les instruments de la politique Énergétique suisse
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Les instruments de la politique énergétique suisseTRANSCRIPT
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4 La Vie conomique Revue de politique conomique 3-2006
La consommation de ptrole en Suisse
Le ptrole couvre 57% de la consommation nergtique finale suisse. La demande atteint prs de 12 millions de tonnes par an (250 000 barils/jour), ce qui reprsente environ 0,3% de la consommation mondiale.
56% de ce total sont utiliss sous forme de carburants pour les transports, 44% comme combustibles de chauffage et pour lindustrie. Comme tous les pays industrialiss, la Suisse sest efforce de rduire sa consommation de ptrole aprs le choc ptrolier de 1973. En
deux ans, la consommation chuta de plus de 10%, mais elle sest plus ou moins stabilise depuis (voir graphique 1). Alors que la con-sommation de combustibles a diminu de 45% en 30 ans, celle de carburants a pro- gress de 74%.
Lvolution inverse des combustibles et des carburants sexplique par le fait que les possibilits de remplacer le ptrole ne sont pas les mmes selon lusage qui en est fait. Les combustibles sont plus facilement subs-tituables, car il existe des solutions de rem-placement concurrentielles (gaz naturel, d-chets, biomasse, pompes chaleur). En revanche, le ptrole est beaucoup plus diffi-cile remplacer dans les transports tant donn le faible potentiel de carburants de substitution.
Lconomie suisse a une faible intensit nergtique et ptrolire pour des raisons structurelles (peu dindustrie lourde et de production dlectricit partir dnergies fossiles). Cependant, la consommation de ptrole par habitant est denviron 8% sup-rieure la moyenne de lUE, principalement parce que la Suisse se chauffe plus au ptrole que dautres pays.
Les instruments de la politique nergtique suisse pour rduire la consommation de ptroleLa consommation de ptrole par
habitant est suprieure dans no-
tre pays la moyenne de lUE, en-
tre autres parce quil y est plus
faiblement tax. Ceci attire les
automobilistes trangers tandis
que le mazout rsiste davantage
aux nergies de substitution que
dans dautres pays. Selon le pro-
gramme SuisseEnergie, qui
doit permettre datteindre les
objectifs fixs par la loi sur le CO2,
la demande dnergies fossiles
devra baisser de 10% dici 2010.
Cet objectif ne pourra gure tre
atteint sans mesures supplmen-
taires. La consommation de
ptrole pourrait diminuer de 30%
dici 2035 avec lintroduction
dune taxe sur le CO2 applique
aux combustibles et aux carbu-
rants, une rforme de la fiscalit
sur les carburants et un systme
bonus-malus sur les vhicules.
Jean-Christophe FegDlgu aux Affaires nergtiques internatio- nales, Office federal de lnergie (Ofen), Ittigen b. Bern
Lconomie suisse connat une faible intensit nergtique et ptrolire. Cependant, la consommation par habitant est denviron 8% suprieure la moyenne de lUE, principalement parce que la Suisse se chauffe plus au ptrole que dautres pays. En illustration: entreposage ptrolier sur le port rhnan de Ble. Photo: Keystone
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5 La Vie conomique Revue de politique conomique 3-2006
Origine des importations de ptrole
Environ 37% des besoins suisses sont im-ports sous forme de ptrole brut pour les raffineries de Collombey et Cressier: sa pro-venance est connue. Les 63% restants sont des produits raffins imports de cinq pays (Alle-magne, Belgique, France, Italie, Pays-Bas). Lorigine du brut utilis la base ne peut tre identifie. Nanmoins, les statistiques de ces cinq pays permettent dextrapoler la dpen-dance indirecte de la Suisse. Il en rsulte que la
rpartition gographique de lapprovisionne-ment suisse est quilibre (voir graphique 2): 44% provient dAfrique, dont 22% de Libye (principalement du brut), suivie du Nigeria (11%) et de lAlgrie (5%); 21% proviennent de la mer du Nord; 18% du Moyen-Orient (principalement Iran et Arabie saoudite), ainsi que 17% dex-Union sovitique, dont 14% de Russie.
Les cadres de la politique nergtique
Lobjectif du programme nergie2000 lan-c en 1990 tait de stabiliser la consommation dnergies fossiles. Or il na pas t atteint, la consommation ayant augment de 8,9% pen-dant les annes nonante. Elle aurait, toutefois, progress de 5,3% supplmentaires en lab-sence dnergie2000.
Le programme suivant, SuisseEnergie, a pour objectif de rduire jusquen 2010 la con-sommation dnergies fossiles de 10% par rapport lan 2000. SuisseEnergie est un des principaux instruments pour atteindre les objectifs de la loi sur le CO2 entre en vigueur en 2000. Conformment au Protocole de Kyoto, celle-ci prescrit de rduire dici 2010 de 10% les missions de CO2 en Suisse.
La loi sur le CO2 prvoit dintroduire une taxe sur les missions de dioxyde de carbone au cas o les mesures volontaires ne suf- firaient pas les rduire dans les proportions prvues. ce jour, les missions se sont sta-bilises au niveau de 1990; la Suisse nest donc pas sur la bonne voie. Selon les prvisions, sans taxe CO2, les missions ne diminueront que de 3,9% (alors que lob- jectif est de 10%); les missions provenant des combustibles baisseront de 11,4% (ob-jectif 15%), alors que celles des carburants augmenteront de 8,5% (objectif 8%).
tant donn lcart qui sannonce avec les objectifs viss, des mesures supplmentaires simposent. Cest pourquoi le Conseil fdral a propos dintroduire une taxe sur le CO2 appli-que aux combustibles et un centime climati-que sur les carburants ce dernier lessai jusqu fin 2007. Le centime climatique est prlev depuis octobre 2005; la taxe sur le CO2 doit encore tre approuve par le Parlement.
Les instruments destins rduire la consommation de carburants
Le secteur des transports pose un norme dfi en raison de la croissance effrne de la mobilit et du manque de carburants de subs-titution. Les mesures pour endiguer la con-sommation de carburants visent augmenter le rendement des vhicules, de rduire lim-pact environnemental des carburants et de dvelopper la politique des transports.
En milliers de tonnes
Total Combustible Essence et diesel Carburants daviation
0
2000
1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
4000
6000
8000
10 000
12 000
14 000
16 000
Source: Ofen / La Vie conomique
Graphique 1
volution de la consommation finale de produits ptroliers en Suisse, 19502004
Surfaces claires: produits raffins (extrapolation);Surfaces fonces: ptrole brut
Libye: produits raffins
Nigeria: produits raffins
Algrie: produits raffins
Mer du Nord: produits raffins
Iran: produits raffins
Libye: ptrole brut
Nigeria: ptrole brut
Algrie: ptrole brut
Reste de lAfrique
Iran: ptrole brut
Ex-URSSReste du Moyen-Orient
17% 19%
3%
5%
3%21%
3%
4%
11%
2%
3%
9%
Source: AIE / La Vie conomique
Graphique 2
Origine des importations de ptrole suisses, 2004
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La fiscalit sur les carburants: En Suisse, lessence est moins taxe que dans dautres pays ouest-europens. La charge fiscale en Suisse est environ de 50%,1 alors quelle dpasse 60% dans dautres pays pour attein-dre jusqu 70% en Grande-Bretagne. Les-sence meilleur march, particulirement par rapport aux pays voisins o les prix sont suprieurs de 10% (Autriche) plus de 20% (France, Allemagne, Italie), attire un tourisme la pompe considrable. En revanche, le diesel est grev plus lourdement en Suisse que dans les pays environnants (except lItalie).
Le centime climatique (1,5 ct/litre) est pr-lev depuis octobre 2005. Il sagit dune me-sure volontaire de lconomie qui ninflchit gure la demande. En revanche, une taxe sur le CO2 de 1530 ct/litre sur les carburants, comme le prvoyait la variante maximale du Conseil fdral, aurait rduit la consomma-tion de 12% par rapport au niveau de 1990; il faut, cependant, prciser que 60% de cette rduction serait due la disparition du tou-risme la pompe, ce qui aurait aussi occa-sionn des pertes substantielles de recettes fiscales. La demande en carburants sest tou-jours avre fortement inlastique du moins moyen terme. Les chiffres provisoires de lUnion ptrolire pour 2005 indiquent, mal-gr les prix records, une lgre augmentation
des ventes de carburants, le diesel progressant petit petit, mais rguliment.
Une rforme de la fiscalit sur les huiles mi-nrales laquelle naura aucun effet budg-taire est prvue dici 2007 pour promouvoir des carburants plus efficaces et cologiques. Les biocarburants, qui nmettent pas de CO2, devraient tre exonrs, et le gaz naturel moins metteur de CO2 devrait tre moins tax. Ces exonrations doivent tre compen-ses par une adaptation de la taxation de lessence afin de maintenir les recettes ni- veau constant.
La redevance poids lourds lie aux presta-tions (RPLP) compte parmi les mesures de politique des transports les plus efficaces. De-puis son instauration en 2001, elle a permis de diminuer de 8% le trafic sans rduction de volume des marchandises, seulement en am-liorant le rendement des transports. La Suisse a jou un rle de pionnier en Europe avec la RPLP: lAllemagne et lAutriche lui ont em-bot le pas et dautres pays (Grande-Bretagne, Sude, Tchquie) envisagent des mesures si-milaires.
La convention avec les importateurs dauto-mobiles prvoit dabaisser la consomma- tion moyenne des nouvelles voitures de 8,4 li-tres/100 km en 2000 6,4 litres/100 km en 2008. Fin 2004, la consommation moyenne tait de 7,82 litres/100 km, ce qui dmontre la
Environ 40% de la consommation suisse de ptrole est destine au chauffage, ce qui est important compar dautres pays europens au climat froid. Cela est, entre autres, d au fait que la promotion des nergies ou systmes de chauffage de substitution a t moins appuye chez nous.
Photo: Keystone
1 Administration fdrale des douanes, novembre 2005.
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ncessit dun effort supplmentaire. Lti-quette automobile, introduite en 2003, permet de sensibiliser les acheteurs. Laugmentation annuelle des parts de march des vhicules les plus efficients (catgories A et B) est estime 1,5%. Un systme de bonus-malus sur la fisca-lit des vhicules aurait acclr les ventes de vhicules conomes, mais cette mesure a t
abandonne par le Conseil fdral lautomne 2005. Selon des modlisations, ce systme aurait permis aux vhicules de catgories A et B de gagner jusqu 6% de parts de march supplmentaires.
Les instruments destins rduire la consommation de combustibles
En Suisse, plus de 80% de la consommation de combustibles est le fait du chauffage (60% pour les mnages et 20% pour les entreprises et le secteur public); moins de 20% servent produire de la chaleur industrielle.
Les prescriptions disolation thermique des btiments que la Suisse promeut depuis des annes sont parmi les meilleures en Euro-pe. Selon la Constitution, les normes pour les b-timents relvent des cantons. Vingt-deux cantons (86% de la population) ont adapt leur lgislation aux modles de prescription et normes SIA. Treize cantons (plus de 60% de la population) ont t plus loin en limitant 80% la chaleur produite partir dnergies fossiles dans les nouvelles constructions. Dix-huit cantons encouragent Minergie, un standard plus exigeant utilis pour plus de 10% des nouvelles constructions. Le dcompte indivi-duel des frais de chauffage responsabilise les consommateurs, mais il nest prescrit que pour les nouveaux btiments. Durant la deuxime moiti de la dcennie, SuisseEnergie se concentrera sur les rnovations de bti-ments o des retards considrables saccumu-lent. Lintroduction dun passeport btiment est lexamen; cette mesure dj connue dans quelques pays de lUE confre une valeur com-merciale au profil nergtique dun btiment.
Plus encore que lessence, la fiscalit suisse sur le mazout frappe par son niveau particuli-rement bas par rapport aux autres pays euro-pens. Mme avec une taxe sur le CO2, la Suisse demeurerait le pays dEurope o le ma-zout serait le plus avantageux. LAgence Inter-nationale de lnergie (AIE) a encourag plusieurs reprises la Suisse taxer plus lourde-ment le mazout, ce qui inciterait en amliorer le rendement.
Le mazout a bnfici durant de longues annes dun prix avantageux par rapport aux autres nergies comme le gaz naturel, le bois ou les pompes chaleur. Cest une des principales raisons pour lesquelles ces dernires nont pas pu gagner plus rapidement des parts de mar-ch (voir graphique 3). Le prix du combustible est important lors du choix dune chaudire: cest ce que dmontre lacclration des ventes de pompes chaleur son taux de croissance a doubl au dernier trimestre 2005 pour attein-dre 2530% depuis lenvole du prix du mazout ces deux dernires annes. Actuelle-ment, une nouvelle construction sur trois, et
Encadr 1
Perspectives 2035
LOffice fdral de lnergie (Ofen) labore des perspectives nergtiques lhorizon 2035 pour permettre au Conseil fdral de prendre des dcisions de principe pour la politique nergti-que venir. Celles-ci simposent lapproche de plusieurs chances: il faudra prolonger le pro-gramme SuisseEnergie et la loi sur le CO2 aprs 2010, dterminer des objectifs climatiques pour la suite du Protocole de Kyoto en 2012, et cou- vrir lapprovisionnement en lectricit partir de 2015 lorsque les premiers contrats de fourniture avec la France expireront et les premires cen-trales nuclaires suisses fermeront.
Le Scnario Ib postule une politique nergti-que plus ambitieuse que lactuelle, savoir: une taxe sur le CO2 applique aux combustibles ainsi quaux carburants, un systme de bonus-malus pour les automobiles, ainsi quune rforme de la fiscalit des carburants. On suppose, en outre, que le prix du ptrole (en termes rels) restera constant jusquen 2030, le programme Suisse-Energie continuera avec ses ressources actuelles, et aucune lectricit ne sera produite partir
dnergies fossiles. Daprs ce scnario, la con-sommation dnergie finale diminuerait de moins de 5% jusquen 2035, celle de carburants ptro-liers dclinerait de 25% alors que le diesel pour-suivrait sur sa tendance (la demande ferait plus que doubler, alors que lessence plongerait des deux tiers). Les carburants de substitution ne fe-raient gure de perces significatives (biocarbu-rants 4%, gaz naturel prs de 6%). La consomma-tion de combustibles diminuerait de 35%. La de-mande en lectricit augmenterait de prs de 25%, entre autres parce que les chaudires ma-zout seraient remplaces par des pompes cha-leur. Lun dans lautre, la consommation totale de ptrole diminuerait de quelque 30%.
Deux scnarios prix levs (50 et 80100 USD/baril) sont en prparation. Sans prjuger de leurs rsultats, lon peut sattendre ce que des prix levs entament moyen terme la consom-mation de combustibles, alors que la consomma-tion de carburants ne flchira qu plus long terme.
En %
Mazout Gaz naturel Bois Pompes chaleur
0
20
40
60
80
100
2003200220012000199919981997199619951994
Source: Ofen / la Vie conomique
Graphique 3
Part de march des diffrentes installations de chauffage en Suisse, 19942003
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plus dune maison familiale sur deux, est qui-pe dune pompe chaleur. Les installations de chauffage bois ont galement progress de 1% 5%. Seule la moiti du bois rcolt en Suisse est utilis des fins nergtiques.
Selon des modlisations, la taxe sur le CO2 applique aux combustibles propose par le Conseil fdral rduirait dici 2010 la consom-mation de mazout de 5 points supplmentai-res (19% au lieu de 14% par rapport 1990).
La loi sur le CO2 permet lindustrie et aux services de conclure avec lAgence de lnergie pour lconomie (AEnEc) des conventions pour conomiser de lnergie et rduire les missions de dioxyde de carbone. Fin 2005, plus de mille entreprises avaient sign des con-ventions; celles-ci couvrent 40% de la consom-mation de combustibles fossiles du secteur. Les objectifs de rduction dmissions de CO2 varient de 19% (AEnEc) 44% (cimentiers).
Comparaison internationale
Environ 40% de la consommation suisse de ptrole est destine au chauffage, ce qui est important compar dautres pays europens au climat froid. Ceci pour deux raisons: relativement peu de ptrole est utilis pour
produire de la chaleur industrielle; les nergies ou systmes de chauffage de
substitution se sont moins dvelopps ou ont t promus avec moins de force que dans dautres pays.
Le gaz naturel a jou un rle prpondrant pour remplacer le mazout dans beaucoup de pays. Ainsi, les Pays-Bas ont russi diminuer, grce leurs gisements abondants, leur con-sommation de ptrole dans les secteurs rsi-dentiels et des services de prs de 90% depuis la premire crise ptrolire. La Sude, dont le rseau gazier est limit en raison de la faible densit de la population, a pu rduire sa con-sommation de mazout de 80% en soutenant massivement lutilisation de ses abondantes ressources forestires ainsi que les pompes chaleur. Lobjectif du gouvernement sudois de sortir du ptrole dici 2020 est trop ambi-tieux en raison du potentiel insuf-fisant des carburants de substitution, mais il parat ra-lisable dans le domaine stationnaire. Le Dane-mark a galement rduit sa consommation de mazout de 80% en dveloppant le chauffage distance, lequel repose largement sur la bio-masse. La France a notamment mis sur le chauffage lectrique.
Pendant les deux dernires dcennies, lAutriche a davantage diversifi ses sources dnergie destines au chauffage que la Suisse, par la promotion de la biomasse et le dvelop-pement du gaz naturel ainsi que le chauffage distance. Ainsi, 52% de la consommation dnergie moyenne dun mnage suisse est couverte par le ptrole, alors quelle nest que de 28% pour un mnage autrichien (voir gra-phique 4). Par contre, 22% de la consomma-tion dun mnage autrichien repose sur la biomasse et les dchets, compar seulement 4% en Suisse.
in %
Charbon Ptrole Gaz nergies renouvelables
Dchets, Biomasse Electricit Chauffage distance
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
AutricheSuisse
Source: AIE / La Vie conomique
Graphique 4
Consommation finale des mnages par source dnergie: comparaison Suisse-Autriche