les plantagenêts : un empire au moyen age
DESCRIPTION
Que sait-on vraiment de ces rois qui ont fait l’Angleterre ? L’empire que fonde Henri II vers 1154 s’étend de l’Ecosse aux Pyrénées, tenant la dragée haute à l’empereur germanique, au roi capétien, au pape… jusqu’à ce que les querelles dynastiques, les guerres avec les barons, les confl its avec Philippe Auguste n’entraînent le repli sur les îles Britanniques. C’est là que, renonçant au rêve continental, les Plantagenêts jettent les bases d’une monarchie qui dure encore, comme nous l’expliquent les meilleurs spécialistes français et anglais. Par Mathieu Arnoux, Martin Aurell, David Bates, Jacques Berlioz, Jean-Louis Biget, Amaury Chauou, David Crouch, Jacques Dalarun, François Dufay, Christopher Fletcher, Jean Flori, Véronique Gazeau, Jean-Pierre Genet, Georges Minois, Nicholas Vincent.TRANSCRIPT
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8 Les CoLLeCtions de L’Histoire n°59
Abonnez-vous pAge 83 - Toute l’actualité de l’histoire sur histoire.presse.frCe numéro comporte deux encarts jetés : L’Histoire (kiosques France et export, hors Belgique et suisse) et edigroup (kiosques Belgique et suisse)
4 repères cartographiques
6 Chronologie
Chapitre 1La fabrique d’un empire 10 La prise du pouvoir par Henri ii
Entretien avec� David Bates
18 Les sept vies d’Aliénor Par Martin Aurell
22 Les règles de l’amour courtois Par Jean Flori
26 on a retrouvé la tombe du roi Arthur !Par Amaury Chauou
30 thomas Becket : meurtre dans la cathédrale Par Véronique Gazeau
Chapitre 2Une puissance européenne 36 L’empire plantagenêt, c’est un homme
Par Martin Aurell
46 Le pouvoir et la pierre Par Jean-Louis Biget
52 richard Cœur de Lion, le roi chevalier Par Martin Aurell
54 Philippe Auguste : le grand rival 59 trois tombeaux pour un corps
60 Guillaume le Maréchal, rebelle et fidèle Par David Crouch
62 rouen, capitale commerciale Par Christopher Fletcher
Chapitre 3Naissance de l’Angleterre 66 Jean sans terre, le mal aimé
Par Georges Minois 69 Bouvines : la défaite finale
70 robin des Bois a-t-il existé ? Par Jean-Philippe Genet
72 Le repli sur l’Angleterre 73 des moines et du poison
74 Les barons jouent et gagnent Par Nicholas Vincent
76 ils ont inventé la monarchie anglaise Entretien avec� Jean-Philippe Genet
80 richard iii le dernier des Plantagenêts
84 Fontevraud, l’écrin de pierre des Plantagenêts Par François Dufay
86 Une nécropole royale
90 débat : l’empire plantagenêt a-t-il existé ? Avec� Mathieu Arnoux, David Bates et Jean-Philippe Genet
94 Lexique
96 A lire, voir et écouter
SommaireLes CoLLeCtions de L’Histoire n°59 - avriL-juin 2013
L’Empire plantagenêt
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Le roi, L’évêque et Les soLdats
Henri II affirme son pouvoir face à l’Église et à la noblesse
(manuscrit du xve siècle).
1.C’est par la volonté d’un homme, Henri II, l’époux d’Aliénor d’Aquitaine, que le royaume d’Angleterre se construit des îles Britanniques aux Pyrénées. Un vaste espace que le Plantagenêt tient fermement.
La fabrique d’un empire
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Professeur à l’université de Poitiers et membre du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, Martin Aurell est notamment l’auteur de L’Empire des Plantagenêt, 1154-1224 (Perrin, 2003) et Le Chevalier lettré : savoir et conduite de l’aristocratie aux xiie et xiiie siècles (Fayard, 2011).
Reine de France puis d’Angleterre, mère de dix enfants, femme de pouvoir et d’intrigues… Aliénor d’Aquitaine a tout pour fasciner. Mais qui était vraiment cette reine dont l’existence semble résumer l’Empire plantagenêt ? Par Martin aurell
Les sept vies d’Aliénor
N ée en 1124 de l’union du duc* d’aqui-taine Guillaume X de poitiers et d’aliénor de Châtellerault, aliénor devient dès 1137, à l’âge de 13 ans, héritière de l’aquitaine lorsque son père meurt sans héritier mâle lors
de son pèlerinage à saint-Jacques-de-Compostelle. Ce qu’on appelle alors l’aquitaine comprend la Gascogne, le poitou et le Limousin (cf. p. 20) : un très beau parti… que la couronne de france emporte. L’entourage du roi Louis Vi, moribond, fait en effet immédiatement jouer la tutelle féodale sur l’orpheline : aliénor épouse en juillet 1137 celui qui devient roi dès le mois de décem-bre suivant sous le nom de Louis Vii.
Le pLus beau parti d’europedans un premier temps, les deux époux sont alliés
à la tête du royaume. en 1141, le roi de france mène une campagne contre toulouse, lieu d’expansion tra-ditionnel du duché d’aquitaine. et, en 1147, lorsqu’il part pour la croisade*, aliénor l’accompagne. Mais, au retour de l’expédition, Louis Vii prétend se séparer d’elle. il avance le prétexte d’une consanguinité entre les époux (ils ont pour ancêtre commun le roi de france robert le pieux, mort en 1031). Le motif réel est qu’aliénor ne lui a donné que deux filles en une quinzaine d’années : la succession dynastique se trouve en péril.
faut-il rechercher la raison de cette faible fécon-dité dans le respect rigoureux par le roi des périodes
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gd’abstinence conjugale que l’Église conseille alors ? on rapporte qu’aliénor se serait plainte un jour d’avoir « épousé, non pas un roi, mais un moine ! » Quoi qu’il soit arrivé, ou pas arrivé, dans la chambre du roi, en 1152 une assemblée d’évêques réunie à Beaugency constate la nullité du mariage.
aliénor reste un beau parti. Mais elle ne peut demeu-rer sans mari, sous peine de courir le risque de se faire enlever par un baron désirant récupérer son héritage. Le danger est bien réel : sur le trajet entre Paris et Poitiers, le siège de sa cour aquitaine, elle manque de se faire ravir à deux reprises, par le comte* de Blois thibaud V – qui devait se contenter, l’année suivante, des fiançailles avec alix, le bébé d’aliénor – et par geoffroi, le frère d’Henri ii, alors duc de normandie et promis à la couronne d’angle-terre. arrivée à Poitiers, aliénor écrit à Henri qu’elle est libre de se marier : il est à ses yeux le seul prince digne d’elle. Bien conscient des avantages politiques d’un tel mariage, Henri ii se presse et leur union est célébrée le 18 mai 1152 à Poitiers. Mais ce mariage n’a rien de
royal. il est préparé à la hâte et célébré devant un petit groupe d’intimes : on craignait que certains cherchent à empêcher l’union – à commencer par Louis Vii.
s’étaient-ils vus avant ce jour de printemps ? Vraisemblablement lors de l’hommage* prêté, l’été 1151, par Henri au roi de France pour la normandie. Les chroniqueurs, en tout cas, n’hésitent pas à parler de la beauté d’aliénor, et, aussi, de l’ardeur et de la jeunesse
– il a neuf ans de moins qu’elle – d’Henri ii, qui auraient séduit la duchesse d’aquitaine.
Reine d’AngleteRReen 1154, à la mort d’Étienne de Blois, Henri devient
roi d’angleterre, et aliénor, reine pour la seconde fois. on ne sait si elle est couronnée en même temps qu’Henri. Le couple royal demeure en angleterre un an environ,
Puissante de son vivant, célèbre aPrès sa mort Aliénor, duchesse d’Aquitaine et reine de France à 13 ans, reine d’Angleterre à 28 ans, vécut jusqu’à l’âge de 80 ans. Ci-dessus : son gisant à Fontevraud ; à gauche, son sceau, qu’elle place toujours au bas des documents aquitains.
36 Les CoLLeCtions de L’Histoire n°59
L’Empire pla ntagenêt,c’est un hom meL’Empire plantagenêt est-il une réalité ? Henri II, en tout cas, a cherché à l’imposer, en lui donnant une cohérence idéologique et administrative.Par MartIn aurELL
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Le coupLe royaL Sur ce détail d’une fresque de la chapelle Sainte-Radegonde, à Chinon, datant du xiiie siècle, on voit, à l’extrême gauche, Aliénor d’Aquitaine, et, à droite, sans doute Henri II.
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A ppeler « empire plantage-nêt » le conglomérat de principautés territoriales que les comtes* d’Anjou ont tenté, tant bien que mal, de gouverner en un demi-siècle, entre 1154 et 1204, ne va pas de soi. Le terme a du moins le
mérite de rendre compte d’un ensemble politique qui s’étend sur des territoires au statut différent.
Certes, le mot latin imperium ne lui est que très exceptionnellement attaché par les contemporains. et il supporte mal la comparaison avec les grands empires de l’histoire, avec lesquels il ne peut se mesu-rer ni pour l’étendue ni pour la durée – en particulier l’empire romain germanique (cf. p. 39).
Henri ii lui-même ne reprend dans ses chartes que ses différents titres territoriaux : « roi d’Angle-terre, duc* de Normandie et d’Aquitaine et comte d’An-jou » – la Bretagne, dont le duc est son fils Geoffroi, échappe à cette titulature.
sans être un empire au sens propre, l’ensemble de ces territoires si disparates et si rapidement concen-trés dans les mains d’Henri ii avait de quoi surpren-dre ses contemporains. Comte d’Anjou et du Maine par son père Geoffroi le Bel et duc de normandie par sa mère Mathilde l’emperesse, il adjoint, en 1152, avec Aliénor, le duché d’Aquitaine dont elle est l’héri-tière. deux ans plus tard, il est couronné roi d’Angle-terre. en 1155, il prend la Bretagne. enfin, au cours des années 1170, des chevaliers* normands, partis du pays de Galles, conquièrent l’est de l’irlande.
L’Empire pla ntagenêt,c’est un hom me
46 Les CoLLeCtions de L’Histoire n°59
L es châteaux* élevés à l’initiative des prin-ces et des rois du Moyen Age illustrent d’évidence leur pouvoir. il en va pour les Plantagenêts comme pour les Capétiens, engagés dans une surenchère de démons-trations, en particulier à la frontière de
la normandie et de l’ile-de-France. L’érection des monastères et des cathédrales pré-
sente-elle aussi une portée dynastique ? Longtemps, la question n’a fait aucun problème et l’histoire des monuments religieux était rapportée aux cadres poli-tiques. Ainsi parlait-on d’un « gothique plantagenêt ». Puis certains auteurs ont soutenu l’idée que l’archi-tecture religieuse n’entretenait aucun lien avec les faits politiques, que l’art porterait en lui ses propres dynamiques. L’exemple des Plantagenêts contrevient cependant à de telles assertions, contraires à la réa-lité médiévale.
dans une époque où la religion est consubstantielle à la société et où l’Église se confond avec la communauté sociale qu’elle unifie, le pouvoir du prince et celui des clercs sont liés de manière intime. Le prince se présente comme investi d’une charge et d’une autorité spirituel-les ; ainsi Henri ii se veut-il défenseur de la foi, maître et protecteur de l’Église, en même temps qu’il la
Professeur émériteà l’École normale supérieure de Lyon, Jean-Louis Biget est notamment l’auteur de Hérésie et inquisition dans le midi de la France (Picard, 2007). Il est aussi le codirecteur, pour le Moyen Age, de l’Histoire de France (Belin, 2009-2012).
Dans le Maine, l’Anjou, le Poitou, au cœur de l’empire des Plantagenêts, se définit et se développe, sous l’égide d’Henri II et de ses fils, une variété particulière du gothique. Par Jean-Louis Biget
Le pouvoir et la pierre
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Poitiers
Poitiers : la Plus grande cathédrale Plantagenêt 110 mètres de longueur, 30 de largeur : les dimensions de la cathédrale de Poitiers égalent celles des cathédrales de l’Ile-de-France. Le monument possède toutefois des caractères originaux. Cette église-halle à trois vaisseaux, au-dehors, fait bloc comme une forteresse. Dans l’architecture religieuse plantagenêt, le souci de l’enveloppe externe demeure très secondaire, au rebours de la recherche esthétique dont témoigne « l’œuvre de France » pour l’environnement extérieur des cathédrales. La diffusion du style « angevin » en Poitou marque l’affirmation du pouvoir plantagenêt dans cette région.
le roi, serviteur du christ Un des chefs-d’œuvre du vitrail roman occupe le centre de la baie axiale du chevet de la cathédrale de Poitiers. Il figure, en son centre, un grand Christ en croix, les yeux ouverts. Au sommet : l’Ascension ; le Christ entouré par des anges bénit de la main droite et tient dans sa main gauche le Livre de Vie, sous les yeux des apôtres et de Marie. En bas : la Crucifixion de saint Pierre, patron de la cathédrale et premier chef de l’Église, est mise en relation avec celle de Jésus. Sous la Crucifixion de saint Pierre, apparaît un couple de personnages portant couronne, accompagné de leurs enfants (ci-contre). Ils ont été identifiés à Henri II et Aliénor. Genoux fléchis en signe d’adoration, ils présentent au Christ le vitrail qu’ils ont offert à la cathédrale. Par ses dons et son action, la monarchie est associée dans le plan du salut à l’Église du Christ et à son chef, successeur de Pierre.
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L’Histoire : En 1204, Jean sans Terre est battu par Philippe Auguste : les Plantagenêts perdent toutes leurs possessions continentales sauf la Guyenne*. Est-ce pour autant la fin de leur histoire ?Jean-Philippe Genet : non, l’histoire de la dynastie plantagenêt continue : ils restent au pouvoir jusqu’à la mort de richard iii, en 1485. seule l’histoire de l’empire plantagenêt s’arrête en 1204, et encore : l’idée demeure dans les esprits des rois pendant les règnes de Jean sans terre, qui se poursuit jusqu’en 1216, et d’Henri iii, mort en 1272 ; les Plantagenêts courent encore alors après le rêve continental.
Le règne d’Henri iii est particulièrement désastreux puisque celui-ci tente par tous les moyens de récupérer
Professeur à l’université Paris-I, Jean-Philippe Genet travaille sur la naissance de l’État moderne à la fin du Moyen Age. Il a notamment publié La Genèse de l’État moderne. Culture et société politique en Angleterre (PUF, 2003).
Au-delà de leurs ambitions territoriales, les Plantagenêts ont eu une vraie vision de l’État. Avec eux commence à se mettre en place la monarchie anglaise moderne, administrative et représentative.Entretien avec Jean-PhiliPPe Genet
Ils ont inventé la mo narchie anglaise
richard� à westminster Devant le Parlement anglais, une statue de Richard Cœur de Lion à cheval, datant du xixe siècle.
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ses territoires en france, sans jamais y parvenir : les vic-toires de saint Louis à taillebourg et à saintes en 1242 mettent fin à ses espoirs, d’autant que, faute de moyens, il ne parvient même plus à contrôler la situation en gascogne. il s’engage en outre dans une entreprise extravagante concernant le royaume de naples : c’est l’« affaire de sicile ». Le pape veut profiter de la mort de l’empereur frédéric ii de Hohenstaufen en 1250 pour briser son encerclement – l’empereur est roi d’italie et son fils bâtard Manfred roi de sicile. il cherche donc un candidat au trône de sicile, et Henri iii propose son fils, edmond : cela uniquement dans le but de contrer l’influence française.
Henri iii se lance dans ces différentes aventures sans le consentement de ses propres sujets. Mais il a besoin, pour les financer, de lever un impôt. or il se heurte à un refus pur et simple de ses barons* : l’angleterre, selon eux, n’a pas à intervenir dans ces affaires ; leurs ressour-ces ne doivent pas contribuer à autre chose qu’au bien public anglais, qui n’est pas menacé en l’occurrence.
ainsi commence la seconde guerre des barons, qui va durer deux ans, en 1264-1265. sur le plan militaire, après beaucoup de difficultés, Henri iii et son fils, le futur Édouard ier, qui triomphe des barons à la bataille
d’evesham (1265), l’emportent. Mais cet affrontement voit surtout les deux partis, simon de Montfort, le chef des barons coalisés, comme Henri iii, en appeler à la mobilisation en leur faveur des différents groupes sociaux (les nobles, les membres de la gentry�, le clergé et la bourgeoisie urbaine en premier lieu) ; et pour cela, les consulter sans cesse afin d’obtenir leur accord. C’est bien la naissance alors, en angleterre, d’une société politique. or celle-ci n’approuve guère les ambitions impériales, très coûteuses, d’Henri iii. L’empire, au xiiie siècle, n’est plus un rêve que pour le roi.
L’H. : C’est le repli sur l’Angleterre…J.-P. G. : a dire vrai, ce mouvement de repli, sanc-tionné par la perte des possessions continentales en 1204, a commencé trente ou quarante ans plus tôt. depuis la conquête de 1066, les barons possédaient des terres à la fois en angleterre et sur le continent (en normandie en premier lieu). or, au xiiie siècle, le nom-bre de ces grands nobles proprement anglo-normands a beaucoup diminué : le partage des terres entre les fils, selon la coutume normande, a créé de fait, au fil de générations, des lignées indépendantes en angleterre et sur le continent.
Ils ont inventé la mo narchie anglaiseÉlisabeth ii à Fontevraud� En 1963, la reine d’Angleterre visite la nécropole des Plantagenêts.
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