les mots et les choses : le problème du...
TRANSCRIPT
-
Les mots et les choses : le problme du Cratyle
Patrick Sriot, 19 fvrier 2013
-
Quel est le rapport entre le langage et la pense?
Le rapport conventionnel ou naturel des mots et des choses : le problme du Cratyle
-
Platon428-348 av J.C.
-
Le problme du Cratyle :la rectitude des noms, ou justesse des noms
-
Saussure : CLG, p. 97
-
A Athnes, au Ve s. av. J.-C. tout le monde parle de la rectitude des noms
(, )
opposition
loi () / nature ()
-
Hermogne(disciple de Protagoras) :
Cratyle (disciple dHraclite) :
thse conventionnaliste ()
thse naturaliste ()
est conventionnel dpend de larbitraire des
hommes, des coutumes
est naturel est une correspondance
totale
chaque objet a reu une dnomination juste, qui lui revient selon une convenance
naturelle
le lien mots/choses
chaque objet a reu une dnomination juste, qui lui revient selon une
pure convention
-
Hermogne(disciple de Protagoras :
Cratyle (disciple dHraclite) :
Protagoras : lhomme est mesure de toute chose
-> cest lhomme qui donne un sens toute chose
La vrit du monde appartient au monde social humain
= thse relativiste et subjectiviste
Hraclite : on ne se baigne jamais deux fois dans le mme
fleuve-> tout est dans un flux
perptuel, or on ne peut rien dire de vrai de ce qui change, donc il ne faut plus rien dire
-
Les noms sont corrects par /en nature (), partout, chez les Grecs
comme chez les Barbares
Hermogne(disciple de Protagoras :
Cratyle (disciple dHraclite) :
La justesse des noms ne repose sur rien dautre que la convention () et laccord (), les lois () et les
coutumes ()
-
La dispute se divise en 2 parties
1) Socrate contre Hermogne :
les mots ne sont pas arbitraires(ex. du matre et de lesclave)
2) Socrate contre Cratyle :
les mots ne peuvent pas tre un guide sr pour la connaissance des choses
-
Socrate :
larbitraire (le conventionel) = mdiocrit.
tous les mots qui ne sont pas le mot juste se valent (Hermogne)
-> chacun deux est exactement nimporte lequel le mot juste est unique, difficile trouver
-> les spcialistes sont rares
-
Le symbolisme phontique (427)
[r] : mouvement.Ex : couler, courant
Tous ces mots-l, lauteur des noms les rend expressifs au moyen du r : il voyait, je suppose, que cest sur cette lettre que
la langue sarrte le moins et vibre le plus
[ph], [ps], [s], [z] : aspiration, souffle, agitationEx : froid, vibrer. Tous ces phonmes comportent une aspiration.
[d], [t] : force dappui et de compression de la langue : enchanement, arrt
-
Les tymologies socratiques
= analyses syntagmatiquescf. Saussure :
cerisier = cerise + ier (motivation relative)
(vrit) = + (course + divine)
cf. Jean-Pierre Brisset : en socit = en sauce y tait
= (qui donne le vin)
= (qui examine ce quila vu)
-
notion centrale : refus de larbitraire par la motivation
-
notion de motivation relative
-
la signification des noms communs
corps = signe / tombeau
le corps est la fois le signe et le tombeau de lme
donc le mot est juste et bien trouv
ex : tymologie daffinit
-
Socrate refuse la thse de Protagoras (lhomme mesure de toute chose) :
cest une thorie individualiste de la connai-ssance, qui se fonde sur lapparence () cest une mauvaise thse ontologique : absence de permanence de ltre au-del de lapparence
rduction du savoir la sensation, sans accs la ralit stable, qui nest pas relative nous (386e1-2) consquence : le vide des noms, limpossibilit de dsigner ou dnoncer quoi que ce soit
-
Socrate le faux arbitre :les noms sont des instruments dots dune certaine
nature, pour enseigner les choses
mais ce sont des instruments faillibles
-
Comment parle-t-on du langage en Grce lpoque de Platon?
a) la :
apprentissage lmentaire de la lecture et de lcriture
lecture commente des potes
b) spculations sur les lettres, en parallle aux spculations sur les lments physiques
-
Pourquoi la Athnes au Ve s av. JC?
adoption de lalphabet phnicien analyse du flux sonore en lments et non plus en
syllabes fixation rcente par crit de la posie homrique
difficults de lecture et de dinterprtation
lire = dchiffrer, reconnatre () tradition de mfiance envers lcriture,
responsable dambiguts
criture en majuscules, continue, sans espaces, non ponctue et non accentue
-
pourquoi ltymologie? objectif pratique de lart des lettres :
sparation et identification des mots ambigus,reconnaissance des syllabes possibles auxquelles on avait
commenc attacher un sens
critre de cette division pour identifier le mot= ce quon appellera plus tard tymologie
peut tre lu - : non-tant - : nallant pas - : non-mobile
-
le but de Socrate :
ramener toute la culture de son poque ses origines : la lecture des potes
dnoncer tous les cultes du mot quelle a engendrs
cultes tous fonds sur lide errone dun accs possible la ralit par le mot
-
Socrate sait que cette activit de dcodage des homophones est fonde sur des principes hypothtiques, qui peuvent tre
errons :
il ne propose pas de retrouver le vrai nom ()
il se contente de dire des noms quils sont corrects, clairs, ou quils sajustent () la nature de leur
rfrent
-
Rappel : Hermogne est lorigine dune tradition qui aboutit Saussure :
les signes entirement arbitraires ralisent mieux que les autres lidal du procd smiologique (CLG, p. 101)
-
Socrate nest pas anticratylien : il ne rejette que la variante extrmiste soutenant la ressemblance absolue du mot la
chose432 :
contre le portrait parfait qui serait un vritable double de son modle
contre la mimologie parfaite qui ferait du langage un double de la ralit
(voir le texte de J.-L. Borges : De la rigueur de la science), ou la carte lchelle 1:1
-
Les objections de Socrate Cratyle :
il y a des mots mal composs du point de vue de la valeur phonique : (duret) contient un [l], expressif de
la douceur
il y a des mots mal forms du point de vue de ltymologie : (science) arrte () lesprit
-
Position de Socrate : les mots peuvent tre mal forms.
nulle dgradation ou dcadence historique de la langue (thse romantique)
La malformation est originaire .
Socrate refuse toute mythologie relative un ge dor linguistique, une langue originaire parfaite et ultrieurement
trahie par lhistoire.La langue parfaite na jamais exist, les mots mal forms ont
bien t mal forms, et non pas dforms la longue.
-
Socrate : lonomaturge, ds lorigine, a pu se tromper.
-> on aurait pu ne pas se tromper
-> il y a donc une sorte de vrit du langage par rapport quoi se produit lerreur du nomothte
Cette erreur est inacceptable pour Hermogne comme pour Cratyle : tous les noms sont justes
Hermogne : parce quune convention est toujours juste, mme si on la modifie
Cratyle : parce que le langage peut imiter les choses et que lonomaturge na pas pu se tromper.
Les noms qui ne sont pas justes ne sont pas des noms.
-
Socrate :
ne croit pas la justesse des noms
ce nest pas des noms quil faut partir pour connatre les choses, mais des choses elles-mmes
mais il croit en la possibilit dune justesse des noms, ou capacit mimtique des lments du langage
il ne croit pas que lexpressivit phonique prside invitablement la constitution du lexique (=pour lui la
langue)
-
Le lexique est souvent infidle :
[r] indique le mouvement et [l] la douceur
mais (mouvement) ne content pas de [r]
et (duret) contient un [l]
lonomaturge sest tromp, mais cette erreur suppose, en la trahissant, une vrit des sons que la langue trahit (= rvle
et abandonne
-
Conclusion :
les humains souffrent de la division :
-
entre les langues (Tour de Babel)
entre les langues (Tour de Babel)
-
entre les mots et les choses
-
entre les hommes et les femmes
-
Masaccio, 1425
-
Mallarm par Manet, 1876
-
Les langues, imparfaites en cela que plusieurs, manque la suprme (Crise de vers, 1886)
-
Lidal utopique de la langue est la non-langue
comme lidal utopique de la socit est une dlivrance dfinitive de toute division
la socit sans classes
la race pure et sans mlange
le corps sans parasite
le corps enfin dlivr de la souffrance de la sparation et donc du dsir : idal de mort