l'hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou

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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 301 (3) 67 HÉVÉA ET AGROFORESTERIE / LE POINT SUR… Éric Penot 1 Isabelle Ollivier 2 1 Cirad Département Environnements et sociétés Umr Innovation DR Cirad, BP 853 Anpandrianomby, 101 Antananarivo Madagascar 2 Supagro/Irc Domaine de Lavalette Avenue du Val de Montferrand 34032 Montpellier France L’hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou forestières : quelques exemples en Asie, Afrique et Amérique latine Photo 1. Monoculture au Sri Lanka, 2005. Photo E. Penot.

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Page 1: L'hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 1 ( 3 ) 67HÉVÉA ET AGROFORESTERIE / LE POINT SUR…

Éric Penot1

Isabelle Ollivier2

1 CiradDépartement Environnements et sociétésUmr InnovationDR Cirad, BP 853Anpandrianomby, 101 AntananarivoMadagascar

2 Supagro/IrcDomaine de LavaletteAvenue du Val de Montferrand34032 MontpellierFrance

L’hévéa en association avec les cultures pérennes,

fruitières ou forestières : quelques exemples en Asie,Afrique et Amérique latine

Photo 1.Monoculture au Sri Lanka, 2005.Photo E. Penot.

Page 2: L'hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou

RÉSUMÉL’HÉVÉA EN ASSOCIATION AVEC LES CULTURES PÉRENNES, FRUITIÈRESOU FORESTIÈRES : QUELQUESEXEMPLES EN ASIE, AFRIQUE ET AMÉRIQUE LATINE

Initialement développée par le secteurdes grandes plantations au début dusiècle, l’hévéaculture est aujourd’huiprincipalement le fait de petites exploita-tions paysannes. Le modèle de diffusioninitial fut la monoculture stricte. Cepen-dant, les cultures vivrières intercalairespendant la période immature de l’hévéa,Hevea brasiliensis, sont relativementbien développées, y compris dans lesanciens projets de développement sec-toriels. En revanche, les associationsincluant des cultures pérennes ou fores-tières sont peu recensées et souvent peuacceptées par les institutions de déve-loppement, comme ce fut le cas en Indo-nésie durant années 1990. Elles existentlocalement, parfois sur des superficiesimportantes : le « jungle rubber », parexemple. Ces pratiques assurent pour-tant une meilleure valorisation de la terreet de la main-d’œuvre et les associationspermanentes avec des cultures pérennesconstituent un facteur de stabilisationéconomique des plantations et de diver-sification des revenus. Les systèmesagroforestiers complexes constituentaussi un avantage écologique puisqu’ilssont garants du maintien d’une grandepartie de la biodiversité rencontrée enforêt naturelle. Le peu d’intérêt officielle-ment reconnu pour ces associations mal-gré des avantages économiques et envi-ronnementaux peut être imputé au faitqu'elles ne correspondent pas au typed’hévéaculture dominant au sein desgrandes sociétés de plantations et desinstitutions de développement. Nombrede paysans ont innové et mis au pointdes systèmes astucieux et pratiques leurpermettant de diminuer les risques et dediversifier leur production. Le présentarticle tend à faire le point sur les asso-ciations existantes : hévéa associé aucafé, au thé, au cacao, au rotin ainsiqu’aux espèces fruitières ou forestières.Il ne prétend pas analyser les systèmesen détail mais a pour objectif d’en pré-senter la diversité.

Mots-clés : hévéa, association cultu-rale, espèce pérenne, espèce fruitière,espèce forestière, agroforesterie,Afrique, Amérique latine, Asie.

ABSTRACTRUBBER TREE INTERCROPPING WITHFOOD-CROPS, PERENNIAL, FRUIT ANDTREE CROPS: SEVERAL EXAMPLES IN ASIA, AFRICA AND AMERICA

Initially developed by the Estate sectorat the beginning of the century, mostrubber tree plantings are from the small-holder sector. The initial model of diffu-sion was based on a strict monoculture.However, intercropping with annualfood crops during the immature periodof rubber tree, Hevea brasiliensis, arerelatively well developed, including inrubber projects. On the other hand, theassociations with perennial or forestrycrops are rarely listed and often with lit-tle recognition from development insti-tutions as it was the case in Indonesiaduring the 1990’s. Such systems doexist locally, sometimes on a relativelyimportant area such as the “jungle rub-ber” system for example. These agro-forestry practices ensure a better landand labour valorization. Permanentassociations with perennial crops dur-ing mature period constitute an eco-nomic factor of stabilization and diversi-fication of income. The complexagroforestry systems have also ecologi-cal advantages guaranteeing mainte-nance of a part of forest biodiversity.The lack of interest officially recognizedfor these associations in spite of eco-nomic and environmental advantagescan be charged to the fact that such sys-tems do not correspond to the dominat-ing Estate and development projectsrubber tree model. Many farmers inno-vated and developed pragmatic sys-tems with agroforestry practicesenabling them to decrease risks and todiversify their productions. This articletends to give a progress report on exist-ing associations of rubber tree with foodcrops, coffee, tea, cocoa, rattan, fruitand timber trees or other forest species.It does not claim to analyze all systemsin detail but provide an idea of thediversity of associations.

Keywords: rubber tree, intercroppingsystem, perennial species, fruit trees,forest trees, agroforestry, Africa, LatinAmerica, Asia.

RESUMENHEVEA ASOCIADO CON CULTIVOSPERENNES, FRUTALES OMADERABLES; ALGUNOS EJEMPLOSEN ASIA, ÁFRICA Y AMÉRICA LATINA

Inicialmente desarrollado por las gran-des plantaciones de principios del siglopasado, el cultivo de hevea suele estarhoy en manos de pequeñas explotacio-nes campesinas. En un principio, elmodelo seguido fue el de monocultivoestricto. Sin embargo, los cultivos ali-menticios intercalares durante el períodoinmaduro del árbol, Hevea brasiliensis,están relativamente bien desarrollados,incluso en antiguos proyectos de desa-rrollo sectorial. Por el contrario, las aso-ciaciones con cultivos perennes o made-rables son escasas y no suelen seraceptadas por las instituciones de desa-rrollo, como sucedió en Indonesia en losaños 90. Se dan localmente, y a vecescubren áreas importantes como en elcaso del “jungle rubber”. No obstante,estas prácticas garantizan un mejor apro-vechamiento de la tierra y de la mano deobra; además, las asociaciones perma-nentes con cultivos perennes son un fac-tor de estabilización económica de lasplantaciones y de diversificación de losingresos. Los sistemas agroforestalescomplejos presentan, asimismo, unaventaja ecológica, ya que son garantesdel mantenimiento de una gran parte dela biodiversidad que se encuentra en losbosques naturales. El escaso interés, ofi-cialmente reconocido, que estas asocia-ciones despiertan, a pesar de sus venta-jas económicas y ambientales, puededeberse a que no corresponden al tipode cultivo de hevea predominante entrelas grandes compañías de plantaciones ylas instituciones de desarrollo. Muchoscampesinos han innovado y puesto apunto ingeniosos sistemas y prácticasque permiten reducir los riesgos y diver-sificar su producción. El presente artículointenta hacer un balance de las asocia-ciones existentes: hevea asociado concafé, con té, con cacao, con ratán y conespecies frutales o forestales. No pre-tende analizar los sistemas en detalle,sino mostrar su diversidad.

Palabras clave: hevea, asociación decultivos, especies perennes, especiesfrutales, especies forestales, agrofores-tería, África, América Latina, Asia.

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FOCUS / RUBBER TREE & AGROFORESTRY

E. Penot, I. Ollivier

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Introduction

Originaire d’Amazonie, l’hévéa,Hevea brasiliensis, a été introduit enAsie du Sud-Est à la fin du XIXe siècle,laquelle assure aujourd’hui 95 % dela production mondiale de caout-chouc naturel. Alors qu’au Brésil laproduction est à l’origine exclusive-ment de source extractiviste (entre1850 et 1930), le développement del’hévéaculture a été le fait du secteurdes grandes plantations (1900-1950), puis, rapidement, celui despetits planteurs qui dépasse ensuperficie les grandes plantationsdès le milieu des années 1930 enIndonésie, montrant ainsi une fortedynamique paysanne de plantation ;et cela sans l’aide de l’État (Penot,2001). Aujourd’hui, les plantationsd’hévéas occupent près de neuf mil-lions d’hectares, dont plus de troismillions et demi en Indonésie, avec83 % sous forme de plantations pay-sannes et, en moyenne, des parcellesde deux à cinq hectares par familleen Asie du Sud-Est. Alors que lamonoculture s’avère être le systèmede culture de référence des grandesexploitations industrielles, les petitsproducteurs ont intégré l’hévéa auxsystèmes de culture déjà existants etpratiquent souvent les associationsculturales avec des culturesannuelles vivrières (riz pluvial, ara-chide..) ou fruitières semi-pérennes(bananes, ananas, manioc…), voireforestières. L’objectif de cet articlen’est pas de détailler chaque systèmemais de montrer la diversité et larichesse des associations créées,développées, adoptées et diffuséespar les petits producteurs familiauxainsi que quelques exemples origi-naux d’essais en milieu paysan ou degrande plantation.

Contexte :études

et enquêtes

Des études de modélisation desexploitations agricoles avec uneidentification des sources de revenuspour les exploitations hévéicoles enmutation en Indonésie et enThaïlande ont été menées entre 2001et 2006, qui ont montré, d’une part,la complémentarité entre hévéa etpalmier à huile et, d’autre part, lefinancement de la replantation enagroforêt à hévéa améliorée par lesrevenus issus de ce dernier (Penot,2006 ; Wulan et al., 2006 ; Simien,2005  ; Martin, 2005  ; Lecomte,2001). La modélisation de différentssystèmes de culture à base d’hévéa aaussi été faite par l’Irri1. Cette diversi-fication des sources de revenusréduit au maximum les risques liés àla monoculture, en particulier enpériode de crise (Penot, 2006). Si lesavantages économiques ne sont pasprésentés ici, il faut bien reconnaîtrequ’il y a plus de descriptions agrono-miques ou botaniques des systèmesdans la littérature scientifique que devéritable analyse économique (à l’ex-ception notable des travaux du projetSrap2), particulièrement pour valori-ser les produits autoconsommésdont l’impact est important sur lesménages : économie des matériauxpour la construction de la maison etl’amélioration sensible de l’alimenta-tion. Enfin, la diversité des situationsécologiques, économiques etsociales et les conditions particu-lières et spécifiques desquelles sontissus les systèmes agroforestiersn’autorisent pas une diffusion géné-ralisée de ces systèmes.

Une approche méthodologiquepragmatique a été utilisée pour pré-senter les pratiques culturales vis-à-vis des systèmes agroforestiers«  simples  » (hévéa associé à unnombre réduit de plantes sur une oudeux strates, tels le café ou le cacao)et « complexes « (hévéa associé à unnombre important d’espèces sur plu-

sieurs strates de végétation) compa-rables de fait à une forêt, dénommée«  agroforêt  », selon la typologieappropriée (Michon, De Foresta,1991). Cette typologie permet deséparer les systèmes où coexistentun nombre limité de plantes soit desinteractions simples et éventuelle-ment des externalités positivesmodérées des véritables agroforêts,soit des interactions complexes etdes externalités positives fortes entermes de biodiversité, fertilité dessols et meilleure gestion de l’eau.Dans tous les cas, un système agrofo-restier à base d’hévéa est considéréavec au moins 100 arbres (fruits,bois, ou divers). Les densités obser-vées s’échelonnent entre 100 et 300arbres associés, le critère essentielde l’association étant de limiter aumaximum l’ombrage de l’hévéa afinde ne pas compromettre son poten-tiel de production.

Photo 2.Jungle rubber traditionnel en Indonésie, 1993.Photo E. Penot.

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1 Indonesian Rubber Research Institute.2 Smallholder Rubber Agroforestry Programme.

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Le système agroforestier com-plexe le plus répandu est le « junglerubber », un système de culture exten-sif où la forêt secondaire est associéeà l’hévéa. Le système est basé sur dumatériel végétal non sélectionné, d’oùdes rendements plutôt faibles, del’ordre de 500 kg sec par hectare etpar an de caoutchouc. Les autres

associations sont le plus souvent fon-dées sur des hévéas clonaux dont laproductivité est généralement situéeentre 1 000 et 1 800 kg/ha en agricul-ture familiale. Il est à préciser qu’au-cun clone n’a jamais été spécifique-ment sélectionné pour le milieu despetits producteurs ni pour les sys-tèmes agroforestiers. Ces systèmesreposent sur le stock de clones dispo-nible dont les caractéristiques sontcompatibles avec l’usage souhaité enfonction du rendement attendu et desconditions locales. Il n’existe pas declones sélectionnés par critèresd’usage : monoculture, grandes plan-tations, petits peuplements paysansou agroforestiers.

Les paysans consultés enThaïlande et en Indonésie n’obser-vent pas de baisse significative de laproduction de caoutchouc dans lessystèmes agroforestiers par rapportaux monocultures, ce qui est en par-tie corroboré par les résultats en sta-tion (Inde, Sri Lanka, Indonésie). Lavariabilité des situations et des ren-

dements en fonction des clones etdes modalités de culture (dont l’im-pact de la qualité de saignée en par-ticulier) est probablement plus signi-ficative que l’impact d’une éventuellecompétition entre hévéas et arbresassociés si ces derniers ne sont passitués au-dessus de la canopée del’hévéa. Cette hypothèse reste cepen-dant à vérifier au cas par cas.

Si beaucoup de systèmesincluent généralement des culturesvivrières annuelles (riz) ou plurian-nuelles (banane, ananas) pendantles premières années, l’originalité deces systèmes réside dans la combi-naison multiple des espècespérennes entre elles avec des usagesparfois très différents : fruits, noix,bois de feu et bois d’œuvre, bois àautres usages (rotin), plantes médi-cinales, résine ou latex. Une enquêtemenée en 1997-1998 (Chambon,2001) a montré que la réintroductionde pratiques agroforestières resteimportante (et variable) dans les pro-jets initialement centrés sur la mono-culture (tableau I). Il est possibled’estimer qu’en 2001 3 à 5 % desparcelles clonales plantées hors pro-jet par les petits producteurs sont denature agroforestière. Elles se trou-vent en particulier en Ouest-Kaliman-tan et en Ouest–Sumatra où lesDayaks et les Minangkabau possè-dent des traditions agroforestièresculturellement et historiquementfortes (Penot, 2001). Malgré lemanque de documentation, cela estaussi observé au sud de la Thaï-lande. Le Rrit3 a également travaillésur des associations fruitiers etarbres à bois de valeur avec l’hévéa(Burathanam et al., 1997).

La société Michelin a procédé àde très nombreux essais dans saplantation du Mato Grosso au Brésilpour constater que les pratiques agro-forestières s’avèrent potentiellementintéressantes pour une agriculturefamiliale soucieuse de diversifier sesrevenus, mais ne le sont pas pour unesociété industrielle dont l’objectif estd’optimiser ses investissements.

Agroforesterie/type de projet

Réintroduction de pratiques agroforestières

Type d’arbre :fruitiers

fruitiers + rente

cultures de rente

Nombre d’arbres associés : 2 à 10

11 à 100

plus de 100

Âge des hévéas au moment del’introduction des arbres associés :

moins de 3 ans

4 à 7 ans

plus de 7 ans

Nes/Pir (%)

18

72

28

0

62,5

25

12,5

0

20

80

Srdp/Tcsgp(%)

44,5

85,7

4,7

9,5

56

34

10

45,5

27,3

27,2

Approchepartielle (%)

51

54,5

18,2

27,3

36,7

40

23,3

57,5

42,5

0

Tableau I.Pratiques agroforestières sur les parcelles en projet de développement à Ouest-Kalimantan.

Source : enquêtes B. Chambon, 1998-1999, Srap.

3 Rubber Research Institute of Thaïland.

Photo 3.Cultures intercalaires de sésamesur terres rouges au Vietnam, 2001.Photo E. Penot.

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FOCUS / RUBBER TREE & AGROFORESTRY

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Intérêt desassociations

culturales

Monoculture et jungle rubber

La monoculture stricte avec cou-verture de plantes légumineuses,principalement Pueraria phaseloidesentre les rangs d’hévéa, est une pra-tique agricole satisfaisante (photo 1),en particulier pour les grandes planta-tions. En revanche, une période imma-ture de cinq à sept années en mono-culture clonale requérant capital etmain-d’œuvre pour l’entretien est dif-ficile à intégrer dans un système deproduction familial où la main-d’œuvre et le capital sont limités(Penot, 2001). Le problème de lagénération d’un revenu en périodeimmature est récurrent partout dans lemonde et a suscité de nombreusesinnovations par rapport au modèleoriginal de la monoculture. Il est pos-sible de séparer les stratégies pay-sannes et pratiques agroforestières endeux types : d’une part, celles limitéesà la période immature pour des rai-sons techniques (réduction des entre-tiens…) ou économiques (générant unrevenu complémentaire) et, d’autrepart, celles qui sont utilisées pendanttoute la durée du cycle de l’hévéa,mais avec des pratiques et des asso-ciations de plantes différentes pen-dant la période de production.

L’observation de l’évolutiondes pratiques en Indonésie entre1993 et 2007 a mis en lumière desstratégies différenciées selon l’envi-ronnement politique et économique.Le coût de mise en place et d’entre-tien des plantations clonales entre1980 et 1997 favorisait sansconteste les pratiques agrofores-tières moins intensives en capital ettravail pour les petits producteurshors projet. La crise économique(1997-2001) et la crise des prix mon-diaux du caoutchouc (1997-2003)ont certes gelé la situation en limi-tant toute plantation, mais ont induit

une certaine diversification. Parailleurs, la baisse très importante ducoût d’un herbicide (solution de N-phosphonométhylglycine), efficacepour contrôler Imperata cylindrica, alimité le recours aux pratiques pay-sannes agroforestières amélioréesproposées lors des années 1990, àsavoir les «   Ras   » ou improved« Rubber agroforestry systems ». Enrevanche, le manque de boisd’œuvre et l’évolution récente de laréglementation autorisant les petitsproducteurs à couper et à commer-cialiser leurs arbres ont relancé, àpartir de 2004, l’intérêt des planta-tions avec des espèces de valeurtelles que le nyatoh, Palaquiumsp.pl., le meranti, Shorea sp.pl., et leteck, Tectona grandis.

Avec les jungle rubber (photo 2),cette période dite immature dure dehuit à quinze ans du fait de la com-pétition entre les hévéas non sélec-tionnés (issus de graines donnantdes plants de type « seedlings ») etla repousse forestière. Les planteursne tirent alors aucun revenu durantcette période mais l’avantage dujungle rubber est qu’il ne requiertaucun intrant ni investissement entravail durant la période immature.Un capital inexistant, une faiblemain-d’œuvre marginale et uneabsence de risques majeurs sont lesprincipales raisons qui expliquent lesuccès de l’hévéa depuis son intro-duction dans ces régions et qui justi-fient l’existence durable de tradi-tions agroforestières indonésiennes.Si le caoutchouc reste le moteurfinancier principal, d’autres produits(fruits et noix, bois de feu, boisd’œuvre, rotin, plantes médici-nales…) permettent la diversificationdes revenus.

Les cultures annuelles en intercalaire ou

la valorisation de l’investissement pendant

la période immature

L’introduction de cultures inter-calaires au pied de jeunes hévéaspermet d’assurer aux planteurs uncertain niveau d’autosuffisance ali-mentaire, voire un revenu supplé-mentaire par la vente de surplus, etainsi de surmonter en partie lapériode de soudure. En outre, la pra-tique des cultures associées a le plussouvent eu un effet bénéfique surl’hévéa ainsi que l’ont montré les tra-vaux dans différents pays par les pro-jets européens STD II et III (Systèmestechniques et développement) lorsdes années 1990 (Wibawa, 2000). Lafertilisation et l’entretien procurésaux autres cultures accélèrent lacroissance de l’hévéa. À présent,aucun obstacle institutionnel n’en-trave la vulgarisation des culturesannuelles intercalaires et nombre deprojets reconnaissent la validité duconcept ; et cela avec une variété infi-nie de combinaisons liées aux mar-chés (piment ou ananas, maraîchageet tubercules), à la sécurité alimen-taire (sésame ; photo 3). Il est à noterque des pays tels que la Malaisie ontdéveloppé une industrie de traite-ment du bois d’hévéa pour l’ameu-blement qui valorise les plantationsen fin de rotation, permettant definancer la replantation clonale et lamise en place de ces cultures interca-laires sur un ou deux ans.

Photo 4.Cacao en intercalaire d’hévéa à Uruara en Amazonie, 2003.Photo E. Penot.

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Éventuellement, l’élevage trèsanecdotique de bœufs, zébus oubuffles peut aussi être développépendant les premières années enintégrant des pâturages au sein desjeunes plantations. Les cultures inter-calaires sélectionnées par les pro-ducteurs sont généralement liées àl’existence de marchés locaux à desprix suffisamment attractifs   : lepiment et l’ananas autour dePalembang à Sud-Sumatra, les fruitsdans le sud de la Thaïlande, le gaharu(résine à fragrance) à Kalimantan.Existent également en Chine, auBangladesh et en Inde des modesd’association très variés avec desplantes aussi diverses que lesplantes à parfums, les épices, les cul-tures maraichères, etc. (Saint Pierre,1989 ; Zheng Haishui, He Kejun,1997 ; Niaz, Sudibya, 2000).

Associations decultures recenséesdans les systèmes

agroforestierssimples

Ce type d’association permet lavalorisation de l’investissement ini-tial en capital et travail sur deuxplantes au lieu d’une seule, et ainsiune intensification dans les zones oule foncier est restreint. La compéti-tion pour la lumière entre les deuxplantes pose le principal problème.Soit la plante associée supportel’ombrage et peut être complantéesuivant un schéma classique de plan-tation (6 m par 3 m, par exemple),soit l’ombrage est trop compétitif etla seconde culture est à terme aban-donnée (le café ou le cacao), ou plan-tée suivant des dispositifs à large

écartement permettant de capter lalumière pendant au moins dix àquinze ans. Les plantes pouvant sup-porter l’ombrage de l’hévéa sontrares : quelques épices (cardamome,gingembre), Tomatocochus (succé-dané du sucre), le neem, Azadirachtaindica, et certains fruitiers…

Le cacao

À titre expérimental, quelquesassociations hévéa-cacao existent auBrésil, au Gabon et en Côte d’Ivoireen station, avec des résultats encou-rageants pour les premières annéespuis des limitations de rendementimportantes avec l’ombrage à partirde la sixième année. En Inde, uneassociation multiespèce incluant lecacao, le poivre, la banane et l’ana-nas est encore au stade expérimental.Les essais réalisés avec un système àlarge écartement (entre 10 et 16 m) etdouble interligne (deux à quatrelignes d’hévéa combinées) s’avèrentbeaucoup plus prometteurs.

Au Brésil, plusieurs milliersd’hectares de cacao ont été mis enplace sous ombrage d’hévéa par lespetits producteurs dans la régiond’Itubuma (photo 4). Des associationspermanentes avec l’hévéa incluantentre autres la banane et despérennes telles que le café et le cacaose trouvent également dans les zonesdensément peuplées de la provincedu Mindanao aux Philippines ou plusrarement au Vietnam, le cacaoyerétant ainsi une culture complémen-taire pour les premières années. EnCôte d’Ivoire, l’hévéa est maintenanten partie introduit sur d’anciennescacaoyères, car la replantation ducacaoyer sur lui-même pose plus deproblèmes que la replantation de l’hé-véa sur lui-même ou après d’autrescultures pérennes. Au Costa Rica, lessystèmes agroforestiers prennent sur-tout en compte un ombrage léger oumoyen afin de préserver les planta-tions de café à long terme avec desproductions plus modestes. Parcontre, les plantations plus récentessont en plein découvert, avec de fortsrendements mais une durée de vie

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FOCUS / RUBBER TREE & AGROFORESTRY

Photo 5.Café en intercalaire d’hévéa en Côte d’Ivoire, 2001.Photo É. Penot.

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raccourcie. Le choix d’une pratiqueagroforestière sous ombrage relèveainsi d’une stratégie paysanne d’éta-lement de la production sur un pas detemps plus long en préservant le capi-tal de production, alors que la planta-tion plein soleil privilégie le court etmoyen terme en optimisant le retoursur investissement.

Au Ghana, les systèmes agrofo-restiers reposent, eux aussi, sur lechoix d’un ombrage modéré avecquelques arbres fruitiers ou de valeurpour leur bois (Ruf et al., 2006). Unetendance récente montre l’intérêtpour la plantation en mélange avecdes arbres de valeur commerciale àcroissance rapide : le cedrela, Cedrelaodorata, ou le fraké, Terminaliasuperba (Penot, 2005 a).

L’avenir de l’association cacao-hévéa repose assurément sur les sys-tèmes à très large écartement, de 12 à18 m entre les lignes avec deux à troisrangées d’hévéa (comme pour le café,le thé, le durian et les fruitiers), maisqui sont encore très peu développés.

Le café

Avec le café et le thé, la problé-matique est la même que pour lecacao en association avec l’hévéa.Ces trois plantes peuvent accepterl’ombrage en fonction de l’orienta-tion technique décidée par le produc-teur (plein soleil ou ombrage partiel)mais ne peuvent guère subir l’om-brage trop intense d’une plantationd’hévéa mise en place à forte densitéet faible écartement.

Au Brésil, dans le cadre de plan-tations privées, sont présentes desassociations hévéa-café pour unedizaine d’années, mais l’hévéa estdestiné à remplacer le café. En Chine,à Hainan, le café arabica est plantésuivant une densité standard de5 000 plants par hectare (deux rangsavec des interlignes de 10 m entreles hévéas, quatre pour des inter-lignes de 15 m). Cette association estmise en place par des petits plan-teurs pour une durée de huit ans, carau-delà la compétition interspéci-fique et l’ombrage de l’hévéa sont

rédhibitoires pour les caféiers. Il sepeut qu’une troisième culture soitintégrée : l’ananas (Saint Pierre,1989). Globalement, le café, commele cacao, n’est pas intéressant avecl’hévéa en système intercalaire tradi-tionnel (6 m). Au Brésil, le café estsouvent planté pour succéder auxpeuplements d’hévéa dont les rende-ments faiblissent sous la pression deMicrocyclus ulei, et cela malgré l’utili-sation de variétés tolérantes.

Des essais menés en Côted’Ivoire (photo 5) n’ont pas montréd’incidence négative sur le niveau deproduction de l’hévéa, quel que soit lesystème, puisque le caféier reste tou-jours dans la strate inférieure. Les ren-dements des caféiers sont compa-rables ou supérieurs à ceux obtenusen culture pure avec les techniques deculture en double interligne et largeécartement, du moins pour les quinzepremières années. Par contre, les ren-dements chutent en écartement clas-sique dès la cinquième année.

Le poivre

Le poivre est une culture exi-geante en intrants et travail (palis-sade, fertilisation, irrigation). Il estintéressant de l’associer avec l’hévéadu fait de l’effet de couvert et de pro-tection des poivriers contre le vent etle froid. En Chine (et ailleurs), cetteculture est celle procurant à l’agricul-teur le plus fort retour économiquepar unité de surface (Saint Pierre,1989). Le poivre est, à Hainan, plantépour une quinzaine d’années suivantun arrangement de deux rangs ausein de larges interlignes de 12 m.Les interactions avec l’hévéa pourl’ombre et les racines sont les mêmesque celles rencontrées avec le caféaprès la dixième année. Le poivre estune culture majeure des systèmesagroforestiers à base de poivre etd’acajou ou de castanha brésilienne(noix de pécan), en remplacementdes vieilles plantations d’hévéa desfronts pionniers amazoniens, notam-ment dans la région d’Uruara.

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Photo 6.Thé en intercalaire d’hévéa en interligne normal de 7 m au Sri Lanka, 2005.Photo E. Penot.

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Le thé

Parmi toutes les cultures pérennesintercalaires, le thé (étudié dès lesannées 1960) est, sans conteste, le pluspropice. La lumière apportée aux théierslors de la défoliation de l’hévéa est favo-rable à la production de thé durant cettepériode. Le thé en tant que plante d’ac-compagnement induit une augmenta-tion de 10 à 20 % du taux d’élémentsminéraux dans le sol, réduit la perte eneau et maintient la litière. De ce fait, lesystème radiculaire de l’hévéa en mono-culture est de moitié inférieur à celuiqu’il développe avec du thé en associa-tion, présentant ainsi de meilleurescroissance et production. Le thé est uneculture traditionnelle en association enChine (Courbet, 1996) et au Sri Lanka(Penot, 2005 b). Le rendement duthéier est plus faible du fait de l’om-brage, mais la qualité du thé est supé-rieure. L’invasion par Imperata cylin-drica est évitée grâce à la compétitioninterspécifique et au maintien du cou-vert au sol. Les prix du thé et de l’hévéasont fixés en Chine par le gouvernementet cette situation très particulière interdittoute extrapolation.

Au Sri Lanka, des essais de thé enplantation avec l’hévéa sont menésdepuis 1985, notamment suivant lessystèmes à large intercalaire, sansconcurrence significative vis-à-vis del’hévéa au cours des trois premièresannées. Toutefois, des contraintes sontà prendre en compte : le thé doit êtreplanté au moins 300 m au-dessus duniveau de la mer. Par contre, au dessusde 600 m, les conditions sont margi-nales pour l’hévéa alors que c’est au-dessus de cette altitude que la qualitédu thé est la meilleure, d’où la difficultéde combiner les deux cultures.Théoriquement, la niche écologiquepermettant une association optimaleest étroite, mais en réalité le dévelop-pement très important depuis la fin desannées 1990 des marchés des thés debasse qualité cultivés en basse altitudepour le Moyen-Orient et le Pakistan apermis de telles associations entre 300et 600 m. Toutefois, un certain arrange-ment spatial est à respecter afin d’évi-ter l’effet d’ombre excessif de l’hévéa

sur le thé (système à écartement clas-sique ; photo 6). Les seuls systèmesayant un avenir sont ceux à doubleligne d’hévéa et très large interligne, de15 à 20 m, permettant une productionsignificative du thé (photo 7).Économiquement, le planteur retireune marge nette à l’hectare satisfai-sante en dépit de densités de mise enplace des deux cultures légèrementinférieures à celles de la monoculture.Une étude menée par l’auteur en 2004pour le compte de la Banque mondialea fait ressortir que les paysans, ainsique de plus grandes entreprises, com-mençaient à s’intéresser à ce systèmepermettant de compenser les varia-tions de prix des produits, dans cettezone charnière comprise entre 300 et600 m. Effectivement, du fait de la fortevolatilité des prix du caoutchouc et duthé, la diversification des revenus issuede cette double culture permet demieux amortir les crises, ce qui consti-tue un net avantage par rapport auxmonocultures spécifiques, les sys-tèmes agroforestiers étant plus rési-lients à moyen terme.

Le rotin

À l’état naturel, ce palmier grim-pant (Calamus manan) nécessite untuteur, rôle que peut jouer l’hévéa. Lesrésultats des essais sont encoura-geants avec le rotin qui présente unecroissance supérieure à celle obser-

vée en milieu naturel forestier, avecun coût d’établissement et d’entretienrelativement bas. Le retour sur inves-tissement est globalement intéressantpour les trois pays où ce dispositif aété développé (Philippines, Malaisieet Indonésie). L’association hévéa-rotin a été envisagée au début desannées 1990 en Indonésie (Michon,De Foresta, 1991). La station derecherche Sungei Putih (Irri, Nord-Sumatra) d’Indonésie a réalisé desessais intéressants mais ils montrentque le rotin ne peut être planté qu’enfin de cycle de l’hévéa et non au débutcar la récolte du rotin est extrêmementdommageable pour les hévéas ; desrésultats similaires ont été constatésaux Philippines avec des semis devariétés locales récoltés en forêt(Imbach, 1995). L’expérience a ététentée à large échelle à Kalimantanpar le projet Srdp (Smallholder rubberdevelopment project) à partir de 1997(photo 8) mais avec des résultats miti-gés. En 1980 furent menés les pre-miers essais en Malaisie, qui détient104 des 600 espèces de rotin dispo-nibles dans le monde. La demande enrotin est importante dans ces paysavec une industrie du meuble consé-quente. La raréfaction de la collecteextractiviste devrait permettre derelancer ce type d’association à condi-tion d’introduire le rotin en fin de cyclede l’hévéa, à partir de la vingt-cin-quième année.

Photo 7.Thé en terrasse avec double interligne de 15 m et double rangée d’hévéa,plantation industrielle au Sri Lanka, 2005.Photo E. Penot.

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Associationsrecensées avec

des fruitiers et des espèces

forestières

Association avec les arbres fruit iers

Généralement, les fruitiers pren-nent une place importante au sein despeuplements d’hévéa, avec desespèces locales dans l’interlignecomme dans les jungle rubber enIndonésie ou avec des arbres grefféstels que le durian en Thaïlande. À Min-danao, aux Philippines, des fruitiers etles espèces forestières sont utilisés enmélange : durian, Durio zibethinus,langsat/duku, Lansium domesticum,et ramboutan, Nephelium lappaceum,avec fructification tardive de douze àquinze ans. Le manguier, Mangiferaindica, a une période de fructificationcorrespondant à l’hivernage de l’hé-véa dans cette zone.

En Thaïlande, l’hévéa est par-fois associé au durian, au mangous-tan, Garcinia mangostana, au ram-boutan et au jacquier, Artocarpusheterophyllus. Le Rrit expérimentedes combinaisons entre hévéas, frui-tiers et le neem (Azadirachta excelsa)pour la production de bois(Buranatham et al., 1997). Le thang,Litsea grandis, le khayom, Shorearoxburghii, et le thamsao, Fagraeafragans, représentent également unhaut potentiel pour l’agroforesteriecar ils sont non seulement très tolé-rants pour l’ombrage et mais aussi àusages multiples pour le bois. Lesrepousses naturelles au sein desmonocultures sont également favori-sées. Dans la province de Pangla, desjungle rubber de plus de quaranteans sont enrichis en bambou, rotin etautres « arbres multi-usages ». Lesparcelles de la région de Hat Yai mon-trent de nouveaux systèmes avec dugoyavier, Psidium guajava, irrigué oudes duku, Aglaia sp.pl., en pleineproduction à dix ans (photo 9).

En Indonésie, les paysans com-binent hévéa et fruitiers/arbres à boissoit dans leurs plantations monoclo-nales (issues de projets Srdp), soitdans leur jungle rubber. À Sanjan(Ouest-Kalimantan), un tiers des pay-sans ont planté ou laissé se régénérerles espèces suivantes pour les fruits :pekawai et durian, Durio sp.pl., ram-boutan, assam, Tamarindus spp.,cempedak et mentawa, Artocarpussp.pl., petai, Parkia speciosa, et pourles espèces forestières : belian, Eusi-deroxylon zwageri, nyatoh blanc etrouge, Palaquium sp.pl., ainsi quecafé et cacao ; la densité de planta-tion des arbres associés étant com-prise entre 95 et 290 arbres par hec-tare pour 500 hévéas (photo 10). Lesespèces concernées sont présentéesdans le tableau II.

En Indonésie, le projet Srap atesté de nombreuses associations,en partenariat avec les communau-

tés locales, telles que la reforesta-tion d’un petit bassin versant dans levillage de Bangkok, district de Pasa-man, dans la province de Sumatra-Ouest (photo 11). Les enquêtes(Chambon, 2001) ont montré que40 % des paysans du projet réintro-duisent des fruitiers en intercalairemais seulement 10 % dans des pro-portions qui justifient l’appellationd’agroforêt (avec plus de 150 arbresassociés par hectare). Le suivi desparcelles paysannes du projetdepuis 1994 a cependant montréqu’en Indonésie l’intérêt s’estdéplacé des fruitiers (photo 12) versles arbres à bois d’œuvre à partir desannées 2000  ; alors que c’est lecontraire en Thaïlande du Sud où lemarché des fruits est beaucoup plusdéveloppé qu’en Indonésie et où, enoutre, les lieux de production sontconcentrés autour des centresurbains de Hat Yai et Songhla.

Photo 8.Rotin en intercalaire d’hévéas de 8 ans, interligne normal de 6 m et âge de 4 anspour le rotin à Kalimantan-ouest en Indonésie, 1993.Photo E. Penot.

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En Chine, à Hainan, des asso-ciations entre hévéa et espèces brise-vent (Saint Pierre, 1989) concernentune région parcourue par lestyphons. Les arbres, Eucalyptus sp.pl

et Acacia confusa, sont plantés à ladensité de sept arbres à l’hectare,avec des espèces de moindre taille età croissance plus lente pour former lastrate inférieure.

L’association hévéa-fruitier esten place à titre expérimental enMalaisie (Tahunan, 1996) et enThaïlande (photo 13) avec divers frui-tiers dont le durian, le ramboutan, lesjacquiers, le cempedak, Artocarpusinteger, et le mangoustan, suivantdes systèmes à densité de popula-tion et écartement variables (rangéessimples, doubles ou triples dans uninterligne de 22 m). Ce sont ces sys-tèmes qui ont manifestement le plusd’avenir dans les zones où il existeun marché et des filières fruitièresbien organisées. De tels essais sontégalement testés au Cambodge.Enfin, la banane a été testée avec desrésultats encourageants au Sri Lanka.

En Amazonie colombienne, l’hé-véa constitue une alternative déjàancienne à la culture de la coca(Penot, 1999). Les cultures fruitièressont intéressantes car il existe unmarché urbain pour le palmito et lechontaduro respectivement : cœur etfruit du palmier, Bactris gasipaes, etles fruitiers classiques de la région.Les techniques agroforestières per-

mettent une lutte anti-Brachiaria spp.au moindre coût par l’ombrage  ;celle-ci, faute de contrôle, s’avèretrès compétitive comme l’estImperata cyclindrica en Asie. Lescombinaisons actuelles les plus inté-ressantes seraient pour la strate infé-rieure  : araza, Eugenia stipitata,copoazu, Theobroma grandiforum,borojo, Borojoa patinoi, Citrus sp.pl.,sapotille, Annona muricata, mara-cujá, Passiflora edulis, et pour lastrate supérieure : chontaduro, luloamazonico, Solanum quitoense, uvacaimarona, Spondias dulcis, avoca-tier, Persea gratissima, manguier,mangoustan, papaye, Carica papaya,tomate de arbol, Solanum betaceum,castaño, Sterculia sp.pl., les anones,Rollinia sp.pl., bacuri, Platonia insi-gnis, et guaraná, Paulinia cupana.

Au Brésil sont recensées desassociations hévéa-agrumes defaçon permanente. Les plantationsde l’entreprise Michelin du MatoGrosso comptent également desassociations hévéa-palmito : de trèsnombreuses associations y ont ététestées, mais aucune suite n’a étédonnée à ces travaux par manque derentabilité dans le cadre d’unegrande plantation.

Source : E. Penot.

Arbres fruitiers

Durian (Durio zibethinus)

Ramboutan(Nephelium lappaceum)

Jengkol(Archidendron pauciflorum)

Petai(Parkia speciosa)

Langsat/duku(Lansium domesticum)

Avantages

Revenu et vente de fruits surmarchés importantsBois de grande valeur

Très importante demande locale

Forte demande localeAutoconsommation

Forte demande localeProduction dès la 5e année

Grosse demande et marchéimportant sur Sumatra et Java

Contraintes

Au maximum 20 arbres par hectare avec hévéaLa production débute 15 ans après la mise en place

Même niche écologique et taille que l’hévéaVariétés locales plus adaptées aux conditionsagroforestières mais qualité des fruits moindre

Même niche écologique et taille que l’hévéaPas de variétés améliorées disponibles

La production débute 10 ans après plantation

Tableau II.Principales espèces fruitières conservées ou plantées dans les parcelles d’hévéa en Asie du Sud-Est.

Photo 9.Hévéa et duku (Aglaia sp.pl.) enproduction au sud de la Thaïlande,2006.Photo E. Penot.

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FOCUS / RUBBER TREE & AGROFORESTRY

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Association avec les arbres à bois d’œuvre

ou de service

De nombreux systèmes intè-grent en petit nombre des espèces àbois de valeur. Le cycle de croissance(temps de révolution) de ces derniersest souvent long, de l’ordre de trenteà cinquante ans, à l’exception notablede certaines espèces à croissancerapide telles que l’eucalyptus. Le teckest potentiellement intéressant, enThaïlande en particulier, car son cycleest similaire à celui de l’hévéa, maisleurs exigences écologiques respec-tives diffèrent nettement, ce quiconstitue un facteur limitant pour pré-coniser ce mélange (Tahunan, 1996).Au Cambodge, un essai de 6 ha réa-lisé par l’Ircc4 est consacré à la cultured’arbres forestiers de haute valeur enassociation avec l’hévéa sur largeintercalaire (âgé de trois ans en2009). Au Ghana, certains arbres àcroissance rapide sont également uti-lisés, à vocation de bois d’œuvre(tableau III), observés au sein d’agro-forêts à base de cacaoyers.

Enfin, les arbres à croissancerapide peuvent être aussi cultivéspour le bois d’œuvre de basse qua-lité, pour le bois de feu ou tout sim-plement pour générer de l’ombrageafin de limiter l’envahissement deImperata cylindrica, de Chromolenaodorata ou de toute autre peste végé-tale. Les essences concernées, àcroissance rapide, sont souvent legmélina, Gmelina arborea, et Acaciamangium qui néanmoins sont desespèces concurrentielles pour l’hé-véa. Les essais de mélange d’es-pèces en milieu paysan menés par leSrap à Kalimantan ont mis en évi-dence la nécessité de couper lesarbres producteurs de bois après laquatrième année, sous peine d’uneffet marqué sur la croissance et laproduction des hévéas (Penot,Eschbach, 2005).

Les systèmes intégrant desarbres fruitiers ou arbres à boisd’œuvre sont à la limite entre agrofo-rêts simples et complexes. Ils entrentdans cette dernière catégorie si le

nombre d’espèces, de strates et ladensité d’arbres sont conséquentspar rapport à la culture dominante.Pour l’hévéa, à titre exemple, unedensité moyenne de 500 hévéas parhectare et une densité de plus de

150 arbres associés par hectare surplusieurs strates constitueraientalors une agroforêt dite « complexe »,à condition d’avoir un nombre d’es-pèces important et une combinaisondes espèces de type multistrate.

Photo 10.Jeunes hévéas de 3 ans avec fruitiers et piment en intercalaire à Sanjan, dans la province de Kalimantan-ouest en Indonésie, 1993.Photo E. Penot.

Photo 11.Fruitiers (ramboutan, aréquier, bananier) et riz pluvial en intercalaire d’hévéa, avec interligne normal de 6 m à Pasaman, à l’ouest de Sumatra en Indonésie, 1997.Photo E. Penot.

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4 Institut de recherche sur lecaoutchouc du Cambodge.

Page 12: L'hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou

Les associationsau sein

des systèmesagroforestiers

complexes

Au sein des agroforêts com-plexes à bois et à fruits, les ressourcesen eau et le sol sont efficacementconservés, voire améliorés. Leurscaractéristiques sont surtout d’ordreenvironnemental, avec une grandediversité animale et végétale similaireà celle des forêts naturelles primairesou secondaires âgées (Michon, DeForesta, 1991). Le couvert mixte per-met un contrôle efficace des adven-tices, Imperata cylindrica, parombrage permanent ne nécessitantaucun investissement coûteux en her-bicides et en main-d’œuvre. Outre lecaoutchouc qui constitue l’essentieldes revenus, les paysans ont à leurdisposition, pour l’autoconsommationou la vente, d’autres produits incluantdes plantes médicinales, des fruits,du bois d’œuvre, du bois de feu, desproduits de base pour l’artisanat.

Le jungle rubber, système com-plexe par excellence et modèle type del’agroforêt, a été le modèle dominantde diffusion de l’hévéa par les petitsplanteurs en Asie du Sud depuis ledébut du siècle (Penot, 1997). En Indo-nésie, 70 % du caoutchouc exporté estproduit par ces systèmes agroforestierscomplexes qui occupent à Sumatra etKalimantan plus de deux millions etdemi d’hectares. Ces forêts à hévéadoivent leur extension rapide au faiblecoût d’introduction (l’hévéa est directe-ment introduit dans le « ladang » ouchamp cultivé) et à l’absence de risque

majeur (en cas de perte, le couvertforestier est récupéré pour l’essartage).Mais l’Indonésie est quasiment le seulpays à avoir développé des agroforêtscomplexes à une telle échelle.

Initié en 1994, en Indonésie, enpartenariat avec les producteurs, le pro-gramme Srap a contribué à la recherchesur les systèmes Ras (photos 11 à 15)basés sur l’introduction des clones(Wibawa et al., 1997). Les Ras type 2sont fondés sur un mélange hévéa-frui-tiers et les Ras de type 3 plus spécifique-ment adaptés à la lutte et au contrôle del’imperata avec des mélanges hévéa-arbres à croissance rapide pour ombrage(Ras 3.3) (photo 15) et hévéa-arbres àcroissance rapide-fruitiers (Ras 3.4)(photo 16). Un programme similaire aété lancé au Vietnam en 2000, puis auCambodge en 2003. En Malaisie, l’éta-blissement de forêts à hévéa clonal, àtitre expérimental, progresse d’unemanière satisfaisante (Tahunan, 1996),avec 2 460 ha d’agroforêts démonstra-tives dès 1995. En dehors de l’Indonésieoù existe une tradition, avec plus de cinqmillions d’hectares d’agroforêts com-plexes, peu de sources réellement docu-mentées sont disponibles sur ces sys-tèmes agroforestiers complexes dansd’autres pays producteurs, à l’exceptiondu Sri Lanka, du Brésil, des Philippineset des expériences menées en Thaï-lande, Malaisie et au Vietnam. Si lesjungle rubber sont l’apanage de l’Indo-nésie, il est toutefois possible de rencon-trer des systèmes similaires dansd’autres régions, par exemple au Ghana(Western area, Dawurampong).

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FOCUS / RUBBER TREE & AGROFORESTRY

Source : mission E. Penot, 2005.

Tableau III.Espèces forestières recensées au Ghana dans les systèmes agroforestiers.

Espèce

Mansonia altissima

Cedrela odorata

Terminalia superba

Terminalia ivorensis

Khaya senegalensis

Tieghemella heckelii

Entandrophragma angolense

Triplochiton scleroxylon

Ceiba pentendra

Antiaris toxicaria

Aningeria robusta

Nom commercial

Bété

Cédréla (espèce introduite)

Fraké

Framiré

Caïlcédrat

Makoré

Tiama

Ayous

Fromager

Ako

Aniégré

Photo 12.Hévéas de 10 ans complantés avec 250 arbres par hectare (système Ras 2) à Kopar, à l’Ouest de Kalimantan en Indonésie, 2005.Photo E. Penot.

Page 13: L'hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou

Les systèmes en doubleinter l igne

Ces systèmes sont nés duconstat de l’impact important del’ombrage de l’hévéa, espèce à crois-sance rapide, sur certaines culturesassociées dont le café, le thé, lecacao ou les agrumes. La doubleligne d’hévéas permet de conserverun nombre minimum d’arbres à l’hec-tare (de l’ordre de 450 arbres) afin dene pas pénaliser la production decaoutchouc tout en permettant desinterlignes très larges (10 à 20 m)pour valoriser les cultures associéesen plein soleil pendant au moinsquinze ans. La contrainte reste l’en-tretien des interlignes pendant lesannées immatures de l’hévéa et desautres cultures pérennes associées(ou le capital pour le désherbage chi-mique). Les systèmes les plus déve-loppés sont ceux avec le thé au SriLanka (photo 17). Des expérimenta-tions sont également en cours auCambodge, couplées avec des sys-tèmes de cultures annuelles à cou-verture végétale et semis direct.

Du fait d’une meilleure distribu-tion de la lumière pour des produc-tions associées plus intensivesdemandant soin et partage des res-sources, et pour mieux valoriser lespotentiels des variétés plantées, lessystèmes à base de large écartementet double interligne ont sans nuldoute un avenir important tant pourles grandes plantations que pour lespetits producteurs familiaux. Ilsreprésentent une forme de diversifi-cation (et souvent d’intensification)robuste et adaptée aux risques éco-nomiques et écologiques.

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Photo 14.Forêt secondaire en intercalaire d’hévéa clonal, interligne normal (type Ras 1), à Engkayu, Kalimantan-ouest en Indonésie, 2001.Photo E. Penot.

Photo 13.Hévéas de 13 ans avec jacquier, mangoustan et ramboutan au sud de la Thaïlande, 2005.Photo E. Penot.

Page 14: L'hévéa en association avec les cultures pérennes, fruitières ou

Conclusion

La diversification de la produc-tion permise par ces pratiques agrofo-restières favorise une plus grandesécurité des revenus, une certaineminimisation des risques, ainsi que demeilleures valorisations et productivi-tés des terres et de la main-d’œuvre.

Ces pratiques combinant desespèces pérennes avec l’hévéa peu-vent permettre une améliorationconsidérable de la productivité dutravail et l’obtention d’un système deculture compétitif si les espèces, lesdispositifs et les densités de planta-tion sont soigneusement sélection-nés. Les systèmes simples sont adap-tés localement à une combinaison dedeux plantes à écologie similaire per-mettant une diversification sur lemême espace. Les systèmes com-plexes résultent souvent d’une stra-tégie différente où la repousse fores-tière permet des externalitéspositives sur la biodiversité et ladiminution des ressources en capitalet en travail pour la mise en place,par rapport aux monocultures (luttecontre les adventices).

Mais ces pratiques, même sielles existent localement, sont en faitinsuffisamment définies et caractéri-sées. Si les jungle rubber d’Indonésiesont assez bien documentés, ceuxd’autres pays tels le Nigeria, couvrantpourtant plus de 100 000 ha, ou laMalaisie (Sarawak) ne le sont pas. Ilexiste également peu de recherches(effectuées ou réellement recenséesou disponibles) dans ce domaine enparticulier, si elles sont comparéesaux travaux liés à la monoculture (ilexiste en revanche beaucoup de rap-ports et de littérature grise). Cela peuts’expliquer par le fait que le mondede l’hévéaculture, et en particuliercelui des grandes plantations jusqu’àla fin des années 1990, est un moderelativement conservateur où persis-tent des phénomènes d’inertie sur leplan technique, avec le modèle de lamonoculture stricte et une plante decouverture en interligne. Même si cer-taines d’entre elles ont testé plusieurs

possibilités (bois d’hévéa en interca-laire chez London Sumatra enIndonésie ou Michelin avec les frui-tiers au Brésil), la plupart n’ont pasété retenues car les modes de pro-duction des grandes plantations nesont pas compatibles ou rentablesvis-à-vis des nécessités de productionfruitière ou de bois d’œuvre (se posele problème de calage des cycles,parmi d’autres). En revanche, lesmêmes associations sont nettementplus intéressantes pour les petits pro-ducteurs compte tenu de la satisfac-tion d’un certain nombre de besoinsgrâce aux agroforêts, où l’autocon-sommation aboutit à des économiesrelativement importantes (bois, fruits,vannerie, etc.).

La durabilité écologique et éco-nomique, la minimisation du risque,l’optimisation des facteurs de produc-tion (foncier, capital et surtout travail),l’intégration possible de cultures surle long terme à un coût marginal (lebois) et la diversification des revenussont des facteurs extrêmement posi-tifs pour l’avenir de l’hévéacultureagroforestière, non seulement dansles régions traditionnelles de produc-tion mais également dans les zonesnouvelles. L’expérimentation localeen milieu paysan en partenariat, l’ac-cès aux marchés (fruits et bois) et unelégislation favorable au droit de pro-priété des arbres sont des préalablesà tout développement régional impor-tant. Enfin, la prise en compte desexternalités positives sur la biodiver-sité végétale, la fertilité des sols, lalutte anti-érosive et la valeur « puitsde carbone » représentent des enjeuximportants pour le futur de ces sys-tèmes. L’hévéa est, en effet, la seuleplante cultivée inscrite dans le Mdp(mécanisme de développementpropre, issu du protocole de Kyoto) etdonc éligible au même titre que lesforêts pour sa valeur « carbone ».

Les espèces, à ce jour, les plusprometteuses pour l’utilisation enassociation avec l’hévéa sont indi-quées ci-après.

Photo 15.Arbres pour ombrage à croissancerapide en intercalaire d’hévéa,interligne normal, Acaciamangium (type Ras 3.3), à Trimulia, Kalimantan-ouest en Indonésie, 2005.Photo E. Penot.

Photo 16.Arbres pour ombrage à croissancerapide et fruitiers en intercalaired’hévéa, interligne normal,mélange Acacia mangium,Gmelina arborea et Albizziafalcata et fruitiers divers avec dixespèces (type Ras 3.4), àTrimulia, Kalimantan-ouest enIndonésie, 2005.Photo E. Penot.

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▪ Les arbres fruitiers avec un marchéet des débouchés importants danstous les pays asiatiques et la plupartde ceux d’Amérique latine (Colombie,Brésil, Guatemala...), où se déve-loppe le marché des fruits ou d’asso-ciés. La principale contrainte à lavalorisation réside dans l’accès glo-bal au marché, national ou internatio-nal, et dans les infrastructures d’ache-minement de produits hautementpérissables. Les marchés nationauxsont importants pour le duku, le jeng-kol et le petai, notamment enIndonésie. En Colombie, la diversitédes fruits locaux est porteuse de com-binaisons avec l’hévéa extrêmementintéressantes. Certains fruitiers pro-duisent en période immature (ana-nas, banane, palmito) et d’autres pro-duisent en même temps que l’hévéa(durian, rambutan, duku).▪ Divers arbres à usages multiples ettolérants pour l’ombre, en vue de laproduction de bois d’œuvre oud’autres produits non ligneux. À titred’exemple : le thang, Litsea grandis,le khayom, Shorea roxburghii, lethamsao, Fagraea fragans, et leneem, Azadirachta indica.

▪ Les arbres à croissance rapide, soitpour le bois de feu ou la pâte à papier,soit pour des raisons écologiques(lutte contre l’imperata par ombrage).Gmelina arborea et Acacia mangiumprésentent un haut potentiel pourl’agroforesterie (pour le bois énergieen zone intensément déboisée).Toutefois, leur croissance très rapidepeut être préjudiciable à celle de l’hé-véa en période immature et c’est ainsique Acacia mangium est nécessaire-ment coupé dès la quatrième annéedans les essais Ras 3 en Indonésie ;car, faute de contrôle, cette essenceforestière peut entraîner une baissesignificative de la croissance, puis dela production des hévéas.▪ Les arbres de bois d’œuvre. Face à ladéforestation croissante des zones deforêt en Amazonie et en Asie du Sud-Est, la demande de bois de qualité(teck et diptérocarpacées) est de plusen plus forte. Seuls les systèmes deculture agroforestiers ayant des cycleslongs (d’au moins trente années) etun revenu assuré par une plantepérenne tel l’hévéa seront à même depouvoir répondre efficacement à cettedemande pour un coût très marginal

pour le petit planteur. Les contraintesde valorisation du bois issu des agro-forêts sont souvent de type institu-tionnel, où l’État s’arroge le droit decoupe et de commercialisation desgrumes par le biais de concessionsaccordées à des groupes privés. Cescontraintes sont un peu partout encours de disparition et les exemplesrencontrés dès 2005-2007 tant enIndonésie qu’au Ghana montrent quele prochain producteur forestier dansces deux pays risque bien d’être leplanteur d’hévéa ou de cacao.▪ Les espèces pérennes intercalairesen large interligne telles que le café,le cacao ou le thé. Quant au rotin, ilest à mettre en place en fin de cycle,autrement des espèces de rotin ris-quent de disparaître de leur environ-nement naturel qu’est la forêt. Detelles plantations peuvent être écono-miquement valables en Malaisie où lepotentiel existe pour la participationdes paysans aux transformationssecondaires et tertiaires du produit.

Les possibilités d’agroforesteriesont multiples et importantes, etdépendent des législations localessur le mode de tenure des arbres(pour les arbres à bois de valeur) etles marchés. Les cultures annuellesintercalaires, plus ou moins inten-sives, permettent de valoriser l’es-pace et de générer un revenu enpériode immature qui est la plus cri-tique pour le producteur et d’aug-menter la productivité globale du tra-vail des systèmes puisque les arbresprofitent de l’entretien des cultures.Malgré l’éloignement, si les fruitierssont intéressants à proximité desvilles ou le long des grands axes rou-tiers, les arbres de bois d’œuvre sontpromis à un grand avenir, du fait dudéboisement intensif dans de nom-breux pays tropicaux.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 1 ( 3 ) 81HÉVÉA ET AGROFORESTERIE / LE POINT SUR…

Photo 17.Thé en intercalaire d’hévéa avec double interligne de 12 m, plantationindustrielle au Sri Lanka, 2005.Photo E. Penot.

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