lettre à mme michaëlle jean

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Très Honorable Michaëlle Jean Secrétaire générale de la francophonie 1921 avenue Bosquet • 75007 Paris (France) OBJET : Demande d'appui des étudiant(e)s internationaux. Sauvons la relève francophone. Sauvons l'éducation. Moncton, NouveauBrunswick, le 08 Avril 2015 Madame Jean Je vous écris la présente, au nom du bureau exécutif de l’Association des étudiantes et étudiants internationaux du campus universitaire de Moncton (AÉÉICUM) ainsi que de son conseil d’administration. L’association représente 875 étudiant(e)s internationaux présent(e)s au campus de Moncton. Notre présence a beaucoup d’impacts positifs pour la ville de Moncton, et pour la province du NouveauBrunswick. Nous sommes francophones, présents sur une durée moyenne de 3 ans par promotion entrante à l’université. Dans un contexte où préserver la langue française dans les institutions et les entreprises est un défi, nous représentons un potentiel incontournable, et nous devons être pris en compte dans les stratégies et politiques socio linguistiques. L’ Université de Moncton est l’institution postsecondaire accueillant le plus grand nombre d’étudiant(e)s internationaux francophones au NouveauBrunswick, et constitue un important canal d’injection linguistique dans la région. Toutefois, depuis quelques années, force est de constater que l’université adopte des budgets ayant pour résultat – on l’imagine, involontairement d’inciter les étudiant(e)s internationaux, et même Canadien(ne)s, à migrer vers d’autres universités francophones. Les coupures budgétaires faites au niveau du corps professoral forcent à supprimer des postes de professeurs permanents par attrition. Cela induit une situation où les chargé(e)s de cours deviennent de plus en plus nombreux. Bien que certain(e)s soient d’ancien(ne)s titulaires, ils ont moins de temps et de moyens pour mener des recherches, et beaucoup plus d’étudiant(e)s à gérer. La qualité de l’éducation pour laquelle nous, internationaux, payons si cher s’en trouve menacée. Nous devenons nousmêmes appréhensifs de la perception qu’auront les employeurs de nos diplômes, et décidons volontairement d’aller dans des établissements plus chers, mais avec une meilleure qualité d’enseignement. Le nombre d’inscriptions des étudiant(e)s a chuté de 8% de 2013 à 2014, sans compter le nombre d’étudiant(e)s qui rebroussent chemin dès leurs 2 premières semaines de cours à Moncton , mais ceci n’est qu’une facette de la situation. L’autre facette concerne les droits de scolarité, qui augmentent de manière imprévisible chaque année pour nous, parce que les mesures de plafonnement de la hausse des droits de scolarité ne touchent que nos collègues Canadien(ne)s. Une limite de 3% prévalait à cet effet en 20132014.

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Lettre à Mme Michaëlle Jean

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Page 1: Lettre à Mme Michaëlle Jean

Très Honorable Michaëlle JeanSecrétaire générale de la francophonie19­21 avenue Bosquet • 75007 Paris (France)

OBJET :  Demande  d'appui  des  étudiant(e)s  internationaux.  Sauvons  la  relève francophone. Sauvons l'éducation.

Moncton, Nouveau­Brunswick, le 08 Avril 2015

Madame Jean

Je vous écris  la présente, au nom du  bureau exécutif de l’Association des étudiantes et étudiants internationaux du campus universitaire de Moncton (AÉÉICUM) ainsi que de son conseil  d’administration.  L’association  représente  875  étudiant(e)s  internationaux présent(e)s au campus de Moncton. 

Notre présence a beaucoup d’impacts positifs pour la ville de Moncton, et pour la province du Nouveau­Brunswick. Nous  sommes  francophones,  présents  sur  une  durée moyenne de 3 ans par promotion entrante à  l’université. Dans un contexte où préserver  la  langue française dans les institutions et les entreprises est un défi, nous représentons un potentiel incontournable, et nous devons être pris en compte dans les stratégies et politiques socio­linguistiques.

L’ Université de Moncton est l’institution postsecondaire accueillant le plus grand nombre d’étudiant(e)s  internationaux  francophones  au  Nouveau­Brunswick,  et  constitue  un important canal d’injection linguistique dans la région. Toutefois, depuis quelques années, force  est  de  constater  que  l’université  adopte  des  budgets  ayant  pour  résultat  –  on   l’imagine,  involontairement  –  d’inciter  les  étudiant(e)s  internationaux,  et  même Canadien(ne)s, à migrer vers d’autres universités francophones. 

Les coupures budgétaires  faites au niveau du corps professoral  forcent à supprimer des postes de professeurs permanents par attrition. Cela induit une situation où les chargé(e)s de cours deviennent de plus en plus nombreux. Bien que certain(e)s soient d’ancien(ne)s titulaires, ils ont moins de temps et de moyens pour mener des recherches, et beaucoup plus  d’étudiant(e)s  à  gérer.  La  qualité  de  l’éducation  pour  laquelle  nous,  internationaux, payons  si  cher  s’en  trouve  menacée.  Nous  devenons  nous­mêmes  appréhensifs  de  la perception qu’auront les employeurs de nos diplômes, et décidons  volontairement d’aller dans des établissements plus chers, mais avec une meilleure qualité d’enseignement. Le nombre d’inscriptions des étudiant(e)s a chuté de 8% de 2013 à 2014, sans compter  le nombre d’étudiant(e)s qui rebroussent chemin dès leurs 2 premières semaines de cours à Moncton , mais ceci n’est qu’une facette de la situation. 

L’autre  facette  concerne  les droits de scolarité,  qui  augmentent de manière  imprévisible chaque année pour nous, parce que les mesures de plafonnement de la hausse des droits de scolarité ne  touchent que nos collègues Canadien(ne)s. Une  limite de 3% prévalait à cet effet en 2013­2014. 

Page 2: Lettre à Mme Michaëlle Jean

Or les frais de scolarité des étudiant(e)s internationaux ont augmenté de 10% en 2013 et de 3% en 2014. En 2015­2016, le gouvernement provincial a décidé de geler les frais de scolarité  sans  augmenter  le  financement  aux  universités,  toujours  sans  préciser  si  cela concerne uniquement  les étudiant(e)s  canadien(ne)s ou non. Cela oblige  l’Université de Moncton  à  prendre  des  décisions  cruciales  pour  son  budget  2015­2016,  qui  nous  sera présenté  lors  de  la  prochaine  réunion  du  Conseil  des  Gouverneurs,  le  samedi  11  avril 2015.  Nous  rappelons  qu’un  gel  de  l’embauche  est  toujours  en  vigueur,  et  que l’Association des Bibliothécaires, des Professeures et des Professeurs de  l’Université de Moncton (ABPPUM) est actuellement en conciliation avec  la haute administration pour y mettre fin. Vous comprendrez donc notre difficulté, comme celle de nos parents, à planifier des budgets plausibles pour la suite de nos études. Cela nous pousse à passer beaucoup plus de  temps à gagner  un  salaire,  pour  épargner  nos parents  en évitant  de demander toujours plus d’argent. Notre rendement académique s’en  trouve évidemment affecté, ce qui s’ajoute à la situation du corps professoral énoncée précédemment. 

Des efforts sont possibles en présence de bonne volonté. Nous avons bien vu comment l’Université  d’Ottawa  s’y  prend  pour  alléger  le  fardeau  financier  des  étudiant(e)s internationaux francophones. Une exonération importante leur est accordée, réduisant leur facture au niveau de celle des étudiant(e)s canadien(ne)s. 

Nous avons formulé nombre de propositions à l’université et au gouvernement dans le but de  trouver  des  solutions  ensemble.  Malgré  nos  revendications  pacifiques,  notamment notre  marche  en  2014  (voir  le  lien  web  en  annexe)  et  nos  tables  rondes,  rien  n’y  fit. L’université fait des efforts, il faut le reconnaitre, pour améliorer les services à notre égard. Mais quant à nos soucis financiers, comme envers la qualité de l’enseignement reçu, nous déplorons un statu quo inexplicable. Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie. 

Toute  cette  situation  favorise  l’exode  des  étudiant(e)s  et  des  diplômé(e)s  vers  d’autres provinces  canadiennes,  voire  à  l’étranger.  La  province  du N.­B.  aurait  tout  à  gagner  en développant de meilleures politiques à l’égard des étudiant(e)s internationaux. Le taux de vieillissement de  la population néo­brunswickoise est  aujourd’hui  alarmant,  avec un âge médian  d’au  moins  40  ans.  De  plus,  les  étudiant(e)s  internationaux  représentent  une injection financière nette pour la province, et un bassin de compétences important pour le marché  du  travail  et  l’entrepreneuriat.  Nous  ne  comprenons  toujours  pas  pourquoi  le gouvernement  et  l’université  choisissent  d’ignorer  ce  potentiel,  tel  que  le  révèle  leurs actions. Nous entendons de beaux discours, mais tristement les actions ne suivent pas. 

Mme  la  secrétaire  générale,  nous  souhaitons  que  vous  rencontriez  les  autorités  de l'Universié  de  Moncton,  et  Monsieur  le  Premier  ministre  du  Nouveau­Brunswick  Brian Gallant, afin de donner une plus grande portée à notre voix et à nos revendications que nous avons toujours voulues pacifiques.Nous demandons un plafonnement de la hausse de nos droits de scolarité à 3% et moins, un délai plus  raisonnable pour  faire  les demandes de  résidence permanente  (passer de 1an et plus à 6 mois et moins). Nous demandons que notre  temps passé à  l’université  soit  considéré  comme au moins une  année  d’expérience  de  travail  sur  le  territoire  canadien,  car  nous  occupons  des emplois  à  temps  partiel,  nous  nous  impliquons  dans  des  associations,  nous  faisons  du bénévolat auprès de divers organismes.Merci pour  le  temps que vous consacrez déjà à  la  lecture de cette  lettre. Nous sommes joignables au [email protected] et sur notre site web http://www.aeeicum.ca en tout temps.

Dans l'attente d'une réaction de votre part, veuillez accepter, madame, nos salutations et nos respects les meilleurs.

Hervé GBEDJI

Page 3: Lettre à Mme Michaëlle Jean

Président  de  l'Association  des  Etudiantes  et  Etudiants  Internationaux  du  Campus Universitaire de Moncton. A prendre en considération:Mon mandat présidentiel  prend  fin  le 31 Avril  2015. Le bureau entrant  sera  très  ravi  de travailler avec vous suite à vos réactions.

Annexe

Ressources médiatiques: 

Statistiques des inscriptions pour l'année 2014­2015.

http://www.acadienouvelle.com/actualites/2015/02/18/les­etudiants­internationaux­sinquietent/?pgnc=1

http://maui­lefront.blogspot.ca/2013/04/hausse­des­frais­de­scolarite.html

http://www.acadienouvelle.com/actualites/2013/04/13/droits­de­scolarite­manifestation­a­luniversite­de­moncton/

http://www.rcinet.ca/fr/2014/02/10/nouveau­brunswick­manifestation­detudiants­internationaux/