l’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein

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Revue archéologique du Centre de la France Tome 49 | 2010 Varia L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) : entre respect des normes et variabilité des chaînes opératoires The Magdalenian lithic industry from the openair site of la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier): production standards and production lines variability Raphaël Angevin Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/racf/1421 ISSN : 1951-6207 Éditeur Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du centre de la France (FERACF) Référence électronique Raphaël Angevin, « L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) : entre respect des normes et variabilité des chaînes opératoires », Revue archéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 49 | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/racf/1421 Les contenus de la Revue archéologique du centre de la France sont disponibles selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modication 4.0 International.

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Page 1: L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein

Revue archéologique du Centre de la France

Tome 49 | 2010Varia

L’industrie lithique magdalénienne du gisementde plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre,Allier) : entre respect des normes et variabilité deschaînes opératoiresThe Magdalenian lithic industry from the openair site of la Corne-de-Rollay

(Couleuvre, Allier): production standards and production lines variability

Raphaël Angevin

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/racf/1421ISSN : 1951-6207

ÉditeurFédération pour l’édition de la Revue archéologique du centre de la France (FERACF)

Référence électroniqueRaphaël Angevin, « L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay(Couleuvre, Allier) : entre respect des normes et variabilité des chaînes opératoires », Revuearchéologique du Centre de la France [En ligne], Tome 49 | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2011,consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/racf/1421

Les contenus de la Revue archéologique du centre de la France sont disponibles selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0International.

Page 2: L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein

Raphaël Angevin*

_______________________________________________________

Revue archéologique du centre de la France, Tome 49, 2010 : 1-38.

Mots-clés : Corne-de-Rollay, Allier, Magdalénien, technologie lithique, débitage laminaire, débitage lamellaire, ramiication des chaînes opératoires.

Keywords: Corne-de-Rollay, Allier, Magdalenian, lithic technology, blade production, bladelet produc-tion, production lines ramiication.

Résumé : Le site de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) correspond à un vaste gisement de plein-air localisé sur le sommet d’un plateau de basse altitude, entre val de Cher et val d’Allier. La présente contribution expose les résultats de l’étude effectuée sur l’industrie lithique pro-venant de l’occupation magdalénienne de ce dernier gisement. Réalisée à partir de deux grands types de matériaux (les silex marins allochtones et les roches siliceuses d’origine locale), cette industrie témoigne de la mise en œuvre de plusieurs schémas opératoires de débitage ayant pour inalité principale la production de lames et de lamelles. La forte varia-bilité des schémas opératoires rencontrés dans la production lamellaire nous a conduit à nous interroger sur le degré d’autonomie accordé aux différents systèmes de production, visant à la confection de supports aux caractéristiques morpho-techniques parfois proches et aux propriétés morpho-fonctionnelles pouvant souvent être considérées comme analogues ou complémentaires. Cette dernière réalité nous invite donc à envisager sous un jour nouveau le phénomène particulier de “ ramiication des chaînes opératoires ” (Bourguignon et al. 2004), pouvant répondre à des objectifs de production semblables, mais s’établissant dans le cadre d’échelles de temps distinctes. In ine, l’attribution chrono-culturelle de cet assemblage au Magdalénien moyen est discutée.

L’industrie lithique magdalé-nienne du gisement de plein- air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) : entre res-pect des normes et variabi-lité des chaînes opératoires

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* Conservateur du patrimoine, Ministère de la Culture et de la Communication, Service régional de l’archéologie, DRAC Alsace.

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RACF 49, 20102

1. PRÉSenTATiOn gÉnÉRALe

Le gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay, d’une supericie de plusieurs hectares, est situé à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Moulins et, plus précisément, à 2,5 km environ du village de Couleuvre (Fig. 1). D’un point de vue géologique, cette zone s’inscrit dans le cadre des formations plio-quaternaires dites des “ sables et argiles du Bourbonnais ”, témoins des remanie-ments profonds de l’Ère tertiaire, et s’établissant en stratigraphie sur le socle gréseux du début de l’Ère secondaire (Trias ; Obert et al. 1997). Le site, loca-lisé à mi-distance de la vallée du Cher et de celle de l’Allier, occupe une vaste zone s’étendant sur la partie sommitale d’un plateau de basse altitude, culminant à 320 m environ, et formant la limite na-turelle de partage des eaux entre les bassins de la Bieudre à l’est, de l’Auron au nord et de la Mar-mande au nord-ouest. La bordure sud de ce plateau est entaillée par la vallée de l’un des afluents rive gauche de la Bieudre, qu’il domine d’environ 45 m. Ce ruisseau, qui constitue la principale ressource en eau à proximité, n’est actuellement distant du gise-ment que de 500 m. Mentionné très tôt dans la lit-térature spécialisée (Brinon 1925 ; Pardieu 1937), ce gisement a fait l’objet de multiples explorations conduites par M. Piboule puis J. Perchat, qui l’ont prospecté de manière systématique et ont récolté la série lithique, inédite ou presque, qui a fait l’objet de cette étude (Piboule 1976, 1979 et 1985 ; Per-chat 1991 ; Angevin 2007). Ces ramassages de sur-face ont été complétés, en 1986, par la réalisation de deux sondages, s’étendant respectivement sur une supericie de 2 m², puis par l’ouverture d’une ex-tension du sondage 1 et d’une tranchée de contrôle stratigraphique en 1987 (Perchat, Piboule 1986 ; Perchat 1987 ; Fig. 2a).

Différentes occupations, dont l’homogénéité semble assurée par l’absence directe de palimp-

Abstract: La Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) is a vast open-air camp-site located on the top of a small plateau, between Cher valley and Allier valley. Here are presented the results of a study of the lithic industry from the Magdalenian occupation of this settlement. Composed of two large groups of raw materials (lint and local siliceous rocks), this industry shows several operative schemes to produce blades and bladelets. The high variability of different blade-lets production techniques leads us to question the autonomy of different production systems which are destined to produce blanks with similar morpho-technical characteristics and with the same or complementary morpho-functional features. This consideration invites us to re-consider the phenomenon of the “production lines ramiication” (Bourguignon et al. 2004), with different operative schemes able to meet similar production objectives, but established at distinct time scales. Finally, the chrono-cultural attribution of this industry is discussed.

1. PRÉSenTATiOn gÉnÉRALe2. AXeS De ReCHeRCHe eT PRinCi-

PAUX OBJeCTiFS De L’ÉTUDe3. PRÉSenTATiOn DU CORPUS

ARCHÉOLOgiQUe4. LeS MATiÈReS PReMiÈReS

eXPLOiTÉeS : CARACTÉRiSATiOn, TeRRiTOiReS, ÉCOnOMie

5. Le DÉBiTAge5.1. Le débitage laminaire

5.2. Le débitage lamellaire

5.3. Le débitage d’éclats

6. L’OUTiLLAge7. DU SiTe AU TeRRiTOiRe : LeS COM-

PORTeMenTS TeCHniQUeS DeS MAg-DALÉnienS De LA CORne-De-ROLLAY À L’ÉPReUve DeS STRATÉgieS ÉCOnO-MiQUeS RÉgiOnALeS

7.1. Autonomie des productions, variabilité

des supports, diversité des échelles de

temps

7.2. Une spéciicité des “ industries de carence ” ?

8. enTRe “ BADegOULien RÉCenT ” eT “ MAgDALÉnien MOYen/SUPÉRieUR AU-veRgnAT ” : ÉLÉMenTS De RÉFLeXiOn SUR LA PLACe De L’inDUSTRie De LA CORne-De-ROLLAY AU Sein De LA SÉ-QUenCe PLÉni- eT TARDigLACiAiRe DU MASSiF CenTRAL eT De SeS MARgeS

■ BiBliographie

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 3

seste, ont pu être mises en évidence sur le site. Elles s’établissent sur des aires distinctes dont les limites ont pu être déinies approximativement par la ré-currence des prospections pédestres (Fig. 2b). Ainsi J. Perchat signale, aux côtés du gisement magda-lénien mentionné précédemment, l’existence d’un horizon moustérien (Fig. 31) s’établissant dans une

1. Nous avons fait le choix de publier ici les dessins lithiques – de qualité – de J. Perchat réalisés lors de l’exploration du

zone située à 70 m environ à l’est du sondage 1, ainsi que la présence d’une occupation plus lâche, dans un secteur délimité à environ 300 m au sud de ce même sondage, et se rapportant probablement à la période néolithique (Perchat 1991).

Lors de la réalisation des différents sondages, J. Perchat a pu mettre en évidence deux ni-

gisement, et ce même si ces derniers s’écartent parfois des normes et conventions actuelles de représentation.

700 - 1000 m

1000 - 1300 m

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Limite de département

Fig. 1 : Localisation du site de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier, France).

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RACF 49, 20104

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Fig. 2b : Plan topographique du site et localisation des différentes occupations reconnues (DAO : R. Angevin).

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RACF 49, 20106

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1, biface de type ovalaire - 2-4, racloirs simples convexes

Fig. 3- La Corne-de-Rollay (ALLIER)

gisement moustérien de tradition acheuléenne - Outillage lithique

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Fig. 3 : La Corne-de-Rollay (Allier) - Outillage lithique provenant du gisement moustérien de tradition acheuléenne

(1, biface ; 2-4, racloirs simples ; 3, racloir double convergent ; dessins J. Perchat).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 7

veaux, apparaissant de manière systématique au cours des différents décapages. Le premier de ces ensembles correspond à la couche végétale super-icielle, régulièrement bouleversée par les labours saisonniers et les travaux agricoles modernes. Cet horizon humifère, assez riche en matériel lithique,

ne dépasse pas 10 à 15 cm de profondeur. Le second niveau coïncide quant à lui avec une “ structure pierreuse ” que le fouilleur propose d’interpréter comme un niveau d’habitat structuré se rapportant à la période magdalénienne (Fig. 4 et 5). Ce dernier ensemble, correspondant à un niveau de sables ar-gilo-limoneux ins et meubles, ne semble avoir été que peu remanié par d’éventuels phénomènes post-dépositionnels d’origine anthropique ou pédogéné-tique. Signalons toutefois qu’aucun reste organique n’est conservé et qu’aucune datation absolue n’est possible.

2. AXeS De ReCHeRCHe eT PRinCiPAUX OBJeCTiFS De L’ÉTUDe

S’agissant de ramassages de surface, aucun contrôle stratigraphique ne permet d’afirmer que le matériel issu du site magdalénien correspond à une ou plusieurs occupations distinctes2. En préa-lable à cette étude, et malgré la faible dispersion verticale et horizontale des vestiges, la forte den-sité de matériel mise en évidence au niveau de l’occupation magdalénienne doit cependant nous interroger sur l’homogénéité de cette importante série : une telle abondance témoigne-t-elle d’une seule occupation durable ou, au contraire, d’une succession de plusieurs installations réparties au cours du temps et dont le mélange serait dû à des conditions taphonomiques particulières ? À la suite d’un certain nombre d’observations effectuées a posteriori à partir des données recueillies lors de la réalisation des différents sondages (essais de re-montages et de raccords, analyse de la répartition spatiale des vestiges), aucune réponse satisfaisante n’a pu être apportée à cette question. De fait, seule une étude globale des composantes de l’industrie a permis d’éclairer notre rélexion, en mettant en évidence, de manière assez nette, l’homogénéité de la série dite magdalénienne (cf. infra). En effet, la cohérence du corpus typologique et du système techno-économique envisagés ainsi que la recon-

2. Rappelons que, dans le cas d’un site de plein-air comme ce-lui-ci, la faiblesse des observations réalisées sur le terrain doit légitimement nous interroger sur la représentativité de l’en-semble étudié de même que sur les possibilités de mélanges entre différents horizons culturels. Ainsi, de manière générale, un examen critique des données taphonomiques révèle bien souvent que de faibles composantes typo-technologiques par-ticulières ne correspondent pas forcément à un assemblage “ atypique ” ou “ de transition ”, mais plutôt à des indices de mélanges entre différents niveaux archéologiques.

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Fig. 4 : Relevé simpliié de la “ structure pierreuse ” et du niveau archéologique en place (Sondage 1) (d’après Perchat, 1991).

Fig. 5 : Vue du sondage 1 en cours de décapage (© J. Perchat).

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RACF 49, 20108

naissance d’une méthode de débitage particulière, mise en œuvre dans l’extraction de lamelles, plai-dent en faveur si ce n’est d’une unique occupation durable, tout du moins d’une succession d’installa-tions assez rapprochées dans le temps. Notons, par ailleurs, que l’argument d’une patine différentielle, un temps avancé par les inventeurs du gisement, ne peut être évoqué ici, car il ne recouvre en aucun cas une réalité d’ordre uniquement chronologique.

La description de l’industrie lithique magda-lénienne de la Corne-de-Rollay a suivi une dé-marche documentaire désormais “ classique ” en Préhistoire. Cette étude technologique s’est atta-chée à la reconstitution des différentes modalités d’acquisition des ressources siliceuses ainsi qu’à la caractérisation des diverses méthodes de pro-duction, par l’analyse des procédures d’exploita-tion et d’exécution qui leur étaient associées. Dans le même temps, elle a envisagé la question majeure de l’affectation et du traitement des supports dans l’outillage, ain d’évaluer les inalités du processus technique. Enin, l’étude du matériel a été menée d’un point de vue typologique, en regard aux infor-mations obtenues lors de l’analyse technologique de l’industrie. Il nous a alors été possible de pré-ciser partiellement les objectifs du débitage, par la reconnaissance de possibles critères de sélection et des supports.

La série considérée se distingue par une relative diversité des chaînes opératoires mises en œuvre. Notre approche s’est donc articulée autour de cet aspect fondamental, en essayant d’explorer la réa-lité complexe de cette variabilité des systèmes de production, tant d’un point de vue technique qu’économique, mais aussi en s’interrogeant lé-gitimement sur la nature des liens qui pouvaient exister, à différents niveaux, entre les multiples schémas d’exploitation rencontrés. Pour cela, il a bien évidemment été nécessaire de dresser, au préalable, un premier constat des variabilités, ana-logies et différences, susceptible de guider notre rélexion. À la suite de cette première étape des-criptive – constituant un pré-requis indispensable, mais dont le risque était de nous conduire à une simple “ typologie classiicatoire ” des systèmes techniques – il nous a fallu déterminer la valeur intrinsèque ou extrinsèque de chacune d’entre elles, ain de préciser les “ intentions ” du débitage ainsi que le “ domaine des possibles ” qui leur était associé (Pelegrin 1995). Cependant, l’absence de remontages et le caractère sélectif des vestiges (prospection systématique), notamment en ce qui concerne la majeure partie du débitage laminaire,

ont été des facteurs qui ont fortement limité le ni-veau d’analyse de certains aspects techniques. Il nous a ainsi été dificile parfois d’évaluer la re-présentativité de telle ou telle modalité, de telle ou telle procédure.

S’appuyant sur des bases solides bien qu’in-complètes, ce travail devrait toutefois permettre, malgré les limites méthodologiques évoquées pré-cédemment et qui sont pour partie inhérentes aux conditions d’exploration du gisement, de poser de nouveaux jalons pour la connaissance du Magda-lénien dans le nord du Massif central, notamment d’un point de vue techno-économique.

3. PRÉSenTATiOn DU CORPUS ARCHÉOLOgiQUe

La série lithique magdalénienne de la Corne-de-Rollay se compose de 3139 artefacts en silex et de 21 pièces en roches à structure cristalline (quartz) représentant un poids total de 39,79 kg (Tabl. 1). L’ensemble de l’industrie se répartit inégalement entre 10 blocs bruts, 52 nucléus, deux “ outils-nu-cléus ”, cinq blocs testés, 413 outils, 1128 produits bruts de débitage, 196 chutes de burin et 1354 restes de taille indéterminés. Les lames et lamelles brutes sont au nombre de 917 et représentent respective-ment 45,1 % et 36,2 % de l’ensemble des produits de débitage. Nous avons par ailleurs décompté 203 éclats qui totalisent, 18,7 % de ce dernier groupe. Ce matériel résulte majoritairement d’une unique forme de sélection des vestiges (prospection en la-bour) qui, en l’absence de tamisage systématique, semble nuire fortement à la représentation de la fraction ine de l’industrie lithique. Néanmoins, le déroulement des différents sondages stratigra-phiques a permis de rééquilibrer en partie la ba-lance des données morphométriques, en imposant un tamisage à l’eau systématique (maillage resser-ré à 2 mm) de l’ensemble des sédiments.

4. LeS MATiÈReS PReMiÈReS eXPLOiTÉeS : CARACTÉ-RiSATiOn, TeRRiTOiReS, ÉCOnOMie

D’un point de vue économique, l’absence de gîtes de matière première de bonne qualité à proximité immédiate du gisement a contraint les Magdalé-niens à apporter, sous différentes formes, des maté-riaux exogènes présentant une très bonne aptitude à la taille laminaire et lamellaire. Cependant, pour répondre à des besoins importants en supports, ils ont été contraints de tailler des matériaux de

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provenance locale et de moindre qualité, lesquels n’ont pas forcément donné d’aussi bons résultats.

La majeure partie de l’industrie lithique a ainsi été obtenue aux dépens de nodules siliceux d’ori-gine secondaire ou tertiaire, communément appe-lés “ silcrètes ”, qui se rencontrent fréquemment au sein des complexes sédimentaires du Bourbonnais et de ses marges3. Les Magdaléniens de la Corne-de-Rollay se sont ainsi approvisionnés dans les gîtes du nord et de l’ouest du département de l’Al-lier, situés à une distance qui peut varier de 3 à 25 km à vol d’oiseau, et dont une majeure partie de la gamme des matériaux respectifs semble repré-sentée (Fig. 6). Nous avons ainsi déterminé quatre variétés principales de silcrètes, représentant un corpus de 1738 pièces (soit 55 % du matériel en silex), auxquelles s’ajoutent 59 artefacts (1,87 %) que nous n’avons pu rapprocher d’un contexte pré-cis, mais dont la matière première semble égale-ment appartenir à la sphère régionale.

Il s’agit, pour leur majorité, de “ silexites ” d’origine pédogénétique, affectant les forma-tions du Trias ou de l’ère tertiaire, et afleurant en divers points de l’actuelle forêt de Tronçais (Piboule 1976 ; Clozier et al. 1988 ; Obert et al. 1997). L’ensemble de ce corpus se caractérise par une assez forte variabilité de faciès, se tradui-sant notamment par la reconnaissance de silicii-cations aux teintes variées, diversement translu-cides, à texture plus ou moins ine, parfois zonées ou ponctuées d’inclusions dendritiques. Le cortex peut être absent sur certaines variétés (formations de type “ cuirasse ”). Lorsqu’il est présent toute-fois, il est d’épaisseur généralement supérieure à 5 mm. Certains blocs retrouvés bruts présentent, par ailleurs, de larges surfaces diaclasiques qui, lorsqu’elles n’ont pas affecté la qualité générale du support, ont pu se révéler propices au débitage.

Au sein d’un deuxième groupe, de nombreux artefacts paraissent se rapprocher des accidents siliceux jaunes et noirs de la région de Saint-Plai-sir et de Couleuvre (Allier) affectant de manière indifférenciée les terrains triasiques, jurassiques et tertiaires s’inscrivant dans le prolongement de la faille Sancerres-Sancoins (Obert et al., ibid.). Ces différents matériaux se retrouvent, en position primaire ou secondaire, sur les gîtes de “ Genne-tines ” ou du ruisseau de “ Civrais ”, séparés du

3. Cette dernière analyse se fonde sur l’étude des caracté-ristiques macroscopiques des matériaux (couleur, texture, cortex, etc.).

gisement par une distance d’une dizaine de kilo-mètres environ.

Le troisième ensemble regroupe les meulières éocènes ou oligocènes d’origine lacustre prove-nant des faciès argilo-calcaires situés en marge du Berry, et localement bien développés en rive gauche du Cher, près de Meaulne, au nord-est de Saulzais-le-Potier et jusque dans le bassin de Montluçon (Fig. 6). Enin, les formations siliceuses jaunes ou brunes du Trias, afleurant à proximité de Vitray et des Grandes-Loges, semblent, elles aussi, représentées, mais dans une moindre proportion que les différentes variétés évoquées précédem-ment. L’ensemble de ces matériaux appartenant au “ fonds commun bourbonnais ” a été réuni, dans cette étude, sous l’appellation générique de “ sil-crètes/meulières locales ”, regroupant la totalité des roches dures d’origine régionale, totalement ou partiellement siliciiées, pouvant être d’origine lacustre ou pédogénétique, et correspondant peu ou prou aux siliciications intraformationnelles de l’actuelle forêt de Tronçais et de sa bordure.

Les matériaux d’origine allochtone composent, quant à eux, 35,85 % en poids de l’industrie li-thique. Au sein de cet ensemble, trois variétés prin-cipales ont pu être déterminées. Il s’agit, en premier lieu, des silex marins du Turonien inférieur de la bordure méridionale du Bassin parisien (28,9 %), généralement rassemblés sous le vocable de “ si-lex blonds ” (25,2 %), mais qui peuvent également présenter des teintes relativement variées, allant du gris-noir (2,4 %) au blanc translucide moucheté de noir (1,3 %) (Masson 1981 ; Surmely et. al. 1998). Cette attribution a pu être conirmée par le recours aux études micro-faciologiques et micropaléonto-logiques, ainsi que par l’analyse des isotopes du strontium et des éléments-traces par ICPMS réa-lisée sur trois échantillons archéologiques (Sur-mely 2006). Malgré un spectre de comparaison relativement étendu, l’origine géographique des silex archéologiques analysés n’a toutefois pu être déterminée avec précision. Avec prudence, nous avons également isolé 99 pièces (3,15 %) se rap-prochant des formations du Turonien supérieur, et dont certaines, de couleur brun-roux, semblent évoquer les silex de la région du Grand-Pressigny (calcarénites siliciiées), avec le risque toutefois de variations de faciès identiques (Aubry 1991, Surmely, Pasty 2003, Primault 2003). Un ap-provisionnement depuis l’ouest semble en outre conirmé par la présence de 73 pièces (2,3 % ; Fig. 6) correspondant probablement aux silicii-cations secondaires des calcaires de l’Hettangien

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 11

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de la région de Châteaumeillant et de Saint-Jean-vrin (Cher).

Les silex marins sont généralement parvenus sur le site sous la forme de nucléus préformés ou de blocs déjà largement dégrossis et partiellement débarrassés de leur cortex. Les produits corticaux associés sont alors peu abondants et les cassons de débitage ne composent qu’une part restreinte de ce corpus. Cependant, la faible proportion des restes de taille et des nucléus (n = 10) ainsi que l’absence de remontages doivent nous alerter sur l’éventualité d’un transport de supports utiles préalablement débités. Elle témoigne en effet, si ce n’est d’une modalité de circulation unique de ces différents matériaux sous la forme de produits bruts ou préalablement transformés en outils, en tous cas d’une importante segmentation de la chaîne opératoire de débitage dans le temps et dans l’espace (Fig. 7).

Le contraste est très net avec les différentes variétés de matières premières régionales qui ont fait l’objet d’un traitement uniquement local et qui ont donc connu le même mode d’introduction sur le gisement. Ainsi, ces dernières ne semblent avoir été aménagées qu’après leur arrivée sur le site, l’ensemble de la chaîne opératoire de dé-bitage étant alors représenté, depuis la phase de dégrossissage et de décorticage des blocs jusqu’à

celle de transformation des supports, en passant par la mise en forme des nucléus et le plein débitage.

Enin, 209 artefacts (6,6 % de l’industrie) n’ont pu être rapprochés de l’un ou l’autre de ces faciès, l’altération des surfaces étant la principale cause de ce taux d’indétermination. Néanmoins, une obser-vation attentive de l’ensemble de ces pièces nous permet raisonnablement d’afirmer que ces der-nières ne dissimulent pas de variétés susceptibles de bouleverser signiicativement le schéma général.

5. Le DÉBiTAge

Un des traits caractéristiques de la série envisagée paraît être la forte représentation des vestiges liés au débitage laminaire et, dans une moindre mesure, à la production lamellaire. Quelle que soit la matière première utilisée, le débitage semble donc s’être orienté vers la confection de supports allongés et rectilignes, de dimensions variées.

5.1. Le débitage laminaire

Le débitage laminaire semble répondre à un cer-tain nombre de normes techniques qui, si l’on excepte quelques variantes contingentes somme

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(en pourcentage du poids, pour chaque type).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 13

toute assez logiques, trahissent une réelle “ rigi-dité ” des schèmes traditionnels du Magdalénien. Les grands principes du débitage apparaissent ain-si identiques à ceux mis en évidence sur d’autres gisements sub-contemporains, évoluant parfois dans des contextes économiques beaucoup plus favorables. En effet, malgré des procédures et des volumétries parfois différentes, il apparaît que ce sont les mêmes règles, la même structure technique qui sont entrées en jeu dans la réalisation du débi-tage. Partant, cette variabilité semble alors relever uniquement de l’acceptable de part et d’autre de la norme (Pigeot 2004 : 68).

Au cours de la présentation générale du corpus, nous avons souligné la forte proportion des lames au sein de l’industrie et, au contraire, la moindre représentation – voire, pour certaines variétés de matériaux, l’absence presque totale – des déchets de taille appartenant à cette dernière production. Par conséquent, nous serons conduits, au cours de cette étude, à fonder principalement notre dé-marche sur l’analyse des seuls supports lami-naires, des pièces technologiquement signiiantes et des quelques rares nucléus pour reconstituer les concepts dominants dans le déroulement du dé-bitage. Nos observations reposeront donc sur un échantillon de 740 produits de plein débitage, 45 produits d’entretien et sept nucléus.

Lors de la phase de mise en forme, les tailleurs magdaléniens ont généralement cherché à installer un plan de frappe oblique s’inscrivant dans l’axe antéro-postérieur du nucléus. Pour cela, ils ont eu recours à des enlèvements envahissants dirigés vers le dos. Dans le même temps, cette première étape semble avoir été destinée à régulariser le volume général du bloc dont la morphologie ini-tiale pouvait se révéler inadaptée à la conduite du débitage, tout en aménageant les convexités né-cessaires à l’obtention des premières lames et en s’octroyant la possibilité d’intervenir ultérieure-ment au niveau de la table d’extraction laminaire depuis les “ zones dormantes ” du nucléus. Ces différents objectifs ont pu être atteints grâce à la réalisation d’une crête antérieure et, dans certains cas, l’aménagement d’une ou deux crêtes postéro-latérales (installation du plan de frappe, entretien des convexités en cours de débitage, régularisation du volume). Lorsque le volume initial du support le permettait, les tailleurs magdaléniens ont ce-pendant maintenu une grande partie des surfaces naturelles de celui-ci, sous la forme d’un dos ou de lancs corticaux, par exemple. Toutefois, ils ne semblent avoir eu que très rarement recours au

détachement d’une lame d’entame corticale pour initialiser le débitage. Cette phase de préparation, généralement assez élaborée et coûteuse en ma-tière première, semble donc traduire la volonté des tailleurs magdaléniens d’optimiser la production de supports allongés, quitte parfois à restreindre sensiblement les dimensions de ces derniers.

Avant de poursuivre plus avant la description de ses diverses modalités, il convient d’introduire ici un aspect important de ce débitage : sa conception uni-polaire. Ainsi, le débitage a-t-il été le plus souvent réalisé à partir d’un plan de frappe préférentiel, même s’il apparaît qu’un second plan de frappe a pu être aménagé assez tôt en vue d’une reprise postérieure de la carène du nucléus ou d’une réfection ponctuelle de la table d’extraction (Fig. 8). La question du maintien et de l’entretien des convexités apparaît, par ailleurs, si prégnante dans le système technique magdalénien que le maximum d’attention a été porté, au cours de la phase de mise en forme, à l’ensemble de ses arti-culations avec la table et le dos. L’architecture des nucléus semble donc s’organiser préférentiellement autour d’un plan de frappe unique, stratégiquement implanté dans le volume des blocs et réservant la production des supports de plein débitage aux zones dont les paramètres physiques sont les plus propices à leur détachement futur.

L’étude minutieuse de l’ensemble des supports laminaires nous permet, par ailleurs, d’esquisser à grands traits certaines logiques dans l’organisation de la structure volumétrique des nucléus, mais aus-si certains traits de la dynamique du débitage. Au sein du corpus envisagé, la section des produits et la localisation des éléments technologiquement si-gniiants (néo-crêtes, enlèvements sous-crêtes, pans corticaux) semblent, en effet, respecter certaines constantes qui peuvent être susceptibles de préci-ser, à des degrés divers, l’architecture générale des blocs exploités dans le cadre du débitage laminaire. Ainsi, la relative disparité dans la latéralisation de ces caractères sur les productions laminaires - mais aussi sur les nucléus - nous permet de proposer la lecture suivante du débitage : avec prudence, nous pourrions alors concevoir que le lanc droit soit plus volontiers une surface perpendiculaire à la table, tandis que le lanc gauche s’établirait davan-tage dans son prolongement. Partant, la production pourrait alors suivre un rythme “ semi-tournant ”, la jonction entre la table et un des lancs étant des-tinée à créer du cintre par le recours à des enlè-vements de néo-crêtes ou simplement débordants, tandis que la surface d’exploitation s’élargirait sur le côté opposé. Ce rythme s’accorde assez bien

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avec les caractères dominants reconnus lors de la phase de mise en forme, dont nous pouvons rap-peler brièvement les principes généraux. Il sup-pose, en effet, un débitage reposant sur la gestion de trois surfaces complémentaires : une table ré-gulièrement carénée, sur laquelle des enlèvements laminaires parallèles sont détachés depuis un plan de frappe unique et soigneusement aménagé et, en-in, un lanc perpendiculaire à la jonction duquel le tailleur peut avoir recours à des enlèvements débordants dont les négatifs offrent les propriétés de cintrage satisfaisantes pour la poursuite du dé-bitage (Pigeot 2004).

De manière générale, le débitage semble donc être conçu de manière à obtenir des supports rela-tivement robustes tout en optimisant les longueurs

disponibles. Cette propriété peut être mise en rela-tion avec l’architecture des nucléus évoquée plus haut, en l’occurrence l’organisation d’une table laminaire et d’au moins un lanc sub-perpendicu-laire.

Les lames produites présentent, pour la moitié d’entre elles, des talons lisses abrasés. Ce procé-dé permet d’économiser la matière première car il n’exige pas de réfections fréquentes du plan de frappe. Une proportion importante des talons sont toutefois demeurés lisses, ne bénéiciant ni d’une abrasion légère de la corniche, ni d’une régulari-sation partielle du point d’impact. Quelques lames présentent cependant des talons facettés. Sur cer-tains produits, généralement larges et réguliers, ce “ facettage ” s’accompagne d’un surcreuse-ment uni- ou bilatéral qui dégage alors un éperon. Cette réalisation, coûteuse en matière première, puisqu’elle exige des interventions plus nom-breuses sur le plan de frappe, garantit néanmoins un très bon contact du percuteur avec la zone de percussion tout en renforçant le plan de frappe. À la Corne-de-Rollay, les éperons représentent 4,5 % des talons observés sur les lames brutes ou trans-formées et correspondent généralement aux sup-ports de plus grandes dimensions (Fig. 9)4.

Sur ces supports laminaires, les bulbes de percus-sion sont généralement discrets et les talons, pourtant très ins quelquefois, n’ont que très rarement éclaté. Les marques de issuration sont rares et, dans cer-tains cas, le talon se caractérise par la présence d’une “ lèvre ” assez prononcée trahissant la forte compo-sante d’extension de la force développée et/ou la pro-priété “ élastique ” du matériau exploité. Les carac-tères de ces lames (angle de chasse inférieur à 90°, préparation de la zone de percussion, morphologie générale) semblent donc compatibles avec un usage prépondérant -voire quasi-exclusif- de la percussion tendre organique au moment de l’extraction.

L’emploi de cette dernière modalité d’exécution, témoigne de la volonté des tailleurs magdaléniens de produire des supports relativement carénés et par-courant facilement la plus grande longueur dispo-

4. Dans ce cas précis, le facettage peut apparaître comme un “ compromis technique ” satisfaisant entre l’éperon et la simple abrasion de la corniche. Il ne semble trahir, en effet, qu’une concession ponctuelle à la “ tradition ” technique magdalé-nienne : expression d’une recherche constante de longueur et de normalisation des supports, cette dernière solution s’inscrit dans “ un jeu de variables techniques et économiques avec le-quel le tailleur doit sans cesse composer ”, ain de rentabiliser au mieux l’exploitation de blocs de matières premières à fort coût d’acquisition (Valentin 1995 ; Langlais 2007b : 216).

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Fig. 8 : La Corne-de-Rollay (Allier) – Nucléus à lames en silex

tertiaire local (débitage unipolaire frontal et plan de frappe opposé ;

dessins R. Angevin).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 15

nible. Il implique cependant un entretien constant et rigoureux des volumes à débiter, ainsi que le recours à des procédés variés pour corriger d’éventuels ac-cidents de taille. Les problèmes liés au maintien des convexités générales du nucléus ont, quant à eux, pu être résolus par l’aménagement ponctuel de néo-crêtes, le détachement d’éclats transversaux ou de lames de lanc depuis les côtés ou l’arrière du nu-cléus, ainsi que par l’ouverture tardive d’un second plan de frappe. Il est possible enin que, de manière exceptionnelle, certains outrepassages, trahissant un changement de technique et de mode de percussion (basculement brutal vers la percussion directe dure), aient été recherchés pour nettoyer la surface lami-naire et augmenter ainsi le carénage des nucléus.

Les accidents de taille sont à l’origine de l’aban-don de la majorité des nucléus à lames. Ainsi, pour cinq d’entre eux, la table a été endommagée par un ou plusieurs réléchissements tandis que, pour un individu seulement, l’absence totale de carène et de cintre, ainsi que l’angulation trop importante entre le plan de frappe et la surface d’extraction laminaire, ont conduit le tailleur à interrompre prématurément sa production. Enin, pour un seul exemplaire, le seuil de l’épuisement naturel semble avoir été at-

teint, ce qui a entraîné son abandon logique après le détachement du dernier support.

L’exploitation laminaire des blocs s’est donc faite selon un schéma fréquemment attesté dans les industries des phases moyenne ou supérieure du Magdalénien : préparation soigneuse des volumes à débiter, recherche constante de régularité aux dé-pens parfois de la productivité, extraction des lames selon un rythme semi-tournant, débitage à partir d’un plan de frappe préférentiel (Fig. 10 : 8). Cette parenté s’observe également dans les procédés utili-sés pour entretenir les surfaces de débitage (ouver-ture attestée d’un plan de frappe secondaire, usage des crêtes postérieures) et préparer la zone de per-cussion (confection d’éperons). Les techniques de débitage laminaire mises en évidence sur le site de la Corne-de-Rollay s’inscrivent donc parfaitement dans la “ norme ” conceptuelle et opératoire déinies par les autres études technologiques concernant le Magdalénien “ classique ” de l’espace franco-canta-brique (Pigeot 1987 et 2004 ; Audouze et. al. 1988 ; Valentin 1995 ; Cazals 2000 ; Dachary 2002 ; Bodu, Valentin 2003 ; Langlais 2007b). Les schémas opé-ratoires décrits se révèlent notamment assez compa-rables à ceux reconnus dans le Bassin parisien, où

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largeur (mm.)

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de l’effectif global pour chaque type

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éperon

punctiforme

facetté

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lisse abrasé

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Fig. 9 : Proportions des différents types de talons rencontrés en fonction de la largeur des lames et des lamelles

(d’après Bodu et Valentin 2003).

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RACF 49, 201016

O 5 cm

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Des

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Fig. 10 : La Corne-de-Rollay (Allier) – Nucléus à lames et à lamelles (1-5-6, débitage “ enveloppant ” sur bloc ; 2-4, débitage “ sur tranche ” d’éclats ; 3-7, débitage “ sur tranche ” de plaquettes ; 8, débitage unipolaire semi-tournant ; dessins R. Angevin).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 17

le contexte gîtologique est pourtant beaucoup plus favorable. Sur le gisement de la Corne-de-Rollay, l’effort de rentabilisation semble ainsi s’être ac-compagné d’un souci d’optimisation de la produc-tion : dans un contexte de pénurie en bon silex, les Magdaléniens ont, en effet, exploité avec un soin extrême des matériaux dont les gîtes étaient parfois éloignés, tout en ayant recours à des matériaux lo-caux de moindre qualité pour lesquels aucune vé-ritable concession à la norme laminaire n’a par ailleurs pu être mise en évidence.

5.2. Le débitage lamellaire

Au sein de l’assemblage considéré, la prépondérance des nucléus à lamelles démontre parfaitement l’im-portance de ce dernier objectif. Sur les 46 nucléus apparentés, cinq se rattachent à la méthode de pro-duction lamellaire du type La Marche, un autre au schéma original d’Orville, alors que les autres élé-ments, en très grande majorité de type prismatique, offrent des schémas opératoires plus “ classiques ” pour la période envisagée.

Les lamelles semblent avoir été pour l’essentiel produites sur place, en fonction des différents types d’apport en volumes à débiter. Seuls quelques rares schémas linéaires, montrant un continuum lamino-lamellaire systématique, ont pu être identiiés5. Par-tant, les lamelles paraissent donc constituer un ob-jectif économique et une production autonomes.

Le débitage de lamelles “ sur tranche d’éclats ” s’est effectué suivant diverses modalités, dont la variabilité semble traduire une réelle adaptation de la production aux contraintes volumétriques du ma-tériau (Fig. 10 : 2, 4). Les différents supports uti-lisés comme nucléus (10) ont toutefois été choisis parce qu’ils présentaient des convexités naturelles adéquates au bon déroulement du débitage. Leur morphologie initiale a donc permis de simpliier au maximum la séquence de mise en forme du nu-cléus et l’initialisation de la production. Ainsi, la présence d’arêtes assez vives sur la tranche du sup-port a probablement été considérée par les tailleurs comme un élément susceptible de faciliter l’amorce du débitage. Leur exploitation n’a généralement été précédée que par un aménagement sommaire du plan de frappe, par abrasion et doucissage du bord de table, quelquefois accompagné d’un micro-fa-cettage ou d’une correction éventuelle de la carène.

5. Ainsi, plusieurs volumes allochtones semblent avoir été débi-tés en continuité, voire réorientés (n

nucl. = 3).

La préparation d’“ encoches ” latérales a toutefois permis, dans certains cas (2), d’installer le plan de frappe, tout en limitant la réduction des longueurs escomptées. Une évolution frontale du débitage a été préférée pour sept d’entre eux, en lien avec une pro-duction de lamelles sur la surface la plus étroite du support, et ce malgré la présence de lancs générale-ment convexes et irréguliers. Lorsque l’épaisseur de l’éclat était sufisante et que la morphologie du nu-cléus le permettait, les tailleurs ont toutefois fait ap-pel à un rythme semi-tournant s’initiant de manière frontale sur la tranche du nucléus et envahissant l’un des lancs, généralement celui maintenu par la face inférieure de l’éclat, naturellement convexe, et dis-posant des convexités les plus favorables. Partant, le choix effectué en amont d’une orientation transver-sale ou longitudinale (suivant l’axe technologique du support) semble donc être moins dicté par les concepts régissant l’ensemble du système technique que par les caractéristiques morpho-dimensionnelles du support, qui autorisent ou non l’auto-entretien du cintre par le développement de la production dans la plus grande dimension du support. Dans tous les cas, les lancs du nucléus apparaissent parallèles à l’axe de la table et perpendiculaires à la surface de débitage. Cette architecture parallélépipédique offre des dièdres naturels (intersection des faces latérales et de la tranche) qui servent de “ guides ” pour le débitage. Ainsi, quelle que soit son installation, la table peut progresser de manière frontale et selon des plans parallèles différenciés. Par ailleurs, seuls trois nucléus témoignent de l’aménagement d’un plan de frappe opposé destiné à la régularisation de la table en cours de débitage.

La production lamellaire sur blocs (nnucl.

=30) ré-pond aux mêmes principes généraux et aux mêmes exigences techniques que le débitage laminaire. Elle se caractérise par l’exploitation d’une table étroite, implantée dans la plus grande dimension du volume et qui investit généralement les lancs du nucléus. Cependant, elle semble soumise à une plus forte va-riabilité interne, en lien avec le fort polymorphisme des supports et des matériaux exploités. Le schéma dominant semble toutefois être un modèle de type “ enveloppant ”, pour lequel des plans sécants se succèdent et jouent tour à tour le rôle de table et de lancs (Fig. 10 : 1, 5, 6). L’exploitation succes-sive de tables sécantes donne alors un rythme de débitage de type “ frontal-décalé ” ou plus rarement “ opposé-décalé ” (dans le cas d’un débitage bipo-laire strict, Langlais 2007b) qui progresse ainsi sur une large surface. De rares nucléus sont d’ailleurs exploités sur l’ensemble de leur volume. C’est tou-

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RACF 49, 201018

tefois une évolution frontale du débitage qui a été privilégiée pour 13 exemplaires, ceci en lien avec une production de lamelles sur la surface la plus étroite du support (plaquettes ; Fig. 10 : 3,7). Plus rarement, les Magdaléniens de la Corne-de-Rol-lay semblent avoir fait appel à un rythme semi-tournant pour exploiter ces nucléus. Par ailleurs, l’ouverture d’un second plan de frappe n’apparaît pas – a contrario de ce qui a été décrit précédem-ment pour le débitage laminaire – comme un fait marginal au sein du système technique général, en l’absence d’autres réelles possibilités de re-prise de la surface d’extraction lamellaire sur des supports “ incitants ” comme les plaquettes, par exemple.

Le recyclage d’un nucléus à lames existe en au moins trois occasions. Il s’agit, à chaque fois, de nucléus à lames déjà bien raccourcis par l’extrac-tion laminaire ou de module réduit. De surcroît, leur nouvelle destination en nucléus lamellaire n’a pas nécessité de profondes reconigurations.

L’une des particularités technologiques de la série de la Corne-en-Rollay réside donc dans la variété des méthodes mises en œuvre pour l’obten-tion de lamelles qui in ine semblent présenter des caractéristiques morpho-techniques identiques (pièces courtes et plutôt étroites, rectilignes et as-sez robustes). Cette relative diversité, en partie liée à la variabilité des volumes exploités (éclats et lames en silex allochtone, blocs et plaquettes et matériaux locaux), a déjà été observée pour des sites de la in du Paléolithique supérieur dans le sud-ouest de la France, situés en domaine de carence, ou en Île-de-France, ces derniers étant placés, il est vrai, dans des contextes d’approvi-sionnement en matière première beaucoup plus favorables (Langlais 2007b ; Pigeot 1987 ; Au-douze et al. 1988 ; Bodu 1994 ; Ploux et al. 1991). Au sein de ce système technique, les nucléus du type “ La Marche ” se distinguent par l’extraction de lamelles sur la face supérieure de “ lames-nu-cléus ” à partir d’un plan de frappe s’apparentant à une troncature inverse. La section de la lame tient alors lieu de plan de frappe et les “ lancs ” du nucléus correspondent aux bords de la lame exploitée (Fig. 11 : 1). La description des dif-férentes modalités se rattachant à cette dernière production devrait faire l’objet d’une publication à part ; nous nous en tiendrons donc simplement à ce simple rappel quantitatif (Angevin et al., en prép.). Notons cependant qu’il n’a pas toujours été aisé de reconnaître et d’isoler ces nucléus qui, à l’instar des lames, sont souvent cassés, et ne

présentent donc plus forcément une association de stigmates caractéristiques autorisant une lec-ture pertinente de l’agencement des enlèvements (schéma diacritique des négatifs). Par ailleurs, la présence de tels éléments, méconnus jusqu’alors dans les industries magdaléniennes du Massif central, nous contraint à nous habituer à de nou-veaux éléments de reconnaissance pour les iden-tiier.

Au sein du corpus envisagé, une pièce semble avoir fait l’objet d’un aménagement particulier pouvant être rapproché de la “ méthode d’Or-ville ” (Perlès 1977 et 1982 ; Chehmana, thèse en cours). Il s’agit d’un tronçon de lame en si-lex du Grand-Pressigny caractérisé par un mince enlèvement lamellaire transversal s’établissant à la jonction d’une troncature inverse et de sa face inférieure. Cet enlèvement, qui part du bord droit du support laminaire, se développe largement aux dépens de sa face inférieure et apparaît, dans ce cas précis, rectiligne et réléchi (Fig. 11 : 2). La réalisation préalable, à la percussion directe dure, d’une troncature inverse en partie proximale du support vise donc à aménager, en section de lame, un cintre local favorable, autorisant le détache-ment du produit recherché. Ce schéma d’exploi-tation lamellaire reste pour l’instant quasi isolé sur le site éponyme d’Orville. Reconnu de ma-nière sporadique sur le gisement du Rocher-de-la-Caille (Loire), il n’apparaît, par ailleurs, que dans les séquences post-solutréennes d’Oisy (Nièvre), du Trocadéro (Loiret) et de la Pluche (Indre-et-Loire), ainsi que dans le “ Magdalénien moyen ” du site de la Roncière en Bourgogne (Alix et. al. 1995 ; Soriano, Lechenet 2000 ; Chehmana, 2003, 2004 et thèse en cours).

Reste le problème de l’interprétation du “ rôle ” des burins. Il faut, en effet, considérer que sous cette appellation sont rassemblés une multiplicité de types, établis selon des critères présentés de manière plus détaillée dans le cadre de l’analyse typologique de l’industrie. Ce relatif polymor-phisme est en partie causé par le fait que ces ob-jets résultent pour la plupart de la réutilisation as-sez opportuniste de supports préalablement voués à d’autres inalités, comme cela semble être le cas pour deux“ lames-nucléus ” réaménagées tardive-ment en burins sur troncature. Partant, les burins peuvent-ils réellement être considérés comme des outils ? Comme les vraies “ chutes de burins ” sont extrêmement abondantes, nous nous sommes interrogés sur leur destination : doit-on les consi-dérer seulement comme des déchets du façonnage

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 19

d’outils, au demeurant assez nombreux, ou bien peut-on y voir le témoignage d’un procédé spéci-ique d’obtention de lamelles ?

Depuis quelques années, le statut de ces objets a été réexaminé, dans plusieurs ensembles du Pa-léolithique supérieur, sous l’angle novateur de la

technologie lithique, en confrontant notamment les procédures d’exploitation avec la morpholo-gie des lamelles transformées6 (Lebrun-Ricalens,

6. Cette ouverture aujourd’hui privilégiée, et dont les linéa-ments intéressent l’ensemble du système technique, a d’ores

2

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O 5 cm

Fig. 11 : La Corne-de-Rollay (Allier) – Nucléus à lamelles type “ La Marche ” (1) et “ Orville ” (2) (dessins A. Urgal et R. Angevin).

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Brou 1997 ; Lebrun-Ricalens, Bordes, Bon 2005 ; Klaric 2000 et 2003 ; De Araujo, Bracco, Lebrun-Ricalens 2006). Il apparaît ainsi que, dans cer-tains contextes, plusieurs arguments permettent de concevoir ces éléments comme relevant d’une opération de débitage, sans toutefois conclure à une absence complète d’utilisation. Sur le gi-sement de la Corne-de-Rollay, plusieurs de ces chutes atteignent des longueurs exceptionnelles de 35 à 45 mm ; de plus, la moyenne de leurs lon-gueurs est généralement équivalente à celle des lamelles produites sur les autres catégories de nu-cléus. Deux d’entre elles ont, par ailleurs, été re-touchées sur au moins l’un de leurs bords, en vue d’une possible utilisation comme armatures de projectile. Les chutes de burins paraissent donc avoir été exploitées de manière occasionnelle par les tailleurs magdaléniens, ain de compléter leur équipement technique à vocation cynégétique. Il est donc probable -mais non certain- que la fa-brication des burins, tout en demeurant l’objectif principal, a été l’occasion d’une production de supports utiles pour la confection de microlithes.

La fréquence des ravivages et l’utilisation pos-sibles des chutes témoignent donc d’un effort de rentabilisation somme toute assez logique dans un contexte de pénurie en bons matériaux. Ce-pendant, cette interprétation n’est sans doute pas universelle et, dans d’autres ensembles, leur traditionnelle fonction d’outil demeure une hy-pothèse que l’on ne peut a priori exclure. C’est pour cela qu’il reste nécessaire, en l’état actuel de la recherche, d’interroger le contexte de chaque série, ain d’y rechercher les éléments nous per-mettant de statuer sur la vocation initiale de ces différentes opérations de taille.

5.3. Le débitage d’éclats

Le débitage d’éclats semble quant à lui se résu-mer à une production marginale de supports épais et de dimensions réduites, réalisée sur blocs bruts (rognons assez volumineux, quelquefois frag-mentés) ou dans le cadre du remploi de nucléus à lames. Ainsi, seules sept pièces présentent, sur une de leurs surfaces, un ou plusieurs néga-

et déjà permis de proposer des éléments de réponse eficaces pour expliquer le “ polymorphisme ” de certaines industries, avec pour corollaire méthodologique la recherche et la recon-naissance de schémas de production lamellaire originaux et, inalement, assez signiiants d’un point de vue techno-culturel.

tifs d’enlèvements d’éclats. Pour deux d’entre elles, l’intention du tailleur ne fait aucun doute. Les cinq restantes sont plus douteuses. Il s’agit de blocs ou fragments de blocs qui portent tous ce-pendant au moins quelques marques de percussion. L’ensemble de ces éléments a toutefois en commun la qualité plutôt médiocre de la matière première, presque toujours d’origine locale, et l’exploitation du percuteur dur pour le détachement des supports recherchés.

En ce qui concerne les pièces identiiés, la pro-duction d’éclats se distingue par une très grande simplicité de procédure. La morphologie initiale des blocs semble fortement conditionner la manière dont ils sont exploités par le tailleur. Celui-ci met alors à proit les surfaces les plus larges du volume qu’il utilise alternativement comme plan de frappe et comme surface d’exploitation. Ce n’est donc pas tant le volume général du bloc qui semble être im-portant que certaines propriétés locales : angula-tions entre deux surfaces, dimensions respectives de ces dernières, etc. Dans le même temps, lorsque le tailleur réutilise le volume d’un nucléus à lames, il ne semble pas non plus avoir recours à un schéma d’obtention d’éclats bien déini. Cependant, à leur abandon, quelques nucléus révèlent une exploi-tation centripète, s’effectuant par courtes séries “ isoaxes ” (Fourloubey 1998 ; Bracco et. al. 2004). Notons enin, et pour être complets, que, d’un point de vue qualitatif, le tailleur semble privilégier l’ex-ploitation de surfaces lui permettant d’obtenir des éclats dont les dimensions dépassent 4 ou 5 cm en-viron. Cela correspond, peu ou prou, aux normes que l’on observe dans l’outillage sur éclats.

6. L’OUTiLLAge

L’outillage lithique, avec 415 pièces inventoriées (413 outils stricto sensu et deux pièces associant burins et nucléus “ La Marche ”), est, en proportion, relativement peu abondant (13,1 %). Il est vrai tou-tefois que notre perception de l’ensemble est sans doute faussée par l’utilisation probable de supports bruts pour de nombreux usages (travaux de dé-coupe, etc.) et l’absence d’étude tracéologique. Les éléments retouchés représentent cependant près de 27 % de la totalité des supports débités. Ce taux de transformation des supports est largement supérieur à celui rencontré sur les sites magdaléniens du Bas-sin parisien, où il n’est, en effet, jamais supérieur à 8 % de l’effectif global, et tend logiquement à se rapprocher de celui rencontré sur les gisements

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 21

des zones plus méridionales du Massif central, dont les industries lithiques se caractérisent par un même souci de rentabilisation du débitage, dans un contexte de plus forte pénurie en matières premières siliceuses.

Les lames composent plus de la moitié des sup-ports d’outils (près de 56 % du corpus typologique). Ce chiffre doit par ailleurs être relativisé dans la me-sure où cette catégorie de produits connaît généra-lement un taux de fragmentation plus important que celui des éclats. L’ensemble des différentes catégo-ries techniques de lames analysées au cours de notre développement se retrouve, sans distinction, parmi les supports rencontrés, qu’il s’agisse des lames à crêtes, des produits sous-crêtes ou des éclats lami-

naires. Les supports laminaires représentent, par ailleurs, la catégorie de supports qui connaît le taux de transformation le plus fort, ce qui tendrait à illus-trer de manière assez logique leur exploitation pré-férentielle comme produits de première intention. Les éclats et les lamelles représentent, quant à eux, respectivement 16 % et 21 % des supports utilisés dans l’outillage (Tabl. 2).

L’étude de la répartition lithologique de l’ou-tillage révèle, en outre, une sélection et un traite-ment différentiels des supports en fonction de la matière première (Fig. 12). Ainsi, un peu moins de la moitié des supports laminaires en matériaux allochtones a été façonnée en outils (52 % du poids global) alors que ce taux de transformation

Tabl. 2 : Classement technique de l’outillage.

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6 0

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ou til su r lam e ou til su r é c lat lam in aire ou til su r é c lat ou til su r lam elle ou til su r su p p ort

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Fig. 12 : Classement technique de l’outillage par matières premières.

Caractéristiques technologiques TOTAL % Blond marin Noir marin Divers marinTuronien

supérieurHettangien St-Jeanvrin-Vert St-Jeanvrin-Cire Silcrètes locales Indéterminé

Outillage sur lame 230 55,42% 113 13 10 28 2 1 34 29

Outillage sur éclat laminaire 6 1,45% 5 1

Outillage sur éclat 68 16,38% 21 1 4 5 2 2 1 13 19

Outillage sur support indéterminé 25 6,03% 9 1 1 4 8 2

Outillage sur lamelles 86 20,72% 43 3 3 8 6 1 11 11

TOTAL 415 100% 191 18 18 45 10 4 1 67 61

%/ matières premières 46,02% 4,33% 4,33% 10,84% 2,41% 0,99% 0,24% 16,14% 14,70%

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ne s’élève qu’à 12 % pour les lames en silex local (14 % en poids). En ce qui concerne les lamelles en silex allochtones, 18 % ont servi à la fabrica-tion d’outils (9,6 % en poids) contre seulement 9,5 % pour les supports lamellaires en matériaux locaux (7,3 % en poids). Il est à noter cepen-dant, que ce taux de transformation reste assez faible pour l’ensemble des variétés de matières premières exploitées. Les éclats en matériaux exogènes retenus pour la confection d’une par-tie de l’outillage représentent quant à eux 26,8 % des éclats en silex marins inventoriés (34,3 % en poids). Proportionnellement, les éclats en maté-riaux locaux semblent avoir été moins utilisés : ils ne composent, en effet, que 12 % de l’ensemble des éclats débités (9,7 % en poids).

La catégorie la mieux représentée au sein de cet ensemble est celle des burins (Fig. 13 : 13 à 24 et 16 : 1 à 6 et 9-10). Leur corpus, riche de 122 éléments (29,40 % de l’outillage global), se compose de 58 burins sur troncature, 30 burins dièdres, 16 burins sur cassure, 11 burins doubles et sept burins transversaux. Les grattoirs, au nombre de 75, représentent, quant à eux, 18,1 % du corpus typologique (Fig. 14 et 15 : 6). La très grande majorité de ces outils a été aménagée sur lames assez courtes et plutôt épaisses, quelque-fois semi-corticales. Notons que ces pièces ont généralement fait l’objet de multiples ravivages, comme l’indiquent la forte proportion de chutes de burin dans l’industrie et les faibles dimensions des exemplaires rencontrés, même si cet argu-ment doit logiquement être relativisé, eu égard à la forte fragmentation des objets. Cette dernière réalité témoigne toutefois d’une pérennité d’ex-ploitation de certains outils, dans un contexte dominé par une relative “ carence ” en matières premières de bonne qualité. La phase d’abandon ne semble donc être intervenue que tardivement, suite à la fracture de la partie active de l’outil ou au rétrécissement trop important du support sé-lectionné.

Nous avons en outre identiié 20 perçoirs et un bec (Fig. 15 : 1 à 5) qui se répartissent d’un point de vue typologique de la manière suivante : 13 perçoirs simples, 3 perçoirs doubles, 2 per-çoirs multiples, et 2 micro-perçoirs issus de la transformation de supports lamellaires courts et assez épais.

L’assemblage considéré contient par ailleurs 12 outils mixtes (Fig. 16 : 7 à 11 ; 14) : 10 grat-toirs-burins, un burin-troncature et un grattoir-perçoir. Ils ont tous été aménagés sur des produits

laminaires très réguliers qui n’ont été abandonnés que tardivement, alors qu’ils mesuraient moins de 55 mm, ce qui tendrait à prouver que les tailleurs magdaléniens ont cherché à exploiter au maxi-mum les supports de bonne qualité, ayant bénéi-cié d’un débitage soigné, et probablement confec-tionnés en dehors du site (neuf d’entre eux ont été réalisés en matériaux allochtones).

Les lames retouchées sont au nombre de 54 (Fig. 17 ; 28 à 30). Elles présentent une retouche marginale (six exemplaires), abrupte (27) ou se-mi-abrupte (19). Dans les deux tiers des cas, la re-touche affecte uniquement, de manière continue ou partielle, un des bords du support tandis que, pour un tiers du corpus, cet aménagement envahit les deux bords de l’outil. Deux individus portent en outre les stigmates d’un aménagement mixte de leurs bords (retouche alterne ou alternante).

On décompte également une encoche (Fig. 13 : 6), cinq pièces esquillées, 24 éclats retouchés, trois raclettes7 (Fig. 15 : 7) et 11 éléments tronqués (Fig. 16 : 12, 13, 21). Il existe enin 15 supports laminaires qui ne portent aucune retouche inten-tionnelle, mais seulement d’éventuelles traces d’utilisation brute. Celles-ci peuvent concerner l’exploitation opportuniste d’un angle de cassure, (un cas) ou, de manière plus évidente l’utilisa-tion d’un des bords du produit laminaire (14), s’exprimant alors sous la forme d’ébréchures lo-calisées ou d’un esquillement marginal, uni- ou bidirectionnel, du tranchant des lames (Valentin et Christensen 2004). Toutefois, les conditions mêmes de récolte de ce matériel, dans le cadre de ramassage en labours, nous contraignent évi-demment à limiter la portée de cet argument, en l’absence de toute précision du contexte taphono-mique des découvertes.

À côté de l’utilisation ponctuelle de lamelles comme éléments de couteaux ou microperçoirs, l’essentiel des supports lamellaires est dévolu aux microlithes. Les armatures microlithiques constituent ainsi le second groupe typologique (21 % du corpus général). Cet assemblage se ca-ractérise en outre par une assez forte monotonie : il rassemble en effet 81 lamelles ou fragments de lamelles à dos simple (Fig. 16 : 15, 16, 17, 18), deux fragments de lamelles à dos tronquées, un fragment de lamelle à dos appointée et trois fragments de lamelles à dos double. Elles por-

7. Deux d’entres elles sont aménagées sur des sous-produits du débitage laminaire. La retouche est toujours normale ou margi-nale, souvent partielle.

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 23

Fig. 13 : La Corne-de-Rollay (Allier) – Outils sur lames et produits bruts de débitage (1 à 5-7 à 11, fragments de lames bruts ;

6, encoche ; 12, lame brute ; 13 à 15-17 à 19 ; burins dièdres ; 16, burin double ; 20, burin sur cassure ;

21 à 24, burins sur troncature ; dessins J. Perchat).

O 5 cm1 à 5-7 à 11, fragments laminaires bruts - 6, fragment de lame retouché - 12, support laminaire brut - 16, burin dièdre doubl 13-14-15-17-18, burins dièdres - 19-20, burins sur cassure - 21-22-23-24, burins sur troncature (dessins J. PERCHAT)

Fig. 20- La Corne-de-Rollay (ALLIER)- gisement magdalénien outillage et produits bruts de débitage

6 7 8 9 10 11 12

1 2 3 4 5

13 14 15 17 18

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19 20 21 22 23 24D

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ns : J

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chat

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O 5 cm

1 2 3 4

5 6 7 8 9 10

11 12 13 14 15

16 17 18

1-4-6-16, grattoirs sur éclats - 2, grattoir unguiforme - 3, grattoir circulaire - 5-7-8-10 à 14, grattoirs en bout de

Fig. 26- La Corne-de-Rollay (ALLIER)

gisement magdalénien - outillage lithique

Des

sin

s : J

. Per

chat

Fig. 14 : La Corne-de-Rollay (Allier) – Outils sur éclats et sur lames (1 à 4-16, grattoirs sur éclats ;

5 à 14-17-18, grattoirs en bout de lames ; 15, grattoir double ;dessins J. Perchat).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 25

tent, dans leur très grande majorité une retouche abrupte sur l’un des bords, plus rarement sur les deux. 12 individus présentent cependant une re-touche semi-abrupte, pouvant être directe (cinq exemplaires), inverse (4), alterne (1) ou alternante (2). Les supports exploités sont, en règle générale, de petits fragments de lamelles, à bords parallèles et assez rectilignes. D’un point de vue morphomé-trique, ces pièces sont proportionnellement assez larges et d’épaisseur constante, et s’inscrivent pour

un peu moins de la moitié d’entre elles dans un ga-barit de 6 mm (Fig. 18). Les armatures façonnées dans le silex de la craie apparaissent cependant plus graciles que celles tirées des matériaux d’origine lo-cale. Les silex marins semblent d’ailleurs avoir été préférés pour la réalisation de ces pièces, ce qui a pu être observé sur d’autres gisements contempo-rains (Fig. 19 ; Montoya 1996 ; Demouche 2000 ; Angevin 2008 ; Surmely et al. 2002b). Signalons enin que, sur 87 éléments retouchés, seuls trois sont

O 5 cm

1 à 3, perçoirs - 4, perçoir multiple en étoile - 5, bec - 6, grattoir circulaire à retouches en raclette 7, raclette (dessins J. PERCHAT)

Fig. 25- La Corne-de-Rollay (ALLIER)

gisement magdalénien - outillage lithique

1 2 3 4

5 76

Des

sin

s : J

. Per

chat

Fig. 15 : La Corne-de-Rollay (Allier) – Outillage sur lames et sur éclats (1 à 3, perçoirs ; 4, perçoir multiple “ en étoile ” ; 5, “ bec ” ; 6, grattoir sur éclat ; 7, raclette ; dessins J. Perchat).

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RACF 49, 201026

O 5 cm

9 10 11 12 13 14

4 5 6 7 8

1 2 3

1-3, burins sur éclats - 2, burin aménagé sur racloir - 4-7, burins dièdres - 5-6, burins d’angle doubles

Fig. 22- La Corne-de-Rollay (ALLIER)

gisement magdalénien - outillage lithique

15 16 17 18 19 20 21

Fig. 16 : La Corne-de-Rollay

(Allier) – Outils sur lames,

outils sur éclats et armatures

microlithiques (1 à 3, burins

sur éclats ; 4, burin dièdre ;

5-6, burins doubles ; 7, burin

dièdre/lame sous crête tron-

quée ; 8-11, grattoirs-burins ;

9-10, burins sur troncatures ;

12-13-21, lames tronquées ;

14, grattoir-perçoir ; 15 à 18,

lamelles à dos ; 19, lamelle

tronquée ; 20, lame bitron-

quée ; dessins J. Perchat).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 27

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

Largeur (en mm)

Epaisseur (en mm)

7

6

5

4

3

2

1

La Corne-de-Rollay (eff. = 84)

11 1

1 1

1

1 1 1 1

1

1 2

2

2

2 3

333

3

4

4

5 5

5

56 78

O 5 cm

1 à 27-28-31-32-33, fragments laminaires bruts - 28-30, supports laminaires retouchés (dessins J. PERCH

1 2 3 4 5 6

7 8 9 10 11 12

13 14 15 16 17 18 19

20 21 22 23 24 25 26 27

28 29 30 31 32 33

Fig. 14- La Corne-de-Rollay (ALLIER)

gisement magdalénien - produits bruts de débitage

Fig. 17 : La Corne-de-Rollay

(Allier) – Outils sur lames et

produits bruts de débitage

(1 à 27, 31-33 ; fragments de

lames bruts ; 28-30, supports

laminaires retouchés, dessins

J. Perchat).

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RACF 49, 201028

entiers. De ce fait, l’importance de la fragmentation des armatures microlithiques pose le problème de sa nature même, volontaire ou accidentelle.

7. DU SiTe AU TeRRiTOiRe : LeS COMPORTeMenTS TeCHniQUeS DeS MAgDALÉnienS De LA CORne-De-ROLLAY À L’ÉPReUve DeS STRATÉgieS ÉCOnO-MiQUeS RÉgiOnALeS

7.1. Autonomie des productions, variabilité

des supports, diversité des échelles de temps

La diversité des schémas de production apparaît comme un trait important du comportement tech-nique des Magdaléniens de la Corne-de-Rollay. Au cours de cette étude, nous avons ainsi pu percevoir l’association de chaînes opératoires nettement dif-férenciées qui permettent aux tailleurs d’obtenir des

lames et des lamelles, mais également des éclats. Elle témoigne par ailleurs d’un large registre de connaissances et de pratiques, trahissant une pla-niication à long terme des besoins et des activités (Angevin, Langlais 2009).

Comme cela a déjà été précisé pour d’autres contextes archéologiques, le schéma de débitage laminaire de type unipolaire semi-tournant permet une normalisation des supports d’outils et une opti-misation de la longueur des lames, favorisant ainsi la “ polyfonctionnalité ” et la longue durée de vie des outils de transformation (Langlais 2007a). Pour mener à bien cette production, outre la contrainte économique en terme de matière première (volumes disponibles, transport, contacts, échanges), le soin porté aux convexités latérale et longitudinale du vo-lume et à la préparation du détachement impliquent des savoir-faire techniques élevés et, sans doute, un statut socio-économique particulier du débitage laminaire qui contribue à répondre aux besoins do-mestiques du groupe (Langlais, ibid et 2007b ; An-gevin, Langlais 2009).

La multiplicité des chaînes opératoires mises en œuvre pour l’extraction des lamelles constitue, par ailleurs, le principal “ particularisme ” d’ordre technologique relevé au sein de cette série. Qu’il s’agisse de nodules de dimensions réduites, de lames épaisses, d’éclats robustes ou de rares nu-cléus à lames, les débitages sont mis en œuvre selon différentes modalités opératoires, qui peu-vent être nettement dissociées de la production laminaire. La présence signiicative d’une “ pièce d’Orville ” ou de “ lames-nucléus ” du type “ La Marche ” aux côtés des modèles sur blocs plus classiques révèle ainsi la diversité des modalités retenues et, partant, l’importance accordée à cette dernière production, en termes de rentabilité éco-nomique et de temps de production notamment8.

Les productions laminaire et lamellaire sont donc au centre des questions relatives à l’acqui-sition des ressources et aux modalités de transport de l’équipement technique (Fig. 20). En ce qui concerne le débitage lamellaire, nous pouvons logi-quement considérer que les nucléus de type “ pris-matique ” ou sur “ tranche d’éclats ” incarnent le

8. Cette dernière réalité ne semble cependant pas recouvrir une dimension morphométrique : ainsi, aucune variabilité dans le gabarit des produits obtenus n’a pu être mise en évidence au cours de la présente étude. Rappelons toutefois que l’assem-blage en question n’est certainement pas exhaustif : ainsi, les proportions et la nature du corpus lamellaire apparaissent di-rectement conditionnés par les modalités de collecte, et notam-ment la mise en œuvre d’un tamisage.

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14

Largeur (en mm)

Epaisseur (en mm)

7

6

5

4

3

2

1

La Corne-de-Rollay (eff. = 84)

11 1

1 1

1

1 1 1 1

1

1 2

2

2

2 3

333

3

4

4

5 5

5

56 78

0

5

1 0

1 5

2 0

2 5

3 0

3 5

4 0

4 5

5 0

b lon d m arin n oir m arin d ivers m arin Tu ron ien

S u p é rieu r

H ettan g ien S ain t-Jean vrin -

V ert

S ilcrè te local in d é term in é

matière première

eff

ec

tif

glo

ba

l

Fig. 19 : Répartition des armatures microlithiques en fonction

de la matière première.

Fig. 18 : Répartition morphométrique des armatures en fonction

de leurs largeur/épaisseur.

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 29

Fig. 20 : Modalités d’introduction et de traitement des matières premières siliceuses sur le gisement

(DAO R. Angevin 2008, illustration d’après Bodu et Valentin 2003).

éclats déjà débités préformes

de nucléus

lames

déjà débitées

lames brutes

outils sur lames

chutes

de burin

petites lames

lamelles lamelles brutes et outils sur lamelles

éclats outils sur éclats

pièces esquillées

blocs bruts ou

partiellement dégrossis

nucléus

d’Orville

nucléus type

Rocher-de-la-Caille

La Marche

petits blocs

nodules ou plaquettes

pièces esquillées

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RACF 49, 201030

schéma d’exploitation dominant. Cette dernière réalité, associée à la présence de plusieurs nucléus du type “ La Marche ” et d’un nucléus sur “ pièce d’Orville ” au sein de l’assemblage considéré, doit donc nous interroger sur la relative autonomie des diverses modalités d’obtention lamellaire mises en œuvre sur le gisement.

Lors de la collecte des matériaux, les Magda-léniens ont, dans la très grande majorité des cas, opéré un tri assez sélectif des supports de pro-duction, consacrant certains blocs au débitage de lames tandis que de plus petits nodules, des pla-quettes corticales diaclasées ou des éclats épais étaient réservés à l’obtention de lamelles. Cette étape préliminaire semble donc déjà intégrer que les nucléus à lames ne seront pas reconvertis par la suite en nucléus prismatiques à lamelles. Comme nous l’avons constaté précédemment, le débitage des lames en silex allochtone a pu être réalisé sur le gîte même, ou alors sur un site d’habitat situé à proximité – pour autant, par ailleurs, que gîte et ha-bitat ne soient pas un même lieu dans certains cas. En tout état de causes, la majorité de cette produc-tion semble donc avoir été effectuée avant d’être importée sur le site. À l’inverse, les Magdaléniens ont attendu d’y être parvenus pour détacher des la-melles sur de petits blocs ou de gros éclats, sélec-tionnés au préalable et emportés bruts (certains ont pu, quelquefois, être préformés à cette intention), ainsi que sur des supports laminaires probablement débités antérieurement. Aussi, si quelques lamelles ont pu les accompagner pendant leurs trajets, cette dernière solution n’a représenté qu’une option éco-nomique secondaire, voire marginale, au sein du système technique évoqué précédemment.

La confrontation des productions laminaire et la-mellaire nous permet donc de mesurer l’état de leurs différences, et ce à plusieurs niveaux. Cette rupture porte tout d’abord sur la caractérisation de deux populations morpho-dimensionnelles distinctes, en relation avec des schémas opératoires indépen-dants et mis en œuvre sur des supports diversiiés. Leurs identités respectives s’expriment également au travers de la distribution spatio-temporelle des activités de taille, témoignant du haut degré de frac-tionnement des chaînes opératoires dans le temps et dans l’espace des territoires, ainsi que de la pro-duction de supports à usage différé, en lien avec une anticipation plus ou moins forte des besoins. Elles se distinguent probablement, enin, par des destinations fonctionnelles qui leurs sont propres et par une forte dichotomie entre sphères domestique et cynégétique qui témoignent de la réelle diversité

des activités réalisées sur le lieu même de l’habitat. Si certaines de ces constatations ont été évoquées pour d’autres gisements magdaléniens ou d’autres technocomplexes, leur mise en perspective trahit toutefois la complexité et la multiplicité des “ in-tentions ” pouvant être jugées comme responsables, à différents niveaux, de cette relative autonomie des productions laminaire et lamellaire (Angevin, Langlais 2009). Dès lors, nous pouvons considérer qu’il s’agit là d’un élément de caractérisation ma-jeur de l’expression technique des Magdaléniens de la Corne-de-Rollay. Forts de ce constat, il nous faut désormais essayer de discuter la valeur tech-nique et économique que nous pouvons accorder à cette réalité particulière, fortement ancrée dans une logique de “ ramiication des chaînes opératoires ”9 (cf. Bourguignon, Faivre, Turq 2004).

7.2. Une spéciicité des “ industries de carence ” ?

C’est traditionnellement par la détermination des matières premières lithiques que l’on cherche à ap-préhender la nature et la gestion des territoires au Paléolithique (Perlès 1991 ; Surmely, Pasty 2003 ; Klaric 2007). De manière évidente, la présence et la disponibilité des matériaux à grain in (matériaux de prédilection pour la confection des armatures) dans l’environnement proche apparaissent comme des facteurs pouvant inluer, à des degrés divers, sur l’organisation des systèmes techniques des hommes de la Préhistoire. La question qui se pose est alors la suivante : est-il possible d’approcher certaines stratégies économiques et territoriales en partant de l’étude des systèmes de production lithique ? Autre-ment dit, ces derniers peuvent-ils être révélateurs de comportements économiques spéciiques à chacun de ces groupes et les différences qui s’expriment

9. Le terme de “ ramiication des chaînes opératoires ” est em-prunté à L. Bourguignon, J.-P. Faivre et A. Turq pour qualiier “ le phénomène d’arborescence affectant certains systèmes de production de supports lithiques, notamment dans le cadre des industries moustériennes ” (Bourguignon et al. 2004 : 38). Cette notion se rapproche, d’un point de vue conceptuel, de la “ struc-ture scalariforme ”, telle que l’a déinie J.-M. Geneste pour le Paléolithique moyen et supérieur : “ le processus opératoire se subdivise en plusieurs phases répétitives qui réitèrent la même séquence de gestes techniques d’une unique méthode de débi-tage. Cette conception est alors caractérisée par l’absence de produit déterminant sur la surface de débitage. Cette surface est prédéterminée sur les enlèvements primaires qui deviennent les nucléus de la seconde phase et ainsi de suite, ce qui donne une chaîne structurée à partir d’un principe élémentaire de récurrence sur différentes générations de produits ” (Geneste 1991 : 20).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 31

dans la sphère technique peuvent-elles nous per-mettre d’accéder à une meilleure compréhension de la gestion des territoires au cours de cette période ? Nous proposerons ici quelques pistes de rélexion vi-sant à intégrer certains paramètres technologiques et économiques à cette analyse, en prenant notamment en compte l’éloignement relatif des gîtes d’approvi-sionnement.

L’hypothèse la plus souvent évoquée pour interpré-ter le phénomène de “ ramiication des chaînes opé-ratoires ” dans les industries lithiques est celle d’une adaptation ponctuelle des systèmes techniques à cer-tains contextes particuliers dits “ de carence ” (Bour-guignon et al. 2004). La “ pénurie ” en matériaux de bonne qualité serait alors compensée par une forte segmentation, dans l’espace et dans le temps, des dif-férentes chaînes opératoires, impliquant une gestion rigoureuse des ressources. Cette segmentation, qu’il convient d’analyser dans la synchronie et la diachro-nie, semble cependant varier selon les silex exploités, les types d’apports en volumes à débiter et les sché-mas mis en œuvre. Ainsi, à la Corne-de-Rollay, les matériaux siliceux allochtones semblent être parve-nus sur le site sous la forme de volumes déjà partiel-lement dégrossis et mis en forme (blocs, plaquettes), mais aussi de produits préalablement débités (éclats, lames). Le choix de tel ou tel matériau – de tel ou tel volume – semble donc impliquer le recours pré-férentiel à un schéma opératoire plutôt qu’un autre, selon les disponibilités du groupe, mais aussi selon ses besoins. De cette dernière assertion découlent deux observations importantes : tout d’abord, que les schémas rencontrés ne peuvent être ni systématiques, ni exclusifs ; puis qu’une telle diversité – traduisant par ailleurs une certaine souplesse des “ intentions ” – ne peut que s’inscrire dans un cadre technique, éco-nomique et social très structuré où l’anticipation des objectifs est clairement tangible. Il est intéressant de noter à cet égard que si la circulation sur de longues distances des matériaux allochtones jusque dans le Massif central apparaît comme un phénomène assez stable pendant tout le Paléolithique supérieur – les mêmes modalités de recrutement des matériaux sili-ceux se retrouvent d’un bout à l’autre de la séquence, sans réelle variabilité lithologique ou économique (Surmely, Pasty 2003 ; Surmely et al. 2002a) –, cette “ ramiication des chaînes opératoires ” n’apparaît pas comme une constante des industries lithiques ou ne se retrouve pas de la même manière d’un techno-complexe à un autre. Partant, différentes réponses, traduisant des changements socio-économiques à une échelle plus large entre les groupes humains,

semblent pouvoir être envisagées pour répondre au manque de matériaux de bonne qualité.

À la Corne-de-Rollay et, plus largement, dans tout le Massif central, l’environnement régional ne livre que des matériaux de qualité médiocre, qui n’ont été que rarement employés pour la confection des armatures et de l’outillage domestique. A contrario, la plupart des matériaux dédiés à la production des supports laminaires et lamellaires semble prove-nir de régions distantes de 120 km à 150 km à vol d’oiseau (silex du Turonien supérieur de la région du Grand-Pressigny et du Turonien inférieur de la moyenne vallée du Cher). Des réserves de matière première sont ainsi parvenues sur le site sous forme de grandes lames brutes ou de gros éclats présentant notamment une bonne aptitude à la taille lamellaire. Dans ce contexte, nous pourrions alors avancer avec prudence l’hypothèse selon laquelle les schémas de production sur “ tranche d’éclats ” ou sur “ face su-périeure de lames ”, employés à la Corne-de-Rollay, s’inscriraient dans le cadre d’une adaptation prag-matique à un contexte où les matières premières de bonne qualité semblent faire défaut dans l’environ-nement proche.

Pourtant, ce postulat apparaît avec une moindre pertinence lorsqu’on la transpose à d’autres contextes régionaux, comme celui de La Marche (Vienne) ou d’Orville (Indre) par exemple. À l’inverse de la Corne-de-Rollay, ces sites se trouvent à proximité immédiate de gîtes de matériaux à grain in (afleure-ments de silex crétacés dans un rayon de 20 à 30 km). Comment expliquer alors que ces différentes moda-lités économiques de production se retrouvent dans des contextes où les matériaux de bonne qualité sont présents en abondance ? Au moins deux hypothèses peuvent, nous semble-t-il, être envisagées : d’une part, la possible adaptation des systèmes techniques en fonction de la nature et des conditions de l’oc-cupation (site résidentiel, halte de chasse, halte de réapprovisionnement en matériaux siliceux, etc. ; Klaric 2007) ; d’autre part, l’existence de groupes chrono-régionaux distincts non clairement identiiés jusque là au sein de la séquence magdalénienne du Massif central et de ses marges. Les nucléus du type “ La Marche ” pourraient alors correspondre à une formule pérenne adaptée à des contextes de “ pénu-rie ” de matière première, mais il se pourrait aussi qu’ils relèvent de stratégies plus ponctuelles mises en œuvre à l’occasion “ d’expéditions logistiques ” ciblées (Klaric, ibid.).

En tout état de causes, il apparaît que les diffé-rentes modalités de débitage lamellaire présentées plus haut participent d’une même koinè technique

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RACF 49, 201032

dont la souplesse intrinsèque et la rigidité extrin-sèque donnent au système technique magdalénien sa surprenante faculté d’adaptation, son importante réactivité et une sensibilité économique particuliè-rement marquée. S’adaptant tout à la fois à la néces-saire anticipation des besoins et à la forte mobilité des groupes humains, cette organisation techno-éco-nomique témoigne d’une circulation sur de longues distances des objets et des idées au cours de cette pé-riode. Toutefois, la question de l’interprétation géné-rale de ce phénomène ne pourra à l’avenir être abor-dée que dans le cadre d’une prise en compte globale des données issues de différents sites. Multiplier les exemples permettra alors de mieux appréhender la variabilité des réponses apportées par les sociétés magdaléniennes en fonction de leur environnement et, peut être, de déterminer quelques solutions pé-rennes pour chacune des régions en question. C’est tout l’enjeu des études technologiques à venir.

8. enTRe “ BADegOULien RÉCenT ” eT “ MAgDALÉnien MOYen/SUPÉRieUR AUveRgnAT ” : ÉLÉMenTS De RÉFLeXiOn SUR LA PLACe De L’inDUSTRie De LA CORne-De-ROLLAY AU Sein De LA SÉQUenCe PLÉni- eT TARDigLACiAiRe DU MASSiF CenTRAL eT De SeS MARgeS

En dépit de l’émergence récente de nouveaux critères de distinction, l’interprétation chrono-culturelle de l’industrie de la Corne-de-Rollay reste malgré tout éminemment problématique. La conjonction de ca-ractères considérés comme nettement discriminants pour d’autres assemblages pose bien évidemment la question de l’intégrité de cette série, ne bénéiciant d’aucun contrôle stratigraphique. Ainsi, il nous faut rappeler une nouvelle fois que la faiblesse de l’effec-tif de certaines composantes de cette série, associée aux conditions mêmes de sa récolte ou au caractère lacunaire des chaînes opératoires reconnues, limite fortement la représentativité de nos observations et nous empêche de proposer une attribution chrono-logique eficace et déinitive du système technique qui lui est associé.

Si l’outillage lithique semble rattacher la sé-rie de la Corne-de-Rollay au Magdalénien stricto sensu, il demeure dificile toutefois de préciser à quelle subdivision cette dernière peut correspondre. Sur les seuls critères typologiques, de nombreuses convergences peuvent cependant être signalées avec certaines industries magdaléniennes du Velay (Le Rond-du-Barry, Le Blot – Chantier 1) ou des Li-magnes d’Auvergne (Enval 1 et 2, Thônes, Le Bay)

ainsi qu’avec celles de stations du Paléolithique supérieur récent de la Sologne Bourbonnaise ou de la moyenne vallée du Cher (Delporte 1966 ; Gen-ty 1971 ; Bayle des Hermens 1979 ; Piboule 1985 ; Bourdelle et Merlet 1991 ; Bracco 1996 ; Surmely et al.1997 ; Surmely 2000). En cela, la série lithique de la Corne-de-Rollay semble donc assez proche du “ Magdalénien moyen/supérieur ” auvergnat, qui se caractérise, entre autres, par un nombre élevé d’armatures microlithiques et une forte domination des burins sur les autres catégories d’outils, notam-ment les grattoirs (Virmont 1981 ; Surmely 2000 ; Surmely et al. 2002b). Dans leur très grande ma-jorité, ces industries appartiennent à des occupa-tions contemporaines de l’interstade du Bölling-Allerød10. Cependant, certaines d’entre elles se distinguent par des datations plus précoces, entre 15.200 B.P. et 13.700 B.P., proches d’un Magdalé-nien moyen (Thônes ; Surmely 1998 ; Enval 1 Sol de la Grange ; Bourdelle et Merlet 1991). Il est à noter toutefois que la présence de raclettes, en pro-portion non négligeable au sein de l’industrie, vient quelque peu contrarier ce diagnostic. Elle pourrait impliquer, en effet, une attribution chronologique légèrement plus ancienne pour une partie au moins de cette série, ce qui semble suggéré, par ailleurs, par la robustesse de certains produits laminaires et la proportion importante d’outils confectionnés sur éclats.

Dans ce contexte, la reconnaissance de la mise en œuvre d’un débitage lamellaire “ sur face supé-rieure de lames ”, initialement identiiée sur les sites de La Marche (Lussac-les-Châteaux, Vienne), du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Vienne), d’Orville (Indre) et du Rocher-de-la-Caille (Loire) et généralement associée au Magdalénien moyen des marges septentrionales du Massif central (Alix et al., 1995), ne doit donc pas être considérée comme un argument systématique en faveur d’une attribution chronologique à une phase plutôt pré-coce du Magdalénien. Rappelons que la réalisation ponctuelle d’un tel débitage ne peut être considé-rée, stricto sensu, comme un marqueur technique pertinent pour déinir l’une des subdivisions du Pa-léolithique supérieur. Ainsi, différents exemples de “ ramiication des chaînes opératoires ”, témoignant d’une redondance des solutions techniques em-ployées sur le temps long, ont été signalés ces der-

10. Entre 12 380 +/- 280 B.P. (datation non calibrée obtenue sur le gisement du Rond-du-Barry, couche E ; Bayle des Hermens, 1979) et 11 900 +/- 50 B.P. (datations A.M.S. non calibrée du Pont-de-Longues ; Surmely et al. 2002b).

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L’industrie lithique magdalénienne du gisement de plein-air de la Corne-de-Rollay (Couleuvre, Allier) 33

nières années, non seulement au Magdalénien, mais aussi au Moustérien, à l’Aurignacien ou encore au Gravettien (Klaric 2000 ; Bon 2002 ; Bourguignon et al. 2004). Par ailleurs, cette méthode de débitage a pu être clairement identiiée dans les industries magdaléniennes d’Enval 1 Sol de la Grange (Mag-dalénien moyen, Vic-le-Comte, Puy-de-Dôme), de Gazel (Magdalénien moyen, Aude), de Bize (Magdalénien moyen, Aude), du Poteau (Magda-lénien moyen/supérieur, Hérault), d’Isturitz (Mag-dalénien moyen/supérieur, Pyrénées-Atlantiques) et d’Étiolles (Magdalénien inal, Essonne ; Ange-vin 2008 ; Langlais 2007b ; Pigeot 2004). Dès lors, cette relative convergence des “ manières de faire ” doit logiquement nous alerter sur la pertinence de la notion de “ fossile directeur technologique ” – trop souvent évoquée –, compte tenu notamment de l’ubiquité de certaines modalités techniques au cours du Paléolithique supérieur (Valentin 2008). De fait, il apparaît donc que cette modalité ne peut être envisagée dans une perspective chrono-cultu-relle trop stricte.

Comment donc interpréter ce type d’industrie à caractère mixte ? La convergence d’éléments habi-tuellement considérés comme clairement signiiants d’un point de vue chrono-culturel doit, en effet, nous alerter sur la cohérence et, partant, sur l’iden-tité même de la série en question. Ainsi, plusieurs hypothèses, par ailleurs non exclusives tant les in-connues et les variables associées à ce type d’équa-tions sont nombreuses, peuvent être logiquement avancées pour expliquer ce phénomène (Ducasse, Langlais 2007).

La première d’entre elles nous invite à considé-rer l’assemblage recueilli comme la résultante de deux occupations, par ailleurs clairement distinctes d’un point de vue typo-technologique. Elle recouvre alors partiellement l’interprétation avancée par l’in-venteur du site, M. Piboule, pour qui la reconnais-sance de rares raclettes, de grattoirs sur éclats, d’un perçoir multiple et de plusieurs burins transversaux sur éclats témoignerait de l’existence sur le site d’une occupation “ précoce ” rapprochée d’un Ba-degoulien récent et qui serait mélangée à une indus-trie “ plus franchement magdalénienne ” pouvant être rapportée à une phase moyenne ou supérieure de ce dernier technocomplexe (Piboule 1985 : 66). Nous l’avons rappelé précédemment : en l’absence de données stratigraphiques irréfutables, il demeure impossible d’afirmer l’intégrité de la série lithique envisagée et de nier l’existence de possibles mé-langes. Cependant, en l’état actuel des connais-sances, l’absence de débitage autonome d’éclats

pour la confection des supports de raclettes, ainsi que la très faible représentativité de la production micro-lamellaire (Cretin 1996 ; Fourloubey 1998 ; Bracco et al. 2004 ; Ducasse 2004) limitent forte-ment la portée de cette hypothèse, en la réduisant à sa simple expression typologique (identiication d’un “ fossile directeur ” isolé et faiblement repré-senté dans l’industrie).

La deuxième hypothèse nous conduit, a contra-rio, à envisager cette variabilité sous le prisme de l’économie et de la “ fonction des sites ” : la faible variabilité typologique des industries (proportions différentes, composantes reconnues comme “ aty-piques ”, etc.) témoignerait alors d’une complémen-tarité fonctionnelle des gisements – dans le cadre notamment d’une gestion et d’une organisation ri-goureuses des territoires – tandis que la multiplica-tion des attributions chrono-culturelles trahirait une confusion entre culturel et fonctionnel. Ici encore, le caractère anecdotique de “ l’indice ” badegoulien au sein de l’assemblage considéré ne vient en aucun cas conirmer -ou inirmer- la mise en œuvre d’une activité particulière sur le site, tant celle-ci paraî-trait marginale au regard des sphères (domestiques, cynégétiques) par ailleurs investies par les Magda-léniens.

Dans une perspective plus chrono-culturelle, une troisième solution nous permet d’explorer cette di-versité sous l’angle de la continuité ou de la rupture entre les différents technocomplexes. Dans ce cadre conceptuel, le caractère mixte des séries envisagées pourrait relever d’une “ industrie de transition ” témoignant d’échanges de savoir-faire techniques ou d’une modiication plus profonde des systèmes techno-économiques, en lien avec un possible syn-crétisme technique ou une “ acculturation ” des groupes humains. Dans le cas qui nous intéresse, le profond déséquilibre entre les deux composantes évoquées précédemment nous contraint logique-ment à écarter cette interprétation, tant la balance des données disponibles “ penche ” actuellement vers le Magdalénien “ classique ” et marginalise un possible apport badegoulien dans l’industrie. Par ailleurs, la série de la Corne-de-Rollay se dis-tingue nettement des assemblages du Magdalénien inférieur qui semblent marquer, dans le sud-ouest de la France et le nord de l’Espagne, la transition entre Badegoulien récent et Magdalénien moyen, sans pour autant préciser les relations phylétiques entre ces deux technocomplexes (Utrilla 1989 ; Ca-zals 2005 ; Langlais 2007b ; Primault et al. 2007).

Enin, la dernière de ces hypothèses pose la question de la pérennité de certaines solutions tech-

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niques au sein du système techno-économique envi-sagé et du caractère “ opportuniste ” que peut revê-

tir la composition des industries lithiques. Ainsi, la production de supports pour deux des trois raclettes identiiées sur le site semble-t-elle s’inscrire dans l’ultime séquence d’exploitation de nucléus lami-naires par ailleurs réalisés en silex allochtone et tar-divement réorientés. Il en va de même pour deux burins transversaux et l’unique “ pièce d’Orville ”, tous aménagés sur des fragments de lames épaisses “ importées ” sur le site. L’organisation techno-éco-

nomique de l’industrie lithique apparaît donc très éloignée de celles du Badegoulien récent ou du Magdalénien inférieur, se référant à des systèmes de production simpliiés pour répondre à des besoins immédiats (Fourloubey 1998 ; Langlais 2007b).

Face à l’ensemble de ces éléments de déinition, l’industrie de la Corne-de-Rollay semble donc se rapprocher des ensembles du Magdalénien moyen du sud-ouest de la France et du Massif central, par le partage d’un certain nombre de caractères techno-économiques qui apparaissent par ailleurs assez stables dans le temps et dans l’espace des territoires : développement d’un système technique complexe articulé autour des débitages laminaire et lamel-laire ; quasi-absence de débitage autonome d’éclats ; émergence de contraintes économiques nouvelles, en termes notamment d’aptitude à la taille laminaire des matières premières ; mise en œuvre d’un schéma de débitage laminaire élaboré permettant l’obtention de produits normalisés, extraits au percuteur tendre organique et destinés à l’outillage domestique ; dé-

veloppement concomitant de plusieurs modalités de production lamellaire destinées à la confection de supports d’armatures ; stabilité morphométrique, monotonie typologique intra-site et variabilité ré-

gionale des microlithes (Langlais 2004 et 2007a ; Jacquot 2002 ; Taylor 2003 ; Angevin 2008 ; Chehmana, thèse en cours). Toutefois, la recon-

naissance de certains de ces caractères techno-éco-

nomiques et de leurs implications sociales dans le Magdalénien supérieur et inal du Bassin parisien (Valentin, Pigeot 2000), “ témoignant d’une perdu-

ration des schèmes traditionnels à travers le Dryas ancien et le Bølling ” (Langlais 2007a : 762), doit une nouvelle fois nous inviter à une certaine pru-

dence en terme d’attribution chrono-culturelle à l’un ou l’autre de ces technocomplexes.

ReMeRCieMenTS

Cette recherche n’aurait pu être menée à bien sans la coniance des personnes qui nous ont donné accès aux collections et aux archives provenant de leurs fouilles. Jacques Perchat et Maurice Piboule nous ont ainsi conié l’étude d’une partie du mobilier pro-venant de la Corne-de-Rollay. Nous leur adressons ici nos plus sincères remerciements, en espérant que ce travail aura contribué à une meilleure compré-hension de ce site. Notre reconnaissance va égale-ment à M. Boris Valentin qui a accompagné cette recherche dans le cadre d’une direction de Master 2 à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ainsi qu’à Mme Monique Olive, MM. Frédéric Surmely et Christian Verjux pour leur relecture critique de cet article, leurs suggestions ou, plus simplement, pour les nombreuses discussions que nous avons eues ensemble à ce sujet.

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