lipides et immunité

5
Nutr. Clin. M6tabol. 1993 ; 7 : 131-135 Lipides et immunit Pierre Youinou 1, Jean-Fran(;ois Menez 2, Paul Le Goff 3 et Jean-Michel Boles 4 1. Laboratoire d'immunologie (Pr P. Youinou). 2. Laboratoire de biochimie A (Pr LA Bardou). 3. Service de rhumatologie (Pr Le Goff). 4. Service de r6animation m~dicale et urgences (Pr JM Boles) CHRU, Brest. R~sumd Les acides gras polyinsatur~s des s~ries omega-3 et omega-6 jouent un rSle d~terminant dans la physio- logie du syst~me immunitaire. Leurs fonctions sont d'abord chimiques : les ~icosanoides qui en d~cou- lent influent sur l'inflammation et p~nalisent macro- phages et polynucldaires neutrophiles. Ce sont ~gale- ment de puissants inhibiteurs de l'immunitd sp~cifique. Ensuite leurs fonctions sont physiques : les r~cepteurs du syst~me endothelial peuvent ~tre saturds par des micelles lipidiques. Enfin, elles sont structurales puisque la fluidit~ de la membrane des lymphocytes et, en consequence, la mobilit~ des r~- cepteurs de surface d~pendent de la composition en acides gras des phospholipides constitutifs de la membrane. Mots-clds : Acides gras, eicosano'fdes, inflammation, cytokine, rdcepteur de membrane. aei e~eo~oids e infl on but reduee mac andp effieieney. Ad- ditionally, they are potent i 0fspe im- is phy~cal : ptors may be On a longtemps ratiocind sur le fait de savoir si les li- pides affectaient le syst6me immunitaire. Actuellement, l'opinion pr6vaut que leur intervention est d6cisive. En effet, observations cliniques, exp6rimentations ani- males, essais th6rapeutiques et manipulations di6t6ti- ques se multiplient. Un constat l'atteste [1] : le nombre d'articles consacrds aux huiles de poisson dans la litt6- rature mddicale est pass6 de 110 en 1984 /t 319 en 1989. Correspondance: P. Youinou, Laboratoire d'immunologie, CH0, BP 824, 29609 Brest Cedex. Regu le 22 decembre 1992, accepte apr¢s revision le 15 f~- vrier 1993. L'influence des lipides est complexe, puisqu'elle rd- suite d'un 6quilibre subtil entre acides gras satur6s et acides gras polyinsatur6s et, parmi ces derniers, entre ceux de la s6rie om6ga-3 et ceux de la s6rie om6ga-6. Elte est d6terminante dans l'inflammation qui est une r6ponse immunitaire non sp6cifique. Elle s'exerce 6galement dans l'immunit6 sp6cifique, c'est-A-dire au niveau des lymphocytes T et des lymphocytes B. Les membranes de ces cellules sont constitu6es de lipides dont d6pendent non seulement leur fluidit6, mais 6gale- ment la mobilit6 des r6cepteurs dont elles sont pour- vues [2]. Alors que les prot6ines cellulaires sont d6termin6es en quantit6 et en qualitd par la g6n6tique, l'abondance et la nature des acides gras de la membrane varient en fonc- 131

Upload: pierre-youinou

Post on 05-Jul-2016

215 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

Page 1: Lipides et immunité

Nutr. Clin. M6tabol. 1993 ; 7 : 131-135

Lipides et immunit

Pierre Youinou 1, Jean-Fran(;ois Menez 2, Paul Le Goff 3 et Jean-Michel Boles 4 1. Laboratoire d'immunologie (Pr P. Youinou). 2. Laboratoire de biochimie A (Pr LA Bardou). 3. Service de rhumatologie (Pr Le Goff). 4. Service de r6animation m~dicale et urgences (Pr JM Boles) CHRU, Brest.

R~sumd

Les acides gras polyinsatur~s des s~ries omega-3 et omega-6 jouent un rSle d~terminant dans la physio- logie du syst~me immunitaire. Leurs fonctions sont d'abord chimiques : les ~icosanoides qui en d~cou- lent influent sur l' inflammation et p~nalisent macro- phages et polynucldaires neutrophiles. Ce sont ~gale- ment de puissants inhibiteurs de l'immunitd sp~cifique. Ensuite leurs fonctions sont physiques : les r~cepteurs du syst~me endothelial peuvent ~tre saturds par des micelles lipidiques. Enfin, elles sont structurales puisque la fluidit~ de la membrane des lymphocytes et, en consequence, la mobilit~ des r~- cepteurs de surface d~pendent de la composition en acides gras des phospholipides constitutifs de la membrane. Mots-clds : Acides gras, eicosano'fdes, inflammation, cytokine, rdcepteur de membrane.

aei e ~ e o ~ o i d s e infl on but reduee mac a n d p effieieney. Ad- ditionally, they are potent i 0 f s p e im-

is phy~cal : ptor s may be

On a longtemps ratiocind sur le fait de savoir si les li- pides affectaient le syst6me immunitaire. Actuellement, l 'opinion pr6vaut que leur intervention est d6cisive. En effet, observations cliniques, exp6rimentations ani- males, essais th6rapeutiques et manipulations di6t6ti- ques se multiplient. Un constat l'atteste [1] : le nombre d'articles consacrds aux huiles de poisson dans la litt6- rature mddicale est pass6 de 110 en 1984 /t 319 en 1989.

Correspondance: P. Youinou, Laboratoire d'immunologie, CH0, BP 824, 29609 Brest Cedex. Regu le 22 decembre 1992, accepte apr¢s revision le 15 f~- vrier 1993.

L'influence des lipides est complexe, puisqu'elle rd- suite d'un 6quilibre subtil entre acides gras satur6s et acides gras polyinsatur6s et, parmi ces derniers, entre ceux de la s6rie om6ga-3 et ceux de la s6rie om6ga-6. Elte est d6terminante dans l ' inflammation qui est une r6ponse immunitaire non sp6cifique. Elle s 'exerce 6galement dans l 'immunit6 sp6cifique, c'est-A-dire au niveau des lymphocytes T et des lymphocytes B. Les membranes de ces cellules sont constitu6es de lipides dont d6pendent non seulement leur fluidit6, mais 6gale- ment la mobilit6 des r6cepteurs dont elles sont pour- vues [2].

Alors que les prot6ines cellulaires sont d6termin6es en quantit6 et en qualitd par la g6n6tique, l 'abondance et la nature des acides gras de la membrane varient en fonc-

131

Page 2: Lipides et immunité

P. YOU1NOU et coll.

tion du r6gime alimentaire. 11 est 6videmment possible de modifier ce r6gime et donc tentant de v6rifier quels sont les effets de ces corrections sur le syst6me immu- nitaire. Si l 'on part d'une nutrition artificielle, il s'agit de tester les r6ponses immunologiques. Si l 'on part d'une situation immunitaire anormale (l'auto-immunit6 par exemple), il s'agit d 'en infl6chir les tendances en se servant du r6gime alimentaire.

Physiologie des lipides

Classification

On distingue les lipides simples qui sont des esters d'acides gras et de divers alcools et les lipides complexes qui regroupent phospholipides, glycolipides et aminolipides [3]. Le constituant de base est donc l'acide gras. Trois d'entre eux sont li6s au glyc6rol darts les triglyc6rides. Les phospholipides n'en poss6dent que deux puisque le troisi6me site du glyc6rol est occu- p6 par un groupement phosphate, lui-m~me uni A un compos6 hydrophile comme la choline ou la s6rine. La fonction essentielle des acides gras est de constituer les membranes.

Acides gras

Les acides gras sont form6s de longues cha~nes d'atomes de carbone qui relient le groupement m6thyl d'une extr6mit6 au groupement carboxyle de l'autre. Certains sont satur6s (ils ont deux atomes d'hydrog6ne sur chaque atome de carbone), d'autres ne le sont pas (ils pr6sentent une ou plusieurs doubles liaisons). Ils sont d6sign6s pour un ensemble de trois chiffres : le nombre d'atomes de carbone qui suit le groupement m6thyl, le nombre de doubles liaisons et un dernier chiffre pr6c6d6 par la lettre n qui indique la position de la premi6re double liaison (figure 1). L'acide linol6ni- que par exemple s'6crit C18:3 n-3, puisqu'il y a 18 atomes de carbone, trois doubles liaisons et que la premi6re d'entre elles se trouve A trois atomes de car- bone en aval du groupement m6thyl initial. Les acides gras satur6s qui n'ont pas de double liaison, sont d6si-

acide [inot6nique ~ ~ N ~ C18 : 3n- 3 / V / \

CH3 3 R- COOH

6 R-COOH

acide LinoL6ique C18:2n-6

CH3

acide o[~ique C18:"In-9

CH3 9 R-COOH

Figure 1 : Formules des acides linolknique (om4ga-3), linol4nique (omkga-6) et ol4ique (omkga-9).

gn6s par C16:0 s'il s'agit de-l'acide palmitique et par C18:0 si c'est l 'acide st6arique. Les deux peuvent se muer en acide ol6ique (C18:1 n-9) qui est l'acide gras le plus r6pandu dans le r6gne animal comme dans le r~gne v6g6tal. L'acide linol6ique (C18:2 n-6) et l 'acide linol6nique (C18:3 n-3) sont qualifi6s d'acides gras es- sentiels puisque l'organisme est incapable de les syn- th6tiser.

Quand plusieurs acides gras polyinsatur6s portent leur premi6re double liaison entre les m6mes atomes de car- bone, on les range sous l'appellation om6ga, suivi du num6ro du premier de ces atomes de carbone. Ainsi, acide linol6ique et acide arachidonique appartiennent A la cat6gorie des acides gras om6ga-6 ; l'acide linol6ni- que, l'acide 6icospenta6noique (EPA) et l'acide docosa- hexa6no~que (DHA) A celle des acides gras om6ga-3 ; l'acide ol6ique A celle des acides gras om6ga-9.

M~tabolisme

Les phospholipases d6crochent les acides gras des phospholipides membranaires, notamment l'acide ara- chidonique. Les acides gras de la s~rie om6ga-3 et ceux de la s6rie om6ga-6 ne sont pas convertibles les uns dans les autres (figure 2). Ceux de la premiere s6rie sont en competition avec ceux de la seconde vis-A-vis des enzymes oxydatifs qui donnent naissance A des d6- riv6s collectivement appel6s 6icosano~des : prostaglan- dines (PG), prostacyclines et thromboxanes (TX) s'il s'agit de la cyclooxyg6nase, leucotri~nes (LT) s'il s'agit de lipoxyg6nase.

Aux concentrations normales, ce sont les acides gras de la s6rie om6ga-6 qui l'emportent. La production d'acide arachidonique est favoris6e ; ce dernier est converti en PGE2, prostacycline, thromboxane A2 et LTB4. En exc~s d'acides gras de la s6rie om6ga-3, ce composant de la s6rie om6ga-3 est m6tabolis6 en EPA et DHA ; ils sont transform6s en PGE3, prostacycline E3, TXA3 et LTB5.

C'est ce qui se produit quand le r~gime est riche en huiles de poisson (c'est-A-dire en acides gras de la s~rie om6ga-3). L'apport d 'EPA et de DHA est consid6- rablement augment6. En revanche, les huiles v6g6tales (c'est-A-dire les acides gras de la s6rie om6ga-6) procu- rent de l'acide gamma-linol6nique qui aboutit A la PGE1, au TXA1 et A la LTB5, apr~s avoir 6t6 converti en acide di-homo-gamma-linol6nique.

Effets immunologiques

Fonctions chimiques ,

I m m u n i t d n o n spdcifique

Les 6iocasono~des jouent un r61e central dans l'inflam- mation quand ils d6rivent des acides gras de la s6rie om6ga-6. La PGE2 augmente le flux sanguin dans des

132

Page 3: Lipides et immunité

LIPIDES ET IMMUNIT]~

~;ERIE n - 3 SERIE n - 6

AC. ~" LINOLENtQU_~_ (ALA) AC. LINOLEIQUE (LA)

18 : I n - 3 1 8 : 2 n i 6

I 0.6-O SATURAS 1 18 : 4 n - 3 Ac. 7- LINOLENIQUE (GLA)

l 1 8 : 3 i . 6 I 'ONGASEt 20 :!4 n - 3 Ac. DIHOMO - 7 - LINOLENIQUE

I D- 5- DESATURASE I 20:3 In" 6

Ac. EICOSAPENTAENOIQUE (EPA) ~' 20 : 5 n - 3 Ac. ARACHIDONIQUE (AA)

l [ELONGASE ' 20:4~n-6

2 2 : 5 n - 3 (DPA) 2 2 : 4 n - 6

Ac. DOCOSAHEXAENOIQUE (DHA) 2 2 : 6 n - 3 2 2 : 5 n - 6

(DGLA)

Figure 2 : Le mktabolisme des acides gras de la sOrie omkga-3 et de la skrie omkga-6 prockde par dOsaturations et O- longations successives.

petits vaisseaux dilat6s et favorise la transsudation travers leurs parois. La TXA2 induit l'agr6gation des plaquettes. La LTB4 entraine l'accumulation des poly- nucl6aires neutrophiles et des monocytes en suscitant leur chimiotactisme, acc616rant le flux sanguin, aug- mentant la perm6abilit6 des vaisseaux et favorisant l'adh6rence des polynucl6aires neutrophiles aux eel- lules endoth61iales de ces vaisseaux. De plus, elle faci- lite le relargage des enzymes lysosomiales en exag6rant l'entr6e du calcium dans le cytosot des polynucl6aires neutrophiles [4]. L'importance de cette action est illus- tr6e par la baisse de la ch6miluminescence des polynu- cl6aires neutrophiles de sujets ~ qui des huiles de pois- son ont 6t6 administr6es. Les macrophages sont 6galement affect6s. Leur migration dans le p6ritoine et leur aptitude h phagocyter sont r6duites au bout de six semaines chez les rats nourris par des acides gras po- lyinsatur6s de la s6rie om6ga-3 [5]. C'est vrai pour la phagocytose spontan6e, qa l'est aussi pour la phagocy- tose qui suit la captation de complexes immuns par les r6cepteurs pour le Fc des IgG [6]. En cons6quence, la s6cr6tion d'interleukine (IL 1) et de tumor-necrosis fac- tor (TNF) est diminu6e sous l 'effet d'acides gras de la s6rie om6ga-6 [7].

Cet effet anti-inflammatoire s'exptique par le fait qu'en substituant des acides gras de la s6rie om6ga-3 ~ ceux de la s6rie om6ga-6, on obtient des PGE3 ; des TXA3 et des LTB5 (qui sont peu inflammatoires), et non plus des PGE2, des TXA2 et des LTB4 (qui sont trbs inflam- matoires). De plus, la lipoxyg6nase est favoris6e aux d6pens de la cyclo-oxyg6nase : il y a davantage de LT que de PG et de TX.

De nombreux essais d'introduction des acides gras de ta s6rie om6ga-3 ont 6t6 r6alis6s dans le lupus 6ryth6- mateux diss6min6 de la souris [8] et dans la polyarthrite rhumatoYde de l 'homme [9]. Dans ce dernier cas, les in- dices cliniques de l'inflammation, comme la dur6e de l'enraidissement matinal et le nombre d'articulations douloureuses, sont notablement am61ior6s par le r6gime alimentaire. En fait, on obtient des r6sultats analogues [10] en apportant, non pas des acides gras de la s6rie om6ga-3, mais de l'acide gamma-linol6nique qui est le produit interm6diaire entre l'acide linol6ique et l 'acide di-homo-gamma-linol6nique. Celui-ci sera converti en 6icosanoYdes peu inflammatoires, plut6t qu'en 6icosa- noYdes tr6s inflammatoires, par l'interm6diaire de l'acide arachidonique.

Immunit~ sp~cifique

Certains 6icosanoYdes sont de puissants inhibiteurs de l'immunit6 ~ m6diation cellutaire, en particulier les PGE2. La prolif6ration des lymphocytes T induite par des mitog6nes ou par des cellules allog6niques est di- minu6e, par exemple si l 'on ajoute des lipololysaccha- rides bact6riens au milieu de culture [11]. Cette inter- vention n'est pas univoque, puisque l'activation pr6alable de cellules ne d6pend pas des acides gras es- sentiels [12] et que l'effet obtenu par les PGE2 est inf6- rieur h celui que l 'on obtient avec des acides gras po- lyinsatur6s de la s6rie des om6ga-6 [13]. I1 ne suffit donc pas que les macrophages produisent des PGE2, au lieu de s6cr6ter de I'IL1 pour que diminue la prolif6ra- tion des lymphocytes T. Ces acides gras agissent, non seulement en augmentant la production de PGE1 et de

133

Page 4: Lipides et immunité

P. YOUINOU et coll.

PGE2 (dont l 'effet est plut6t immuno-suppresseur), mais 6galement en favorisant la traduction de I 'ARN messager codant pour I 'IL1 (dont l 'effet est plut6t im- muno-inducteur). Ces actions sont contradictoires, mais le bilan est une r6duction de l 'immunit6 fi m6diation ceUulaire. La prolif6ration lymphoblastique due g un mitog6ne, comme la phytoh6magglutinine A (PHA), ou /L un antig6ne comme la tuberculine, est diminu6e quand des acides gras de la s6rie omdga-6 sont ajout6s aux cultures de lymphoeytes [14]. De m~me, en compldtant le rdgime alimentaire de souris par ces acides gras, on pr6vient le rejet de greffe et la r6action du greffon contre l 'h6te [15]. I1 semble que cette sup- pression soit due aux PGE1 puisqu'elle n 'est plus pos- sible quand les souris ont pr6alablement 6t6 traitdes par un anticorps contre les PGE1.

L'administration d'acides gras de la s6rie om6ga-3 en- traine 6galement une immunosuppression chez la souris [15] et chez l 'homme [16]. Mais il semble que son m6- canisme ne passe pas par les PG. En fair, les r6sultats varient d'une esp6ce/t l 'autre : les acides gras de la s6- rie om6ga-3 diminuent la r6action ~ la PHA chez l 'homme [17], mais l 'augmentent chez le lapin [18]. Chez la souris, ils varient m~me d'une souche /t l 'au- tre : ces acide gras r6duisent la r6action ~t la concanava- line A chez la Balb/c, mais pas chez la NZB/NZW [19].

D'autres cytokines sont perturb6es, I ' IL2 par exemple [20], qui ~ partir des lymphocytes T suscite l 'expres- sion de ses r6cepteurs par les cellules T et par les cel- lules B. M~me quand les r6cepteurs sont pr6sents, ils remplissent mal leur office, puisque la transduction se fait mal au niveau de la membrane.

L'importance des acides gras dans le fonctionnement des lymphocytes B e s t difficile/t 6valuer. Les lympho- cytes de volontaires soumis/t un rdgime riche en huiles de poisson (c'est-g-dire en acides gras de la s6rie om6- ga-3) r6agissent norrnalement vis-g-vis de l 'anatoxine t6tanique contre laquelle ils ont 6t6 immunis6s [16].

Cependant, la production d'anticorps antianatoxine t6- tanique par les lymphocytes B de ces volontaires est r6- duite quand les cellules sont mises en culture apr6s trois semaines de r6gime. Cette observation est peut- ~tre diffdr6e puisque EPA et DHA doivent s 'accumuler dans la membrane des lymphocytes B pour y exercer leur effet.

Immunit$ antitumorale

Les acides gras de la s6rie om6ga-3 r6agissent favora- blement sur l'immunit6 antitumorale, qu'il s'agisse de la production de TNF par les macrophages ou de l 'acti- vit6 natural killer [21]. Ce qui a pour consdquence de retarder l'6volution du cancer. Les acides gras de la s6- rie omega-6 n'ont pas la m~me efficacit6.

Fonctions physiques

Systbme rdticuloendothdlial

Les r6cepteurs pour le Fc des IgG et pour le compl6- ment g la surface des cellules du syst6me r6ticuloendo- thdlial du poumon, du foie et de la rate peuvent ~tre sa- turds par des micelles de graisses, au cours d'une alimentation artificielle par des lipides. L'effet varie d'une pr6paration/t l 'autre, en fonction de la longueur des chaines d'acides gras, et non pas en fonction de leur degr6 de saturation [22].

Influence des bactdries

Le destin des bact6ries h gram-n6gatif diff6re de celui des bactdries g gram-positif, puisque les premi6res sont prot6g6es par une enveloppe de lipopolysaccharides alors que les secondes ne le sont pas. La peau, le tube digestif et l 'arbre respiratoire assurent un certain 6quili- bre entre les unes et les autres dans les conditions nor- males. En exc~s d'acides gras de la s6rie om6ga-6, les germes /t gram-n6gatif sont favoris6s, puisque ces acides gras polyinsatur6s se comportent comme des d6- tergents fi l '6gard des germes ~ gram-positif.

Fonetions strueturales

Fluiditd de la membrane

Si l 'on modifie la composition en acides gras des phos- pholipides de la membrane cellulaire, on en alt6re la fluidit& Elle d6pend de la longueur des chaines acyl et de leur degr6 de saturation.

Ainsi, l 'incorporation d'acides gras polyinsatur6s (de la sdrie om6ga-3 comme de la s6rie om6ga-6) augmente cette fluidit6, favorisant la synthbse des prot6ines et la capacit6 des cellules/L se diviser.

Effieacitd des rdeepteurs

Les enzymes de la membrane sont d'autant plus perfor- mants que cette membrane est plus mobile. Nombre de r6cepteurs sont exprim6s /~ la surface des lymphocytes, en particulier les adh6sines [23]. La densit6 des mol6- cules LFA-1 par exemple est augment6e fi la surface des cellules T et des cellules B en pr6sence d'acide li- nol6ique, alors que celle des mol6cules MEL-14 dimi- nue sous l'influence de l 'acide arachidonique. D'autres fonctions sont d6volues aux r6cepteurs membranaires, la pr6sentation de l'antigbne par les mol6cules HLA de classe II des macrophages ou sa captation par les rdcep- teurs sp6cialis6s des lymphocytes T par exemple.

Bref, l'influence des lipides sur le fonctionnement du syst6me immunitaire est pr6ponddrante. Ce constat jus- title le recours ~ des r6gimes riches en acides gras, po- lyinsaturds de la s6rie om6ga-3 darts le traitement du lu- pus 6ryth6mateux diss6min6 de la souris, mais 6galement dans celui de la polyarthrite rhumatoide, du

134

Page 5: Lipides et immunité

LIPIDES ET IMMUNITI~

syndrome de Gougerot-Sj6gren et de la scl6rose en pla- ques de l 'homme. Ces tentatives n ' e n sont qu'h leur d6- but.

Bibliographie 1. Simopoulos AP. Omega-3 fatty acids in health and disease

and in growth and development. Am. J. Clin. Nutr. 1991 ; 54 : 438-463.

2. Won JMF, Teo TC, Bayayan VK, Blackburn GL. Lipids and the development of immune dysfunction and infec- tion. JPEN 1988 ; 12 (suppl.) : 435-525.

3. Mayes PA. Lipides. In : Martin DW Jr, Mayes PA, Rod- well VW Eds. Pr6cis de biochimie de Halper. Qu6bec : Les Presses de l'Universit6 Laval ; 1985 : 212-226.

4. Stirosis P, Borgeat P, Jeanson A. The action of leuko- trienne B4 on the lung. Prostaglandins Med. 1980 ; 5 : 429-432.

5. Guimaraes AR, Costa-Rosa LF, Stisnik RH, Curi R. Effect of polyunsaturated and saturated fatty acids-rich diets on macrophage metabolism and fimction. Biochem. Int. 1991 ; 23 : 533-543.

6. Lennartz MR, Brown EJ. Arachidonic acid is essential for IgG Fc receptor-mediated phagoeytosis by human monocytes. J. Immunol. 1991 ; 147 : 621-626.

7. Endres S, Ghorbani R, Kelley VE, Georgilis K, Lonne- mann G, Van der Meer JWM, Cannon JG, Rogers TS, Klempner MS, Weber PC, Schaefer EJ, Wolf SM, Dina- rello CA. The effect of dietary supplementation with n-3 polyunsaturated fatty acids on the synthesis on interleu- kin-1 and tumor necrosis factor by mononuclear cells. N. Engl. J. Med. 1989 ; 320 : 265-271.

8. Morrow WJW, Homsy J, Swanson CA, Ohashi Y, Estes J, Levy JA. Dietary fat influences the expression of auto- immune disease in MRL lpr/lpr mice. Immunology 1986 ; 59 : 439-443.

9. Kremer JM, Jubiz W, Michalek A, Rynes R, Bartholomew L, Bigaoette J, Timchalk M, Beeler D, Lininger L. Fish- oil fatty acid supplementation in active rheumatoM ar- thritis. Ann. Intern. Med. 1987 ; 106 : 497-504.

10. Pullman-Mooar S, Laposata M, Lem D, Holman RT, Le- venthal L J, de Marco D, Zurier RB. Alteration of the cellular fatty acid profile and the production of eicosa- noids in human monocytes by gamma-linolenic acid. Arthritis Rheum. 1990 ; 33 : 1526-1533.

11. Jordan ML, Hoffman RA. Prostaglandins E2 mediates subset specific effects on the functional responses of al- losensitized T lymphocyte clones. Transplantation 1987;43 : 117-121.

12. Or R, Kovar J, Domenico J, Gelfand EW. Essential fatty acids and vion are involved at distinct stages of the pro-

liferative cycle but not in the activation of human T cells. Clin. Immunol. lmmunopathol. 1992; 62: 314- 320.

13. Calder PC, Bevan SJ, Newholme EA. The inhibition of T Lymphocyte proliferation by fatty acids is via an eicosa- noid-independent mechanism. Immunology 1992; 75 : 108-115.

14. Mertin J, Hughes D. Specific inhibitory action of polyun- saturated fatty acids on lymphocyte transformation in- duced by PHA and PDD. Int. Arch. Allergy Appl. Im- munol. 1975 ; 48 : 203-210.

15. Mertin J, Stackpole A, Shumway S. Nutrition and immu- nity : the immunoregulatory effect of n-6 essential fatty acid is mediated through prostaglandin. E. Int. Arch. All. Apple Immunol. 1985 ; 77 : 390-395.

16. Virella G, Fourspring K, Hyman B, Haskill-Stroud R, Long L, Virella I, La Via M, Gross A J, Lopes-Virella M. Immunosuppressive effects of fish oil in normal hu- man volunteers : correlation with the in vitro effects of eicosapentonoic acid on human lymphocytes. Clin. Im- munol, lmmunopathol. 1991 ; 61 : 161-176.

17. Kelley DS, Branch LB, Love JE, Taylor PC, Rivera YM, Jacono JM. Dietary a-linolenic acid and immuno- competence in humans. Am. J. Clin. Nutr. 1991 ; 53 : 40-46.

18. Kelley DS, Nelson GJ, Serrato CM, Schmidt PC, Branch LB. Effects of type of dietary fat on indices of immune status in rabbits. J. Nutr. 1988 ; 18 : 1376-1384.

19. Alexander NJ, Smythe NL. Dietary fat modulation of in vitro lymphocyte function. Ann. Nutr. Metab. 1988; 32 : 192-199.

20. de Bracco MM, Fink SB, Finiaz MR, Borda ES, Sterin- Borda L. Positive inotropic effect of interleukin-2. Role ofphospholipases and protein kinase C. Int. J. Immuno- pharmacol. 1991 ; 13 : 509-515.

21. Kort WJ, Weijman IM, Bijman AM, Van Schalkwijk WP, Vergroesen A J, Westbroek DL. Omega-3 fatty acids in- hibiting the growth of a transplantable rat mammory adenocarcinoma. J. Natl. Cancer. Inst. 1987 ; 79 : 593- 599.

22. Kuse R, Kemmitz J, Kotzerke J, Wassmann R, Gubematis G, Ringe B, Pichlmayr I. Fat emulsions in parenteral nutrition after liver transplantation : the recovery of the allografts RES function and histological observations. Clin. Nutr. 1991 ; 9 : 331-336.

23. Twisk AJ, Detering F, Kraal G. The fatty acid composi- tion of the lymphocyte cell membrane. Influence on in- teractions with high endothelium and the expression of homing receptors. Immunobiology 1991; 183: 386- 395.

135