trompette dans le n, le violon dans le n 4 et le clavier dans le n 5), donnant ainsi une impression de trois concertos pour un solo. Bien que ces six uvres naient pas t conues comme un groupe cohrent, elles semblent sallier pour illustrer diffrentes manires dcrire des concertos pour plusieurs instruments , ainsi quils sont appels sur lautographe. Le Concerto n 1, en fa majeur, BWV 1046 fait appel deux cors, trois hautbois, basson, violon (un petit violon, appel violino piccolo ), cordes et continuo. Lensemble parat assez inhabituel, mais Vivaldi la utilis lui-mme (deux hautbois au lieu de trois) dans quatre de ses propres concertos. Cest surtout de par la structure que louvrage se singularise. premire vue, il pourrait sembler que Bach a simplement ajout un menuet la franaise aux trois habituels mouvements que compte alors le concerto. Mais la gense de luvre est bien plus complexe. Il existe une version plus ancienne (BWV 046a) sans le violino piccolo, appel sinfonia , comportant les deux premiers mouvements ainsi que le menuet (il manque le second trio, la Polonaise). Il se peut que Bach ait utilis cette uvre comme introduction pour un ouvrage de grande ampleur : la Cantate 08, ainsi que lont suggr certains analystes. Mais avec le nouvel Allegro, le troisime mouvement de luvre telle que nous la connaissons, elle ressemble bien plus un vrai concerto. Pourtant, le style autant que la structure de ce mouvement voquent la musique vocale profane de Bach plutt que ses uvres orchestrales. Et en effet, Bach la rutilis comme chur douverture pour la Cantate profane, BWV 207. La musique semble sy sentir plus laise, avec ses trompettes, ses timbales et son chur quatre voix. Le clbre spcialiste de Bach, Alfred Drr, estime que le compositeur a russi l un de ses plus grands coups de gnie en transformant un simple mouvement de concerto en un immense chur da capo . Si le premier concerto est crit plus ou moins selon le got franais, les cinq autres recourent plutt la structure litalienne. Le Concerto n 2, galement en fa majeur, BWV 1047 utilise un groupe solo compos dune trompette, dune flte bec, dun hautbois et dun violon : difficile dimaginer un groupe plus htroclite. De par4

ses proportions parfaites, ce concerto semble le prototype mme du concerto grosso. La trompette garde le silence dans le mlancolique mouvement central, mais retrouve son rle prpondrant dans le Finale. Cest elle qui annonce le premier thme en fanfare, et qui conclut cette uvre brillante. Le Concerto Brandebourgeois n 3 en sol majeur, BWV 1048 fait appel trois groupes de cordes, chacun tant son tour divis en trois parties. Le majestueux premier mouvement, avec ses forces mlodiques contrastes, voire opposes, semble charg dun drame assez sombre, surtout lorsque les harmonies glissent vers le mineur. Bach sest pass de lhabituel second mouvement : une simple cadence offre aux musiciens loccasion dimproviser quelques arabesques. Le finale, diablement enlev, sonne comme une course folle entre les neuf parties de cordes.

CD 2 : Concertos Brandebourgeois n 4-6, BWV 049-05N 4 en sol majeur, BWV 049, pour 2 fltes, violon, cordes & continuo N 5 en r majeur, BWV 050, pour clavecin, violon, flte, cordes & continuo N 6 en si bmol majeur, BWV 05, pour 2 altos, violes de gambe, violoncelle, contrebasse & clavecin continuoVoici la page de titre du manuscrit autographe des Concertos Brandebourgeois, ainsi que la ddicace, le tout en franais dans lorthographe originale : Six Concerts Avec plusieurs Instruments Ddies A Son Altesse Royalle Monseigneur Crtien Louis, Marggraf de Brandenbourg &c. &c. &c., par Son tres-humble et tres obeissant serviteur Jean Sebastian Bach. Matre de Chapelle de S.A S. le prince regnant dAnhalt-Coethen. A Son Altesse Royalle Monseigneur Crtien Louis, Marggraf de Brandenbourg &c. &c. &c. Monseigneur, Comme jeus il y a une couple dannes, le bonheur de me faire entendre Votre Altesse Royalle, en vertu de ses ordres, & que je remarquai alors, quElle prennoit quelque plaisir aux petits talents que le Ciel ma donns pour la Musique, & quen prennant Conge de Votre Altesse Royalle, Elle voulut bien me faire lhonneur de me commander de Lui envoyer quelques pieces de ma Composition : jai donc selon ses tres gracieux ordres, pris la libert de rendre mes tres-humbles devoirs Votre Altesse Royalle, pour les presents Concerts, que jai accommods plusieurs Instruments ; La priant treshumblement de ne vouloir pas juger leur imperfection, la rigueur du gout fin et delicat, que tout le monde sait quElle a pour les pices : musicales ; mais de tirer plutot en Benigne consideration, le profonde respect, & la tres-humble obeissance que je tache Lui temoigner par l. Pour le reste, Monseigneur, je supplie tres humblement Votre Altesse Royalle, davoir la bont de continr ses bonnes graces envers moi, et dtre persuade que je nai rien tant cur, que de pouvoir tre employ en des occasions plus dignes dElle et de son service, moi qui suis avec un zele sans pareil Monseigneur De Votre Altesse Royalle Le tres humble et tres obeissant serviteur Jean Sebastien Bach. Coethen, d. 4 mar. 7 Certes, les Concertos Brandebourgeois n 4 et n 5 doivent beaucoup la forme du concerto grosso, mais dans le cas prsent, un soliste en particulier prend toujours le dessus par rapport aux autres solistes. Dans le Concerto Brandebourgeois n 4 en sol majeur, BWV 1049 le concertino (lensemble de solistes) comprend un violon et deux fltes bec, accompagn par un ensemble de cordes, mais le second mouvement offre au violon loccasion de sexprimer dans un langage qui doit bien plus au concerto solo quau concerto grosso. Strictement parlant, le Concerto Brandebourgeois n 5 en r majeur, BWV 1050 est un concerto grosso avec trois solistes : flte, violon et clavier. Toutefois, il est vident que le traitement du clavier procde plus du concerto pour clavier que dune uvre pour trois solistes gaux. Non seulement on trouve dans le premier mouvement une immense cadence pour clavier solo rien moins que 65 mesures dune virtuosit poustouflante mais tout au long de cet Allegro, ainsi dailleurs que5

dans le Finale, le clavier simpose comme soliste principal. Pour une fois, cest lhumble clavecin, si souvent relgu au rle de soutien ou daccompagnateur, qui sort vainqueur. Selon toute vidence, luvre a demble t conue pour le clavier et lon peut donc la considrer comme le premier vritable grand concerto pour clavier. Il est probable que Bach, qui jouait lui-mme cette partie, fut incit lcrire en pensant au superbe clavecin quil avait achet pour le compte de son prince Berlin. Le premier mouvement, un grand moment dexaltation et de joie pure, est suivi dun mlancolique Affettuoso rserv aux trois seuls solistes, sans lintervention de lorchestre. Le finale, lui, offre une atmosphre radicalement diffrente, loin de lintrospection des deux premiers mouvements. On y retrouve ple-mle des lments de fugue, de concerto, de gigue, sans oublier un air en da capo , le tout combin avec un art extraordinaire. Si lon doit retenir une impression, cest celle dune gigue arienne saupoudre dhumour bucolique. Linstrumentation du Concerto Brandebourgeois n 6 en si bmol majeur, BWV 1051 est la plus inhabituelle et la plus pure du cycle : deux altos, deux violes de gambe, violoncelle et continuo. Il est fort possible que lune des parties de gambe ait t conue pour le prince Leopold, musicien amateur enthousiaste, car elle ne pose virtuellement aucune difficult technique notable. Selon toute vidence, cest Bach luimme qui jouait la partie de premier alto. Aprs un premier mouvement dune poustouflante complexit contrapuntique et polyphonique, lAdagio offre aux altos un thme tout en mlancolie tandis que la viole de gambe est relgue au rang de spectateur. Le dernier mouvement reprend lhumeur optimiste et endiable du premier, dans un rythme effrn et entranant.

CD 3 : Suites pour orchestre n -, BWV 066-067 Sinfonia, BWV 9Suite n 1 en ut majeur, BWV 066 Sinfonia en r majeur de la Cantate BWV 9 Wir danken dir, Gott, wir danken dir Suite n 2 en si mineur, BWV 067Aprs les six Concertos Brandebourgeois dessence italienne, le prsent CD et le suivant offrent des exemples de lautre grand genre orchestral au 8me sicle : la suite. Les grands compositeurs des 7me et 8me sicles Purcell, Telemann, Bach et Haendel taient des sortes de pionniers de linternationalisme musical et possdaient un sens de la mode musicale extraordinairement dvelopp. Les deux grandes tendances de lpoque taient le Concerto litalienne et la Suite la franaise. Les Concertos Brandebourgeois sont dextraordinaires exemples duvres litalienne dun compositeur allemand qui na jamais mis les pieds en Italie, comme son collgue Telemann. Alors que la France tait le thtre de dbats passionns entre les tenants du style franais et ceux du style italien, les compositeurs des pays avoisinants Autriche, Allemagne, Angleterre alternaient dun style lautre sans aucune arrire-pense, voire samusaient combiner les deux styles, un peu comme le fit Franois Couperin avec ses Gots runis. Telemann, qui limage de Bach tait un vritable cosmopolite, sut produire de magnifiques exemplaires de ce que lon appelait, dans les pays germanophones, le gemischtes Geschmack , les gots mlangs . Il est regrettable quen France, les polmiques napportrent quun strile et catastrophique changement dorientation dans lart franais. En fin de compte, le style italien prit le pas sur le style franais, une tendance qui ne fit que saccentuer la faveur dune invasion culturelle en provenance de lest de lEurope, avec des compositeurs tels que Stamitz, de Mannheim, et Schobert. Bach voyait dans ses quatre Suites pour orchestre des Ouvertures , ce qui ne devrait sappliquer en tout tat de cause quau premier mouvement. Les noms de Suite ou Partita , mme sils taient parfaitement adapts ces pices, taient plutt rservs des uvres pour instruments solo, tels que le luth, le clavecin, la viole de gambe. Chacune des Suites commence par une ouverture la franaise : une introduction lente, solennelle, en rythmes points, suivie dune partie fugue rapide, qui se termine par un retour des accents dramatiques de lintroduction. Les autres mouvements reprennent gnralement des formes danses telles que sarabandes, gavottes, courantes, bourres etc.6

Selon toute probabilit, les quatre Suites pour orchestre BWV 066 BWV 096 datent de lpoque de Cthen (n et n 4) et Leipzig (n et n 3, entre 79 et 736). Ces deux dernires sont les plus richement orchestres : chacune des Suites se singularise par une orchestration propre, ainsi que par un enchanement spcifique des divers mouvements de danse aprs linvitable ouverture la franaise. La Suite n fait appel, de bout en bout, une flte solo, les n 3 et n 4 se singularisent par leur caractre festif soulign par lusage de trois trompettes et timbales. On ne sait pas grand-chose de lorigine de ces uvres. Lune des raisons principales est que lon a perdu toute trace des manuscrits : seules nous sont parvenues des copies plus tardives. En ralit, en labsence de toute source originale, on a ici affaire des Suites qui sont le rsultat de recherches musicologiques entreprises au 9me sicle. En contraste marqu avec la forme de la Sonate dglise, la suite est une forme rsolument profane, faisant appel un certain nombre de danses qui peuvent tre prcdes dune ouverture. Bien que linfluence franaise se fasse vivement sentir dans les Suites, lordre des danses na quune importance relative et lon pourrait aisment changer la place de tel ou tel mouvement sans nuire au propos musical de Bach la diffrence du rangement plus codifi de la Suite dans le style franais plus strict. linstar des Concertos Brandebourgeois, les Suites permettent certains instruments de se singulariser, en particulier dans les mouvements formant louverture. La Suite n 1 fait appel deux hautbois, basson et cordes. Il est remarquer que les mouvements sont disposs par paires : quatre des danses sont couples avec dautres danses de la mme structure. Bach semble avoir favoris lopposition entre les bois (les deux hautbois et le basson) et les cordes en tutti, ce qui se remarque ds louverture. Si lon considre la virtuosit remarquable de la partie de flte dans la Suite n 2, on peut tre tent de dater louvrage aprs lpoque de Cthen laquelle Bach ncrivait que des parties de flte relativement faciles. Le caractre soliste et virtuose de la flte donne cette suite tout laspect dun vritable concerto pour flte. Le dernier mouvement est lune des choses les plus remarquables jamais crites pour linstrument. Lditeur a plac entre les deux Suites la Sinfonia introductive de la Cantate BWV 29, qui nest autre que la transcription pour orchestre de la Partita pour violon seul, BWV 1006 o lorgue remplace dune faon tonnante la partie de violon initiale.

CD 4 : Suites pour orchestre n 3-4, BWV 068-069 Sinfonia, BWV 46Suite n 3 en r majeur, BWV 068 Sinfonia de la Cantate BWV 46 Wir mssen durch viel Trbsal in das Reich Gottes eingehen Suite n 4 en r majeur, BWV 069En 73 Bach quitta Cthen pour sinstaller Leipzig o il devait assumer le poste le plus prestigieux de sa carrire : celui de Kantor de lglise SaintThomas. En 79, il reprit galement les rnes de la socit de musique universitaire fonde par Telemann en 70, le Collegium Musicum de Leipzig. En devenant ainsi Kantor, Bach dut se dtourner quelque peu des formes instrumentales quil affectionnait Cthen concertos, sonates, suites pour se consacrer plutt la musique sacre ; mais il eut galement la possibilit, avec le Collegium Musicum, de faire jouer ses uvres profanes plus rgulirement. Selon toute vidence, il y joua, outre ses concertos pour clavier et ses cantates profanes, les quatre Suites ; leur style et leur instrumentation brillante laissent accroire quil les avait dj conues Cthen puis remanies pour les faire donner Leipzig. Les titres franais des divers morceaux composant les Suites, ainsi que leur forme un alignement de danses suivent lexemple du compositeur franais (bien que n Italien) Jean Baptiste Lully, qui avait coutume dassembler les danses de ses ballets et oprasballets pour en faire des Suites. En transitant par le luth et le clavecin, et surtout par certains grands instrumentistes du 7me sicle tels que7

Johann Jakob Froberger, le format se fraya un chemin jusqu Bach qui connaissait bien les uvres de son illustre an. De fil en aiguille, il se dveloppa pour devenir la Suite telle que Bach lcrivait : un singulier exemple de creuset international. En bref : cest dItalie que proviennent les premiers essais, ds le 6me sicle. LAngleterre a apport la gigue, la France un grand nombre dautres danses ( partir du dbut du 7me sicle), tandis que lAllemagne a unifi les tendances et les sources pour en faire une forme quasiment immuable. Cette forme initiale une Allemande, une Courante, une Sarabande, une Gigue fit les dlices de plus dun compositeur allemand, qui la compltrent dune Ouverture la franaise et de plusieurs danses modernes telles que le Rigaudon, la Marche, la Chaconne, la Bourre et tant dautres. On connat de telles Suites (souvent appeles Ouvertures tout court, mme si seul le premier mouvement en est une) sous la plume de musiciens tels que Johann Kusser, Georg Muffat, Johann Kaspar Ferdinand Fischer, Johann Joseph Fux, Georg Philipp Telemann et naturellement Bach. Ce dernier transfra la forme vers le clavecin dans son Ouverture franaise ( Franzsische Ouvertre ) dans son Clavierbung III, mais Georg Bhm lavait dj tent avant lui. Les Suites n 3 et n 4 de Bach sont toutes deux en r majeur, et confies plus ou moins au mme effectif instrumental. La Suite n 3, par lajout de trompettes et timbales lorchestre de base (deux hautbois et cordes), semblera trs solennelle et festive, tandis que la Suite n 4 fait appel ce mme effectif plus un troisime hautbois et un basson. Lorsque le jeune Mendelssohn joua le premier mouvement de la Troisime Suite Goethe en mai 830, le pote dclara : il y une telle pompe et un tel crmonial que lon peut presque voir une procession dlgantes personnes descendant majestueusement un grand escalier . Bach lui-mme rutilisa le premier mouvement, un grand moment de joie, pour le chur douverture de sa Cantate de Nol, BWV 110, crite sur le Psaume 6, verset . Le passage le plus clbre parmi toutes les Suites, dailleurs est sans doute lAria de la Troisime. Les deux Gavottes qui suivent cet Air dgagent un humour sain et vigoureux, tandis que louvrage sachve sur une gigue turbulente et enjoue. Dans la Suite n 4, les trois hautbois forment une sorte de trio indpendant, qui semblent jouer un rle de solistes du dbut la fin de louvrage. Le trio se trouve frquemment complt par un basson factieux, pour devenir un vritable petit quatuor. En guise de finale, une pice trs judicieusement appele Rjouissance ! Comme dans le disque prcdent, lditeur a insr entre les deux Suites une autre Sinfonia, celle de la Cantate BWV 146 qui est encore une transcription lorgue oblig, cette fois du Concerto pour clavecin et orchestre, BWV 1052 (lui-mme une transcription dun concerto pour violon qui ne nous est pas parvenu).

CD 5 : Concertos pour violon, cordes & basse continue, BWV 04, 04, 05, 056, 064Concerto pour violon en la mineur, BWV 04 Concerto pour violon en mi majeur, BWV 04 Concerto pour violon en r mineur, BWV 05 Concerto pour violon en sol mineur, BWV 056 Concerto pour 3 violons, cordes & basse continue en r majeur, BWV 064Si lon fait abstraction de ses quatorze concertos pour clavier (de un quatre clavecins), Bach a compos la grande majorit de ses concertos dans latmosphre tranquille et aimable de la cour du jeune prince Leopold Cthen, entre 77 et 73. Le prince, de neuf ans plus jeune que Bach, tait un musicien amateur de grand talent : il jouait non seulement le violon, mais galement la viole de gambe et le clavecin. Lorsque Bach assuma le poste auprs de la Chapelle Royale de Cthen, lorchestre comprenait 8 musiciens. Cest cette occasion quil composa la majorit de ses uvres pour clavier solo et sa musique de chambre, mais galement ses concertos pour violon ou pour vents et orchestre, dont la plupart ont hlas t perdus. Les seuls concertos qui nous soient parvenus dans leur forme originale sont les six Brandebourgeois et les trois concertos pour violon(s) et orchestre : en la mineur (BWV 04),8

en mi majeur (BWV 04), et en r mineur (BWV 043) pour deux violons et cordes. Il peut sembler trange que seul trois concertos pour violon de cette poque aient t prservs, alors quil existe encore de nombreuses transcriptions de ces ouvrages pour clavier et cordes de lpoque de Leipzig. Bach sest-il dbarrass des uvres originales aussitt la transcription acheve, ou bien ont-elles t perdues aprs sa mort en partie par la ngligence de son fils Wilhelm Friedemann ? On ne le saura probablement jamais ; toujours est-il que les trois concertos pour violon encore en existence reprsentent le sommet de sa musique pour violon, au mme titre que les Partitas pour violon solo et les Sonates pour violon et clavier oblig. Selon toute vidence, elles furent crites pour le premier violon de lorchestre de Cthen, Joseph Spiess, un musicien de grand talent engag Berlin en 74. Pour le double concerto, il est probable que Spiess fut rejoint par son collgue Martin Friederich Marcus, un Berlinois lui aussi. Le Concerto en sol mineur, BWV 1056 a t reconstitu daprs le clbre Concerto pour clavier et cordes en fa mineur, BWV 1056. Le Largo se retrouve galement dans la Cantate n 156 Ich steh mit einem Fuss im Grabe o il fait office de Sinfonia douverture. Quant au Concerto pour violon et cordes en r mineur, BWV1052, il a t reconstruit daprs une version pour clavier que Bach avait luimme dj transcrite partir dune premire version pour violon qui a t perdue. Le Concerto pour violon, cordes et basse continue en mi majeur, BWV 1042 jouit dune immense popularit ; le premier mouvement fait appel une ritournelle combine la forme en da-capo, avec un thme initial dont la joie communicative claire tout le mouvement.. Dun point de vue structurel, lorchestre et le soliste se mlent bien plus frquemment que dans dautres concertos. En guise de second mouvement, on entend une tendre cantilne Adagio en ut dise mineur qui reprend le plan formel du mme mouvement dans le Concerto en la mineur. Lorchestre nintervient quau dbut et la fin du mouvement, soulignant le lyrisme du soliste par des figurations obstines. Le finale, un Allegro assai en forme de rondo, emprunte les rythmes endiabls du passepied. Les ritournelles, toutes cinq parfaitement identiques, ponctuent les quatre parties intercalaires du soliste. Le Concerto pour trois violons en r majeur, BWV 1064 est une reconstitution assez rcente ralise partir du Concerto pour trois claviers en ut majeur, BWV 1064. La source la plus ancienne de la version pour claviers date des annes 740. Selon la tradition, Bach aurait crit le Concerto pour trois claviers son usage personnel, pour se prsenter avec ses deux fils Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emmanuel lors des runions du Collegium Musicum de Leipzig au dbut des annes 730. Les dernires recherches musicologiques ont dmontr que Bach, en crivant la version pour trois claviers, avait utilis une version plus ancienne pour trois violons, aujourdhui perdue, et qui serait antrieure aux Concertos Brandebourgeois.

CD 6 : Concertos pour clavecin, cordes & basse continue, BWV 05-055R mineur, BWV 05 Mi majeur, BWV 053 R majeur, BWV 054 La majeur, BWV 055La plupart des uvres instrumentales de Bach datent, selon les analystes, des sept annes passes au service du prince de Anhalt-Cthen, 77 73. Auprs de cette cour calviniste, Bach tait dgag de toute responsabilit ecclsiastique et disposait dun ensemble instrumental de dix-sept musiciens. Les Concertos pour violon appartiennent cette poque, mais les Concertos pour clavier datent plutt de la priode o Bach avait repris les rnes de la socit musicale fonde par Telemann, le Collegium Musicum de luniversit de Leipzig. Cette association perdura tout au long des annes 70, 30 et 40. mesure que ses fils avanaient en ge, il leur apprenait jouer du clavecin ; les concertos pour deux, trois ou quatre clavecins taient des transcriptions certaines daprs Vivaldi taient destins tre jous en famille avec ses fils, ou lors des runions hebdomadaires avec ses lves. Mais il semble que la forme du9

concerto pour clavecin fut une innovation due Bach, au mme titre que cest Haendel qui dveloppa le concerto pour orgue. Corelli, Vivaldi et quelques autres Italiens furent lorigine du concerto grosso et du concerto pour violon ; Bach se saisit de la forme italienne originale et, comme toujours, la modifia : il avait toujours grand besoin de nouvelles pices pour le Collegium Musicum et nhsitait donc pas transcrire ses propres uvres ou celles dautres compositeurs, crant ainsi une nouvelle forme concertante. Les versions remanies sont souvent transposes un ton en dessous des originaux ; peut-tre cela est-il d la diffrence entre le diapason de Leipzig et celui de Cthen, mais lexplication la plus plausible reste que le clavecin ne disposait pas du mi aigu, une note trs frquemment utilise dans les versions pour violon. Bach nhsitait jamais lorsquil sagissait demprunter ses propres uvres antrieures : certains mouvements de concertos furent mme rutiliss pour des cantates. Dans ltat actuel de nos connaissances, on compte sept concertos pour clavecin, mme sil subsiste des doutes sur lorigine du Concerto en r mineur, BWV 1052 nous en reparlerons plus loin . Deux mouvements du Concerto en mi majeur, BWV 1053 ont t rutiliss dans deux sonates dglise, le Concerto en r majeur, BWV 1054 est une transposition du Concerto pour violon en mi majeur, BWV 04, les Concertos en la majeur, BWV 1055 et fa mineur, BWV 1056 sont probablement transcrits daprs des concertos pour violon. Le Concerto en fa majeur, BWV 1057 est fort similaire au Quatrime Brandebourgeois, tandis que le Concerto en sol mineur, BWV 1058 est une transcription du Concerto en la mineur pour violon. Des trois concertos pour deux clavecins, le Concerto pour deux clavecins en ut mineur, BWV 1060, qui serait la transcription dune version originale pour hautbois et violon, est identique au Concerto pour deux violons en r mineur, BWV 1043, le Concerto pour deux clavecins en ut majeur, BWV 1061 est originalement conu lorigine pour deux clavecins. Il existe galement deux Concertos pour trois clavecins en r mineur, BWV 1063 et en ut majeur, BWV 1064, ainsi que le Concerto pour quatre clavecins en la mineur, BWV 1065 qui est directement transcrit daprs un Concerto pour quatre violons de Vivaldi. Parmi les concertos pour violon rputs perdus, trois nous sont parvenus sous forme de transcription pour clavecin. On peut comparer le manque dintrt de Bach pour la postrit celui de Dvorak lorsquil sagissait de numroter ses symphonies, ou celui de Moussorgski dans les diffrentes versions de Boris Godounov. Le concerto pour violon daprs lequel a t transcrit le Concerto pour clavecin en r mineur, BWV 1052 est perdu, quil soit de Bach ou dun autre compositeur. Certaines tournures instrumentales semblent dnoter une uvre originalement conue pour le violon. Bach rutilisa le premier mouvement, une sorte de diablerie implacable, comme Ouverture pour la Cantate 146 Wir mssen durch viel Trbsal en remplaant le clavecin solo par un orgue solo , tandis que le second mouvement est habilement repris pour former le premier chur. Chose rare pour un concerto dans un ton mineur, le second mouvement de ce Concerto BWV 1052 est lui aussi en mineur, un moment de grande solennit et dampleur majestueuse. Le finale, lui, est construit sur le mme modle que le premier mouvement. Dans le cas prsent, il sagit dune ritournelle de douze mesures o le soliste se voit confier une sorte de toccata pour son premier grand solo. Il apparat que plusieurs autres concertos pour clavecin sont, eux aussi, des transcriptions daprs des concertos pour violon. Le Concerto en mi majeur, BWV 1053 est lunique tmoignage de ce que fut, lorigine, un concerto pour violon et hautbois, mme si certains musicologues sont davis que luvre a bel et bien t conue demble pour le clavier. Le Concerto en r majeur, BWV 1054 est larrangement, de la main de Bach lui-mme, de son propre Concerto pour violon en mi majeur, BWV 1042 crit pendant les annes 70. Par ailleurs, il semble que le Concerto en la majeur, BWV 1055 tmoigne de lexistence dun concerto pour violon ou pour hautbois damour, perdu lui aussi. Le musicologue W. Mohr suggre que la version originale est dvolue un instrument cordes et non le hautbois probablement un alto, puisque ltendue mlodique dpasse celle du violon dans le grave.0

CD 7 : Concertos pour clavecin, cordes & basse continue, BWV 056, 057, 058, 060 & 065Concerto pour clavecin en fa mineur, BWV 056 Concerto pour clavecin, fltes, cordes & b. c. en fa majeur, BWV 057 Concerto pour clavecin en sol mineur, BWV 058 Concerto pour clavecins en ut mineur, BWV 060 Concerto pour 4 clavecins en la mineur, BWV 065Le Concerto pour clavecin en fa mineur, BWV 1056 tire probablement son origine dun concerto pour violon en sol mineur maintenant perdu, mais qui a fait lobjet de deux reconstitutions au cours de ces dernires annes. Le Largo se retrouve galement en tant que Sinfonia de la Cantate 156 Ich stehe mit einem Fuss im Grabe . Il sagit l dun concerto quelque peu plus lger que le majestueux et dramatique Concerto en r mineur, BWV 1052, qui est dailleurs deux fois plus long. Le premier mouvement est bas sur une ritournelle qui, en quatre mesures, fournit suffisamment de matriau caractristique pour alimenter le dveloppement qui suit. Le mouvement lent, en la bmol majeur, droule une longue arabesque accompagne de cordes lgres et mesures. Pour le finale, Bach offre un vigoureux Allegro, charg deffets dcho comme dailleurs le premier mouvement, mais dans un trois temps plus fluide. On ne peut que rester tonn de lhumour et de la bonne humeur que Bach russit faire natre de la tonalit pourtant sombre de fa majeur. Le Concerto pour clavecin en fa majeur, BWV 1057 est un arrangement, ralis par Bach lui-mme vers 79, de son Quatrime Brandebourgeois. Cest le seul concerto pour clavecin qui fasse appel deux fltes bec dans la partie daccompagnement. Le Concerto en sol mineur, BWV 1058 reprend le Concerto pour violon en la mineur, BWV 1041, crit aux alentours de 70. Bach utilise la ritournelle caractristique de Vivaldi pour les premier et dernier mouvements. Mais naturellement, il ne se borne pas copier le principe somme toute assez simple de Vivaldi : il lenrichit donc, et lui donne une forme plus cohrente. Dans le premier mouvement, Bach gomme le contraste entre solo et tutti, de sorte que louvrage parat plus fluide. Ds le dbut, le tempo vif met en scne une ritournelle rgulirement seme dpisodes plus solistes. Le second mouvement, une merveilleuse cantilne sur une basse obstine, se dveloppe avec une douce majest. Enfin, Bach utilise le rythme de la gigue pour le dernier mouvement Allegro assai. Bach ne sest pas born crire des concertos pour un seul clavecin, mais galement dautres pour deux, trois et mme quatre clavecins, toujours accompagns par un orchestre cordes. Encore une fois, ces uvres semblent provenir de versions antrieures. Parmi les concertos pour deux clavecins et cordes, le Concerto en ut mineur, BWV 1062 reprend un Concerto de Bach lui-mme pour deux violons en r mineur, BWV 1043. Le Concerto pour deux clavecins, en ut mineur galement, BWV 1060 se base probablement sur un concerto pour violon et hautbois dont on a perdu la trace. Seul le Concerto pour quatre clavecins en la mineur, BWV 1065 peut dmontrer son pedigree sans lombre dun doute : il reprend le Concerto pour quatre violons de Vivaldi en si mineur, op. 3 n 10. Quelques temps auparavant, au dbut de sa carrire Weimar, Bach avait arrang plusieurs uvres de ce mme recueil de Vivaldi pour clavecin seul ou pour orgue. Peut-tre a-t-il choisi ce concerto pour quatre violons afin de se frotter un problme technique considrable, et de prsenter en public son travail avec ses lves de clavecin.

CD 8 : Concertos pour deux & trois clavecins, cordes & basse continue, BWV 06 & BWV 064Concerto pour clavecins en ut majeur, BWV 06 Concerto pour clavecins en ut mineur, BWV 06 Concerto pour 3 clavecins en r mineur, BWV 063 Concerto pour 3 clavecins en ut majeur, BWV 064

Comme il vient dtre dit plus haut, le Concerto en ut mineur, BWV 1062 reprend le Concerto pour deux violons en r mineur, BWV 1043. Dans ce concerto et le Concerto pour deux clavecins, en ut mineur, BWV 1060 (CD 7), lorchestre partage pleinement la charge musicale dans des dialogues orchestre-solistes dune grande beaut. En ralit, ce ne sont pas toujours les solistes qui se chargent de la partie principale : parfois, lun ou lautre voire les deux se replie dans le rle traditionnel du clavecin, savoir le continuo. Parfois aussi, la main gauche est charge dune voix intermdiaire dans lharmonie (et non pas dune basse), afin denrichir la texture musicale. Le Concerto pour deux clavecins en ut majeur, BWV 1061, quant lui, semble avoir t crit demble pour le clavecin. Les deux parties de clavier nous sont parvenues sous forme dun manuscrit autographe de Bach, tandis que les parties de cordes sont dune autre main ; elles nont dautre but, en ralit, que de renforcer le discours des deux clavecins. Peut-tre mme sagit-il dune uvre pour deux clavecins, sans accompagnement, et lorchestre aurait-il t ajout ultrieurement. Dans le mouvement lent, les cordes se taisent compltement, et mme dans le finale elles ne sexpriment que brivement. Le Concerto pour deux clavecins en ut mineur, BWV 1062 reprend, comme on la dit prcdemment, le Concerto pour deux violons en r mineur, BWV 1043. Tous les concertos pour trois et quatre clavecins sont sans nul doute des arrangements, eux aussi, et il subsiste un doute quant savoir si les uvres originales taient de Bach ou dautres compositeurs. Le Concerto pour trois clavecins en ut majeur, BWV 1064 est videmment bas sur un concerto pour trois violons, dont on a rcemment tabli une reconstitution ; mais il est peu probable que luvre initiale soit de Bach. Le Concerto pour trois clavecins en r mineur, BWV 1063 provient peut-tre dune uvre pour flte, hautbois et violon, dont la paternit nest pas rellement attribuable Bach. Bien que tous ces concertos fussent initialement destins dautres instruments que le clavecin, ils mriteraient plus dattention de la part des clavecinistes, et mme de tous les autres instrumentistes sur clavier, ne serait-ce que parce quils occupent une place importante dans lhistoire du concerto pour clavier. Peut-tre mme mritent-ils plus encore que le Cinquime Brandebourgeois le titre de premiers concertos pour clavecin de lhistoire . Les fils ans de Bach, Friedemann et Emanuel, prirent part aux excutions Leipzig, et lon peut dire deux quils contriburent dvelopper le genre lorsquils sinstallrent comme compositeurs Dresde et Berlin. Johann Christian, naturellement, tait trop jeune pour assister son pre dans les runions hebdomadaires du Collegium Musicum, mais il semble acquis quil joua et imita les concertos de son frre Emanuel Berlin aprs 750. Ses propre concertos pour clavecin ou forte-piano, publis Londres, reprsentent le principal chanon dans le dveloppement du genre entre Jean Sbastien Bach et Mozart.

CD 9 : Double concertos, pour cordes & basse continue, BWV 043, 044, 055 & 060Concerto pour flte, violon, clavecin, cordes & b. c. en la mineur, BWV 044 Concerto pour hautbois, violon, cordes & b. c. en r mineur, BWV 060 Concerto pour hautbois damour, cordes & b. c. en la majeur, BWV 055 Concerto pour violons, cordes & b. c. en la majeur, BWV 043Selon Schmieder, qui crivit le Bach Werke Verzeichnis (BWV, le catalogue raisonn de toutes les uvres de Bach), le Triple concerto en la mineur pour flte, violon et clavecin, BWV 1044 est postrieur 730.

Les premier et dernier mouvements sont des versions toffes du Prlude et Fugue pour clavecin solo en la mineur, BWV 894 qui, lui, date environ de 77. Le mouvement central, un Adagio, reprend le second mouvement de la troisime des Six sonates pour orgue, BWV 525, crites aprs 77 ou, selon dautres sources, aprs 73. Il est gnralement admis que ce concerto fut dvelopp partir des uvres ici mentionnes. Toutefois, un rcent article de Hans Eppstein suggre que le Prlude et Fugue lui-mme reprenant un concerto pour clavier, aujourdhui perdu, et que la Sonate pour orgue BWV 527 pourrait ellemme tre un arrangement dun trio instrumental, galement perdu. Eppstein avance que les lments stylistiques dans le Triple concerto en la mineur indiquent quil aurait pu tre crit au mme moment que le Cinquime Concerto Brandebourgeois, aux alentours de 70, qui possde lui-mme une partie concertante monumentale rserve au seul clavecin. Lorsque Bach reprit son ancien Prlude et Fugue pour former les deux mouvements rapides de son concerto, il largit le propos tout en remodelant larchitecture densemble. Ainsi faisant, il produit une uvre dont les contrastes saisissants sont encore souligns par la conception monumentale ; le dernier mouvement permet aux solistes de se confronter lorchestre dune manire particulirement dramatique, lorsque les lignes mlodiques dune grande intensit, confies aux solistes, viennent contredire les impacts brutaux de lorchestre. Pourtant lorchestre nest pas conu comme un simple contrepoids oppos au concertino : il dveloppe son propre tissu daccompagnement oblig. Bach met galement en uvre des effets orchestraux inhabituels, tels que le mlange du clavecin avec les pizzicatos juste avant la fin du premier mouvement. Afin dobtenir une parfaite unit densemble, en particulier dans les deux mouvements rapides, Bach combine adroitement la forme du concerto avec celle de la fugue, ce quil avait dj fait dans certains Brandebourgeois. Le point culminant de luvre est sans conteste la superbe cadence de clavecin du dernier mouvement. LAdagio e dolce central vient en contraste saisissant avec les deux mouvements qui lentourent. Et malgr sa rigueur contrapuntique, cette musique semble plus moderne et galante que lon pourrait limaginer. Il nest pas tonnant que Mozart, sur le conseil du baron Gottfried van Swieten, transcrivit la version originale, conue lorgue, pour trio cordes. Ainsi que nous lavons mentionn plus haut, la majorit des quinze concertos pour clavecin (un, deux, trois ou quatre solistes) reprennent des uvres antrieures crites pour dautres instruments, souvent le violon. Bach avait pour usage de transposer dune seconde vers le bas, de sorte que la nouvelle version puisse sadapter aux impratifs du clavecin de lpoque. La plupart des versions initiales ont t perdues, mais une tude minutieuse de la mthode de transcription de Bach (en particulier lorsque les deux versions nous sont parvenues, comme cest le cas pour le clbre concerto pour deux violons, arrang ensuite pour deux clavecins) permet de reconstruire les versions originales partir des transcriptions ultrieures, avec une assez petite marge derreur. Cest le cas pour le Concerto pour deux clavecins, BWV 1060, dont la version originale en r mineur perdue pour violon et hautbois, BWV 1060 tait encore mise en vente par Breitkopf et Hrtel aussi tard que 764 : Bach, G(iovanni) S(ebastian), I. Concerto a Oboe concert(ato), Violino concert(ato), Violini, Viola, Basso. thaler. Peut-tre le charme de cette uvre est-il plus apparent dans cette version, dautant que la sonorit des clavecins dans la version postrieure ne peut que donner une ide trs approximative de la ligne mlodique que chantent les deux instruments, en particulier dans le merveilleux mouvement lent. Le Concerto pour deux violons, cordes et basse continue en r mineur, BWV 1043 est lune des uvres les plus sublimes dans la production concertante et mme instrumentale de Bach. Du point de vue du style, luvre semble singulirement archaque si on la compare aux concertos pour violon solo. On estime quelle fut crite quelque temps avant les autres, aux alentours de 78. Le concerto est crit selon une structure bien ordonne dans chacun de ses trois mouvements, avec une utilisation fort habile des techniques dimitation entre les deux solistes. Bach a rduit la participation orchestrale au minimum afin de ne pas distraire lattention de lauditeur par rapport aux lignes solistes. Le gros du discours choit aux deux violonistes dans plusieurs longs pisodes, entre lesquels les tuttis ninterviennent que trs peu. Le point culminant de luvre est sans nul doute le second mouvement, Largo ma non tanto,3

dans un rythme de sicilienne, un sublime duo de phrases tendrement enlaces. Le Concerto en la majeur pour clavecin et cordes, BWV 1055 est sans doute une transcription partir dune version antrieure pour violon et hautbois damour. Le musicologue W. Mohr avait en son temps suggr que loriginal pourrait tre destin non pas au hautbois mais un instrument cordes en loccurrence, un alto, puisque le violon ne dispose pas des notes les plus graves de la partition mais en 939, Donald Tovey suggrait son tour, avec des arguments fort convaincants, que loriginal du Concerto en la majeur tait bien destin au hautbois damour, un instrument trs en vogue entre 70 et la fin du 8me sicle.

CD 10 / 11 : Sonates et partitas pour violon solo, BWV 00 - BWV 006Sonate n 1 en sol mineur, BWV 1001 Partita n 1 en si mineur, BWV 1002 Sonate n 2 en la mineur, BWV 1003 Partita n 2 en r mineur, BWV 1004 Sonate n 3 en ut majeur, BWV 1005 Partita n 3 en mi majeur, BWV 1006Vier arme Saiten ! - es klingt wie Scherz Fr alle Wunder des Schalles ! Hat doch der Mensch nur ein einzig Herz, und reicht doch hin fr alles ! Quatre malheureuses cordes, cela semble une plaisanterie Pour toutes ces merveilles sonores ! Mais lhomme na-t-il pas quun seul cur Qui suffit tout ?(Franz Grillparzer, pote autrichien, 79-87)

Un pome sur la pauvret et la richesse du violon : quelques pices de bois, quatre cordes, un archet, mais un son dune invraisemblable beaut. Les lignes de Grillparzer voquent plutt limmense capacit mentale de lespce humaine et tout ce qui peut tre gagn avec un seul cur simple. On peut toutefois douter que Grillparzer, contemporain de Beethoven et Schubert, ait connu les six uvres pour violon solo de Bach, mais il semble en avoir involontairement peru lesprit dans son premier vers. Bach en demande beaucoup au violon, plus que ce quil ne peut apparemment donner. De nombreux passages, en particulier ceux faisant appel des doubles-cordes, sont littralement injouables. Mille et un musicologues et musiciens ont us mille et une pages et mille et un flacons dencre force de se pencher sur ce problme et tant dautres que pose lexcution des uvres pour violon solo de Bach, bien plus de papier et dencre que le compositeur nen a utilis pour les crire ! Il est dusage de considrer ses six uvres pour violon solo (sonates et partitas confondues) comme des pices de musique de chambre dune grande intimit, rserves de petites salles de concert. Mais selon toute vidence, trois dentre elles les sonates furent destines tre joues lglise. Johann Nikolaus Forkel, le premier biographe de Bach, souligne ce dtail ds 80. Et il suffit dun petit chiffre, un simple doigt 3 de la main de Bach appos sur son somptueux autographe de 70 une uvre dart picturale en soi , pour prouver quil avait lui-mme jou la partie de violon. Naturellement, le violon tait une tradition de famille chez les Bach ; le jeune compositeur navait-il pas t engag comme violoniste 8 ans, en 703, lorchestre de la cour de Weimar, avant de devenir officiellement violoniste et claveciniste entre 708 et 77 ? Certes, Bach violoniste a t remplac, dans nos esprits, par Bach compositeur, organiste et claveciniste et pourtant, il ne se bornait pas jouer ses propres superbes uvres pour clavier (ses immenses solos dorgue, son Clavier bien tempr et la partie de clavecin du Cinquime Brandebourgeois) : on pouvait lentendre dans des concertos pour violon et dans ses partitas pour violon seul. Ces dernires pices, dailleurs, posent tellement de problmes techniques que lon se demande qui dautre pouvait bien les jouer lpoque : peut-tre Johann Georg Pisendel, le plus grand violoniste contemporain de Bach, premier violon solo ( Konzertmeister ) auprs4

de la chapelle de la cour de Dresde sous Auguste le Fort ; lve et ami de Vivaldi, et lun des rares savoir matriser les diaboliques difficults des doubles-cordes et de lornementation. De nombreux compositeurs, parmi lesquels Vivaldi, Albinoni et Telemann lui ddirent des uvres originales. Etait-ce lui que Bach avait lesprit, ou bien ne pensait-il alors qu lui-mme ? On pourrait tre tent de le croire car dans lentourage du compositeur, artistes et auditeurs confondus, qui pouvait relever le dfi mental, artistique et technique de ces chefs-duvre ? On sest souvent demand quel avait t le modle de Bach ; lcriture polyphonique et harmonique au violon navait plus rien de nouveau cette poque : Biber, Westhoff et Walter avaient dj exploit cette technique. Mais, hormis peut-tre Biber, nul ne pouvait se mesurer de prs ou mme de trs de loin au gnie de Bach en termes de qualit pure et de russite musicale. Bach imposa un niveau qui navait alors jamais t atteint et que personne ne saurait jamais dpasser. Lorsquils se risqurent crire des uvres pour violon solo, Reger, Ysae et mme Hindemith ne purent pas se dbarrasser de lombre imposante de Bach, une inspiration mais aussi un poids. Des fanatiques de Bach tels que Mendelssohn et Schumann allrent jusqu estimer que le trop modeste violon ntait pas taill pour se mesurer au torrent musical de Bach, de sorte quils composrent tous deux des accompagnements pour piano Schumann en crivit mme pour les six Suites pour violoncelle solo ! Le manuscrit autographe de Bach est arrang de telle sorte que chaque sonate est suivie dune partita. Les sonates comportent quatre mouvements : lent-rapide, lent-rapide, conus par paires. Les introductions lentes senchanent avec une fugue rapide. La Sonate n 1 en sol mineur comporte une premire fugue trois voix, un second mouvement lent sous forme de sicilienne tripartite, et une fugue finale Presto dune complexit polyphonique saisissante. En contraste marqu avec les strictes sonates, les partitas rassemblent des formes plus libres issues de la danse, toujours selon larrangement lentrapide lent-rapide par groupes de deux. Dans la Partita n 1 en si mineur, chaque danse est suivie par son double , une sorte de variation. Au lieu de lhabituelle gigue en guise de quatrime mouvement, Bach introduit une bourre. Le trs ample mouvement lent qui introduit la Sonate n 2 en r mineur est charg dornements que Bach a tous nots et dvelopps avec une prcision absolue, interdisant ainsi lexcutant de rajouter quoi que ce soit. Cest un tout autre monde qui souvre dans la fugue suivante, base sur un sujet dlibrment dpouill en deux mesures et un contre-sujet dun vertigineux chromatisme descendant. Dj le critique musical Johann Matheson, au 8me sicle, soulignait limmense diversit dcriture et le naturel saisissant de cette fugue. Aprs un Andante dans la tonalit relative de ut majeur survient un final nergique, presque remuant, charg deffets dchos litalienne. La Partita n 2 en r mineur se singularise par son cinquime mouvement, une Chaconne qui a maintenant accd au statut duvreculte. Dune ampleur inhabituelle avec ses 57 mesures, elle dveloppe une fantaisie sans bornes jusqu son stupfiant point culminant. La Sonate n 3 en ut majeur possde la plus grande fugue parmi les trois sonates. Elle renferme un vritable trsor dinvention contrapuntique ; lorsque Bach arrive la pdale , lauditeur est en droit de simaginer que le mouvement arrive son terme mais en ralit, tout le matriau est prsent nouveau, dans lordre inverse. Un vritable tour de force architectural. Aprs un Largo radieux et serein, louvrage sachve sur un tonnant perpetuum mobile. La grande force de cette sonate rside dans lenchanement parfait de mouvements pourtant trs diffrents. La Partita n 3 en mi majeur, dans le caractre de la suite la franaise, souvre sur un Prlude plutt que sur lAllemande comme les autres partitas. Si lon considre le nombre considrable darrangements que Bach a raliss lui-mme de cette Allemande, on peut imaginer quil la portait particulirement dans son cur. Entre les mains de Bach, le Loure une danse originaire de Normandie devient un mouvement lent et quelque peu rserv. Aprs une Gavotte et un Rondeau avec ses deux Menuets, louvrage sachve sur une Gigue toute en transparence,5

une note de lgret pour cet ouvrage majeur.

CD 12/13 : Suites pour violoncelle n -6, BWV 007-0N en sol majeur, BWV 007 N en r mineur, BWV 008 N 3 en ut majeur, BWV 009 N 4 en mi bmol majeur, BWV 00 N 5 en ut mineur, BWV 0 N 6 en r majeur, BWV 0Lune des priodes les plus heureuses de la vie de Bach furent les sept annes quil passa Cthen, de 77 73. Par la suite, il sinstalla avec femme et enfants Leipzig o il assuma le poste de Kantor de lglise Saint-Thomas, pour laquelle il crivit ses Passions et des centaines de cantates qui font maintenant partie du plus grand patrimoine humain qui puisse tre. Cest cette image-l de Bach-l que retient le public ; pourtant, la majorit de sa musique de chambre fut crite Cthen o Bach tait Kapellmeister de lorchestre de la cour du prince Leopold von Anhalt-Cthen, un mlomane quasi-fanatique de 3 ans. Le prince dpensait rien moins quun quart des finances de la cour la musique, et se joignait souvent ses musiciens qui au violon, qui la viole de gambe, qui au clavecin, trois instruments quil matrisait fort bien. Ce prince serait certainement tomb dans loubli si ce ntait pour son association avec Bach qui composa, durant cette poque, les Concertos Brandebourgeois, la premire partie du Clavier bien tempr, les Sonates et Partitas pour violon solo, les Suites pour violoncelle et plusieurs autres pices de musique de chambre. Parmi les virtuoses employs par le prince, le clbre violiste Christian Ferdinand Abel : cest probablement pour lui que Bach crivit ses Six Suites pour violoncelle solo, tant donn que le compositeur impose des exigences la limite des possibilits de linstrument et de linstrumentiste ne serait-ce que les nombreuses doubles-cordes qui ne peuvent en aucun cas tre joues telles qucrites. linstar des Sonates et Partitas pour violon solo, les Suites pour violoncelle abordent des contres musicales et techniques jusqualors vierges de toute exploration. Avec un minimum de moyens, il obtient des rsultats stupfiants, de sorte que cette espce de course dobstacles instrumentale se transforme en voie royale de la grandeur musicale. Lui-mme instrumentiste chevronn, Bach repousse les limites de la pratique instrumentale en exploitant toutes les possibilits inhrentes au violoncelle. Ainsi, ces six Suites dbordantes daventures dapparence improvise, pourtant dans un langage dune rigueur contrapuntique implacable, sans parler de la fantaisie rythmique et la virtuosit inoue cette poque se hissent aisment au niveau des grandes uvres pour clavier de cette mme priode. Par ailleurs, les Suites forment dans son uvre une sorte de groupe indpendant, autonome, dans lequel il a su crer une vritable polyphonie nouvelle et parfaitement lisible, sans laide du moindre accompagnement sous forme de basse continue. Dans leur genre, elles reprsentent la pierre de touche de toutes les autres uvres pour violoncelle solo composes par la suite : Reger, Hindemith, Kodaly, Bartk et Ligeti nont pas pu ne pas sentir le poids crasant de cet hritage, tout en en tirant une immense inspiration. la diffrence des uvres pour violon solo (divises en deux genres : la Sonate et la Partita), les six Suites pour violoncelle solo sont construites selon le mme modle. Elles commencent par un prlude, suivi dune allemande, dune courante, de deux danses la franaises (des galanteries , pour sachever sur une gigue. La Premire Suite en sol majeur dbute par un vritable Prlude en mouvement perptuel de doubles-croches obstines, des motifs en arpges et en gammes sur lesquels Bach fait monter la tension jusqu la dernire seconde, un accord final triomphant sur un sol aigu. Vient ensuite une Allemande au cours tranquille, puis une Courante puissamment virtuose bien quelle ne soit crite qu une voix. La Sarabande, de dimensions rduites, est un parfait exemple de la structure classique, avec ses deux phrases de huit mesures chacune. Aprs deux simples Menuets qui exploitent des matriaux analogues ceux du Prlude, la suite sachve sur une Gigue tourbillonnante.6

La Seconde Suite en r mineur, elle, semble plus sombre et dramatique. Prlude et Allemande offrent une plus grande varit rythmique que les mouvements correspondants de la Premire suite, tandis que la Sarabande atteint une insondable profondeur grce ses merveilleux accords sombres. Par contraste, le Menuet enlev semble presque lger quand bien mme il ne peut pas tre qualifi de galant , la diffrence du seconde Menuet en r majeur, un vritable rayon de soleil. Enfin, une Gigue au caractre solide et terrien achve cette uvre. Cest une gamme descendante et des accords briss qui, de grands traits, brossent le paysage tonal ut majeur de la Troisime Suite. Un flot de croches met ensuite en mouvement le discours musical qui atteindra son point culminant lors dune pdale sur un sol qui ne dure pas moins de sept mesures. Cest une Allemande noble et richement ornemente qui suit le Prlude, avant de laisser place une sorte de pendant sous forme de Courante, cette danse franaise agile qui sait si bien surprendre lauditeur par ses sautes dhumeur mlodiques toujours plus hardies. Naturellement, la Sarabande ne peut tre quune lente et digne progression, dont les doubles-cordes offrent Bach loccasion dcrire de bien tonnantes harmonies. Ce sont assurment les deux Bourres qui sont les mouvements les plus connus ; lorigine, la Bourre est une danse paysanne franaise charge de mlodies amples et entranantes. La Suite sachve sur une danse anglaise pleine dentrain, la Gigue, entrecoupe deffets virtuoses et dun impressionnant surcrot de notes. La Quatrime Suite en mi bmol majeur slance avec un impressionnant Prlude : 48 mesures darpges continuellement en mouvement, interrompus seulement par une pause que suit une longue guirlande de croches. De son ct, le Prlude de la Cinquime Suite en ut mineur semble plus rflchi ; cest le seul prlude parmi les six qui comprenne deux parties clairement dlimites et contrastes : une premire section sombre, daspect improvis, puis un passage fugu un vritable tour de force en matire de polyphonie une voix . Afin de satisfaire ses exigences harmoniques et ses besoins en matire de doubles cordes, mais galement pour assombrir quelque peu la couleur densemble, Bach demande que la corde de la, la plus aigu, soit accorde un ton plus bas, un sol. Enfin, la Sixime Suite en r majeur fut cre pour un instrument possdant non pas quatre cordes mais cinq, la viola pomposa (en allemand : Bassettchen), petit violoncelle cinq cordes accordes en quintes, invent par Bach lui-mme. En termes de taille, linstrument se situe mi-chemin entre le violoncelle et lalto. Au-dessus de la dernire corde du violoncelle, le la, il en possde une cinquime, un mi. Dans le Prlude, une longue guirlande dans un mouvement ininterrompu de /8 alimente une tension continuelle, du dbut la fin. Il est suivi de lAllemande la plus richement orne et la plus ample de toutes les six Suites. Par contre, la Courante semble plus retenue avec sa voix unique, sans recherche polyphonique, mais la Sarabande qui suit renoue avec un langage plus harmonique extraordinairement habile. Dans le cas prsent, les traditionnels deux Menuets entre la Sarabande et la Gigue sont remplacs par des Gavottes.

CD 14-15 : Sonates pour flte, BWV 030-03, BWV 033035 Partita, BWV 03Sonates pour flte & clavecin oblig : Si mineur, BWV 030 - Mi bmol majeur, BWV 03 - La majeur, BWV 03 Sonates pour flte & basse continue (clavecin, viole de gambe) : Ut majeur, BWV 033 - Mi mineur, BWV 034 - Mi majeur, BWV 035 Partita pour flte solo en la mineur, BWV 03En dehors de la sonate en solo et le quatuor cordes, lun des genres de musique de chambre les plus apprcis de nos jours est le trio avec piano, une forme dveloppe par Haydn, Mozart et Beethoven, qui sest poursuivie jusqu Chostakovitch. Habituellement, elle fait appel un clavier (clavecin, pianoforte ou, plus tard, piano), un violon et un violoncelle. Il sagit l, en ralit, dune cration de lpoque baroque, ne vers le milieu du 8me sicle partir de la sonate baroque pour deux ou trois instruments dune part, et la sonate pour clavier solo dautre part.7

Longtemps avant 750, le clavecin avait commenc assumer le rle principal dans les trios, au dtriment des deux instruments mlodiques alors que dans des poques plus recules, il ne servait qu soutenir la basse et lharmonie. Mais ds les annes 70 on lemploya de plus en plus au titre de obbligato (obligatoire, dont toute la partition tait crite en entier par le compositeur, l o le continuo ntait quune basse chiffre dont la ralisation tait laisse lapprciation de linterprte) devant jouer les deux ou trois voix auxquelles la musique faisait appel. Cest chez Bach que lon rencontre les meilleurs et les plus importants tmoignages de cette volution. Ces uvres de musique de chambre, datant de Cthen et Leipzig, comprennent les Sonates pour violon et clavecin oblig, BWV 1014-1019, les Sonates pour viole de gambe et clavecin, BWV 1027-1029, et les Sonates pour flte et clavecin, BWV 1030 et 1032. Parmi dautres exemples o le clavecin a clairement assum son rle de partenaire part entire, citons les Sonates de Mondonville pour clavecin et violon, op. 3 (734) et naturellement les clbres Pices de clavecin en concert de Rameau (74), sans oublier les premires Sonates de Mozart pour clavecin/pianoforte avec accompagnement de violon datant des annes 760. Dans ces uvres, le clavier sarroge le rle principal tandis que les instruments mlodiques (violon ou flte, souvent) sont relgus au rang de couleurs additionnelles. Dans certains cas mme Rameau, en particulier ils sont indiqus ad libitum. Les compositeurs de la sphre austro-germanique ajoutent frquemment une partie de violoncelle sense soutenir la ligne de basse ( colla parte ) du clavecin. Il arrivait que ces parties ne fassent pas mme lobjet dune partition spare lorsque les uvres taient dites. Parmi les sonates pour flte de Bach, on trouve galement de tels trios. Ces sonates peuvent se ranger en deux groupes : les pices pour flte et basse continue autrement dit, une ligne mlodique isole avec accompagnement dune basse (des uvres que lon appelait solo lpoque de Bach) , et les sonates en trio avec deux lignes mlodiques et une basse (appeles trios ladite poque). Les solos comprennent les Sonates pour flte et basse continue en ut majeur, BWV 1033 et mi mineur, BWV 1034. Les Trios, eux, sont reprsents par des uvres telles que les Sonates pour flte et clavecin oblig : la Sonate en si mineur, BWV 1030 assurment la meilleure uvre pour flte de Bach , la Sonate en mi bmol majeur, BWV 1031 et la Sonate en la majeur, BWV 1032. Notez que dans ces trios , la premire partie est tenue par la flte, la seconde par la main droite du piano (do la mention obbligato ), la troisime tant la basse. cette poque du baroque tardif, les sonates en Solo et en Trio reprsentaient le genre le plus rpandu dans le domaine de la musique de chambre, avec une lgre prfrence pour le Trio qui offrait de belles possibilits de dialogues et dimitations entre instrumentistes : les deux parties suprieures indpendantes, portes par la basse continue, mnent une conversation en musique au cours de laquelle ils expriment leurs accords, leurs dsaccords, parfois en harmonie lun avec lautre, parfois dans un duel amical. Le critique musical Johann Adolph Scheibe, contemporain de Bach, parle de ces sonates en trio comme tant Fugenmssig , semblables des fugues ou fugues , cest--dire quelles explorent le domaine de limitation sans entrer dans celui plus codifi de la vraie fugue. Cette caractristique se rencontre ds le dbut des morceaux, lorsque les deux parties mlodiques identiques entrent dans la ronde avec un lger dcalage lune par rapport lautre comme deux voix dune fugue. Parfois mme la basse se joint ce jeu pendant quelques mesures, quand bien mme elle retourne assez rapidement son rle de soutien tonal. lpoque de Bach, de telles sonates taient aussi senses alterner entre passages chantants et passages plus virtuoses, avec des chappes techniques telles que accords briss, traits ou fuses dans les mouvements rapides. Les mouvements lents, de leur ct, se devaient de proposer de belles lignes mlodiques fluides. En dehors de sa musique de chambre avec accompagnement de clavier, Bach nous a lgu une douzaine duvres pour un seul instrument mlodique sans aucune forme daccompagnement : les Sonates et Partitas pour violon et les Suites pour violoncelle. On peut galement compter dans ce genre la Partita en la mineur, BWV 1013, souvent joue la flte ( flauto traverso ), quand bien mme lcriture de cette pice peut laisser planer le doute quant linstrument pour lequel elle a rellement t conue lorigine. Certains ont suggr quil pourrait8

sagir dune sonate initialement crite pour un instrument cordes, si lon en juge par le flot ininterrompu de doubles-croches dans lAllemande quun fltiste est bien oblig dinterrompre de temps autres pour respirer Quels que soient ces points de vue, lauditeur peut dcouvrir ici de merveilleuses danses caractristiques telles que lAllemande la franaise, la Courante italienne, la Sarabande franaise, ainsi que la ptillante Bourre anglaise.

CD 16-17 : uvres pour luth, BWV 995-000 BWV 006aSuite en sol mineur, BWV 995 Suite en mi mineur, BWV 996 Suite en ut mineur, BWV 997 Prlude, Fugue & Allegro en mi bmol majeur, BWV 998 Prlude en ut mineur, BWV 999 Fugue en sol mineur, BWV 000 Suite en mi majeur, BWV 006aPendant une bonne partie de sa vie, Bach manifesta un intrt certain pour le luth et la musique qui lui est consacre. Selon linventaire de sa maison de Leipzig, il possdait une considrable collection dinstruments dont cinq clavecins, un clavecin pdalier, deux clavecins-luth, une pinette, deux violons, un violon piccolo, trois altos, un Bassetchen (viola pomposa : voir la Sonate pour violoncelle n 6), deux violoncelles, une viole de gambe et un luth. Ces instruments taient rservs lusage priv, pour les cours ou pour les concerts du Collegium Musicum. Mais ds que se prsentait loccasion, la famille donnait des concerts domestiques pour les invits. On connat quelques dtails sur lun de ces concerts : Wilhelm Friedemann, le fils an de Bach, tait l pendant quatre semaines et joua plusieurs fois la maison, avec les deux clbres luthistes MM [Silvius Leopold] Weiss et [Johann] Kropffgans de Dresde. Weiss faisait partie du cercle intime des amis musiciens invits par Bach jouer pour le Collegium Musicum de Leipzig au cours des annes 730. Quelques-unes des uvres pour luth de Bach ont vu le jour grce son amiti avec ce luthiste et aussi avec Ernst Gottlieb Baron. Qui plus est, deux des lves de Bach, Johann Ludwig Krebs et Rudolf Straube jouaient du luth et composaient pour linstrument. Grce ses liens privilgis avec quelques facteurs dinstruments, Bach eut loccasion dexprimenter sur tous les nouveaux instruments et prototypes quil voulait. Son intrt tait naturellement dordre artistique, mais galement dordre technique et matriel. Non seulement il fut un incomparable expert de lorgue, mais il joua un rle primordial dans le dveloppement et la facture de nouveaux types dinstruments clavier tels que le clavecin-luth, une variante de linstrument normal, tendue de cordes en boyau. Peut-tre tait-il tent de sessayer cet instrument hybride de par le fait que lun de ses neveux habitant Ina, Johann Nicolaus Bach, en avait lui-mme construit un. Plus tard, Johann Friederich Agricola se rappelait quil avait vu et entendu un clavecin-luth Leipzig autour de 740, dvelopp par Herr Johann Sebastian Bach et construit par Herr Zacharias Hildebrandt, de plus petite dimension que le clavecin normal . Bach a crit plusieurs ouvrages pour cet instrument, parmi lesquelles le Prlude, Fugue et Allegro en mi bmol majeur BWV 998 datant de 740 ou 74 et, selon lautographe, destin pour la Luth Cembal [sic, en franais], ainsi que la Suite en mi mineur, BWV 996. De nos jours, on joue ces uvres sur un luth normal. Bach fit usage du luth non seulement comme instrument solo mais galement dans les ensembles, comme par exemple dans la Trauermusik, BWV 198 crite en 77 et qui comporte deux parties de luth, ainsi que dans lArioso n 3 de la Passion selon saint Jean. Ses uvres pour luth solo comprennent trois suites, le Prlude, Fugue & Allegro mentionn plus haut, une Fugue isole et un Prlude isol. La Fugue en sol mineur, BWV 1000 est une adaptation ralise partir de la fugue de la Sonate en r mineur pour violon, BWV 1001, quil a dailleurs galement transcrite pour orgue (BWV 539), tandis que la Suite en mi majeur, BWV 1006a reprend la Partita en mi majeur pour violon solo, BWV 1006. Lune des uvres les plus impressionnantes de Bach pour le luth est sans doute la Suite en sol mineur, BWV 995, qui nous est parvenue sous forme de manuscrit autographe. Il sagit de larrangement de la Cinquime Suite9

pour violoncelle, BWV 1011 ; cela dit, le terme darrangement semble un peu pauvre eu gard au travail qui a t accompli. En effet, Bach radapte et largit de nombreux passages, transforme des lignes de basse, de telle sorte que luvre semble navoir jamais t crite que pour le luth ! la place de lhabituelle suite de mouvements : Allemande, Courante et Sarabande, il recourt un Loure, qui tire ses sources dune danse paysanne normande. Aprs la Gavotte en rondeau et deux Menuets, cest une Gigue qui vient clore louvrage sur une touche de lgret. Sur le manuscrit du Prlude en ut mineur, BWV 999, Bach a expressment crit Pour la lute [sic, en franais]. Et en effet, il sagit l dune pice rellement adapte la technique du luth, quand bien mme lun des diteurs des uvres de Bach au 9me sicle, Friederich Conrad Griepenkerl, linclut dans un recueil de petits prludes et la pice devint clbre sous le n 3, et surtout sous les doigts dinnombrables pianistes en herbe. Autour de 800 une main anonyme ajouta sur le manuscrit de la Suite en mi mineur, BWV 996 aufs Lautenwerk , pour le clavecin-luth , en rfrence linstrument dcrit plus haut. La Suite, joue gnralement au luth mais parfois aussi au clavecin, commence dune manire quasiimprovise par un prlude dune blouissante virtuosit, avant de se fondre dans un rcitatif puis de sachever comme une fugue. Dans la succession de danses : Allemande, Courante, Sarabande, Bourre et Gigue, on peroit aisment combien Bach avait dj matris le style la franaise ds son jeune ge, puisque louvrage est antrieur 708. Clemens Romijn

CD 18 : Sonates pour viole de gambe & clavecin, BWV 07-09Sonate en sol majeur, BWV 07 Sonate en r majeur, BWV 08 Prlude et Fugue en la mineur, BWV 894 Sonate en sol mineur, BWV 09Il nest pas difficile pour un musicologue disoler les lments qui singularisent les sonates de Bach pour viole de gambe et clavecin, ainsi dailleurs que la grande majorit de ses autres uvres. Dans le cas prcis, le compositeur sait mler une quantit invraisemblable de genres de formes, de styles, de moyens sonores et darchitectures appartenant au baroque allemand tardif. On peut aisment affirmer que ces diffrents lments navaient jamais, auparavant, t combins avec un tel gnie et une telle capacit dvelopper tous les potentiels de chaque motif, de chaque thme, de chaque harmonie dans une polyphonie ce point blouissante. Plus remarquable encore : ltude musicologique et historique tend confirmer que cette musique semble se suffire elle-mme, dans ses propres termes. Autrement dit, elle fonctionne la perfection mme si lon fait compltement abstraction de son contexte historique. Car en ralit lon pourrait considrer Bach comme une sorte de cul-desac musical : il na pas beaucoup uvr au progrs du langage de son poque et sa musique na que peu servi aux gnrations qui le suivaient immdiatement. Et pourtant il a atteint les plus majestueux sommets dans sa qute de perfection, et dans sa capacit transcender toute contrainte dordre historique, voire mme darrter le cours du temps et du progrs pendant quil redistribuait le monde de la musique selon ses conceptions. Limportance capitale de Bach dans lhistoire de lart occidental, alors quil ne faisait jamais que composer avec les moyens du bord, tient dans sa manire de changer le mode de pense, persuad quil tait juste titre quil avait saisi la manire dont le cosmos devait tourner. On ne connat pas rellement les raisons qui ont pouss Bach crire ses trois sonates pour viole de gambe et clavecin, pas plus que lon ne sait exactement quand elles furent crites. Seule lune delles existait dans une autre version pralable, sous forme de Sonate en trio pour deux fltes et continuo, BWV 1039 (voir plus loin CD 3), et on ne peut gure considrer que ce premier jet soit trs ancien par rapport la0

version nouvelle BWV 07. Par ailleurs, le manuscrit autographe de la Premire sonate date du dbut des annes 740. Et le style des trois sonates semble plus sapparenter au processus compositionnel du milieu de lpoque de Leipzig, plutt qu la priode durant laquelle il crivit la majeure partie de sa musique de chambre, savoir les annes 77 73 Cthen. De nombreux musicologues actuels se sont penchs sur le problme, en particulier Laurence Dreyfus, et on ne peut que constater que les conceptions plus anciennes ont t srieusement branles, en particulier pour la datation des sonates pour viole de gambe. Lhypothse dune gense assez tardive est encore renforce par une supposition lgrement tire par les cheveux, certes soutenue par Dreyfus et Lucy Robinson selon laquelle Bach aurait crit les sonates pour gambe pour le clbre virtuose Carl Friederich Abel, install Leipzig un certain temps entre 737 et 743, qui avait probablement tudi avec Bach. Il est vident que lexquise qualit graphique du manuscrit, non seulement dune beaut tonnante mais aussi judicieusement dispos de sorte permettre une tourne facile des pages pour le soliste, laisse accroire que la partition tait conue autant pour la prsentation que pour lexcution. Si lon considre, de surcrot, les innombrables dtails darticulation et dornementation (extraordinairement prcis), on imagine aisment que le compositeur a, l, prpar un manuscrit pour lun des concerts de Abel au Collegium Musicum de Leipzig. Daprs ce que lon sait, le manuscrit aujourdhui perdu de la Troisime sonate devait ressembler celui de la prcdente. Mais malgr tout le soin apport par Bach sa partition, il ne devait pas travailler avec le mme degr de mticulosit quun diteur moderne spcialis dans le Urtext : son poque, on ne considrait gure une uvre comme tant dfinitivement acheve et parfaite une fois termine. Le problme est dautant plus aigu lorsquil sagit de partitions tablies par des copistes postrieurs et souvent peu mticuleux, ainsi que cest le cas pour les Seconde et Troisime sonates. Il arrive frquemment que diffrentes sources offrent des lectures bien divergentes et il choit lexcutant moderne de prendre les dcisions, exactement comme devaient le faire les musiciens lpoque. Les titres eux-mmes laissent quelque peu perplexes : Sonates pour viole de gambe et clavecin oblig . En premier lieu, la viole de gambe commenait tomber en dsutude du temps de Bach, et si un compositeur allemand faisait appel linstrument, ctait soit au titre de continuo, soit pour des pices en solo caractre royal ou caractre de lamento. la limite, une grande uvre en solo pourrait reprsenter une sorte de pastiche de Suite dans le style franais du 7me sicle, mais en aucun cas le style moderne de la sonate. Plus tonnant encore, le rle du clavecin qui tient ici une partie obbligato (cest--dire que la main droite du clavecin se voit confier une voix part entire, intgralement crite par le compositeur, et pas seulement la ralisation des harmonies chiffres laisses sa fantaisie dimprovisateur), ce que Bach fut lun des rares musiciens faire de manire assez frquente on se souvient des parties obliges de clavecin dans les sonates pour flte et pour violon . Les Sonates BWV 1027 et BWV 1028 sont crites dans le genre de Corelli : quatre mouvements (lent, rapide, lent, rapide), mais Bach ne se contente pas dinstaller un style monolithique dans chacun des morceaux. Leurs premiers mouvements se rfrent au langage mlodique reprsentatif de la sonate en trio traditionnelle, mais latmosphre pastorale de la Premire sonate intgre galement de nombreux lments chromatiques et contrapuntiques, parfois mme entre les trois voix. La Seconde sonate souvre sur une mlodie courte, presque galante, accompagne dune basse dans le genre moderne appel basse dAlberti. Mais bientt la gambe et le clavecin dveloppent un discours en imitation parfois mme en canon rigoureux , des lments musicaux qui sembleraient bien trop srieux considrant la lgret du discours mlodique. Alors que le second mouvement de la Sonate BWV 1027 reprend le style conventionnel de la fugue, Bach lui donne un tour singulirement galant, une tendance encore accentue dans le second mouvement de la Sonate BWV 1028 crit sous forme binaire (plus adapt la danse) et dont les lments fugus sont relgus au second plan la faveur dune texture insouciante et lgre. Luvre la plus marquante reste la Sonate BWV 1029, qui ne comporte que trois mouvements au lieu des quatre habituels. Cela ressemble

naturellement bien plus au concerto vivaldien qu la sonate en trio, dautant plus que le style lui-mme de lcriture voque la forme concertante telle enseigne que certains analystes ont cru y voir une transcription dun concerto plus ancien. Quoi quil en soit, cette sonate, mme considre sous sa forme plus intime, reste doublement intressante du fait quelle aborde deux mondes bien diffrents qui dpassent largement son langage habituel. Le Prlude et Fugue en la mineur, BWV 894 prsente un complment intressant aux sonates pour viole de gambe. Il ne fait certes aucun doute quil soit dune origine plus ancienne, probablement lpoque de Weimar, mais Bach nhsita pas en rutiliser largement le matriau dans son Triple concerto pour violon, flte et clavecin, BWV 1044, aussi tardivement que pendant ses annes Leipzig. Il ny a rien de surprenant ce quil ait repris cet excellent ouvrage plus ancien : les deux mouvements prsentent de fortes similitudes avec le concerto vivaldien, et la structure en ritournelle du Prlude procde autant du concerto italien que luvre de Bach qui porte prcisment ce nom (crit aux alentours de 730). Bach et son cousin J. G. Walter avaient dvelopp un genre assez spcial de musique pour clavier partir de 73 : la transcription de concertos dorigine italienne pour le clavecin ou lorgue. Ce prlude semble tre le stade suivant, o Bach crirait des uvres originales pour clavier dans le style du concerto. De par ses sections virtuoses qui senchanent par difficult croissante, le morceau semble une sorte de prototype du grand solo du Cinquime Concerto Brandebourgeois, le premier concerto jamais crit qui fasse appel un clavecin solo. Il est difficile de ne pas voir un lien direct entre le Prlude en la mineur et le premier mouvement de la Sonate BWV 1029 pour viole de gambe : les deux morceaux voquent la forme du concerto, et le principe assez conventionnel de la ritournelle appliqu dans luvre la plus ancienne semble tre lobjet dune nouvelle exploration, de digressions et dune complte reconstruction dans la Sonate. John Butt

CD 19 : Loffrande musicale, BWV 079 - Canons, BWV 07-078 - Canons sur les Variations GoldbergOffrande Musicale(Ricercare a 3 - Ricercare a 6 - Sonate en trio Sonata sopril soggetto reale a traversa, violino e continuo (Sonate sur le thme royal pour traverso, violon et continuo) - Thematis Regii, Elaborationes Canonicae [9 Canons - Fugue canonica in Epidiapente])

Canons, BWV 07-078 Canon sans BWV Canons varis sur les 8 premires notes de basse de laria des Variations Goldberg, BWV 087Lune des plus clbres rencontres de lhistoire de la musique est celle entre Jean Sbastien Bach et Frdric II de Prusse en 747, trois ans avant la disparition du compositeur. Selon toute vidence, cest le second fils de Bach, Carl Philipp Emanuel, qui larrangea, profitant de son poste de claveciniste auprs de la cour de Frdric Potsdam, prs de Berlin. Bach ne voyageait pas seul : il tait accompagn de son fils an Wilhelm Friedemann. Frdric, qui donnait tous les jours un concert de flte avec ses musiciens, nhsita pas linterrompre ce 7 mai 747 au cri de Le vieux Bach est arriv . Johann Nicolaus Forkel, le premier biographe de Bach, raconte comment Bach fut immdiatement invit essayer quelques-uns des quinze forte-pianos Silbermann installs dans les diverses pices du chteau. On imagine la scne : le roi de Prusse Frdric II, peut-tre sa jeune sur la princesse Amalia, les deux fils Bach, les frres Benda, le fltiste Quantz et les frres Graun, un auditoire de grand luxe. Bach fut invit jouer de lorgue puis improviser sur un thme fourni par le roi : cet exploit fut salu avec la plus grande admiration. Ds son retour Leipzig, Bach se mit immdiatement au travail, une srie de pices daprs le thme royal quil appela Loffrande musicale. Peut-tre avait-il estim navoir pas tir toutes les possibilits dudit thme Potsdam. Loffrande musicale est lexemple-type des uvres les plus tardives de Bach. Au mme titre que dans lArt de la fugue, il se concentre exclusivement sur les techniques dimitation ; dans le cas prsent, on

peut caractriser louvrage de srie de variations contrapuntiques . On y trouve deux Ricercares pour clavecin (autrement dit, des fugues ; lune trois parties, lautre six parties), et dix canons de diffrents genres, ainsi quune sonate en trio en quatre mouvements pour flte, violon et basse continue. Chacune de ces pices exploite le thme de Frdric II. Selon la tradition, Bach avait improvis le Ricercare trois voix sur place, devant le roi. Quant la Sonate en ut mineur, qui fait appel entre autres la flte, elle reprsente un hommage vident au royal fltiste. Le Thema Regium (thme royal) se retrouve dans les quatre mouvements, soit au titre de cantus firmus strict dans lAllegro , soit sous forme dvocation du motif. Cette sonate en trio est lexemple parfait de la dernire manire de Bach, o une technique de contrepoint impeccable sert dappui damples phrases portant lyriques et mouvantes. Loin dtre des apocryphes, les Canons, BWV 1072-1078 & Canon a 2 sans n de BWV, bien que trs courts, sont de vritables petits bijoux dcriture et souvent dtonnants tours de force dont le parfait naturel musical cache une immense complexit technique. Les Canons, BWV 1076, 1077 et 1078 datent mme de la fin de la vie du compositeur 747 749 ; il les a conus comme petits cadeaux des personnalits marquantes de la socit rudite de Leipzig une poque o il navait plus rien ni prouver, ni solliciter. Notons que cest le BWV 1076 que Bach tient la main dans le clbre portrait de lui qua fait Elias Gottlieb Hausmann. Veschiedene Canones ber die ersten Fundamental-Noten der Aria aux den Goldberg-Variationen (Canons varis sur les 8 premires notes de basse de laria des Variations Goldberg), BWV 087 Ce nest quen 974 que lon redcouvrit Strasbourg un des seize exemplaires de ldition de 74 des Variations Goldberg ; mais cet exemplaire tait rien moins que celui, personnel, de Bach ; pour preuve, outre de nombreuses annotations manuscrites dans les Variations, cette dernire page gribouille de manuscrits autographes, comportant quatorze canons sur le thme de basse des Variations. Quatorze, en accord avec le code de la Guematria cabalistique , selon lequel A=, B=, C=3 etc., reprsente le total des lettres du nom de BACH le mme nombre que celui des Contrapunctus de LArt de la fugue. Sur ces 4 canons, douze taient totalement inconnus ; le plus clbre des deux dj connus tait naturellement le Canon triplex, figurant sur le clbre tableau de Gottfried Hausmann reprsentant Bach tenant un manuscrit la main ; ce morceau est galement connu sous le BWV 076, et ce titre est prsent sur ce mme CD dans la srie des Canons 07-078 ! Loin dtre des anecdotes musicales, ces quatorze pices sont dinvraisemblables trsors dingniosit, exercices fondateurs des canons encore plus complexes car plus longs de LOffrande musicale. Il convient donc de les considrer comme une visite de laboratoire dun gnie de la construction musicale.

CD 20 / 21 : Sonates pour clavecin & violon, BWV0409N en si mineur, BWV 04 N en la majeur, BWV 05 N 3 en mi majeur, BWV 06 N 4 en ut mineur, BWV 07 N 5 en fa mineur, BWV 08 N 6 en sol majeur, BWV 09 Appendice I : 3e mouvement de la Sonate n 6, BWV 09a, re version Appendice II : 4e mouvement de la Sonate n 6, BWV 09, re versionSi Bach nous est connu aujourdhui, en termes de fonction sociale, cest comme le Kantor de lglise Saint-Thomas de Leipzig. partir de 73 et pendant 6 ans, il fut responsable de toute la musique sacre pour les dimanches et les ftes religieuses auprs des quatre principales glises de Leipzig. Au cours des trente dernires annes, de nouveaux aspects de sa vie et de son travail Leipzig ont t dvoils. Ainsi, il semble maintenant acquis quil crivit Leipzig bien plus de musique de chambre que ce3

que lon pensait, alors quil tait auparavant entendu que ctait plutt l son occupation Cthen entre 77 et 73. En ralit, la vie et luvre de Bach ont t jusquici observs trop schmatiquement ; de la sorte, on nimaginait gure qutant Kantor et Director Musices Leipzig, il pouvait galement sintresser une musique qui nappartenait pas son champ dactivits officielles. En 79, lanne o fut joue pour la premire fois la Passion selon saint Mathieu, Bach fut nomm directeur du Collegium Musicum de Leipzig, un groupe de musiciens professionnels et dtudiants, fond par Georg Philip Telemann en 70. Avec cet ensemble, Bach donnait des concerts tous les vendredis soir au Caf Zimmermann : il y jouait souvent des concertos pour clavecin (avec ou sans la participation de ses fils ans Friedemann et Emanuel), ainsi que des cantates profanes et des pices de musique de chambre. Parmi ces uvres, il convient de compter les trois Sonates pour viole de gambe, BWV 1023-1029, les Sonates pour flte et clavecin, BWV 1031 et BWV 1032, ainsi que les Six Sonates clavecin oblig & violon, BWV 1014-1019. Selon toute vidence, Bach tenait luimme la partie de clavecin. En vritable artiste cosmopolite, Bach incorpora dans sa musique de chambre de nombreuses formes, de nombreux styles et techniques de toutes origines, y compris donc des origines extra-germaniques. La sonate, la sonate en trio et le concerto taient des inventions italiennes, tandis que la suite tait dessence franaise. Lapport allemand reprsente la fusion de ces lments trangers et leur traitement dans un langage polyphonique, fugu ou en canon. Les six Sonates pour violon et clavier en sont lexemple parfait. Son point de dpart est la sonate en trio litalienne, un genre dans lequel deux voix aigus voluent dans une sorte de dialogue au-dessus dune ligne de basse. Cette mme technique a t reprise par Bach dans ses Inventions trois voix, conues comme uvres didactiques lusage de ses fils et de ses lves. Dans la conception de la partie de clavecin, toutefois, lapproche de Bach diverge radicalement de celle de ses prdcesseurs ou contemporains. Dans les sonates en trio de Haendel, par exemple, le clavecin est limit son rle de continuo, alors que Bach llve au rang dinstrument concertant part entire. Dailleurs, toutes les copies contemporaines de Bach portent le titre de sonates pour clavecin et violons , le clavecin tant cit en premier. Parmi les trois parties ou voix que comptent les sonates en trio ( trio faisant ici rfrence non pas forcment au nombre de musiciens, mais au nombre de voix contrapuntiquement indpendantes et obliges), le clavecin en assume deux : la main droite joue la seconde partie mlodique tandis que la main gauche grne la ligne de basse. De la sorte, Bach libre le clavecin du rle servile de basse continue que lui avait attribu le langage baroque : linstrument accde au titre de partenaire parts gales dans lensemble. Par la mme occasion, il ouvrit une brche dans laquelle devait sengouffrer son second fils, Carl Philip Emanuel. Mais Bach va plus loin encore : il abandonne frquemment le concept traditionnel de la sonate en trio comme tant un ouvrage strictement crit trois voix. Parfois le clavecin lui-mme joue les trois parties, sous forme dinvention trois voix, tandis que le violon ajoute une quatrime voix. En ralit, ce nombre de voix slve parfois cinq, voire mme six : quatre au clavecin et deux au violon, par le truchement des doubles-cordes. En mme temps, il lui arrive de ne jouer que sur deux voix : le violon et la voix de basse la main gauche tandis que la main droite grne des accords briss (le troisime mouvement de la Sonate BWV 1015, par exemple). Mieux encore, le troisime mouvement de la dernire Sonate BWV 1019 propose au clavecin un monologue dans lequel il joue, en solo, une partie absolument monodique. Ainsi quon peut le voir, les sonates prsentent toutes sortes de situations o le clavecin ou le violon, tour tour, dominent le discours musical. Quant limitation rigoureuse trois voix, elle est gnralement rserve aux mouvements rapides : les deux voix suprieures se poursuivent en canon ou en forme fugue, comme dans le troisime mouvement de la Sonate BWV 1015. De manire gnrale, les sonates pour violon comportent quatre mouvements selon le modle appel sonate dglise : lent, rapide, lent, rapide. Ce modle se vrifie dans les cinq premires sonates, mais pas dans la sixime. En effet, la version la plus frquemment joue de cette dernire sonate compte cinq mouvements, dont le solo de clavecin mentionn plus haut, et un deuxime second mouvement lent au4

milieu de louvrage. Les deux mouvements sont des merveilles, quand bien mme on peut considrer leur existence comme une sorte de curiosit, dincongruit dans la sonate. Si lon gardait les deux premiers mouvements ainsi que le dernier, on obtiendrait une pice de forme classique ; mais Bach a dlibrment suivi un chemin de traverse qui illustre royalement sa capacit adopter tous les styles, genres et toutes les conventions du moment pour les faire siennes, dans son langage immanquablement personnel.

CD 22 : Le Petit Livre dAnna Magdalena BachMenuet, BWV Anh. 3 - Menuet, BWV Anh. 4 - Menuet, BWV Anh. 5 - Rondeau, Les Bergeries, BWV Anh. 83 - Menuet, BWV Anh. 6 - Polonaise, BWV Anh. 7 - Menuet, BWV Anh. 8 Polonaise, BWV Anh. 9 - Chorals : Wer nur den lieben Gott lsst walten, BWV 69 - Gib dich zufrieden und sei stille, BWV 50 - Gib dich zufrieden und sei stille, BWV 5 - Gib dich zufrieden und sei stille, BWV 5 - Menuet, BWV Anh. 0 - Menuet, BWV Anh. - Marche, BWV Anh. - Polonaise, BWV Anh. 3 - Marche, BWV Anh. 4 - Polonaise BWV Anh. 5 - Aria : So oft ich meine Tobackspfeife, BWV 55a - Menuet, fait par M. Bhm - Musette, BWV Anh. 6 - Marche, BWV Anh. 7 - Polonaise, BWV Anh. 8 - Bist du bei mir, BWV 508 - Aria, BWV 988 - Solo per il cembalo, BWV Anh. 9 - Polonaise, BWV Anh. 30 - Prludium, BWV 846 - Sans titre, BWV Anh. 3 - Aria : Warum betrbst du dich, BWV 56 - Rcitatif & Aria : Ich habe genug, BWV 8 - Schaff s mit mir, Gott, BWV 54 - Menuet, BWV Anh. 3 - Aria di Giovanni, BWV 58 - Choral : Dir, Dir, Jehova, will ich singen, BWV 99 - Wie wohl ist mir, o Freund der Seelen, BWV 57 - Aria : Gedenke doch, mein Geist, BWV 509 - O Ewigkeit, du Donnerwort, BWV 53Lanne 7 fut une anne mouvemente pour Bach : en mars il terminait ses Concertos Brandebourgeois ddis au margrave de Brandebourg, Christian Ludwig, mais il perdit galement la personne qui lavait soutenu pendant treize ans et lui avait donn quatre enfants : son pouse Maria Barbara. Comble du malheur, son frre an Johann Christoph, qui avait t son mentor Ohrdruf, disparut galement. Bach, g de 35 ans, se retrouvait seul avec quatre enfants : Catharina Dorothea ( ans), Wilhelm Friedemann (0 ans), Carl Philip Emanuel (6 ans) et Johann Gottfried Bernhard (5 ans). En dcembre de cette mme anne, il se remaria avec la talentueuse soprano Anna Magdalena Wlcken, 0 ans, avec qui il avait dj eu souvent loccasion de faire de la musique ; elle tait la fille du trompettiste la cour Johann, Caspar Wlken. Anna Magdalena devait rapidement devenir lindispensable compagne et consolatrice de Bach, ne se limitant dailleurs pas aux affaires domestiques : Cthen ainsi qu Leipzig, avec une patience anglique, elle copia dinnombrables uvres de son mari. En lespace de quatre ans, Bach lui offrit deux compilations : lune en 7 Cthen