l'heraldique du limousin

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1 Ecole pratique des hautes études Mention « Histoire, textes et documents » L’HERALDIQUE DU LIMOUSIN DU XII e AU XXI e siècle Thèse de doctorat présentée par Jacques JALOUNEIX Sous la direction de M. Michel PASTOUREAU Directeur d’études Jury M. Jean-Luc CHASSEL M. Laurent HABLOT M. Philippe PALASI M. Michel PASTOUREAU Automne 2012

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  • 1

    Ecole pratique des hautes tudes

    Mention Histoire, textes et documents

    LHERALDIQUE DU LIMOUSIN

    DU XIIe AU XXI

    e sicle

    Thse de doctorat prsente par

    Jacques JALOUNEIX

    Sous la direction de M. Michel PASTOUREAU

    Directeur dtudes

    Jury

    M. Jean-Luc CHASSEL

    M. Laurent HABLOT

    M. Philippe PALASI

    M. Michel PASTOUREAU

    Automne 2012

  • 2

    SOMMAIRE

    Abrviations et sigles utiliss p. 12

    Avant-propos p. 14

    Introduction p. 18

    PREMIRE PARTIE

    OBSERVATIONS GNRALES SUR LHRALDIQUE LIMOUSINE

    DES ORIGINES A NOS JOURS

    CHAPITRE I

    Lhraldique mdivale du Limousin (XIIe sicle-milieu du XVIe sicle)

    1. Les maux p. 33

    1.1. La frquence des maux p. 33

    1.2. Les combinaisons dmaux : les armoiries monochromes ; les armoiries bichromes p. 35

    2. Les figures p. 38

    2.1. Les figures gomtriques : les pices, les partitions, les petits meubles gomtriques p. 38

    2.2. Les petits meubles styliss p. 51

    2.3. Les meubles principaux : les tres humains; les animaux : les quadrupdes, les oiseaux, les autres

    animaux ; les tres fantastiques; les animaux absents; les vgtaux : arbres, arbustes, plantes, fleurs,

    fruits ; les autres figures naturelles ; les artefacts p. 54

    3. Les ornements extrieurs des armoiries p. 83

    3.1. Les cimiers p. 85

    3.2. Les supports p. 88

    3.3. Les liens iconographiques entre cimiers et supports p. 89

  • 3

    4. Les figures parlantes et allusives des armoiries et des ornements extrieurs p. 90

    4.1. De quoi et comment parlent les figures parlantes : figures parlantes et nom ; typologie des armoiries

    parlantes : les armes parlantes directes ; les armes parlantes jeux de mots ; les armes parlantes

    allusives, types darmes parlantes dans les armoriaux mdivaux ; le potentiel parlant inexploit p. 90

    4.2. Les armoiries allusives p. 103

    5. Armoiries des nobles et armoiries des non nobles p. 104

    5.1. Les armoiries des non nobles p. 104

    5.2. Les armoiries des nobles : les maux des nobles ; les figures des armes des non nobles : les partitions,

    les pices, les meubles de nobles et les meubles de non nobles p. 107

    CHAPITRE II

    Lhraldique moderne du Limousin (1560-1790)

    A

    Les armoiries des habitants de Limoges autour de 1650. Un ge dor de

    lhraldique roturire ?

    1. Llaboration et lusage des armoiries Limoges au milieu du XVIIe sicle p. 115

    1.1 La documentation dun peintre en armoiries Limoges vers 1650 : la documentation professionnelle de

    Philippe Poncet ; les modles fournis par les panonceaux funraires ; les modles fournis par les pices

    de vaisselle armories ; les modles fournis par les cachets ; les modles tirs dautres supports p. 115

    1.2 Lusage des armoiries Limoges vers 1650 : des armoiries pour les honneurs funbres ; des armoiries

    pour le ftes des confrries ; des armoiries pour les consuls p. 119

    2. Les caractristiques de lhraldique de Limoges au milieu du XVIIe sicle p. 122

    2.1. Les maux : la frquence des maux ; les associations dmaux ; des armoiries souvent transgressives ;

    deux questions particulires : la couleur de leau et le sinople p.122

    2.2. Les figures : les pices : les chevrons, les bandes, les fasces, les chefs, les autres pices ; les partitions :

    les partis, les cartels, les coups ; les meubles : les arbres et les branches, les fleurs, le soleil et les

    autres astres, la Terre, les phnomnes clestes, les formes naturelles et artificielles (monts, mers et

    rivires, terrasses), les cordelires, trois meubles relativement frquents (les lions, les aigles et les

    curs) p. 127

  • 4

    3. Les armoiries signifiantes des roturiers : la prpondrance des armoiries parlantes p. 142

    3.1. Les langues utilises par les armoiries parlantes : le franais, les parlers locaux, le latin p. 144

    3.2. Les gnrateurs darmes parlantes : les patronymes, les surnoms, le cas particulier des bourgeois de

    Solignac p. 148

    3.3. Typologie des armoiries parlantes des roturiers de Limoges au XVIIe sicle : les armes parlantes

    directes ; les armes parlantes allusives ; les armes parlantes jeux de mots : rbus, calembour,

    charade ; les armoiries parlantes fondes sur des lettres initiales p. 150

    4. Les brisures des armes roturires p. 162

    B

    Les armoiries des nobles dans les lections de Limoges, de Brive, de Tulle

    et de Bourganeuf en 1666

    1. Les maux p. 167

    1.1. La frquence des maux p. 167

    1.2. Les associations dmaux p. 169

    2. Les partitions p. 170

    2.1. Les principales partitions p. 170

    2.2. Les autres partitions p. 171

    3. Les pices p. 171

    3.1. Les fasces p. 171

    3.2. Les bandes p. 172

    3.3. Les pals p. 172

    3.4. Les croix p. 173

    3.5. Les chevrons p. 173

    3.6. Les chefs p. 174

    3.7. Les autres pices p. 174

    4. Les meubles p. 174

    4.1. Le lion et laigle p. 174

    4.2. Les autres animaux p. 175

    4.3. Les vgtaux : les arbres, les roses et les terrasses p. 175

    4.4. Les formes naturelles p. 176

    4.5. Les figures de lhraldique roturire rares ou absentes chez les nobles p. 177

    4.6. Les figures forte connotation nobiliaire : les meubles symboliques du pouvoir seigneurial ; les

    meubles voquant la chasse et le jeu ; les objets dagrment de la vie quotidienne p. 177

  • 5

    5. Trois aspects particuliers de lhraldique nobiliaire p. 180

    5.1. Les armoiries parlantes des nobles p. 180

    5.2. Les brisures : les armoiries sans brisure ; les armoiries brisures p. 183

    5.3. Les nobles sans armoiries p. 186

    6. Les ornements extrieurs des armoiries des nobles limousins en 1666 p. 188

    6.1. Les cimiers p. 188

    6.2. Les supports p. 188

    C

    Larmorial gnral de 1696 dans le Limousin et la Marche

    1. Les modalits de lenregistrement des armoiries p. 195

    1.1. Les armoiries dclares par leurs possesseurs et enregistres sans modification p. 196

    1.2. Les armoiries prsentes et enregistres aprs modification ou justification : les armoiries mal

    blasonnes ; les armoiries fleurs de lis p. 197

    1.3. Les armoiries attribues doffice : les armoiries attribues doffice dans llection de Guret ; les

    armoiries attribues doffice dans llection de Limoges : les armoiries attribues en 1699, les

    armoiries attribues en 1700 et 1701; les armoiries attribues doffice dans les lections de Brive

    et de Tulle ; armoiries attribues doffice et armoiries dautrui p. 200

    2. Regards sur lhraldique des trois ordres en Limousin la fin du XVIIe sicle p. 211

    2.1. Les armoiries du clerg : les armoiries dclares spontanment par le clerg ; les armoiries dont

    lenregistrement a t diffr parce que le blason a t mal figur ou expliqu ; les armoiries

    attribues doffice au clerg : le cas de la gnralit de Limoges ; le cas de la gnralit de

    Moulins p. 211

    2.2. Les armoiries de la noblesse : les dclarations de fausses armoiries par les nobles ; les armes

    familiales dclares par les nobles ; les armoiries attribues doffice des nobles dans la

    gnralit de Limoges ; armoiries attribues doffice dans llection de Guret p. 217

    2.3. Les armoiries des roturiers p. 223

    3. Les armoiries des femmes la fin du XVIIe sicle p. 228

    3.1. Les armoiries prsentes par des femmes et enregistres immdiatement p. 229

    3.2. Les armoiries de femmes surcises p. 231

    3.3. Les armoiries attribues doffice des femmes p. 231

  • 6

    CHAPITRE III

    Lhraldique du Premier Empire (1806-1815)

    1. Renaissance de lhraldique ou naissance dune nouvelle hraldique ? p. 235

    2. Les maux des armoiries impriales du Limousin p. 238

    2.1. La frquence des maux p. 238

    2.2. Les associations dmaux p. 239

    2.3. Les transgressions de la rgle demploi des maux : lincidence des signes de dignit ; les

    associationsirrgulires dmaux p. 240

    3. Les partitions de lcu p. 242

    4. Les pices p. 244

    5. Les meubles p. 246

    5.1. Typologie gnrale des meubles p. 246

    5.2. Les reprsentations du corps humain p. 247

    5.3. Les animaux : les quadrupdes ; les oiseaux p. 247

    5.4. Les vgtaux : les arbres ; les fleurs ; les autres vgtaux p. 249

    5.5. Les formes naturelles p. 250

    5.6. Les artefacts : les quipements militaires ; les constructions ; les autres artefacts p. 251

    6. Les figures signifiantes p. 253

    6.1. Les armoiries parlantes p. 254

    6.2. Les armoiries allusives : les signes de dignits ; les autres figures allusives p. 255

    7. Les figures exclues des armoiries impriales p. 261

    8. Lhraldique des collectivits p. 263

    9. Le sort des armoiries impriales sous la Restauration p. 264

    9.1. Les anciennes armoiries dAncien Rgime conserves sous lEmpire et prives des signes de dignit

    aprs 1815 p. 266

    9.2. Les armoiries cres sous lEmpire et modifies aprs 1815 p. 267

    9.3. Les armoiries cres sous lEmpire et conserves sans modification aprs 1815 p. 268

  • 7

    CHAPITRE IV

    Lhraldique contemporaine (1815-2012)

    1. Les travaux drudition et de cration p. 271

    1.1. La publication de gnalogies avec des indications hraldiques p. 271

    1.2. La publication de dictionnaires historiques contenant des blasons p. 272

    1.3. La publication de documents hraldiques ou dominante hraldique p. 274

    2. Les armoiries familiales de 1815 2012 p. 279

    2.1. Les armoiries des propritaires de chteaux p. 279

    2.2. Les armoiries des ecclsiastiques p. 282

    2.3. Le tarissement des crations hraldiques individuelles et familiales aprs 1815 : les armoiries

    concdes par la Restauration ; les crations darmoiries au XIXe sicle p. 287

    3. La cration densembles hraldiques dans les glises et les difices civils p. 292

    3.1. Les ensembles hraldiques des glises p. 292

    3.2. Les ensembles hraldiques des difices civils p. 293

    4. Lhraldique des collectivits p. 297

    4.1. Le dpartement de la Creuse, initiative prfectorale et initiative locale : les crations officielles

    darmoiries municipales ; les crations non officielles darmoiries municipales p. 297

    4.2. Le dpartement de la Corrze, une entreprise ambitieuse et russie de cration dune hraldique

    municipale : classement des armoiries en fonction de leurs origines : les armoiries municipales

    traditionnelle, les crations dinitiative municipale, les armoiries proposes par Merceron et

    Quincy ; les armoiries municipales de la Corrze du point de vue de leur signification : les armes

    parlantes, les armes allusives ; le bilan dune entreprise hraldique vingt ans aprs p. 303

    4.3. Le dpartement de la Haute-Vienne, une hraldique municipale dinitiative locale : les armoiries

    communales : une histoire rcente ; la signification des armoiries communales de la Haute-Vienne :

    la prdominance des armes allusives ; les armes parlantes p. 309

    Conclusion p. 316

    Sources p. 320

    Bibliographie p. 323

  • 8

    DEUXIME PARTIE

    UN ARMORIAL GNRAL DU LIMOUSIN

    FAMILLES, COMMUNAUTS, TABLE HRALDIQUE

    1. Armorial du limousin du XIIe au XXIe sicle. Les familles p. 1

    2. Armorial du Limousin du XIIe au XXIe sicle. Les communauts p. 729

    A - Les communauts administratives (provinces, dpartements, communes) p. 729

    B - Les communauts professionnelles p. 811

    C - Les communauts religieuses p. 821

    3. Table hraldique de larmorial du Limousin. Familles et communauts p. 839

  • 9

    TROISIEME PARTIE

    ANNEXES A LARMORIAL GNRAL DU LIMOUSIN

    ANNEXE I

    Esquisse dune histoire et dune gographie du Limousin

    1. La gographie physique et humaine. Unit et diversit dun territoire. p. 1

    1.1. La gographie physique du Limousin : luniformit apparente ; la diversit des terroirs p. 1

    1.2. Derrire lapparente uniformit, une relle diversit ? p. 2

    1.3. La gographie humaine du Limousin : une unit volutive p. 3

    2. Repres pour une histoire du Limousin p. 7

    2.1. Le Limousin lpoque gallo-romaine (-50 avant J.C. Ve sicle) p. 7

    2.2. Le Haut-Moyen Age (VIe sicle Xe sicle) p. 8

    2.3. Le Moyen Age central (XIe XIIIe sicle) p. 10

    2.4. La fin du Moyen Age (XIVe XVIe sicle) p. 13

    2.5. Les Temps modernes (1560-1789) p. 17

    2.6. Lpoque contemporaine (1789- 2012) p. 23

    ANNEXE II

    Cartes gographiques et historiques du Limousin

    1. Carte de la gographie physique et administrative du Limousin au XXIe sicle p. 40

    2. Carte des comts et vicomts de la Marche et du Limousin au XIIIe sicle p. 41

    3. Carte des gnralits et lections de la Marche et du Limousin au XVIIIe sicle p. 42

  • 10

    ANNEXE III

    Un armorial indit :

    LArmorial de Limoges (1595 ? 1604)

    1. Prsentation de lArmorial de Limoges p. 44

    2. Plan de lArmorial : numrotation des armoiries et noms des familles p. 63

    3. Blasonnement des armoiries p. 67

    4. Table hraldique p. 80

    5. Fac-simil partiel de lArmorial de Limoges p. 96

    ANNEXE IV

    Photographies darmoiries limousines

    1. Moyen Age

    2. Epoque moderne

    3. Epoque contemporaine

  • 11

  • 12

    TABLE DES ABRVIATIONS

    Agfl : Armorial gnral de France dress par Charles dHozier, gnralit de Limoges,

    publi par J. Moreau de Pravieux, Dijon, 1895

    Arm. Lim. : Armorial de Limoges (vers 1694-1604), Archives dpartementales de lAube, fonds

    Chandon de Briailles

    Bergues-Lagarde : M. de Bergues-La-Garde, Nobiliaire du Bas-Limousin, 1871-1872, rdition, Paris,

    2000

    Bosredon, HV. : Ph. de Bosredon, Notes pour servir la sigillographie du dpartement de la Haute-

    Vienne, Limoges, 1892

    Bosredon, Sigil.

    Bas-Lim. : Ph. de Bosredon, Sigillographie du Bas-Limousin, Brive, 1886

    Boulaud : J. Boulaud, Armoiries sur vitraux en Limousin, Limoges, 1944

    Carriat : A. Carriat, Dictionnaire bio-bibliographique des auteurs du pays creusois, 7

    fascicules, Guret, 1964

    Champeval : J.B. Champeval, Dictionnaire des familles nobles et notables de la Corrze, 2

    volumes, Tulle, 1911-1913

    Champeval :

    Bas-Lim. : J. B. Champeval, Le Bas-Limousin seigneurial et religieux, rdition Paris, 2004

    Chartreix : R. Chartreix, La vicomt de Bridiers, Limoges, 1997

    Descoutures : S. Descoutures, Nobiliaire de la gnralit de Limoges, Limoges, 1901

    Duquesne : J. Duquesne, Dictionnaire des gouverneurs de province, Paris, 2003

    DFN : Dictionnaire de la fausse noblesse, sans nom dauteur, Tallandier, Paris, 2008

    DVN : Dictionnaire de la vraie noblesse, sans nom dauteur, Tallandier, Paris, 2008

    Eygun : F. Eygun, Sigillographie du Poitou jusquen 1515, Poitiers, 1938

    Esquieu : L. Esquieu, Essai dun armorial quercynois, Paris, 1907-1908

    Favone : M. Favone , Histoire de la Marche, Paris, 1938

    Fougeyrollas: Cl.-A.Fougeyrollas, Nouvel armorial poitevin, Aunis, Saintonge, 3 tomes, Niort, 2006

    Froidefond : A. de Froidefond de Boulazac, Armorial de la noblesse du Prigord, Prigueux, 1891

    Gnal. lim.

    et march. : Gnalogies limousines et marchoises, 18 tomes, Mayenne, 1984 2011

    Hugon : H. Hugon, La Creuse dans lArmorial gnral de France, Limoges, 1936

    Internet : Information fournie par un site internet

  • 13

    Jougla : H. Jougla de Mornas, Grand armorial de France, 7 volumes, Paris, 1934-1952

    Lamarque : Ph. Lamarque, Armorial du Premier Empire, Lathuile, 2008

    Lartigue : J.J. Lartigue, Dictionnaire et armorial de lpiscopat franais, Perros-Guirec, 2002

    Lecler, HV. : A. Lecler, Dictionnaire historique et gographique de la Haute-Vienne, Limoges,

    1920-1926

    Lecler, Cr. : A. Lecler, Dictionnaire topographique, archologique et historique de la Creuse,

    Limoges, 1902

    Merceron : R. Merceron, Les blasons de la Corrze et de ses communes, Tulle, 1990

    Mssnac : Mmoires de la socit des sciences naturelles, archologiques et historiques de la

    Creuse depuis 1834

    Nadaud : Abb J. Nadaud, Nobiliaire du diocse et de la gnralit de Limoges, 4 volumes,

    Limoges, 1882

    Nouaillac : J. Nouaillac, Histoire du Limousin et de la Marche limousine, Limoges, 1943

    Poncet : Recueil darmoiries limousines de Philippe Poncet, publi par le chanoine A. Lecler et

    Louis Guibert, Limoges, 1905

    Queyrat : L. Queyrat, Le parler de la rgion de Chavanat (Creuse), 2 volumes, Guret, 1930

    Renesse : Jan van Helmont, Dictionnaire de Renesse, Louvain, 1992

    Revel : LArmorial de dAuvergne, Bourbonois et Forestz de Guillaume Revel. Etude et

    commentaires par Emmanuel de Boos, Nonette, 1998

    Rvrend, APE : A. Rvrend, LArmorial du Premier Empire, 4 volumes, Paris, 1902-1906

    Rvrend, Restaur : A. Rvrend, Titres, anoblissement et pairies de la Restauration, 3 vol., Paris, 1902

    Rietstap : J.B. Rietstap, Armorial gnral, reproduction de la 2em

    dition (1884), 2 tomes,

    Londres, sans date

    Tardieu, gdghm : A. Tardieu, Grand dictionnaire gnalogique et biographique de la Haute-Marche,

    Herment, 1894

    Tardieu, gddhm : A. Tardieu, Grand dictionnaire historique de la Haute-Marche, Herment, 1894

    Tulard : J. Tulard, Dictionnaire Napolon, 2 volumes, Paris, 1999

    Valette : R. Valette, Catalogue de la noblesse franaise, Paris, 2002

    Verdier : J. du Verdier, La noblesse dAncien Rgime en Limousin, Versailles, 1999

  • 14

    AVANT-PROPOS

    HRALDIQUE ET VIOLENCE EN LIMOUSIN SOUS LANCIEN RGIME

    A TRAVERS TROIS FAITS DIVERS

    Apparues sur les boucliers de la chevalerie de lEurope occidentale au XIIe sicle les armoiries ont t

    demble des signes adresss par des hommes dautres hommes, amis ou adversaires, pour dire clairement leur

    identit. Chez les combattants dabord, puis progressivement dans de nombreuses couches de la socit,

    certaines modestes comme les artisans ou parfois les paysans, elles sont devenues un vritable substitut du nom.

    Plus stables que le nom ou le titre souvent changeants, ne pouvant tre usurpes par personne puisque la rgle

    t, ds lorigine, que deux familles ne pouvaient avoir le mme cu, les armoiries ont t pendant des sicles le

    principal marqueur de lidentit dune famille. Certaines ont t cres bien avant que le nom patronymique soit

    fix. Dabord signe didentit les armoiries, en passant des boucliers aux bannires, aux heaumes, aux cottes

    darmes et aux housses des chevaux sont devenues des marques de proprit. Simultanment on les a vues

    apparatre sur les sceaux, sur les btiments (chteaux, glises, maisons, etc.), sur les objets utilitaires ou de luxe.

    A ce double titre de signe didentit et de signe dappropriation les armoiries reclent une charge mmorielle et

    affective lourde impliquant non seulement un individu, mais aussi sa famille mais aussi sa ligne. Il ne faut donc

    pas stonner quelles aient t lorigine de querelles familiales ou interfamiliales, parfois violentes pouvant

    aller jusqu mort dhomme, parfois simplement anecdotiques. Le Limousin en a connu beaucoup. Nous en

    donnerons trois exemples qui ont eu pour thtre la Haute-Marche entre la fin du Moyen Age et la fin du rgne

    de Louis XIV.

    Le premier exemple, qui est aussi le plus tragique, mit aux prises en 1499 deux familles importantes des

    environs de Guret : les Saint-Julien, nobles probablement depuis le commencement du XIVe

    sicle, et les

    Pidieu dont la noblesse ne datait que du milieu du XVe sicle. Les premiers en tant que fondateurs de lglise de

    Saint-Vaury (Cr.), place dailleurs sous linvocation de saint Julien de Brioude (un saint chevalier) 1 ,

    bnficiaient dun droit de patronage avec des droits honorifiques dont le droit de litre. Ce droit, un honneur

    majeur, permettait au seigneur (et aux coseigneurs le cas chant) de faire peindre ses armes sur une bande noire

    lintrieur et lextrieur de lglise2. Avant quclate le conflit entre les deux familles la litre des Saint-Julien

    tait en place sans doute depuis longtemps. Les Pidieu navaient aucun titre faire valoir pour faire usage dun

    droit de litre dans lglise Saint-Julien de Saint-Vaury. Cependant lorsque, en 1499, meurt Pierre de Pidieu,

    prvt du monastre de Saint-Vaury, tablissement relevant de labbaye de Saint-Martial de Limoges, son neveu,

    galement appel Pierre de Pidieu, et ses frres et surs prennent la dcision de faire peindre les armoiries

    familiales sur une litre dans lglise de Saint-Vaury au-dessus de la litre des Saint-Julien. Mais leur droit de litre

    est contestable car ils ne sont ni les fondateurs de lglise, ni les possesseurs de la moindre seigneurie dans la

    paroisse de Saint-Vaury. Bien quoutrags par cette atteinte leur droit et leur honneur les Saint-Julien

    ninterdisent pourtant pas formellement aux Pidieu de peindre leurs armoiries sur une litre. Ils leur

    recommandent simplement de faire mectre lesdits escussons autre part dans ladite eglise 3.

    1 Louis LACROCQ, Les glises de France, la Creuse, Paris, 1934, p. 170 2 Sabine de LAVERGNE, Les litres funraires du Pays de Caux dans Revue des Socits savantes de Haute-Normandie, n 28, 1962, p. 4 et 5 3 Bruno LAMIGES, Aspects de la violence nobiliaire prs de Guret la fin du Moyen Age, dans Mmoire de la Socit des sciences

    naturelles, archologiques et historiques de la Creuse, 2004, p. 170

  • 15

    Cest en fait presque une fin de non-recevoir car o placer la litre des Pidieu sinon en-dessous de celle

    des Saint-Julien ce qui serait humiliant ? A supposer mme quil reste un espace suffisant entre le sol et la litre

    des Saint-Julien. Blesss par cette proposition Les Pidieu rpliquent par de grosses paroles et menasses et

    plusieurs injures 4. Puis ils se livrent des actes de vandalisme dans lglise. Non seulement ils sen prennent

    aux armoiries des Saint-Julien mais ils dcapitent une effigie du pre des Saint-Julien (peut-tre une statue) et

    dgradent lautel ce qui constitue un sacrilge qui donnera lieu dailleurs des poursuites devant lofficial de

    Limoges. A ce titre les Pidieu recevront une monition, cest--dire un avertissement de lvque avant une

    ventuelle excommunication5.

    Lchauffoure dans lglise nest que le prlude une vritable guerre entre les deux familles. Aussitt

    les lacquays la solde des dits Pidieu assigent la maison-forte des Saint-Julien qui se trouve non loin de

    lglise et tirent plusieurs coups dartillerie contre la tour desdits Saint-Julien et aussi contre leurs fenestres 6.

    Mais cette violente attaque, peut-tre parce quelle na pas fait de victimes, ntanche pas la soif de vengeance

    des Pidieu. Ils veulent du sang, les simples destructions matrielles ne suffisant pas pour laver linjure faite

    leurs armoiries interdites dglise. A cette fin, et sans doute parce quils ne trouvent pas dallis dans la noblesse

    locale, ils constituent une bande htroclite arme de btons dans laquelle on trouve notamment un certain

    btard dArneille (dOrgnac ?), un nomm Jean Couraut et mme un prtre gyrovague Colas Bidon.

    Les Saint-Julien semblent avoir endur patiemment au dpart les violences successives des Pidieu.

    Mais, sous la pression de leurs amis, tel notamment Jacques Chauveron, seigneur du Riz (cne dAzat-le-Ris,

    HV.), qui leur font observer quil en va de leur honneur les frres Louis et Pierre de Saint-Julien mobilisent

    leur tour une troupe probablement plus forte, mieux arme et plus exprimente que celles des Pidieu. Les deux

    bandes vont saffronter dans les environs de Guret, peut-tre non loin de Sainte-Feyre (Cr.) o les Pidieu ont

    leur seigneurie et leur chteau dont ils ne tarderont pas prendre le nom. La bataille , laquelle les Pidieu ne

    prennent pas part, se solde par deux morts dans leur camp : le meneur Jean Couraut et le prtre Colas Bidon. Les

    deux Saint-Julien chefs de lexpdition craignant la justice royale jugent bon de disparatre. De leur cachette ils

    demanderont la grce du roi. En aot 1500 ils obtiendront des lettres de rmission de Louis XII la condition de

    faire des aumnes pour le repos des mes de leurs victimes7.

    Comme le cas prcdent le suivant montre aussi que lon peut mourir pour des armoiries. Il met encore

    en scne les Pidieu dcidemment incorrigibles. En effet Pierre de Pidieu, seigneur de Sainte-Feyre, qui avait

    chapp toute poursuite dans laffaire prcdente, rcidiva une dizaine dannes plus tard. En 1511 il se trouve,

    cette fois Sainte-Feyre, dans la situation qui avait t celle des Saint-Julien en 1499. Cest--dire quayant fait

    peindre une litre ses armes dans lglise paroissiale il a un jour la surprise de dcouvrir quune autre litre aux

    armes du seigneur des Chastres 8 la surmonte. Le seigneur des Chastres avoet mises ses armes par dessus les

    miennes dans toute lglise pardessus nostre sancture et je les avoe faictes hoster 9. Le seigneur des Chastres,

    certainement moins puissant Pierre Pidieu, demande alors larbitrage de quatre seigneurs des environs. Ceux-ci

    proposent une transaction : le seigneur des Chastres pourra mettre ses armes en papier depuis les fons

    batismalles jusquau grand hautier 10. Lintss est loin davoir satisfaction complte car ses armes seront

    peintes sur un support bien phmre et napparatront que sur une partie de la nef et mme, peut-tre, sur un

    seul mur. Nanmoins le litige semble provisoirement rsolu. Mais la rancune du seigneur des Chastres est tenace.

    4 Bruno LAMIGES, Aspects de la violence nobiliaire prs de Guret la fin du Moyen Age, dans Mmoire de la Socit des sciences naturelles, archologiques et historiques de la Creuse, 2004, p. 170 5 Ibid., p. 170 6 Ibid., p. 170 7 Ibid., p. 171 8 La seigneurie des Chastres tait situe dans la paroisse de Sainte-Feyre. Le petit chteau des Chtres au nord de Sainte-Feyre, subsiste en

    2012 9 Jean TRICARD, Le journal de Pierre de Sainte-Feyre (1498-1533), dans Actes du Congrs de la socit des historiens mdivistes de

    lenseignement public, Ann 1996, volume 4, p. 93-102 10 Ibid.,

  • 16

    Douze annes plus tard le conflit resurgit et se complique de deux nouveaux lments. Dune part Pierre de

    Sainte-Feyre (ex Pidieu) reproche avec des menaces au seigneur des Chastres davoir irrespectueusement plac

    un sige sur la tombe de son pre dans lglise et dautre part le seigneur des Chastres se plaint dune gifle

    donne par Franois de Sainte-Feyre, le fils an de Pierre de Sainte Feyre, son cousin, un btard nomm

    Baudet. Signe que de la monte de la violence entre les deux familles, Baudet a tir de loin un coup (de feu ?) sur

    Franois de Sainte-Feyre. Aprs cette srie dhumiliations (la litre aux armoiries de papier, laffaire du sige et

    finalement la gifle) laffaire trouvera un dnouement sanglant : le seigneur des Chastres et ses affids tendent, un

    jour daout 1523, un guet--pan Jacques de Sainte-Feyre, le fils cadet de Pierre de Sainte-Feyre, et le blessent

    mort11

    .

    Le dernier conflit hraldique que nous allons relater maintenant est beaucoup moins tragique que les

    deux prcdents et relve plutt de la Commedia de dellarte. Il a aussi pour thtre la Haute-Marche et plus

    prcisment lglise du petit bourg de Saint-Pardoux-dArnet non loin dAubusson. Il met en scne dun ct le

    cur de la paroisse Franois Meschin, docteur en thologie et son frre le notaire N Meschin des Combes et de

    lautre Pierre de Miomandre, seigneur de Saint-Pardoux-dArnet et capitaine de la milice bourgeoise de Felletin,

    Gingaud son peintre en armoiries et le patron de ce dernier Jean Artaud. Un jeune cuyer, Annet dAudebrand,

    19 ans, sera le seul tmoin passif de lvnement. Laffaire se produit vers 1700 quand le peintre Gingaud est en

    train de raliser une ceinture funbre armorie pour le compte de Pierre de Miomandre dans le chur de lglise,

    empitant ainsi sur lespace du prtre. La litre dun lac, manifestation dun droit seigneurial lgitime dans le

    reste de lglise, na gnralement pas sa place dans le chur.

    Quand le cur Meschin entre dans son glise il a la surprise dapercevoir le peintre Gingaud sur son

    chelle en train de peindre dans le chur la litre de M. de Miomandre12. Offusqu par cette transgression il

    interpelle le peintre en ces termes : Gingaud, que Gingaudes-tu l ? Tu mriterais que je te fis sauter bas ! ,

    ajoutant quil restait matre du chur de son glise et quil ne souffrirait jamais quon chiffonnt son glise .

    Simultanment le frre du cur, tout mu de colre , sen prend Jean Artaud, le patron du peintre, en

    linvectivant: Que fais-tu l gueux ? Si tu ne descends je te jetterai du haut en bas ! . Et pour bien montrer sa

    dtermination il renverse un banc sur lequel les deux peintres avaient dispos leurs pots de couleurs. Cest alors

    que survient en personne, peut-tre attir par le tumulte, le commanditaire Pierre de Miomandre13

    . Mal lui en

    prend car aussitt le frre du cur sauta sur luy et luy osta sa perruque en luy disant : Gueux ! Tu nas pas de

    droit icy ! Retire-toi ! . Comme pour lors, relate le jeune Audebrand, le tmoin non engag de la scne, il

    survint au bruit quil se faisait dans lglise un prestre avec deux menettes (religieuses). Ils firent retirer le frre

    dudit cur . Laffaire eue, semble-t-il, un pilogue judiciaire ou au moins une enqute14. Mais lhistoire ne dit ce

    quil advint de la litre peine bauche15.

    Dans ces exemples on voit que les questions dhraldique dchanent les passions non seulement chez

    les individus directement concerns mais aussi dans des cercles bien plus larges cest--dire la famille proche ou

    plus lointaine, le clan, les serviteurs, etc. Elles suscitent aussi bien des emportements brusques et imprvisibles

    que des haines recuites et tenaces. Ce quelles ont pu gnrer en fin de compte est all de la simple invective aux

    coups mortels. Ce nest pas pour rien que les armoiries et armes sont synonymes. Heureusement toutes les

    armoiries du Limousin que nous avons faites figurer dans cet armorial nont pas connu au cours de leur longue

    histoire des pisodes de la nature de ceux que nous venons dexposer.

    11 Jean TRICARD, Le journal de Pierre de Sainte-Feyre (1498-1533), dans Actes du Congrs de la socit des historiens mdivistes de

    lenseignement public, Anne 1996, volume 4, p. 99, renvoi 35 12 Henri HUGON, La Creuse dans lArmorial gnral de France, Limoges, 1936. Pierre de Miomandre portait en 1696 dazur un

    amandier de trois branches sans feuille dargent fruit de trois amandes dor accompagn en chef de deux toiles du mme et support par

    un croissant dargent 13 La famille de Miomandre anoblie en 1638 et maintenue en 1666 comptait deux branches en 1666 (voir Ambroise TARDIEU, Grand

    dictionnaire gnalogique de la Haute-Marche, op. cit., p. 108-109) 14 Ambroise TARDIEU, Grand dictionnaire historique de la Haute-Marche, Herment, 1894, p. 196-197 15 Louis LACROCQ, Les glises de France, la Creuse, Paris, 1936, p. 158. On en chercherait en vain la trace de nos jours, lglise de Saint-Pardoux dArnet ayant t entirement reconstruite partir de 1762

  • 17

  • 18

    INTRODUCTION

    Il ny a jamais eu darmorial gnral du Limousin ni pour les poques antrieures 1789, ni pour

    lpoque contemporaine. Cette lacune constitue presque une exception dans lensemble du paysage hraldique

    franais. Et il en est de mme relativement aux territoires voisins du Limousin qui sont en gnral beaucoup

    mieux pourvus. A ce dernier titre on peut citer le Dictionnaire historique, gnalogique et hraldique dans

    anciennes familles du Berry de Petitjean de Marsanges (1926), le Nobiliaire dAuvergne (1847-1853) et le

    Dictionnaire hraldique dAuvergne (1857) de Bouillet, le Dictionnaire historique et gnalogique des

    familles du Poitou (1891-1968) dHenri et Paul Beauchet-Filleau, Larmorial de la noblesse du Prigord

    (1858-1891)) dAlfred Froidefond de Boulazac, l Essai dun armorial quercynois (1908) de Louis Esquieu, le

    Nouvel armorial poitevin, Aunis et Saintonge (2006) de Fougeyrollas, Larmorial du Bourbonnais (1890)

    du comte Soultrait. Seul lAngoumois qui borde louest le Limousin est aussi pauvre en armoriaux.

    Cependant le Limousin ne manque pas de publications hraldiques, historiques et biographiques

    susceptibles de fournir les matriaux de base pour la constitution dun armorial rgional. Toutefois celles-ci

    prsentent deux caractristiques : dune part elles ne sont pas antrieures, pour les plus anciennes, la fin du

    XVIe sicle et dautre part elles ont recueilli principalement les armoiries de la ville de Limoges et de ses

    environs immdiats. Cest dire que lhraldique mdivale y est peu prsente et que la haute densit armoriale de

    la ville de Limoges a pour corollaire une trs vraisemblable sous reprsentation de lhraldique du reste du

    territoire rgional. Malgr des lacunes, certaines et irrmdiables, les armoiries de familles et de communauts

    que nous avons pu recueillir travers ces sources sont au nombre denviron quatre mille sans compter leurs

    variantes au sein dune mme famille voire dune communaut. Ce rsultat se compare honorablement, nous

    semble-t-il, mme si les territoires concerns nont pas la mme tendue, avec les sept cents armoiries de

    LArmorial quercynois de Louis Esquieu16 ou les sept-cent-soixante de LArmorial de la noblesse du

    Prigord dAlfred Froidefond de Boulazac17, ou encore, pour parler de publications plus rcentes, avec les

    deux mille cinq cent cus de LArmorial de lAube de Philippe Palasi18 , ou enfin les onze cents armoiries de

    LArmorial de la Haute-Marne du mme auteur19. Larmorial que nous proposons aura au moins lintrt de

    faire apparatre que le Limousin, sans tre aussi riche que dautres provinces franaises comme la Normandie ou

    lle-de-France, possde nanmoins un patrimoine hraldique non ngligeable.

    16 Louis ESQUIEU, Essai dun armorial quercynois, Paris, 1907 17 Alfred FROIDEFOND DE BOULAZAC, Armorial de la noblesse du Prigord, Prigueux, 1891 18 Philippe PALASI, Armorial historique et monumental de lAube, XIIIe-XIXe sicle, Chaumont, 2008 19 Philippe PALASI, Armorial historique et monumental de la Haute-Marne, XIIIe-XIXe sicle, Chaumont, 2004

  • 19

    La cration dun armorial territorial, dune marche darmes pour reprendre un terme quelque peu

    archasant mais trs vocateur, passe par le choix pralable dun espace lintrieur duquel va se faire la collecte

    des armoiries. Il est souhaitable, quoique non obligatoire, que le territoire retenu reflte une double pertinence

    gographique et historique. En effet dans un espace prsentant une certaine homognit on peut esprer que les

    armoiries recueillies prsentent des caractristiques communes plus ou moins marques. Dans ce qui suit nous

    seront amens dabord poser la question de la dfinition dun espace hraldique limousin en fonction de la

    gographie et lhistoire, ensuite de nous demander quel peut tre lintrt dun armorial rgional, puis dvoquer

    brivement les travaux hraldiques existant et enfin de prsenter le contenu sommaire de cet armorial ainsi que

    ses lacunes.

    1. La dfinition de lespace hraldique limousin

    Aprs mres rflexions lespace que nous avons retenu comme champ de notre tude est celui de la

    rgion administrative du Limousin telle quelle a t dfinie par la loi 72 619 du 5 juillet 1972 portant cration et

    organisation des rgions20

    . Cette rgion rsulte de la runion dans une mme entit des dpartements de la

    Corrze, de la Creuse et de la Haute-Vienne dans les limites fixes lors de leur cration par les dcrets de

    lAssemble nationale constituante des 15 janvier et 26 fvrier 179021 et qui nont depuis lors subi aucune

    modification.

    Avant darrter ce choix nous avions tudi dautres options.

    La premire que nous avions envisage se fondait sur le fait que la source majeure des armoiries

    recueillies se trouvait dans lArmorial gnral de 1696. Dans cette optique nous aurions pris en compte les

    armoiries recenses lpoque dune part sur le territoire de la gnralit de Limoges pour le Haut Limousin

    (sud de la Haute-Vienne, ouest de la Creuse), le Bas-Limousin (Corrze), la Basse-Marche (nord de la Haute-

    Vienne), et dautre part la partie de la gnralit de Moulins correspondant la Haute-Marche (les trois

    cinquimes de la Creuse). Cette option aurait eu, premire vue, lavantage de saligner sur le cadre fiscal retenu

    pour la collecte des armoiries partir de 1696, cest--dire une organisation fonde sur les lections : lection de

    Limoges pour le Haut-Limousin et la Basse-Marche (la Haute-Vienne actuelle), lections de Brive et de Tulle

    pour le Bas-Limousin (grosso-modo la Corrze actuelle), lection de Bourganeuf (quart sud-ouest de la Creuse

    actuelle), lection de Guret pour la Haute-Marche (reste de la Creuse actuelle) et enfin llection de Combraille

    (petit territoire entre la Haute-Marche et lAuvergne). Ce choix aurait eu linconvnient de laisser lcart de

    nombreux et assez importants territoires. Ainsi on aurait exclu par exemple du Haut-Limousin une bonne partie

    de larrondissement de Rochechouart (Haute-Vienne) qui relevait alors de la gnralit de Poitiers (lection de

    Confolens) et une douzaine de paroisses de la Basse-Marche (nord de la Haute-Vienne) qui taient rattaches la

    gnralit de Bourges (lection de Le Blanc). Situation analogue pour la Haute-Marche (lection de Guret) dont

    ne faisait partie ni lancienne vicomt de Bridiers rattache en 1620 llection de Le Blanc, ni la vingtaine de

    paroisses autour de Boussac (Creuse) relevant les unes de llection dIssoudun (Indre) les autres de llection de

    Saint-Amand (Cher) rattaches la gnralit de Bourges. Enfin ans le Bas-Limousin (Corrze actuelle)

    lhraldique de certaines paroisses relevant soit de llection de Cahors, soit de llection de Prigueux naurait

    pas t prise en compte. Au total il nous est apparu que lon ne pouvait exclure des territoires dont

    lappartenance au Limousin prsent et pass ne fait aucun doute.

    Le second dcoupage possible correspondait celui retenu par les abbs Nadaud et Legros (XVIIIe

    sicle), Roy de Pierrefitte et Lecler (XIXe sicle) pour leur ouvrage collectif publi seulement partir de 1882 et

    intitul Nobiliaire du diocse et de la gnralit de Limoges22

    . Demble cet ouvrage, fort bien document

    historiquement et hraldiquement, posait trois questions.

    20 Journal officiel de la rpublique franaise du 9 juillet 1972, page 7176 21 Marie-Vic OZOUF-MARIGNIER, La formation des dpartements, Editions de lEHESS, Paris, 1989 22 Abb Joseph NADAUD, Nobiliaire du diocse et de la gnralit de Limoges publi par labb J. B. Roy de Pierrefitte et continu par labb A. Lecler, tomes 1 4, Limoges, 1864-1882

  • 20

    La premire tait celle de la dfinition prcise des territoires concerns. En effet quand Nadaud avait entrepris

    ses recherches vers 1750, le diocse de Limoges et la gnralit du mme nom taient loin davoir les mmes

    limites : la gnralit de Limoges couvrait peu prs la Haute-Vienne et la Corrze actuelles mais dune part

    nincluait pas les trois-quarts de la Creuse et dautre part englobait lAngoumois. Quant au diocse de Limoges

    sil couvrait alors la quasi-totalit de la Creuse et de la Haute-Vienne, en Corrze il tait amput de la

    soixantaine de paroisses qui constituaient alors le minuscule diocse de Tulle cr en 1317. Par contre il

    comprenait une quinzaine de paroisses autour de Chabanais (Charente), une dizaine dautres autour de Nontron

    (Dordogne) et autant autour de Dalon (galement en Dordogne)23. La seconde question quaurait souleve ce

    dcoupage tait celle des contours de la gnralit de Limoges laquelle, au XVIIe sicle, incluait louest

    lAngoumois dont lhistoire et surtout la gographie avaient bien peu voir avec le Limousin et excluait une

    longue et troite semi enclave de la gnralit de Poitiers avec Rochechouart pour centre. La dernire question

    tait celle de la Haute-Marche (cest--dire la majeure partie de la Creuse actuelle), partie intgrante du diocse

    de Limoges, mais qui relevait alors principalement de la gnralit de Moulins et secondairement de celle de

    Bourges. Par ailleurs le diocse ne comprenait pas plusieurs paroisses autour de Crocq (Creuse) dpendant de

    lvch de Clermont-Ferrand et quelques autres encore au nord-ouest de la Creuse rattaches celui de

    Bourges24

    . De fait, on constate que, dans le Nobiliaire de Nadaud, lancienne Haute-Marche est le parent pauvre

    en termes de familles recenses et darmoiries tudies.

    Nous nous sommes alors demand si, en donnant comme frontire nos recherches les limites de

    lancien diocse de Limoges tel quil existait avant la cration de celui de Tulle en 1317 et qui sinscrivait plus

    de 90% dans le territoire de la rgion du Limousin actuelle, nous navions pas un cadre gographique et

    historique commode pour une recherche sur une longue priode. Cette circonscription ecclsiastique par sa

    stabilit dans le temps et par son unit nous semblait beaucoup plus cohrente que les territoires des diverses

    gnralits (Limoges, Moulins, Bourges, Poitiers, Riom) ayant couvert telle ou telle partie du Limousin et la

    Marche. Ajoutons que ces circonscriptions, dabord fiscales puis progressivement dotes ( partir de Richelieu)

    de pouvoirs nouveaux de plus en plus tendus dans tous les domaines (justice, finances, police, arme,

    commerce, agriculture, ponts et chausses, etc.)25, taient dinstitution tardive (celle de Limoges navait t cre

    quen 1588) et leurs frontires avaient t assez mouvantes. Elles ne pouvaient convenir comme cadre dune

    marche darmes pour lpoque mdivale.

    Finalement cest lensemble, stable depuis plus de deux sicles, que constituent les trois dpartements

    (Corrze, Creuse, Haute-Vienne) regroups dans lactuelle rgion du Limousin qui nous est apparu comme le

    cadre le plus pertinent pour construire une marche darmes car sa cohrence avec les dcoupages territoriaux

    anciens est forte. En effet la Corrze (ou Bas-Limousin) est compose principalement des quatre vicomts

    existant au XIIe et au XIII

    e sicle : Comborn, Ventadour, Turenne, Limoges pour partie. Pour les priodes plus

    rcentes (XVIIe sicle par exemple) elle se calque assez bien sur les lections de Brive et de Tulle. Le cas de la

    Haute-Vienne est plus complexe. Au XIIIe sicle sur son territoire actuel on trouve la partie la plus importante de

    la vicomt de Limoges, la totalit de la vicomt de Rochechouart, la majeure partie de la Basse-Marche relevant

    du comte de La Marche et les seigneuries piscopales lest et au sud-est de Limoges. Au XVIIe sicle

    pratiquement tout ce qui correspond au dpartement actuel de la Haute-Vienne tait dans llection de Limoges.

    Le territoire actuel du dpartement de la Creuse tait fait vers 1250 principalement de la partie est du comt de la

    Marche (Haute-Marche) autour de Guret et de Bourganeuf, de la vicomt dAubusson au sud, de la petite

    vicomt de Bridiers entourant La Souterraine au nord-ouest, de La Combraille autour de Chambon qui relevait

    de lAuvergne et de quelques seigneuries abbatiales autour de Bnvent-LAbbaye. Au XVIIe sicle on peut

    considrer que trois gnralits se partageaient ingalement ce dpartement : celle de Moulins dont relevait la

    grosse lection de Guret, celle de Limoges avec sa petite lection de Bourganeuf, celle de Bourges dont les

    lections de Le Blanc, dIssoudun et de Saint-Amand contrlaient une trentaine de paroisses du nord de la

    Creuse.

    23 Joseph NOUAILLAC, Histoire du Limousin et de la Marche, Limoges, 1943 24 Christian POITOU et Isabelle MARTEAU, Paroisses et communes de France, Creuse, CNRS Editions, Paris, 2000 25 Marcel MARION, Dictionnaire des institutions de la France, XVIIe-XVIIIe sicle, Paris, 1923, p. 293-299

  • 21

    Au total le Limousin en tant que collectivit territoriale contemporaine na rien dartificiel dans ses

    limites. Celles-ci, en dpit des multiples fragmentations politiques et administratives survenues tant lpoque

    mdivale qu lpoque moderne, sont demeures finalement, peu de chose prs, celles du diocse de Limoges

    des origines (Ve- XIII

    e sicle) qui lui-mme avait pous les contours de lancienne civitas [gallo-romaine],

    elle-mme calque sur le pagus gaulois [des Lmovices]26. Avec lhistorien Michel Aubrun nous sommes

    convaincus, que la question de la bonne dfinition des limites gographiques nest pas futile car la limite est

    toujours la rsultante de donnes naturelles et humaines diffrentes, rvlatrices daffinits ou bien de

    dissemblances ressenties et manifestes 27

    .

    Le cadre retenu pour la constitution dun armorial du Limousin est finalement le Limousin

    historique peine modifi, cest--dire celui du diocse primitif de Limoges, diminu en 1790, au moment de

    la dpartementalisation, des territoires du Confolentais et du Nontronnais rattachs respectivement la Charente

    et la Dordogne et de quelques paroisses du nord et du sud-ouest de la Rgion rattaches lIndre ou la

    Dordogne. Au total sur les 19 000 km2

    du Limousin historique 17 000 au moins se retrouvent dans le Limousin

    contemporain28

    .

    Nous prsentons dans l annexe 1- Esquisse dune gographie et dune histoire du Limousin les

    lments de gographie physique et dhistoire qui fondent lunit (et ventuellement la diversit) de la rgion du

    Limousin. On peut sy rfrer pour mieux comprendre les raisons profondes de notre choix gographique.

    2. Pourquoi un armorial du Limousin ?

    2.1 Lintrt dun tel document

    Lutilit pour lhistorien et pour le simple curieux dun document prsentant lensemble des

    armoiries rgionales est triple : contribuer la datation dun objet ou dun vnement, fournir un apport parfois

    prcieux lhistoire politique, sociale et familiale locale, donner des lments utiles pour lhistoire des

    mentalits.

    LES ARMOIRIES COMME OUTIL DE DATATION

    Le premier intrt dun armorial rgional est son apport tant lhistoire gnrale qu lhistoire de lart.

    En effet lhraldique combine la gnalogie permet de dater avec prcision ou dans des fourchettes assez

    troites les monuments (glises, maisons, chteaux, tombeaux, etc.) et les objets divers (tableaux, monnaies,

    jetons, livres, reliures, vitraux, sceaux, vitraux notamment) sur lesquels sont apposes des armoiries. Celles-ci

    leur confrent, moyennant certes quelques prcautions, une manire dtat-civil 29. Par exemple, la prsence

    sur une tapisserie ou sur une pice dargenterie ou sur une litre des armoiries dun couple, dont on connat par

    ailleurs la date du mariage, fournit un terminus a quo30

    extrmement fiable pour dater cette uvre. Les armoiries

    prsentent de ce point de vue une autre utilit dans la mesure o elles permettent didentifier le premier

    possesseur (ou dfaut sa famille) dun objet armori. Bien sr, il faut tenir compte de la possibilit que les

    armoiries aient t ajoutes ultrieurement par un autre possesseur. Cest assez difficile sur une tapisserie mais

    trs ais sur un tableau, sur un livre en substituant un ex-libris un autre ou sur un plat en tain.

    26 Michel AUBRUN, Lancien diocse de Limoges des origines au milieu du XIe sicle, publication de lInstitut dEtudes du Massif Central, fascicule XXI, Clermont-Ferrand 1981-2007, p. 67 27 Ibid., p. 67-68 28 Jean Pierre DELHOUME, Les campagnes limousines au XVIIIe sicle, PULIM, Limoges, 2009, p. 29 29 Michel PASTOUREAU, Trait dhraldique, op. cit., p. 278 30 Cest--dire la date partir de laquelle un vnement, ici le tissage de la tapisserie ou la gravure de la pice dargenterie, est survenu

  • 22

    LES ARMOIRIES ET LHISTOIRE POLITIQUE, SOCIALE ET FAMILIALE

    La vie propre des armoiries, cest--dire les changements dmaux ou de meubles, les brisures, les

    cartels, les partis, les marques de btardise, les changements darmoiries pour raisons diverses, etc., permet de

    classer un individu dans sa famille (chef de famille, cadet, btard). Les armoiries refltent aussi parfois certaines

    alliances, certaines possessions territoriales ou encore des prtentions possder tel ou tel fief. Elles donnent

    aussi parfois des lueurs sur des vnements familiaux rels ou purement lgendaires (cas le plus frquent)

    comme dans le cas des armes des LHermitte (Haute-Marche) dont le chef porte une croix de Jrusalem,

    vocatrice dun lien purement homophonique avec lun des promoteurs de la premire croisade, le moine Pierre

    LHermitte31.

    Les armoiries peuvent aussi servir loccasion distinguer plusieurs familles portant le mme nom

    mais sans aucun lien de sang. Ainsi au XVIIe

    sicle on trouvait dans le Limousin trois familles du nom de

    Garreau dont lune portait sur son cu trois annelets dor32, une autre un chevron accompagn de trois losanges33

    et un troisime un chevron accompagn dun cur dans lequel est fiche une croisette34.

    LHRALDIQUE ET LHISTOIRE DES MENTALITS

    Toutes les armoiries, mme les plus banales par les figures quelles portent comme par exemple les

    innombrables armoiries avec un lion ou avec un chevron, sont signifiantes dans la mesure o elles ont procd

    dun choix entre des milliers (voire des millions) de possibilits. Pour nombre darmoiries les motifs de leur

    choix nous sont inconnus, leurs possesseurs nayant pas laiss la trace des rflexions qui les ont conduits

    prendre tel cu plutt que tel autre. Cependant la signification de certaines armoiries, assez facile dceler, peut

    nous aider dcouvrir le motif essentiel de leur choix. La proportion des armoiries de cette nature varie selon les

    poques, les territoires et les catgories sociales entre 15% et 70% voire plus. Il sagit ici des armes parlantes,

    des armes allusives et des armes symboliques. Ces catgories darmoiries signification dcelable ont exist ds

    lapparition de lhraldique, cest--dire partir de la seconde moiti du XIIe sicle. Ainsi on trouve en 1216 un

    porc passant sur le sceau armori de Pierre de La Porcherie, seigneur de ce lieu prs de Limoges35

    et trois tours

    sur celui de Guy de Las Tours en 123236

    . Cette association de lhraldique et de lanthroponymie nous dit

    beaucoup sur le besoin de rendre visible le nom et aussi probablement sur la fiert de le porter lpoque

    mdivale et encore par la suite dans le monde seigneurial.

    Dans le mme ordre dides la multiplication des armoiries parlantes dans lhraldique, beaucoup plus

    personnelle que familiale, des roturiers de Limoges au XVIe et au XVII

    e sicle nest peut-tre pas sans rapport

    avec la monte de lindividualisme dans la socit la fin de lAncien Rgime.

    Quand aux armoiries allusives, vocatrices souvent dun vnement personnel ou familial marquant rel

    ou lgendaire et beaucoup plus rares que les armes parlantes, elles disent aussi quelque chose de limage que les

    familles ou les individus veulent donner deux-mmes par le rappel souvent de quelque gloire passe. Cependant

    ce quelles expriment, la diffrence des armes parlantes, est rarement dcelable premire lecture et ncessite

    une cl ou une explication pour y accder, cest--dire pour donner un sens une figure qui, par elle-mme, ne

    dit rien de prcis. Par exemple la fleur de lis dor accompagne de trois toiles du mme de la famille Mourin

    dArfeuille (Haute-Marche), subsistante en 2012, ne serait quune fleur de lis parmi milliers dautres, sil ny

    tait attach un rcit plus ou moins mythique, selon lequel elle aurait t concde un anctre de cette famille

    pour avoir sauv la vie du roi Philippe Le Bel la bataille de Mons-en-Pevle en 130437

    .

    31 Ambroise TARDIEU, Grand dictionnaire gnalogique et biographique de la Haute-Marche, op. cit., p. 79 32 Henri HUGON, La Creuse dans larmorial gnral de France, op. cit., p. 18 33 Philippe PONCET, Recueil darmoiries limousines, op. cit., p. 86 et 87 34 Simon DESCOUTURES, Nobiliaire de la gnralit de Limoges, op. cit., p. 39-45 et p. 461 35 Philippe DE BOSREDON, Notes pour servir la sigillographie du dpartement de la Haute- Vienne, Limoges, 1892, n 137 36 Ibid., n 144 37 Ambroise TARDIEU, Grand dictionnaire gnalogique et biographique de la Haute-Marche, op. cit., p. 113

  • 23

    Lhraldique peut fournir aussi de prcieux renseignements sur lvolution des gots de la socit dans

    certains domaines comme celui de la prfrence pour les couleurs ou pour certains meubles. Les armoiries font

    en outre merger des particularits rgionales voire locales base de mimtisme. A ce titre lhraldique

    limousine du XVIIe sicle sest caractrise par une monte en puissance tonnante de lazur comme couleur du

    champ de lcu et dans une moindre mesure du sinople comme couleur des meubles. De mme on remarque

    cette poque la prolifration des chevrons et des vgtaux comme figures.

    2.2 Le but dun armorial du Limousin

    Le but essentiel de cette recherche est donc de constituer larmorial gnral du Limousin qui fait

    actuellement dfaut dans cette rgion en classant par ordre alphabtique dune part les armoiries des familles et

    dautre part les armoiries des communauts ayant des liens avec le Limousin. Mais quels liens ?

    LES ARMOIRIES FAMILIALES

    Les critres dappartenance au Limousin que nous avons retenus pour les familles ont assez divers. Le

    premier a t celui dune prsence physique plus ou moins longue et continue sur le sol limousin atteste par la

    possession dun lieu de rsidence ou, certaines poques, de fiefs ou de terres. Dans les faits nous avons pris en

    compte aussi bien les familles implantes pendant plusieurs gnrations, ventuellement des sicles, que celles

    dont la prsence a t plus phmre (une ou deux gnrations) et que celles qui avaient simultanment des

    possessions importantes lextrieur du Limousin. Les familles ainsi dsignes reprsentent autour de 95% des

    armoiries insres dans cet armorial.

    Nous avons aussi fait figurer dans cet armorial des familles dont les possessions et le lieu de rsidence

    habituel se situaient lextrieur du Limousin mais qui avaient eu des alliances nombreuses avec des familles

    limousines. Mais dans ces cas nous nous sommes limits celles qui taient possessionnes dans la priphrie

    immdiate du Limousin, cest--dire dans une couronne nexcdent pas une largeur denviron cinquante

    kilomtres. Ces familles ne reprsentent gure plus que 1 2% des armoiries recueillies.

    En outre nous avons inclus dans ce recensement les armoiries de certains personnages nayant eu ni lien

    de parent avec des familles limousines, ni implantation territoriale connue. Il sagit de celles dindividus qui ont

    sjourn plus ou moins longtemps dans notre rgion pour y tenir une charge ou y exercer une fonction comme

    par exemple les intendants et les gouverneurs dAncien Rgime de Limoges ou les prfets de lpoque

    contemporaine ou encore les vques de Limoges et de Tulle. Certains ont laiss des marques durables de leur

    passage dans le Limousin et dautres, ou les mmes, leurs armoiries sur certains monuments.

    Enfin nous avons pens quil tait pertinent de mettre dans cet armorial gnral les armoiries de familles

    ou dindividus sans liens connus avec le Limousin mais qui figurent sur diffrents difices de la rgion tels que

    des chteaux ou des glises. Les deux dernires catgories restent trs marginales avec une frquence qui

    nexcde pas elle aussi 1 2%.

    LES ARMOIRIES DES COMMUNAUTS

    Les diverses communauts (mtiers, communauts religieuses, communauts civiles) prendre en

    compte nont pas soulev de problmes de dfinition. Ce sont celles qui ont exist ou qui existent encore sur le

    territoire du Limousin et dont nous connaissons les armoiries.

  • 24

    3. Aperu sur les documents hraldiques rsultant de travaux antrieurs

    Ainsi que nous lavons signal plus haut il ny a jamais eu en Limousin darmorial gnral. On ne

    trouve pas ici lquivalent du Nobiliaire et armorial de Bretagne de Pol Potier de Courcy avec ses 6750 blasons

    publi en 189038

    ou, pour une province voisine, le Nobiliaire dAuvergne de Jean-Baptiste Bouillet publi

    partir de 1846 avec plus de 4500 armoiries39. A noter dailleurs que ces deux ouvrages nont pas collect la

    totalit du patrimoine hraldique rgional. Le second par exemple sest fond uniquement sur lArmorial gnral

    de 1696 excluant de ce fait une partie de lhraldique antrieure cette date et la totalit de lhraldique cre au

    XVIIIe et au XIX

    e sicle.

    Cependant on trouve pour le Limousin des bauches dun Armorial gnral dont la plus importante est

    le Nobiliaire du diocse et de la gnralit de Limoges initi au milieu du XVIIIe sicle par labb Joseph

    Nadaud (1712-1775), cur de Saint-Lger-la-Montagne et de Teyjac (HV.). Ce travail de plus de 2700 pages

    rest ltat de manuscrit jusquau milieu du XIXe sicle fut alors complt et publi par les abb J. B. Roy de

    Pierrefitte puis Andr Lecler sous les auspices de la Socit archologique et historique du Limousin en

    quatre volumes en 1882. Bien que prsentant des notices gnalogiques dtailles de nombreuses familles avec

    souvent leurs armoiries, ce nobiliaire est extrmement slectif en ce sens que, dabord il relve essentiellement

    les armoiries des familles nobles ou rputes telles et dlaisse celle de la trs grande majorit des familles

    roturires, ensuite il privilgie le Haut et le Bas-Limousin au dtriment de la Marche et enfin il ignore lessentiel

    de la cration hraldique de la priode 1750-188040

    .

    Il existe aussi pour le Limousin deux recueils darmoiries socialement plus quilibrs dans la mesure o

    lon y trouve aussi bien des armes de roturiers que des armes de nobles ou decclsiastiques. Il sagit dune part

    de lArmorial de Limoges (vers 1595-1603)41 dont lauteur est inconnu et du Recueil darmoiries limousines de

    lmailleur Philippe Poncet qui rassemble les armoiries peintes par celui-ci et lun de ses descendants entre 1625

    et 1680 ?)42

    . Cependant la couverture gographique de ces deux documents est limite presque essentiellement

    la ville de Limoges et sa proche priphrie. De plus, sagissant de recueils purement professionnels, cest--

    dire constitus uniquement des armoiries peintes dans latelier des deux auteurs, ils ne prennent pas en compte

    les autres armoiries. A ce titre on ne peut les considrer comme des armoriaux gnraux mme pour la seule ville

    de Limoges.

    Pour le milieu XVIIe

    sicle encore on dispose, mais pour la seule gnralit de Limoges dans son

    primtre de lpoque (cest--dire incluant lAngoumois, le Haut-Limousin, le Bas-Limousin et la Basse-

    Marche mais excluant la Haute-Marche et la Combraille), dun document hraldique complet mais ne concernant

    que la noblesse. Il sagit du Nobiliaire de la gnralit de Limoges de Simon Descoutures cr entre 1666 et

    1670 lors de lenqute de noblesse mene dans cette gnralit la demande de lintendant de lpoque Henri

    dAguesseau 43 . Exhaustif pour la noblesse et ses armoiries il est naturellement muet sur lhraldique

    ecclsiastique et roturire.

    38 Pol POTIER DE COURCY, Nobiliaire et armorial de Bretagne, Rennes, 1890 39 Jean-Baptiste BOUILLET, Nobiliaire dAuvergne, Clermont-Ferrand, 1846-1853 40 NADAUD (Joseph, abb), Nobiliaire du diocse et de la gnralit de Limoges publi par labb J.B. Roy de Pierrefitte et continu par

    labb A. Lecler, 4 tomes, Limoges, 1878-82 41 Armorial de Limoges (vers 1595-1603), manuscrit dpos aux Archives dpartementales de lAube (Fonds Chandon de Briailles) et

    prsent en annexe 3 42 Andr LECLER et Louis GUIBERT, Recueil darmoiries limousines de Philippe Poncet, peintre et mailleur, complt laide du

    manuscrit Lamy, de lArmorial de 1696 et de divers autres, Limoges, 1905 43 DESCOUTURES (Simon), Nobiliaire de la gnralit de Limoges, 1666, publi par labb A. Lecler, Limoges, 1901

  • 25

    Enfin comme le reste du royaume le Limousin a t assujetti la dclaration obligatoire des armoiries

    possdes par les familles et les communauts de toute nature en application de ldit fiscal de 1696. On pourrait

    en consquence imaginer que les armoiries dclares ou attribues doffice et figurant dans lArmorial gnral de

    France sont limage parfaite du patrimoine hraldique existant la fin du sicle de Louis XIV dans la mesure o

    la dclaration simposait tous sans distinction de statut social. Ceci serait parfaitement exact si lon faisait

    abstraction dune part, des armoiries non dclares malgr le risque dencourir de lourdes amendes et dautre

    part, des fausses armoiries dclares la place des armes authentiques par raction une mesure juge vexatoire.

    Nous pensons que dans les catgories populaires, celles par exemple des artisans et des commerant de Limoges,

    les non dclarations furent relativement nombreuses. Mais il est une autre raison pour laquelle lArmorial de

    1696 ne peut tre considr comme un armorial gnral complet, savoir quil ne contient pas les armoiries des

    familles teintes avant 1696 et qui sont ncessairement en nombre important.

    Cest cette absence darmorial gnral pour le Limousin laquelle nous avons voulu remdier en

    prsentant la recherche ci-aprs.

    4. Le contenu de lArmorial gnral du Limousin

    Cet armorial gnral est compos de deux parties distinctes : un armorial des familles et un armorial des

    communauts. Pour chaque famille et pour chaque communaut classe par ordre alphabtique nous prsentons

    successivement : une courte notice sur lhistoire de la famille ou de la communaut quand nous avons pu

    recueillir les lments utiles, les armoiries y compris celles attribues doffice en 1696 avec indication, sil y a

    lieu, de leurs variantes, les ornements extrieurs de lcu, la devise familiale (et ventuellement le cri), les

    reprsentations des armoiries releves sur des meubles et des immeubles principalement dans le Limousin et

    finalement les sources documentaires utilises.

    Dans les notices historiques nous nous sommes attachs prciser au mieux les localits o a vcu la

    famille ou la communaut en indiquant les hameaux, les communes et les dpartements concerns. Nous avons

    ainsi privilgi les dcoupages administratifs actuels plus lisibles gographiquement. Cette localisation des

    familles et des communauts a pos parfois des problmes insolubles quand les sources donnaient des

    indications topographiques se rapportant soit des lieux disparus (cas assez rare malgr tout) soit des lieux

    homonymes dont certains se comptent par dizaines dans le Limousin (cas par exemple les nombreux villages

    appels Le Mas, Le Puy, Le Bois ou La Bussire).

    En ce qui concerne lorthographe des noms de personnes et des noms de lieux nous avons toujours

    retenu la plus rcente.

    Une table hraldique gnrale commune aux deux parties de larmorial (familles et collectivits) a t

    ralise.

    5. Les lacunes de lArmorial gnral du Limousin

    Bien que recensant plus de quatre mille noms cet armorial ne peut tre en ltat considr comme

    complet, cest--dire comme ayant recueilli la totalit des armoiries cres dans le Limousin toutes poques

    confondues. En effet il prsente un dsquilibre quantitatif important entre lhraldique mdivale (environ six

    cents armoiries) et lhraldique moderne et contemporaine (environ trois mille deux cent armoiries).

    Cette sous-reprsentation des armoiries du Moyen Age tient diffrentes causes. La premire, et peut-

    tre la plus importante, est leffacement rapide et quasi gnral dans la mmoire des hommes des armoiries des

    lignes teintes au cours du temps. Et dans le Limousin aucun armorial mdival na conserv la trace des armes

    des familles disparues. La seconde cause est rechercher dans la raret, plus importante que dans beaucoup

    dautres territoires franais ou trangers, des supports matriels susceptibles de recevoir des armoiries.

  • 26

    En effet le Limousin se signale par sa pauvret en sceaux mdivaux (moins dune centaine de familles au total

    dont une dizaine pour la Haute-Marche), par linexistence de recueils darmoiries propres au Limousin ou

    dominante darmoiries limousines.

    La troisime cause rsulte de la maigre place que tient lhraldique limousine dans les grands armoriaux qui nous

    sont venus du Moyen Age. Ainsi sur les possesseurs des 2700 cus figurant dans les armoriaux runis de Le

    Breton (XIIIe et XV

    e sicle) et de Gilles Le Bouvier (vers 1455) on ne dnombre que 15 familles limousines, soit

    0,5% du total. Et encore sagit-il des armes connues par dautres sources de trs grandes lignes comme les

    Rochechouart, les Lusignan, les Armagnac, les Comborn, les Ventadour, les Hlie de Pompadour, les Peyrusse

    des Cars, les Aubusson, les Turenne, les Naillac, etc.44

    .

    En consquence lhraldique nobiliaire du Limousin qui est venue jusqu nous ne reprsente trs

    vraisemblablement quune faible fraction de celle qui a exist lpoque mdivale. Parmi les 344 comparants

    cits dans le rle darmes de la noblesse du Limousin et de la Marche de 1470, soit une date dj tardive, on en

    dnombre environ 130 dont nous connaissons les armoiries, soit un peu plus de un sur trois45

    .

    Pour lhraldique des non nobles du Moyen Age, notre connaissance est encore plus lacunaire que pour

    celle des nobles : peine une centaine darmoiries. Ce nombre pourrait tre un peu augment si pouvait tenir

    compte du fait quune partie indtermine de lhraldique roturire trs abondante du XVIe et du XVIIe sicle

    existait dj probablement la fin du Moyen Age. Mais cest une tche impossible.

    En ce qui concerne les armoiries nobles et roturires des poques moderne et contemporaine les sources

    locales et autres sont beaucoup plus riches que celles de lpoque prcdente. Les armoiries de la noblesse vivant

    au milieu du XVIIe sicle dans la gnralit de Limoges nous sont toutes connues par lenqute cite ci-dessus de

    lintendant Henri dAguesseau. Par contre pour les roturiers les manques sont importants lexception de la ville

    de Limoges et de ses environs immdiats. La contribution de lArmorial gnral de 1696 la connaissance de

    lhraldique du Troisime Ordre a t importante mais non exhaustive.

    Quand la cration hraldique du XVIIIe sicle, mme si lon peut prsumer quelle a t

    quantitativement infrieure celle du sicle prcdent chez les roturiers, nous nous nen connaissons que ce que

    nous ont lgu quelques archives prives (une dizaine darmoiries tout au plus). Des recherches difficiles

    mener, un vritable travail de fourmi aux rsultats alatoires, nous en apprendraient peut-tre un peu plus.

    Si lhraldique napolonienne du Limousin est connue en totalit on ne peut en dire autant de celle

    cre dans le reste du XIXe sicle et au XX

    e lexception des armoiries concdes par le pouvoir royal sous la

    Restauration. Pourtant quelques armoiries inconnues pour des poques antrieures et figurant dans des demeures

    prives, sur les vitraux de certaines glises, sur certaines uvres dart, etc. donnent penser que des armes

    nouvelles ont t cres par des particuliers. Seule lhraldique des collectivits, en loccurrence essentiellement

    celle des communes peut tre considre comme parfaitement apprhende.

    Au total larmorial ainsi constitu reste ouvert de nouvelles dcouvertes faire tant dans le Limousin

    que dans rgions voisines qui viendront enrichir un document que nous considrons comme un fonds en devenir.

    44 BOOS (Emmanuel), Armorial de Gilles Le Bouvier, hraut Berry (vers 1455), Paris, 1995 et Armorial Le Breton, Paris, 2004 45 Jean DU VERDIER, La noblesse dAncien Rgime en Limousin, Versailles, 1999, p. 28-33

  • 27

  • 28

    PREMIERE PARTIE

    OBSERVATIONS GNRALES SUR LHRALDIQUE LIMOUSINE

    DES ORIGINES A NOS JOURS

    Lune des premires questions que lon peut se poser sur une forme artistique qui existe depuis prs de

    neuf sicles est celle de savoir si, comme toutes les autres expressions artistiques, elle a volu au fil des sicles.

    Autrement dit lhraldique a-t-elle, par exemple limitation de la peinture dont elle est issue, subi les effets des

    changements gnraux des modes, des gots et des sensibilits ? Et plus concrtement encore quest-ce qui

    distingue les armoiries que portait la famille limousine dextraction chevaleresque et actuellement subsistante

    des Prusse des Cars au XIIIe sicle et celles quelle porte en 2012 ? La rponse est que leur cu de gueules au

    pal de vair a travers le temps sans la moindre modification46. Si la question avait port sur dautres aspects de

    lhistoire de cette famille, ou de nimporte quelle autre famille, il aurait fallu rpondre linverse que tout avait

    chang et mme plusieurs fois dans ce long laps de temps. On peut certes chercher la cause de cette immutabilit

    des armoiries dans la contrainte forte que fait peser la rgle trs contraignante de lemploi des maux. Mais cette

    restriction pour importante quelle soit nempche ni la prfrence pour une couleur ou un mtal plutt que pour

    tel autre, ni le libre choix des figures de lcu, ni le changement de ces figures ou de ces maux. Et cest

    prcisment cette libert de choix qui fait que les armoiries considres dans leur ensemble, et non une par une,

    diverses poques et dans diffrents groupes sociaux, ont reflt elles aussi bien des changements significatifs

    dans les gots et les sensibilits. Car il nous a sembl que les armoiries avaient bien une histoire et aussi une

    gographie.

    Cest pourquoi nous avons recherch les spcificits des armoiries limousine dans chacune des grandes

    poques quelles ont traverses ou qui les ont vues natre et par rapport aux armoiries des territoires proches ou

    plus lointains. Chronologiquement et trs classiquement nous avons tudi successivement lhraldique

    limousine :

    - du Moyen Age (XIIe sicle-milieu du XVIe sicle)

    - de lpoque moderne (milieu du XVIe sicle-1789)

    - de la courte poque napolonienne (1806-1815) en raison de ses particularits

    - de lpoque contemporaine (1815-2012)

    46 Rgis VALETTE, Catalogue de la noblesse franaise, Paris, 2002, p. 151

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  • 30

    CHAPITRE I

    LHRALDIQUE MDIVALE DU LIMOUSIN

    (XIIe sicle milieu XVIe sicle)

    Ce qui nous reste de lhraldique mdivale limousine des origines, cest--dire antrieure au milieu du

    XIIIe sicle, est constitu dun peu plus dune vingtaine dempreintes de sceaux releves la fin du XIXe sicle

    par Philippe de Bosredon dans les archives dpartementales de la Corrze et de la Haute-Vienne. Sur ce nombre

    trois armoiries sont antrieures 1200. La plus ancienne (1186) est celle dune femme, Alosis de Laurire dame

    de Lubersac, qui portait un cu au loup, soit, nen pas douter, les armes parlantes de son mari47. Le sceau

    armori dAdhmar V de Comborn (1148-1199), vicomte de Limoges, reprsentant un lion remonte la fin du

    XIIe sicle. Le contre-sceau contemporain du mme Adhmar V reprsente un parti : au 1, un (ou deux) lions

    (Comborn) ; au 2, un cotic (Turenne)48

    . Il runit les armes de son pre, Adhmar IV de Comborn, mort en 1148

    et de sa mre, Marguerite de Turenne, maris vers 1143. Ce dernier sceau armori permet de penser que les

    premires armoiries sont apparues dans le Limousin avant 1148, date de la mort dAdhmar IV de Comborn.

    Tous les autres sceaux mdivaux sont postrieurs 1200. Trois parmi ceux-ci sont appendus des

    actes de 1211. Le premier est celui de Joffroy de Lubersac qui reprsente un bouclier avec un cu au loup, le

    second, avec un cotic, celui de Raymond IV de Turenne (vers 1187-1243)49

    et le dernier appartenant Assalit

    de Comborn, (1165-vers 1212), seigneur de Blanchefort, est de deux lions lopards de lun sur lautre50.

    Les sceaux armoris antrieurs 1250 appartiennent tous, sauf un, des familles aristocratiques. Lexception est,

    en 1229, le sceau du consulat du chteau de Limoges (cest--dire la partie de la ville construite autour de

    labbaye Saint-Martial et du chteau des vicomtes de Limoges) qui reprsente un chef de saint Martial barbu et

    non nimb51

    .

    Ces armoiries du premier sicle de lhraldique (vers 1140-vers 1250) sont, pour la plupart, stables et

    dfinitives. Cest le cas des cus aux deux lions passants des Comborn, vicomtes de Limoges, que portent

    successivement Assalit de Comborn prcit avant 1200, Archambaud VI de Comborn vers 1220, Bernard II de

    Comborn vers 1244 et que portera Guy de Comborn en 128452

    . De mme dans la famille des vicomtes de

    Turenne le cotic, apparu sur le sceau de 1211de Raymond IV, figurera sur celui de Raymond VI en 1247 et sur

    celui de Raymond VII en 129753

    et est dailleurs toujours dusage lpoque contemporaine54.

    En 1227 Flamenc Hlie de Pompadour possde un sceau armori trois tours qui sera aussi celui de

    son descendant Geoffroy Hlie de Pompadour en 1250 et qui passera sa postrit sans modification55

    .

    47 Philippe DE BOSREDON, Sigillographie du Bas-Limousin, Brive, 1886, n 375 48 Philippe DE BOSREDON, Notes pour servir une sigillographie du dpartement de la Haute-Vienne, Limoges, 1892, n 2 49 Philippe DE BOSREDON, Sigillographie du Bas-Limousin, Brive, 1886, n 376 et n 9 50 Philippe DE BOSREDON, Sigillographie du Bas-Limousin, Supplment, Brive, 1896, n 1106 51 Philippe DE BOSREDON, Notes pour servir la sigillographie du dpartement de la Haute-Vienne, Limoges, 1892, n 21 52 Philippe DE BOSREDON, Sigillographie du Bas-Limousin, Brive, 1886, n 172, 173, 174 53 Ibid, n 10, n 14, n 17 54 Rgis VALETTE, Catalogue de la noblesse franaise, op. cit., p. 184 55 Philippe DE BOSREDON, Sigillographie du Bas-Limousin, Brive, 1886, n 244, 279, 280, 281

  • 31

    De mme sont fixes au moins dans la premire moiti du XIIIe sicle les armoiries de plusieurs autres familles

    seigneuriales du Limousin : celles des Sgur avec leur cartel : aux 1 et 4 de gueules au lion dor ; aux 2 et 3

    dargent plain (Guillem de Sgur en 1250) 56, celles des Ventadour avec leur chiquet dor et de gueules (Eble

    de Ventadour en 1263) ou celles des Ussel avec leur huis dor accompagn dune toile (Robert dUssel en

    1254)57

    . De mme le fasc-ond de six pices de la famille de Rochechouart apparat sur un sceau appendu un

    acte de 1242 et sur des sceaux ultrieurs (Jean de Rochechouart en 1383 et Antoine de Rochechouart en 152458

    .

    Pour ces familles dsormais les seules modifications darmoiries seront dues des brisures. Ainsi verra-t-on en

    1300 un fasc ond dhermine et de sur le sceau de Simon de Rochechouart en 1300 et sur celui dAymery de

    Rochechouart, snchal du Limousin en 1384, un fasc ond de six pices charg dun chien en abme59.

    Cependant des familles dun rang plus modeste que les prcdentes mettront plus de temps se doter

    darmoiries stables. Citons en deux. La premire est celle des La Porcherie qui vivaient dans lactuelle commune

    de Saint-Jean-Ligoure (HV.) et laquelle appartenait Pierre de La Porcherie. Celui en 1216 avait sur son sceau

    un cu charg dun porc passant. Un autre La Porcherie vers la mme poque (?) possdait un sceau reprsentant

    aussi un porc passant mais avec un chef fasc (mais peut-tre sagissait-il dune brisure). Par contre, la matrice

    du sceau de Seguin de La Porcherie qui vivait en 1247 et 1249, reprsentait un chevalier avec un cu deux lions

    lopards60

    . Instable galement paraissent avoir t les armoiries de la famille Ratier, seigneur de Montrocher

    (cne de Montrol-Snard, HV.), dont le sceau de 1232 figurait un chiquet; au chef charg dun lambel quatre

    pendants. Mais en 1351 un probable descendant, N Ratier de Montrocher, avait un lion sur lcu de son sceau.

    Ce meuble semble bien avoir t substitu lchiquet car un autre Ratier (un cadet ?) portait un lion avec une

    bordure besante en 136761

    .

    Dans le petit corpus sigillaire du Moyen Age limousin (du XIIe sicle lan 1500), soit environ cent

    cinquante empreintes de sceaux, qui est parvenu jusqu nous on ne trouve aucune armoirie de non noble. Ce

    nest pas ici quil faut chercher des sceaux de paysans ou de bourgeois comme par exemple en Normandie au

    XIIIe sicle. Il ny en a aucun. Bien sr, ce constat ne permet pas daffirmer avec certitude quil ny en a jamais

    eu mais cre, quand mme, une forte prsomption de carence en la matire. Au mieux, on peut faire lhypothse

    que les non nobles en Limousin nont pas t plus nombreux faire usage de sceaux armoris que les bourgeois

    et les paysans du Prigord. En effet dans ce dernier territoire jouxtant le Limousin sur plus de six cents sceaux du

    Moyen Age Philippe de Bosredon nen avait trouv que cinq ayant appartenu des non nobles (quatre bourgeois

    et un paysan)62

    .

    A la diffrence de beaucoup dautres rgions franaises, notamment celles situes au nord de la Loire,

    lhraldique mdivale du Limousin est trs majoritairement celle de familles nobles, au moins en apparence. En

    effet, sur un total de 606 cus mdivaux recenss on nen compte que 50 appartenant des non nobles, soit

    8,3%. Cette faible proportion tient-elle un moindre usage des armoiries par les non nobles ou un moindre

    usage gnral des sceaux dans cette rgion ? Vraisemblablement ces deux facteurs ont eu des effets cumulatifs. Il

    semble peu prs certain quau Moyen Age, dans le Limousin et la Marche, lhraldique na pas suscit le mme

    intrt chez les marchands, les artisans ou les riches paysans comme on pu lobserver dans la France du Nord.

    56 Ibid., n 579 57 Ibid., n 590 et n 599 58 Ibid., n 233, 248 et 253 59 Philippe DE BOSREDON, Notes pour servir la sigillographie du dpartement de la Haute-Vienne, Limoges, 1892, n 236 et 244 60 Ibid., n 137, 138 et 139 61 Ibid., n 227, 229 et 230 62 Philippe DE BOSREDON, Sigillographie du Prigord, tome 1, Prigueux, 1880, n 304, 305, 306, 307 et 605

  • 32

    Ici pas de sceaux paysans comme en Normandie, de bourgeois et de gens de mtiers comme en

    Flandre63, rien non plus dquivalent Larmorial du dnombrement de la comt de Clermont en Beauvaisis

    (1473) et ses centaines dcus dhommes et de femmes de fiefs64. Mais cette raret des armoiries des non nobles

    tient aussi au faible usage local des sceaux qui en sont le principal support. En effet, pour lensemble de

    lEurope, le nombre des armoiries recenses par la totalit des armoriaux est beaucoup plus faible (entre 50 et

    80 000) que celui des armoiries que nous fait connatre lensemble des sceaux mdivaux (entre 600 et 800 000

    armoiries diffrentes) 65

    . Dans le Limousin la moisson des sceaux mdivaux est des plus maigres. Par exemple

    pour la Creuse dans la collection des matrices de sceaux du Muse dpartemental de Guret on ne dnombre que

    trois sceaux du Moyen Age appartenant tous des familles nobles66

    . Aux Archives dpartementales on constate

    la mme indigence : pas plus de trois empreintes de sceaux sur des documents du Moyen Age. Et la situation est

    un peu meilleure dans la Haute-Vienne et la Corrze o lon trouve une centaine de sceaux dans chacun de ces

    dpartements. Si lon observe que les provinces limitrophes (Berry, Poitou, Auvergne, pays de droit coutumier)

    sont beaucoup mieux pourvues en la matire on est amen se demander si la raret des sceaux ne tient pas au

    fait que le Haut et le Bas-Limousin taient des pays de droit crit o le dveloppement du notariat a entran

    prcocement (XIIIe sicle) la substitution du seing notarial au sceau priv.67

    Reste cependant le cas de la Marche

    qui, bien que pays de droit coutumier, ne semble pas avoir fait un grand usage du sceau.

    Cest donc principalement de lhraldique noble mdivale dont il sera question dans les

    dveloppements qui suivent. Mais nous garderons lesprit quune partie de lhraldique roturire releve

    lpoque moderne tait probablement apparue au Moyen Age.

    Dans ce qui suit nous nous sommes efforcs de rechercher, sur des bases statistiques et comparatives,

    dans quelle mesure cette hraldique limousine mdivale prsentait ou non des spcificits en tudiant

    successivement les maux et leurs combinaisons, les meubles et les ornements extrieurs des armoiries.

    63 Michel PASTOUREAU, Trait dhraldique, Paris, 1993, p. 51 64 Michel POPOFF, Armorial du dnombrement de la comt de Clermont en Beauvaisis, 1373-1376, BnF ms Fr. 20082, publi par le

    Lopard dor, Paris, 1998 65 Michel PASTOUREAU, op. cit., p. 232 66 Mmoires de la Socit des sciences naturelles, archologiques et historiques de la Creuse, tome 54, p. 135-145 67 Bernard MERDRIGNAC et Andr CHDEVILLE, Les sciences annexes en histoire du Moyen Age, Rennes, 1988, p. 149-150

  • 33

    1. Les maux

    1. 1. La frquence des maux

    Parmi les 606 cus mdivaux limousins dont nous connaissons les maux nous avons pris en

    considration les maux du champ et les maux du meuble principal donc en excluant ceux des meubles

    secondaires, des brisures et des petits dtails tels que couronnes, colliers, langues, yeux et griffes. Ceci afin de

    faire les comparaisons utiles avec les maux dcus mdivaux provenant de deux autres sources savoir : ceux

    de Larmorial dAuvergne, Bourbonois et Forestz de Guillaume Revel (vers 1455) 68 et ceux rsultant du

    dpouillement statistique par Michel Pastoureau denviron 12 000 armoiries provenant de vingt-sept armoriaux

    du Moyen Age69

    .

    Zones

    gographiq.

    Emaux

    Bas-

    Limousin

    Haute-

    Marche

    Haut-Lim.

    Basse-

    Marche

    total

    Limousin

    %

    Limousin

    %

    Armorial

    Auvergne

    %

    Europe

    Or

    98

    99

    100

    297

    49%

    49%

    42%

    Argent

    74

    100

    115

    289

    48%

    55%

    48%

    Azur

    69

    76

    101

    246

    41%

    42%

    23%

    Gueules

    82

    83

    87

    252

    42%

    48%

    61%

    Sable

    16

    40

    24

    80

    13%

    26%

    28%

    Sinople

    8

    5

    13

    26

    4%

    6%

    2%

    Vair

    1

    7

    4

    12

    2%

    2%

    3%

    Hermine

    0

    5

    2

    7

    1%

    2%

    3%

    Pourpre

    0

    1

    0

    1

    _

    _

    _

    Carnation

    0

    1

    0

    1

    _ _ _

    Total des

    maux

    348

    418

    446

    1212

    _ _ _

    (Nombre

    darmoiries analyses)

    (174)

    (209)

    (223)

    (606)

    (606)

    (678)

    (12 000)

    TABLEAU I Frquence des maux dans les armoiries mdivales du Limousin, de lArmorial dAuvergne

    (1455) et de 27 armoriaux des XIIIe, XIV

    e et XV

    e sicles

    Les maux mdivaux du Limousin se classent en deux groupes bien distincts. Le premier rassemble

    ceux dont la frquence est suprieure 40% (or, argent, azur et gueules) et le second ceux dont la frquence va

    de 1 % (hermine) 13% (sable) dans lequel on trouve aussi le vair (2%) et le sinople (4%).

    68 Emmanuel DE BOOS, Larmorial dAuvergne, Bourbonois et Forestz de Guillaume Revel, Nonette, 1998 69 Michel PASTOUREAU, Trait dhraldique, Paris, 1993, p. 116-117

  • 34

    Lor arrive ainsi en tte des maux prfrs par lhraldique limousine avec une frquence de 49%

    identique celle observe en Auvergne mais nettement suprieure la moyenne europenne (42%). Cette

    prfrence est mme plus marque dans le Bas-Limousin (Corrze actuelle) avec un taux de 56%. Peut-tre faut-

    il y voir influence de lhraldique des familles qui possdaient aux XIe et XIIe sicles les vicomts du Bas-

    Limousin, cest--dire les Comborn, les Ventadour, les Turenne et les Limoges, lesquelles avaient toutes de lor

    sur leurs cus (champs ou pices)70

    . Ce mtal est par contre moins frquent dans les armoiries du Haut-Limousin

    et de la Basse-Marche (Haute-Vienne actuelle) : le taux relev (44, 7%) est identique celui de la France de

    lOuest toute proche (Poitou, Anjou, Maine, Bretagne)71.

    Le mtal argent est presque aussi frquent (48%) en Limousin que lor. Cest moins quen Auvergne

    (55%) mais cette dernire province semble une exception dans une France o la frquence de largent se tient

    gnralement en-dessous de 42% et mme 39% dans des territoires proches du Limousin tels que le Berry ou la

    Guyenne). Largent est toutefois en Limousin plus utilis pour le meuble principal (26%) que pour le champ de

    lcu (22%) ce qui semble linverse de ce que lon voit en gnral.72

    Pour ce qui est des trois couleurs azur, gueules et sable, le Limousin sloigne significativement des

    moyennes europennes. Lazur apparat sur 41% sur les armoiries limousines alors quelle nest prsente que sur

    23% des cus de lensemble de lEurope. Cette frquence de lazur en Limousin (et aussi en Auvergne o elle

    atteint 42%) nest gale nulle part