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Coëdel Denis M1 SDS 2004/2005 L'INDIVIDU DANS L'ORGANISATION LIBÉRALE DU TRAVAIL: LES STRATÉGIES DE RÉSISTANCES FACE À L'ENRÔLEMENT DE LA SUBJECTIVITÉ. TER Théorique ISAS 1

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Coëdel Denis M1 SDS 2004/2005

L'INDIVIDU DANS L'ORGANISATION LIBÉRALE DU TRAVAIL:

LES STRATÉGIES DE RÉSISTANCES

FACE À L'ENRÔLEMENT DE LA SUBJECTIVITÉ.

TER Théorique ISAS 1

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SOMMAIRE   

INTRODUCTION:                                                                                                           3  

I/ L'ÉVOLUTION DE L'ORGANISATION ET DES FORMES DE CONTRÔLE DU TRAVAIL:               5  

I.1/ Le fruit d'une longue évolution de l'organisation: 5

I.2/ L'évolution des objectifs et des moyens de contrôle: 8

II/ IL ÉTAIT UNE FOIS, DANS L'ORGANISATION LIBÉRALE DU TRAVAIL...                             10   

II.1/ Les transformations du nouvel esprit du capitalisme: 11

II.2/ La bureaucratie libérale: 14

II.3/ L'idéal type du manager: 17

III/ DOMINATIONS ET RÉSISTANCES EN ORGANISATION:                                                  20   

III.1/ Capacités au travail, personnalité et exploitation: 20

III.1.a/ L'exploitation des capacités au travail: 20

III.1.b/ « Usages » de la personnalité: 23

III.2/ Vers une nouvelle définition des figures de la domination: 27

III.3/ L'analyse stratégique et les stratégies de résistances: 29

IV/ LES CENTRES D'APPELS: USINES MODERNES ET TEMPLES DU MANAGEMENT:                  32   

IV.1/ Les centres d'appels: caractérisation d'un nouveau secteur d'emploi: 32

IV.2/ Une rationalisation extrême du travail: 37

IV.3/ Autonomie, responsabilité et contrôle: 39

CONCLUSION:                                                                                                              

            41   

BIBLIOGRAPHIE:                                                                                                           43   

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INTRODUCTION:   

En ce début du vingt et unième siècle, les conflits du travail semblent se baser de plus 

en  plus   sur   des   revendications   concernant   les   conditions  de   travail,   et  à   travers   cela,   la 

dénonciation d’une pression importante subie par les employés, d’un stress générateur de mal 

être,   voire   d’un   nombre   important   de   maladies.   Bien   souvent   au   devant   de   la   scène 

médiatique,   les   centres   d’appels   parfois   caractérisés   d’usines   modernes,   ont   été 

particulièrement étudiés, quelque soit le point de vue, du fait de leurs pratiques managériales 

« de pointe » et de leurs modes d’organisation libérale du travail. Autonomie, responsabilité, 

flexibilité   sont   autant   de   mots   venant,   comme   des   idéologies,   frapper   nos   pratiques 

quotidiennes et notre lien au travail.

De nouvelles formes de domination semblent émerger, l’individu est  soumis à  une 

multitude de contraintes difficiles à percevoir et à assumer. Un des concepts forts de l’analyse 

de ces évolutions, celui que nous nous proposons d’étudier ici, est la notion d’enrôlement de 

la   subjectivité.  Détournement  des  objectifs  personnels  de   l’employé   vers   les  objectifs  de 

l’entreprise, celui­ci semble novateur dans la forme de construction du monde qu’il propose et 

dans la forme de domination qu’il représente.

Pour cela, nous commencerons par étudier l'évolution des formes d'organisation du 

travail afin d'essayer d'en dégager un schéma directeur des mutations des objectifs de contrôle 

et   de   rationalisation   du   travail.   Ensuite,   nous   nous   pencherons  plus   particulièrement   sur 

l'organisation   libérale   du   travail   par   l'étude  de  « l'esprit   du   capitalisme »,   du   concept   de 

bureaucratie libérale, et enfin par la présentation de la figure emblématique du manager. Notre 

troisième partie sera le lieu où revenir sur les théories sociologiques les plus probantes pour 

nous proposer un cadre d'analyse théorique. Nous essaierons ainsi  de comprendre en quoi 

l'évaluation des capacités au travail peut être source d'exploitation, notamment à travers la 

valorisation de la personnalité, puis nous présenterons les nouvelles figures de la domination 

pour   enfin   finir   sur   le   concept   d'analyse   stratégique   nous   offrant   un   cadre   conceptuel  à 

l'analyse des stratégies de résistances. Enfin, le quatrième temps de ce mémoire sera consacré 

à pénétrer davantage dans l'analyse théorique du terrain que nous nous proposons d'étudier: 

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les centres d'appels. Nous verrons ainsi ce qu'est un centre d'appel et en quoi l'organisation du 

travail y est particulièrement représentative de l'organisation libérale du travail.

A   travers   la   présentation  de   tout   ces  éléments,   nous   comptons  élaborer   un   cadre 

théorique   pour   la   définition   et   l'appréhension   de   notre   problématique:   les   stratégies   de 

résistances face à l'enrôlement de la subjectivité...

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I/ L'ÉVOLUTION DE L'ORGANISATION ET DES FORMES DE CONTRÔLE DU TRAVAIL:   

Cette première partie va être l'occasion pour nous d'essayer de comprendre le contexte 

de l'organisation  libérale du travail  et  ce qui  la caractérise.  Comprendre ce qui sous  tend 

l'organisation du travail aujourd'hui, c'est mieux comprendre la théorie et les grands préceptes 

de ce qui régit les actions et les décisions entourant l'employé d'une entreprise libérale. De 

nouvelles   demandes   sont   faites,   en   accord   avec   ces   nouveaux   paradigmes;   des 

restructurations, de nouvelles contraintes de temps ou d'action,... Beaucoup d'effort ont ainsi 

été   faits  depuis  quelques  années pour  changer  nos  façons de  travailler  et  de concevoir   le 

travail.

Afin de  réussir  à   cerner   l'organisation   libérale  du   travail,  nous  commencerons  par 

étudier   l'histoire   de   l'organisation   scientifique   du   travail,   depuis   ses   premières   études   à 

aujourd'hui. Puis, nous essayerons de tracer un axe dans l'évolution des objectifs des contrôles 

effectués sur l'employé, au nom de ces grands principes d'organisation.

I.1/ Le fruit d'une longue évolution de l'organisation:

Dans la revue sur les nouvelles organisations du travail de Caroline David et Sophie 

Savereux1, nous pouvons repérer un nombre important de modèles d’organisation industrielle 

du travail. Ces modèles, parfois anciens, restent cependant cruciaux dans leurs applications 

(souvent nuancées) que l’on peut encore observer aujourd’hui. Ils ont marqué profondément 

la manière de travailler, et par là même le quotidien de chacun, et sont appliqués actuellement 

non seulement au secteur industriel, mais aussi dans le secteur des services ou même dans 

certaines petites et moyennes entreprises, moins soumises aux rythmes cadencées des plus 

grosses, mais cependant séduites par les principes sous­jacents à ces modèles théoriques. Il ne 

s’agira pas pour nous ici d’en parler en détails mais plutôt d’en brosser un rapide inventaire 

nous permettant de mieux comprendre le cadre des mutations organisationnelles en train de 

1 David Caroline, Savereux Sophie, les nouvelles organisations du travail, in Problèmes politiques et sociaux, n°867, Paris, La Documentation Française, 14 Décembre 2001.

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s’opérer.

Ainsi, nous commencerons par rappeler ici les grands paradigmes des deux premiers 

modèles industriels appliqués et théorisés, le Taylorisme et le Fordisme. Le Taylorisme, mis 

au point par Taylor au début du XX° siècle, met l’accent sur la séparation stricte entre les 

tâches de conceptions, de contrôles et de production. Il repose de plus sur une rationalisation 

poussée des processus et des postes de travail « qui conduit à une parcellisation des tâches et à 

une déqualification du travail ouvrier »2. Le Fordisme, s’inspirant du Taylorisme, y ajoute 

cependant   trois   notions   clés :   le   travail  à   la   chaîne,   la   standardisation  des   pièces   et   des 

produits  et  des   salaires  élevés.  Ford  compte  ainsi,  par   cette  politique  d’augmentation  du 

pouvoir d’achat des ouvriers, soutenir la demande et ainsi créer une production importante 

répondant   à   une   consommation   de   masse.   Viennent   ensuite   deux   modèles   théorisés   en 

réaction à ces modèles parfois peu adaptés à la demande locale ou aux modes de production 

particuliers, ce sont les modèles Woollardien et Sloanien. Woollard, ingénieur en chef chez 

Morris,   crée   en   effet   une   organisation   reposant   sur   deux   principes   fondamentaux : 

l’augmentation   de   la   flexibilité   par   un   renforcement   de   l’autonomie   d’organisation   des 

salariés   dans   des   équipes,   ainsi   que   « la   mécanisation   et   la   synchronisation   des 

approvisionnements   des   stations   de   travail   pour   limiter   les   stocks   et   le   nombre   de 

manoeuvres »3. Le modèle Sloanien, mis en place chez General Motors, repose quant à lui sur 

des objectifs  de volume et de diversité.  Il différencie ainsi  les produits en surface, par un 

changement de couleur ou de forme de carrosserie par exemple, tout en gardant tout le reste 

en   commun.   Enfin,   il   nous   faut   présenter   deux   modèles   importants   aujourd’hui, 

conceptualisés   au   Japon   et   reposant   sur   les   mêmes   principes   avec   cependant   quelques 

différences primordiales. Le Toyotisme et le Hondisme s’articulent tous les deux autour du 

concept du « juste à temps » où la production toute entière est assujettie à la demande en vue 

de diminuer au maximum les stocks et le gaspillage. Malgré ce point commun, on peut voir 

apparaître deux stratégies différentes inhérentes à ces modèles, le modèle Toyotien vise en 

effet la réduction des coûts à volume constant tandis que le modèle Hondien est fondé sur 

l’innovation et la flexibilité. Ces deux derniers modèles nous paraissent aujourd’hui cruciaux 

dans les valeurs d’autonomie et  de flexibilité  souvent revendiquées dans les organisations 

2 David Caroline, Savereux Sophie, les nouvelles organisations du travail, Op. Cit. , p.6.3 David Caroline, Savereux Sophie, les nouvelles organisations du travail, Ibid, p.11.

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d’entreprises.

En fixant ces bases théoriques des modèles productifs, nous disposons d’une vision 

d’ensemble permettant l’analyse des mutations organisationnelles et de leurs enjeux. Il paraît 

tout de même intéressant de rajouter que ces changements  s’accompagnent  souvent d’une 

tentative   d’intégration   du   travailleur   aux   valeurs   de   l’entreprise   par   l’exercice   d’une 

valorisation de la personne, de son esprit d’initiative et de ses capacités communicationnelles, 

provoquant parfois un paradoxe important avec la pression exercée par la hiérarchie4. Toutes 

ces mutations et ces pressions exercées sur le travailleur sont souvent accusées de nouvelles 

exploitations,  de  génératrices  de  difficultés  profondes,… Selon  Caroline  David  et  Sophie 

Savereux,   il   s’agirait   d’avantage  de  mutations   inachevées   et   incomplètes   provoquant  des 

contradictions entre des systèmes productifs traditionnels (tels le Taylorisme et le Fordisme) 

et   une   demande   forte   d’autonomisation   et   de   flexibilité.   En   d’autres   termes   il   y   aurait 

inadéquation   entre   les   demandes   faites   aux   employés   sur   les   rythmes,   les   objectifs   de 

productions… et la capacité réelle à produire due à la subsistance de modes d’organisation 

inadaptés à celles­ci.

I.2/ L'évolution des objectifs et des moyens de contrôle:

Nous pouvons voir tout au long de la longue évolution des modes d’organisation du 

travail, qu’il existe des modifications importantes quant aux objectifs sous jacents à la mise en 

place de protocoles,  de scripts,  de « mode d’emploi »  du  travail  et  de sa   réalisation.  Les 

fondements de l’organisation scientifique du travail reposaient ainsi sur l’évident effort de 

réduction des pertes de temps à travers l’élaboration de schéma d’action, de protocoles précis 

où   le   bannissement   du   geste   inutile   était   la   règle   recherchée.   La   séparation   des   tâches, 

l’hyperspécialisation de chaque poste de travail, ou encore le cadençage imposé par la mise en 

place du travail à la chaîne, entre autres mesures, ont toutes participées à cette volonté de 

contrôle  du geste,  de   rentabilisation  extrême de   la   force de  travail   jusqu’à   aboutir  à  une 

fragmentation poussée du geste et à sa dépossession de la part du travailleur. Au cours du 

4 Linhart Danièle, Linhart Robert, l’évolution et l’organisation du travail, in Kergoat Jacques, Boutier Josiane, Linhart Danièle, Jacot Henri, Le monde du travail, Paris, La Découverte, coll. L’état des savoirs, 1998, pp. 301­308.

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temps et de l’apparition de nouveaux modèles  managériaux,  la rationalisation du travail  a 

lentement  glissée de ce contrôle  du geste,   toujours  énormément  présent,  à   la  tentative  de 

contrôle du « mental » .

Danièle   et   Robert   Linhart5,   dans   leur   article   sur  l’évolution   et   l’organisation   du 

travail,  posent la question de l’investissement du travailleur dans l’entreprise par rapport au 

contrôle social mis en place. Ainsi, d’après les auteurs, les entreprises aujourd’hui, malgré un 

mode de fonctionnement très Taylorien, se sont « lancés dans une bataille identitaire pour 

moderniser la tête des salariés » . C'est­à­dire forcer l’intériorisation des valeurs, de la culture 

et des méthodes de raisonnement de l’entreprise. « Il s’agit de les obliger à se défaire des 

solidarités de métier, de classe pour épouser les seules valeurs de l’entreprise » .

On voit ainsi l’évolution d’un contrôle du « geste » du travailleur vers un contrôle du 

« mental »   de   celui­ci,   de   sa   subjectivité.   C’est   ce   qu’on   appelle   l’enrôlement   de   la 

subjectivité de l’employé. Par cet technique, on essaie d’obtenir un investissement plus grand 

du salarié, plus d’autonomie et plus de responsabilité  vers les objectifs de l’entreprise. En 

effet, convaincu du bien fondé de l’action de l’entreprise, l’employé s’investit bien davantage 

dans son travail et dans la réalisation des objectifs imposés, comme s’il luttait pour son propre 

bonheur. C’est bien à travers la recherche de cette motivation intrinsèque à chaque individu, 

pour   un   bien   être   que   l’on   pourrait   appeler   externalisé,   que   les   nouvelles   théories 

managériales s’illustrent le mieux dans le détournement de la subjectivité.

5 Linhart Danièle, Linhart Robert, l’évolution et l’organisation du travail, Op. Cit.

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II/ IL ÉTAIT UNE FOIS, DANS L'ORGANISATION LIBÉRALE DU TRAVAIL...   

A  travers   cette  partie,   nous   allons   tenter   de  mieux   cerner   ce   qu'est   l'organisation 

libérale du travail. En effet, nous venons de voir comment l'organisation du travail a évoluée 

en nous intéressant particulièrement à l'évolution des objectifs de contrôle du travail et des 

employés. Il nous est ainsi apparu l'évident effort de contrôle du geste, en vue d'un gain de 

productivité   important,  tout  au long du temps mais s'accompagnant plus récemment d'une 

tentative de contrôle de la subjectivité  de l'employé.  On cherche ainsi à  le faire adhérer à 

l'image que l'entreprise à d'elle même, sa propre « subjectivité » . En effet, bien que réputée 

rationnelle car fondée sur les sciences économiques, le fait que l'entreprise mette en avant une 

image et  promeuve des  valeurs  nous  montre  bien   le  caractère   subjectif  de  celle  ci.  C'est 

pourquoi, nous essayerons de donner ici les éléments les plus probants à la caractérisation de 

l'organisation   libérale  du   travail   et  de   sa  « subjectivité »  à   travers   tout  d'abord   la  notion 

d'esprit du capitalisme avancée par Luc Boltanski et Eve Chiapello dans le nouvel esprit du  

capitalisme6. Dans un second temps, nous nous attacherons à  la théorie de la bureaucratie 

libérale exposée par David Courpasson dans l'action contrainte7, afin d'apporter un autre point 

de vue replaçant bien davantage cette forme d'organisation dans le champs de la domination. 

Enfin, nous nous arrêterons sur un des personnages centraux de cette organisation, la figure 

du « manager » .

II.1/ Les transformations du nouvel esprit du capitalisme:

Boltanski et Chiapello nous parle d'un esprit du capitalisme, idéologie justifiant celui 

ci. En effet, son seul objectif étant une exigence d'accumulation illimitée du capital par des 

6 Boltanski Luc, Chiapello Eve, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.7 Courpasson David, L'action contrainte, Organisations libérales et dominations, Paris, PUF, Coll. Sciences 

Sociales et Société, 2000.

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moyens formellement  pacifiques,   il  doit   inévitablement  avoir  recours,  pour survivre,  à  un 

mécanisme capable de créer la motivation nécessaire à la coopération du plus grand nombre à 

ce système. Car c'est en effet une condition primordiale à l'accumulation du capital que de 

mobiliser beaucoup de personnes, dépossédées de la propriété du résultat de leur travail, mais 

qui n'ont, à priori, aucune raison de participer et de s'investir dans ce processus puisque leurs 

chances de profits restent des plus minces.

C'est donc ici qu'intervient l'esprit du capitalisme, idéologie justifiant l'engagement à 

travers deux types de considérations:  des considérations  individuelles  (donnant des motifs 

pour s'engager dans l'entreprise capitaliste)  et des considérations générales (c'est  à dire en 

quoi  cet  engagement  peut   servir   le  bien  commun).   Il   a  ainsi  pu  se doter  de   trois  piliers 

justificatifs centraux, souvent issus des sciences économiques: le progrès matériel, considéré 

comme un critère de bien être social; l'efficacité et l'efficience dans la satisfaction des besoins; 

un mode d'organisation favorable aux libertés politiques et aux régimes démocratiques. Il se 

complète de plus, notamment vis à vis des cadres, des notions de sécurité et de participation à 

l'entreprise, toutes deux répondant aux accusions d'injustice.

La thèse défendue ici est celle d'un nouvel esprit du capitalisme, en opposition avec le 

capitalisme du dix neuvième siècle, mais aussi avec celui du début du vingtième qui perdura 

jusqu'aux années soixante d'après les auteurs. Nous ne reviendrons pas ici sur ces notions et 

nous   cantonnerons   à   essayer   de   comprendre   le   plus   finement   possible   les   principales 

caractéristiques   de   ce   nouveau   modèle   issu   d'une   continuelle   adaptation   aux   critiques 

(notamment sociales et artistiques) lui permettant de perdurer au cours du temps, quelque soit 

les reproches lui étant faits.

Ainsi, actuellement, l'objectif général reste d'obtenir la collaboration des salariés à la 

réalisation du profit capitaliste, mais la voie n'est plus l'intégration collective et politique du 

travailleur (notamment à travers la négociation syndicale, comme cela a pu être fait), mais 

dans la recherche d'épanouissement de la personne en développant le culte de la performance 

et   l'exaltation   de   la   mobilité.   On   retrouve   ainsi   des   objectifs   d'autonomie   et   de   liberté 

davantage prononcés,  basés sur  les pratiques  du nouveau management,  groupes de  travail 

semi­autonomes   et   responsables   de   leurs   actions.  Parallèlement,   se  mettent   en  place  des 

pratiques   recherchant   la   flexibilité   auprès   des   employés   (flexibilité   interne)   et   des   sous 

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traitants ou prestataires de services (flexibilité externe). On observe ainsi le report du poids de 

l'incertitude  marchande   sur   ces   deux   catégories.  Enfin,   est  mise   en  place  également  une 

gestion concurrentielle du progrès social, c'est à dire que les entreprises cherchent à gérer le 

social et à prendre en charge les « aspirations » et les « revendications » des employés.

Dans  ce   contexte,   les   changements   du   travail   et  de   son  organisation   apparaissent 

rapidement comme importants et profonds. Ils s'orientent autour de deux axes principaux: les 

changements dans l'organisation du travail, et ceux du travail en soi.

Les   changements  prépondérants   dans   l'organisation  du   travail   se  divisent   ainsi   en 

quatre grande partie:

✔ Une   plus   grande   autonomie:   augmentation   des   horaires   libres,   polyvalence, 

formation permanente,...

✔ Des   innovations   d'organisation:   le   juste­à­temps,   les   cercles   de   qualités,   les 

groupes autonomes et la diminution du nombre de niveaux hiérarchiques,...

✔ Très forte augmentation de l'importance de la sous traitance et de l'externalisation 

de nombreuses fonctions,

✔ Une organisation en réseaux de petites entités de travail distinctes.

En parallèle, le travail, lui aussi, a subi de nombreuses modifications:

✔ Précarisation de l'emploi due notamment à une externalisation des emplois et au 

développement des contrats dits précaires,

✔ Fragmentation et diversification des emplois,

✔ Dualisation du salariat entre une main d'oeuvre qualifiée et stable, et une main 

d'oeuvre peu qualifiée, sous payée avec une précarité très élevée,

✔ Diminution de la protection des travailleurs,

✔ Des   modifications   liées   à   l'arrivée   des   modèles   d'organisation   japonais 

(Toyotisme, Hondisme,...) se traduisant particulièrement par une charge de travail 

accrue et par un développement de la polyvalence à salaire égal.

La plupart de ces modifications sont dues à la grande importance du management des 

années quatre vingt dix et de ses préceptes. Ainsi, il a pour ambition d'éliminer en grande 

partie   les  modèles  d'entreprise  antérieurs,  c'est  à  dire  principalement   la  bureaucratie  et   la 

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planification   rigide.   Face   à   la   concurrence   et   au   changement   toujours   plus   rapide   des 

technologies, il devient nécessaire à l'entreprise de savoir s'adapter, d'être flexible et inventive 

et de savoir prendre de l'avance technologique sur ses concurrents. Ainsi,  se développe le 

concept   d'entreprise   « maigre »,   ayant   perdue   la   plupart   de   ses   échelons   hiérarchiques, 

travaillant en réseaux, sur la base de projets vers une plus grande satisfaction du client. Ces 

entreprises   doivent   savoir   apprendre,   pour   pouvoir   s'adapter.   Là   se   trouve   la   figure   du 

manager, animateur de petits groupes de travail où la confiance est de mise, s'appuyant sur des 

expertises précises afin de garantir la performance technique.

S'opère en même temps un changement dans les formes de mobilisation, s'appuyant 

maintenant   sur   l'idéal   de   libération   de   l'homme;   créativité,   réactivité   et   épanouissement 

devenant ainsi les valeurs phares de ces discours. La nouvelle forme de justice valorise ceux 

qui   savent   travailler,   être   mobile   et   s'adapter.   Boltanski   et   Chiapello   parlent   ainsi   d'un 

nouveau sens de la justice: la « cité par projets » .

Le nom de la « cité par projets » vient de l'organisation par projets préconisée par les 

manuels de management. Le projet est en effet l'occasion et le prétexte de la connexion en 

réseaux. Il est ainsi comme un noeud de connexions actives capables de faire exister à un 

moment donné, des objets ou des sujets. Le principe supérieur commun de la cité par projets 

est  par conséquent  l'activité,  au nom de laquelle  on peut  juger  les actes et   les  personnes. 

L'activité s'intègre ainsi à des projets où la connexion devient un état naturel entre les acteurs. 

Les mots d'ordre sont donc se connecter, communiquer, se coordonner, s'ajuster aux autres et 

faire confiance.

II.2/ La bureaucratie libérale:

Nous venons donc de voir comment Boltanski et Chiapello concevait cet  esprit du 

capitalisme si caractéristique de l'organisation libérale du travail. Il me paraissait important ici 

d'ajouter le concept de bureaucratie libérale tel  qu'énoncé par David Courpasson dans son 

ouvrage, l'action contrainte8. Ainsi, pour lui, « les principes libéraux de la flexibilité et de la 

décentralisation coexistent avec une grande rigidification des contraintes et des conduites » . 

8 Courpasson, Op. Cit, pp. 273­277.

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C'est  pourquoi   il   se  permet  d'adosser   les  deux  principes   apparemment   contradictoires  de 

bureaucratie   et   de   libéralisme.  Ce  visage  de   l'organisation   libérale   du   travail   n'étant   pas 

présenté  par  Boltanski  et  nous paraissant  probant  dans  notre étude,  nous allons   tenter   ici 

d'expliquer en quoi ce concept est intéressant dans l'analyse de la domination en entreprise.

Weber définit ainsi l'activité des bureaucraties comme « une action rationnelle en vue 

d'une fin,   légitimée  par  le  caractère  rigoureux et  équitable  de  la   règle officielle »9  .  Pour 

Courpasson, cette bureaucratie, armée de tous les outils économiques et gestionnaires, et donc 

par l'imposition d'une règle immuable s'appliquant à tous, est indissociable de la domination 

en   organisation.   Cette   domination,   selon   Habermas,   passe   par   la   dépersonnalisation   des 

rapports organisationnels, c'est à dire par « la séparation entre les systèmes d'actions et les 

structures de la personnalité »10 . Il s'agit donc d'arriver à un système complet et cohérent de 

contraintes   capables   de   limiter   au  maximum   la   liberté   individuelle   de  mouvements   dans 

l'organisation. Cette organisation du pouvoir repose sur quatre exigences imposées à ceux qui 

y sont soumis:

✔ L'exigence de respect  des   règles  et  des  procédures:   ainsi,  une  bureaucratie   se 

caractérise surtout par des procédures, des scripts de travail à respecter à la lettre. 

C'est une source importante de la cohésion bureaucratique. L'arrivée du manager 

(à la place du chef de service par exemple) marque ainsi l'importance de celles ci 

du fait qu'il sera quant à lui jugé sur le bon respect de ces règles et procédures de 

la part des ses « subordonnés » . Il personnifie localement cette exigence du fait 

qu'il en est l'initiateur et qu'il sera jugé dessus.

✔ L'exigence de conformité: Courpasson, en s'inspirant du travail de Crozier nous dit 

que « L'histoire du management des organisations peut être alors en quelque sorte 

dépeinte   comme   celle   de   la   succession   de   choix   violents   et   souples   de 

gouvernement des personnes, dans l'optique de recherche de la conformité et de 

l'obéissance  qu'elle   favorise »  11.  Mais   pour   lui,   l'originalité   des   organisations 

libérales   est   d'utiliser   également   une   coercition   souple,   s'éloignant   ainsi   du 

principe d'une contrainte violente. Ainsi, la conformité  passe par une multitude 

9 ibid. p273.10 ibid. p274.11 Courpasson, Op. Cit., p 275

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d'outils permettant d'uniformiser les conduites individuelles en vue d'un contrôle 

social plus efficace.

✔ L'exigence   d'objectivation   des   relations   de   travail:   cette   objectivation   passe 

notamment par tout l'arsenal gestionnaire permettant de rendre « quantifiable », 

montrable   et   formalisable   ces   relations  de   travail.   Par   ce   processus,   celles   ci 

deviennent   jugeables   et   jaugeables   ou   tout   du   moins   les   outils   gestionnaires 

permettent­ils l'acceptation de ces jugements en donnant l'impression d'une règle 

s'appliquant à tous et étant connue de tous.

✔ L'exigence   de   dépersonnalisation   des   rapports   de   travail:   et   notamment   des 

rapports  hiérarchiques.  Il existe ainsi  une centralisation accrue du contrôle des 

actions individuelles due particulièrement à la peur de l'expression des logiques 

personnelles dans l'organisation. Cela s'observe dans les logiques de mobilités ou 

encore   de   la   certification   qualité.   Malgré   un   discours   plus   proche   de   la 

valorisation   de   la   personne,   l'interchangeabilité   de   celles­ci   reste   une   valeur 

primordiale dans la recherche de cohésion et en même temps, de contrôle.

Il existe ainsi dans l'organisation libérale du travail une structure de commandement et 

d'autorité très réelle et souvent, très classique. Celle ci est masquée, mais la différence reste 

importante entre ceux qui doivent faire accepter les règles, les managers, et ceux qui doivent y 

obéir, les exécutants. Comme nous allons le voir ensuite, le manager se place donc en position 

de régulateur de l'organisation, son rôle est de supporter la responsabilité de faire accepter les 

règles du jeu que d'autres ont édictées.

Nous   voyons   ainsi   clairement   l'évolution   qui   s'est   produite   pour   arriver   à   cette 

bureaucratie   libérale,  pouvant  parfois  paraître  paradoxale   tant   ses   sources  de   légitimation 

semblent lointaines de la réalité vécue de l'organisation. La liberté revendiquée semble ainsi 

se cacher dans les très minces espaces laissés libres de l'emprise d'un système de contrôle 

puissant et omniprésent. Cependant, le fonctionnement en réseaux, le manque de visibilité des 

détenteurs   du  pouvoir   et   l'externalisation  de   la   responsabilité   des   actions   (et   surtout   des 

mauvais résultats) tendent à affirmer clairement les logiques de dominations mises en place au 

sein des entreprises  libérales.  Courpasson nous parle  ainsi  d'un despotisme doux dans  les 

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organisations  qui  pourraient  par  conséquent  être  définies  « comme une  forme structurelle 

alliant la décentralisation des certains pouvoirs (dont celui d'être responsable de ses actes et de 

ses fautes) et la « souveraineté » d'un pouvoir central, délégué à de multiples collaborateurs 

sélectionnés par les gouvernants grâce à des procédures productrices de conformité (la gestion 

des « hauts potentiels » par exemple), sur la base de leurs propres normes et de leurs propres 

intérêts. »12

II.3/ L'idéal type du manager:

La   figure  du  manager  me   semble   importante   dans   cette  étude  de  par   la   position 

particulière que celui­ci incarne dans la hiérarchie de l'organisation. Comme nous venons de 

le voir dans la partie précédente, il joue les rôles de médiateur, de régulateur mais également 

de représentant local de la direction. Cependant, sa fonction, autant que son rôle ou sa place 

sont foncièrement ambivalents dans le fonctionnement de l'organisation libérale du travail. 

Souvent interlocuteur unique des employés, il représente une direction lointaine et invisible, 

mais est paradoxalement reconnu (notamment dans le cas des centres d'appels comme nous le 

verrons dans le rapport empirique) comme un employé à part entière, solidaire du reste du 

groupe de travail avec lequel il partage les pressions et les contraintes.

Nous   trouvons   dans   l'ouvrage   de   Boltanski   et   Chiapello   ce   que   nous   pourrons 

rapprocher le plus de cet idéal type, au sens Weberien, du manager à travers la définition de la 

cité par projets et principalement à travers la figure du « grand » de la cité par projets. En 

effet, être grand dans cette cité semble bien être capable de répondre à toutes les injonctions, à 

correspondre à   l'image de la personne la plus valorisée dans cette justice.  Les auteurs, en 

s'inspirant  de   la   littérature  managériale  des   années  quatre  vingt  dix,  définissent   ainsi   les 

grands principes, les grands traits de caractères de cette personne emblématique de la cité par 

projets. Mais qui mieux que la figure du manager (arrivée elle aussi dans les années quatre 

vingt dix) peut incarner pleinement ce « grand », celui qui a su se hisser au sommet de cette 

cité? De part sa place même il est celui qui se doit d'incarner cette cité, car il en est le coeur, le 

moteur de toutes les modifications organisationnelles  apportées. Par conséquent, définir  le 

12 Courpasson, Op. Cit., p285.

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« grand » de la cité par projets revient bien à définir les différentes injonctions s'adressant au 

manager afin de devenir un « bon » manager... apparaît donc cet idéal­type du manager, figure 

représentant symboliquement le management actuel.

Dans le monde connexionniste ou réticulaire de la cité par projets, l'important est de 

savoir être connecté, d'être en relation et de savoir gérer des réseaux vers la réalisation d'un 

projet, occasion et but de ceux­ci. Ainsi, il semble crucial pour le manager de posséder ces 

diverses compétences relationnelles bien avant les compétences techniques que l'on pouvait 

attendre   lors   du   deuxième   esprit   du   capitalisme   d'après   les   auteurs.   Le   manager,   à   la 

différence du chef des années soixante, doit donc savoir s'engager, s'impliquer et impliquer les 

autres. Il est un guide, sa vision est l'avenir de l'entreprise ou de son service. Il doit posséder 

l'intuition et le talent, mais aussi être flexible, adaptable et polyvalent tout en restant actif et 

autonome.   «   Ce   sont   précisément   cette   adaptabilité   et   cette   polyvalence   qui   le   rendent 

employable, c'est à dire, dans l'univers de l'entreprise, à même de s'insérer dans un nouveau 

projet »13. Il sait aussi repérer et exploiter au maximum les bonnes sources d'information et 

choisir ainsi les bonnes connexions, les réseaux les plus à même de répondre à son besoin 

d'information ou de compétences requises dans le cadre de son projet. « C'est dire, dans la cité 

par projets, qu'il n'est pas seulement celui qui sait s'engager, mais aussi celui qui est capable 

d'engager les autres, de donner de l'implication, de rendre désirable le fait de le suivre, parce 

qu'il inspire confiance, qu'il est charismatique, que sa vision produit de l'enthousiasme, toutes 

qualités qui font de lui l'animateur d'une équipe qu'il ne dirige pas de façon autoritaire mais en 

se   mettant   à   l'écoute   des   autres,   avec   tolérance,   en   reconnaissant   et   en   respectant   les 

différences »14.

Nous   voyons   bien   ainsi   se   dessiner   cet   idéal   type   du   manager   comme   une   des 

personnes centrales du nouvel esprit  du capitalisme. Il se place bien, par ses compétences 

relationnelles   notamment,   comme   médiateur   et   régulateur   (comme   nous   l'avons   vu   avec 

Courpasson   au   chapitre   précédent)   de   l'entreprise.   Il   convient   peut   être   ici   de   s'arrêter 

quelques temps sur cette figure du régulateur dont la place est particulièrement sensible dans 

une organisation15. Il est en effet celui qui fait le va et vient entre la direction et l'organisation, 

13 Boltanski, Chiapello, Op. Cit., p. 169.14 Boltanski, Chiapello, Ibid., p. 172.15 Quelques éléments de caractérisation de la figure du régulateur sont inspirés par le cours donné par Mr Le 

Huu Khoa dans le cadre de son enseignement de théories sociologiques des rapports sociaux.

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le canal  d'informations  pour   le pouvoir.  Son rôle  est  de rappeler à   l'ordre,  mais  aussi  de 

proposer (et d'imposer également) de reconnaître l'intérêt collectif. Il est celui qui est capable 

d'imposer une discipline collective, une démarche à suivre et des codes sociaux à respecter. 

Mais   l'élément   le  plus   important  dans  cette   figure du  régulateur  est  bien son pouvoir  de 

sanction souvent indirect et discret, se différenciant ainsi d'une sanction plus hiérarchisée et 

plus officielle. Il peut par exemple s'agir d'un dérapage de la parole, d'échanges conflictuels 

ou encore d'une confrontation verbale plus directe. Il instaure ainsi un contrôle social sous 

forme d'auto censure provoquée par son pouvoir de sanction latent. C'est à dire que par l'usage 

de plusieurs masques, de plusieurs rôles,  il  crée une imprévisibilité  de son comportement 

pouvant  aller  de   la   sympathie,   la  diplomatie  à   la   sanction.  C'est  cette   imprévisibilité  qui 

devient la source de l'auto contrôle, et donc de son pouvoir de régulation.

Nous venons donc de voir comment définir l'organisation libérale du travail à travers 

les   études   réalisées   par   Boltanski   et   Chiapello,   et   Courpasson.   Nous   avons   ainsi   pu 

comprendre   ce   qu'est   ce   nouvel   esprit   du   capitalisme   imprégnant   l'organisation.   Puis, 

Courpasson   nous   a   montré   le   caractère   bureaucratique   encore   très   présent   et   ce   qu'il 

impliquait en termes de domination. Enfin, nous nous sommes arrêtés sur la « figure » du 

manager, personne centrale de cette organisation et emblème du travailleur libéral. A l'aide de 

la compréhension de ce contexte  libéral  de  l'organisation,  nous allons  maintenant  pouvoir 

étudier   plus   finement   les   conséquences   de   celui­ci   sur   les   relations   et   les   réalisations 

quotidiennes du travail en organisation.

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III/ DOMINATIONS ET RÉSISTANCES EN ORGANISATION:   

Pour   nous   permettre   d'appréhender   à   leur   juste   valeur   les   débats   autour   de 

l'organisation,  et surtout autour du travailleur en organisation,  nous commencerons ici  par 

revenir   sur   un   certain   nombre   de   concepts   sociologiques   traitant   de   l'exploitation,   de   la 

domination et des formes de résistances à cette domination. Pour cela, nous commencerons 

par   parler   de   l'exploitation   créée   par   les   fondements   même   des   formes   de   gestion   des 

« ressources   humaines »,   aujourd'hui.   Il   nous   faudra   pour   cela   essayer   d'entrer   dans   la 

question de l'évaluation et des attentes sur les « qualités » et « compétences » de la personne, 

puis   sur   la   conception   liée   de   la   personnalité   dans   l'organisation   libérale.   Ensuite,   nous 

étendrons le sujet aux définitions des figures de la domination, nous donnant ainsi les outils 

de lecture de la domination en organisation. Enfin, les formes de résistances possibles seront 

abordées à travers les principes de l'analyse stratégique.

III.1/ Capacités au travail, personnalité et exploitation:

Cette partie sera principalement centrée autour des concepts de définition des capacités 

au travail et de leurs utilisations, autant de la part du système dominant, dans la perspective 

d'une domination, que par les employés, dans une valorisation paradoxale de leur personne.

III.1.a/ L'exploitation des capacités au travail:

Le texte de Danilo Martuccelli sur  les trois logiques des capacités au travail: notes  

sur   l'exploitation16,  nous  éclaire  davantage sur   l'exploitation  de  la  personne au travail  par 

l'évaluation   et   la   reconnaissance   (ou  non)   de  certaines   capacités   de   l'individu   au   travail. 

L'auteur se propose ainsi de faire une analyse actuelle de l'exploitation au travail. Pour cela, il 

commence  par   rappeler   les   trois   principes   sous   jacents  à   toute   analyse  de   l'exploitation: 

premièrement,  « la  notion  d'exploitation   suppose  qu'un  acteur   soit  dans  une   situation  qui 

permet à quelqu'un d'autre (ou à d'autres) d'abuser de lui en lui infligeant un préjudice de 

16 Martuccelli Danilo, les trois logiques des capacités au travail: notes sur l'exploitation, in colloque  interdisciplinaire: la représentation de l'acteur au travail, CLERSE, 20, 21 novembre 2003.

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nature avant   tout  économique »17;  deuxièmement,   l'exploitation  créée  par   le  capitalisme a 

tendance à se faire de manière voilée, par des mécanismes invisibles; enfin, toute théorie de 

l'exploitation   renvoie   forcément   à   des   concepts   de   justice,   et   par   conséquent   à   une 

normativité.

Martuccelli   s'applique   ici   à   éclairer   une   forme   d'exploitation   basée   sur   la 

reconnaissance ou non des capacités au travail. Il divise celles­ci en trois catégories distinctes:

✔ Les  qualifications:   « la   reconnaissance  des  qualifications,   ou  des   capacités   au 

travail, passe par des compromis salariaux mais également par les certifications 

scolaires en tant que condition sine qua non pour l'exercice d'une activité »18,

✔ Les compétences: permettent une gestion plus individuelle, notamment car celles­

ci renvoient davantage aux capacités d'une personne bien plus qu'à des savoirs 

faire certifiés. Ce sont plus des connaissances générales, et surtout des capacités 

relationnelles qui sont prises en compte. « Au travers notamment des entretiens 

individuels   ou   des   bilans   de   compétences,   les   entreprises   personnalisent   les 

carrières,   obligeant   les   salariés   à   un   effort   constant   de   mobilisation,   et   ceci 

d'autant plus que l'aune à laquelle ils seront jugés, les « compétences », apparaît 

aussi floue que contraignante. »19,

✔ La « qualité » ou « l'élément humain »: « souligne des « capacités » associées de 

manière   inhérente   et   de   manière   indissociable   aux   traits   « personnels »   des 

salariés   (donc   au   sens   strict   du   terme  à   des   « modes  d'être »   plutôt   qu'à   des 

« savoir­être ») »20. La non reconnaissance de ces qualités humaines dans le travail 

est source d'exploitation car elles permettent un gain pour l'employeur sans que 

celles­ci   ne   soient   rémunérées.   Cependant,   ces   qualités   sont   de   plus   en   plus 

demandées lors d'un recrutement. Il y a donc un double mouvement paradoxal de 

reconnaissance de celles­ci, tout en les dénigrant d'un point de vue salarial.

C'est   principalement   sur   cette   dernière   catégorie   de   capacités   que   Martuccelli 

concentre   ici  son analyse de  l'exploitation.   Il  existe  ainsi  plusieurs  critères   inhérents  à   la 

personne, attendus lors des recrutements. Nous pouvons par exemple citer l'ethos de classe, le 

17 Martuccelli, Op. Cit., p. 2.18 Martuccelli, Ibid., p. 4.19 Martuccelli, Ibid., p. 4.20 Martuccelli, Ibid., p. 5.

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sexe, la dimension ethnique, l'âge ou encore l'apparence physique.

Cette association importante d'une qualité de la personne à un poste précis sous tend le 

piège d'une nouvelle forme d'aliénation, une trop grande identification de la personne à son 

travail. Cette aliénation se décline ainsi en deux grands thèmes: le temps de travail n'a plus 

vraiment de limite, étant donné la valorisation de l'élément humain; et « d'autre part, [...] ces 

salariés risquent de connaître une exacerbation de leur expérience d'aliénation lorsqu'ils se 

sur­identifient aux stéréotypes qu'on leur attribue au travail »21. Les individus perdent donc la 

possibilité de jouer avec leurs différents « rôles » identitaires: « puisqu'ils « font » ce qu'ils 

« sont », ils doivent « être » ce qu'ils « font » »22.

Se   pose   ainsi   la   question   d'une   nouvelle   forme   de   justice   sociale.   Il   s'agit   de 

reconnaître, de valoriser et de rémunérer ces différences entre individus. Martuccelli évoque 

deux voies traditionnelles pour contrer ce problème: la valorisation de ces compétences et, 

dans le deuxième temps, une professionnalisation accrue de ces métiers à forte demande en 

qualités humaines. Il n'y aurait ainsi pas d'autre solution que de transformer ces qualités en 

compétences ou en qualifications. Mais ces deux approches portent le danger de prendre en 

considération les préjugés associés à ces qualités afin de les faire rentrer dans l'un de ces 

cadres.

Martuccelli,  à   travers   son   exploration  de   l'exploitation  de   l'élément  humain,   nous 

propose  ainsi  une  autre  vision.  « Dans   la  mesure  où   le   travail   exige  de  plus   en  plus  de 

capacités   diverses,   relationnelles   et   communicationnelles,   cognitives   et   linguistiques,   des 

facteurs traditionnels de la sphère de la reproduction sociale (parfois dits de « socialisation ») 

deviennent de véritables facteurs productifs »23. Ainsi, la reconnaissance de cet élément invite 

à élargir les critères de jugement de ces qualités d'une personne. Il faut donc reconnaître la 

valeur   marchande   de   l'individu.   « Dans   ce   dernier   cas   de   figure,   et   de  manière   précise, 

l'individu  est   un  créateur   de   richesses   parce  qu'étant  membre  d'une   collectivité,   il   est   le 

dépositaire d'une série de capacités,  monnayable en tant qu'élément humain, au sein d'une 

société donnée. »24. Or l'exploitation réside bien ici, car « il y a profit indu en quelque sorte 

dès   le   départ,   puisque   le   salarié   est   embauché   d'emblée   pour   ce   qu'il   « est »   (ses 

21 Martuccelli, Op. Cit., p. 10.22 Martuccelli, Ibid., p. 11.23 Martuccelli, Op. Cit., p. 15.24 Martuccelli, Ibid., p. 16.

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« qualités »). »25

III.1.b/ «      Usages      » de la personnalité:   

A travers l'article d'Olivier Cousin26, que nous étudierons plus tard en détails,  nous 

pouvons   relever   une   forme   de   valorisation   paradoxale   de   la   personne   dans   les   centres 

d'appels.  En effet,   le   téléopérateur,   face  aux différentes  pressions  de   son  emploi,   et  à   la 

difficile reconnaissance professionnelle dans ce milieu, revendique souvent l'usage nécessaire 

de   sa   « personnalité »   dans   le   cadre   de   son   emploi:   « C'est   un   travail   lié   au   qualités 

personnelles. Il faut être réactif, savoir parler au téléphone, savoir gérer le stress. On zappe 

tout le temps. Ce n'est pas un travail qui nous structure et nous rend nerveux ou instables, 

mais c'est parce qu'on a des prédispositions qu'on fait ce travail. Les gens calmes et posés 

réussissent moins bien. Ils ont une plus faible productivité. » dit un conseiller de clientèle cité 

par Cousin27.

Olivier Cousin nous explique ainsi que le fait de valoriser cette facette de l'expérience 

de travail, permet de donner un sens à celui­ci, le rendre montrable et en faire une expérience 

constructive.  On  voit   donc  que  dans   ce   secteur,   peut   demandeur   en  qualifications   et   en 

compétences   particulières,   la   valorisation   d'une   personnalité   de   téléopérateur   enrichie 

l'expérience de travail. Cet élément est particulièrement important lorsque l'on s'attache un 

peu   plus   à   comprendre   le   secteur:   souvent   premier   emploi,   sans   réelles   perspectives 

d'évolution, le travail de téléopérateur est ainsi souvent considéré comme un tremplin vers un 

« vrai »   travail.   Pouvoir   changer   une   expérience   difficile   et   « robotisante »   en   réelle 

expérience constructive d'un projet, d'une trajectoire professionnelle suppose par conséquent 

de réussir à la valoriser par rapport à des critères attendus sur le marché de l'emploi: savoir 

travailler en équipe, gérer son stress, être fait pour le contact client,...

L'article   de   Martuccelli   précédemment   étudié   nous   amène   une   seconde   lecture 

complémentaire à celle d'Olivier Cousin. Si l'on se place en effet du point de vue de l'analyse 

de l'exploitation, nous nous trouvons rapidement face à un double jeux où  le téléopérateur 

trouve sa valorisation où il est le moins reconnu dans le cadre de son emploi, où se situe une 

forte source d'exploitation, sa personnalité, ou ses qualités humaines au sens de Martuccelli.

25 Martuccelli, Ibid., p. 17.26 Cousin Olivier, les ambivalences du travail, les salariés peu qualifiés dans les centres d’appels, in 

Sociologie du travail, vol.44, n°4, 2002.27 Cousin Olivier, Op. Cit., p 512.

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Afin d'approfondir davantage cette notion, un petit détour par la psychologie sociale 

nous  paraît  probant.  Dans  son  traité  de  la  servitude   libérale28,   Jean Léon Beauvois   tente 

d'étudier  les mécanismes psychologiques sous­tendant  la soumission.  Il  présente ainsi  une 

psychologie   « ordinaire »   qui   véhicule   l'image   d'un   individu   posé   là   comme   une   entité 

singulière, autonome et auto­suffisante et dont la pensée est un phénomène privé plutôt que 

collectif. Mais, pour lui, cette psychologie est propre à nos sociétés et dépend fortement de la 

culture du pays.

Il   présente   ainsi   une   image   de   l'individu   propre   au   libéralisme   démocratique, 

caractérisée par des grands idéaux psychologiques:

✔ Internalité   et   personnologie:   C'est   dans   l'individu   lui­même   et   dans   sa 

personnalité que se situe l'origine de ce qu'il fait et de ce qu'il lui arrive,

✔ Identité: C'est dans les significations de leurs comportements que se construit la 

réalité stable des individus,

✔ Individualité:   Chaque   individu   a   une   réalité   propre,   indépendante   de   toute 

catégorie, de toute identité sociale,

✔ Différenciation individuelle: Chaque individu doit trouver une signification propre 

à ses conduites,

✔ Auto­affirmation: Il importe que l'individu exhibe sa valeur, son excellence dans 

les relations interpersonnelles,

✔ Auto­suffisance: Les individus doivent chercher en eux­même la source de leurs 

besoins et les possibilités qu'ils recèlent de satisfaire ces besoins. 

D'après lui, ces traits constitue une grille d'évaluation des personnes sur leur « utilité 

sociale » selon que les significations de leurs conduites en sont plus ou moins proches. Les 

idéaux psychologiques,  qui   sont  modelés  dans   les  pratiques  concrètes  et  par   les   rapports 

sociaux de le réalité humaine très libérale dans laquelle nous vivons, correspondent donc aux 

normes auxquelles doivent satisfaire les significations apprises de nos comportements.

JL Beauvois  étudie  ensuite   le  concept  de  soumission  forcée,  c'est­à­dire  de  savoir 

comment un individu accepte de réaliser un acte qu'il n'a pas envie de faire. En fait, l’individu 

en situation de soumission forcée, ressent l’acte qu’il va faire comme un acte problématique. 

28 Beauvois Jean Léon, Traité de la servitude libérale: analyse de la soumission, Paris, éd. Dunod, 1994.

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L’émission d’un acte problématique le met dans un état de tension que Festinger appelle l’état 

de dissonance. Pour s’en sortir il doit modifier ses savoirs et ses évaluations d’origine. C’est 

ce processus psychologique qui a pour effet de rendre le comportement moins problématique 

qu’il ne l’était au moment de l’acceptation, que Festinger considère comme la réduction de la 

dissonance, et que J.L. Beauvois (et R.V. Joule) définit par le terme de rationalisation. L’effet 

de la rationalisation ayant pour résultat de rendre moins problématique un acte qui l’était au 

vu des attitudes ou motivations préalables de l’individu qui accepte de réaliser cet acte qui en 

est finalement le contraire, et par là même, la rationalisation a également pour effet de ne plus 

faire apparaître le comportement de l’individu comme relevant d’une pure soumission.

Beauvois   rajoute   qu'il   existe   plusieurs   conditions   pour   la   réalisation   de   cette 

soumission forcée. Tout d'abord, il  faut que l'individu se sente engagé. Un des principaux 

facteurs   d'engagement   est,   pour   lui,   la   déclaration   de   liberté   qui   est   indispensable   au 

déclenchement   du   processus   de   rationalisation   des   comportements   problématiques   en   ce 

qu'elle engage l'individu dans son comportement de soumission. Ce paradoxe présente trois 

aspects :

✔ Quasiment   toutes   les   recherches  attestent  que   les  gens  déclarés   libres  et  pour 

lesquels la liberté  est  une valeur fondamentale,  sont finalement  peu disposés à 

profiter  de cette   liberté  même lorsqu’on leur  rappelle  qu’ils  peuvent  quitter   le 

champ de l’expérimentation.

✔ La   personne   qui   déclare   les   sujets   libres   est   celle­là   même   qui   attend   leur 

soumission, c’est donc une soumission librement consentie qui est demandée.

✔ Les sujets  déclarés  libres rationalisent  certes  leur comportement  de soumission 

(alors   que   les   sujets   déclarés   non   libres   ne   rationalisent   pas   ou   peu),   mais 

n’éprouvent pas pour autant un sentiment de liberté; c’est donc la déclaration en 

tant que telle "vous êtes libres" qui transforme la situation de soumission plus que 

ses éventuelles retombées subjectives.

Ainsi,  seuls  les sujets engagés rationalisent leur comportement,  et leur engagement 

tient finalement à peu de chose puisqu’il suffit qu’ils aient été déclarés libres par celui dont le 

rôle est de les voir se soumettre, ce qu’ils font.

Enfin,  le dernier point que nous retiendrons de l'ouvrage de Beauvois, et peut être 

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l'essentiel  pour ce qui nous concerne, est l'affirmation que l'exercice du pouvoir libéral  en 

appelle à la nature même des gens soumis. Il s’agit d’un mode de prescription légitimé par une 

évocation   de   la   nature   psychologique   même   du   soumis   et   de   ses   besoins   (besoin 

d’accomplissement), de son intelligence. Le pouvoir libéral propose à ceux qui ont le goût de 

s’y   insérer   (de   s’y   soumettre),   l’épanouissement   individuel,   l’autonomie,   la   culture  de   la 

différence. Le chef libéral tient sa propre légitimité de prescripteur et d’évaluateur parce qu’il 

représente mieux que ses subordonnés, un prototype d’homme accompli et "développé". A 

travers leur « savoir être » les gens sont donc appelés à devenir des gens psychologiquement 

bien, des gens à potentiels, désireux de se prendre en charge, de bâtir un projet personnel.

III.2/ Vers une nouvelle définition des figures de la domination:

L’article29 de Danilo Martuccelli présenté dans la Revue Française de Sociologie nous 

semble particulièrement intéressant dans le paysage de la sociologie de la domination actuel. 

En effet, il cherche à reposer la question des figures de la domination afin de prétendre à un 

schéma plus actuel et plus proche de notre réalité  sociale.  Il pose ainsi  deux grands axes 

analytiques   qui   lui   permettront   de   définir   quatre   idéaux­types   des   expériences   de   la 

domination.

Dans son premier axe analytique, il se charge de distinguer deux dimensions de la 

domination à  travers les notions de consentement et de contrainte. En effet,  il  ne faut pas 

négliger aujourd’hui les compétences critiques de l’individu, sortant ainsi de son ignorance 

des   jeux  de  domination.  Le  consentement  des  dominés  n’est  plus  aujourd’hui   aussi  clair 

qu’avant. Les principes de l’imposition culturelle, telle qu’elle était envisagée, ne s’applique 

plus aussi directement du fait de cette déchirure du voile de l’ignorance. Cependant, il nous 

présente   la   deuxième  dimension,   plus   actuelle   d’après   lui,   c'est­à­dire   la   contrainte.  Elle 

émerge en opposition au consentement et peut se définir comme suit, au sens de Courpasson : 

« La contrainte y est vue à la fois comme une limite d’action et comme un déterminant de 

l’action.   Elle   diminue   le   champ   des   choix   possibles,   et   en   détermine   partiellement   le 

contenu. »30 Pour Martuccelli, on observe aujourd’hui une prépondérance de la contrainte sur 

29 Martuccelli Danilo, Figure de la domination, in Revue Française de sociologie, 45­3, 2004, pp. 469­497.30 Courpasson, Op. Cit, p.24.

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le consentement, c'est­à­dire « du primat des principes de l’intégration systémique sur ceux de 

l’intégration sociale »31

Le   second   axe   analytique   repose   quand   à   lui   sur   la   distinction   des   inscriptions 

subjectives de la domination : L’assujettissement et la responsabilisation. L’assujettissement 

est le mécanisme assez classique d’assignation de l’individu comme sujet, c'est­à­dire dominé 

et non acteur de sa propre vie. Mais aujourd’hui, dans les sociétés modernes occidentales, il a 

de plus en plus fait  appel à   la responsabilité   individuelle dans l’explication des situations 

d’échec,…   En   d’autre   termes,   l’individu   est   contraint   d’intérioriser   sa   situation   d’échec 

comme une faute personnelle, il devient responsable de tout ce qui lui arrive dans une logique 

conséquentialiste où il est jugé sur ce qu’il a fait, n’a pas fait ou aurait du faire.

Au croisement de ces deux axes analytiques, nous pouvons trouver quatre idéaux types 

d’expériences de la domination :

Consentement ContrainteAssujettissement Inculcation Implosion

Responsabilisation Injonction Dévolution

L’inculcation, figure la plus classique de la sociologie de la domination, repose sur la 

manipulation des besoins dans le but de maintenir cette domination. Il s’agit d’un processus 

de consentement inscrit sous forme d’assujettissement.

L’implosion,   proche   de   l’aliénation,   repose   sur   la   transformation   des   problèmes 

sociaux   en   problèmes   psychologiques   notamment   à   travers   le   sentiment   d’impuissance. 

Autrement dit, « c’est donc dans l’écart entre les contraintes subies et l’appel, impossible à 

satisfaire, à devenir un sujet que réside en dernier ressort l’implosion de l’individu »32.

L’injonction,   gardant   l’idée   d’une   norme,   cherche   le   consentement   par   l’appel   à 

l’individu en tant qu’acteur, et notamment de sa propre vie. L’exigence doit venir de soi. Il 

existe   quatre   formes   identifiées   d’injonction :   L’injonction   à   l’autonomie,   l’injonction   à 

l’indépendance, l’injonction à la participation et enfin l’injonction à l’authenticité.

La dévolution, dernier idéal type, en rappelant l’existence d’une solidarité collective, 

renvoie à la responsabilité des situations d’échec de l’individu. Il cause et se cause des torts et 

doit donc assumer seul les conséquences de ses actes. Il se trouve contraint d’assumer sa vie. 

Pour Martuccelli, la dévolution sert à masquer l’absence croissante de maîtrise des processus 31 Martuccelli Danilo, Figure de la domination, Op. Cit., p.476.32 Martuccelli Danilo, Figures de la domination, Op. Cit., p.482.

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sociaux de la part des dirigeants, ayant recours à une responsabilisation à outrance.

Ce  texte  est  particulièrement   intéressant  dans   l’inscription  qu’il   laisse  entendre  de 

l’appartenance de l’enrôlement de la subjectivité au champ de la sociologie de la domination 

comme   une   figure   récente   de   celle­ci.   Il   l’identifie   ainsi   comme   une   injonction   à   la 

participation, au croisement de la responsabilisation et du consentement. Cela se traduit dans 

les faits par un effort constant de mobilisation du salarié, cherchant à orienter ou à motiver 

celui­ci vers la réalisation des objectifs entrepreneuriaux. « La réalisation de soi s’identifie 

ainsi avec le développement de l’organisation, afin d’obtenir à terme une reconnaissance qui 

fera toujours défaut. »33

III.3/ L'analyse stratégique et les stratégies de résistances:

L’analyse stratégique, théorisée par Michel Crozier et Erhard Friedberg, repose sur 

une   analyse   relationnelle   des   organisations,   c'est­à­dire   sur   une   analyse   des   réseaux   de 

relations et des stratégies employées par les acteurs internes à ces réseaux. En effet, les deux 

auteurs  mettent  au  centre  de  tout   leur   raisonnement   l’idée  d’Acteur  à   travers   laquelle   ils 

affirment   « que   la   conduite   humaine   ne   saurait   être   assimilée   en   aucun   cas   au   produit 

mécanique  de   l’obéissance  ou  de   la  pression  des  données   structurelles.  Elle   est   toujours 

l’expression   et   la  mise   en  œuvre  d’une   liberté,   si  minime   soit   elle. »34  Cependant,   pour 

Crozier, l’acteur a une rationalité limitée par des contraintes extérieures, c'est­à­dire qu’il est 

moins rationnel que Weber ne le dit, du fait d’un manque d’informations. Il fait ainsi le choix 

le moins insatisfaisant possible dans le contexte de sa connaissance limitée du problème. Ces 

choix,  montrant  ainsi  que  cet   acteur   est  actif,   sont  appelés   stratégies  car   ils  ne   sont  pas 

toujours le résultat  de contraintes extérieures mais bien le fruit d’un calcul de la personne 

visant   à   acquérir   ou   à   conserver   davantage   de   ressources   (pouvant   être   un   savoir,   des 

relations, une formation,…). C’est ce que l’acteur désire et qui lui permettra de se positionner 

dans les jeux de pouvoirs internes à l’organisation qui représentent l’enjeu principal dans les 

organisations.  L’analyse stratégique a ainsi  pour but de montrer cette  structure  informelle 

33 Martuccelli Danilo, Figures de la domination, Op. Cit., p. 488.34 Crozier Michel, Friedberg Erhard, L’acteur et le système, les contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, 

1977, p.39.

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basée sur ces tentatives d’acquisitions de ressources, pour plus de pouvoir, dans un monde 

mouvant et inconnu en partie, ce qu’ils ont théorisé à travers les zones d’incertitudes.

Pour eux, le comportement de l’acteur a toujours un sens ; il est rationnel par rapport à 

des opportunités et au contexte qui les définit ainsi que par rapport aux comportements des 

autres acteurs. Ce comportement se caractérise toujours par deux aspects, un aspect offensif 

pour améliorer sa situation, et un aspect défensif pour la conserver, qui sont les deux grandes 

entrées de l’analyse stratégique.

Nous voyons par conséquent se dessiner  le concept de stratégies de résistances. Il 

s'agit effectivement pour l'acteur de répondre aux tentatives de contrôles et de diminution de 

son espace de liberté.  Acquérir du pouvoir, diminuer  la visibilité  de ses actions et  de ses 

comportements, deviennent donc rapidement des enjeux cruciaux de la vie en organisation. 

Suivant Crozier et Friedberg, l'acteur cherche donc à acquérir ou conserver des ressources et 

des espaces de pouvoir où il pourra mettre en place une réelle stratégie offensive ou défensive. 

Il existe une multitude de formes de stratégies de résistances parmi lesquelles nous pouvons 

citer   les   stratégies   de   freinage,   de   sabotage,...   mais   aussi   de   distanciation   comme   nous 

pourrons le voir dans le rapport empirique.

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IV/ LES CENTRES D'APPELS: USINES MODERNES ET TEMPLES DU MANAGEMENT:   

Au cours  de cette  partie,  nous  allons  commencer  à  explorer  davantage  les  centres 

d'appels   et   particulièrement   dans   le   point   de   vue   de   leur   représentativité   de   formes 

d'organisations   libérales  du  travail.   Il   s'agira  ainsi  pour nous  de dresser   le  paysage où   se 

déroule   « l'action »   de   cette   enquête   afin   de   mieux   en   comprendre   les   tenants   et   les 

aboutissants.

En premier   lieu,  nous définirons plus profondément ce qu'est  un centre d'appel  en 

clarifiant son fonctionnement et en donnant une typologie des différents types existants. Puis, 

les   articles   de   Marie   Buscatto   et   Olivier   Cousin   nous   engageront   plus   avant   dans   la 

compréhension  des  mécanismes  de  rationalisation  mis  en place dans  ce secteur.  Dans un 

troisième temps nous regarderons   les centres d'appels via   l'article  de Damien Cartron,  en 

comparant leur fonctionnement avec ceux d'un Mc Donald’s dans le but avoué de comprendre 

les problématiques d'autonomie, de responsabilité et de contrôle interne à l'organisation.

IV.1/ Les centres d'appels: caractérisation d'un nouveau secteur d'emploi:

Pour décrire les centres d'appels et leurs fonctionnements, nous ferons appel à deux 

articles de François Pichault35. Ces deux textes étant principalement orientés sur la gestion des 

ressources humaines, nous utiliserons la description des centres d'appels en faisant partie. En 

effet, l'analyse et la schématisation y étant faite semblent très pertinents.

Ainsi,   François   Pichault   commence   par   nous   éclairer   sur   la   position   particulière 

adoptée par les entreprises gestionnaires de centres d'appels. En effet,  ces entreprises sont 

remarquables par la place d'intermédiation qu'elles occupent (cf. schéma ci­dessous). Nous 

voyons clairement ainsi apparaître la place centrale de ces entreprises entre la société client 

(donneuse d'ordres) et le consommateur final de cette première société. La société de centre 

35 Pichault François et Zune Marc, Une figure de la déréglementation du marché du travail: le cas des centres  d'appels, in la revue Management et Conjoncture sociale, n°580, 8/05/2000.Pichault François, Call­centers, hiérarchie virtuelle et gestion des ressources humaines, in Revue Française  de Gestion, septembre/octobre 2000.

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d'appels tend ainsi à remplacer le lien entre la société client et le consommateur, créant par 

conséquent cet espace de médiation. Sur ce schéma, nous voyons ainsi la relation 1 s'effacer 

au profit  des relations 2 et  3. Cette position est  particulièrement  critique dans le contexte 

d'externalisation de la responsabilité comme nous avons pu le voir précédemment à travers 

l'étude de l'ouvrage de Courpasson. La société client délègue ainsi son contact direct avec le 

client,  créant  une zone « tampon » capable de supporter des contraintes  plus   importantes, 

venant de la société client comme du client final, mais aussi des pressions du marché, ..., sans 

nuire à son image propre.

LE RÔLE D'INTERMÉDIATION D'UN    CALL   ­  CENTER   

Call Center(fournisseur de service)

2 3

      Société client    Consommateurs(Industrie ou services)      1             finaux

C'est   bien   le   développement   des   nouvelles   technologies   de   l'information   et   de   la 

communication   (NTIC)  qui  permit   le   fort   essor  de  ce   secteur.   Il   est   ainsi   complètement 

imprégné   par   cette   influence   du   progrès   technique,   se   ressentant   à   divers   échelons   de 

l'organisation. On voit par exemple, dès la définition des centres d'appels, assez répandue et 

donnée  dans   le   texte  de Pichault,  que:  « Cette  activité  nouvelle  consiste  à   tirer  parti  des 

récents développements des technologies avancées de communication pour prendre en charge 

une partie ou l'ensemble des relations téléphoniques d'entreprises donneuses d'ordres. »36 

Les   activités   de   ces   centres   d'appels   peuvent   varier   fortement,   mais   sont 

principalement   concentrées   dans   le   secteur   de   la   banque,   des   assurances   et   des   produits 

technologiques. Il existe deux catégories majeures d'activité au sein des centres d'appels: les 

appels entrants et sortants. En fonction du type d'activités, l'organisation d'un centre d'appels 

est complètement différente: les appels sortants permettent une plus grande prévisibilité du 36 Pichault François, Une figure de la déréglementation au travail : le cas des centres d'appels, Op. Cit.

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temps et de la charge de travail tandis que les appels entrants, du fait qu'ils soient soumis aux 

intentions   et   aux  demandes  des   consommateurs,   sont   beaucoup  plus   imprévisibles.   Il   en 

découle aussi, pour Pichault, deux types de comportement attendus pour les téléopérateurs: les 

appels sortants nécessitent des techniques d'entretien orientées sur la vente ou la persuasion, 

tandis que les appels entrants nécessitent de « l'aide, du support,  de la prise en charge ou 

encore du conseil » 

IMPLICATIONS ORGANISATIONNELLES ET COMPORTEMENTALES DES TYPES D'APPELS TÉLÉPHONIQUES.

Appels entrants

(inbound)

Appels sortants

(outbound)

Implications  organisationnelles

Imprévisibilité du volume des appels entrants et de leurs durées

Prévisibilité des plages de travail et du nombre d'appels

Comportements  attendus  du  personnel

Aide, support, prise en charge, professionnalisme, tact, improvisation

Dynamisme, rapidité, conviction, vente

Une seconde distinction dans l'activité  des centres d'appels repose sur la durée des 

contrats d'après Pichault.  Certains ont en effet une action limitée dans le temps tandis que 

d'autres sont voués à devenir pérennes.

Au croisement des deux types de distinctions, nous pouvons retrouver, d'après l'auteur, 

une série de variables dépendantes telles que les buts (quantitatifs ou qualitatifs), la sensibilité 

des   actions   « qui   renvoie   au   risque   lié   à   la   perte   d'adhésion   des   consommateurs   ou   à 

l'altération de l'image de marque du produit par l'utilisation de ce type de média, et qui varie 

selon   le   public   concerné   par   les   produits/services     et   les   objectifs   poursuivis »   ,et   la 

complexité des savoir­faire requis. 

TYPOLOGIE DES ACTIONS TÉLÉPHONIQUES DANS LES CENTRES D'APPELS

Flexibilité organisationnelle

Forte                                      Faible

Appels entrants (inbound) Appels sortants (outbound)

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TYPOLOGIE DES ACTIONS TÉLÉPHONIQUES DANS LES CENTRES D'APPELS

Flexibilité  numérique

Forte

Actions à court terme

­ objectif qualitatif ou quantitatif

­ sensibilité moyenne

­ complexité faible ou moyenne

Ex.: campagnes d'information limitées, offres temporaires

­ objectif souvent quantitatif

­ sensibilité faible

­ complexité généralement faible

Ex.: téléventes, sondages d'opinion, prise de rendez vous

Faible Actions à long terme

­ objectif qualitatif

­ sensibilité forte

­ complexité moyenne ou forte

Ex.: numéro vert permanent, help desk informatique, direct banking, réservations de vols

­ objectif qualitatif ou quantitatif

­ sensibilité moyenne

­ complexité moyenne

Ex.: campagne de fidélisation ou de satisfaction clientèle

Pichault s'inspire des travaux de Atkinson (1985) et Boyer (1986) pour nous montrer 

que le croisement de ces deux variables indépendantes, le type d'appels et la durée du contrat, 

impliquent   l'existence  de  deux  types  de   flexibilité   différents.  Tout  d'abord  une   flexibilité 

organisationnelle,  correspondant à   la nécessité  d'aménager  les horaires et  l'organisation du 

travail, puis une flexibilité numérique afin de faire face aux importantes variations d'effectifs 

requis dans le cadre de certaines activités.

Une troisième forme de flexibilité, n'apparaissant pas dans ce tableau, est mobilisée 

pour expliquer l'utilisation de centre d'appels externes, la flexibilité fonctionnelle, qui permet 

de se centrer sur ses activités de base pour une société client,  en sous traitant les activités 

périphériques, plus souvent source de coûts que de profit.

François Pichault s'efforce ensuite de caractériser le « métier » de téléopérateur:

✔ Un des éléments principaux, et on pourrait même dire fondateur de ce métier, est 

l'importance   des   NTIC.   En   effet,   le   téléopérateur   est   soumis   à   « un   système 

informatique de routage automatique des appels en fonction du premier opérateur 

libre pour le type d'appel reçu » . Celui­ci doit ainsi prendre le premier appel venu 

en répondant grâce à l'appui d'un script qu'il doit suivre à la lettre. A la fin de 

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l'appel,   le   système  informatique   lui  donne   immédiatement,   ou   après   quelques 

secondes suivant le type d'activité, un autre appel.

✔ Une forte division du travail,  séparant  les  tâches de conception et  d'exécution, 

ainsi  qu'un  contrôle  permanent  de   l'activité   (comme  nous   le  verrons  dans   les 

parties   suivantes),   nous   permettent   de   parler   d'une   véritable   taylorisation   du 

travail.

✔ La   formation   du   personnel   varie   fortement   selon   la   catégorie   visée.   Lors   de 

contrats ponctuels, ce sont davantage les caractéristiques comportementales qui 

sont   favorisées   lors  du   recrutement,   tandis  que  sur  des  plus   longs  contrats,   il 

s'ensuivra   une   politique   de   formation   beaucoup   plus   poussée   que   pour   les 

premiers.

✔ Une des caractéristique importantes des centres d'appels est la multiplication des 

statuts présents sur un même lieu de travail. « Pour IDS Report (1997), environ un 

tiers   des   centres   d'appels   n'emploieraient   que   du   personnel   interne,   50% 

utiliseraient du personnel temporaire ou à temps partiel, mais seule une minorité 

engagerait du personnel temporaire pour plus de 50% de sa force de travail. Une 

étude effectuée par le bureau d'intérim  Manpower  (1997), rapporte quant à elle 

que 66% des centres d'appels utilisent une combinaison d'employés permanents et 

de travailleurs temporaires ou à durée déterminée. » .

IV.2/ Une rationalisation extrême du travail:

Les   centres   d’appels,   ces   entreprises   chargées   des   services   téléphoniques   en   tous 

genres   tels   que   service   après   vente,   vente   aux   particuliers   ou   aux   entreprises,   services 

techniques,… représentent un secteur en fort essor avec plus de 150 000 employés en 2000 

déjà.  Mais  avant  cet   important  nombre d’employés  dans   le  secteur  pendant   leurs  dix ans 

d’existence seulement en France, c’est les conditions de travail et les modes d’organisation du 

travail qui sont emblématiques de ce secteur au point de faire énormément parler d’eux dans 

la presse.

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Ainsi, d’après Marie Buscatto37 et Olivier Cousin38, on peut tout d’abord observer une 

rationalisation extrême du rythme et des conditions de travail. Un strict contrôle des temps 

d’appels et  de pauses se réalise par un système lié  à   l’outil   téléphonique et   informatique, 

entièrement automatique, qui décroche automatiquement à la première sonnerie bien souvent, 

et qui permet de se « loguer » à volonté pour l’employé, c'est­à­dire se déclarer prêt ou en 

ligne,… Il  doit  ainsi  déclarer à  n’importe  quel moment ce qu’il  est  en train  de faire à   la 

seconde prêt. Ensuite, il y a une standardisation des dossiers et des modes opératoires (scripts) 

restreignant l’initiative personnelle du téléopérateur lors de sa conversation téléphonique avec 

le client. Les employés travaillent suivant des horaires très irréguliers (notamment dans les 

hotlines 24/24H et 7/7J), susceptibles de changer à tout moment. Enfin, on retrouve ici aussi 

une parcellisation   très   importante  du  travail,   réparti  sur  plusieurs  postes  où   le  client  sera 

redirigé   grâce,   bien   souvent,   à   un   répondeur   téléphonique   redirigeant   les   appels   vers 

l’opérateur approprié.

Toujours d’après les articles de Buscatto et Cousin, nous pouvons observer comment 

est mis en place un contrôle très pesant sur le salarié. Tout d’abord, il existe généralement un 

chef   de   groupe,   souvent   pour   quelques   employés   seulement,   peu   nombreux,   toujours   à 

surveiller, écouter ou motiver. Celui­ci utilise un système d’écoute des conversations ayant 

pour objectif un retour pédagogique rarement réalisé. Tout au long de la journée, le chef de 

groupe, également appelé le superviseur, donne des objectifs par consignes énoncées minutes 

après minutes auxquels sont ajoutés la présence d’un tableau où sont inscrits le nombre de 

personnes en liste d’attente, le nombre d’appels pris, le temps moyen par appel,… Tenus de 

respecter des temps moyens d'appels, le téléopérateur est soumis à un contrôle constant de son 

activité.  Selon Pichault39,  cette visibilité  par  l'évaluation constante du travail  est  donc une 

caractéristique majeure des centres d'appels (Stanworth, 1998), reposant sur deux formes de 

contrôle: le soft quality control, où le superviseur suit les conversations de son équipe sans les 

avertir  dans le but d'apprécier  les compétences comportementales  des  téléopérateurs,  et   le 

hard  quality  control,   contrôle  effectué  à  posteriori  à   l'aide  de  statistiques  éditées  par   les 

systèmes informatiques. 

37 Buscatto Marie, les centres d’appels, usines modernes ? Les rationalisations paradoxales de la relation  téléphonique, Sociologie du travail, vol 44, n°1, 2002.

38 Cousin Olivier, les ambivalences du travail, les salariés peu qualifiés dans les centres d’appels, Op. Cit.39 Pichault François, Une figure de la déréglementation au travail : le cas des centres d'appels, Op. Cit.

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Nous voyons bien comment l’encadrement est serré autour de l’employé. Il a peu de 

marge   de   manoeuvre   et   ne   sait   pas   lorsqu’il   est   écouté   ou   non.   Ainsi,   à   travers   une 

rationalisation extrême des tâches demandées et un contrôle strict des employés, les centres 

d’appels paraissent en effet emblématiques de l'organisation libérale du travail.

IV.3/ Autonomie, responsabilité et contrôle:

Ici  aussi,  nous retrouvons,  à   travers  les   textes  déjà  cités,   les  caractéristiques  de  la 

logique de la responsabilisation comme avaient pu les présenter Martuccelli. Il est en effet 

demandé à  l’employé  de ces centres d’appels un autocontrôle échangé contre une certaine 

liberté   de  mouvement.  L’autonomie   ainsi   gagnée,   dans   l’autogestion  du   temps  de  pause 

(soumis à des règles mais selon des modalités libres ; comme par exemple des pauses de cinq 

minutes  par heure, à  prendre comme il   le désire,  en une fois  ou une par heure.),  dans la 

confiance donnée sur la gestion des temps de « log »,… se contrebalance par un contrôle dont 

le retour se fait à posteriori. C’est le cas de l’affichage des statistiques sur les temps de travail 

en groupe et personnalisé, par exemple. On aperçoit bien ici la logique conséquentialiste, déjà 

évoquée, où l’individu est responsabilisé sur les conséquences de ses actes et non sur leurs 

causes.

Nous pouvons également parler d’une conjonction de contraintes au même titre que 

Damien Cartron, dans son étude sur les Mc Donald’s40. Il évoque ainsi la combinaison de trois 

types de contraintes s’accumulant dans un même mouvement de stimulation des employés. La 

contrainte industrielle repose sur un type d’organisation ayant pour objectif la « régularité de 

la   production,   grâce  à   des   normes   et   des   standards  éventuellement  matérialisés   dans   les 

équipements »41.  Cela   s’exprime  dans   les  centres  d’appels  à   travers   l’existence  de  scripts 

précis, protocoles de l’entretien téléphonique, ainsi que par la forte partiellisation des tâches. 

Ensuite,   ils   subissent  également  une  contrainte   de   type  marchand,   liée  à   la   demande,   et 

justifiée par la satisfaction du client. Et enfin, une contrainte dite domestique reposant sur la 

relation aux partenaires/associés, jouant sur la responsabilité  de donner plus de travail aux 

autres au cas où l’employé concerné n’est pas suffisamment efficace. La combinaison de ses 

40 Cartron Damien, S’engager au Mc Donald’s, Actes des IVèmes journées de sociologie du travail, pp. 101­106.41 Cartron Damien, S’engager au Mc Donald’s, Op. Cit., p.102.

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trois contraintes, où  se joue un effort de responsabilisation de l’employé  par la hiérarchie, 

reflète bien une méthode d’enrôlement de la subjectivité et de détournement des valeurs des 

employés vers la culture de l’entreprise.

Cette étude sera pour nous le lieu d’approfondir ces notions, c'est­à­dire les modalités 

et les effets de la mise en place de mode de gestion du travail tel que ceux­ci. De plus, il paraît 

intéressant   de   se   poser   la   question  de   la   réception  de   ces  modes  d’organisation.  Danilo 

Martuccelli   parle   en   effet   de   la   levée   du   voile   cognitif   et   de   son   effet   paradoxale   sur 

l’apparition  de nouvelles formes d’adaptation.  Comment   l’employé  arrive­t­il  à   trouver sa 

place dans cet organisation ? Est­il conscient de cet tentative d’enrôlement de sa subjectivité ? 

Comment y réagit­il ?

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CONCLUSION:   

Nous venons donc de voir, au travers de ce mémoire en quoi l'organisation libérale du 

travail,  et notamment dans les  call  centers pouvait devenir un réel sujet de problématique. 

Nous avons ainsi commencé par nous apercevoir, de part l'étude de l'évolution des formes 

d'organisation du travail, comment s'était mis en place, au cours du temps, une tentative de 

contrôle du « mental », de la subjectivité du travailleur en vue d'augmenter sa productivité, 

mais également sa soumission à l'autorité. Dans un second temps, l'analyse de l'organisation 

libérale nous a permis de mieux appréhender la réalité du quotidien de travail et ses concepts 

sous jacents. Cette forme d'organisation présente ainsi, derrière un discours émancipateur et 

des valeurs d'autonomie, de responsabilité, ..., une forme de domination très contraignante. Le 

concept   de   bureaucratie   libérale   montre   ainsi   très   bien   ce   paradoxe   entre   une 

« dérigidification » de l'organisation du travail, malgré la persistance de tout un appareillage 

de contrôle et de domination caractéristique des bureaucraties selon Weber. Cette partie a 

aussi été l'occasion pour nous d'édifier un idéal­type de la figure du manager, représentant 

emblématique de ces nouveaux managements. Cette figure semble en effet correspondre au 

« grand » de la cité par projet tel qu'énoncé par Boltanski et Chiapello.

Les outils sociologiques nécessaires à cette étude ont été présentés dans le troisième 

temps  afin  d'expliquer  nos  choix   théoriques  pour   l'analyse  des  données   recueillies.  Nous 

laisserons ainsi une grande place à l'acteur, en tant qu'être rationnel capable de mettre en place 

des comportements stratégiques face aux divers mécanismes d'exploitation et de domination 

prônés par  l'organisation   libérale  du  travail.  Dans ce  travail   l'individu  sera ainsi  placé  au 

centre du débat, comme nous pourrons le voir dans le rapport empirique, du fait notamment 

de la spécificité  de  la gestion très  individualisée des relations dans l'organisation libérale. 

Cette  étude prend donc racines  au croisement  de  la  sociologie  de  la  domination  et  de  la 

sociologie de l'organisation.

Enfin, le quatrième et dernier temps a été l'occasion pour nous d'expliciter ce en quoi 

les centres d'appels pouvaient être considérés comme particulièrement  représentatifs  de ce 

mode d'organisation et des nouveaux managements. A travers la présentation de ce secteur, 

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nous avons pu voir que la relative nouveauté de ce type d'emploi s'appuyant sur les Nouvelles 

Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC) avait permis la mise en place 

d'un bon nombre de préceptes du management des années quatre vingt dix. Une très forte 

rationalisation du travail associée à un important discours d'identification à l'entreprise, mais 

aussi d'autonomie, de responsabilité,  en d'autre terme de l'arsenal idéologique utilisé par le 

management  libéral,  en font  bien un emblème de cette  organisation  à   tel  point  qu'ils  ont 

souvent été qualifiés d'usines modernes du tertiaire.

A  travers   le  déroulement  de ce  rapport  de TER  théorique,  notre  objectif  a  été  de 

montrer   l'importance  de   ce   choix  de  problématique:  les   stratégies   de   résistances   face  à  

l'enrôlement de la  subjectivité.  Celle­ci  est  donc pleinement  au coeur de la sociologie du 

travail   par   les   appels   divers   qu'elle   peut   faire   à   la   sociologie   de   l'organisation,   de   la 

domination et à différents concepts tels que la servitude volontaire ou encore les stratégies de 

résistances.

De cette problématique découleront les hypothèses qui seront déclinées dans le rapport 

de TER Empirique. En effet, sans cette deuxième partie, le passage sur la réalité du terrain, ce 

rapport semblerait sans objet. Il convient donc de réaliser un va et vient continuel entre les 

deux rapports, entre théorie et pragmatisme afin d'arriver à cerner davantage cette question et 

d'entrevoir les premières réponses à notre questionnement.

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Revue Française de Gestion, septembre/octobre 2000.

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