l'étude des variations morphosyntaxiques du français … · les linguistes distinguent alors...
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L'étude des variations morphosyntaxiques du français du Sénégal
INTRODUCTION
L’Afrique d’expression française compte dix sept états dont les territoires occupent une
zone continue qui s’étend des côtes occidentales du continent à la région des grands Lacs (mis à
part la Guinée - Bissau et les enclaves anglophones de Gambie, de Sierra Leone, de Liberia, du
Ghana et du Nigeria). Ce sont le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le
Burkina Faso, le Niger, le Togo, le Bénin, le Tchad, le Cameroun, la République Centrafrique, le
Congo, le Gabon, le Zaïre, le Rwanda et le Burundi. Dans ces états, regroupés généralement sous
l’étiquette « d’Afrique francophone », le français est devenu l’instrument linguistique privilégié
pour la scolarisation, la promotion universitaire, l’administration, les relations inter ethniques, les
relations inter africaines et internationales. Bref, la langue française est devenue dans ces états
l’une des clés de la modernisation et du développement.
Langue de l’ancien colonisateur, imposée et sentie comme telle jusqu’en 1960, elle est
devenue, avec l’indépendance, et pour des raisons socio historiques irréversibles, la langue
officielle de ces états et plus particulièrement du Sénégal qui est ici l’objet de notre recherche.
Cette mutation, la langue française l’a correctement accomplie dans la période de transition
qui a suivi les indépendances. Cela veut dire que la langue française est restée linguistiquement et
structuralement aussi proche dans les années 2000 de ce qu’elle était en 1960, en Afrique comme
ailleurs, mais aussi, qu’elle est appréhendée, sociologiquement et pédagogiquement selon des
modalités radicalement autres.
Cependant il ne faut pas perdre de vue certaines données de base, si l’on veut comprendre
la situation du français en Afrique Noire, et particulièrement au Sénégal.
En premier lieu, c’est que, au Sénégal comme ailleurs, et jusqu’en 1960, le français n’a été
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appris que par une petite minorité d’africains et que, par voie de conséquence, la masse est restée
entièrement coupée du français, plongée dans l’analphabétisme, dans une proportion moyenne de
90 %.
En second lieu, c’est que les méthodes et programmes d’enseignement, dans le primaire
comme dans le secondaire, ont été et sont encore dans l’ensemble, l’imitation pure et simple des
méthodes et des programmes en usage en France.
C’est ce qui fait que nous avons donc toutes les conditions réunies pour aboutir au Sénégal
comme ailleurs, à une créolisation de la langue française, c'est-à-dire qu’on assiste à un mélange
du français et des langues locales, se répandant dans et par les centres urbains, mais aussi par les
écoles où les maîtres n’hésitent pas à se servir des langues nationales en classe, en plein cours.
Notre recherche s’inscrit dans une problématique sociolinguistique : même si la norme en
vigueur au Sénégal est le français standard de France, au sein des professions qui promeuvent le
français comme de la large majorité de la population qui l’utilise, chacun reconnaît que le
décalage est grand entre le français académique et le français sénégalais. Le refus de la lecture
chez les jeunes scolarisés ou étudiants en est un indice flagrant. Chacun se pose la double
question de l’avenir du français au Sénégal et de la variété des langues parlées dans les rues.
Cette double question s’inscrit, en réalité, dans une perspective beaucoup plus vaste, qui
touche la diffusion du français, et donc des diverses variétés qui le composent, au Sénégal comme
ailleurs, en milieu académique et hors du milieu académique.
Cette activité d’étude et de recherche part de l’hypothèse suivante : dans leurs productions
orales en français, les locuteurs sénégalais commettent une certaine distanciation au niveau de la
morphosyntaxe due à l’influence de leurs langues maternelles ou langues premières.
L’objectif de notre recherche est de montrer en quoi les productions en français par les
sénégalais sont influencées par leurs langues maternelles. Ces recherches seront complétées et
approfondies par d’autres faits syntaxiques qui seront analysés dans le cadre de mon doctorat.
Pour étudier les hypothèses précitées ou tenter de répondre à notre problématique, nous
allons utiliser la méthode d’enquête. Ces enquêtes vont être réalisés auprès des locuteurs
sénégalais, généralement alphabétisés en français.
Nous ne perdons pas de vue, cependant, que la notion de la variation demande une
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résolution pratique, c'est-à-dire linguistique. Notre approche du français du Sénégal est donc de
type descriptif, mais l’analyse morphosyntaxique est insérée dans une description beaucoup plus
large qui a pour but de saisir la nature de l’appropriation. La première partie de notre travail met
ainsi à jour les préliminaires à une description de la variation en ciblant de manière spécifique la
notion générale de variation linguistique, les cadres méthodologiques de l’étude de la variation, la
variation en syntaxe et la théorie du français zéro. Ensuite, cette étude va être axée, dans une
seconde partie, sur la situation du français du Sénégal qui retrace respectivement le français de la
colonie du Sénégal, l’historique de l’apprentissage du français au Sénégal et enfin la situation du
français au lendemain des indépendances. Enfin dans la troisième et dernière partie, nous
étudierons la variation morphosyntaxique du français du Sénégal, ce qui nous amène d’abord à
traiter la présentation de la recherche syntaxique et ensuite la syntaxe du verbe et du nom.
En ce qui a trait au schéma de rédaction proprement dit, nous allons utiliser cette démarche
pour mieux faire ressortir les variations dans les discours de nos locuteurs par rapport à la norme
française.
Ce choix se justifie par la haute fréquence des variations relevées à ce niveau dans les
discours des sénégalais. Ces dernières vont être relevées dans des activités de production libre
touchant trois usages : d’abord l’usage privé (relation familiale : mariage), puis l’usage publique
(relation avec les clients et les collègues de travail pour les commerçants et travailleurs ; avec les
enseignants pour les étudiants) et enfin l’usage officiel (relation dans une démarche
administrative)
Par ailleurs, cette recherche s’oriente vers l’analyse contrastive. Cependant, toutes les
variations ne sauraient s’expliquer par cette méthode. Il y en a qui sont le résultat des lacunes
accumulées d’un enseignement inefficace et inapproprié. D’autres encore sont la conséquence
d’un manque de pratique langagière.
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PREMIERE PARTIE : PRELIMINAIRES A UNE DESCRIPTION DE LA VARIATION
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CHAPITRE PREMIER : La notion générale de variation linguistique
La notion de variation s’organise autour de plusieurs axes qu’il convient en premier lieu de
préciser. Elle fait appel à celle de la communauté linguistique, qui se définit comme « un groupe
d’êtres humains utilisant la même langue ou le même dialecte à un moment donné et pouvant se
communiquer entre eux »ou mieux, puisqu’un même locuteur n’est pas limité à une seule variété
ni même à une seule langue « un groupe de locuteurs qui ont en commun un ensemble d’attitudes
sociales envers la langue »1.
1. Variation par rapport à la norme
La notion de variation fait aussi intervenir celle de la norme, qui est en principe l’usage
dominant, mais qui doit correspondre aussi à un idéal esthétique ou socioculturel2. C’est par
rapport à cette norme que sont perçues des variantes pouvant se situer plus ou moins loin de
celle-ci. Selon ce critère normatif, certains auteurs parlent de fautes, d’erreurs ou d’écarts pour les
formes hors norme.
A l’intérieur de la langue normée, les variantes relèvent plutôt de registres ou niveaux de
langue différents. Les qualificatifs de ces registres peuvent être plus ou moins nombreux et
détaillés : archaïque, littéraire, soutenu, populaire, familier, vulgaire, par exemple. L’erreur
consistera ici à utiliser un mot ou une construction d’un registre inapproprié au contexte.
2.Variation par contact de langues
Les variations peuvent aussi être appréhendées, en situation plurilingue, par leur
provenance d’une langue en contact. Les linguistes distinguent alors les emprunts, utilisations
d’un mot d’une autre langue ; les calques, traductions mot à mot d’une expression d’une langue
1 Ces définitions sont tirées de Cécile Canut 1996, p.349, la première empruntée à Jean Dubois et al. 1973 et la seconde à William Labov2 J. Dubois et al, Grammaire structurale du français : nom et pronom, Paris, Larousse, 1973 p.342
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dans l’autre ; les interférences, conjonctions de plusieurs influences de langues.
3.Variation selon le domaine d’observation
L’étude de la variation est différente selon le domaine où celle-ci est observée : lexique,
morphologie, phonologie, syntaxe, pragmatique, etc. La syntaxe étant ordinairement considérée
comme la partie la plus stable d’une langue, la variation morphosyntaxique est moins facilement
acceptée par les détenteurs du français standard de France. Il est étonnant de constater comme on
restreint trop souvent l’appropriation, dans l’étude des français d’Afrique, aux seules
particularités lexicales, phonétiques et discursives, interprétant à leur tour les variations
morphosyntaxiques comme un manque de maîtrise du français, comme des confusions entre
catégories grammaticales, ou encore comme une assimilation imparfaite des règles. L’étude de
ces phénomènes précités a eu en fait jusqu’à présent le seul but de la diffusion du français de
France. L’on se réfère alors continuellement à la norme du français de France pour expliquer les
variantes de la syntaxe des français d’Afrique, et l’on fait ainsi des erreurs d’interprétation.
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CHAPITRE DEUXIEME : Les cadres méthodologiques de l’étude de la variation
Les recherches sur la variation des langues sont nombreuses. Les travaux de Daniel
Véronique3, de Cécile Canut4 en particulier traitent de l’historique de la variation en linguistique.
Nous présentons ici, à l’aide notamment de leurs études, une synthèse de quelques réflexions sur
la variation linguistique préalable, indispensable à une description de la variation du français au
Sénégal. Les travaux de William Labov5 sont considérés comme fondateurs de la linguistique
variationiste. La perspective de William Labov a l’intérêt de re-insérer l’étude de la langue dans
son contexte social, donc humain.
1.Apport du variationisme
La sociolinguistique, née en 1964 avec le congrès des sociolinguistes convoqué à Los
Angeles à l’initiative de W. Bright6, vise à évaluer l’influence des facteurs sociaux sur le langage.
William Labov, qui relie langage et parole, se penche de façon beaucoup plus systématique sur
les facteurs sociaux de la variation.
William Labov(1972, a et b) s’intéresse à la variation intrinsèque de la langue et sa
conception de la variation fait partie d’un cadre théorique nouveau, que nous présentons ici
brièvement. William Labov qui a été formé à la fois à la dialectologie et à l’école structuraliste,
s’oppose aux méthodes d’analyse de cette dernière. Leur reprochant de ne pas s’appuyer sur des
données empiriques et de réduire la langue à un système d’unités, il veut insérer, dans la
linguistique structuraliste, l’étude des incidences des faits sociaux. Son objectif est de décrire et
d’expliquer tous les faits linguistiques observés, ce qui implique la place importante donnée aux
enquêtes de terrain et aux études quantitatives. Il écrit en 1972(b) :
3Daniel VERONIQUE : « Linguistique et variation : à propos du français des travailleurs migrants maghrébins » in Cahiers de linguistique d’orientalisme et de slavistique n° 13 : 147 – 163, Université de Provence, octobre 1979.4 Cécile CANUT : « Analyse de l’imaginaire linguistique. Propositions théoriques et méthodologiques pour une analyse des discours épilinguistiques », Travaux de linguistique n° 7 (annexe), Université d’Angers, 1996, b.5 William Labov : Sociolinguistic Paterns, tradition française de 1978 : Sociolinguistique, 344 p. Paris : Editions de Minuit, 1972 b6 Les participants étaient William Labov, Ch. Ferguson, Samarin, J. J. Gumperz, Heinz; seuls manquaient J. A. Fishman et L. –J. Calvet
7
« l’étude de la variation ne peut être que quantitative […] ».
Son analyse de la variation est célèbre pour la notion de règle variable mais, dans sa
conception de la langue, William Labov n’a jamais mis en doute l’existence de règles
catégoriques. En fait la variation ne s’applique qu’à certaines zones d’un système. Ainsi, les
zones stables d’un système peuvent être présentées par des règles catégoriques, jamais enfreintes,
alors que les zones variables doivent être décrites par des règles variables. La règle variable
implique l’existence des formes structurellement différentes et sémantiquement équivalentes.
Des critiques sont faites à W. Labov en ce qui concerne la primauté donnée dans ses
travaux à la causalité sociale de la variation, au point de concevoir un strict parallélisme entre
variation linguistique et variation sociale. Or, si facteurs sociaux et comportements linguistiques
varient ensemble, on ne peut observer qu’une co-variation, mais cela ne signifie pas qu’il y ait
une relation de cause à effet entre les deux. C. Canut 1996 élargit la causalité de la variation
linguistique à de multiples facteurs individuels et interactifs qui ne sont pas pris en compte par
William Labov, tels que la mobilité géographique des locuteurs, la variation en contexte, les
représentations, la perception personnelle et les attitudes. En outre la notion d’interaction,
(relation à la situation de communication et à l’interlocuteur) est absente chez William Labov.
2.Apport du classement des situations linguistiques
Le but d’un classement des situations linguistiques est de fournir aux décideurs des
planifications linguistiques7 des descriptions détaillées des usages et des dynamiques linguistiques
d’un pays afin d’éclairer leur choix d’une politique et d’une planification linguistiques.
La description des variétés de langue selon les situations linguistiques demande un cadre
typologique précis qui puisse refléter avec exactitude la multiplicité des situations.
7 Pour la distinction des normes de politique linguistique, planification linguistique, aménagement linguistique, voir Robert Chaudenson 1989, p. 101, 2000, p.24 – 28.Ainsi : « la politique linguistique d’un Etat est l’ensemble des choix en matière de langue. […] La planification linguistique est la définition des stratégies de mise en oeuvre de la politique définie. […] L’aménagement linguistique consiste, dans le cadre de la planification, dans la réalisation de l’ensemble des opérations concrètes nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. […] » (Robert Chaudenson, Mondialisation : la langue française a – t – elle encore un avenir? p.26 – 27, Coll. Langue et Développement, Paris : Didier Erudition, 2000.)
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La grille proposée par R. Chaudenson 1989,1993, a et 2000, initialement prévue pour les
situations francophones, a permis de caractériser d’autres types de situations plurilingues. Elle
tient compte essentiellement de deux paramètres : le « statut » et le « corpus », mettant ainsi en
évidence que, dans certains Etats officiellement francophones, le français a un usage en réalité
très déficitaire.
Un « statut » élevé du français dans un pays se mesure par son statut de langue officielle,
par l’étendue de ses emplois institutionnels dans les médias et dans le secteur économique privé
et par sa suprématie sur les autres langues dans ses fonctions. Un «corpus » du français élevé se
manifeste par des modes d’appropriation naturels (ou non institutionnels), par sa
vernacularisation ou sa véhicularisation, des taux élevés de compétence et d’utilisation
(production et exposition à la fois) par rapport aux autres langues locales. Ainsi la notion de
« statut » se fait selon le score obtenu dans cinq domaines, celle du « corpus » dans quatre
domaines, selon la répartition suivante :
GRILLE POUR L’ANALYSE DES SITUATIONS LINGUISTIQUES
R. Chaudenson 2000 : 111 - 112 :
STATUT CORPUS
1. Officialité 1. Appropriation linguistique
2. Usages institutionnels : - acquisition (langue première)
- textes officiels - apprentissage (langue autre
que première)
- textes administratifs nationaux 2.Vernacularisation vs
véhicularisation
- justice 3. Compétence
- administration locale 4. Production et consommation langagières.
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- religion
3. Education
4. Moyens de communication de masse :
- presse écrite
- radio
- télévision
- cinéma commercial
- édition
5. Potentialités économiques et représentations sociales
Ces deux paramètres peuvent être équilibrés, c'est-à-dire être ensemble faibles ou élevés, ou
être plus ou moins opposés. Les études faites sur le français dans les pays africains francophones
montrent généralement un déficit de « corpus » par rapport au « statut » quasi maximal. Ce
déséquilibre n’est pas favorable au développement au moins pour deux raisons (voir par exemple,
R. Chaudenson 2000 : 116 - 122 et 224 - 233) :
- le français, qui est l’outil de communication de toutes les initiatives
institutionnelles de formation est méconnu, ce qui rend la formation en partie inefficace.
- l’exclusivité du français dans l’espace linguistique officiel empêche l’aménagement
linguistique de langues nationales et, partant, qu’elles aient un rôle dans le développement.
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CHAPITRE TROISIEME : La variation en syntaxe
La méthode de William Labov avait pour objet premier les phénomènes de variations
phonologiques, mais un débat s’est très rapidement ouvert sur la possibilité d’utiliser cette
méthode pour étudier d’autres phénomènes de variations en linguistique.
D. Godard8 présente la discussion dans le domaine syntaxique et montre l’inadéquation de
la règle variable dans ce champ d’études pour plusieurs raisons essentielles. Le modèle de la
règle variable est insuffisant en syntaxe où les formes à comparer doivent avoir aussi le même
fonctionnement dans le système, c’est - à - dire être syntaxiquement équivalentes. En effet, il est
beaucoup plus pertinent, en syntaxe, d’étudier les formes qui, en plus d’avoir le même sens, ont
le même fonctionnement dans le système. En outre, le lexique interfère souvent dans les variantes
pour créer des différences de sens dans les diverses phrases de même structure prises en compte,
au point qu’elles ne sont plus sémantiquement équivalentes. Par ailleurs, l’acte d’énonciation
entre lui aussi en jeu sous divers rapports, permettant qu’une phrase soit utilisée dans un contexte
ou une situation de communication, mais pas dans d’autres. Enfin, une autre objection est que
l’intérêt de l’étude de l’hétérogénéité structurale d’une langue s’étend à toutes les possibilités
syntaxiques de cette langue, et regarde donc les compétences, alors que les études quantitatives
de la variation ne mesurent que la performance. La notion même de variante syntaxique est alors
remise en cause dans le cadre de la règle variable.
La question reste entièrement de savoir comment étudier en syntaxe les différences
dialectales d’une langue. On entend ordinairement par dialecte un système phonologique, lexical
et syntaxique particulier, au sein d’une langue. Maurice Gross rejette les notions de différences
de langue et de dialectes en tant qu’a priori ne pouvant être définies linguistiquement :
« Une théorie linguistique devrait pouvoir fournir, pour les notions de langue et de
dialecte, des définitions internes à la linguistique. Indépendamment d’un tel résultat,
il serait intéressant de disposer des définitions externes à la linguistique, ce qui
8 Godard D. : « Le programme labovien et la variation syntaxique », in Languages n° 108 : Hétérogénéité et variation : Labov, un bilan : 51 – 65, Paris : Larousse, 1992.
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constituerait un test supplémentaire de validité de la théorie, mais il n’apparaît pas
que nous soyons en possession de définitions quelconques en ce moment. La seule
voie d’approche à ces « problèmes » semble être limitée à la recherche de définitions
internes à la linguistique. »
La définition de la grammaire que donne Zelig Sabbetai Harris en 1951 exclut la notion de
différence dialectale :
« Une grammaire est un ensemble de règles formalisées qui constituent une théorie de
langue décrite.[…] La langue est alors définie comme le résultat […] des applications
de toutes les règles. Une telle définition conduit à incorporer dans la langue des
niveaux dialectaux différents, par exemple langue littéraire et langue populaire. »9
La langue apparaît ici comme composée de plusieurs dialectes ou de formes de langue
qu’une grammaire unique explicite. Par ailleurs, l’étude de la typologie des langues montre d’une
part la grande diversité des différents systèmes syntaxiques, mais d’autre part les limites des
possibilités dans lesquelles puisent les langues, même si elles peuvent paraître nombreuses. Cette
contestation met en évidence l’existence d’universaux syntaxiques et, de ce point de vue, deux ou
plusieurs langues très différentes par leur phonologie et leur lexique peuvent bien avoir une
même « grammaire ».
La notion d’acceptabilité / inacceptabilité intervient ici. La délimitation entre les phrases
acceptables et inacceptables dans une communauté linguistique n’est pas toujours nette.
« L’acceptabilité est une notion très complexe qui comporte des institutions de forme
et de sens, et qui dépend de nombreux facteurs culturels. »10
La variabilité d’une langue en plusieurs variétés ou dialectes se mesure par la variabilité de
l’acceptabilité. Pour qu’une phrase soit jugée acceptable, il ne suffit pas qu’elle soit
grammaticale, il faut qu’elle soit porteuse de sens dans la communauté linguistique.
9 Maurice Gross, Méthode en syntaxe : le régime des constructions complétives p. 228 – 229,Paris : Hermann, 1975 explicitant Harris 1951: 272 – 27310 Maurice Gross 1975: 22 - 23
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On peut concevoir une unique grammaire apte à rendre compte et à prédire toutes les
phrases d’une langue, avec tous ses dialectes et variétés. Cette grammaire générale serait formée
de multiples grammaires qui se superposent. Les possibilités de grammaire subsistent donc
conjointement chez le locuteur qui peut s’exprimer selon l’une ou l’autre langue.
Les recherches qui existent sur la variation du français en Afrique se présentent le plus
souvent comme très générales. Réalisées en Europe, elles perçoivent plus facilement les points
communs entre les divers français d’Afrique que les points de dissemblance et, ne considérant
globalement que le français d’Afrique, s’attachent à montrer que plusieurs grammaires s’y
superposent selon des critères sociolinguistiques. Ainsi des recherches telles que celles de Gabriel
Manessy11 mettent en évidence l’existence de deux normes objectives du français dans les pays
francophones d’Afrique, la norme de français populaires basilectaux et la norme de français
mésolectaux.
11Gabriel MANESSI, Le français en Afrique noire. Mythe, stratégies, pratiques, Paris, l’Harmattan, 1994.
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CHAPITRE QUATRIEME : La théorie du « français zéro »
La notion de français zéro remonte en 1981, exposée par Robert Chaudenson en 1983 au
Colloque de Linguistique et de Philosophie romane d’Aix en Provence. Le modèle théorique du
français zéro, comme l’indique le titre de R. Chaudenson et al. 1993 : Vers une approche
panlectale de la variation du français, a été présenté comme un outil susceptible de décrire toute
la variation d’une langue, en diachronie comme en synchronie, et de rendre compte des facteurs
qui déterminent la variabilité.
R. Chaudenson définit les termes « variabilité », « variante » et « variable » de la façon
suivante selon la ligne structuraliste :
« La notion de variabilité est liée au contact de l’existence, dans les diverses variétés
de français envisagées et pour un signifié donné, de signifiants différents. Ces signifiants
constituent les variantes et le signifié la variable. Celle-ci est bien entendu abstraite. »
Ce modèle de variabilité du français a été élaboré à partir des variations de la langue
observées, chez des groupes de locuteurs natifs, aussi bien dans le temps (état antérieur du
français) que dans l’espace (état actuel du français à travers tous les espaces francophones). Les
variations affectent les mêmes zones du système avec une telle régularité que l’on peut distinguer
des zones sujettes à variation par rapport à d’autres non sujettes à variation. L’ensemble de ces
variables du français est appelé français zéro. Les facteurs responsables de la variation
s’identifient avec les processus par lesquels la variation se réalise ; ils sont de trois ordres12 :
- les facteurs extrasystémiques, d’ordre sociolinguistique, sont la pression normative,
les degrés d’exposition à cette norme, le statut de la langue, les contacts de langues, les modes
d’appropriation, les mutations technologiques etc.
- les facteurs intrasystémiques, d’ordre fonctionnel, sont des processus
autorégulateurs.
12 Robert Chaudenson : Vers une approche panlectale de la variation du français, p.16, Coll. Langues et développement, Paris Didier Erudition, 1993.
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- Les facteurs intersystémiques sont des phénomènes d’emprunts et d’interférences
divers, et incluent la « convergence », qui se définit comme « la tendance à l’élimination d’une
variante native dans la langue dominante, au profit d’une variante ayant un homologue de la
langue dominante »
A partir de là, l’auteur propose un système permettant de classer les diverses variantes des
français régionaux, qui comporte quatre ensembles de traits se définissant comme suit :
- Un ensemble A regroupe les traits non sujets à variations. Ces traits sont
majoritaires et constituent le « noyau dur » de la langue.
- Un ensemble B se compose de variantes du français zéro très généralisées et non
limitées à une variété du français.
- Un ensemble C se compose de variantes du français zéro spécifiques à une région
francophone. Ces variantes peuvent avoir une cause extérieure au système, ce sont des
« autorégulations extrasystémiques », ou être générées à partir des règles même du système, ce
sont alors des « autorégulations intrasystémiques ».
- Un ensemble D est constitué des variantes « hors français zéro » c'est-à-dire
affectant une zone de la langue qui n’est atteinte dans aucun de ses autres états. Cet ensemble est
le résultat de processus d’« autorégulation intersystémique » et les interférences s’y manifestent
généralement de façon visible.
Les domaines périphériques que constituent l’acquisition du français première langue,
l’apprentissage du français langue étrangère et la créolisation sont un champ d’étude non
négligeable du français zéro. Ils permettent de vérifier si une variante fait bien partie de tel ou tel
ensemble et de mieux délimiter ce qui est réellement dû à des processus d’interférences
intersystémiques ou à des processus d’autorégulations intrasystémiques. Les variantes du français
du Sénégal se situent donc, en majorité, dans le domaine périphérique de l’apprentissage du
français langue seconde.
Appliquée à l’étude morphosyntaxique, la définition citée plus haut des termes
« variabilité », « variante » et « variable » amène à appeler variantes morphosyntaxiques les
différentes formes et constructions rencontrées dans les diverses variétés du français pour une
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même variable. La variable considérée est la construction d’un item, qu’il soit verbe, nom,
adjectif, adverbe, etc. La liste des constructions possibles pour un même item indique la
variabilité morphosyntaxique de celui-ci. Dans notre recherche morphosyntaxique, nous allons
nous limiter seulement à l’étude de la variation du verbe et du nom.
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DEUXIEME PARTIE :LA SITUATION DU FRANÇAIS AU SENEGAL
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Le français arrive pour la première fois au Sénégal en 1817. C’est à cette période que Jean
Dard ouvre la première école d’Afrique noire francophone, à Saint Louis, au Sénégal. Son but est
de promouvoir ce qu’on appelle à cette époque l’enseignement mutuel. Il s’agit d’une méthode
pédagogique qui permet à un seul enseignant de former de très nombreux élèves à la fois. Et,
pendant un siècle, l’enseignement de la langue française au Sénégal s’inspirera principalement de
ce modèle.
L’article premier de la constitution sénégalaise précise que la langue officielle de la
république du Sénégal est le français. Cette option, prise en 1960 n’a encore jamais été remise en
cause par les autorités sénégalaises, désireuses de voire s’établir au Sénégal une véritable unité
linguistique. C’est ce qui fait que le français est présent dans tous les niveaux de l’enseignement :
primaire, secondaire, universitaire et professionnel. Malgré tout, sa pratique se réduit aux gens
cultivés qui se rencontrent pour la première fois ou par hasard.
Langue outil et langue enseignée depuis la période d’avant indépendance, le français n’est
guère utilisé que par moins de 15% de la population sénégalaise. La politique linguistique définie
au Sénégal sous l’impulsion de Léopold Sédard SENGHOR est très nettement favorable à
l’extension de la langue française dans tous les domaines. Le français est encore la seule clé qui
ouvre les portes de la promotion sociale. Mais il ne s’agit pas seulement du français tel qu’on le
pratique dans une salle de classe. Ce français est à la fois celui de la rue, des villes, de l’élite, de
la masse. C’est un français né de ces contacts avec d’autres langues et d’autres réalités, pratiqué
par des locuteurs non natifs.
Le fait concerne moins les milieux ruraux où les locuteurs peuvent faire de leur langue
ethnique un usage quasi exclusif. Il relève plutôt de ce qu’il est convenu d’appeler
« l’appropriation diffuse » du français dans une situation d'urbanisation linguistique en contexte
africain francophone.
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CHAPITRE PREMIER : Le français de la colonie du Sénégal
1. Les contextes d’interactions langagières
Durant la colonisation, le français est prescrit pour toutes les interactions langagières entre
Français et Africains. Celles-ci se déroulent dans trois types de situations : les lieux de travail,
l’armée et l’école, dans lesquels on observe les représentations similaires du français et des
langues africaines.
1.1 Les lieux de travail
Les variétés de français parlées par les français des colonies ne sont pas les plus raffinées.
Gabriel Manessy les qualifie de « français vulgaire » (G. Manessy 1995). Il distingue dans les
allogènes des colonies deux groupes de personnes : la haute société coloniale et les petits colons,
beaucoup plus nombreux, qui exercent des responsabilités intermédiaires dans l’armée, la
fonction publique etc. C’est ce deuxième groupe qui est en contact avec les autochtones et au sein
de ce groupe se développe une variété de français dite et reconnue par tous comme adaptée à la
mentalité des Noirs. C’est celle que les adultes apprennent sur leur lieu de travail.
M. Delafosse 1904 consacre presque trois pages au « petit - nègre ». Ces pages, ainsi que
l’introduction à l’ouvrage entier, montrent à quel point les Européens sont redoutés face aux
langues africaines et les Africains face au français. Dans cet état des choses, M. Delafosse
propose, probablement dans la ligne adoptée d’abord par les militaires au fur et à mesure de la
conquête coloniale, puis par les colons, l’usage d’un français non seulement simplifié dans la
forme mais aussi dans le fond :
« Les indigènes ont beau parler notre langue, nous avons toujours beaucoup de mal à
nous faire comprendre d’eux et à les comprendre ; et comme il n’est pas naturel,
puisque nous nous estimons supérieurs à eux, que se soit eux qui se mettent dans
notre peau, c’est à nous de nous mettre dans la leur. […] Il faut évidemment
n’employer que les formes les plus simples des mots, mais surtout il faut n’employer
19
que les mots que les Noirs peuvent comprendre. »
Même si M. Delafosse tente de montrer que le « petit nègre » est la création des Africains,
il reconnaît qu’il est parlé d’abord par les Européens, et qu’un réel apprentissage systématique du
français aux autochtones aurait été efficace.
« On nous dit que c’est nous qui avons inventé le petit nègre et que, si nous parlions
aux Noirs un français correct, ils parleraient de même. Ce raisonnement est puéril : si
nous ne voulons parler à un noir qu’un français correct, il sera plus d’un an avant de
pouvoir comprendre, et quand il nous comprendra enfin, il nous répondra en petit
nègre : voilà la vérité. (Je ne parle pas bien entendu d’un Noir auquel on apprendrait
le français de façon régulière) »
En fait cette variété de français enseignée aux autochtones est très utile pour maintenir
une distance entre les colons et leurs subordonnés, lorsque les premiers parlent dans un autre
registre.
1.2 L’armée
Une autre variété du français a été utilisée dans les interactions entre les militaires français
et les combattants africains des deux guerres mondiales, appelés indistinctement à l’époque
« tirailleurs sénégalais ». Ce parler, appelé au Sénégal et ailleurs « français tirailleur », a
probablement joué un rôle important dans la diffusion du français au Sénégal. En effet, les
anciens combattants, ou ceux qui rentraient au pays, jouissaient à leur retour d’une certaine
notoriété, entretenue par les colons, qui les reconvertissaient. Ce parler n’est pas seulement le
fruit de négociations entre langages des apprenants africains et variétés de français populaires du
début du XXe siècle parlées par les soldats français. Il semble en effet qu’au moins certains traits
du français tirailleur aient été élaborés à un niveau supérieur dans un but pédagogique.
Il existe quelques textes du début du XXe siècle décrivant « le français tirailleur », tels que
le document de 35 pages intitulé Le français / tel que le parlent / Nos tirailleurs Sénégalais, édité
20
par l’imprimerie militaire universelle en 1916, que G. Manessy 1994 analyse (voir1.3). Ce
document a un but didactique ; le « langage tirailleur » ou « langage mitrailleur » y est présenté
comme le langage que doivent apprendre et utiliser les instructeurs français pour se faire
comprendre des tirailleurs sénégalais. On retrouve dans ce langage les mêmes éléments
idéologiques que dans le précédent, à savoir la représentation qu’ont les auteurs de la simplicité
des langues africaines et de la réalité sociolinguistique du « langage mitrailleur », pourtant monté
de toute pièce :
« Pour arriver à se faire comprendre rapidement des noirs, il faut […] couler sa
pensée dans la moule très simple de la phrase primitive : sujet verbe attribut (sic).
Pendant l’instruction de l’Ecole du soldat, dire sous une forme simple tout ce que l’on
fait et exiger que l’homme le répète. Cette méthode a l’avantage de tenir l’esprit de
l’homme en éveil ; d’attirer son attention sur certains détails du mécanisme des
mouvements qui lui échapperaient peut être autrement ; de créer entre l’instructeur et
ses élèves une langue commune […]. Quand le tirailleur connaît le nom des
principaux objets […] faire de petites phrases qui ne comprendront au début que trois
mots : sujet verbe complément. »
1.3 L’école
Les enfants, eux apprennent le français à l’école. L’effort de scolarisation a pris de
l’ampleur à partir de 1912 en AOF, lorsque William Ponti, Gouverneur Général, nomme Georges
Hardy inspecteur de l’enseignement en 1917. Un siècle auparavant une première école avait été
ouverte à Saint Louis du Sénégal en 1817 par Jean Dard. Georges Hardy donne, par exemple, les
directives de travail suivantes :
« Il n’est pas nécessaire que tous les indigènes, sans exception, aient accès à un
enseignement primaire. […] Mais le recrutement de l’enseignement primaire doit
faire l’objet d’un tirage attentif, il s’agit en effet de faciliter l’accès aux carrières
administratives, à ceux dont la famille a toujours secondé avec honneur notre œuvre
civilisatrice et mis son prestige héréditaire au service de nos intentions. […] Il faut
surtout éliminer avec un soin impitoyable tous ceux dont les facultés mêmes
brillantes sont insuffisamment équilibrées, tous ceux qui feront servir à la satisfaction
21
de leurs appétits le savoir qu’on leur donnera, qui pousseront leurs congénères à des
révoltes et qui garderont toute leur vie l’inquiétude et la cruauté du loup dans la
cage. »
Toute la scolarisation se faisait en français, par la « méthode naturelle », c'est-à-dire sans
référence aux langues déjà acquises par les apprenants. Cette méthode, exploitée auparavant en
France, a été mise en place au Sénégal par le Général Faidherbe et le français est imposé à l’école
de la même façon dans toutes les colonies françaises : l’élève surpris en train de parler sa langue
est puni par le port d’un symbole. Il ne peut s’en défaire qu’en surprenant un autre élève en train
lui aussi de parler sa langue : après l’avoir dénoncé, il pourra lui passer le symbole.
L’enseignement et l’apprentissage du français au Sénégal, comme ailleurs en Afrique, ne
sont pas anodins, mais chargés de significations et d’enjeux. Du côté des colons, l’utilisation du
français était nécessaire pour un bon rendement de la colonie et il fallait diffuser à grande échelle
une variété de français parlé, tout en réservant l’apprentissage de la belle langue à ceux qui auront
satisfait aux critères pour participer à l’œuvre de la colonisation. Dans ces circonstances, pour les
Sénégalais, le français était à la fois le moyen indispensable pour obtenir une place à un niveau
quelconque de la société coloniale, mais et le renoncement à leurs langues maternelles, à leurs
cultures et à leurs communautés.
2.Les éléments de description du français utilisé à l’époque coloniale
A un niveau cultivé, il n’y a pas eu de négociations entre le français de France et les
variétés de langue des colonies. Makhily Gassama relève que rares sont les mots d’origines négro
africaines qui sont entrés dans le lexique français entre 1890 et 1960.
P. Guiraud 1971 (cité par M. Gassama)13 remarque aussi ce fait particulier dans le français
pourtant riche des mots d’origine arabe, asiatique, américaine. L’idéologie dominante à l’époque
de la colonisation de l’Afrique peut expliquer que, durant cette période, très peu de mots ont été
créés par rapport aux périodes précédentes.
13 Makhily GASSAMA, La langue d’Ahmadou Kourouma ou le français sous le soleil d’Afrique, p. 116, Paris : ACCT et Karthala, 1995
22
A un niveau moins cultivé, le français parlé dans les interactions entre Africains et
Européens des colonies est en réalité mal connu. Les quelques documents écrits qui existent ne
nous font connaître que les représentations qu’en avaient les colons et les militaires européens ou
les intellectuels africains de l’époque. L’auteur de Visions d’Afrique donne « une version
africaine de La cigale et la fourmi attribuée à un étudiant sénégalais », qui circule, à l’époque,
jusqu’à l’Oubangui, partie de l’actuelle Centrafrique.
Il s’agit de productions burlesques forgées par les lettrés et qui ne sont sans doute pas
vraiment représentatives du français parlé à la colonie :
« Cigale y en avait chanté / Tout l’été. /
Quand y en a faire froid, / pour manger y a pas d’quoi. /
Li va trouver li fourmi / Dans son pitit nid : / - Dis zouli fourmi, /
Y en a toi / Donner couscouss à moi. /
Si non y en a moi crevé. / Ca fait trois zours pas bouffé ! - /
Li fourmi li pas zentil : / - Quoi toi y a fout’ tout l’été ? - /
- Moi y en a chanté. - / - Ti chanté ? Eh bien ti dansé /
Bougre di saloup’rie, / Maintenant ! / Allez, fout le camp ! - /
Cigale, y en a pas mangé, / Li crevé ! /
Fourmi, y en a trop mangé, / Li crevé ! /
Moralité : i bouff’s, ti bouff’s pas, / Ti crév’s kif - kif, y a pas ! »14
On remarque la similitude des traits morphosyntaxiques de cette langue avec les
descriptions de Maurice Delafosse15 qui se présente comme le modèle instrumentalisé du français
des Africains. Malgré l’incertitude du rapport entre ce type de représentations et l’état des
reproductions réelles, nous citons brièvement quelques – uns de ces traits, dans l’ordre où ils
apparaissent dans la partie grammaticale du document de l’Imprimerie militaire.
14 CORBET J.- B. : Visions d’Afrique : 92 – 93, Chambéry : Editions Route d’Assise, 1956.15 Delafosse Maurice : Le français / tel que le parlent / nos tirailleurs sénégalais, 35 pages, Imprimerie Militaire Universelle, 1916
23
- Les déterminants « définis » et « indéfinis » sont supprimés pour « éviter toutes
complications », et éviter que les Africains fassent l’amalgame (déterminant / nom), et, en
conséquence, d’entendre des formes comme :
son la maison (Delafosse : 265)16
mon la tête17 (Le français … : 7)
Paradoxalement, des amalgames (déterminant / nom) sont proposés à l’usage des
instituteurs militaires :
ça y’en a mon laroute pour traduire : c’est ma route (Le
Français… :18) 18
tirailleur y a travailler avec son la main deux pour traduire : le tirailleur travaille
avec ses deux mains
- Les déterminants « possessifs » n’ont que la forme « masculine » : (mon, ton, son)
quel que soit le genre du nom.
- Les déterminants « démonstratifs » (ce, cette, ces) sont remplacés par ça antéposé
au nom ou (y en a là) postposé au nom :
ça tirailleur
tirailleur y en a là pour traduire ce tirailleur (Le Français …8).19
- Ce ne sont pas les noms et les verbes qui prennent la marque du pluriel ; celui-
16 Delafosse M. : Vocabulaires comparatifs de plus de 60 langues ou dialectes parlés à la Côte d’Ivoire et dans les régions limitrophes avec des mots linguistiques et ethnologiques, une bibliographie et une carte, p. 265, Paris : Ernest Leroux, 1904.17 Les références mentionnées (Le Français…7) veulent dire que ces exemples sont tirée du livre de Maurice Delafosse intitulé Le français / tel que le parlent / nos tirailleurs sénégalais, et le chiffre qui est après les pointillés c’est le numéro de page. 18 Cf. note 17 page 31.19C Cf. note 17 page 31.
24
ci est rendu par des adverbes comme (trop, beaucoup) ou par un « numéral ».
- Les paradigmes des prénoms, sujets comme compléments, sont réduits à celui de
la forme disjointe des pronoms compléments du français : moi, toi, lui, nous, vous, eux.
Les pronoms de troisième personne peuvent aussi être remplacés par la forme (ça y en a là)
comme dans l’exemple suivant :
ça y en a là pas bon pour traduire il est mauvais, ils sont mauvais, c’est
Mauvais (Le français … : 8).
Le verbe être est remplacé par y’a (pas) ou y’en a (pas) avant les adjectifs prédicatifs pour
constituer des phrases comme :
tirailleur y en a bon, lui toujours obéir pour : le bon tirailleur obéit toujours
tirailleur y en a pas bon, lui pas obéir pour : le mauvais tirailleur n’obéit pas
(Le Français …9)
moi y en a malade pour traduire : je suis malade (M. Delafosse : 264)
Les autres verbes ont une unique forme, correspondant au participe passé ou à l’infinitif. Ils
sont précédés au passé de : y a (pas) ou y en a (pas). Ainsi :
moi parti signifie : je pars
moi parti pas signifie : je ne pars pas
moi y’a parti signifie : je suis parti
moi y’a pas parti signifie : je ne suis pas parti
(Le français …12).
25
La juxtaposition est recommandée aux instructeurs plutôt que l’emploi des prépositions
et conjonctions qui sont « assez peu nombreux dans les dialectes indigènes ». On lit ainsi :
bataille fusil pour traduire : exécution au feu (Le Français …25)
salle police pour traduire : salle de police (M. Delafosse : 264)
moi parti village pour traduire : je vais au village (M. Delafosse : 265)
Maurice Delafosse propose trois possibilités pour traduire le fusil de mon camarade :
le fusil mon camarade
mon camarade son fusil
le fusil pour mon camarade
La construction avec pour est recommandée aussi par le document militaire, plutôt que la
construction avec un « possessif » pour éviter cette fois aux Africains de devoir faire la
distinction entre « féminin » et « masculin ». Ainsi :
case pour lui traduit : sa maison
case pour nous traduit : notre maison
case pour vous traduit : votre maison
case pour eux traduit : leur maison
(Le Français …9).
26
CHAPITRE DEUXIEME : Historique de l’apprentissage du français
au Sénégal
A part l’école que Jean Dard avait ouvert en 1817 à Saint Louis, la première école
officielle en langue française est ouverte en 1830. De cette date à nos jours, on peut diviser les
péripéties de l’enseignement du français au Sénégal en quatre périodes distinctes.
1. Première période : 1830 - 1965
L’enseignement dispensé de 1830 à 1965 était de type normatif avec la méthode directe.
C’était un enseignement en français langue maternelle malgré la brève tentative de Jean Dard.
Les langues africaines locales étaient interdites à l’école. L’usage du « symbole », objet que
devait garder tout élève parlant en langue du terroir, permettait de rappeler à tous les élèves qu’ils
devaient oublier dans l’espace scolaire leurs langues familiales afin d’acquérir la composante
prescriptive et coercitive du français le plus châtié.
Au lendemain de l’indépendance acquise en 1960, trois possibilités étaient offertes au
Sénégal pour ce qui est de l’enseignement du français à l’école :
- Conserver le contenu et les méthodes de l’enseignement de type colonial avec la
langue française comme unique langue d’enseignement, des méthodes identiques à celles du
français langue maternelle et un enseignement très élitiste. Cette attitude a été observée de 1960 à
1965.
- Introduire les langues nationales dans l’enseignement et aboutir à un enseignement
sénégalais en langue africaine, le français n’intervenant au mieux que comme matière
d’enseignement.
27
Le Sénégal n’a pas opté pour cette deuxième possibilité et les États africains qui pensaient
avoir définitivement décollé en substituant leurs langues nationales au français, sans prendre les
précautions nécessaires, ont fait des atterrissages forcés. Le Sénégal a opté pour une introduction
non précipitée des langues nationales dans le cursus scolaire.
- Conserver le français comme langue unique d’enseignement, mais l’enseigner en
tenant compte des langues nationales, principalement du wolof, langue véhiculaire nationale.
Le Sénégal, sous la présidence de Léopold Sédard Senghor, optait pour cette troisième
alternative perçue comme plus prudente et plus conforme à l’option francophone du pays.
2. Deuxième période : 1965 - 1980
Cette période correspond d’une part à la codification des langues nationales et, d’autre part,
à l’expérimentation de la méthode « Pour parler français » (PPF) du Centre de Linguistique
Appliquée de Dakar (CLAD).20
Pour mettre en pratique sa politique linguistique, le Sénégal, dirigé par Léopold Sédard
Senghor, a d’abord entrepris une politique de formation de linguistes de niveau universitaire
spécialisés dans la description des langues africaines. Puis, dès 1977, après la codification de
l’écriture des six langues nationales retenues, une première tentative d’enseignement de celles-ci
dans des classes expérimentales est lancée. Le manque de matériels didactiques et la faible
formation des maîtres ont contribué à l’échec et à la suspension de l’expérience. Durant cette
expérimentation, la langue nationale était d’abord objet d’enseignement, puis médium
d’enseignement à partir de la quatrième année de l’élémentaire.
Parallèlement à cela, l’enseignement du français se poursuivait avec une méthodologie
fondée sur des études de linguistique contrastive et des contenus mieux adaptés au contexte
socioculturel et aux besoins des élèves. Cette méthodologie a été mise en pratique par le CLAD
dans la méthode PPF. Ainsi, tout en conservant un horaire et des programmes de langue
première, on a tenté d’adapter l’enseignement aux réalités socioculturelles sénégalaises. On n’a
pas suffisamment tenu compte, dans les contenus des dossiers pédagogiques élaborés entre 20 Centre de Linguistique Appliquée de Dakar
28
1965 - 1975, du contexte dans lequel vivent les élèves et, sur le plan linguistique, l’introduction
de la langue parlée a permis de faire du français non seulement une langue destinée à former une
élite, mais également et surtout un instrument permettant au plus grand nombre de faire face aux
besoins de communication en français. Le français ne devait plus être exclusivement littéraire,
mais s’ouvrir aux divers domaines d’emploi de la langue courante pratique.
Les remèdes que le CLAD se proposait d’apporter étaient définis par Maurice Calvet
(1969 : 89) de la manière suivante :
• « empêcher la créolisation des langues en contact en renforçant, grâce à la notion
de norme, le processus culturel de convergence et en ralentissant au maximum le
processus naturel de divergence;
• favoriser et promouvoir par des moyens pédagogiques appropriés, grâce aux
progrès de la linguistique, un bilinguisme harmonieux, support de deux visions du
monde, peut-être différentes, mais presque toujours complémentaires et
communicables; donner à l’élève de la classe de « langage » la possibilité d’améliorer
progressivement et sûrement ses performances, dans le cadre de compétence qu’est
toute langue, cadre préétabli et préexistant à tout apprentissage particulier;
• enfin, assurer à l’élève africain un meilleur devenir en le dotant des instruments
linguistiques nécessaires à son épanouissement d’homme moderne. »
La méthode du PPF, en usage au Sénégal de 1965 à 1980, période pendant laquelle elle a
été généralisée, a pour principale méthodologie une démarche structuro - globale dont les deux
principes fondamentaux peuvent être ainsi formulés :
1priorité de l’oral sur l’écrit, mais non primauté;
2utilisation des dialogues comme point de départ des leçons de langage.
La méthode est accompagnée d’un livre du maître conçu comme un ensemble de véritables
29
fiches pédagogiques capables de combler l’insuffisance de la formation des maîtres. Une leçon de
langage du PPF se décompose en trois étapes (Présentation, Exploitation, Fixation) correspondant
chacune à des objectifs psychologiques et pédagogiques précis.
La suppression en 1981 du PPF par les États Généraux de l’Éducation et de la Formation
était inévitable. Les praticiens attendaient en vain les nouvelles directives et les nouveaux
dossiers pédagogiques qui devaient leur permettre de faire face aux nécessités quotidiennes de
leur métier. Jusqu’en 1991, l’école sénégalaise attendait des propositions de méthodologies
d’enseignement. Les classes pléthoriques et l’absence de directives pédagogiques claires ont
contribué à la dégradation de la qualité de l’enseignement au Sénégal.
3. Troisième période 1981-1991
Ainsi, 1981 ouvre le début de la troisième période qui correspond à un vide
méthodologique, à la suite de la suppression du PPF par les États Généraux de l’Éducation et de
la Formation, convoqués par le Président de la République Abdou Diouf un mois après la
démission du Président Léopold Sédard Senghor.
Les États Généraux de l’Éducation et de la Formation avaient réuni, pour la première fois
dans l’histoire didactique du Sénégal, toutes les personnes et organisations intéressées par le
processus éducatif : enseignants, chercheurs, représentants du gouvernement, syndicats, parents
d’élèves, personnalités religieuses, organisations d’étudiants. Cette grande rencontre nationale
devait procéder à une remise en question de tout le système éducatif sénégalais afin de mieux
l’adapter aux besoins d’une « école nouvelle nationale, démocratique et populaire » parce que le
système éducatif, calqué sur le modèle français, n’était plus adapté aux besoins de développement
du pays.
Un nouveau système éducatif national (fondé sur les réalités sénégalaises et africaines),
démocratique (accordant des chances égales pour tous quant à l’éducation) et populaire (rompant
avec les pratiques élitistes de la sélection élimination) devait être mis en place par une
Commission Nationale de Réforme (CNREF) chargée de finaliser les travaux des États Généraux
de l’Éducation et de la Formation. C’est dans ce contexte de refonte générale que la méthode
30
d’apprentissage du français, le PPF, a été supprimée et on a enregistré une recommandation
ferme pour la promotion des langues nationales comme langues d’enseignement dans tout le
cursus scolaire. Si les conclusions de la CNREF étaient appliquées, on assisterait au Sénégal à
une nouvelle redistribution des fonctions des langues qui se résumerait selon Oumar Kâ à une
triglossie21 :
« Langue du milieu, qui véhicule les valeurs culturelles et aide au développement
cognitif de l’enfant, langue d’unification nationale, destinée à promouvoir la
conscience nationale, et langue étrangère, pour les besoins de la communication
interafricaine et internationale. ».
Le wolof serait alors la langue d’unification nationale et le français, la langue seconde.
En attendant l’application des conclusions de la CNREF déposées depuis 1984, le français,
selon les textes officiels, doit être enseigné comme langue seconde et langue étrangère. La
méthode PPF, décrite plus haut, était fortement orientée dans la perspective d’enseignement du
français langue étrangère. Rien n’est encore fait pour l’enseignement du français langue seconde
même si l’on perçoit mieux l’urgence d’une éducation bilingue (français/langue(s) nationale(s).
L’organisation du partenariat entre le français et les langues nationales a toujours été au
cœur des préoccupations des autorités politiques. C’est ce que Christian Valentin, représentant
personnel du Président de la République à la francophonie a réaffirmé dans son rapport
programme présenté au Troisième Sommet de la francophonie tenu à Dakar en mai 1989. L’idée
force de ce rapport sur l’orientation de la politique linguistique pour les pays africains
francophones comme le Sénégal est d’inciter à :
- la définition d’une véritable complémentarité français/langues nationales excluant
toute idée de hiérarchisation entre celles-ci et celle-là.
- la prise en compte du multilinguisme dans la mise en place du processus de
développement culturel, économique et social.
21 O. Ka 1993
31
Cet objectif ne peut être atteint que par une politique de promotion effective des langues
nationales à côté du français par le biais de l’enseignement. Il s’agit donc de faire de la langue de
l’élève le premier instrument de découverte de son environnement, afin de mieux l’enraciner et
de mieux poser les bases d’une véritable inter – culturalité fondée sur l’appropriation linguistique
de la langue française par ses usagers. L’enseignement en langue nationale, loin d’être un frein à
l’apprentissage du français, devrait favoriser une bonne symbiose entre langues nationales et
français, en évitant la tendance à la bilingualité soustractive dont les signes précurseurs sont les
emprunts non motivés qui émaillent le discours des Sénégalais. Il s’agit de gérer une situation de
français langue seconde, car il existe au Sénégal un environnement langagier (au sens large)
porteur pour le français, qui partage sur le plan de la situation linguistique, avec le wolof, des
espaces d’usage social relativement bien définis; d’autres espaces le situent en concurrence, en
complémentarité, ou même en couple avec la langue première ou le wolof comme langue
véhiculaire, marque évidente de sa place comme langue seconde.
4. Quatrième période à partir de 1991...
L’année 1991 marque le début d’une reprise d’activités didactiques avec les manuels de
l’Institut National d’Étude et d’Action pour le Développement de l’Éducation (INEADE).
À partir de 1998, le Ministère de l’Éducation de Base et des langues nationales a initié une
réforme des cursus tentant enfin de répondre à l’exigence de l’enseignement non seulement des
langues nationales mais aussi à l’exigence d’un enseignement du français avec un statut de
langue seconde.
32
CHAPITRE TROISIEME : La situation du français au lendemain
des indépendances
Les variantes et les enrichissements régionaux sont les éléments constitutifs d’une norme
propre au français en Afrique, et au Sénégal en particulier. Léopold Sédard Senghor, ancien
président de la République du Sénégal, agrégé de grammaire, écrivait dans la préface au Lexique
du français au Sénégal : « Nous sommes pour une langue française, mais avec des variantes, plus
exactement des enrichissements régionaux ». Cette variété régionale du français, qui est
conforme à une norme locale implicite, assure les fonctions de langue véhiculaire entre
sénégalais francophones appartenant à la classe moyenne lettrée. Il s’agit d’une variété
fonctionnelle du français qui, tout en étant proche du niveau standard, comporte des
régionalismes.
1. Les enrichissements régionaux
Ces particularités touchent la construction des mots et des sens ; elles peuvent être de
nature grammaticale ou stylistique : emprunts et néologismes ; restrictions, extensions de sens et
métaphores ; différences de niveau de langue ou de connotation… En voici quelques exemples :
amante a le sens de « petite amie » ; arachide est plus fréquent au Sénégal qu’en France et couvre
parfois les emplois de cacahuète ; latérite, « couche rouge ou brune des plateaux des régions
tropicales », est considéré comme une particularité par sa fréquence et par ce qu’il relevait de la
langue courante employée en Afrique par les colons.
Ailleurs, banco, harmattan, balafon, yassa et djémbé sont considérés comme des emprunts
et des néologismes liés à la nécessité de dénommer des réalités étrangères à la civilisation de
l’Hexagone. Quant à coépouse ou co-épouse « épouse d’un polygame par rapport aux autres
épouses du même homme » et bureaucrate, dans le sens non péjoratif d’«employé de bureau », ce
sont des particularités qui relèvent respectivement de la syntaxe de la sémantique de la forme des
mots et du sens. Ces mots et ces sens particuliers du français du Sénégal sont nombreux et font
33
l’objet de relevés assez exhaustifs (dont on trouve une bonne partie dans l’Inventaire des
particularités lexicales du français d’Afrique noire). Le français du Sénégal n’est ni un « petit
français » ni un « français populaire », mais un français qui a su s’intégrer dans un tissu
socioculturel authentiquement sénégalais. On rencontre un important lexique dont expressions
comme : école coranique, « école religieuse musulmane où l’on enseigne l’arabe et le Coran » ;
calèche, « voiture découverte à deux roues et une seule banquette tirée par un cheval », par contre
en français central, le terme est réservé à une voiture à quatre roues munie à l’arrière d’une
capote à soufflet ; descendre, « quitter le travail ou l’école » ; dibiterie, « lieu où l’on prépare et
où l’on vend de la viande grillée ».
Il existe aussi d’autres expressions qui sont la marque de l’influence des langues nationales
sur le français comme : chercher une femme (wuut jabar), « avoir l’intention d’épouser la fille à
laquelle on vient faire la cour » ; payer leur travail (fay seen ligéy), « verser en guise de
rémunération la somme convenue pour l’exécution d’un travail » ; travailler quelqu’un,
« marabouter, envoûter ». Toutes ces expressions sont, comme dirait Macouta – Mboukou
« accessibles » à tout sénégalais francophone.
2. La coloration africaine
Ces faits de langue montrent également que les sénégalais, ayant adopté la langue française
au lendemain des indépendances, se sont réellement approprié cette langue tout en conservant
leur tradition et leur culture. En conséquence, le français a été, dans la plupart des cas, adapté aux
réalités locales. Cette nouvelle mission du français, qui consiste à véhiculer les valeurs culturelles
et linguistiques dont les sénégalais ont indéniablement besoin, explique et alimente la norme
linguistique que certains écrivains revendiquent clairement. Ainsi Massa Makan DIABATE,
auteur de la célèbre Trilogie de Kouta, déclare :
« J’essaie de donner à mon français, qui n’est pas le français de France, une
coloration africaine, en y mêlant des proverbes, des récits et surtout en faisant,
comme je l’ai toujours dit, « quelques petits bâtards à la langue française », (…) mais
je pense que je suis fondamentalement francophone ».
34
Par le biais de tels écrivains, la littérature en français langue seconde procurera donc une
attestation écrite à la norme du français africain. En outre, les écrivains en général et les locuteurs
en particulier marquent, par l’usage du français qui leur est propre, leur double appartenance
nègro – africaine et francophone.
Dans les particularités du français africain en général et sénégalais en particulier, il faut
voir le signe non seulement d’une appropriation du français qui a acquis le statut de langue
seconde, mais aussi et surtout l’expression d’une revendication de copropriété, conséquence
d’une co-présence du français et des langues de souche sénégalaise sur une bonne partie de
l’étendue du territoire national. La francophonie africaine en général et la francophonie
sénégalaise en particulier, est une francophonie ouverte au souffle fécond des langues et cultures
africaines. Elle est réfutation des droits d’unicité et des revendications linguistiques du droit de
diversité des langues et des cultures dans le comportement langagier. Le français en francophonie
est une langue qui porte en elle-même les traces de son biculturalisme.
CONCLUSION PARTIELLE
En définitive, à l’exemple de nombreux pays d’Afrique, le Sénégal est caractérisé par la
diversité linguistique et culturelle de la rencontre de deux grandes civilisations : négro - africaine
et occidentale française. La civilisation négro – africaine est transmise par les nombreuses
langues nationales. Ainsi en considérant la population du Sénégal (9.2 millions), on peut dire que
les ethnies sont fort nombreuses dans ce pays, sans oublier qu’à l’intérieur de chacune des ethnies
il peut exister des sous – groupes qui parlent des langues parfois très différentes des autres
sous – groupes de la même ethnie. Quant à l’influence française, elle est arrivée avec le
commerce et la colonisation et s’est infiltrée non seulement avec sa langue, mais également sa
littérature et la Bible.
Cette situation prend plus d’ampleur avec l’infiltration de la langue française qui, dès son
arrivée sur le territoire sénégalais, a été imposée par l’administration coloniale.
Depuis les années 70, le monopole du français, langue de colonisation et langue officielle, a
été remis en question au Sénégal notamment à cause de la crise de l’éducation et de la stagnation
35
du taux d’alphabétisation en français. La nécessité d’une école bilingue et d’une nouvelle place
pour le français a été réaffirmée dans les années 80 par les autorisés sénégalaises. Des obstacles
importants d’ordre extralinguistique demeurent et ne peuvent être surmontés que dans le cadre
d’une planification linguistique réelle.
Ainsi, au Sénégal on observe une expansion de l’usage du français qui concerne toutes les
catégories socioculturelles des milieux urbains, y compris les locuteurs peu scolarisés et même
les locuteurs non scolarisés. Cette large diffusion du français est favorisée par la pratique d’une
variété mixte de langue faite du mélange du français avec le véhiculaire local qu’est la langue
wolof par le biais de variations de divers types et d’alternances codiques tout aussi diversifiées.
36
TROISIEME PARTIE :
LES VARIATIONS SYNTAXIQUES DU FRANÇAIS DU
SENEGAL
37
CHAPITRE PREMIER : présentation de la recherche
morphosyntaxique
Notre étude n’a pas une optique comparative de deux variétés de français : le français de
France et le français du Sénégal. Il serait indispensable de limiter le relevé de faits syntaxiques à
un seul domaine d’utilisation de la langue de façon à comparer des phénomènes de registres ou
de variétés de langues équivalents. L’élaboration du français du Sénégal doit donner une vision
générale de la langue et tenir compte, d’une part, de la continuité qui existe entre les diverses
variétés du français du Sénégal et, d’autre part, des analyses déjà menées sur le français de
France et qui s’appliquent aussi au français du Sénégal.
En effet, chaque communauté qui utilise le français partage avec les autres la majeure partie
de la langue, mais possède des éléments en propre, c'est-à-dire qui n’existent pas dans les autres
variétés. Nous appelons français de France et français du Sénégal l’ensemble de ces éléments,
communs ou spécifiques, qui forment le français respectivement en France et au Sénégal.
Cependant, le français de France et le français du Sénégal sont deux variétés de langue très
inégales, au moins quant à leur statut et leur description syntaxique, pour ce qui nous intéresse
ici. Un français standard a été reconnu pour l’état actuel du français de France, ce qui est loin
d’être le cas du français du Sénégal.
Toutefois, le français normé ne suffit pas à définir le français de France, qui se compose de
l’ensemble des variétés en usage dans le pays, en tenant compte non seulement du français
standard basique, mais aussi des diverses variantes régionales, « archaïsantes » et de celles des
divers niveaux de langue. Nous nous reportons, pour le français standard de France, aux analyses
proposées par les linguistes se rattachant à la grammaire transformationnelle de Z. S. Harris,
telles que celles menées au LADL sous la direction de Maurice Gross22. Ces études ont une
ambition exhaustive et tiennent compte d’éléments de la langue qui seraient refusés par les
tenants de la norme.
22 Gross M. : Grammaire transformationnelle du français. Syntaxe du nom, p. 17 – 20 et 49 – 112 Paris : Larousse, 1977.
38
D’un autre coté, le français du Sénégal est constitué en majorité d’éléments communs avec
le français de France et, à priori, tous les éléments du français de France peuvent être utilisés
aussi au Sénégal. Cependant, l’usage privilégie certaines formes du français de France par rapport
à d’autres qui sont rarement utilisées. Le français sénégalais, tel qu’on l’appelle couramment au
Sénégal, se compose des variétés de français, plus ou moins éloignées du français de France ou
qui ont cette marque aux yeux des locuteurs, allant des variétés populaires et courantes aux
variétés utilisées par les journalistes, par les enseignants ou par les auteurs, ces dernières ayant
une fonction de modèle de langue. Plusieurs de ces variétés sont normalement intégrées à la
grammaire interne d’un même locuteur et peuvent se présenter dans le corpus du même locuteur.
Elles commencent à peine à être décrites et, comme nous l’avons vu, le français sénégalais n’est
ni instrumentalisé ni standardisé.
Dans les variétés du français populaire du Sénégal, nous n’étudierons que des phénomènes
précis, qui présentent une continuité avec d’autres phénomènes relevés dans des variétés plus
soutenues. Nous ne faisons pas d’étude détaillée des constructions relevant uniquement du
français sénégalais parlé, et qui ont leurs équivalents en français parlé de France, comme les
relatives ou les complétives interrogatives spécifiques de ces variétés : elles relèvent d’une
organisation du discours propre à l’oral et ne peuvent donc pas être étudiées avec les
constructions écrites.
Dans cette étude, nous nous attachons aux deux types de variations suivantes:
- Les variations qui ne sont pas spécifiques du français du Sénégal puisqu’elles ne
sont pas impossibles en français de France. Ce qui fait leur singularité, c’est que ces constructions
sont généralisées en français du Sénégal, alors qu’elles correspondent plutôt à des variantes
stylistiques en français de France.
- Les variations les plus intéressantes sont celles qui pourraient s’orienter vers la
création d’une norme endogène par leur généralisation et leur régularité, bien qu’on ne puisse
dire encore si cette norme est totalement élaborée.
Ces variations vont être analysées de façon à proposer des bases pour une grammaire du
français du Sénégal en relation avec le français de France.
39
CHAPITRE DEUXIEME : La morphosyntaxe du syntagme verbal
et nominal
Ce qui nous occupe principalement dans la présente étude est la phrase simple. La phrase
simple, ou élémentaire, est une partie autonome d’un énoncé, qui constitue une unité de sens, et
qui, formellement, comporte un élément prédicatif (en l’occurrence dans ce chapitre un verbe) et
ses actants (sujets et compléments). La phrase complexe est un énoncé composé d’au moins deux
phrases simples, conjointes par une conjonction de coordination ou une conjonction de
subordination (M. Piot 1995). Selon la démarche que nous allons adopter, le verbe se définit par
différentes constructions et différents environnements, soit les différents types de phrases dans
lesquels il peut figurer.
1. Autour du verbe
Nous avons remarqué, dans les corpus, des modifications quant à la grammaire de certains
verbes. Ces variations relèvent parfois du principe de fonctionnalité évoqué par Gabriel Manessy,
mais peuvent être parfois analysées comme des particularités d’origine intersystémique et / ou
intrasystémique. Cette grammaire des verbes se caractérise par un changement de construction
(de transitif à intransitif, de pronominal à transitif, de transitif indirect à transitif direct, et
réciproquement), et par la redistribution des traits (+ pers) et (-pers) ou par l’affectation au verbe
d’une valence particulière.
1.1 Valence particulière
Exemple :
« depuis des années et des années les élèves partent en mouvement + les professeurs
partent en mouvement + » (Etudes)
40
La suite « partir en mouvement » dans le sens de « partir en grève » (on parle plutôt de
«mouvement syndical »), fait de mouvement une valence lexicale de partir.
1.2 Transitif direct à transitif indirect
C’est le cas des verbes qu’on construit avec une valence prépositionnelle alors qu’ils
devraient se construire avec une préposition zéro.
Exemples :
« c’est ça que moi je condamne mais je ne dis pas que qu’on doive assigner à la
femme mariée + de faire ceci ou cela » (Mariage) (« assigner quelqu’un » au lieu
de « assigner à quelqu’un »)
Le verbe « assigner » a deux emplois « assigner quelque chose à quelqu’un » et « assigner
quelqu’un à quelque chose. Ici le verbe « assigner » peut être remplacé par « exiger ».
« vous faites un lavage de cerveau la fille habite chez elle + elle et son papa qui est
qui est censé de lui donner tout ce qu’elle veut + » ( Mariage) (« censé lui donner »
au lieu de « censé de lui donner »).
« on + écoute écoute + tu n’a pas le droit de commenter sur le comportement de la
femme d’autrui » (Mariage) (« commenter » au lieu de « commenter sur »).
« on ne peux pas empêcher aux femmes de de mettre des dialdialis des thiourayes
non » (Mariage) (« empêcher quelqu’un » au lieu de « empêcher à quelqu’un »)
Certaines de ces formes peuvent être analysées comme le résultat d’un télescopage
syntaxique entre deux constructions sémantiquement voisines.
Exemples :
Faire des commentaires sur quelque chose commenter sur
Commenter quelque chose
41
Assigner quelqu’un assigner à
Assignation à domicile
« empêcher à » peut s’analyser comme le résultat d’un croisement syntaxique avec
« interdire à »
1.2.1 Préposition zéro
Exemples :
« malheureusement les femmes ne sont pas préparées à vivre de cette manière là et
nous nous les garçons même ne sommes pas préparés à vivre de cette manière là
alors c’est que nous aspirons + » (Mariage) ( aspirer peut être remplacé par
vouloir)
« mais ces conditions sociales là ce mal là il faudra essayer de le remédier de de
comment on dit ça de le réparer est ce que tu vois » (Immigration) (croisement avec
pallier)
1.2.3 Confusion de préposition
Exemple :
« on ne peut pas obliger les gens de s’habiller de manière vraiment qui va devenir
dictatoriale par exemple » (Immigration) (emploi de « de » à la place de « à »)
En résumé, ce phénomène d’alternance de constructions transitives et intransitives de
mêmes verbes se produit en général en français du Sénégal, mais est étendu à d’autres verbes qui
ne le permettent pas en français de France.
Il existe, en fait, en français du Sénégal, plusieurs phénomènes d’alternances concernant le
type de complémentation des verbes, qui sont difficiles en français de France ou se prêtent à des
42
conditions spécifiques de discours. Certains verbes qui ont obligatoirement une construction
prépositionnelle en français de France peuvent avoir, en plus, une construction non
prépositionnelle en français du Sénégal. C’est le cas des verbes parler et pardonner. D’autres
verbes dont le complément est introduit par la préposition de en français de France admettent
aussi d’autres constructions ou entrent dans une construction non prépositionnelle en français du
Sénégal. Ces alternances concernent le type de complémentation des verbes qui ont des
répercussions sur la pronominalisation.
En français du Sénégal, les compléments des verbes pardonner et parler peuvent être
construits avec ou sans préposition sans qu’on note la différence de sens ou d’emploi. Le verbe
pardonner a, en français du Sénégal deux sens proprement sénégalais : accorder une faveur à
quelqu’un et demander une faveur à quelqu’un. Ce verbe se construit, indifféremment et pour
tous ses sens, soit avec la préposition à, soit sans cette préposition.
Exemple :
FS : « Mamadou a pardonné Souleymane »
FF : « Mamadou a (accordé + demandé) faveur à Souleymane »
Le verbe parler a les mêmes sens qu’en français de France et se construit avec ou sans les
prépositions à et de qui introduisent les deux compléments de ce verbe.
Exemple :
FS : « Mamadou a parlé Souleymane ça »
FF : « Mamadou a parlé de ça à Souleymane »
1.3 De transition à pronominal
Exemples :
« nous savons nous tous qui sommes des étudiants ici + qu’ici à l’université on y
rencontre tant de problèmes + qu’on sait plus par où se donner la tête + » (Etudes)
« mais puisque les hommes savent que en emmenant plusieurs femmes + et en se
43
procréant plusieurs enfants + mais ça crée des problèmes » (Mariage)
Ces variations peuvent aussi être considérées comme le résultat d’un apprentissage scolaire
non réussi. Il est difficile, dans le discours de faire très nettement la différence entre ce qui
relèverait d’une influence intrasystémique et de ce qui serait la conséquence d’un apprentissage
scolaire non satisfaisant. Les influences sont parfois superposables.
1.4 Distribution des rections autour du verbe constructeur
L’examen du corpus montre une nette préférence à mettre certaines rections en position de
préfixe contrairement à l’usage scolaire qui recommande l’ordre « valence sujet + verbe recteur +
rection(s) ». Les « si - phrase » et les « quand - phrase » rection sont souvent en position de
préfixe dans les macro syntagmes qui les contiennent.
Exemples :
« quand on est à la maison on doit s’occuper de son travail on doit faire la vaisselle
et autres + » (Mariage)
« si on ne peut pas satisfaire la nourriture quotidienne on ne pourra pas satisfaire les
problèmes universitaires » (Etudes)
« pour qu’il n’ait pratiquement pas de bruit il faut qu’on change toutes les pièces là
» (Travail)
« après la conférence rectificative de 1967 + tous les organes dirigeants du parti + à
à l’époque + qui était le seul parti marxiste au Sénégal + le parti africain de
l’indépendance + le P.A.I. Sénégal + alors tous les postes + dirigeants + tous les
dirigeants + au niveau supérieur comme au niveau + inférieur + ces gens là ont été
suspendus de leur fonction + on a crée une direction nationale provisoire » (Article
du journal Le soleil).
On remarque, dans les trois premiers exemples, les propositions subordonnées sont toujours
placées en début de phrase, devant la proposition principale. En français de France, la proposition
44
subordonnée est parfois précéder la proposition principale, soit pour mettre l’accent sur ce qu’elle
énonce, soit au titre de raccord logique avec ce qui vient juste d’être énoncé. En français de
France, l’antéposition de subordonnée est particulièrement courante dans la phrase
conditionnelle. On commence volontiers par exprimer la condition avant de décliner la suite.
On remarque dans ce dernier exemple une accumulation paradigmatique à la place d’une
valence sujet.
Cette préférence pour le développement à gauche de la construction verbale touche
également les associés.
Exemples :
« donc le travail est tellement dur + il faut il faut la force humaine + tu vois +
l’énergie humaine » (travail)
« aller en grève + chaque année + et ne jamais être satisfait + c’est pas du tout
intéressant + il faut qu’on choisisse » (Etudes)
« la société musulmane + les gens + les hommes il ont tendance à avoir plusieurs
femmes. (Mariage)
Le syntagme la société musulmane, placé en tête de la construction, ne peut pas être
considéré comme un élément de rection de avoir tendance ; il lui manquerait la préposition dans
dans la construction en dispositif direct.
A ces associés à gauche, il faut ajouter les cas de double marquage :
Exemples :
« ceux qui ont les moyens + ils marient qu’une seule femme » (Mariage)
« les bruits + on ne peut pas les éliminer totalement » (Travail)
1.5 L’emploi des quantificateurs autour du verbe
On note l’usage de comparatif et l’absence de discrimination nette entre le
comptable et le non comptable due souvent à l’influence d’un substrat linguistique.
45
1.5.1 « plus » à la place de « mieux »
Exemples :
« on met les Européens dans ces même conditions il ne vont pas réussir sinon il ne
vont pas faire plus que nous ça je vous le garantis » (Travail) (mieux que nous)
« les leçons sont beaucoup plus présentées ici qu’au Sénégal » (Etudes) (mieux
présentées)
Ou encore « plus que » à la place de « meilleurs »
Exemple :
« disons que les temps ne sont pas plus + que les temps anciens » (Mariage)
1.5.2 « un tout petit peu » dans la rection verbale
« un tout petit peu » qui est une traduction du quantificateur wolof tuuti rek se rencontre
dans la rection verbale des exemples suivants :
« dans un deuxième temps + je vais essayer de + parler un tout petit peu des
conditions des étudiants des problèmes que nous rencontrons le plus souvent »
(Etudes)
« en tout cas je suis un tout petit peu d’accord avec vous mais entièrement quoi »
(Mariage)
On rencontre également des cas de télescopage entre la syntaxe de plutôt et celle
de plus…que : plutôt ça mais pas ça
Plus ça que ça
46
Exemple :
« bon on a constaté que ce qu’ on nous a donné + c’est plutôt théorique que
pratique » (Etudes)
1.5.3 L’emploi de « et quelque »
L’usage de quelque après un nombre est fréquent dans le français du Sénégal pour marquer
l’imprécision du chiffre avancé.
Exemple :
« Les aides vous le savez + en fait au début + c’était deux cent mille et quelque etc.
neuf mois » (Etudes)
1.6 L’interrogation et la relative
1.6.1 L’interrogation
1.6.1.1 Absence d’inversion
La tendance qui se dégage du corpus est la réalisation de l’interrogation sous le modèle de
est - ce que qui, comment de France, permet de maintenir l’ordre des mots de la phrase
déclarative simple.
Exemples :
« mais est ce que ces vêtements européens + hein + qui est à la mode actuellement
chez nous + correspond + à nos réalités » (Mariage)
« la cessation de toute publication + avant la restructuration du parti +
pour savoir + les anciens dirigeants + pourquoi ils étaient pas au congrès » (article
d’un journal) (pourquoi + sans inversion)
« parce que ça c’est un suicide comment vous pouvez dire à un père de famille qui
compte sur ses enfants » (Etudes) (comment + maintien de l’ordre)
47
- Combinaison de comment et de est - ce que sans inversion.
Exemples :
« comment est ce qu’ on définit la marchandise » (travail)
« non non non il fallait que tu sois là + sinon quand je dépanne + comment est ce
que tu comprends la panne qui est à l’intérieur » (Travail)
- quel + maintien de l’ordre des mots dans la phrase assertive
Exemples :
« quel sentiment il aurait + han + y a lieu de se poser la question » (Etudes)
« quelle fac vous faites » (Etudes)
1.6.1.2 Interrogation indirecte
Exemple :
« l’année passée + c’était une année test + seulement parce que je ne savais pas que
les choses allaient réussir comme ça » (Travail)
Ces quelques exemples montrent que, dans l’usage mésolectal, la forme interrogative
conserve l’ordre des mots de la phrase déclarative simple avec la présence de est – ce que
probablement déjà senti comme une inversion. Il est aussi possible d’envisager une influence
probable de l’intonation interrogative qui maintient l’ordre des mots.
1.6.2 La relative
Le corpus présente quelques rares cas d’emploi non standard de que. L’usage de dont est
rare et les locuteurs ont tendance à utiliser un système de relatif qui reposerait sur l’opposition
qui sujet et que objet bien que les formes composées du pronom relatif soient parfois utilisées.
48
Exemples :
« par exemple une femme qui est honnête + honnête dans le sens qui vous dit
toujours la vérité avec laquelle + vous sortez tous les jours + mais il est difficile de
voir ça +» (Mariage)
« bon donc il y a encore un problème de formation qui se pose et qui est encore à
l’origine de cette crise que nous traversons + que l’Université se trouve » (Etudes)
« nous devons lutter lutter avec les armes que nous disposons c'est-à-dire la grève »
(Etudes)
« une fois qu’on a compris peut être qu’il s’agit d’analyser ah + une opinion du type
un peu + ce qu’ on a ce qu’on a parlé + » (Etudes)
« l’autre jour euh + y a pas longtemps d’ailleurs + je euh discutais avec euh un des
responsables + que je préfère taire le nom » (Etudes)
Cet emploi non standard de « que » corrobore l’idée d’un usage extensif de « que »
relatif dans les conversations ordinaires.
1.7 Temps et modes
Le mode indicatif est largement dominant dans notre corpus. L’usage du mode subjonctif
souvent défectueux reste disponible. Certains locuteurs utilisent les formes du présent de
l’indicatif à la place des temps du subjonctif.
Exemples :
« mais à l’heure à l’heure actuelle penses tu qu’il est possible de chasser le président
qui est au pouvoir depuis dix ans » (Etudes)
« alors ça euh a amené beaucoup de problèmes + et beaucoup de déboires au sein
de cette Université là quoique + les gens ont lutté + de toute leur force + » (Etudes)
(quoique + indicatif)
« oui une évaluation mais en un sens depuis la dot qu’est ce qui suit qu’est ce qui suit
49
jusqu’à ce que finalement tu peux consommer ton mariage » (Mariage) (jusqu’à ce
que + indicatif)
« ce qu’ on ne peut pas faire dans le cadre de nos travaux respectifs – il ne faut pas
que le syndicat nous sert à cela » (Travail)
2. Autour du nom
La syntaxe du nom ne se limite pas à la structure interne du groupe nominal et elle est donc
étudiée ici dans le cadre de la phrase simple.
Le nom, quel qu’il soit, forme éventuellement avec ses déterminants et ses expansions
(adjectifs et compléments du nom) le groupe nominal dont il est la tête.
Le groupe nominal dont la tête est un nom quelconque peut apparaître dans plusieurs
fonctions et positions. Nous nous intéresserons dans cette étude à la structure interne du groupe
nominal, et en premier lieu à la détermination. En français de France, la détermination est
souvent obligatoire, mais il existe des cas où le nom est utilisé sans déterminant. Le français du
Sénégal apporte de nouveaux éléments dans la mesure où ces phénomènes sont beaucoup plus
répandus qu’en français de France.
Nous étudierons aussi l’omission et la variation du déterminant en français du Sénégal.
Enfin nous proposerons trois analyses : la distribution de là et là – bas à la place du nom, l’usage
des prépositions autour du nom et enfin l’emploi de ça et de cela en français du Sénégal.
2.1 Omissions et variations du déterminant en français du Sénégal
Le statut du déterminant dans le groupe nominal en français du Sénégal est différent de
celui qu’il a en français de France, principalement parce qu’il n’est pas obligatoire. Dans le
rappel qui suit sur la détermination du nom en français de France (1.1), nous nous arrêtons
particulièrement sur la discussion qui a eu lieu en linguistique française à propos du déterminant
zéro ou de l’omission du déterminant.
Notre analyse va porter surtout sur les déterminants « possessifs », « définis », « indéfinis »
et les déterminants zéro. Le déterminant zéro a une fréquence et un rôle tout particuliers en
50
français du Sénégal qui méritent que nous nous arrêtions, mais nous distinguons le déterminant
zéro de l’omission du déterminant quelconque. D’autre part, nous montrerons que la distribution
des déterminants « possessifs » et « définis » présente quelques aspects spécifiques en français du
Sénégal.
2.2 La détermination du nom et la discussion sur le
déterminant zéro et sur l’omission du déterminant en
français de France
Depuis 1977, les travaux de Maurice Gross sur le groupe nominal ont fondé, pour le
français, des recherches sur la détermination du nom. Nous nous reportons donc
fondamentalement à son analyse pour la présentation basique qui suit.
Le déterminant se définit, en français de France, comme l’item qui précède le nom lorsque
celui-ci a un rôle syntaxique dans la phrase. Ainsi dans la phrase suivante :
FF : (L’ + cet) enfant a vu (le + ce…) gâteau
Le déterminant (l’ + cet…) précède le sujet enfant du verbe a vu, et le déterminant
(le + ce+…) précède son complément gâteau. Les déterminants sont obligatoires en français de
France, sauf avant des noms propres, et la séquence suivante où ils ont été supprimés ne peut être
acceptée en tant que phrase :
FF : * Enfant a vu gâteau.
Dans la phrase :
FF : Il n’y a pas (ce + de + …) je n’aime pas … mange !
La séquence je n’aime pas est prise comme un nom au même titre que arrête dans :
FF : Il n’y a pas (cette + d’ + …) arrête …mange !
Dans ces deux exemples, « je n’aime pas » et « arrête » peuvent être remplacés par
« argent », ce qui donne par exemple :
51
Il n’a pas d’argent … manger.
Par conséquent, le déterminant (ce + de +…) est obligatoire et la séquence suivante est
refusée en français de France.
FF : * Il n’y a pas je n’aime pas …mange !
La position du déterminant peut être remplie par des formes très variées, et une
classification des éléments qui répondent à la définition donnée ci dessus a été opérée d’après
leurs propriétés (M. Gross 1977 : 12-47). Nous avons, par exemple, les formes suivantes, selon
leur valeur et interprétation :
« définie » FF : L’enfant a vu les gâteux
« possessive » FF : Tes enfants ont vu leurs gâteux
« démonstrative » FF : Cet enfant a vu ces gâteaux
« indéfinie » FF : Des enfants ont vu un gâteau
« numérale » FF : Deux enfant ont vu deux gâteaux
« générique » FF : Les enfants voient vite les gâteaux
Un enfant voit vite du gâteau.
Ce bref rappel demande tout de même quelques commentaires :
- Les déterminants « définis » se composent essentiellement des déterminants
« définis » : l’, le, la les ; des déterminants « possessifs » : mon, ton, …mes,
tes,… ; des déterminants démonstratifs : ce, cet, …23
- La valeur « générique » est généralement rendue par un déterminant
« défini » de type : la, le, les, mais les déterminants « indéfinis » de type :
un, une, des et de la, du peuvent aussi avoir une interprétation
23 Gross M. : « Sur les déterminants dans les expressions figées », in Language n° 79 : 89 – 117, Paris, Larousse, 1985.
52
« générique ».
- Quatre classes de déterminants de valeur « indéfinie » ont été définies
d’après leurs propriétés24.
Les déterminants adverbiaux qui apparaissent, par exemple, dans :
FF : Beaucoup d’enfants voient de moins en moins de gâteaux
Les déterminants adjectivaux qui apparaissent, par exemple, dans :
FF : Un seul enfant a vu l’autre gâteau
Les déterminants nominaux (P.- A. Buvet 1993 ; 1994), qui apparaissent, par exemple,
dans :
FF : Un groupe d’enfants a vu les morceaux de gâteux
Les pré – déterminants qui apparaissent par exemple dans :
FF : Environ trois enfants ont vu tous les gâteaux.
- Quel que soit le contenu du déterminant, la structure interne du groupe
nominal n’est pas modifiée : le substantif en est toujours la tête. Dans les
phrases suivantes, par exemple, de structure apparente N de N :
FF : Luc a ennuyé (une salle de) cent personnes
≠ Luc a construit une salle de cent personnes
Max achète cette (sorte de) viande
Une salle de et cette sorte de sont des déterminants nominaux : cent personnes et viande,
qui sont les compléments des verbes de ces phrases. Le déterminant nominal d’une telle phrase
ne peut être tête d’un groupe nominal dans lequel les séquences N donneraient lieu à un
« possessif ». Dans la phrase avec une salle de cent personnes, au contraire salle est tête du
24 Gross M. : Grammaire transformationnelle du français. Syntaxe du nom, p. 17 – 20 et 49 – 112 Paris : Larousse, 1977.
53
groupe nominal et la construction possessive est possible. Nous avons, en effet :
FF :* Luc a ennuyé leur salle ≠ Luc a construit leur salle
Il existe des cas où le déterminant n’apparaît pas, par exemple dans certains cas de
coordination :
FF : Luc a vu les gâteaux et sucreries
ou encore dans des séquences prépositionnelles, libres ou lexicalisées, telles que, respectivement :
FF : Luc envoie un colis par avion
Luc a une voiture de fonction.
On trouve d’autre cas où le groupe nominal apparaît sans déterminant, dans des phrases
comme :
FF : Luc lui a rendu hommage
Luc fait feu de tout bois
Luc s’est battu becs et ongles,
qui posent le problème de l’existence ou pas de déterminant zéro en français de France. Cette
discussion est présentée par L. Picabia et J. – C. Anscombre 1991. Les analyses de L. Picabia
1986 ; L. Kupferman 1991 ; J.- C. Anscombre 1991 distinguent en effet, d’une part l’absence ou
l’omission du déterminant, et d’autre part le déterminant zéro qui un véritable statut de
déterminant.
L’explication traditionnelle est que le déterminant est obligatoire en français de France
actuel et que, s’il existe quelques expressions figées qui se caractérisent par l’absence de
déterminant devant le nom, ce ne sont que des vestiges d’un état de langue antérieur, dans lequel
un déterminant zéro à valeur générique existait.
Nous retenons des analyses dont nous disposons actuellement que les critères du déterminant
zéro sont : l’impossibilité de rétablir un déterminant sans changer le sens de la phrase et la valeur
54
générique du groupe nominal. Faire une distinction entre l’omission du déterminant et le
déterminant zéro nous semble pertinent pour entreprendre l’étude de la morphosyntaxe du nom
du français du Sénégal.
2.3 Le déterminant zéro en français du Sénégal
Nous appelons déterminant zéro en français du Sénégal la place lexicalement vide laissée
avant le substantif et ne pouvant pas être remplie par un déterminant « défini » ou « indéfini », du
moins dans les mêmes niveaux de langue.
Le déterminant zéro apparaît, en français du Sénégal, dans des cas précis qui diffèrent
quelque peu selon le niveau de langue. En effet, dans les variétés plus soutenues du français du
Sénégal, il existe la possibilité d’omettre le déterminant avant un nom à valeur générique, mais
on ne peut pas parler de déterminant zéro.
2.3.1 Le déterminant zéro à valeur générique en français
populaire sénégalais
Le français populaire sénégalais, comme les langues africaines du Sénégal, présente des
systèmes de détermination du nom différents de celui du français de France. De fait, en français
populaire du Sénégal, les noms en fonction de sujet comme du complément apparaissent très
souvent non précédés de déterminant. On distingue deux cas :
- La valeur générique est rendue par le déterminant zéro.
- L’absence de déterminant devant un nom est toujours possible, pour toutes les valeurs que
peut avoir ce nom.
Exemples :
FPS : Tu vas prendre (bus + charrette)
Il conduit (bus + charrette)
Tu veux (yassa + banane + manioc + pagne) ?
Elle vend (yassa + banane + manioc + pagne).
55
En français de France, la restitution du déterminant est obligatoire dans ces phrases, quel
que soit le niveau de langue. En français du Sénégal, celle-ci est possible, à un niveau de langue
soutenue, sur le modèle du français de France. Nous avons alors :
FF, FS : Tu vas prendre (le + un) (bus + charrette)
IL conduit les (bus + charrettes)
Les garçons n’ont qu’à vous commander
Tu veux (du yassa + de la banane + du manioc + des pagnes) ?
Elle vend (du yassa + de la banane + du manioc + des pagnes).
Nous remarquons que, dans toutes ces phrases, bien que le français de France puisse utiliser
différents déterminants, la valeur du groupe nominal est toujours générique. Dans ces exemples,
nous pouvons parler d’un déterminant zéro du français populaire du Sénégal dans la mesure où il
indique une valeur générique particulière et qu’il ne peut être remplacé par un déterminant en
français populaire du Sénégal.
2.3.2 Figement du déterminant zéro de certains noms
prédicatifs en français du Sénégal
Un nombre important de substantifs du français du Sénégal n’admettent aucun déterminant.
Les substantifs prédicatifs palabre et affaire font partie de ceux-ci. Ces substantifs prédicatifs
changent de sens lorsqu’ils sont précédés d’un déterminant. Employé sans déterminant, ils font
partie du lexique spécifique du français du Sénégal, et avec déterminant, ils ont un autre sens,
commun avec le français de France. On peut alors parler d’un déterminant zéro obligatoire devant
ces noms prédicatifs. Nous avons ici quelques phrases :
FS : Amadou a affaire FF : Amadou a des histoires
Amadou a fait affaire Amadou fait des arrangements
56
malhonnêtes
Amadou fait bouche Amadou se vante
Amadou fait gros cœur Amadou est vexé
Amadou fait coco taillé Amadou s’est rasé la tête
Certaines phrases avec il y a et c’est sont figées avec le déterminant zéro comme, par
exemple :
FS : Il y a match FF : Ce n’est pas gagné d’avance
Il y a pas match FF : c’est gagné d’avance
Il n’y a pas médicament FF : c’est comme ça il n’y a rien à
faire
Il y a pardon FF : Il y a une possibilité de faveur
Il y a pas pardon FF : Il n’y a pas de possibilité de
faveur
L’introduction d’un déterminant dans ces phrases change leur sens et l’on obtient les
phrases libres du français de France :
FF : Il n’y a pas de médicament
Il y a un match
Il n’y a pas de match
Il y a un pardon
Il n’y a pas de pardon
Plusieurs conclusions peuvent être tirées de l’analyse des cas où le nom apparaît sans
déterminant en français du Sénégal.
57
Tout d’abord, une différence notable avec le français de France actuel se présente dans
l’existence d’un déterminant zéro à valeur générique en français du Sénégal qui reste visible dans
toutes les variétés de la langue. La morphosyntaxe des déterminants en français du Sénégal est
ainsi sous tendue par l’opposition générique / spécifique, tout comme dans les langues
sénégalaises, alors que cette opposition n’apparaît pas de façon si claire en français de France où
les mêmes déterminants ont des valeurs diverses selon leur environnement.
Il apparaît donc que le statut même du déterminant en français du Sénégal est différent
de celui qu’il a en français de France : alors qu’il est obligatoire en français de France (ou que
son absence obéit à des règle précises), il n’est pas indispensable en français du Sénégal pour
qu’un nom ait un rôle syntaxique dans la phrase.
2.4 Remarques sur l’emploi des déterminants possessif, partitif, défini et
indéfini en français du Sénégal
En ce qui concerne l’emploi des déterminants, on note de nombreuses confusions dans
l’usage du possessif, du partitif, de l’article défini et de l’article indéfini.
Exemples :
« moi je ne paye pas han + tant que l’association ne donnera pas l’aval +
l’association donnera l’aval non » (Travail), (donne son aval)
« je m’entends avec mademoiselle si je la prends je fonde le foyer mais si ça ne
marche plus bien je cherche ailleurs + » (Mariage), (un foyer)
« bon + j’aimerais d’abord avant d’en venir aux causes du divorce + parler un peu
du …mariage + surtout les fondements du mariage + » (Mariage), (des fondements)
A ces variations d’interlangue s’ajoute l’usage récurrent de des dans la suite
syntagmatique : déterminant + adjectif + nom à la place de de.
Exemples :
« bon même au 19ème siècle la religion a été fustigée par euh par des euh par des
58
grands théoriciens » (Mariage), (de grands théoriciens)
« le syndicat ne doit s’arrêter que sur la lutte…démocratique…aider ses militants…à
travailler dans des bonnes conditions » (Travail), (dans de bonnes
conditions)
« qui sont sur le marché de la concurrence qui est très rude bon ils trouvent souvent
sur ce terrain là des vieux loups de mer voyez qui sans pitié » ( Travail :
commerce), (de vieux loups)
3. La distribution de là et de là – bas dans le corpus Oral
Le corpus relève plusieurs usages de là et de là – bas employés à la place d’un nom de
lieu. Nous avons relevé des là démarcatifs du syntagme nominal, des là locatifs qui entrent dans
une opposition là / là – bas et des là proformes, c’est – à – dire qui reprennent dans une relation
d’équivalence toute une structure précédente. Nous avons aussi des là - bas locatifs dont l’emploi
semble se substituer à celui d’un pronom locatif y.
L’exemple suivant illustre assez nettement certains emplois :
« J’enseigne le vendredi soir j’ai cours + tu sais + que j’ai commencé à faire mes
cours là – bas + dans la deuxième école là + là où je suis à cheval avec on m’a
donné six heures » (Travail)
là – bas est locatif dans faire mes cours là – bas, là est un démarcatif du syntagme nominal dans
la deuxième école là alors qu’il est proforme dans là où je suis à cheval avec.
3.1 Là démarcatif du syntagme nominal
Exemples :
« mais le remplacement là dont je parlais tout à l’heure + c’est au cours du mois de
décembre » (Travail)
« et puis est ce que nos diplômes là peuvent nous servir effectivement euh à quelque
chose ici en France » (Etudes)
59
« les nos papas là vont se dire les gosses là ils sont devenus fous d’avoir abandonné
leurs études » (Etudes)
3.2 Là dans la structure de type là + CV
« il y a un autre problème les vacances de Noël de Pâque etc. + là on crée un
groupe provisoire volontaire » (Etudes)
« avant nous n’avions pas de classe aussi surchargée + maintenant nous avons des
classes qui atteignent la quarantaine dès fois même jusqu’à soixante dix élèves + là
ils sont obligés + d’être assez bavards + d’être turbulents + » (Etudes) (là = dans
ces conditions)
3.3 Là – bas locatif
La place de là – bas dans le corpus à la place du pronom y permet d’envisager une analyse
intersystémique. Le calque qu’on peut repérer dans l’exemple suivant :
« mais c’est qu’il a la maison ici + il a la famille il peut aller manger là – bas »
(Mariage)
Montre que l’opposition fi / foofu en wolof est transposée en français et expliquerait la rareté du
locatif y dans les corpus. Il en est de même pour l’exemple suivant :
« décidément ce poste là risque de prendre du temps » (Travail)
« non non je ne mettrai pas de temps là – bas je reviens le mois prochain + il y a pas
de problème » (Immigration)
Je ne mettrai pas de temps là – bas est un calque du wolof et une forme qui relève du mésolectal
par opposition à la forme en y qui appartient à un niveau de langue soigné : je n’y resterai pas
longtemps.
4. L’usage de prépositions autour du nom
60
Le système des prépositions en français du Sénégal semble plus réduit que dans le système
du français de France à cause d’un emploi élargi des prépositions pour, avec, dans, de,à et surtout
de la locution prépositive passe - partout au niveau de. Cette dernière tend à se substituer aux
prépositions chez, auprès de dans la structure (préposition + nom)
Exemples :
«je pense qu’au niveau du des étudiants + et au niveau des professeurs il n’y a pas
de problème mais qu’il faut revoir qu’au niveau du secrétariat » (Etudes)
« y a tout + y a tout un travail à faire au niveau des étudiants + » (Etudes)
« si nous partons de la crise qui sévit au niveau du pays et également des moyens
alloués énormes alloués au directeur technique + là aussi c’est un autre débat »
(Travail)
« bon il apprend quelques rudiments qui forcément vont lui servir au niveau du CI »
(Etudes)
« contrairement à l’Europe en Europe où par exemple le mariage se situe
uniquement au niveau au niveau seulement des des mariés et au pays c’est la grande
famille + la grande famille africaine » (Mariage)
Dans d’autres attestations telles que au niveau du restaurant, au niveau du C.O.U.D., au
niveau du marché, au niveau de l’université, au niveau de la bibliothèque, au niveau des mets, au
niveau des filles, au niveau des facultés, au niveau des quatre vingt dix minutes montrent
l’étendue du spectre d’emploi de au niveau de.
Les préposition pour et dans tendent à se substituer aux prépositions de et à dans les
exemples suivants :
« et alors ce qui habitent loin + parce qu’il paraît qu’il y a eu + un système de
rotation + et une obligation pour venir arroger » (Travail)
« les conditions de travail pour les étudiants elles se détériorent de plus en plus + »
(Etudes)
« et que surtout les les pouvoir publics essaient quand même de rendre la tâche
61
beaucoup plus facile pour les étudiants qui sont très jeunes » (Etudes)
« je prends tout mon temps pour les cours je consacre tout mon temps pour les
cours » (Etudes)
La préposition dans est utilisée à la place de avec, de et parfois de en :
« est ce que maintenant c’est pas dans cette objectif + c’est pas dans cette objectif là
que l’employeur s’était placé pour recruter les ouvriers » (Travail)
« les africains + actuellement + ils ont besoin des gens qui qui leur permettrons de
sortir + dans la crise+ parce que actuellement + les africains sont + sont en
difficulté » (Immigration)
« disons + déjà même en + regardant + parce que dans ce temps là on ne se mariait
pas comme on se marie actuellement » (Mariage)
Ces quelques exemples montrent que le système prépositionnel devant un nominal en
français du Sénégal repose essentiellement sur l’emploi de trois prépositions pour, dans et au
niveau de. Les autres prépositions sont utilisées préférentiellement dans les constructions
verbales. Ainsi la préposition pour est utilisé à la place de à afin de marquer le bénéfice comme
dans l’exemple suivant :
« moi je pense que quand une femme est mariée elle doit réservée ces choses là pour
son mari » (Mariage)
5. L’emploi de ça et de cela
5.1 L’emploi de ça
Nous trouvons dans le corpus beaucoup de ça et très peu de cela ; ça apparaît dans toutes
les positions : sujet, complément :
« c’est pourquoi on est prête à partir voir + même l’année dernière…on avait
proposé ça + mais malheureusement ça n’a pas pu réussir » (Immigration)
62
« non ayez le courage de réfléchir et de trouver les arguments…qui viennent étayer
votre position c’est ça le rôle d’un bon journaliste + vous prépare à ça » (Etudes)
« ils disent qu’on a payé ça à deux millions alors que c’est un millions deux cent
cinquante mille » (Mariage)
« mais euh la formation + en elle-même + ça c’est le diplôme obtenu » (Etudes)
« bon le port de l’habit par exemple du soutien gorge ou autre le fait de laisser ses
sein sortir ou autre + ça ne se permet pas dans nos sociétés + et aujourd’hui non ça
ne se permet pas » (Mariage)
5.2 L’emploi de cela
« je veut dire par cela que + ils ne + ils n’apprécient pas les choses à leur juste
valeur + » (Etudes)
« les jeunes qui se marient aujourd’hui + ne sont pas préparés à cela » (Mariage)
« cela veut donc dire que les causes qui été identifiées par les Etats Généraux ne sont
pas les seules causes » (Immigration)
L’emploi de cela dans ces exemples permet parfois d’éviter l’usage du pronom clitique
attendu dans la structure verbale.
63
CONCLUSION
L’étude des divers aspects de la morphosyntaxe du français du Sénégal a tout d’abord
montré l’efficacité de la méthode transformationnelle que nous avons utilisée pour rendre compte
de phénomènes variationnels et pour proposer des orientations méthodiques pour une grammaire
du français du Sénégal en rapport avec celle du français de France. Nous avons vu que la plupart
des analyses réalisées sur le français de France par l’équipe du LADL s’appliquent aussi au
français du Sénégal. Cependant, l’étude conjointe de la syntaxe et de la morphologie a mis en
lumière deux types de faits qui distinguent ces deux variétés de français : la création de
morphèmes spécifiques au français du Sénégal et l’acquisition de propriétés particulières des
noms et des verbes, ou même des phrases, du français du Sénégal. Le système sénégalais de la
langue est un système large, fait d’alternances de constructions et de possibilités d’omettre de
nombreux éléments, aussi bien dans les constructions verbales que dans les constructions
nominales.
Les limites de ce travail sont manifestes : il ne représente que les préliminaires de ce que
pourrait être une étude morphosyntaxique du français du Sénégal. Des secteurs entiers n’ont pas
été abordés : le sujet, l’expression de l’aspect, l’adverbe, les conjonctions, etc., et, dans les
domaines étudiés, de nombreux phénomènes restent à élucider, tels que l’utilisation anaphorique
du déterminant défini, les constructions complétives, leur réduction à une infinitive, les variantes
dans les constructions prédicatives adverbiales, etc. Ce sont autant de pistes pour des recherches
postérieures. Cependant, l’étude exhaustive du français du Sénégal dépendra aussi de sa stabilité.
Les faits observés ouvrent par ailleurs des pistes d’interprétation ou de réflexion. Nous
remarquons en premier lieu que l’éloignement plus ou moins grand du français, que nous avons
souligné au cours de l’analyse morphosyntaxique présentée ici, ne constitue pas un critère
linguistique permettant d’attribuer le trait populaire aux formes spécifiques du français du
Sénégal. Une catégorisation de variétés du français du Sénégal, utile notamment pour
l’enseignement du français, est à faire, de façon à appliquer aux divers éléments de la
morphologie et de la syntaxe du français du Sénégal les mentions « populaire », « courant »,
64
« soutenu », « littéraire », etc. Une étude statistique pourrait aider à déterminer les occurrences
des différentes constructions, selon des critères sociolinguistiques à définir par ailleurs.
En second lieu, les phénomènes qui existent dans certaines variétés ne peuvent être
dissociés de ceux des autres variétés. Il est, par exemple, impossible d’étudier l’absence de
déterminant zéro, en français du Sénégal, en se fondant uniquement sur un corpus relevé dans des
œuvres littéraires. Dans ces variétés de langue, le phénomène paraît restreint et circonscrit à des
cas très précis. Il paraît, de plus, tout à fait analysable à partir des possibilités du français de
France, puisque la plupart des cas où le déterminant n’apparaît pas avant le nom sont proches de
cas semblables en français de France. Pourtant on n’aura sûrement pas donné d’explication sur
l’origine de cette construction en français du Sénégal. Il est donc indispensable d’approfondir les
faits en étudiant ce qui se passe dans d’autres variétés du français du Sénégal. En particulier, le
statut du déterminant et le caractère obligatoire qu’il a en français de France, dans la plupart des
constructions, ne s’applique pas au français du Sénégal.
L’étude de la typologie des langues du monde montre qu’il existe, pour l’énoncé d’un
même fait ou d’une même idée, des possibilités de constructions variées, mais, en fin de compte,
limitées. Parmi toutes les possibilités de constructions qui existent, chaque communauté fait son
choix, sans qu’on puisse actuellement déceler avec certitude ce qui le détermine. Divers facteurs
entrent en jeu, qui influencent certainement la tendance communautaire, parmi lesquels des
facteurs intrasystémiques, relevant du système interne de la langue, des facteurs intersystémiques,
relevant du contact de plusieurs langues, et des facteurs extrasystémiques, extérieurs à la langue
(1ère partie, quatrième chapitre). La situation linguistique du Sénégal rend possible ces trois
facteurs.
Cependant, on ne peut pas diviser les faits propres au français du Sénégal et les classer
selon le facteur qui les a occasionnés. Les trois types de facteurs sont souvent mêlés dans
l’élaboration de la variation. Le système de détermination du nom en français du Sénégal peut
fournir un exemple : les variations observées exploitent et étendent des possibilités du français de
France, dans la mesure où les langues sénégalaises fournissent des modèles d’autres structures, et
dans le mesure aussi où les variantes répondent aux objectifs de la communication au sein de la
communauté. En fait, au niveau discursif, les informations données par les déterminants du
65
français de France sont jugées inutiles puisque leurs valeurs ne sont pas univoques et qu’elles
peuvent presque toujours être comprises sans eux par tout sénégalais. Dans cette situation, le
déterminant zéro à valeur générique qui existe dans les langues africaines au Sénégal est
incorporé au système du français du Sénégal et, de la même façon, l’omission du déterminant,
possible aussi en langues africaines, est adoptée par le français du Sénégal. Ces deux faits
correspondent aux caractéristiques du discours sénégalais où une forte présence commune des
interlocuteurs en situation de communication est requise pour une production de sens du discours
en interactivité. Des informations qui sont données en français de France par des constituants
essentiels de la phrase seront considérées, en français du Sénégal, superflues si elles peuvent être
comprises autrement, c’est – à – dire selon des connaissances extralinguistiques communes, et les
items qui véhiculent ces informations ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Elles ne seront
spécifiées que pour obtenir un effet de redondance. D’autre fois, elles seront considérées comme
des précisions informatives annexes, qu’il n’est pas nécessaire de donner lors d’un premier
discours.
Du fait de la situation du français langue seconde, même si une part importante de locuteurs
sont francophones et que la diffusion du français au Sénégal a parfois une dimension intra –
familiale et intra – communautaire, le français du Sénégal appartient aux domaines périphériques
de la variation, puisque la grande majorité des locuteurs sont, au moins, bilingues. Plusieurs
phénomènes atteignent des zones invariantes dans d’autres variétés du français, du fait du contact
linguistique qui touche les conditions de transmission du français. L’étude du français au Sénégal
ne vient pas directement à l’appui de la théorie zéro, qui s’applique en priorité aux situations
d’unilinguisme, mais confirme, après confrontation des conclusions avec les observations faites
sur le français en zone native unilingue, l’interprétation de certains phénomènes par des
processus d’autorégulation, et montre la similitude de certaines stratégies d’appropriation.
Ainsi cette étude sur la description des variations morphosyntaxiques du français du
Sénégal nous permet d’envisager, pour la thèse de doctorat, l’étude des usages particuliers du
français dans ce pays afin de proposer aux Etats Généraux de l’Education et de la Formation une
nouvelle conception d’enseignement et d’analyse du français du Sénégal. Les enquêtes réalisées
au cours de nos recherches nous ont aidé à découvrir que les sénégalais s’approprient la langue
66
française dans différents registres. C’est ce qui fait que, dans cette prochaine étude, nous
rechercherons ces phénomènes de langue aussi bien à l’oral qu’à l’écrit car les écrivains
sénégalais parviennent aussi à mettre en scènes différents personnages qui ont chacun une
appropriation propre du français, différente de celle des autres. En effet, comme en français de
France, cette étude nous amènerait à montrer qu’en français du Sénégal, il existe aussi les mêmes
mentions « populaire », « courant », « soutenu », « littéraire » etc. Ce qui nous amène donc à
poser la question des modes d’appropriation du français du Sénégal.
67
ABREVIATIONS DES SIGLES UTILISES
ACCT : Agence de Coopération Culturelle et Technique, créée en 1970, aujourd’hui AIF.
AEF, AOF : Afrique Equatoriale Française et Afrique Occidentale Française.
AUF : Agence Universitaire de Francophonie (ex. AUPELF – UREF).
AUPELF – UREF : Association des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue
française (créée en 1961) et Université des Réseaux d’Expression Française (créée en 1988).
CLAD : Centre de Linguistique Appliquée de Dakar.
CNREF : Commission Nationale de Réforme.
GRFL : Groupe de Recherche en Formation Linguistique.
INEADE : Institut Nationale D’Etude pour le Développement de l’Education.
LADL : Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique, Université de Paris 7.
PPF : Pour Parler Français.
UNESCO : Organisation Des Nations Unies pour l’Education, le Science et la Culture.
68
ANNEXES
69
GRILLE D’ENTRETIEN
INTRODUCTION
Le français contemporain parlé au Sénégal doit être analysé comme langue seconde,
c'est – à – dire comme une langue introduite par superposition, et qui, par voie de conséquence,
n’occupe que partiellement le spectre du champ communicationnel entre sénégalais. L’essentiel
des interactions entre nationaux se fait dans des situations non formelles, en langues nationales et
principalement en wolof dans les milieux urbains. Cette caractéristique sociolinguistique invite à
aborder l’étude du français au Sénégal sous le double éclairage de l’analyse interlinguistique et
intralinguistique. L’analyse intralinguistique permettra d’approcher la variation due au système
interne de la langue française (les multiples croisements sémantiques et syntaxiques possibles) et
l’analyse intersystémique nous révélera l’influence des langues nationales sur le français produit
par les nationaux (processus de restructuration du français par les langues nationales comme
domaine propice de l’innovation lexicale).
C’est ce dernier aspect de l’analyse qui retiendra le plus notre attention dans cette étude et
qui nous permettra de mettre en exergue l’existence d’un usage local du français au Sénégal à
partir de l’oral. L’oral sera le support à partir duquel nous observerons les variations
morphosyntaxiques de ce français du Sénégal.
Ce travail constitue simplement une tentative pour tâcher de voir un peu plus clair le
problème des variations dans les productions orales des sénégalais. Cette démarche est utilisée
pour mieux faire ressortir les écarts morphosyntaxiques produits dans la langue cible dus à une
parfaite maîtrise de la langue maternelle.
70
Déroulement des enquêtes orales
Entretiens et sollicitation de variationsLes entretiens se présentent sous forme directive, voire sous forme de dialogue
(question / réponse) pour les locuteurs réticents ou de scolarisation moyenne, soit sous forme
semi – directive pour les véritables lettrés. Interroger les peu lettrés s’est avéré utile parce que
leurs textes en français est truffé de termes de marques wolof, signe incontestable de la présence
de cette langue dans l’environnement linguistique des Sénégalais. Pour susciter l’utilisation de
variations, on a souvent adopté un niveau de langue moyen afin de situer les interactions au
niveau mésolectal. On s’est souvent présenté comme un curieux qui voudrait connaître la
dénomination des choses.
Les locuteurs à ciblerLes catégories socioprofessionnelles suivantes ont été interrogées dans cette étude :
- les élèves et étudiants (locuteurs potentiels de la variété mésolectale, compte tenu de
leur nombre d’années de scolarisation) ;
- les commerçants qui vendent des produits importés au Sénégal et qui ont laissé leur
famille au pays ;
- Les travailleurs (fonctionnaires et artisans d’origine sénégalaise travaillant en France)
Les thèmes porteursLes études, le travail, le mariage, l’immigration, le syndicalisme et la politique sont
autant de sujets de discussion susceptibles de faire émerger l’usage des variations
morphosyntaxiques du français au Sénégal.
Exploitation des cassettesOn perdrait beaucoup de temps de faire la transcription fidèle de toutes les productions
ainsi recueillies avant de commencer le relevé des variations morphosyntaxiques. Ainsi malgré ce
manque de temps, on a adopté la démarche suivante : écouter et réécouter tout le texte et relever
71
seulement la partie qui contient une variation et son contexte significatif.
Corpus Etudes
« depuis des années et des années les élèves partent en mouvement + les
professeurs partent en mouvement + » (Etudes)
La suite « partir en mouvement » dans le sens de « partir en grève » (on
parle plutôt de «mouvement syndical »), fait de mouvement une valence lexicale
de partir.
« nous savons nous tous qui sommes ici présents + qu’ici à l’université on y
rencontre tant de problèmes + qu’on sait plus par où se donner la tête + »
(Etudes) (transition à pronominal)
Ces variations peuvent aussi être considérées comme le résultat d’un apprentissage scolaire
non réussi. Il est difficile, dans le discours, de faire très nettement la différence entre ce qui
relèverait d’une influence intrasystémique et de ce qui serait la conséquence d’un apprentissage
scolaire non satisfaisant. Les influences sont parfois superposables.
« si on ne peut pas satisfaire la nourriture quotidienne on ne pourra pas
satisfaire les problèmes universitaires » (Etudes)
« aller en grève + chaque année + et ne jamais être satisfait + c’est pas du tout
intéressant + il faut qu’on choisisse » (Etudes)
« les leçons sont beaucoup présentées ici qu’au Sénégal » (Etudes) (mieux
présentées)
« dans un deuxième temps + je vais essayer de + parler un tout petit peu des
des conditions des étudiants des problèmes que nous rencontrons le plus
souvent » (Etudes) (l’emploi de un tout petit peu calqué du wolof tuuti rek)
« bon on a constaté que ce qu’ on nous a donné + c’est plutôt théorique que
72
pratique » (Etudes)
« Les aides vous le savez + en fait au début + c’était deux cent mille et quelque
etc neuf mois » (Etudes)
« parce que ça c’est un suicide comment vous pouvez dire à un père de famille
qui compte sur ses enfants » (Etudes) (comment + maintien de l’ordre)
« quel sentiment il aurait + han + y a lieu de se poser la question » (Etudes)
« quelle fac vous faites » (Etudes)
« bon donc il y a encore un problème de formation qui se pose et qui encore à
l’origine de cette crise que nous traversons + que l’Université se trouve »
(Etudes)
« nous devons lutter lutter avec les armes que nous disposons c'est-à-dire la
grève » (Etudes)
« une fois qu’on a compris peut être qu’il s’agit d’analyser ah + une opinion
du type un peu + ce qu’ on a ce qu’on parlé + » (Etudes)
« l’autre jour euh + y a pas longtemps d’ailleurs + je euh discutais avec euh
un des responsables + que je préfère taire le nom » (Etudes)
« mais à l’heure à l’heure actuelle pense tu qu’il est possible de chasser le
président qui est au pouvoir depuis dix ans » (Etudes)
« alors ça euh a amené beaucoup de problèmes + et beaucoup de déboires au
sein de cette Université là quoique + les gens ont lutté + de toue leur force + »
(Etudes) (quoique + indicatif)
Corpus Mariage
« c’est ça que moi je condamne mais je ne dis pas que qu’on doive assigner à
la femme mariée + de faire ceci ou cela » (Mariage)
« vous faites un lavage de cerveau la fille habite chez elle + elle et son papa
qui est qui est censé de lui donner tout ce qu’elle veut + » ( Mariage)
73
« on + écoute écoute + tu n’a pas le droit de commenter sur le comportement
de la femme d’autrui » (Mariage)
« on ne peux pas empêcher aux femmes de de mettre des dialdialis des
thiourayes non » (Mariage)
« malheureusement les femmes ne sont pas préparées à vivre de cette manière
là et nous nous les garçons même ne sommes pas préparés à vivre de cette
manière là alors c’est que nous aspirons + » (Mariage) ( peut être
remplacé par vouloir)
« mais puisque les hommes savent que en emmenant plusieurs femmes + et en
en en se procréant plusieurs enfants + mais ça crée des problèmes » (Mariage)
« quand on est à la maison on doit s’occuper de son travail on doit faire la
vaisselle et autres + » (Mariage)
« la société musulmane + les gens + les hommes il ont tendance à avoir
plusieurs femmes. (Mariage)
« ceux qui ont les moyens + il marie qu’une seule femme » (Mariage)
« disons que les temps ne sont pas plus + que les temps anciens » (Mariage)
« en tout cas je suis un tout petit peu d’accord avec vous mais entièrement quoi
» (Mariage)
« mais est ce que ces vêtements européens + hein + qui est à la mode
actuellement chez nous + correspond + à nos réalités » (Mariage)
« par exemple une femme qui est honnête + hônnete dans le sens qui vous dit
toujours la vérité avec laquelle + vous sortez tous les jours + mais il est
difficile de voir ça +» (Mariage)
« oui une évaluation mais en au sens depuis la dot qu’est ce qui suit qu’est ce
qui suit jusqu’à ce que finalement tu peux consommer ton mariage » (Mariage)
(jusqu’à ce que + indicatif)
74
Corpus Immigration
« mais ces conditions sociales là ce mal là il faudra essayer de le remédier de
de comment on dit ça de le réparer est ce que tu vois » (Immigration)
(croisement avec pallier)
« on ne peut pas obliger pas les gens de s’habiller de manière vraiment qui va
devenir dictatoriale par exemple » (Immigration) (emploi de « de » à la place
de « à »)
Corpus Travail
« pour qu’il n’ait pratiquement pas de bruit il faut qu’on change toutes les
pièces là » (Travail)
« donc le travail est tellement dur + il faut il faut la force humaine + tu vois +
l’énergie humaine » (travail)
« les bruits + on ne peut pas les éliminer totalement » (Travail)
« on met les Européens dans ces même conditions il ne vont pas réussir sinon il
ne vont pas faire plus que nous ça je vous le garantis » (Travail) (mieux que
nous)
« comment est ce qu’ on définit la marchandise » (travail)
« non non non il fallait qu tu sois là + sinon quand je dépanne + comment est
ce que tu comprendre la panne qui est à l’intérieur » (Travail)
« l’année passée + c’était une année test + seulement parce que je ne savait
pas que les choses allaient réussir comme ça » (Travail)
« ce qu’ on ne peut pas faire dans le cadre de nos travaux respectifs –il ne faut
pas que le syndicat nous sert à cela » (Travail)
Article de journaux
75
« après la conférence rectificatif de 1967 + tous les organes dirigeant du parti
+ à à l’époque + qui était le seul parti marxiste au Sénégal + la parti africain
de l’indépendance + le P.A.I. Sénégal + alors tous les postes + dirigeants +
tous les dirigeants + au niveau supérieur comme au niveau + inférieur + ces
gens là ont été suspendus de leur fonction + on a crée une direction nationale
provisoire » (Article du journal Le soleil).
« la cessation de toute publication + avant la restructuration du parti + pour
savoir + les anciens dirigeants + pourquoi ils étaient pas au congrès » (article
d’un journal) (pourquoi + sans inversion)
76
LISTE DES PERSONNES À INTERROGER
Première personne
Nom : Mbaye Dieng
Age : 33 ans
Sexe : masculin
Profession : étudiant
Langues parlées autre que le français : wolof, toucouleur
Domaines de pratique du français : études, conversation avec des amis
Deuxième personne
Nom : Fatou Coundoul
Age : 23 ans
Sexe : féminin
Profession : étudiante
Langues parlées autre que le français : wolof
Domaines de pratique du français : études,
77
Troisième personne
Nom : Soda Gueye
Age : 52 ans
Sexe : féminin
Profession : commerçante
Langues parlées autre que le français : wolof
Domaines de pratique du français : commerce
Quatrième personne
Nom : Lamine Touré
Age : 34 ans
Sexe : masculin
Profession : travailleur intérimaire dans le bâtiment
Langues parlées autre que le français : travail
Domaines de pratique du français : bambara
Cinquième personne
Nom : Viviane Diémé
Age : 31 ans
Sexe : féminin
Profession : serveuse
Langues parlées autre que le français : diola, wolof
Domaines de pratique du français : restaurant
78
Sixième personne
Nom : Ibra Mbaye
Age : 28 ans
Sexe : masculin
Profession : élève
Langues parlées autre que le français : wolof
Domaines de pratique du français : études
Septième personne
Nom : Maguette Berra
Age : 25 ans
Sexe : féminin
Profession : étudiante
Langues parlées autre que le français : diola, wolof
Domaines de pratique du français : études
Huitième personne
Nom : Samba Bâ
Age : 52 ans
Sexe : masculin
Profession : cuisinier
Langues parlées autre que le français : peul
Domaines de pratique du français : travail
79
Neuvième personne
Nom : Maryse Badji
Age : 26 ans
Sexe : féminin
Profession : femme de ménage
Langues parlées autre que le français : diola, wolof
Domaines de pratique du français : travail
Dixième personne
Nom : Sangue Thioune
Age : 37 ans
Sexe : masculin
Profession : commerçant
Langues parlées autre que le français : wolof
Domaines de pratique du français : commerce
Onzième personne
Nom : Ousmane Thiaw
Age : 48 ans
Sexe : masculin
Profession : électricien
Langues parlées autre que le français : wolof
Domaines de pratique du français : travail
80
BIBLIOGRAPHIE
Michelle AUZANNEAU, « Identités africaines : le rap comme lieu d’expression », in Cahiers
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... PREMIERE PARTIE : PRELIMINAIRES A UNE DESCRIPTION DE LA VARIATION ...................
CHAPITRE PREMIER : La notion générale de variation linguistique ........................................................ 1. Variation par rapport à la norme ............................................................................................................................... 2. Variation par contact de langues .............................................................................................. 3. Variation selon le domaine d’observation ................................................................................
CHAPITRE DEUXIEME : Les cadres méthodologiques de l’étude de la variation ..................................... 1. Apport du variationisme ........................................................................................................... 2. Apport du classement des situations linguistiques ..................................................................
CHAPITRE TROISIEME : La variation en syntaxe ......................................................................................
CHAPITRE QUATRIEME : La théorie du « français zéro » .........................................................................
DEUXIEME PARTIE : ............................................................................................................................... CHAPITRE PREMIER : Le français de la colonie du Sénégal ......................................................................
1. Les contextes d’interactions langagières .................................................................................. 1.1 Les lieux de travail ............................................................................................................. 1. 2 L’armée ................................................................................................................................ 1.3 L’école ................................................................................................................................
2. Les éléments de description du français utilisé à l’époque coloniale .................................... CHAPITRE DEUXIEME : Historique de l’apprentissage du français au Sénégal ......................................
1. Première période : 1830 - 1965 ................................................................................................... 2. Deuxième période : 1965 - 1980 ................................................................................................. 3. Troisième période 1981-1991 ...................................................................................................... 4. Quatrième période à partir de 1991... .........................................................................................
CHAPITRE TROISIEME : La situation du français au lendemain des indépendances .............................. 1. Les enrichissements régionaux ................................................................................................. 2. La coloration africaine .............................................................................................................. CONCLUSION ............................................................................................................ PARTIELLE
TROISIEME PARTIE : .............................................................................................................................. CHAPITRE PREMIER : présentation de la recherche morphosyntaxique ..................................................
CHAPITRE DEUXIEME : La morhosyntaxe du syntagme verbal et nominal ............................................ 1. Autour du verbe .........................................................................................................................
1.1 Valence particulière ........................................................................................................... 1.2 Transitif direct à transitif indirect ....................................................................................
1.2.1 Préposition zéro .......................................................................................................... 1.2.3 Confusion de préposition ...........................................................................................
1.3 De transition à pronominal ............................................................................................... 1.4 Distribution des rections autour du verbe constructeur ................................................ 1.5 L’emploi des quantificateurs autour du verbe ................................................................
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1.5.1 « plus » à la place de « mieux » ................................................................................. 1.5.2 « un tout petit peu » dans la rection verbale ........................................................... 1.5.3 L’emploi de « et quelque » .........................................................................................
1.6 L’interrogation et la relative ............................................................................................. 1.6.1 L’interrogation .................................................................................................................
1.6.1.1 Absence d’inversion .................................................................................................. 1.6.1.2 Interrogation indirecte ...........................................................................................
1.6.2 La relative ................................................................................................................... 1.7 Temps et modes ..................................................................................................................
2. Autour du nom ............................................................................................................................................................... 2.1 Omissions et variations du déterminant en français du Sénégal ................................... 2.2 La détermination du nom et la discussion sur le déterminant zéro et sur l’omission du déterminant en français de France ......................................................................................... 2.3 Le déterminant zéro en français du Sénégal ...................................................................
2.3.1 Le déterminant zéro à valeur générique en français populaire sénégalais ........... 2.3.2 Figement du déterminant zéro de certains noms prédicatifs en français du Sénégal… ....................................................................................................................................
2.4 Remarques sur l’emploi des déterminants possessif, partitif, défini et indéfini en français du Sénégal ........................................................................................................................
3. La distribution de là et là – bas dans le corpus Oral .................................................................................................... 3.1 Là démarcatif du syntagme nominal ....................................................................................... 3.2 Là dans la structure de type là + CV ....................................................................................... 3.3 Là – bas locatif .........................................................................................................................
4. L’usage de prépositions autour du nom ....................................................................................................................... 5. L’emploi de ça et de cela .............................................................................................................
5.1 L’emploi de ça .......................................................................................................................... 5.2 L’emploi de cela ..................................................................................................................
CONCLUSION ............................................................................................................................................ ABREVIATIONS DES SIGLES UTILISES ............................................................................................. ANNEXES ................................................................................................................................................... BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... TABLE DES MATIERES………………………………………………………………………….….93
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